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Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

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par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

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    Université de Rouen

    U.F.R. des Lettres et Sciences Humaines

    Département d'Histoire

    Julien Vinuesa

    Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet

    (1830-1848)

    Mémoire de maîtrise

    Sous la direction de Jean-Claude Vimont

    Année 2003-2004.

    En couverture : Gustave Rouland, ancien premier avocat général de Rouen (1840-1843), en habit de ministre de l'Instruction publique et des Cultes du Second Empire.

    (site napoleontrois.free.fr).

    Université de Rouen

    U.F.R. des Lettres et Sciences Humaines

    Département d'Histoire

    Julien Vinuesa

    Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet

    (1830-1848)

    Mémoire de maîtrise

    Sous la direction de Jean-Claude Vimont

    Année 2003-2004.

    Introduction :

    « Auprès de diverses juridictions, la loi a établi une magistrature spéciale chargée de représenter la société et, en son nom, de requérir l'application des lois, de veiller à leur observation, de faire exécuter les décisions de justice lorsqu'elles concernent l'ordre public, de défendre les intérêts des incapables. Cette magistrature ou cette fonction, dont les attributions sont si variées et dont le rôle est si étendu, est le ministère public » Francisque Goyet1(*).

    .Les représentants du ministère public, appelés « gens du roi » du temps du Parlement de Normandie, forment auprès d'une juridiction ce que l'on nomme le « parquet », terme qui rappelle qu'au Moyen Âge, les officiers du ministère public ne prenaient pas place sur l'estrade mais plaidaient debout sur le parterre2(*). A fortiori, les parquetiers établis à la Cour d'appel rebaptisée, depuis 1815, Cour royale forment le parquet général.

    Sous la monarchie de Juillet, l'organisation judiciaire se fonde toujours sur les « masses de granit » jetées sous le Consulat et l'Empire. Composé d'un procureur général3(*), d'un premier avocat général, de deux avocats généraux et de deux substituts du procureur général, le parquet général de Rouen exerce l'action publique devant la Cour d'appel de Rouen et devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure4(*). La Cour d'appel de Rouen ou Cour Royale de Rouen possède deux chambres civiles dans lesquelles sont examinés les appels des tribunaux civils et commerciaux, une chambre des appels de police correctionnelle (venant des tribunaux de simple police ou correctionnel) et une chambre des mises en accusation statuant sur le renvoi des inculpés devant la Cour d'assises. Le ministère public agit principalement devant les juridictions pénales où il est « partie principale » alors que pour les affaires civiles, il n'est souvent que « partie jointe ». Même si les compétences du ministère public en matière civile sont grandes notamment en ce qui concerne la surveillance des actes d'état civil ou la protection des faibles (comme les incapables, les aliénés, les absents, les enfants naturels, les enfants en danger ou abandonnés, etc.) , c'est au pénal que le magistrat du parquet peut servir au mieux le gouvernement qui l'a nommé. Comme l'écrit Michèle-LaureRassat : « le ministère public est placé, dans son ensemble, sous l'autorité du pouvoir exécutif, tandis que chacun de ses membres est hiérarchiquement subordonné à son supérieur immédiat : soumission au pouvoir central et organisation hiérarchique entraînant la dépendance ou la subordination »5(*). Le garde des Sceaux, « chef suprême des parquets de France »6(*), exerce directement son autorité sur le procureur général, de la même manière que tous les membres du ministère public dans le ressort de la Cour d'appel parquetiers généraux et parquetiers des tribunaux de première instance (procureurs du Roi et les substituts) doivent obéir au procureur général : « la structure globale du ministère public, rappelle celle d'une pyramide, au sommet de laquelle se situerait le garde des Sceaux »7(*).

    Maître dans son ressort judiciaire qui couvre les départements de la Seine-Inférieure et de l'Eure , le procureur général trace l'unique ligne directrice : devant la Cour d'appel et devant la Cour d'assises, l'action publique engagements des poursuites et réquisitions est exercée par le procureur général en son nom propre, les avocats généraux et les substituts ne l'exercent pas en leur nom personnel8(*). Le parquet général est de ce fait un et indivisible : les parquetiers, interchangeables lors des audiences, doivent se conformer aux conclusions fixées par le chef du parquet et sont conseillés fortement de requérir oralement en ce sens. L'illusoire adage « Si la plume est serve, la parole est libre » prétend laisser une certaine liberté de parole à l'audience mais « c'est beaucoup moins parfois, le droit de parler que celui de se taire »9(*) que les parquetiers réclament : forts d'un silence évocateur, les officiers du ministère public se limitent alors à déposer les réquisitions, sous forme écrite, sur le bureau du juge. Dans la pratique, l'indépendance des parquetiers n'existe pas.

    Du haut de sa tribune, le procureur général est avant tout un « agent du pouvoir exécutif »10(*), chargé de développer les thèses gouvernementales lors des audiences, solennelles ou non. Préfet judiciaire, le procureur général informe régulièrement le garde des Sceaux des événements quotidiens de son ressort11(*). La fidélité au pouvoir politique doit être totale, sous peine de mutation ou de révocation car contrairement aux juges du siège, les parquetiers ne sont pas inamovibles.

    Durant la période de la monarchie de Juillet, vingt-trois parquetiers généraux se succèdent à Rouen, dont cinq procureurs généraux12(*). Plusieurs phases se dessinent pour expliquer l'orientation politique du parquet général : la première 1830-1832 coïncidant avec le « mandat » du procureur général Thil correspond à une période de renouvellement du personnel mais aussi de relative tolérance politique ; la deuxième 1832-1836 illustrée en la personne du procureur général Moyne concorde avec la phase d'affermissement du régime et ouvre un temps de réaction ; la dernière phase 1836-1848 est un long moment de fonctionnement régulier, consensuel et conservateur du parquet général. La tendance politique du personnel parquetier rouennais suit les grands cycles du régime orléaniste : état de fait qui semble normal, puisque le choix des magistrats amovibles est une prérogative des gouvernants.

    A en lire leurs discours, les magistrats du parquet ont une propension évidente à l'élévation morale et à concevoir le palais de justice comme « un monde sacré dont ils sont les prêtres, défendant le sanctuaire contre l'invasion des lâches agités par des mauvaises passions et des sophismes »13(*). La vie du parquetier est paradoxale : soumis à la bonne volonté du gouvernement, impliqué à plus d'un titre dans la vie de la cité et souvent fortuné, le parquetier, tout entier mêlé aux compromissions de la notabilité, ne peut s'empêcher de se sentir investi d'une mission suprême de justice, qui ambitionne moins l'équité que la défense de l'ordre établi. Il est donc intéressant de se demander en quoi ce paradoxe reflète et accompagne la logique du régime. Les dépendances du parquet général avec le politique et les problèmes qu'elles posent seront étudiés. Puis, seront examinées les occupations tant internes que communautaires du notable-magistrat. Enfin, seront abordées, sur le plan judiciaire, les manoeuvres défensives du parquet pour neutraliser les oppositions politiques et assurer l'ordre bourgeois.

    Les dossiers personnels des magistrats ou les correspondances entretenues entre le procureur général et le garde des Sceaux, étant conservés par le ministère de la Justice aux Archives Nationales, le présent travail aborde, grâce aux archives judiciaires départementales de la Seine-Maritime, le rôle des parquetiers dans leurs actions au sein de la Compagnie ainsi que dans leurs travaux judiciaires, à travers notamment les registres des délibérations de la Cour et les dossiers de procédure. Avec la consultation des dossiers de presse et de leurs discours solennels de rentrée seuls témoignages parfois de la vie du magistrat ainsi que de l'ensemble des dictionnaires biographiques, les éléments retrouvés à la Bibliothèque Municipale de Rouen nous ont permis d'ébaucher le parcours des magistrats, complété par ailleurs grâce à l'importante étude de Jean-Claude Farcy Magistrats en majesté et ses utiles annexes14(*). La lecture du Journal de Rouen a également été très précieuse pour suivre l'actualité judiciaire rouennaise et rendre ses acteurs plus vivants.

    1-/ Le parquet général : une institution dépendante des considérations politiques.

    1-1 : Un engagement contrôlé par le pouvoir politique.

    1-1-1 : L'épuration du parquet général en 1830.

    A-Une conséquence normale.

    L'avènement de la monarchie de Juillet provoque un véritable bouleversement dans la magistrature. Les journées qui suivent celles des « Trois Glorieuses » sont marquées par une certaine confusion. Dans les palais de justice règne la plus grande incertitude. La perplexité des magistrats se traduit par un certain attentisme et une multiplication des absences en août. Comme le note Jean-Louis Debré : « en ce début d'août circulent encore dans les provinces françaises, les informations les plus contradictoires »15(*). Cette « intoxication »16(*) amène le greffier en chef Floquet, pourtant consciencieux d'habitude, à rayer la nomination du nouveau procureur général Thil puis finalement de la réécrire17(*).

    Les magistrats les plus embarrassés sont ceux qui ont servi et soutenu le régime précédent, en l'occurrence les magistrats légitimistes. Incorporer le nouveau régime signifie pour certains d'entre eux, renier un engagement politique profond, à l'opposé des valeurs orléanistes18(*). L'exemple du procureur général de Rouen, le baron Alexandre Boullenger, est assez symptomatique du sentiment qui envahit la magistrature légitimiste « disposée ni à la soumission, ni à la complaisance »19(*). Son père, Louis-Charles-Alexandre Boullenger a fait carrière dans la magistrature : président du tribunal civil de Rouen en 1805, il est fait baron par Louis XVIII20(*). Alexandre Boullenger suit la voie paternelle et entre au parquet général de Rouen, dès 1815, comme substitut du procureur général puis avocat général et premier avocat général. Continuant son ascension, il occupe les fonctions de procureur général à Douai puis à Caen. Enfin, une nouvelle nomination le rapatrie à Rouen, le 20 juillet 1829, toujours pour occuper la fonction de procureur général. Alexandre Boullenger fait donc, sous la Restauration, une carrière brillante et ne peut qu'être reconnaissant de ce régime qui a éclairé le destin de son père et surtout le sien. Quant arrive la Révolution de Juillet, Alexandre Boullenger n'a pas une sympathie évidente pour le fils du régicide Philippe-Egalité. Bien que nommé à Amiens comme président de chambre, le 17 août 1830, le baron Boullenger n'accepte pas cette nouvelle place offerte par le régime de Juillet21(*). Fidèle à ses convictions légitimistes, le baron Boullenger se retire définitivement de la magistrature à 39 ans, pour s'occuper de sa petite mairie de Saint-Denis-Le-Thiboult (près de Darnétal).

    Le ministre de la Justice, Dupont de l'Eure, ancien président de chambre à Rouen (révoqué par Louis XVIII22(*)), et Joseph Mérilhou, son secrétaire général au ministère de la Justice (écarté lui aussi par le régime restauré23(*)), tous les deux des épurés de 1815, conduisent les opérations épuratives de 1830, comme une conséquence évidente de l'instauration du nouveau régime. Pour Pascal Vielfaure, l'épuration de 1830 est sans surprise :

    « Sans procéder à une épuration brutale du corps judiciaire, la monarchie de Juillet recourt aux expédients habituels pour s'assurer le concours des juges. Le mimétisme des gouvernants renforce cette idée que les magistrats ne forment pas un pouvoir distinct, mais constituent seulement une autorité importante dans la cité, sous la tutelle permanente du politique »24(*).

    B-Une distribution intéressée des places.

    Les magistrats du parquet sont les premiers touchés. Dans La magistrature sous la monarchie de Juillet, Marcel Rousselet estime qu'à la fin août 23 procureurs généraux sur 27 sont remplacés, et qu'entre août et décembre 1830, 426 membres du parquet sont révoqués25(*). Au parquet général de Rouen, l'épuration touche les trois premiers chefs : le procureur général, le premier et le second avocat général. Comme le souligne Jean-Pierre Royer, l'épuration peut prendre plusieurs formes26(*) : le baron Boullenger refuse une nomination qui peut être considéré comme une disgrâce. Les deux autres, le premier avocat général Le Petit et le second avocat général Lévesque sont écartés du parquet général27(*). Le parquet général est épuré, dans le sens où les postes principaux sont renouvelés. Les têtes des magistrats les plus susceptibles d'avoir profité du régime légitimiste sont tombées. Les autres magistrats sont épargnés, notamment l'ancien avocat général Gesbert et l'ancien deuxième substitut Le Tendre de Tourville, tous deux légitimistes28(*). Dans un article de septembre 1833, le Journal de Rouen se souvient :

    « lors de la réorganisation du parquet de la cour, en août 1830, [l'avocat général Gesbert] n'avait été conservé qu'à grand peine par M. Dupont de l'Eure ; qu'on avait fait passer devant lui M. Boucly, simple substitut, passe-droit douloureux qui ne dut pas l'affectionner à la Révolution de Juillet, [...] peu jaloux de fonctions qui pouvaient l'obliger à donner des preuves de dévouement au nouvel ordre des choses »29(*).

    Dupont de l'Eure use de ce que Jean-Pierre Royer appelle, une « savonnette à légitimistes »30(*) : les ennemis d'hier et les orléanistes d'aujourd'hui sont finalement mis dans le même bain. Pour les nouvelles nominations, Dupont de l'Eure choisit parmi ceux qui se sont opposés au régime de la Restauration : les bonapartistes et les libéraux. Le nouveau procureur général Jean-Baptiste-Louis Thil, est, avant 1830, avocat à Rouen et député aux idées libérales de centre-gauche. Le premier avocat général Alfred Daviel, dont l'exemple est souvent cité31(*), est également avocat à Rouen, profondément libéral mais de tendance bonapartiste. Son opposition pourrait se résumer par un opuscule de 1829 intitulé: De la résistance passive32(*). Le second substitut du procureur général, Hély d'Oissel, auparavant procureur du roi à Evreux, a sans doute profité du prestige de son père bonapartiste33(*) pour entrer au parquet général. En résumé, « l'art d'être orléaniste, c'est d'avoir souffert du régime précédent, de le dire et de le faire dire par ceux qui vous recommandent »34(*). C'est ainsi que le serment se révèle être une assurance et une marque officielle d'attachement des magistrats au nouvel ordre orléaniste.

    1-1-2 : La prestation de serment : une apparente formalité.

    A-Un acte d'adhésion au régime.

    A Rouen, c'est le 3 septembre 1830, au cours d'une cérémonie officielle que le corps judiciaire prête les premiers serments de fidélité à la monarchie de Juillet. Devant la salle de la Cour des assises, le procureur général Thil dépose, sur le bureau du président Eude, la loi et l'ordonnance du 31 août 1830, en vertu desquelles il doit procéder à la prestation du serment des membres de la Cour. Puis :

    « M. Thil, procureur général prononce un discours dans lequel il s'applique à définir la nature du serment en général, à faire sentir la portée de celui que les magistrats et fonctionnaires, présents sont sur le point de prêter, et la sincérité, la loyauté qui doivent présider à cet important engagement »35(*).

    La prestation de serment n'est pas une nouveauté de la monarchie de Juillet. L'idée contemporaine du serment naît à la Révolution (avec celui du Jeu de Paume), se généralise sous le Consulat et l'Empire et s'institue sous la Restauration : la loi du 31 août 1830 conserve la formule héritée d'une circulaire du ministre de l'Intérieur Lainé du 3 juin 1816. Ce serment est rendu nécessaire devant l'instabilité des régimes politiques depuis la fin de l'Ancien Régime. Pour assurer son autorité et asseoir le régime louis-philippard naissant, le « roi des Français » veut fidéliser son administration et s'entourer d'un personnel de confiance. La loi du 31 août expose que sont concernés par la prestation de serment les fonctionnaires de l'ordre administratif, militaire mais surtout judiciaire.

    B-Une cérémonie loin d'être évidente.

    Conformément à la prescription de la loi, le président Eude, après avoir prêté serment lui-même, procède au serment de la Cour. Il « se lève et dit : Magistrats, membres de la Cour royale, pour jurer fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle ». A cette invitation, les présidents, les magistrats du siège et les membres du parquet sont appelés nominativement par le greffier en chef et se lèvent, tour à tour, en répondant : « je le jure ». Lors de cette cérémonie, seuls deux membres du parquet général (Le Tendre de Tourville et Gesbert), rescapés de la purge judiciaire, prêtent serment (le procureur général ayant déjà prêté serment dans les mains du roi le 17 août 183036(*)). Ce serment est un véritable engagement et son exécution ne va pas de soit pour tous les magistrats. Ainsi, le procureur général doit-il prendre acte de la non-comparution de quatre magistrats du siège, par conséquent, fidèles aux idées légitimistes. L'article 2 de la loi du 31 juillet prévoit, de fait, que dans un délai de quinze jours, les magistrats qui ne se sont pas présentés, « seront considérés comme démissionnaires »37(*). Dans leur traité sur le ministère public, Ortolan et Ledeau mettent l'accent sur la différence qui existe entre la prestation de serment et l'installation :

    « Il ne faut point confondre la prestation de serment avec l'installation. Le serment constitue ce qu'on nomme la réception ; quant à l'installation, c'est la solennité par laquelle le magistrat est mis sur son siège, admis pour la première fois à prendre possession de la charge qui lui est confiée »38(*).

    La suite de la cérémonie du 3 septembre 1830 vérifie cette distinction : après le serment de la Cour, le procureur général, qui présente trois nouveaux membres du parquet général, demande à ces derniers de prêter serment :

    « MM. Alfred Daviel, Boucly et Hély d'Oissel, tous en robe rouge, se sont levés, et M. le président leur a dit : Vous jurez fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. Les trois récipiendaires ont successivement répondu, en levant la main, je le jure. La Cour a accordé acte à M. le procureur général du serment prêté par MM.Daviel, Boucly, et Hély d'Oissel, les a déclarés installés [...] jusqu'à ce moment de la séance [ils] avaient été assis sur des fauteuils placés au milieu du parquet au bas de l'estrade, derrière le greffier en chef, [ils] sont allés prendre sur l'estrade, des places réservées, appartenant à leurs offices respectifs »39(*).

    Assermentés et installés, les parquetiers sont prêts à remplir pleinement leurs tâches. Mais auparavant et en dehors des circonstances exceptionnelles qu'entraînent les épurations, l'entrée dans la magistrature répond à des exigences professionnelles mais aussi, et toujours, à des considérations d'ordre politique.

    1-2-1 : Candidature et nomination : un recrutement politique.

    A-Les conditions officielles d'entrée.

    Pour entrer dans la magistrature, de nombreuses conditions doivent être remplies par le candidat mais le critère principal de sélection reste déterminé par la considération politique, fixée par le pouvoir. Pour les futurs magistrats du parquet, la subordination aux vues du gouvernement doit être un impératif pour entrer, mais également pour avancer par la suite, voire obtenir l'inamovibilité du siège. Outre « des qualités de morale et de civisme »40(*), les postulants doivent être nécessairement titulaires d'une licence en droit, obtenus dans les facultés de droit : le procureur général Thil, originaire de Caen, fait son droit dans sa ville natale41(*) alors que le premier avocat général Gustave Rouland, né à Yvetot42(*), tout comme l'ébroïcien Alfred Daviel43(*), doivent s'expatrier à Paris, Rouen ne disposant pas de faculté de droit. À l'exigence de la licence en droit s'ajoute celle du stage au barreau. Après avoir prêté le serment d'avocat, les aspirants à la magistrature sont inscrits, obligatoirement, comme stagiaires pour deux ans44(*). Dans Parquet et politique pénale depuis le XIXe siècle, Christian Bruschi constate que « ces deux exigences licence en droit et stage au barreau allaient constituer pour longtemps les critères de recrutement ; ce qui ne signifiait pas qu'elles ouvraient à elles seules les portes de la magistrature »45(*). Le système de sélection prend également en compte des conditions d'âge. Il faut avoir au moins 22 ans pour être substitut dans un tribunal, 25 ans pour être procureur du roi, substitut du procureur général, avocat général ou premier avocat général et 30 ans pour devenir procureur général46(*). C'est le cas de Gustave Rouland, qui à l'âge de 22 ans, entre au parquet de Louviers comme substitut47(*). Mais la grande majorité des candidats sont nommés au-delà de ces âges minimums, car « une fois ces exigences satisfaites, le choix parmi les candidats est à la discrétion du pouvoir »48(*). En effet, les procureurs généraux, comme les premiers présidents, présentés par le garde des sceaux en Conseil des ministres, sont nommés par le roi, conformément à l'article 48 de la Charte constitutionnelle49(*). Les autres magistrats du parquet sont nommés par le garde des Sceaux, à partir d'une liste de trois candidats dressée conjointement par le procureur général et le premier président de la Cour50(*) : « ce système, à l'évidence entraîne pour première conséquence de subordonner les magistrats et au premier chef le parquet au pouvoir politique »51(*). Les magistrats du parquet, qui veulent faire carrière, sont donc amener à appliquer, sans faille, les volontés gouvernementales dans leurs actions judiciaires.

    B-Le choix officieux et déterminant du politique.

    Ainsi, les nominations sont presque toujours teintées de la couleur gouvernementale au pouvoir : le ministre de la justice, Dupont de l'Eure, nomme, au début de la monarchie de Juillet, au parquet général de Rouen des libéraux de gauche (le procureur général Thil, le premier avocat général Daviel (voir infra), le substitut du procureur du roi de Rouen Aroux (voir supra), etc.) tandis qu'avec l'arrivée du « parti de la résistance » et de gardes des Sceaux comme Barthe ou Persil, les magistrats de droite sont favorisés : le zèle du procureur général Moyne, officiant à Rouen de 1832 à 1836, est récompensé par la première présidence de la Cour de Poitiers52(*) ; le légitimiste Gesbert est nommé premier avocat général après le départ d'Alfred Daviel, etc. (voir supra). Toutefois, les phases de nomination ne sont pas toujours aussi catégoriques et, à partir de 1840, tentent souvent de pacifier les tensions politiques : le jour de la formation du ministère Soult-Guizot, le 29 octobre 1840, le Journal de Rouen écrit :

    « Quant aux nominations officielles que nous venons de donner [le premier avocat général Gesbert est nommé président de chambre à Rouen ; l'avocat général Rouland prend la place de premier avocat général ; l'avocat général de Colmar Joseph Chassan est muté aux mêmes fonctions à Rouen ; le substitut du procureur général de Rouen Justin est pressenti pour devenir conseiller à la cour de Rouen (nomination effective en janvier 184153(*))], on voit qu'elles sont conçues dans cet esprit de transaction et de confusion qui a marqué tous les actes du 1er mars [1er mars 1840 : début du deuxième ministère d'Adolphe Thiers], et qui consiste à prendre indistinctement et systématiquement, à droite [Gesbert], à gauche [Justin], et au milieu [Rouland et Chassan], afin de neutraliser les couleurs les unes par les autres »54(*).

    Même si certains magistrats veulent rester dans leurs fonctions ou gravir les échelons à Rouen ( Gesbert, Le Tendre de Tourville, Justin, Leroy...55(*)), beaucoup ne font que passer au parquet général, Rouen n'étant qu'une simple étape dans leurs carrières. Toutefois, « la course à l'avancement fait bien des déçus »56(*) : né à Rochefort, Jacques-André Mesnard, procureur général à Poitiers, à Grenoble, avant de l'être à Rouen de 1836 à 1841, regarde « comme une quasi-disgrâce ou, tout au moins, comme une grande frustration de ses prétendus droits acquis, de n'avoir saisi, dans le dernier remue-ménage, que la place de conseiller à la Cour de cassation et le cordon de commandeur de la légion d'honneur »57(*). Monter dans la hiérarchie induit donc une habitude de soumission et une obéissance, qui semblent d'ailleurs plus souvent récompensées que les compétences judiciaires pures. Le pouvoir politique sait donc qu'il peut compter, au plan judiciaire, sur une administration dévouée. L'engagement en politique des magistrats est donc une suite normale et encouragée, qui dérive de cet entremêlement.

    1-1-3 : La politique : une carrière parallèle.

    A-Une mauvaise habitude, vainement corrigée.

    L'engagement des magistrats en politique pose le problème du cumul des fonctions judiciaires et des mandats électoraux. La concomitance qui existe entre le judiciaire et le politique écarte l'idée d'une séparation des pouvoirs sous la monarchie de Juillet. Pourtant interdit dès le 3 septembre 1791 où la constitution expose clairement : « L'exercice des fonctions judiciaires sera incompatible avec celles de représentant de la Nation »58(*), le cumul des fonctions devient un fait sous le Consulat, l'Empire et la Restauration. La monarchie de Juillet tente de remédier à cette pratique en légiférant à deux reprises. Tout d'abord, la loi du 12 septembre 1830 soumet à réélection tout député nommé à une fonction publique ou recevant de l'avancement. C'est le cas du procureur général Jean-Baptiste-Louis Thil, qui élu député le 24 novembre 1827, réélu le 19 juillet 1830, doit de nouveau mettre son mandat en jeu après que le gouvernement de Juillet l'ait nommé procureur général de Rouen, le 31 août 1830. Son mandat législatif est renouvelé le 28 octobre 1830 : Il obtient 1779 voix tandis que le procureur général précédent, le baron Boullenger, n'en totalise que 200 sur 2311 votants et 4253 inscrits59(*). C'est la seconde loi du 19 avril 1831 qui va écarter Thil de la Chambre des députés. Dans son article 64, la loi énumère un certain nombre d'incompatibilités absolues : par exemple, entre les fonctions parlementaires et préfectorales. Mais elle prévoit aussi des incompatibilités relatives : notamment que les procureurs généraux et les procureurs du Roi sont inéligibles dans le ressort de leur attribution judiciaire. Les procureurs généraux peuvent donc continuer d'être procureur, s'ils se présentent dans une circonscription qui n'est pas située dans leur ressort judiciaire. Si jamais ils voulaient être député de leur endroit, ils devaient avoir cessé leur fonction judiciaire depuis au moins six mois60(*). Thil fait le choix de s'écarter de la Chambre pour rester dans sa fonction de procureur général. Lorsqu'il est remplacé par le procureur général Moyne en novembre 1832, Thil redevient député et ce jusqu'en 1848. Sous la Restauration, Thil siège avec les libéraux et fait partie des 221 députés qui votent l'adresse en riposte au menaçant discours du trône du 2 mars 1830. Adhérant à la monarchie de Juillet, Thil quitte le centre-gauche pour le centre-droit conservateur, rejoignant ainsi des hommes politiques comme Guizot ou Molé. Soutenant la majorité dynastique, Thil se montre attaché aux principes de la monarchie censitaire.

    Malgré des législations limitatives, la présence des fonctionnaires reste importante durant toute la monarchie de Juillet. Parmi eux, le corps des magistrats est le plus représenté.

    B-Le magistrat-politique : un modèle idéal pour le pouvoir.

    La participation à la vie politique des magistrats du parquet, amovibles par le gouvernement, assure à ce dernier des députés serviles, capables de défendre les opinions gouvernementales, aussi bien dans l'hémicycle qu'au palais de justice. La justice est loin d'être un sanctuaire dominant les fièvres politiques. Au contraire, la justice et ses hommes semblent être au coeur des passions gouvernementales. Jean-Louis Debré écrit :

    « Le candidat est contraint de prendre position publiquement sur certains problèmes nationaux ou locaux.[...]Une élection nécessite une campagne électorale. Celle-ci n'est pas toujours d'une très grande dignité. Les passions politiques engendrent souvent des outrances et des haines. Lorsque le candidat est un magistrat en exercice, les suites de certaines campagnes électorales peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur l'autorité de la justice »61(*).

    Jean-Louis Debré prend l'exemple de la circonscription de Brioude (Haute-Loire) où Frédéric Salveton brigue le siège de député. Le procureur général Frédéric Salveton, en poste à Rouen de 1844 à 1848, n'est pas un normand mais un auvergnat : né à Brioude, Salveton, premier avocat général à Riom, est candidat aux élections législatives du 21 juin 1834 mais n'obtient que 77 voix contre 133 pour le député sortant M. Mallye, juge de paix à Brioude et candidat de l'opposition dynastique62(*). La dissolution d'octobre 1837 va porter chance à Salveton qui va être élu avec 139 voix contre 108 pour son adversaire Mallye. Les élections générales anticipées de mars 1839 et celles de juin 1842 écartent Salveton de la Chambre des députés. Devenu procureur général à Rouen le 20 avril 1844 et officier de la Légion d'honneur le 29 avril 1846, Salveton triomphe aux élections d'août 1846 aux côtés de ses amis du parti ministériel. Proche de François Guizot et des valeurs du parti conservateur constitutionnel, Salveton défend sa double fonction de procureur-député : le 20 avril 1847, il prononce un discours à la Chambre contre le projet porté par Charles Rémusat sur le non-cumul entre fonction publique et députation63(*).

    Cependant, l'engagement politique au niveau national , ne passionne pas tous les magistrats et se borne souvent aux limites municipales ou cantonales. Après la Révolution de 1830, Alfred Daviel préfère renoncer à un siège à la Chambre des députés pour employer tout son talent à sa nouvelle charge de premier avocat général64(*). Rechignant à une carrière parisienne, Daviel s'engage au conseil municipal de Rouen dès septembre 1830, aux côtés de son ami Jules Senard65(*). Et même si, sous la monarchie de Juillet, Thil fait partie du Conseil général du Calvados et en devient le président66(*), l'avancement des magistrats du parquet, soumis aux aléas gouvernementaux, oblige à une mobilité géographique qui n'est pas toujours compatible avec une carrière politique locale suivie.

    Si le pouvoir peut compter sur une magistrature du parquet à ses ordres aussi bien dans les instances judiciaires que politiques, il arrive que des magistrats contestent les empressements excessifs et autoritaires qui viennent du gouvernement : en plus, de marquer résolument leurs divergences, les magistrats récalcitrants, s'exposent certes à des réprimandes attendues, mais se posent surtout, aux yeux de leurs collègues, comme la représentation d'un autre ordre, et pourquoi pas de l'alternative. L'affaire Aroux et Tranchard, qui amène le premier avocat général Alfred Daviel à la démission, en est une illustration exemplaire.

    1-2 : L'affaire Aroux et Tranchard et le coup d'éclat de Daviel : une affaire politique qui éclabousse le parquet général.

    1-2-1 : Le choc de l'affaire : de l'incompréhension à l'indignation.

    Pour la période de la monarchie de Juillet, l'affaire Aroux et Tranchard, d'août 1833, et ses suites sont certainement l'épisode le plus notable concernant le parquet général de Rouen. Les tenants et les aboutissants de cette affaire, qui questionnent longtemps la Cour, soulèvent un certain nombre de sujets qui pourraient synthétiser la problématique du mémoire. L'affaire, n'apparaît nullement dans les archives judiciaires départementales, mais, heureusement, est particulièrement bien traitée par le Journal de Rouen. Nous suivrons les épisodes et les explications de l'affaire, dans la mesure où le Journal de Rouen a, également, une responsabilité dans la décision portée contre MM. Aroux et Tranchard.

    A-La nouvelle des destitutions : le doute s'installe.

    Le scandale éclate au grand jour le mercredi 7 août 1833 après que le Journal de Rouen ait lu, dans le Moniteur du jour, l'ordonnance qui nomme M. Hébert ( avocat à la Cour royale de Rouen), procureur du roi près du tribunal civil de Rouen et M. Plisson (substitut du procureur du roi à Metz), substitut du procureur du même tribunal. Habituellement mais de façon irrégulière, le Journal de Rouen consacre quelques lignes, parfois, aux nouvelles nominations à la Cour de Rouen mais jamais le traitement de ces informations n'occupent, comme c'est le cas le 7 août, la première page. Ce qui interpelle le Journal de Rouen, ce ne sont pas les nouvelles nominations mais les destitutions qu'elles ont générées. Les révocations du procureur du roi de Rouen, M. Aroux et de son substitut, M. Tranchard, sont imputées au procureur général Moyne, qui serait parti à Paris avertir le ministre de la Justice (ce dernier n'est pas nommé), d'une conduite intolérable : les deux magistrats ne sont pas allés à la messe du 27 juillet, commémorant les Trois Glorieuses (voir supra). Cette « opposition à la présence du tribunal à la messe du 27 juillet »67(*) semble être le motif officiel de la destitution. Au passage, le Journal de Rouen égratigne la compétence du procureur général et critique ses visées politiques :

    « M. Moyne, en travaillant à épurer les parquets, de tout ce qui peut y représenter encore les principes de la Révolution de Juillet, veut se ménager les moyens d'avoir près de lui un substitut qui s'associe à son dévouement et qui puisse au besoin soutenir éloquemment à la Cour d'assises un procès politique. Le malencontreux essai que M. Moyne a fait de son talent lors du second procès de la gazette de Normandie, doit lui avoir appris qu'il est plus facile de prononcer une destitution qu'un réquisitoire »68(*).

    Le journal entend par « second procès de la gazette de Normandie », le procès d'assises de mars 1833 contre Théodore de Corneille, propriétaire-gérant de la gazette de Normandie, à l'issue duquel l'accusé a été acquitté (voir supra). Moyne, peu persuasif lors des procès dirigés contre les légitimistes, est plus déterminé lorsqu'il s'agit de procéder à une seconde épuration : les magistrats du parquet arrivés avec la Révolution de Juillet, comme par exemple MM. Aroux et Tranchard, apparaissent ainsi comme les premières victimes de la politique réactionnaire et pro-gouvernementale de Moyne. C'est surtout le courant dominant au début de la monarchie de Juillet, « le mouvement », qui est visé par le procureur. L'un des personnages les plus emblématiques, de cette période libérale de gauche, est Dupont de l'Eure. Faisant un rapprochement qui est loin d'être innocent, le Journal de Rouen, en donne des nouvelles dans un article repris de leurs confrères du Temps. Les disgrâce des magistrats de Juillet semblent être dans l'air du temps et surtout coïncider avec l'évolution conservatrice du régime :

    « La première présidence de la Cour royale de Rouen, devenue vacante par la mort de M. le baron de Villequier, excite en ce moment beaucoup d'ambition. Cette place semblerait revenir de droit à M. Dupont de l'Eure, ancien président de chambre à la Cour de Rouen, et ministre de la Justice depuis la révolution de Juillet [...]. Dans une correspondance particulière de Paris : il a été en effet question de [la nomination de Dupont de l'Eure], mais hors du conseil des ministres, [il] n'a pas été donné suite à cette idée »69(*).

    B-Une protestation générale.

    Après la nouvelle des destitutions, l'émotion est vive dans le monde judiciaire rouennais. Le Journal de Rouen retranscrit l'indignation ambiante : « Le sentiment général hier [...] a été celui de la surprise et de l'indignation [...]. Cette fois, la réprobation était unanime et venait de tous les partis »70(*). Le journal est convaincu que la raison des destitutions est effectivement le refus de la messe. La cause est entendue : « leur révocation coïncide avec leur refus à cette égard ; c'est un fait trop palpable pour que le rapprochement échappe aux esprits les plus obtus »71(*). Le Journal de Rouen, attaché aux idées libérales de gauche, craint le retour de l'obscurantisme religieux et la remise en cause des libertés individuelles : « Car il ne faut pas s'y méprendre : les destitutions des deux magistrats du parquet ne sont autre chose que le triomphe du bigotisme et de l'hypocrisie sur l'indépendance d'opinion et la liberté de conscience »72(*). Néanmoins, le Journal de Rouen reprend un article du National confirmant pourtant l'hypothèse d'une deuxième vague épurative : « M. Aroux est député, et il a compté à la dernière session dans l'opposition la plus modérée. Le voilà destitué, sans qu'il y ait à cette destitution aucun prétexte connu. Ainsi le système des épurations se continue et s'étend »73(*).

    Autour d'Aroux et Tranchard s'organise un élan de solidarité et de mobilisation. Le matin, un grand nombre de magistrats dont les membres du tribunal de première instance, des fonctionnaires et même de simples citoyens viennent rendre visite au deux révoqués. Dans l'après-midi, les avocats présents dans le palais et leur bâtonnier font de même. « Le soir, une sérénade leur a été donnée, près de mille citoyens, appartenant à la magistrature, au barreau, au commerce, à l'industrie, se sont réunis et ont été, avec un orchestre improvisé, composé de musiciens du théâtre et de la garde nationale, protester contre la mesure brutale que tout Rouen blâme avec tant de raison »74(*). Les morceaux joués sont significatifs : La Marseillaise et Veillons au salut de l'Empire, l'un est l'hymne des républicains, l'autre celui des bonapartistes. La tendance politique des révoqués se situent, à l'évidence, dans ces airs. On exalte l'indépendance et le courage des deux parquetiers, en criant « Vivent les magistrats indépendants ! Vive la liberté de conscience ! ». À la fin de la manifestation concertante, certains envisagent de rendre une visite impromptue au procureur général Moyne « et de le saluer d'une très discordante musique »75(*). Finalement, les proches des révoqués les en dissuadent. En cette fin de soirée, une rumeur grandit : on parle d'une possible démission du premier avocat général Alfred Daviel : « chacun témoignait l'intention, si cette nouvelle se confirmait aujourd'hui, de renouveler pour M. Daviel l'ovation à laquelle on venait de prendre part »76(*).

    C-La démission d'Alfred Daviel : un cataclysme judiciaire.

    Le 8 août, la rumeur est officiellement confirmée. La démission du premier avocat général, la seule démission du parquet général de Rouen durant toute la monarchie de Juillet, est un événement politique et judiciaire important. La décision courageuse de Daviel illustre parfaitement l'ambition des nouveaux travaux historiques de rénovation de l'image du ministère public77(*) :

    « Pourtant, aujourd'hui, on revient quelque peu sur cette image, qui en est presque devenue d'Épinal, selon laquelle le ministère public se serait toujours accommodé du joug, qui pesait sur lui. Jean-Pierre Royer l'expose clairement : «Le parquet agit, donc, mais son ombre, si elle est droite, n'est pas forcément courbée devant les volontés du pouvoir [...] et même ses sentiments personnels sont souvent difficiles à déterminer»»78(*).

    Le cas de Daviel est repris en exemple dans Juges et notables au XIXe siècle où le premier avocat général est cité « pour avoir manqué de prudence politique » : « Alfred Daviel, premier avocat général à Rouen depuis 1830, fervent bonapartiste, démissionne en 1833 pour protester contre la révocation de deux de ses amis, également membres du ministère public et bonapartistes »79(*). La réaction de Daviel porte un grand coup à l'autorité judiciaire et gouvernementale, représentée en la personne du procureur général. A onze heures du soir, un concert de soutien est organisé pour saluer le geste courageux de Daviel. Criant entre autres « à bas les bastilles ! à bas les forts détachés ! », les manifestants, portés par l'enthousiasme et la rancoeur, émettent le voeu de charivariser le procureur général. Malgré la désapprobation des proches de Daviel, cent à cent-cinquante personnes vont, vers la rue de Le Nôstre, siffler et chanter La Marseillaise, sous les fenêtres du procureur général80(*). À en croire le Journal de Rouen, Moyne joue double jeu : « il serait navré du coup qui atteint MM. Aroux et Tranchard ; il se serait presque constitué leur défenseur auprès du garde des Sceaux, ou tout au moins il n'aurait pris contre eux aucune conclusion »81(*).

    1-2-2 : Les raisons des destitutions : la convergence vers l'explication politique.

    A-La divergence de vue quant à la cérémonie des Trois Glorieuses.

    Quant à la cause des destitutions, l'approche s'affine : « la destitution de MM. Aroux et Tranchard serait motivée non sur leur refus d'aller à la messe, mais sur leur opposition formelle aux vues du gouvernement, et sur la correspondance de M. Aroux avec le procureur général ». Cet échange épistolaire82(*) est, en effet, très éclairant sur une partie des divergences entre le procureur du roi et son supérieur :

    Lettre de M. le procureur général au procureur du Roi, le 26 juillet 1833.

    « L'objection présentée a été que, la charte de 1830 ayant décidé que la religion catholique n'était que la religion de la majorité des français, et l'article de la Charte de 1814, qui décidait que cette religion était celle de l'État, ne subsistant plus, ne serait reconnaître la supériorité ou la domination d'un culte sur les autres que de faire un acte officiel de religion. Cette objection n'est pas fondée [...]. Le concordat de l'an X, qui est la loi de l'État, décide aussi que la religion catholique est la religion de la très grande majorité des Français ; la disposition est la même, comme vous le voyez, que celle de la Charte de 1830. Or, pendant tout le temps qu'a duré le gouvernement impérial, on a exécuté le décret de l'an XII ; ce décret est toujours loi de l'État ; dites, dès lors, comment la Charte de 1830 pourrait être un obstacle à son exécution. Le gouvernement ne vous demande point une capucinade, le temps n'en reviendra plus ; il vous fait inviter dans les formes légales à assister à une cérémonie religieuse et nationale qui a pour objet d'honorer les cendres des citoyens morts en combattant pour la liberté ; il appelle les citoyens de tous les cultes de tous les cultes dans leurs temples respectifs ; mais pour augmenter la solennité et rendre un hommage public à ces courageux citoyens, il veut que les autorités assistent à cette cérémonie. [...] Le tribunal seul manquera [...] et les légitimistes surtout se réjouiront de cette opposition ».

    Réponse de M. le procureur du Roi au procureur général, le 26 juillet.

    « Je ne saurais voir, dans la question soulevée, une simple affaire de convenance, non pas même seulement une question de légalité, mais bien une question de liberté de conscience et de conviction [...]. La cérémonie a sans doute été ordonnée dans les termes et selon les formes déterminés par le décret du 24 messidor an XII ; mais si ce décret est contraire à la Charte, doit-il être exécuté ? Vous ne le pensez pas, j'en suis convaincu, Monsieur le procureur général [...]. Le tribunal a pensé, et je pense que le décret de l'an XII est au nombre de ces lois abrogées. [...] il n'y a plus de religion de l'État et que faire participer à une cérémonie religieuse toutes les autorités du pays, c'est nécessairement ressusciter une religion de l'État. [...] un corps quelconque, en tant que corps, n'a point de religion qui lui soit propre, qu'il n'est composé que de citoyens ayant chacun la sienne ».

    Lettre de M. le procureur général, le 30 juillet 1833.

    « Vous m'annoncez que le tribunal n'a pas voulu laisser établir contre lui un précédent dans la crainte d'être obligé d'assister à des plantations de croix [...]. L'exemple est mal choisi ; car vous ne pouvez ignorer que, sous la Restauration, lorsqu'il était question de planter une croix de mission, cette cérémonie n'était pas ordonnée par le gouvernement : les autorités y assistaient trop souvent, il est vrai, mais sur l'invitation des autorités ecclésiastiques. Les autres passages de votre lettre peuvent se traduire par ces mots : ceux qui sont allés à la cérémonie sont les complaisants du pouvoir, la minorité du tribunal de première instance, au contraire, respecte la Charte et a le courage de donner une leçon au pouvoir. Je ne peux comprendre l'abrogation virtuelle du décret de l'an XII par la Charte de 1830. [...] vous, Monsieur, qui avez l'ambition de donner des conseils au gouvernement [...]. Cette séparation éclatante me peine extrêmement, mais nous avons un juge, ce sera M. le garde des Sceaux ».

    Réponse de M. Aroux, le 31 juillet.

    « Si au lieu de laisser passer quatre jours sans provoquer de ma part une explication verbale à ce sujet, et de ne me faire parvenir votre lettre qu'après votre départ pour Paris, où vous allez déferrer ma conduite au garde des Sceaux, vous eussiez bien voulu profiter, pour en conférer avec moi [...]. La Restauration n'a pas invoqué ce décret pour forcer les autorités, à assister aux cérémonies de la mission, cela est vrai ; mais elle aurait incontestablement pu le faire [...]. J'approuve du fond du coeur la cérémonie religieuse sur ce glorieux et funèbre anniversaire mais je voudrais qu'au lieu d'y inviter des corps, on n'y convoquât que des citoyens, des fonctionnaires, des magistrats, selon leurs croyances diverses ».

    B-La raison religieuse : un prétexte.

    Même Le Journal de Paris, plutôt conservateur, admet que le fond du problème n'est pas relatif à des questions d'opinions religieuses : « Le remplacement des deux magistrats du parquet de Rouen a été déterminé par des considérations d'ordre public et de subordination hiérarchique tout à fait indépendantes de l'absence de ces magistrats à la cérémonie du 27 juillet »83(*). En effet, dans tous les parquets généraux, la barre judiciaire du ministère public est dirigée par le procureur général, et le procureur du Roi doit suivre les instructions de son supérieur hiérarchique, sous peine d'être muté ou révoqué. De trop grandes divergences de vues peuvent donc aboutir à des désaccords, contraire à la règle de l'unité du parquet. Sous la coupe du ministre de la Justice, le procureur général, de par son statut, a tout intérêt à affirmer la logique gouvernementale et à en éloigner les opposants. Conformément à son devoir judiciaire, le procureur général Moyne donne comme prétexte ce refus d'assister à la messe, pour se séparer d'un opposant aux idées politiques du gouvernement. De même, le procureur du Roi Aroux saisit l'occasion de la question religieuse pour affirmer les valeurs qui sont les siennes, à une période où débute une réaction dont sont l'objet les républicains et les bonapartistes.

    Le Journal de Rouen aime à montrer la duplicité du procureur général. À travers lui, le journal se livre à une vive critique du pouvoir. La caricature du procureur général est souvent acerbe, parfois même ridicule. Le journal rappelle le passé du procureur et révèle une nouvelle fois son caractère contradictoire dans une affaire similaire :

    « Avant d'être procureur général à Rouen, M. Moyne avait rempli les mêmes fonctions à Grenoble [...]. Un habitant de Grenoble nous affirme qu'en 1831 la Cour de Grenoble, invitée par l'évêque de cette ville, à la cérémonie anniversaire du 27 juillet, délibéra sur la question de savoir si elle y assisterait comme corps [...] il fut décidé que la Cour n'assisterait pas en corps à cette cérémonie [...]. Le jour de la cérémonie, les membres de la Cour et M. le procureur général lui-même ne se rendirent à la cathédrale que comme individus et en habits de ville. Avec un pareil antécédent, comment comprendre que cette année, M. Moyne se soit si étrangement emporté contre l'opinion adoptée par dix magistrats du tribunal de première instance ? »84(*). Par ce rappel plus qu'embarrassant, le procureur général, est discrédité et l'explication politique des destitutions se confirme.

    C-La justification républicaine : la défense du Journal de Rouen.

    Dans le numéro du 12 août 1833, la démission de Daviel est justifiée en réaction à la traque organisée contre les amis de Dupont de l'Eure85(*). Les importantes démonstrations de soutien montrent que l'exaspération n'a pas seulement gagné le premier avocat général mais aussi l'opinion : « Voilà précisément pourquoi l'émotion est si générale ; voilà pourquoi, depuis la révolution de Juillet, jamais la population de notre ville, si paisible, si difficile à émouvoir, n'a plus vivement ressenti le contre-coup d'une mesure politique »86(*). MM. Aroux et Tranchard ne sont pas les seuls à faire l'objet de brimades. Le Journal de Rouen cite les cas de M. Lacaze-Aché, procureur du Roi de Pont-Audemer et par ailleurs ami de Dupont de l'Eure, « déporté » à Segré (Maine-et-Loire), et de M. Carpentier, procureur du Roi à Louviers, « destitué sous la Restauration et rétabli dans ses fonctions par M. Dupont de l'Eure, est de nouveau destitué, ou plutôt, par une amère ironie, appelé à faire ses droits à la retraite, lorsqu'on savait bien qu'il n'avait pas le temps de service nécessaire pour réclamer une retraite »87(*). Le 13 août, le Journal de Rouen commence à toucher du doigt la véritable raison des destitutions d'Aroux et Tranchard : tout d'abord, le journal se défend d'entretenir avec Aroux une quelconque connivence rédactionnelle, alors même qu'il n'est pas fait état d'une mise en cause du journal :

    « Nous pouvons déclarer sur l'honneur que, depuis son entrée en fonction en septembre 1830, M. Aroux n'a eu avec nous d'autres relations que celles qu'il se faisait un devoir de conserver avec des hommes dont il avait pu apprécier l'amitié et le dévouement dans les circonstances difficiles et notamment au mois de juillet 1830 ; que, depuis la même époque, il est resté complètement étranger à la rédaction ou à la direction de notre feuille ; qu'enfin il n'avait pas à l'époque de sa destitution, mis vingt fois depuis trois ans le pied dans nos bureaux »88(*).

    Le Journal de Rouen soutient également le substitut Tranchard, accusé d'avoir des accointances avec les républicains :

    « M. Tranchard, c'est un républicain ![...]. Les amis de M. Tranchard peuvent citer pour réfuter ce reproche les paroles que prononçait ce magistrat, précisément dans la délibération du 26 juillet : [...] «Je le déclare ici hautement, si un républicain venait à s'élever, je donnerais ma démission ; si une restauration devait revenir, je donnerais ma démission. Que chacun ici en dise autant». Voilà le républicain »89(*).

    1-2-3 : Les contrecoups directs de l'affaire : la réaction en marche.

    A-Vers une nouvelle épuration ?

    Alors que la raison politique était admise, le journal déclare s'y perdre quant aux motifs des destitutions. La possibilité républicaine écartée rapidement, le Journal de Rouen, revient, opportunément, sur la messe : « Que reste t'il donc pour motiver la destitution ? La messe ! Toujours la messe ! »90(*). Le lendemain, L'Écho de Rouen, rapporté par le Journal de Rouen, se fait le porte-parole du gouvernement : « Suivant [L'Écho], il y a nécessité d'éloigner des emplois tout citoyen appartenant à l'opposition »91(*). En contradiction avec la ligne éditoriale de L'Echo, le Journal de Rouen critique cette vision impossible, qui induit une épuration à chaque changement de gouvernement et pourtant, c'est ce qui semble être le cap :

    « La conséquence de ce beau système, c'est qu'à chaque changement de ministère, il faudra (sans parler du personnel de toutes les autres administrations) renouveler tous les parquets du royaume, puisque, depuis le procureur général jusqu'au dernier , tous les membres du parquet doivent être inféodés corps et âme au ministère ; puisqu'il ne leur suffit pas de rester fidèles au serment prêté au roi et à la Charte, et de remplir leurs fonctions avec zèle, s'ils ne se résignent pas à penser comme le procureur général, à n'avoir de conscience politique que la sienne »92(*).

    L'Écho de Rouen salue, soulagé, le départ de Daviel et fait l'éloge de cette sage démission qui est l'application du précepte dénoncé, précédemment, par le Journal de Rouen : « M. Daviel s'est conduit noblement, et, en donnant sa démission, il a rendu hommage à l'harmonie qui doit régner entre les divers degrés de la hiérarchie, il a senti l'incompatibilité de deux opinions ennemies dans le sein d'une organisation qui doit être une pour être forte »93(*).

    Finalement, c'est Aroux qui va livrer la véritable raison au Journal de Rouen. Dans une lettre adressée au journal, Aroux expose son entrevue avec le ministre de la Justice, Félix Barthe. Au cours de cet entretien, Aroux, accompagné du député-maire, Henry Barbet et du vice-président de la Chambre des députés, M. Béranger, entend du garde des Sceaux la raison qui a motivé sa destitution : Barthe reproche à Aroux d'avoir « conservé des relations avec les rédacteurs et l'imprimeur du Journal de Rouen, «feuille qui s'oubliait parfois jusqu'à attaquer une personne auguste, et dont il aurait subi l'influence» et «parce qu'il n'y avait pas, entre le procureur du Roi et le procureur et le procureur général, l'harmonie nécessaire» »94(*). Garde des Sceaux, déjà sous Casimir Perier en mars 1831, Félix Barthe collabore au ministère Soult du 11 octobre 1832 à la même fonction: c'est justement au début de ce deuxième ministère, en novembre 1832, qu'est nommé procureur général de Rouen, M. Moyne. Représentant de l'aile droite, Barthe nomme aux plus hauts postes des hommes de confiance et suffisamment dociles pour appliquer la politique triomphale du  parti de « la résistance »95(*). A l'opposé et même visé par la politique anti-républicaine, le procureur du Roi Aroux, arrivé avec « le mouvement », est la victime de l'épuration de « la résistance ». Alfred Daviel, anticipant la réaction, préfère faire une sortie héroïque : sacrifiant une situation confortable dans la magistrature, Daviel refuse l'état de fait politique et adopte une posture habituelle et officielle d'opposant. Par la suite, plusieurs fois bâtonnier de l'Ordre des avocats de Rouen sous la monarchie de Juillet, Alfred Daviel, pour ses confrères, donne un autre visage à l'idée de résistance.

    B-Une radicalisation des positions : le conflit manifeste entre les avocats et le procureur général Moyne.

    Par la suite, l'affaire ne fait plus la une mais reste dans tous les esprits. Le 20 août 1833, les avocats, en forme de protestation, élisent comme bâtonnier de leur Ordre, Me Aroux, au premier tour de scrutin (« Jamais, peut-être, il n'avait été aussi nombreux »96(*)). Jusqu'en novembre, le Journal de Rouen fait des allusions à l'affaire et charge le procureur général Moyne, notamment en reprenant ses exploits passés97(*). Au passage, le journal règle ses comptes, en dénonçant les relations de certains parquetiers avec les légitimistes et la gazette de Normandie98(*). La promotion de l'avocat général légitimiste Jean Gesbert de la Noë-Seiche99(*), devenu premier avocat général à la place de Daviel, est perçue « comme un retour assez significatif vers les hommes de la Restauration, comme une nouvelle preuve de ce système de réaction que nous avons plus d'une fois signalé »100(*). Enfin, la rentrée de la Cour royale du 4 novembre est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force de l'Ordre des avocats, et d'un moment unique dans les annales de la Cour. A la fin du discours de rentrée, les avocats doivent, comme il est d'usage, présenter leurs hommages au premier président et au procureur général. Ce 4 novembre, les avocats et les avoués en décident autrement ; ils vont voir le premier président mais partent sans s'être présenté au parquet où le procureur général Moyne les attend : « Cette manifestation de la part du barreau tout entier contre M. Moyne est d'une haute gravité, et elle vient donner une nouvelle force à l'élection de M. Aroux, comme bâtonnier de l'Ordre, faite quelques jours après la brutale destitution fulminée contre ce procureur du Roi »101(*). Cette impolitesse frondeuse est observée par le corps des avocats jusqu'en 1836, c'est à dire jusqu'au remplacement du procureur général Moyne102(*). D'ailleurs, l'affaire Aroux et Tranchard se clôt réellement à cette date, après une explication a posteriori et anachronique du successeur d'Aroux, le procureur de Rouen Hébert : selon lui, Aroux aurait été destitué pour avoir refuser de poursuivre les membres de la Société des Droits de l'homme (voir supra). Seulement, la loi sur les associations qui condamne cette dernière est d'avril 1834 et la destitution a lieu en août 1833. Comme l'écrit le Journal de Rouen, « ce seul rapprochement de dates constitue M. Hébert en mensonge flagrant »103(*).

    Pourtant, le fond de l'affaire reste éminemment politique et l'excuse de la messe, soutenue par le Journal de Rouen, reste un prétexte et une défense pour le journal qui n'a pas envie d'être accusé de soutenir de trop près les républicains. Le procureur général Moyne, dans la logique d'affermissent du gouvernement, tient son rôle de chef du parquet inébranlable. Garant de la nécessaire unité du parquet, Moyne se montre un excellent défenseur politique et s'attache à écarter, pour un temps, « le fantôme de la République »104(*), au sein de l'institution du parquet.

    Unique pour la période, cette marque d'insoumission est à l'inverse de l'attente du pouvoir qui cherche à avoir pour le servir des « magistrats-agents politiques » qui promeuvent l'action ministérielle et non qui la contestent notamment au travers des discours de rentrée : ces derniers sont une tribune irremplaçable et privilégiée pour faire part de la propagande officielle.

    1-3 : Les discours solennels de rentrée : reflets idéologiques de la mission du parquet.

    1-3-1 : Une célébration du passé ?

    A-Rappel des origines.

    Les discours des audiences solennelles de rentrée ont fait l'objet d'une grande étude menée par Jean-Claude Farcy. Dans son livre Magistrats en majesté, l'auteur a recensé, pour toutes les cours d'appel, le plus grand nombre de discours de rentrée, prononcés de leur rétablissement en 1811 jusqu'à nos jours.

    La cérémonie de rentrée, au cours de laquelle est prononcé le discours, renvoie à une tradition héritée de l'Ancien régime : l'origine du discours de rentrée remonterait au XIVe siècle105(*). L'Empire, attaché à renouer avec les siècles, restaure la coutume du discours : la monarchie de Juillet perpétue cet héritage, sans rien y changer. D'après un règlement organique du 30 mars 1808, la prérogative de prononcer le discours de rentrée revient au procureur général. Puis, la grande loi d'organisation judiciaire du 20 avril 1810, étend cette faculté aux avocats généraux106(*). Finalement, un décret du 6 juillet 1810 laisse une certaine liberté dans le contenu du discours et prescrit de faire, en conclusion, une évocation des magistrats disparus dans l'année107(*).

    Le thème traditionnel, que l'on trouve dans la plupart des discours de rentrée prononcés à Rouen, est l'évocation de la grandeur passée des Parlements, et plus particulièrement celui de Normandie. Les citations des noms de grands magistrats comme Séguier, D'Aguesseau, Talon, Harlay, Pasquier108(*), etc...relient la tradition parlementaire aux nouvelles attributions des Cours royales, de telles façons que l'on en oublierait presque la Révolution française. C'est sans doute parce que pour beaucoup de magistrats, la Justice est au dessus de tout, qu'elle doit se situer également au dessus des remous politiques. Faire l'éloge des magistrats passés, ce n'est pas faire l'éloge de l'Ancien Régime mais c'est rattacher la Justice a sa propre histoire. Ainsi, l'exercice du discours de rentrée peut prendre, parfois, l'allure d' « une dissertation érudite »109(*), un devoir obligé et donc peu apprécié. Le 6 novembre 1844, le procureur général Frédéric Salveton expose clairement ce point de vue : « deux siècles auparavant dans une cérémonie analogue, le grand magistrat Domat s'était élevé contre la coutume impitoyable qui demande tous les ans un discours nouveau sur un sujet toujours le même »110(*).

    B-Originalité et utilité du discours.

    Certains magistrats vont pourtant innover et introduire des thèmes originaux : par exemple, en 1840, le premier avocat général Gustave Rouland démontre le grand intérêt de la philosophie et de l'histoire dans le travail de la magistrature111(*) ; l'avocat général Chassan, en 1846, introduit le thème de la poésie dans les lois. A ce propos, Elisabeth Ancenay-Chavoutier écrit :

    « [l'avocat général Chassan] rappelle l'ancienne tradition hellénique représentant Apollon, le dieu de la poésie, comme le premier législateur qui publiait ses lois au son de la cithare, le statut des Egyptiens qui avaient reçu leurs lois de la déesse Isis sous forme de poèmes, les poètes du Moyen-Age qui avaient chanté et conservé le droit de leur époque avant que les légistes n'aient songé à l'écrire. Selon l'orateur, les maximes juridiques qui tiennent une grande place dans la pratique du palais, sont rédigées avec la cadence ou la mesure syllabique, avec la rime ou l'assonance »112(*).

    Mais derrière l'exposé savant, les discours de rentrée sont d'un contenu très riche car ils révèlent, selon Jean-Claude Farcy, « les conceptions idéologiques, le système de représentation de la magistrature quant à la pratique de son métier, à sa place dans l'appareil d'Etat et à sa position sociale »113(*). De plus, en renouant avec la tradition du discours de rentrée, l'exécutif place les membres du parquet en propagandistes de l'action gouvernementale. La place que les procureurs et avocats généraux occupent, est un promontoire de premier ordre pour élever la parole gouvernementale en une règle instituée et un fondement à défendre. L'affirmation et la publicité des positions officielles sur des sujets politiques sont aussi un moyen efficace de contrecarrer les forces politiques opposantes. Sur dix-sept discours recensés (voir annexe 8) par Jean-Claude Farcy pour la période de la monarchie de Juillet, nous avons retrouvé onze discours (dix discours de rentrée et le discours d'installation du procureur général Thil en 1830, qui est le premier grand discours de rentrée, depuis la Révolution de Juillet (voir annexe 9)), insérés soit dans les dossiers de presse de la Bibliothèque Municipale de Rouen, soit dans les numéros du Journal de Rouen. De leurs lectures, deux axes, regroupant plusieurs thèmes, apparaissent :

    1-3-2 : La défense du sanctuaire judiciaire et du pouvoir en place.

    A-La critique du gouvernement précédent : une constante.

    Les discours du procureur général Thil114(*) et du premier avocat général Alfred Daviel115(*), prononcés respectivement les 31 août et 3 novembre 1830, célèbrent le nouveau régime de la monarchie de Juillet et le renouveau de la Justice, enterrant, de fait, l'ère arbitraire de la Restauration. Contrairement à l'habitude, ces deux discours font référence à la politique et constituent de véritables réquisitoires contre le régime précédent. Le procureur général Thil critique vivement les gouvernements de la Restauration : « Des hommes insensés ont méconnu l'opinion de la France : son calme était à leurs yeux de l'indifférence ; sa longue résignation de la faiblesse. Dans leur délire, ils ont pensé qu'ils pouvaient impunément offenser un peuple généreux et violer la foi des serments ». Mais c'est le discours d'Alfred Daviel, qui est le plus emblématique de cette période et le plus souvent cité comme témoignage de cette transition politique116(*). Tout d'abord, le premier avocat général dénonce le régime de la Restauration qui n'a pas tenu compte du progrès engendré par la Révolution française : « Quinze ans d'épreuve ont appris [à la France] que ni la liberté, ni la dignité, ni le bien-être du pays n'étaient compatibles avec une famille qui, élevée à l'école du pouvoir absolu, n'a jamais pu adopter sincèrement le régime constitutionnel, ni les grandes choses enfantées par le mouvement national qui l'avait jetée et si longtemps retenue sur la terre étrangère ». Pour Daviel, la restauration de « la vieille royauté féodale sortit des caveaux de Saint-Denis » , par obstination idéologique, n'a fait que s'opposer aux « institutions sociales » : le ministère public et plus généralement la magistrature ont perdu sous la Restauration leur indépendance et « ont été constamment livrées, sous ce prétendu régime constitutionnel aux atteintes, les plus oppressives ». La monarchie de Juillet leur rend donc cette liberté de fonctionnement que même « les gouvernements les plus absolus », ceux de l'Ancien Régime leur avaient garanti : « ce ministère auxiliaire de la magistrature qui, après avoir subi les funestes influences de la Restauration, va reprendre enfin son véritable caractère, sous un gouvernement vraiment national, sous un prince qui a juré de ne régner que par les lois et selon les lois ». Avocat sous la Restauration, Daviel déplore que l'institution du parquet se soit transformé en « saint-office d'inquisition politique » et invective les magistrats : « Pourquoi faut-il, Messieurs, qu'un grand nombre des officiers du ministère public se soient laissés entraîner dans cette nouvelle carrière ? Pourquoi faut-il que [...] les réquisitoires n'aient montré d'énergie que dans la défense des prétentions du droit divin et des doctrines de l'obéissance passive ? ». Alfred Daviel fait de nombreuses comparaisons avec la restauration des Stuarts et la Glorieuse Révolution de 1688 : « Jacques II, livré aux jésuites, avait tenté de renverser la constitution du pays, en rompant le contrat primitif d'entre le Roi et le Peuple ». Après la Glorieuse Révolution, sorte de Révolution de Juillet à l'anglaise, la Nation « contracta un nouveau pacte avec un Roi qui, avouant tenir d'elle tous ses droits devait respecter les siens ». Daviel prédit à la France de Louis-Philippe le même destin que l'Angleterre d'après la restauration de Jacques II avec Guillaume III : « Si la Restauration des Bourbons fut la trop fidèle image de la restauration des Stuarts, l'avenir qui s'ouvre devant nous, sous les auspices de la Maison d'Orléans et de la Charte du 7 août, promet désormais, à la France les bienfaits que, depuis un siècle et demi, l'Angleterre, libre au-dedans, puissante et respectée au-dehors, montre avec tant d'orgueil aux autres nations ». Après avoir céder à une certaine anglophilie, l'ancien avocat Daviel officieusement bonapartiste, fait une critique ambiguë et sans doute embarrassée du régime napoléonien : « C'était la France du dix-neuvième siècle, étourdie un instant par la catastrophe imprévue de l'Empire, mais couronnée encore de toutes ses gloires et reprenant courage aux cris de liberté ».

    B-L'attachement à des valeurs essentielles : la Charte, Louis-Philippe, le Code civil...

    Le discours de Thil en 1830, première voix du parquet général, fait un appel à tous les français pour respecter et défendre la Charte, condition sine qua non à l'établissement de la nouvelle monarchie : « La Charte est confiée au patriotisme et au courage des gardes nationales et des citoyens français ; sous ce patronage, elle doit être invulnérable ; et si jamais on osait l'attaquer, les magistrats, n'en doutons pas, seraient au rang de ses plus intrépides défenseurs ». Plus loin, le procureur Thil ajoute : « la royauté que Louis-Philippe Ier honore de ses vertus et de son patriotisme ne peut trouver d'appui véritable que dans la Charte constitutionnelle ». L'homme que le parquet général célèbre unanimement, c'est bien sûr Louis-Philippe, à qui toutes les qualités humaines sont trouvées : pour Thil, le roi est « un homme de bien, éprouvé par l'adversité » ; quant à Daviel, il fait un long panégyrique du roi : « Roi vraiment français ! A Jemmapes, il combattait pour l'indépendance nationale, il portait au feu les couleurs de la liberté. Plus tard, obéissant à regret à un décret de la convention, il quittait la France les larmes aux yeux ». Louis-Philippe est décrit comme proche des français, de leurs souffrances, de leurs attentes : « Roi citoyen ! Il saura respecter les droits du peuple, puisqu'il se plaît à reconnaître que c'est du peuple qu'il tient ses droits [...] il est la meilleure des républiques ». Il faut attendre le discours de rentrée de 1842 du procureur général Gaultier117(*), qui arrive après la mort accidentelle du duc d'Orléans (le 13 juillet 1842), pour connaître une telle démonstration d'attachement. Alexandre Gaultier rend hommage au courage du roi et salue le nouvel héritier, le nouveau prétendant, Louis-Philippe d'Orléans, comte de Paris :

    « Mais c'est encore ce roi affligé qui, surmontant ses angoisses paternelles, a ranimé notre courage ; c'est lui qui, reportant nos espérances sur le précieux enfant, désormais le représentant d'une dynastie chère à la nation, nous l'a montré s'élevant heureusement sous l'influence de sa profonde sagesse, protégé par la tendre sollicitude d `une auguste mère, d'une royale et vertueuse famille, et assuré, dans son berceau comme sur le trône qui l'attend, de l'appui loyal de nobles princes ».

    Dans un discours de rentrée prononcé en 1847 et traitant largement de l'étude historique du Grand Coutumier de Normandie, l'avocat général Antoine-Georges Blanche consacre l'oeuvre législative de la Révolution française et du Consulat, finalisée par le Code civil : « L'Assemblée constituante put décréter l'unité de la loi [Constitution de 1791, titre I ] ; et ce fut avec reconnaissance et bonheur que la nation reçut des mains du premier consul le Code civil, ce chef d'oeuvre de législation, qui atteste si merveilleusement la puissance synthétique de la raison moderne »118(*). Se demandant tout d'abord si « le Code civil périra-t-il aussi ? » comme le Grand Coutumier, l'avocat général Blanche donne raison à Napoléon qui « lui a présagé l'éternité [et] le considérait comme l'expression exacte de la morale et de la justice ». Il conclut, par une prédiction longtemps vérifiable : « le Code civil sera longtemps encore la loi vivante de la nation française ».

    C-Une représentation supérieure et idéale de la Justice.

    En 1843, l'avocat général Blanche commence par cet exorde solennel : « Messieurs, la Justice est le besoin le plus impérieux de l'Humanité »119(*). Pour Blanche, la justice « protège et resserre les saintes affections de la famille, organise la propriété, assure l'inviolabilité des transactions [...]. C'est elle enfin qui, sage et modératrice, élève la barrière de la loi entre les émotions populaires et les envahissements du pouvoir ». S'il est une chose dont les magistrats sont farouchement jaloux, c'est bien leur indépendance vis-à-vis de l'exécutif. En 1830, Alfred Daviel insiste longuement sur cette nécessité d'indépendance : « L'indépendance est une qualité de l'âme que la loi ne communique pas : elle vient de plus haut et réside dans un sanctuaire inviolable. L'homme sûr de sa conscience aime à suivre la voie du devoir à ses risques et périls ». Plus loin, Daviel rend hommage, sans le nommer, au ministre de la Justice, Dupont de l'Eure, dont la seule présence est une garantie de liberté et d'impartialité pour la magistrature : « il a connu tout le prix de l'indépendance, il saura respecter l'indépendance des magistrats, ses subordonnés ; et désormais nos devoirs seront faciles ». Une fois l'indépendance garantie, il reste aux magistrats d'être à la hauteur de leur devoir, voire de leur mission : le procureur général Frédéric Salveton, en 1844, attribue aux magistrats, et notamment ceux du ministère public, une dimension divine. A la fin de son discours intitulé les dangers de l'indifférence120(*), Salveton prononce un véritable sermon qui compare la fonction des parquetiers à un quasi-sacerdoce. Les membres du ministère public sont, en quelque sorte, les ministres du culte judiciaire :

    « Sachons donc, Messieurs, honorer notre ministère autrement que par des paroles, en accomplissant tous les actes dont il se compose avec cette énergie de volonté qui se puise aux sources de l'amour et de la foi, et que l'indifférence tue. Aimons nos graves et saintes occupations ; aimons-les à cause d'elles-mêmes, à cause du bien qu'elles répandent, à cause de la justice qui triomphe par elles »121(*).

    Se référant à l'Ancien Testament et aux paroles de Moïse, le sermonnaire Salveton considère que les magistrats dispensent la justice de Dieu : « Rien n'est changé de nos jours, Messieurs, excepté la forme. Si un goût plus délicat ne permet plus de vous dire, en style biblique, que vous êtes les dieux de la terre, la justice n'en est pas moins restée pour tous un bienfait céleste dont vous êtes ici-bas les uniques dispensateurs »122(*). Le procureur général Salveton, en faisant une comparaison aussi flatteuse, responsabilise d'autant plus les magistrats dans leur mission. Les magistrats doivent être juste et en aucun cas laisser triompher l'injustice : « un mot de lui peut changer toute une existence et porter au sein d'une famille ou le bonheur ou la désolation ! »123(*). Sur les épaules du magistrat repose donc un poids considérable. Le magistrat doit être tout entier à remplir sa tâche et ne saurait être partial.

    D-Le magistrat doit être dénué d'esprit partisan.

    Le palais de Justice n'est pas un temple inviolable. Au contraire, il est sans cesse l'objet d'intrusions du politique. Alfred Daviel regrette cet état de fait et rend responsable la Restauration d'avoir créer un précédent, préjudiciable au fonctionnement même de la Justice : « L'invasion des passions politiques dans le sanctuaire de la Justice est un des caractères qui ont signalé la période de restauration ou plutôt de perturbation que nous venons de parcourir »124(*). Mais celui qui se plaint le plus de cette invitation gênante du politique est le procureur général Moyne : dans son discours de rentrée de 1834, Moyne, encore révulsé par l'affaire Aroux et Tranchard d'août 1833 (voir infra), condamne « fermement »125(*) les immixtions des convictions politiques dans le domaine judiciaire et prévient la magistrature : « le magistrat doit dépouiller l'homme privé ; oublier ses engagements de parti, s'il en a eu, pour se vouer au culte de la loi »126(*). Pour Moyne, les prétentions des partis sur le judiciaire sont dangereuses et seul le concours de la loi est un rempart efficace contre elles : « la force morale ne suffit pas pour résister aux violences des partis, il faut la jouissance des lois et la ferme volonté de les exécuter pour calmer la fièvre des passions politiques »127(*). Moyne montre du doigt deux partis : le parti républicain et celui des légitimistes, ces « deux partis extrêmes et toujours ennemis, emploient des efforts simultanés pour ruiner l'édifice glorieux de Juillet ». Le procureur général Moyne reprend comme principe ce que le procureur général Thil, avait dit en 1830 : « le procureur général, sentinelle avancée, veille constamment au maintien de l'ordre public ; il n'agit, il ne parle que pour le triomphe de la Justice »128(*). Se voulant au dessus des partis, Moyne est en réalité le défenseur officiel du régime : Dans l'affaire Aroux et Tranchard, il combat les républicains et les bonapartistes ; en août 1834, il s'en prend à la Société des Droits de l'homme et du citoyen de Rouen, accusée de républicanisme (voir supra) ; il poursuit la presse d'opposition légitimiste et républicaine (la gazette de Normandie, le National de 1834 : voir supra). Toutes ces initiatives dirigées pour raffermir le pouvoir renforcent l'idée que la position de procureur général est une fonction partisane puisqu'elle permet de réduire les oppositions politiques au profit du pouvoir politique en place. Mais Moyne rejette cette vision complaisante et s'en défend : 

    « Ces partis vous attaquent dès que vous leur résistez, ils s'insurgent contre les lois et traitent en adversaires et en ennemis ceux qui les appliquent à leurs méfaits ; tel fut toujours leur langage et leur partialité ; leur exigence ne peut être satisfaite [...]. La loi est-elle claire, rendez-là obscure, vous serez absous ; qu'en vos mains elle devienne une arme qui les protège, la renommée n'aura pas assez de bouches pour exalter votre indépendance [...]. Si les yeux fixés sur la loi, vous osez la leur appliquer, tout est changé, vous n'êtes plus que des hommes vendus au pouvoir »129(*).

    Pour Moyne, le magistrat doit être impartial et faire fi des critiques des partis : « Ils voudront vous classer, vous diviser, en scrutant vos opinions judiciaires [...], acceptez comme un éloge ce qu'ils vous adressent comme une injure »130(*). Au contraire, se retrouver seul contre tous est une preuve d'indépendance, voire un honneur. Conspué par le barreau de Rouen et désavoué par la démission de son premier avocat général Alfred Daviel, le procureur général Moyne se fait gloire de sa constance, de son indépendance de caractère, et persiste et signe dans la voie de l'ordre.

    1-3-3 : L'affirmation du respect des valeurs conservatrices.

    A-Pour une liberté de la presse contrôlée.

    La récurrence du thème de la liberté de la presse dans les discours de rentrée du procureur Moyne de 1832 à 1835 révèle que la question est au coeur des préoccupations du parquet général. Allant de pair avec la liberté d'opinion et d'expression de l'opposition, la liberté de la presse se place au coeur des combats politiques. Défendre la répression ou la liberté de la presse est une bonne occasion pour prendre position contre ses adversaires politiques et affirmer les choix gouvernementaux. Jean-Claude Farcy cite un long article du Journal de Rouen qui rappelle « au procureur général Moyne ses discours antérieurs, pleins d'enthousiasme en faveur des idées de la liberté131(*), alors qu'il est désormais conduit [en 1835] à justifier les lois nouvelles limitant la liberté de la presse »132(*). Dans son discours de 1834, Moyne, appelant à la plus grande fermeté, fait un éloge critique de la presse :

    « Un nouvel élément de l'organisation sociale, la presse, rendrait la position des magistrats plus difficile, s'ils montraient la monde faiblesse [...]. La presse fait disparaître les distances, unit les intérêts, développe les principes utiles, opère la diffusion des lumières [...] cette conquête, assurée par la Révolution de Juillet, ne peut être contestée [...]. A côté de l'usage se trouve l'abus [...] c'est un mal que les amis de la liberté de la presse doivent savoir supporter ; ils doivent respecter cette précieuse liberté jusque dans ses écarts »133(*).

    Moyne, dénonçant l'influence néfaste des partis, se pose en victime de la presse d'opposition, notamment du Journal de Rouen, particulièrement dur avec ce procureur général comme jamais auparavant :

    « Les partis sont en présence, leur langage est passionné, irritant ; ils sont déçus dans leurs espérances par l'ordre qui renaît ; vous qui êtes institués pour réprimer leurs excès, voulez-vous que la partie de la presse qui représente leurs opinions, leurs intérêts, soit juste envers vous, cela ne saurait être [...]. Le mensonge et la calomnie seront sciemment employés contre vous [...]. Et si, par vos fonctions, vous sévissez contre cette partie de la presse au nom de la loi transgressée, les passions déchaînées ne connaîtront plus de frein ; c'est un crime irrémissible de toucher à eux et à leurs amis »134(*).

    Intitulé « Ordre et liberté » et traitant également du problème de la presse, le dernier discours de Moyne du 3 novembre 1835 constitue une étape importante, « une première brèche »135(*) dans les thèmes des discours. Le procureur général Moyne utilise l'occasion du discours de rentrée pour prononcer un véritable discours politique. Le thème central du discours est la question des récentes lois sur la presse du 9 septembre 1835. Loin des généralités judiciaires d'usage, Moyne, comme Alfred Daviel en 1830, réagit sur les événements politiques du moment, et érige les lois gouvernementales de septembre en nécessité. Contrairement à 1834, Moyne n'accepte plus les écarts de la presse d'opposition (voir infra) et espère que les lois de septembre y donneront un coup d'arrêt définitif :

    « Faut-il s'étonner, qu'à peine à [l'origine du gouvernement constitutionnel], la licence de la presse se soit développée avec autant de responsabilité ? [...] La liberté de la presse, si largement consacrée par la Charte, est une arme de bien et de mal [...], la presse, comme les institutions, a ses inconvénients, ses excès. Si elle devient licencieuse, elle a besoin d'un frein »136(*).

    Le discours de 1835 est aussi une opportunité pour revenir sur les procès de presse dirigés par le parquet général. Moyne commente : « Les accusés étaient de nobles victimes du courage et du patriotisme ; on les encourageait par leur audace, et leurs juges étaient presque des bourreaux. Plus tard, on aura peine à croire à tant de délire »137(*). Moyne, relayant la pensée gouvernementale, considère la presse comme « la première arme dont les partis se sont emparés »138(*) : Moyne fait allusion dans son discours à un procès d'assises dirigé contre la gazette de Normandie, le 19 novembre 1832, qui arrive peu après le débarquement puis la capture de la duchesse de Berry (voir supra) et accuse, à juste titre, ce journal de faire le lit du parti légitimiste139(*). Contre les menaces de la presse légitimiste et républicaine, Moyne considère que les lois de septembre constituent des mesures efficaces pour faire respecter l'ordre et assurer la liberté de la presse :

    « les faits avertissaient assez que la répression était insuffisante ou échappait de la main de ceux qui l'employaient ; il fallait un appel à la législature. Le long cri d'indignation poussé par la France a été entendu [...]. Il ne sera plus permis de multiplier, sous toutes les formes, les attaques contre celui que la Charte déclare inviolable ; sa famille ne sera plus exposée aux insultes de ces pamphlétaires méprisables qui luttent de bassesse et d'infamie »140(*).

    Pour Moyne, les partis avaient pris les organes de presse comme armes. Désormais, les magistrats ont désormais de quoi répliquer141(*).

    B-Contre l'utopie et les idées socialistes : pour une défense de la propriété.

    Consacré en bonne partie au Grand Coutumier de Normandie, le deuxième discours de rentrée d'Antoine Blanche, prononcé le 3 novembre 1847, n'est pas seulement tourné vers le passé. Enchaînant sur le Code civil, l'avocat général Blanche se montre très critique quant aux idées socialistes : « Serait-il vrai, comme le répète chaque jour l'utopie, que «respecter la propriété est une compression, et qu'il faut abolir la propriété ?».[...] «Nos socialistes modernes se trompent de date» a dit l'un de nos économistes les plus distingués ; «ils se croient au temps où l'homme n'avait que la voûte du ciel pour abri, et pour nourriture que le gland du chêne !» »142(*). Dans cette charge finale contre les courants de pensée socialistes et communistes, Antoine Blanche relaie l'inquiétude des notables face à l'émergence de projets visionnaires qui remettraient en question les structures économiques et sociales du régime bourgeois orléaniste. Cette condamnation sans appel des doctrines socialistes apparaît comme une défense du régime, qui depuis 1846, traverse une phase critique : la grave crise industrielle et agricole, qui s'abat sur la France à partir de la fin de l'année 1846, engendre un chômage massif et des troubles frumentaires importants. Face à cette désespérance sociale, l'idéologie libérale dominante, apparaît comme impuissante et inefficace. Il est habituel, en des circonstances d'inquiétudes ou d'injustices, que des courants alternatifs voient le jour et dirigent leurs discours vers les groupes les plus fragilisées. Déjà en 1834, le procureur général Moyne se plaint de cette corruption des pensées socialistes (saint-simonisme, fouriérisme, etc.) sur les classes ouvrières :

    « les théories du jour sont remplacées par d'autres plus folles du lendemain [...] On ne se contente plus des carrières laborieuses qui conduisent à une modeste fortune par l'économie ; on veut de ces mouvements qui déclassent les divers ordres de la société ; sous le prétexte d'améliorer le sort des classes ouvrières, on décourage la vie des pauvres ; [...] si depuis la Révolution de 89, les classes moyennes et élevées sont plus morales, le moyen le plus sûr d'améliorer la condition des pauvres est de leur donner des habitudes meilleures et de leur enseigner que le travail persévérant et l'économie sont les seuls moyens réels d'arriver à un bien-être matériel [...] nous ne pouvons entendre, comme magistrat, avec indifférence, les nombreuses attaques dont la propriété est l'objet, notre regret est aussi grand quand nous voyons les flatteries dont les classes laborieuses sont l'objet, de la part d'hommes qui voudraient s'en servir comme d'instruments en les égarant sur leurs intérêts »143(*).

    La force potentielle de la classe ouvrière, classe la plus nombreuse et la remise en cause par certains de la propriété (comme Etienne Cabet, Joseph Proudhon, etc.), placent une épée de Damoclès au dessus de la France des notables. Moyne s'interroge :

    « Sommes-nous donc au milieu d'une société sans gouvernement ? la lice est-elle ouverte pour réaliser toutes les utopies ?[...], que d'autres hommes rêvent une société perfectionnée, s'administrant et se gouvernant par elle-même ; où les lois seraient obéies comme par enchantement ; tant que leur imagination restera dans ces limites, la société n'aura pas sujet de s'inquiéter ; elle regrettera seulement qu'un aussi grand nombre de ses enfants perdent, dans des théories qui ne peuvent se réaliser, des forces et des moyens qu'ils pourraient utiliser dans l'intérêt social »144(*).

    En défenseur institué de la société, les magistrats du parquet ne peuvent être que violemment opposés aux réorganisateurs utopistes de l'ordre établi. En 1842, soit deux ans après la publication Qu'est ce que la propriété ?de Proudhon, le procureur général Gaultier se pose en protecteur des propriétaires et présente la classe dominante des notables comme le moteur de la France :

    « Celui qui tient de ses pères, ou de son travail, les avantages de la propriété, s'il administre avec sagesse et libéralité, répand le bien-être autour de lui, encourage le commerce et les arts, forme les familles honnêtes et intéressés à la défense de l'ordre et des institutions, et, par là, rend des services à la société aussi grands, aussi essentiels qu'ils ont été naguère follement déniés »145(*).

    Idée exaltée par la Déclaration des Droits de l'homme et consacrée par le Code civil, la propriété privée n'est pas prête de disparaître. Blanche, sûr de lui, lance quelques mois avant la chute de la monarchie de Juillet :

    « Oui, Messieurs, ils se trompent. Malgré leurs agitations et leurs clameurs, la propriété jouira d'une longue sécurité ; la propriété est un principe que ne peuvent atteindre ni les écarts de l'imagination, ni les intempérances de la logique [...], l'humanité ne rompra pas des liens consacrés par la sagesse des siècles »146(*).

    Mais ces prises de position radicales contre les menaces utopistes, montrent une notabilité judiciaire soucieuse de son propre équilibre et de la pérennité des valeurs établies. Les magistrats ne sont pas les derniers à s'appliquer le respect de la règle qu'ils imposent et garantissent à la société.

    C-Une vie privée au dessus de tout soupçon.

    Nombres de discours rappellent les obligations du magistrat, et notamment dans sa vie privée. L'abnégation du magistrat doit être au coeur de son action personnelle tant dans son travail qu'au sein de sa famille. Ce rappel des impératifs de vertus à intégrer, fait partie de la tradition du discours de rentrée. La légèreté n'a de place nulle part. La famille et le mariage sont les seuls cadres possibles : les écarts moraux des magistrats y sont prohibés. Le magistrat doit s'enfermer dans son travail et être un bon père de famille. Tout au long des discours, les procureurs et avocats généraux diffusent une conception de la façon de vivre de la magistrature qui n'est pas marquée du sceau de la gaieté. Dans un discours au titre évocateur, L'exemple, Pierre Paillart explique bien la ligne de conduite à adopter tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du palais de justice : l'avocat général préconise que les magistrats doivent se parer de toutes les vertus147(*) et servir ainsi d'exemple pour la société, la rigueur morale n'excluant que la diffamation ou la suspicion :

    « Tout n'est pas fini, en effet, pour le magistrat, quand il vient d'accomplir les fonctions de son ministère ; une autre loi reste, qui veille sur ses pas et le suit jusque dans la vie privée. Elle lui impose des moeurs austères, des habitudes sérieuses et des jours bien remplis, de telle sorte que contre nous toute accusation soit calomnieuse et tout soupçon une invraisemblance [...]. Toutes les vertus, Messieurs, grandissent et se fortifient par l'exemple. Il doit être donné à chaque heure de la vie, à chaque degré de la puissance, par les discours aussi bien que dans les actes, dans les débats de l'audience comme dans le travail du cabinet [...]. Ici, en un mot, tout doit être pur de reproche et même de soupçon, depuis les prêtres de la justice jusqu'à ceux qui gardent les avenues du temple »148(*).

    Dans leur sacerdoce, les « prêtres de la justice » sont soumis à une certaine ascèse: le principe de l'austérité du magistrat est récurrent et tend à faire croire que la réalité n'est pas si éloigné du principe édicté. Pour le procureur général Gaultier, l'austérité est même la seule marque de notabilité qui doit rendre fier le magistrat. La seule quête de justice vaut bien alors un chemin de croix :

    « Les études de l'homme public sont longues et ardues ; elles embrassent à divers degrés les lois, les institutions, les principes mêmes de l'ordre social, c'est à dire les sujets les plus sérieux qui puissent appeler nos médiations, et chaque pas qu'il fait lui en présente des applications nécessaires [...]. Une vie laborieuse, l'assujettissement, de pénibles luttes, et trop souvent des injustices et des dégoûts, voilà donc, Messieurs, ce qui l'attend dans sa carrière ! Le courage, la modération, l'oubli de ses intérêts et de ses sentiments personnels, voilà quelles sont les vertus qui lui sont commandées [...]. Dans cette austérité même résident leur élévation et leur noblesse »149(*).

    Ne déshonorant pas son nom de famille, le procureur général Moyne qui se retrouve un peu délaissé après l'affaire Aroux et Tranchard (voir infra), n'a pas de mal à prôner le principe d'isolement ; mais quant à celui de confraternité, il semble un peu moins crédible :

    « Sévère pour lui-même, il doit éviter les actions qui, prises en mauvaise part, pourraient paraître équivoques ; sa conduite doit être austère, il doit éviter les occasions d'une trop grande dissipation ; l'homme léger simulerait difficilement la gravité [...]. Se renfermer dans le cercle étroit d'un petit nombre d'amis, donner à ses habitudes un caractère de bienséance et de dignité, vivre dans des sentiments de confraternité avec ses collègues ; car l'isolement absolu engendre l'égoïsme, et est contraire à l'esprit qui doit nous animer »150(*).

    Finalement, la nécessité d'une vie privée sans débordements est justifiée par Antoine Blanche en des termes moins passionnés et plus rationnels. L'avocat général résume : « C'est dans une vie calme et recueillie que le magistrat trouvera le loisir nécessaire pour sonder les profondeurs de la science et en préparer l'application »151(*).

    Débarrassé de la toge du propagandiste, le parquetier général est dans l'intimité du palais un membre de la Cour comme les autres, qui certes n'oublie jamais vraiment sa mission réquisitoriale. Si les aspects politique et juridique reviennent souvent pour définir le magistrat du parquet, son rôle au sein de la compagnie ou de la cité est peu abordé. L'objet de la deuxième partie essayera donc de voir le rôle occupé par le parquetier aussi bien dans l'organisation interne de la Cour qu'à l'extérieur, dans ses occupations sociales.

    2-/ Vie de la Cour et temps extra- judiciaire : de la participation active à l'attention apparente du parquet.

    2-1 : Un rôle de surveillant dans les affaires internes.

    2-1-1 : Impressions et annonces judiciaires : une vue du parquet sur les parutions judiciaires.

    A l'image du ministre de la Justice chargé d'assurer, au plan national, la publication des lois, le procureur général de Rouen doit veiller pareillement à rendre compte des décisions et des communiqués judiciaires, pris à l'intérieur de son ressort.

    En novembre 1831, le procureur général Thil est missionné par le garde des Sceaux pour superviser une étude de marché entre différents imprimeurs de Rouen : le but de l'opération est d'établir la concurrence entre les imprimeurs et ainsi de faire baisser les prix. Le procureur général fait insérer « dans trois journaux de la ville un avis qui invitait les imprimeurs qui seraient dans l'intention d'entreprendre ces impressions à faire leurs soumissions »152(*). Le procureur général, s'il représente la société, doit garantir la publicité des procès et des décisions judiciaires et les porter à la connaissance de la collectivité : par exemple, en matière pénale, les décisions des cours d'appel et d'assises entraînent parfois la publicité des peines, soit par la voie d'affiches collées dans tout le département, soit par la voie de presse, où les jugements sont insérés dans différents journaux locaux, voire nationaux pour les affaires importantes (voir supra : affaire Barbet). Le marché qu'ouvre la justice, pour l'impression, est vaste : il est à noter d'ailleurs que les discours de rentrée prononcés par les parquetiers généraux sont tous publiés par l'imprimeur de la Cour153(*). A la suite de la prospection dirigée par le procureur général Thil, la Cour décide de retenir l'imprimeur François Marie, ce dernier proposant des prix d'impression inférieurs d'un tiers sur son confrère Frédéric Baudry. La sélection de l'imprimeur Marie n'est pas qu'un choix économique, mais est surtout un choix politique : Frédéric Baudry, « notable maçonnique »154(*), est écarté car il est l'imprimeur du journal de gauche, le Journal de Rouen alors que François Marie est, selon Jean-Pierre Chaline, un imprimeur de droite155(*). Dans son intérêt et dans celui de la continuité de la Justice, la Cour préfère privilégier un conservateur, favorable aux idées du gouvernement, plutôt que cautionner les activités d'un opposant politique.

    En 1841, un autre procureur général, Jacques-André Mesnard, va s'attirer les foudres du Journal de Rouen156(*) : le procureur général demande l'application de la loi du 2 juin 1841 qui institue que dorénavant doit être désigné qu'un seul journal par arrondissement pour rendre compte des annonces judiciaires157(*). Les annonces des procès, les comptes rendus des affaires judiciaires, les mises en vente ou en location et, en général, les nouvelles du monde judiciaire (voir infra l'affaire Aroux et Tranchard) occupent une part non négligeable dans les colonnes des journaux, prouvant que nombreux sont les lecteurs intéressés par ce genre d'informations. La suppression des annonces judiciaires signifie pour le Journal de Rouen une fuite possible d'une partie du lectorat vers le journal officiel pour les annonces judiciaires : Le Mémorial de Rouen journal gouvernemental « patronné » par le maire de Rouen Henry Barbet158(*). Pour le Journal de Rouen, l'affaire des annonces judiciaires est « un coup d'état politique »159(*).

    Le droit de regard s'exerce jusque dans les rayons de la librairie de la Cour où les parquetiers-bibliothécaires continuent de contrôler les lectures du personnel judiciaire.

    2-1-2 : La bibliothèque du palais : les parquetiers à l'étude.

    La charge de magistrat suppose naturellement un temps important pour l'étude : les dossiers judiciaires impliquent une nécessaire attention et demandent souvent des prospections importantes dans les archives judiciaires. La bibliothèque du palais de justice apparaît donc comme le lieu évident, aussi bien, pour la préparation des discours de rentrée, ou des interventions lors des délibérations de la Cour que pour l'élaboration des travaux d'érudition ou de recherche judiciaire personnels.

    A Rouen, le procureur général a une implication dans la sélection des ouvrages à acquérir : il est membre permanent d'une commission de cinq membres, chargée d'établir une liste de livres à commander. Disposant en moyenne d'une somme de cinquante francs, la commission et le procureur général ont naturellement un pouvoir important dans le contrôle des publications achetées160(*). Participant à l'organisation de cette bibliothèque commune, la commission est parfois obligée de rappeler à l'ordre certains : ainsi le premier avocat général Gustave Rouland, en l'absence du procureur général, et les quatre autres commissaires (dont l'ancien premier avocat général, le conseiller Gesbert) veulent mettre un terme aux dysfonctionnements de la bibliothèque, notamment en ce qui concerne la question de l'emprunt des livres. Le 9 juin 1842, la commission dénonce « l'abus qui s'est introduit dans l'emport des livres appartenant à la bibliothèque de la cour, livres que plusieurs empruntent sans laisser une note, et retiennent très longtemps chez eux, sans qu'il soit possible de savoir à qui s'adresser pour les réclamer, et en faire effectuer le rétablissement dans la bibliothèque »161(*). Pour remédier au problème, les commissaires décident de mettre en place un registre, à quatre colonnes, placé sur la table de la bibliothèque, où l'emprunteur doit apposer son nom, le titre du livre emprunté, la date de son retour et enfin la date du jour où il a remis l'ouvrage162(*).

    La bibliothèque permet, outre la consultation d'ouvrages, l'accès à la presse. La Cour est abonné à divers journaux, en général, des papiers aux tendances politiques dans l'air du temps : le 10 novembre 1830, la Cour décide de cesser son abonnement au Constitutionnel pour Le Temps, mais les deux journaux sont de centre-gauche163(*). En revanche, quelques jours avant la Révolution de Février 1848, la Cour décide de résilier son abonnement au journal Le Siècle, quotidien de la gauche dynastique. Les deux commissaires-inspecteurs, dont Pierre Mary, l'ancien substitut du procureur général devenu depuis peu conseiller, estimant que « l'opinion du journal Le Siècle était déjà représentée ou à peu près, par l'un des journaux, qui se lisent à la bibliothèque », décident de « supprimer cet abonnement sans causer de préjudice aux lecteurs »164(*). Des membres de la compagnie protestent mais finalement, la commission dont le premier avocat général Joseph Chassan, confirme la résiliation. Considéré comme l'un des grands jurisconsultes de son temps165(*), Alfred Daviel est un spécialiste, entre autres, des questions hydriques. Redevenu avocat après sa démission, Daviel laisse une bonne impression à la Cour : le 15 mars 1837, la Cour le remercie d'avoir offert à la compagnie sa dernière publication : Traité de la législation et de la pratique des cours d'eau. Ce geste de Me Daviel ainsi que le remerciement de la Cour lors des délibérations sont rares et formulent une reconnaissance réciproque, située au-delà des conflits passés car, en général, les membres de la Cour distribuent plus souvent des mauvais points que des bons.

    2-1-3 : Le Conseil de discipline ou le ministère public converti en accusateur interne.

    A-L'affaire D'Avannes et Avril : la traque des légitimistes infiltrés.

    Quand un officier ministériel ou un magistrat commet une faute professionnelle, il peut être poursuivi devant la chambre de discipline. L'action disciplinaire, peut être aussi décidée contre celui qui s `est rendu coupable d'actes en contradiction avec la dignité ou l'honneur. Les 6 et 7 février 1833 est cité, devant la chambre du conseil, le vice-président du tribunal civil d'Evreux D'Avannes. Le premier avocat général Alfred Daviel (en présence également de l'avocat général Gesbert et du substitut Mary) prononce un réquisitoire et retient deux chefs d'inculpation contre D'Avannes : le premier reproche est que le fonctionnaire public, lié par le serment du 31 août 1830, a en tant que magistrat, participé à une souscription ouverte par la gazette de Normandie pour couvrir l'amende de son gérant Edouard Joseph Walsh (voir supra : deuxième affaire de la gazette de Normandie). Rendu coupable, par la Cour d'assises de la Seine-Inférieure, d'excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi, le gérant est condamné à six mois de prison et 5000 francs d'amende (voir supra). Le second chef d'inculpation est plus traditionnel : D'Avannes s'est emballé devant une assemblée du tribunal civil d'Evreux contre son chef de compagnie, après avoir été averti par ce dernier.

    « Le procureur général conclut, pour le roi, à ce qu'il plaise à la Cour [...] ordonne que M. D'Avannes sera et demeurera suspendu, pendant six mois, de ses fonctions de vice-président du tribunal civil d'Evreux, avec privation de traitement et le condamner aux dépens »166(*).

    La raison principale de l'accusation est une raison politique : ce qui est reproché à D'Avannes, ce sont ses attaches avec un journal d'opposition légitimiste qui a été poursuivi par le même membre du parquet, Alfred Daviel, le 19 novembre 1832. Il est singulier de voir que le procureur général Moyne n'intervient pas lui-même au conseil de discipline dans une affaire qui va pourtant occuper la Cour pendant une semaine. Alfred Daviel poursuit les légitimistes et le procureur général Moyne préfère s'en prendre aux républicains. Le partage des tâches est loin d'être un compromis mais plutôt un duel entre deux hommes sur le champ du ministère public avec pour armes, le droit de poursuites.

    La décision de la Cour du 9 février 1833 précise que D'Avannes est un « affilié » de la gazette de Normandie, et qu'il a apporté sa souscription de 5 francs, après que soient publiées les listes de souscription déjà presque remplies. Si D'Avannes a souscrit, ce n'est « qu'à titre d'amitié et de bienfaisance, envers la partie condamnée »167(*). Cette souscription est un procédé qui n'est pas « admissible ». D'Avannes aurait « dû voir dans la souscription proposée, ce que tout le monde y a vu, l'oeuvre d'un parti qui protège ouvertement les actes de ses adhérents, tendant au renversement du trône et des lois constitutives de l'Etat »168(*). La Cour tempère cependant la peine requise par le premier avocat général : Alfred Daviel avait demandé la peine maximum : la suspension provisoire. Finalement, la Cour choisit une peine intermédiaire : la censure avec réprimande, c'est à dire la suspension d'un mois de traitement169(*) (aucune sanction n'a été retenue contre D'Avannes, quant au deuxième chef d'inculpation, au sujet des débordements au tribunal civil d'Evreux). Le 12 février 1833, la chasse aux sorcières continue : le juge suppléant au tribunal d'Evreux, M. Avril, est mis en cause par le doyen des présidents Eude pour les mêmes raisons que D'Avannes, sur un réquisitoire du parquet du 7 janvier 1833 (dont la paternité et le contenu ne sont pas vérifiables170(*)). La souscription pour le gérant de la gazette de Normandie est considérée comme « un acte évidemment conçu et exécuté dans la vue d'amortir l'effet des dites condamnations et de les détourner de leur but morale et politique »171(*). Mais le 22 février 1833, M. Avril échappe finalement à l'avertissement normalement prévu. Le président Eude ne lui adresse qu'une lettre de rappel.

    Les comparutions de D'Avannes et Avril devant le conseil de discipline traduisent bien l'étendue des affaires de presse qui sont aussi des affaires politiques, impliquant les sensibilités d'opinion des magistrats. En 1835, l'événement disciplinaire concernant les avocats de Rouen revêt, elle aussi, une dimension politique républicaine cette fois mais avec une résonance nationale sans commune mesure.

    B-L'affaire des avocats de Rouen ou comment lutter contre « l'anarchie en robes de palais ? »172(*).

    L'affaire des avocats de Rouen, qui commence en avril 1835, fait suite au mouvement insurrectionnel lyonnais et parisien d'avril 1834, qui se solde par l'arrestation de nombreux républicains et la condamnation de la Société des Droits de l'homme (voir supra), responsable de la mobilisation. Conformément à une ordonnance du 15 avril 1834, les accusés d'avril sont traduits devant la Cour des Pairs, pour un « procès monstre », où doivent défiler plus de 2000 inculpés et 4000 témoins173(*). Devant la volonté affichée des accusés d'appeler pour leurs défenses des amis politiques et ainsi de transformer le prétoire de la Cour des Pairs en tribune républicaine, l'exécutif réagit et prend une ordonnance, à l'origine de la fronde des avocats rouennais. L'ordonnance du 30 mars 1835 confère au président de la Cour des Pairs, le soin de désigner d'office les avocats du barreau de Paris aux accusés qui voudraient prendre des avocats d'autres barreaux aux idées républicaines. Le 6 avril 1835, le barreau de Rouen, « avant même que le barreau de Paris, directement visé, se soit prononcé »174(*), délibère en conseil de l'Ordre, contre l'ordonnance et apporte son soutien à leurs confrères parisiens. Le parquet général de Rouen répond, le 18 avril, par une citation du bâtonnier Senard devant les chambres assemblées de la Cour d'appel. À huis-clos, dans la chambre du Conseil, Senard comparaît, sur le réquisitoire du procureur général du 17 avril, pour voir déclarer nulle et non avenue la délibération de l'Ordre des avocats du 6 avril et pour se voir appliquer des peines disciplinaires175(*). Plus de 26 avocats, dont Me Alfred Daviel, le rédacteur de la délibération du 6 avril176(*), son père et le doyen du collège Me Le Varlet, viennent soutenir le bâtonnier Senard et, par une requête, demandent à intervenir individuellement. Épaulé par le premier avocat général Gesbert, l'avocat général Paillart, et les substituts Leroy et Rouland, le procureur général Moyne refuse que les avocats soient reçus parties intervenantes et requiert contre la requête. Me Cheron, représentant des avocats signataires de la requête, développe « ses moyens à l'appui de la demande en intervention, s'attachant surtout à établir que chacun des avocats signataires [...] était individuellement intéressé dans la cause »177(*). Le bâtonnier, le seul investi pour défendre le barreau, fait tout de même un brillant exposé :

    « Les avocats, sachez le bien, Monsieur le Procureur Général, ne connaissent pas ces distinctions de lieux et de barreaux. Tous les avocats n'ont-ils pas les mêmes droits et les mêmes devoirs ? Ne sont-ils pas soumis aux mêmes lois, aux mêmes règlements ? Ignorez-vous la confraternité qui les lie ? En tout temps, leur union a fait leur force et leur dignité ; en tout temps, quand un avocat a été frappé ou menacé d'une injustice, cette injustice a été sentie par tous, et tous se sont levés pour la repousser »178(*).

    Peine perdue ! A 13h30, le procureur général Moyne clôture la séance extraordinaire du 29 avril en prononçant un réquisitoire, véritable rappel à l'ordre pour le barreau de Rouen : le procureur général reproche à l'Ordre des avocats d'avoir qualifié l'ordonnance du 30 mars 1835 d'illégale et déclaré « être prêt à s'associer à toutes les mesures qui seraient prises par l'Ordre des avocats de Paris »179(*). Considérant que le barreau a remis en cause la pertinence judiciaire de la Cour des Pairs, Moyne vocifère qu'« il y a eu une haute inconvenance à contester les pouvoirs judiciaires de la Cour des Pairs et à la qualifier de commission politique »180(*). Pour le procureur général, Me Senard, « en envoyant un extrait [de la délibération de l'Ordre du barreau de Rouen du 6 avril] au bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris [le bâtonnier] a manqué à ses devoirs »181(*). Pour toutes ses transgressions, Moyne demande à la Cour de déclarer illégale la délibération du 6 avril et la réunion de l'Ordre, ce dernier ne pouvant se réunir que pour l'élection du conseil de discipline et du bâtonnier. Le lendemain, les débats judiciaires continuent et c'est seulement le 4 mai que le barreau est fixé sur son sort. Dans ses premiers attendus, la Cour formule sa surprise au sujet des libertés prises par les avocats :

    « il faudrait admettre cette nouvelle doctrine qui, par délibération, prise en nom collectif, un barreau quelconque pourrait, arbitrairement et sans frein possible s'élever contre les institutions du royaume, lutter en corps contre l'autorité royale, arguer ses ordonnances d'inconstitutionnalité, se soulever contre leur exécution, provoquer les autres barreaux à en agir de même, et, ainsi, faire de l'anarchie, en robes de palais »182(*).

    La Cour souligne l'inconscience des frondeurs et leurs reproche de n'avoir pas évalué les conséquences de leurs actes : « Cela frappe tout d'abord, quand on voit les avocats du barreau de Rouen, par leur adhésion anticipée à des mesures dont ils ignorent la portée, se mettre à la discrétion d'un autre barreau, sans savoir, jusqu'où cet abandon pourra les conduire ». Surtout, la Cour ne veut pas créer un précédent préjudiciable aux institutions du régime : en effet, la Cour considère la délibération du 6 avril et le soutien apporté aux avocats parisiens comme un retour aux corporations : la Cour rappelle que l'Ordre des avocats, supprimé comme toutes les corporations par l'Assemblée Constituante et réapparaissant après la loi du 22 ventôse an XII, n'a pas été rétabli « en corporation délibérante sur les affaires de l'État »183(*). Conformément aux voeux du parquet général, la Cour annule la délibération de l'Ordre des avocats de Rouen car il s'« impose à la magistrature le devoir d'anéantir un acte aussi contraire à la démarcation des pouvoirs, qui est un des pivots de l'ordre social »184(*). Quant au bâtonnier Senard, il est condamné à rembourser les frais entraînés par l'affaire. En 1896, le bâtonnier Vermont du barreau de Rouen, revenant sur l'affaire des avocats de Rouen, saisit bien le sens de l'événement : « Il s'agissait d'un procès politique, Senard le perdit devant la Cour, il le gagna devant ses confrères et devant l'opinion publique »185(*). L'agitation du barreau de Rouen n'est pas isolée : les conseils de l'Ordre de Nancy et de Marseille contestent également l'ordonnance. Comme pour Rouen, les Cours royales de Paris et de Nancy, mais pas celle d'Aix, condamnent les décisions des barreaux. Le 5 avril 1841, la Cour de cassation rejette le pourvoi contre l'arrêt du 4 mai 1835, confirmant ainsi la position des juges de la Cour royale de Rouen186(*). Le procès des insurgés d'avril qui s'ouvre en mai 1835 qui devait être le procès du régime met, en réalité, un terme à l'activisme publique des républicains.

    En interne, si le parquet juge souvent sur l'étiquette politique les contrevenants, les parquetiers, eux, sont jugés par leurs supérieurs pour leur assiduité aux règles de l'usage et du protocole.

    2-2 : Le parquet général en majesté.

    2-2-1 : La relation royale : un privilège d'élite.

    A-Les arrivées royales : les parquetiers aux premières loges.

    Dans les registres de délibérations, « l'érudit normand Floquet » selon les mots de Jean-Pierre Chaline187(*) , par ailleurs greffier en chef à la Cour de Rouen fait part des visites royales à la Cour de Rouen et donc au parquet général. On apprend que Louis-Philippe est venu deux fois à Rouen. Le 17 mai 1831, le procureur général Thil, le premier avocat général Daviel, les avocats généraux Boucly et Gesbert, les substituts Le Tendre de Tourville et Hély d'Oissel, accompagnés de la Cour, se rendent à l'hôtel de la préfecture pour une audience avec le roi mais aussi deux de ses fils, Louis, duc de Nemours mais surtout Ferdinand Philippe, duc d'Orléans, âgés respectivement de 17 ans et 21 ans. Outre le côté très solennel, ces rencontres officielles ne sont pas dénuées d'intérêts politiques : elles sont une façon d'affirmer l'autorité du nouveau roi, qui a bien besoin de soutiens, notamment de l'appui des élites dont appartiennent les membres du parquet général. Rencontrer la famille royale, c'est aussi mettre des visages sur une idée politique assez neuve : l'orléanisme. La présence du jeune duc d'Orléans peut rassurer une magistrature debout qui s `est engagée par serment et a donc fait le pari de la branche cadette. Le 9 septembre 1833, Louis-Philippe, accompagné cette fois de la reine des Français, se rend de nouveau à Rouen :

    « Leurs majestés [...] ont traversé la grande galerie [de l'hôtel de la préfecture], aux cris de « Vive le roi, vive la reine ». Leurs majestés, entourés des jeunes princes et princesses sont allés se placer dans un salon attenant à la grande galerie. Immédiatement, le maître des cérémonies a appelé la Cour royale, le premier corps qui ait été admis à saluer leurs majestés. Cette Cour s'est avancée ayant à sa tête M. Eude, son premier président, lequel a harangué le roi. Sa majesté a répondu avec beaucoup de noblesse et d'affabilité puis M. le premier président a salué le roi, la reine, les princes et princesses, tous les membres de la Cour ont passé en s'inclinant devant leurs majestés et les princes et princesses de la famille royale [...]. En rentrant au palais , la compagnie a appris avec satisfaction que M. Eude, son premier président, M. Aroux188(*), son doyen des présidents, M. Moyne, procureur général allaient avoir l'honneur de dîner ce jour, avec leurs majestés et la famille royale »189(*).

    Cette visite royale arrive un mois après les affaires qui ont bouleversé le monde judiciaire rouennais : l'affaire Aroux et Tranchard, suivie de la démission d'Alfred Daviel. Ce dernier n'est toujours pas remplacé le 9 septembre. L'invitation de M. Moyne au dîner royal est loin d'être un désaveu de l'attitude du procureur général. Cette mention, au moment où les tensions sont plus que vives entre le barreau et la magistrature, est une marque de confiance non négligeable de la part de l'autorité royale.

    Le mardi 1er août 1837, le duc d'Orléans revient à Rouen, accompagné de sa jeune épouse Hélène de Mecklembourg, devenue duchesse d'Orléans depuis le 30 mai 1837. Le procureur général Mesnard, le premier avocat général Gesbert, les avocats généraux Le Tendre de Tourville et Paillart, les substituts Rouland et Justin, accueillent le couple à la préfecture. M. Mesnard qui, la veille « présenté à leurs altesses royales par M. le préfet, leur avait offert en peu de mots, l'expression de son respect et de son dévouement »190(*), est nommé par le premier président pour faire partie d'une députation en charge de faire visiter le palais de justice à leurs altesses royales. Pour la circonstance, le greffier Floquet fouille les archives du palais et retrouve une « plaidoirie bouffonne » du fou du roi Brusquet datée du 8 octobre 1550 et prononcée devant la reine de France Catherine de Médicis, Marie de Guise, reine d'Ecosse, Diane de Poitiers entre autres. Presque trois cents ans plus tard, la bouffonnerie marche encore. Floquet note : « Cette lecture a excité l'hilarité de leurs altesses royales et des personnes qui les accompagnaient ». C'est peut-être la seule fois où l'on a pu entendre le procureur général rire dans une salle prévue plutôt pour de sérieux procès d'assises.

    L'inauguration de la ligne de chemin de fer Rouen-Paris, le 3 mai 1843191(*), permet au parquet général (le procureur général Gaultier, le premier avocat général Rouland, les avocats généraux Dufaure de Montfort et Chassan, les substituts Blanche et Baillehache) d'accueillir au débarcadère de la rive gauche le duc de Nemours et son frère cadet, Antoine, duc de Montpensier. L'assemblée, placée dans une tribune couverte, outre d'assister à la bénédiction du chemin de fer par le cardinal Prince de Croÿ, assiste à la plus grande révolution des transports et de la communication du XIXe siècle.

    En dehors de ces cérémonies d'allégresse et lorsque le roi traverse des moments importants, les magistrats ne tardent pas pour apporter à l'autorité royale leurs témoignages d'estime.

    B-Adresses à Louis-Philippe : communications directes avec l'autorité royale.

    Outre participer à un certain nombre de décisions concernant le fonctionnement intérieur, les magistrats du parquet, au sein de la Cour, ont voix délibérative à propos des adresses destinées au roi pour lui témoigner de leurs soutiens lors des grands tournants ou des épreuves du régime. Le 8 septembre 1830, le procureur général Thil est désigné pour faire partie d'une députation chargée de présenter au roi une adresse d'adhésion, où la Cour reconnaît officiellement le régime de Louis-Philippe :

    « Déliés par un éclatant parjure, c'est avec bonheur que nous avons vu les députés de la France renouveler avec vous le Pacte sacré des droits et des devoirs, et, acceptant pour caution de votre attachement au pays et à ses libertés, votre vie toute entière, nous sommes rassurés, désormais, sur les destinées de la patrie. Daignez, Sire, agréer avec bienveillance les respectueux hommages de votre Cour royale de Rouen »192(*).

    Les adresses sont surtout l'occasion pour les magistrats de se montrer présents lors des événements qui ont une incidence directe sur la vie personnelle du roi : ainsi, le 26 août 1838, le procureur général Mesnard décide avec le premier président de rédiger une adresse pour célébrer la naissance de Louis-Philippe d'Orléans, comte de Paris (après avoir assisté à un Te Deum donné en son honneur), adresse qu'ils soumettent, ensuite, au vote de la Cour :

    « Là, réunie en assemblée générale, à huis-clos, la Cour a voté spontanément une adresse au roi, expression de la joie dont l'a pénétrée la naissance de son altesse royale, le comte de Paris ; cette adresse a été immédiatement envoyée à M. le garde des Sceaux, avec une lettre écrite par M. le premier président à ce ministre, pour le prier de vouloir bien mettre l'adresse de la Cour sous les yeux de sa majesté »193(*).

    Présents lors des moments d'exaltation, les membres de la Cour le sont, surtout, lorsque les circonstances sont plus douloureuses. C'est le cas le 14 juillet 1842 lorsque la Cour apprend la mort accidentelle du fils aîné du roi, le du duc d'Orléans. Comme souvent une commission (de trois membres dont le conseiller de Tourville) est nommée par le premier président pour rédiger l'adresse. A cette commission s'est adjoint un représentant du parquet : le premier avocat général Gustave Rouland est le parquetier désigné, le procureur général Gaultier étant absent :

    « au milieu du deuil universel, quoique notre pensée se reporte sur les fils qui vous restent sujets de consolation pour vous, Sire, pour notre reine bien aimée, gages, pour nous, d'un indestructible avenir, la douleur plus forte en ce jour que l'espérance ne nous permet devant des infortunes si inouïes, que des larmes et une association intime et sans réserve, à vos angoisses de monarque et de père »194(*).

    L'essentiel des autres adresses témoigne d'un phénomène propre au régime de Louis-Philippe : les attentats. Les nombreux attentats intentant à la vie du roi suscitent, en effet, des réactions immédiates et unanimes de la Cour. Ces attentats, pour déstabiliser les bases du régime, sont autant d'occasions pour les magistrats de présenter des signes répétés d'adhésion au gouvernement. Les adresses se succèdent dans un style compatissant à l'extrême195(*) et, qui, du fait de la répétition même, a posteriori, prêtes à sourire : par exemple, en juin 1836, « Sire, encore un horrible attentat contre les jours de votre majesté ! »196(*), en décembre 1836 « Le crime ne se lasse pas : un nouvel attentat vient d'épouvanter la France. Sire, on dirait qu'il est des existences grandes et prédestinées qui émoussent le poignard et détournent la balle »197(*), ou encore en avril 1846 : « [ce crime] vient du moins de présenter une pensée consolante, c'est que la providence qui vous protège est encore plus persévérante que la perversité qui vous poursuit »198(*), etc.

    Les adresses au roi, que les parquetiers généraux élaborent en partie, relèvent plus de convenance et des règles du protocole de la Cour que d'une réelle spontanéité. Toutefois, si ces correspondances sont très formelles, elles permettent aux magistrats de la Cour de faire corps avec le pouvoir en place. A l'extérieur du palais de justice, l'union de tous les magistrats prend souvent forme autour de la conviction spirituelle, lors de cultes religieux ou nationaux.

    2-2-2 : Les démonstrations d'attachement à l'Église et aux nouveaux cultes.

    A-L'Église : cadre privilégié pour les solennités religieuses et civiles.

    La religion catholique, religion « professée par la majorité des Français » comme le mentionne l'article 6 de la Charte de 1830199(*), est celle également de la majorité des magistrats au XIXe siècle200(*). Le palais de justice, souvent comparé à un sanctuaire inviolable (voir infra), n'est pourtant pas le seul lieu de culte des magistrats : la cathédrale de Rouen apparaît comme le lieu de toutes les cérémonies, sauf peut-être celle de rentrée au mois de novembre. En effet, rien ne laisse penser que la messe du Saint-Esprit, remise au goût du jour par la Restauration201(*) et donnée à la cathédrale, inaugure toujours, à partir de 1830, l'audience solennelle de rentrée de la Cour de Rouen. Malgré cela, les magistrats du parquet et de la Cour participent à bien d'autres messes dites « rouges »202(*), surnom donné à cause de la robe rouge, véritable tenue de cérémonie, que les magistrats portent lors des grandes solennités. Le parquet général, comme les autres membres de la Cour, se déplacent, du palais de justice à la cathédrale, souvent à pied mais surtout en corps. C'est d'ailleurs là une des pierres d'achoppement qui opposent, en 1833, le procureur général Moyne et son procureur du Roi de Rouen Aroux, ce dernier voulant que l'on convoque aux diverses cérémonies non des corps mais des citoyens (voir infra). Paradoxalement libres de leurs opinions religieuses, les parquetiers, catholiques ou non, pratiquants ou non, sont officiellement sollicités au sein du corps qu'ils représentent, pour participer à des rituels imposés.

    Si le procureur Aroux craint la réapparition d'une religion d'État, il est certain que s'organise très rapidement un « culte d'État » qui honore Louis-Philippe et les Trois Glorieuses : le 1er mai, jour de la saint Philippe, est l'occasion d'une fête nationale dédiée à Louis-Philippe. Le 1er mai 1831, le procureur général Thil, les avocats généraux Boucly et Gesbert ainsi que le substitut de Tourville, se rendent à la cathédrale pour entendre « une messe solennelle en musique [...] célébrée à l'occasion de la fête de Sa Majesté et à laquelle a assisté Monseigneur le cardinal Prince de Croÿ, archevêque de Rouen »203(*). Jean-Pierre Chaline prend l'exemple de cette fête pour illustrer le retour, de la part de la magistrature, d'un certain bigotisme intéressé :

    « Très vite, opportunisme politique et souci de carrière ramenèrent au pied des autels fonctionnaires et magistrats, libéraux nommés de la veille, lors des messes de la Saint Philippe. «Tel qui ne croit pas un mot des dogmes catholiques n'avait pas moins endossé la robe rouge ou l'habit brodé pour venir faire acte de catholicisme», enrage le Journal de Rouen [numéro des 1er et 2 mai 1831] »204(*).

    Le 16 juillet 1831, le procureur général est chargé par le garde des Sceaux d'instituer une nouvelle fête nationale et pour cela de requérir que les audiences et travaux judiciaires soient suspendus pendant les 27, 28 et 29 juillet, « jours où des fêtes seront célébrées, en mémoire des trois journées de 1830 »205(*). Le 27 juillet 1831, le parquet général assiste à un « service funèbre pour le repos de l'âme des citoyens morts dans le sein de l'Église les 27, 28 et 29 juillet 1830 »206(*). Sortant de la cathédrale, les magistrats participent à des célébrations plus civiles cette fois : ils se rendent à l'hôtel de ville où sur la place est élevé « un obélisque funéraire élevé à la mémoire des citoyens morts pour la patrie » et voient défiler la Garde nationale, accompagnée de la troupe de ligne207(*).

    Les grands moments de la vie nationale sont très souvent ponctués par des Te Deum à la cathédrale pour les victimes d'attentat208(*) ou les naissances royales comme celle du comte de Paris209(*), ainsi que des services funèbres organisés pour, par exemple, la mort du duc d'Orléans210(*) ou de la soeur du roi, Mme Adélaïde211(*), etc. Pour les obsèques plus courantes des présidents ou conseillers de la Cour, le parquet général envoie généralement un ou plusieurs de ses représentants, mais ne se déplace jamais en corps. Pour les parquetiers, l'assistance à ces cérémonies religieuses ou nationales fait partie intégrante du protocole judiciaire et vouloir se soustraire à ces actes publics (plus qu'« actes de catholicité ») constitue une faute caractérisée, susceptible d'avoir des incidences majeures sur la carrière du magistrat rebelle (voir infra l'affaire Aroux et Tranchard). Quant au retour des cendres de Napoléon en 1840, la manifestation semble plus prompte à établir un consensus national indiscutable.

    B-Le retour des cendres de Napoléon Ier : une cérémonie en grande pompe.

    « Dors, nous t'irons chercher ! Ce jour viendra peut-être !

    Car nous t'avons pour dieu sans t'avoir eu pour maître !

    Car notre oeil s'est mouillé de ton destin fatal,

    Et, sous les trois couleurs comme sous l'oriflamme,

    Nous ne nous pendons pas à cette corde infâme

    Qui t'arrache à ton piédestal ! »

    Victor Hugo (À la colonne, in Les chants du crépuscule)212(*)

    A la différence de l'inauguration de l'Arc de Triomphe du 29 juillet 1836 qui se fait dans une relative discrétion213(*), le retour des cendres de l'Empereur Napoléon Ier est orchestré de manière plus bruyante. Après une période de méfiance (justifiée notamment par les tentatives échouées de Louis-Napoléon Bonaparte de soulèvement de la garnison de Strasbourg, le 30 octobre 1836 puis du débarquement à Boulogne le 6 août 1840), le régime orléaniste veut tirer profit d'une vague nationale de dévotion impériale. Après des pourparlers avec la reine Victoria, Adolphe Thiers, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, obtient, en mai 1840, la restitution des restes mortels de l'empereur. Après une longue traversée depuis Sainte-Hélène et avant de reposer sous le dôme des Invalides, les cendres de Napoléon doivent, officiellement, passer par Rouen. Averti par le préfet du département, la Cour royale, en présence du procureur général Mesnard, « voulant s'associer aux honneurs éclatants décernés par le Gouvernement à la mémoire de l'Empereur », annonce, le 7 décembre 1840, qu'elle se rendra en corps au port de Rouen pour assister à l'office funèbre du 10 décembre214(*). Les déclarations publiques sont dithyrambiques : dans une proclamation aux habitants de la Seine-Inférieure, le préfet déclare : « Aucun événement, dans l'histoire, ne se présente peut-être avec le caractère de grandeur qui accompagne la translation inespérée des restes mortels de l'Empereur Napoléon »215(*). Le mardi 8 décembre, Henry Barbet, maire de Rouen, surenchérie : « Après vingt-cinq ans d'exil sur la terre étrangère, Napoléon nous est enfin rendu [...]. Quelques instants seulement nous sont donnés pour saluer le cercueil du héros qui sut faire respecter le nom français dans le monde entier [...]. Associons-nous avec un religieux recueillement aux triomphales funérailles que lui réserve la cité où sa gloire et son génie sont empreints d'une grandeur immortelle »216(*). Comme prévu ; le jeudi 10 décembre 1840, à huit heures et demie, le parquet général, (le procureur général Mesnard, le premier avocat général Rouland, l'avocat général Dufaure de Montfort, les substituts Justin et Blanche ; seul est absent l'avocat général Chassan), habillé de robes rouges, quitte le palais de justice en voitures, escorté par celles des huissiers-audienciers et un détachement de gendarmerie à cheval, traverse les rues Saint-Lô, Ganterie, la place Saint-Ouen, la rue Malpalu, le pont de pierre, pour arriver quai Saint-Sever217(*). Là, ils sont introduits, avec la Cour, dans une tribune couverte, située sur les quais inférieurs. Sous cette tente richement décorée, le parquet général se trouve en compagnie des plus hautes autorités de la ville et du département : « l'archevêque de Rouen à la tête de tout le clergé de [la] ville et des élèves du séminaire, l'état-major de la division, le préfet avec tout son personnel administratif, le maire de Rouen et le conseil municipal » mais aussi « le tribunal de première instance, l'ordre des avocats, les avoués de première instance et d'appel, les tribunaux de commerce de Rouen et d'Elbeuf, le conseil des prud'hommes, tout le corps universitaire, toutes les administrations et toutes les sociétés savantes »218(*). Tandis que les épouses sont cantonnées sur les côtés de la tente officielle, la foule immense, elle, envahit les berges de la rive gauche et de la rive droite, certains regardent de leurs fenêtres et d'autres montent même sur les toits219(*). Le Journal de Rouen, ébahi devant un tel rassemblement, écrit : « Non, jamais pareille influence ne s'était peut-être vue dans cette partie de Rouen à aucune époque de son histoire »220(*). Après quelques heures d'attente, le bateau à vapeur la dorade n° 3, entre à onze heures du matin dans le port de Rouen. Le cercueil, à l'avant de l'embarcation, est « recouvert d'un drap de velours violet semé d'abeilles, et surmonté de la couronne impériale que [recouvre] un crêpe »221(*). À bord, sont là, notamment, le prince de Joinville, fils de Louis-Philippe et les fidèles de Longwood, les généraux Bertrand et Gourgaud ainsi que l'ancien valet de chambre Marchand, qui étaient chargés, depuis Sainte-Hélène, de ramener sur la frégate la Belle Poule, les cendres de Napoléon. L'embarcation arrive finalement jusqu'à la tribune officielle où le cardinal Prince de Croÿ fait l'absoute du bateau-catafalque. Après les encensements procédés par l'abbé Coquereau, aumônier du la Belle Poule, un canot d'officiers vient saluer les autorités. Restés à bord, le prince de Joinville et les autres officiels saluent l'assemblée222(*), avant que le bateau-catafalque ne parte vers Paris sous les seules acclamations des vétérans de l'Empire et des élèves du Collège royal223(*). Le Journal de Rouen explique le silence de certains et des officiels notamment : « L'âme était resserrée, les regards étaient humides, les bouches étaient muettes ! Que dire ? Quelles exclamations proférer devant ce fait, qui disait à la fois toute la grandeur et tout le néant de notre humanité ? »224(*). Le parquet général, parmi d'autres, assiste à un grand moment de l'histoire de la ville de Rouen. Les magistrats du parquet sont les témoins officiels de ce retour triomphal qui est à mettre à l'actif du règne de Louis-Philippe. Mais en rapportant les restes mortels de Napoléon, le régime orléaniste rapproche lui-même l'ombre impérial et enclenche, dès lors, sa propre éclipse.

    Auparavant, les magistrats du parquet profitent de leurs situations pour vivre une parfaite vie de notable avec ses préoccupations toutes particulières.

    2-3 : L'appartenance à la magistrature implique l'existence de signes extérieurs de notabilité.

    2-3-1 : La notabilité avant la magistrature.

    « On ne peut pas donner à la propriété de meilleur défenseur que la propriété elle-même » Adolphe Thiers225(*).

    La magistrature ne fait pas la notabilité mais c'est l'appartenance au monde des notables qui permet d'accéder à la magistrature. Dans Les juges et le pouvoir, Gérard Masson écrit : « la magistrature de la monarchie de Juillet était à l'image d'un régime qui reposait sur une caste financière. Son recrutement se faisait sur une base sociale très étroite et l'accès aux hauts postes était réservé aux juges les plus fortunés »226(*). Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la magistrature n'est pas une profession lucrative. Les traitements des magistrats sont modiques227(*), même si un relèvement général s'opère à partir de 1846228(*). La possession d'une fortune préalable, facteur d'admission et d'avancement, est obligatoire229(*). Avant d'entrer dans la magistrature, beaucoup de parquetiers ont commencé une carrière au barreau. Exerçant la profession libérale d'avocat, les prétendants au parquet peuvent tous constituer un patrimoine financier ou immobilier, susceptible d'appuyer leurs candidatures, puis leurs promotions.

    Mais souvent, la fortune, bien qu'héritée de famille, a diverses origines : le procureur général Frédéric Salveton, est issu d'une ancienne famille de robe ce qui facilite, financièrement et notoirement, l'entrée dans la magistrature. Habitant le Puy-de- Dôme et comme la plupart des notables ruraux, Salveton est un propriétaire foncier, qui tire sa fortune de la terre230(*). Le procureur général Moyne, également, est un notable de la campagne, qui possède des vignobles de vins de Champagne, dans la région de Châlons-sur-Marne231(*). La richesse peut être aussi urbaine : le substitut du procureur général Jean-Baptiste Pinel vient d'une grande famille rouennaise qui a fait fortune dans l'industrie cotonnière et qui s'en est éloignée, pour rejoindre, plus convenablement, la haute bourgeoisie232(*). Quant à l'avocat général Antoine Blanche, il brise comme son frère Armand, avocat, la brillante hérédité médicale, pour entrer au parquet général233(*). La noblesse conserve aussi un rang de notabilité indéniable et privilégiée dans la magistrature. La présence au parquet général de l'ancienne noblesse -- avec Jean-Marie Gesbert de la Noë-Seiche, Alexandre Le Tendre de Tourville, Dufaure de Montfort et Alphonse de Baillehache -- et de la plus récente noblesse d'Empire -- avec Hély d'Oissel -- prouve l'influence encore grande, des uns et des autres, sur le monde judiciaire rouennais : la Révolution de Juillet passée, Gesbert de la Noë-Seiche ne se prive pas d'ailleurs pour rouvrir son salon en 1832, où il réunit et réconforte les légitimistes nostalgiques234(*).

    A la Cour, l'Ordre de la Légion d'honneur -- sans avoir installer une nouvelle noblesse -- distingue l'importance du magistrat et sa notabilité. La Légion d'honneur -- seul insigne officiel porté au palais -- a le mérite sous la monarchie de Juillet d'unir tous les magistrats dans un cadre institutionnel et d'établir une concurrence plus sociale que politique. Mis à part Alfred Daviel, seul décoré de Juillet, les autres parquetiers gravissent un à un les grades de la décoration, mais conquièrent les sommets de l'Ordre, seulement, en fin de carrière et non lorsqu'ils sont au parquet général.

    La distinction fait l'élite et être académicien est un privilège de plus que les parquetiers généraux ne rechignent pas à obtenir pour se différencier de leurs collègues.

    2-3-2 : L'académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen : un lieu d'épanouissement intellectuel.

    L'académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen reste, sous la Monarchie de Juillet, une institution intellectuelle prisée, même si d'autres sociétés savantes comme la société libre d'émulation pour le progrès des sciences, des lettres et des arts lui font concurrence. Passant les bouleversements politiques sa création remontant déjà à 1744 , l'académie cultive une dimension surannée et élitiste, qui ne déplaît pas à la mentalité judiciaire du parquet.

    Appréciant très souvent les lettres, le parquet général de Rouen participe aux travaux érudits du grand cénacle rouennais. La position, que les parquetiers acquièrent au sein de la magistrature, leur assure une position privilégiée dans la notabilité, et donc sont favorisés, quant aux principes d`entrée qui reposent sur la cooptation. Leurs présences dans le temple officiel de la culture sanctifient l'idée d'un certain conservatisme bourgeois de la magistrature dont la motivation première est d'être le plus près de la supériorité morale et humaine. Le nombre restreint des élus une cinquantaine de l'académie ajoute à la préexcellence de ceux qui son acceptés.

    A la différence du premier président, de l'archevêque, du maire, ou encore du préfet, le procureur général n'est pas, selon l'article 28 des statuts délibérés en 1822 et 1823235(*), membre d'office de l'académie. Cependant, deux procureurs généraux de Rouen occuperont un siège à l'académie : Jean-Baptiste-Louis Thil entre à l'académie sous la Restauration, en tant qu'avocat brillant de la Cour de Rouen. Après la Révolution de Juillet, Thil, devenu procureur général, garde son siège jusqu'en 1833. Nommé conseiller à la Cour de cassation en 1834, il est obligé de partir de Rouen pour la capitale. Il devient pour l'académie de Rouen correspondant (1833), c'est à dire que n'étant plus résidant à Rouen, il garde seulement le titre d'académicien et ne participe que de façon très limitée (par voie épistolaire) aux travaux académiques. Le second procureur général à avoir été académicien est Alexandre-Félix-René Gaultier, qui entre le 14 janvier 1842, soit plus d'un an après son arrivée en novembre 1841. Remplacé le 24 mai 1844 par le procureur général Salveton, Gaultier devient correspondant à cette date, Rouen n'étant qu'une étape dans son parcours judiciaire. Pierre-Aubin Paillart, avocat général à Rouen depuis 1833, n'est reçu à l'académie que le 16 janvier 1835. Il y reste cinq ans et occupe les fonctions honorifiques de vice-président (1836-1837) puis président (1837-1838) du bureau de l'académie. Il devient, après sa nomination de procureur général à Nancy, correspondant en 1840. Né marseillais, l'avocat général Joseph-Pierre Chassan, , trouve en Rouen, une terre d'élection et cultive, officiellement, jusque dans son travail de jurisconsulte, un amour des lettres et de la poésie (Traité des délits et contraventions de la parole, de l'écriture et de la presse (1846) en deux volumes, Essai sur la symbolique du droit (1847)) . Il entre à l'académie le 1er juillet 1842, est vice-président (1844-1845), président (1845-1846) du bureau et demeure académicien-résidant à Rouen, jusqu'à sa mort en 1871. L'ancien substitut du procureur général, Narcisse Leroy, devenu conseiller à la Cour royale de Rouen entre, le 15 janvier 1841, comme académicien-résidant, puis devient, le 27 janvier 1843, secrétaire perpétuel, dans la classe des lettres. Sous la Seconde République, il est, également vice- président (1850-1851) puis président (1851-1852) du bureau de l'académie. Il faut dire que, parallèlement à la magistrature, Narcisse Leroy s'attache à développer ses talents de dramaturge : c'est, sans doute pour cette raison, qu'il est un des rares à avoir fait carrière sans quitter Rouen.

    Certes, les parquetiers préfèrent côtoyer la bonne société de l'académie mais leur goût pour l'humanisme les conduit parfois à développer une affection philanthropique.

    2-3-3 : La société pour le patronage des jeunes libérés : le philanthropisme parquetier à l'oeuvre.

    « Ne croyez pas les ramener, ils aiment la vie du malfaiteur » M. Moyne236(*).

    La société pour le patronage des jeunes libérés naît de l'initiative de MM. Duhamel et Lecointe, membres du comité cantonal gratuit pour l'instruction primaire de Rouen. Ils proposent de mettre en place, au sein de la prison Bicêtre de Rouen, une école d'apprentissage. Cette école dite « d'enseignement mutuel » est fondée le 21 février 1833 et dirigée par eux. L'objectif de cette entreprise est de faire diminuer le nombre élevé de récidives des jeunes détenus après qu'ils aient purgé leurs peines. Ils veulent ajouter à l'enseignement élémentaire, moral, et religieux, « une profession utile, afin de joindre l'exemple au précepte »237(*).

    Ainsi, dès le 15 mai 1833, à la suite d'une aide de 4000 francs du préfet de la Seine-Inférieure Dupont-Delporte, sont construits, dans l'enceinte de la prison, des « ateliers de cordonniers, tailleurs d'habits, tisserands, menuisiers, et lamiers »238(*). Cette société pour le patronage des jeunes libérés intéresse, à plusieurs titres, le parquet général. Le procureur général en est, semble-t-il, le président de droit : le procureur général Moyne en a été le premier président, comme en témoigne un discours très intéressant que nous verrons239(*). Jacques-André Mesnard lui a succédé comme en font foi deux discours, de moindres valeurs, prononcés en séance publique240(*). Rien ne prouve que le procureur général Alexandre Gaultier a été président de la société mais la présidence avérée du procureur général Frédéric Salveton241(*), de 1845 à 1848, laisse à penser qu'il n'a pas dérogé à la règle. Les avocats généraux participent également à l'administration de la société : Pierre-Aubin Paillart est, en 1835, un des six membres du conseil d'administration242(*) et a versé, au titre de souscripteur, la somme de 15 francs. Jean-Marie-Joseph Gesbert, premier avocat général, donne 25 francs et l'avocat général Le Tendre de Tourville, 12 Francs243(*). Mais celui qui contribue le plus, au parquet général, est le procureur général : le procureur général Moyne souscrit pour un montant de 50 francs. Après lui, viennent le premier président de la Cour Eude avec 90 francs, le maire de Rouen avec 100 francs, le préfet Dupont-Delporte avec 50 francs enfin le duc d'Orléans et la reine des français avec 200 francs respectivement. La liste prestigieuse des souscripteurs pour le patronage des jeunes libérés fait voir l'intérêt que portent les plus hautes autorités de la ville et de la France pour ce projet.

    Le parquet général et la justice représentée à son plus haut sommet à Rouen par le premier président se doivent de mettre tout en oeuvre pour réussir leur double mission : ils ont à punir en cas de faute mais aussi à s'assurer de ramener les délinquants dans le droit chemin. Ainsi, cette participation à la vocation salvatrice de la société pour le patronage des jeunes libérés donne une autre image du parquet général, qui n'est plus seulement une institution judiciaire appliquant aveuglément la loi, mais des hommes qui pensent à sortir les plus faibles de l'ornière criminelle. Le métier, acquis grâce au patronage, permet au jeune de s'assumer, gagner honnêtement sa vie, de sortir de l'indigence et donc de la délinquance. Le parquet général a tout intérêt à soutenir cette initiative lorsque l'on connaît le problème majeur que posent les conséquences de la pauvreté dans les affaires de justice. C'est aussi une réaction de notables, inquiets de voir des jeunes désoeuvrés, animateurs potentiels de troubles ou de débordements révolutionnaires futurs.

    Excellent résumé des devoirs de la société de patronage, le discours prononcé par le procureur Moyne en assemblée générale dans la grande salle de l'hôtel de ville de Rouen, en 1836, traduit bien le point de vue du notable à la bonne conscience, qui stigmatise la pauvreté comme un vice et les pauvres comme une classe dangereuse :

    « Messieurs,

    Si parmi les prisonniers, il en est qui sont corrompus et pervers et chez lesquels les bons exemples sont inutiles ; si ceux-là doivent rester dans cette ligne du crime qui les conduit, par degrés, à des peines plus fortes, et qu'alors la société soit réduite à la dure nécessité de prendre ses sûretés pour se garantir de leurs excès, il en est, et le nombre en est assez considérable qui répondent aux efforts que l'on fait pour les rendre meilleurs. Le résultat, quelque faible qu'il paraisse, est toujours fort important, aussi rien ne doit ralentir le zèle des hommes généreux qui consacrent leur temps à l'amélioration morale de cette classe de la société. Sans doute, il en est beaucoup qui veulent rester en état d'hostilité contre leurs semblables, et qui préfèrent la vie aventureuse des vagabonds à la vie laborieuse des pères de famille ; les soins seront infructueux, l'habitude du mal est un besoin pour eux ; ils se plaisent dans le crime, ils font la guerre à leurs semblables, comme si la guerre pouvait être un droit ; ils se placent dans cette position hostile qui devient une nécessité et qu'ils assimilent à un devoir ; ces prisonniers conservent les mauvaises traditions des prisons, ils sont le crime personnifié, avec tout ce qu'il traîne de hideux à sa suite [...]. Ne croyez pas les ramener, ils aiment la vie du malfaiteur [...]. Les jeunes détenus sont, en général, des enfants naturels abandonnés ou des orphelins placés dans la même position ; livrés au vagabondage, vivant de la mendicité, ils sont entraînés dans cette voie par la nécessité, ils y restent par habitude et par fainéantise ; privés de leçons et de bons exemples, ils n'ont pas la force ou la volonté d'en sortir ; ignorants, ils sont privés des ressources que procure le travail ; fainéants, ils chérissent la paresse [...]. Si on laisse cette classe nombreuse suivre les routes et parcourir les cités, bientôt on verra les crimes se multiplier et les bancs de la police correctionnelle ou de la Cour d'assises présenter en grand nombre des enfants aux prises avec le crime [...]. Jusque-là, Messieurs, les jeunes libérés étaient rendus à la liberté et abandonnés à leurs penchants bons ou mauvais : combien alors de récidives venaient affliger leurs bienfaiteurs? Il fallait un complément aux institutions formées dans la maison de détention : alors vous avez fondé le patronage des jeunes libérés ; ainsi toutes les institutions de bienfaisance sont les anneaux d'une seule chaîne. Les salles d'asile protègent l'enfance et lui préparent de bonnes habitudes, en même temps que les parents sont rendus à toute la liberté que réclame le travail. L'école et les ateliers, établis à Bicêtre, instruisent les adolescents qui ont failli, et leur créent des ressources par l'exercice d'une profession. L'extinction de la mendicité dans la ville de Rouen fera cesser une des causes de beaucoup de délits. Le patronage, enfin, les suit dans la société, leur cherche un asile, un tuteur, leur procure des ressources pour rendre leur travail plus productif, les couvre enfin de son autorité qui est toute morale et de confiance »244(*).

    Sorti de la société pour le patronage, le parquet participe bien modestement aux oeuvres de charité.

    2-3-4 : Charité et souscription : une modeste prise en compte de la détresse sociale.

    Les voix délibérantes du parquet général permettent de voter, lorsque des situations dramatiques se présentent, des crédits exceptionnels en faveur des nécessiteux. Pris sur les fonds de la Cour, l'argent des aides est sans commune mesure avec la réalité du besoin et les dépenses en matière sociale sont loin de grever le budget de la compagnie. Les bonnes actions de la Cour ont simplement une valeur symbolique et rejoignent les gestes de la charité chrétienne.

    L'hiver est souvent la saison pour réveiller les coeurs des magistrats : en janvier 1838, la Cour -- dont le procureur général Mesnard, le premier avocat général Gesbert et les avocats généraux De Tourville et Paillart -- décide d'octroyer une somme de 1200 francs, au maire de Rouen, président des bureaux de bienfaisance, pour « soulager » les pauvres de la ville245(*). En 1840, à même époque, « la Cour [dont le procureur général Mesnard et le substitut Justin] prenant en considération la rigueur du froid et la situation déplorable des indigents et des ouvriers sans travail » vote, de nouveau, un crédit mais, cette fois, donne moitié moins246(*). Il n'y a qu'en 1847 que la Cour semble comprendre l'importance du malaise social et prend des mesures plus adéquates et surtout plus solidaires :

    « M. le président [Simonin] a rappelé à la compagnie qu'elle a été convoquée pour délibérer sur le point de savoir s'il n'y avait point urgence à venir en aide au indigents de la ville, eu égard à la cherté du pain et à la détresse dans laquelle se trouve la classe ouvrière par suite de la stagnation et même de la fermeture de plusieurs grands établissements industriels. Cette proposition ayant été unanimement accueillie, la Cour a voté pour cette destination, un secours de deux mille francs »247(*).

    Outre le montant, plus conséquent que les précédentes fois, c'est la réunion de la somme qui est assez singulier : le parquet général, comme le reste de la compagnie, abandonnent deux jours de traitement, soit plus de 1300 francs ; le reste de la somme étant constitué par les fonds de la caisse particulière de la Cour. Le substitut du procureur général Jean-Baptiste Pinel est, par ailleurs, missionné par la Cour pour surveiller que la somme allouée va bien à la distribution de soupes pour les indigents des paroisses de Rouen248(*).

    La charité est dirigée, parfois, vers les victimes de catastrophe, comme les inondés de Fécamp, Étretat et Yport en 1842249(*) ou ceux de la Loire en 1846250(*). En mars 1843, le procureur général Gaultier, le premier avocat général Rouland et le substitut Blanche prennent même part à une souscription pour les victimes du tremblement de terre, qui ravage la Guadeloupe et rase Pointe-à-Pitre251(*).

    Sans doute faut-il que les magistrats soient en retraite, pour que ces derniers consacrent un peu plus de temps aux autres, à l'image du baron Boullenger, procureur général de Rouen jusqu'à son écartement en 1830. Considéré comme « ami et bienfaiteur des pauvres », le philanthrope Boullenger, replié dans sa mairie de Saint-Denis-le-Thiboult, apporte une aide notable aux malades de la catastrophique épidémie de choléra de 1832252(*).

    Mais ce dont les parquetiers ont vraiment la charge, c'est la mise en oeuvre et la conduite de la répression pénale. Au travers de ses missions traditionnelles, le parquet général arrange la politique pénale, selon l'attente gouvernementale. En accord avec le siège, le ministère public profite largement, lorsque les assises ne sanctionnent pas, de la correctionnalisation judiciaire pour frapper plus promptement toutes les formes d'oppositions politiques.

    3/ Le parquet en procès : une défense tous azimuts pour le triomphe de l'autorité.

    3-1 : Le maintien de l'ordre : une prérogative et une priorité pénale du parquet.

    3-1-1 : La Cour des appels correctionnels : le lieu par excellence de l'application de la politique pénale.

    A-La place centrale du ministère public dans la procédure pénale.

    Devant la Cour des appels correctionnels, comme devant la Cour d'assises, le procureur général est le seul détenteur de l'action publique. Les avocats généraux ou les substituts du procureur général exercent devant ses cours l'action publique, non en leur nom propre, mais au nom du procureur général qui les autorise par délégation expresse ou tacite253(*). La politique pénale, définie par le pouvoir et les instructions ministérielles du garde des Sceaux, est fixée, dans l'enceinte du palais de justice, par le procureur général qui exerce son autorité sur tous les autres membres du ministère public. Pour observer le rôle et le quotidien judiciaire du parquet général à l'intérieur de la Cour des appels correctionnels, nous avons consulté les arrêts en appels correctionnels des cinq premières années de la monarchie de Juillet et analysés, dans le détail, les douze premiers mois254(*). Sur le plan organisationnel, les parquetiers généraux établissent un roulement : il n'y a donc pas un magistrat du parquet général en charge de représenter le ministère public devant la Cour des appels correctionnels mais chaque avocat général ou substitut du procureur général est amené à requérir devant cette Cour. Le cycle de roulement n'est pas clairement définissable mais une véritable alternance se fait jour tout de même : l'avocat général Gesbert occupe le ministère public pendant tout le mois d'août 1830, soit quatre séances, alors que les deux séances du mois de septembre sont assurées, successivement par l'avocat général Boucly et le substitut de Tourville. Ainsi, tous les magistrats du parquet général viennent siéger à la Cour, excepté le procureur général. Le nombre de séances, par mois, tournent autour de trois ou quatre et le volume de dossiers examinés par séance est variable mais représente, en moyenne, quatre affaires. Sont portés devant la Cour des appels correctionnels, des jugements rendus par les tribunaux de police et de première instance. Le ministère public a la mission de poursuivre tous les jugements qui ne le satisfont pas : notamment les acquittements ou les décisions aux peines insuffisantes mais également les sentences viciées ou trop lourdes. Dans la procédure de l'appel correctionnel, le ministère public est incontournable dans le procès, soit comme demandeur, soit comme défendeur. Néanmoins, dans certains cas, le ministère public n'est pas partie poursuivante privilégiée : lors de la séance du 23 août 1832, l'avocat général Gesbert, en charge du ministère public, se joint, pour la première fois, à l'administration forestière et vice versa, pour engager des poursuites. Cette administration publique spécialisée concurrence le ministère public, mais seulement dans son domaine de compétence. D'ailleurs, cette séance du 23 août est entièrement dédiée aux problèmes forestiers. Par la suite, d'autres séances sont consacrées aux litiges forestiers et de manière plus régulière (les 21 et 28 juin 1833, en janvier 1834, en avril 1834, etc.). Dans Parquet et politique pénale depuis le XIXe siècle, Christian Bruschi justifie une telle concentration d'affaires : « le contentieux forestier dans la première moitié du XIXe siècle est un «contentieux de masse», un peu similaire à celui de la circulation routière tel qu'il s'est révélé après 1960 »255(*). Mis à part quelques séances annuelles affectées entièrement aux questions de poids et mesures (le 20 décembre 1833) ou de pêches (le 1er mars 1834), le ministère public est amené à se positionner sur des affaires très différentes.

    B-Des poursuites pénales ciblées.

    Pour l'année 1830-31, une affaire sur trois amenée devant la Cour des appels correctionnels concerne des soustractions frauduleuses ou des vols : c'est la première catégorie de délits en nombre (42 appels). Les choses volées sont très diverses et souvent d'une valeur dérisoire (une chemise, des clefs, une montre, des nappes, des épis de blé, etc.) : les peines, quant à elles, peuvent varier de quelques jours de prison à plusieurs années. Par exemple, le 10 juin 1831, un prévenu voit son appel rejeté, conformément au réquisitoire du substitut De Tourville : l'appelant avait soustrait frauduleusement un parapluie et avait été condamné en première instance à cinq ans de prison, cinq cents francs d'amende et dix ans de privation des droits civiques. Le traitement des appels relatifs au vagabondage et à la mendicité représente une affaire sur cinq, soit un chiffre considérable : ces délits sont punis de six mois à un an de prison. Comme le constate Francis Démier : « La pauvreté mène à la mendicité, au vagabondage, deux délits réprimés qui conduisent les pauvres devant la justice »256(*). Les petits larcins et les délits de mendicité et de vagabondage totalisent la moitié des appels formés, c'est dire la place importante qu'occupe le traitement des conséquences de la pauvreté dans les instances judiciaires.

    Contrairement à la Cour d'assises et aux « jurys d'assises réputés manquer de vigueur dans la répression »257(*), la Cour des appels correctionnels est le lieu de prédilection du ministère public : le ministère public peut dans le cadre de cette Cour, moins solennelle que les assises, diriger une politique pénale fiable et cibler la répression vers telles ou telles catégories, à moindre coût. A cet effet, le ministère public use et abuse du principe de correctionnalisation, qui amène devant la Cour des appels correctionnels, des affaires délictueuses qui auraient pu être classées en crimes et donc passées devant la Cour d'assises : c'est le cas du crime de vol, atténué en soustraction frauduleuse ; du crime d'attentat à la pudeur, allégé en délit d'attentat aux moeurs ; ou lorsque la cause de la mort est involontaire, etc. Pour l'année étudiée, le ministère public est suivi dans ses réquisitions par les juges de la Cour dans plus de 85% des cas. Contrairement aux assises où domine la mauvaise habitude de l'acquittement, la Cour des appels correctionnels est une cour d'enregistrement des avis du parquet général. Les décisions de la Cour confirment largement les décisions du premier degré : l'appelant a trois chances sur quatre pour voir sa peine confirmée ou alourdie. Les bénéfices de l'appel sont donc relativement réduits, surtout pour les plus modestes que le ministère public ne soulage en rien.

    C-Le ministère public garant de l'atténuation des peines pour les mineurs.

    A contrario, la politique pénale du parquet touchant à la délinquance juvénile place les mineurs dans une catégorie à part. La délinquance juvénile est une préoccupation majeure du ministère public qui est amené à se prononcer sur la responsabilité ou non du mineur, ce dernier profitant d'une présomption d'irresponsabilité jusqu'à sa majorité fixée à seize ans. Se pose alors pour le parquet la question essentielle du discernement. Par exemple, à une séance du 13 mai 1831, un mineur, âgé de treize ans, pris pour vols, est condamné à passer une année en maison de correction. En appel, le ministère public, estimant que le mineur a agi sans discernement, demande à la Cour que l'enfant soit remis à ses parents. Suivant les réquisitions du parquet, les juges relâchent le jeune prévenu. Le ministère peut en décider autrement et reconnaître le mineur discernant : le 14 mai 1831, le ministère public confirme la peine de vingt mois en maison de correction d'un mineur de quatorze ans : condamné en première instance pour soustraction frauduleuse, le ministère public de la Cour a jugé le mineur discernant au moment de son acte. Le mineur, quoi que le ministère ne décide, profite de peines atténuées et réduites : le 19 octobre 1832, le ministère public confirme la condamnation de deux ans en maison de correction pour un mineur ayant commis le crime d'émission de fausses monnaies, bien que ce crime était passible, avant la réforme du 28 avril 1832, de la peine de mort258(*). Toutefois, le ministère public ne se montre pas toujours clément et peut décider d'envoyer le mineur en prison : Pour soustraction d'argent, un adolescent de quinze ans, condamné à six mois de prison et à six mois dans une maison de correction, doit comparaître, le 11 février 1831, à la suite de l'appel formé par le ministère public. L'avocat général Gesbert demande, à ce que le premier jugement soit réformer et que le mineur soit détenu dans une maison de correction « et dont la durée devrait être au moins du tiers de la peine de cinq années, soit de réclusion, soit de travaux forcés, qui aurait pu être prononcé contre lui, s'il avait été âgé de seize ans »259(*). La Cour suit le parquet dans sa surcharge : le mineur est désormais condamné à trois ans de prisons.

    En général, le ministère public de la Cour correctionnelle est attentif au sort des mineurs, préférant placer les enfants dans des maisons de correction ou en les remettant directement à leurs parents, lorsqu'ils en ont : le parquet, en les faisant comparaître devant les tribunaux correctionnels, évite aux mineurs la lourdeur de la Cour d'assises.

    3-1-2 : La répression des troubles qui suivent les Trois Glorieuses : la poursuite systématique du parquet.

    A-Contre les coalitions de l'automne 1830.

    Dans l'histoire de la France des origines à nos jours, André-Jean Tudesq consacre six lignes aux débordements de Darnétal pour illustrer la crise sociale du début de la monarchie de Juillet260(*). Le premier avocat général Alfred Daviel, dans un travail préparatoire, fait une longue description des événements du 6 septembre 1830. Le déroulement de la journée est précisément rapporté et la forme de l'exposé laisse à penser qu'il a été rédigé comme un compte-rendu officiel de l'événement :

    « Dans les premiers jours du mois de septembre 1830, les ouvriers appartenant aux différentes manufactures situées à Darnétal et dans les communes voisines s'étaient coalisés pour arracher à leurs maîtres des conditions que ceux-ci n'eussent pas librement consenties »261(*).

    Daviel semble comprendre la crise et les mobiles du mécontentement. La demande des coalisés porte sur la durée du temps de travail, qu'ils veulent fixer à douze heures et non quatorze ou quinze262(*). Devant la montée de l'insatisfaction ouvrière, le préfet de la Seine-Inférieure, le comte Treilhard, prend un arrêté, le 5 septembre, qui interdit au ouvriers des établissements industriels de se coaliser ou de former des attroupements dans les rues. Comme l'écrit Jean-Pierre Chaline dans Rouen sous la monarchie de Juillet, « [il n'est] pas question de manifester dans la rue ou de se «coaliser» contre les patrons »263(*). Pour le premier avocat général, les revendications ouvrières, bien que recevables, ne doivent pas déstabiliser l'ordre publique. Cet arrêté, prévenant les coalisés des risques encourus, est le point de départ de la journée du 6 septembre. La lecture de l'arrêté, affiché le matin par un adjoint au maire de Darnétal, provoque des cris de colère : de « à bas l'arrêté, à bas l'affiche », on finit par hurler « à bas la garde nationale ». Un tisserand de Darnétal, Ambroise Moulin, essayant d'entraîner ses compagnons, est particulièrement virulent envers les gardes nationaux de Darnétal. Averti que la coalition prenait de l'ampleur, le procureur du Roi de Rouen Aroux, se rend sur place vers onze heures du matin. Les trois sommations réglementaires n'entament pas le moral des coalisés. Au contraire, ces derniers, plus déterminés que jamais, dirigent leurs pas vers la garde nationale, aux cris de « enfonçons les »264(*). Choisi par ses camarades, Louis-Jacques Bégard, ouvrier-teinturier, demande la libération de deux manifestants, faits prisonniers. Devant un rassemblement de plus de six cents ouvriers armés, « les uns de fourches, les autres de broches à rôtir, ceux-ci de bâtons simples, ceux-là de bâtons garnis par le bout de lames de couteau, quelques-uns de sabres ou d'épées »265(*), le maire de Darnétal cède et remet en liberté les deux prisonniers. Peu après, des renforts de gardes nationaux et de gendarmes arrivent de Rouen et, finalement, chargent, dans la rue de la Chaîne, une cinquantaine d'ouvriers, menée par Louis-Jacques Bégard.

    De la centaine de prévenus, retenue pour cette affaire, seulement cinq sont accusés de crime de rébellion266(*) ; les autres sont entendus comme témoins. Par un arrêt de la chambre des mises en accusation du 14 octobre 1830, sont renvoyés devant la Cour d'assises267(*) : le tisserand de Darnétal Ambroise Moulin ; Louis Prévost, fileur de Saint Martin du vivier, qui « s'était montré, le vendredi 3 septembre, l'un des plus ardents moteurs de la coalition »268(*) ; Désiré François Pimort, ouvrier-teinturier de Saint Jacques sur Darnétal ; Zacharie Rever, charretier à Darnétal et l'ouvrier-teinturier rouennais Louis-Jacques Bégard. Seul ce dernier n'est pas acquitté par le jury : le meneur de la révolte est condamné à cinq ans de travaux forcés.

    Le 8 octobre, le ministère public a une nouvelle affaire de coalition à examiner, mais cette fois-ci, devant la Cour des appels correctionnels. L'appelant n'est pas le ministère public mais Pierre-François Drely, ouvrier fileur, coupable d'avoir mené une coalition d'ouvriers, formée notamment dans les communes de Barentin et Pavilly. Moteur de la coalition, Drely soulève ses camarades pour s'opposer, une nouvelle fois, aux abus quant aux heures de travail et demande aux ouvriers une petite contribution financière « pour salarier ceux qui ne travailleraient point »269(*). Résumant l'affaire, le substitut De Tourville demande le rejet de l'appel de Drely. La Cour, se posant du point de vue de « la prospérité du commerce et surtout du commerce industriel », réaffirme que les ouvriers doivent respecter « les règlements arrêtés par un fabriquant pour déterminer par jour, la quantité d'heures de travail » et qu' « il est très intéressant pour un fabriquant que ces conditions soient strictement suivies »270(*). Donnant raison au ministère public, la Cour confirme le jugement de première instance et la condamnation de deux ans de prison. Le parquet, en poursuivant les chefs de coalition et en sollicitant les peines les plus sévères, garantit le maintien de l'ordre à l'intérieur de l'atelier et assure, par conséquent, la bonne marche des affaires industrielles.

    B-Le concours du parquet dans la protection de la garde nationale.

    Après les événements révolutionnaires de Juillet, les autorités judiciaires ont à répondre d'une fièvre gagnant une partie de la population qui, déçue, s'en prend volontiers aux gardes nationaux. Lors de la séance des appels correctionnels du 24 septembre 1830, le ministère public doit se prononcer sur deux affaires remontant au mois d'août et concernant des violences faites à des gardes nationaux. Le premier appel est formé par les nommés Voisin (23 ans)et Delavigne (25 ans), respectivement ouvrier teinturier et journalier, qui sont déclarés coupables de rébellion avec résistance, violence et voie de fait envers deux gardes nationaux. Le 9 août, Voisin et Delavigne, refusant d'obtempérer aux ordres des gardes nationaux, tentent de désarmer les deux agents en les giflant, en les intimidant avec un bâton et Voisin, en criant « à moi mes amis, je suis français et libre »271(*). Le substitut De Tourville, sans surprise, requiert que les condamnations de huit mois de prison pour Delavigne et un an pour Voisin, soient confirmées, et c'est ce que décidera la Cour. La seconde affaire est plus symbolique de l'action directe du parquet général : en effet, l'appelant n'est autre que le ministère public, qui souhaite réformer le jugement du tribunal de première instance de Rouen, remettant en liberté Charles Garet (25 ans), tailleur d'habits à Rouen272(*). Le ministère public requiert que Garet soit reconnu coupable de provocation envers la garde nationale : le 16 août, dans la soirée, Charles Garet a incité quelques citoyens à se soulever contre la garde nationale, assemblée sur la place de l'hôtel de ville de Rouen, et proféré : « Si on voulait en un quart d'heure la garde nationale serait culbutée ou elle ne resterait pas sous les armes ». Retenant le développement des moyens de l'appel du ministère public, la Cour condamne Garet à trois mois et cinquante francs d'amende. Annulant la décision des premiers juges, la Cour, appuyant la motivation du parquet général, rend hommage à la garde nationale : « à l'époque du mois d'août dernier il existait un esprit de fermentation, surtout parmi la classe des ouvriers, qui exigeait la plus grande surveillance, et que c'est grâce à la fermeté et au dévouement de la garde nationale, que cette grande et importante cité a joui du maintien du bon ordre et de la tranquillité publique »273(*).

    3-1-3 : Le parquet, défenseur des notables : l'exemple des affaires de L'Indiscret.

    A-L'intolérable mise en cause du maire de Rouen.

    Le 13 novembre 1835, la Cour des appels correctionnels examine le pourvoi formé par Léon Laurier, homme de lettres, âgé de 35 ans et gérant du journal L'indiscret Journal du Dimanche, littérature, Beaux-arts, mode, théâtre 274(*). Journal littéraire, L'Indiscret fait la critique de l'activité artistique, surtout théâtrale, de Rouen. Mais à côté des horaires de spectacle, le journal publie régulièrement des articles satiriques sur la vie politique rouennaise : L'Indiscret se fait un plaisir de railler les grandes figures locales, au premier rang desquelles, le maire de Rouen, Henry Barbet. A la tête de la ville depuis août 1830275(*), Henry Barbet représente, pour le journal, le pouvoir qui l'a nommé. Outre ses importantes fonctions municipales, Henry Barbet est un grand industriel du coton, qui possède plusieurs établissements aux alentours de Rouen : une fabrique d'indiennes à Déville-lès-Rouen et une filature au Houlme276(*). Dans les numéros 79 et 80, du 1er et du 4 octobre 1835, L'Indiscret met en cause Henry Barbet dans une affaire d'abus de confiance. Dans un article intitulé « Indiscrétions », L'Indiscret dénonce : « Les propriétaires de la voiture d'indienneurs qui passa samedi dernier à la barrière du Havre avec un panier de Champagne en fraude, voudra t'il se donner la peine d'aller en payer les droits. Il n'est pas bien de se servir de sa position pour flouer la cité de ses droits »277(*). Clairement, le journal soupçonne le maire d'avoir dissimuler des bouteilles de champagne dans une voiture lui appartenant, pour échapper aux droits d'octroi perçus sur les vins. Se reconnaissant, Henry Barbet s'adresse au procureur du Roi de Rouen et motive sa plainte : « Tant que le journal publié en cette ville sous le titre «L'Indiscret» n'a fait que la censure de mes actes, de mes opinions, de mes votes comme maire ou comme député, je n'ai pas cru devoir recourir à la justice pour réprimer les imputations fausses et calomnieuses qui constituent habituellement le fonds des attaques de cette feuille contre moi. Mais aujourd'hui, c'est ma probité qu'on met en suspicion »278(*). Le maire met en relation un second article, du numéro 80, intitulé «De la nécessité de forcer les employés de l'octroi» : « On ajoute que cette voiture est arrivée dans la Cour d'un grand hôtel du boulevard voisin. Si j'avais l'honneur d'être maire, dit le rédacteur, j'ordonnerais que toutes les voitures de maire fussent visitées »279(*). Dans le même numéro, une nouvelle « indiscrétion » scandalise le maire et conseiller général Barbet : les bouteilles de champagne auraient été servies aux membres du Conseil général, lors de dîners organisés à Deville et sans droits d'entrée280(*). Considérant que ces imputations constituent une diffamation, le parquet se joint à la plainte du maire, qui se porte partie civile.

    B-La protection du notable Barbet par le parquet général.

    En appel, l'avocat général Pierre-Aubin Paillart, toujours partie jointe, au nom du procureur général, suit les conclusions du substitut du procureur du roi de Rouen Justin (futur substitut du procureur général de Rouen en 1837) et amène, sans surprise, les juges à confirmer le premier jugement : Extrêmement sévère, ce dernier condamne le gérant Laurier à un mois de prison et dix mille francs d'amende au titre de dommages et intérêts, l'avocat Alfred Daviel en avait demandé vingt mille281(*). Dans le numéro du 22 octobre, L'Indiscret persiste et signe : « parce que condamné ou non, il restera établi qu'un homme s'est servi de sa position, position sociale et de fortune, pour faire ou laisser faire la fraude, et que tous les jugements du monde ne le laveront pas de cette tâche [...]. Le journaliste est condamné mais il avait raison »282(*). Ce que le journal critique dans cette affaire, c'est l'entremêlement malsain des fonctions politiques, économiques et sociales entre les mains de quelques-uns uns. L'Indiscret, même s'il a peut être tort sur cette affaire, remet en cause le système de la monarchie orléaniste, fondé sur le monde des notables. Il est donc normal que le parquet, se soit engagé du côté du maire Henry Barbet : le ministère public représente la société mais surtout défend avant tout la société des notables. D'ailleurs, L'Indiscret n'est pas tendre non plus avec la magistrature, qu'il met dans le même panier que le maire de Rouen. Dans un article du mois de septembre conservé dans le dossier judiciaire, L'Indiscret parodie le monde de la magistrature et des notables en une société de chiens, assemblés dans un endroit comparable au palais de justice et tous porteurs de l'Ordre du grelot, ressemblant fort à l'Ordre de la Légion d'honneur283(*). Dans le numéro du 1er octobre 1835, les journalistes de L'Indiscret rappelaient déjà le conflit ouvert entre le parquet et le journal, à propos d'un procès284(*) contre des porteurs de L'Indiscret, qui auraient vendu des exemplaires du journal, sans l'autorisation requise depuis janvier 1834285(*). Le journal publie un poème de soutien dédié à Léon Laurier avec cet avant-propos : « Le public y verra la preuve, si nous succombons dans la lutte engagée entre le parquet et L'Indiscret, qu'à côté du réquisitoire, les consolations, au moins, ne lui auront pas manqué »286(*).

    C-Puis, L'indiscret « envoie la farce ».

    Le nouveau procès qui frappe Léon Laurier, le 20 novembre 1835, n'est pas une surprise : depuis la fin de l'été 1835 et aux alentours des lois de septembre, le parquet général et les parquetiers de première instance semblent tout faire pour éliminer L'Indiscret. Le substitut du procureur général de Rouen, Gustave Rouland, dans un réquisitoire du 24 août 1835, renvoie Léon Laurier devant la Cour d'assises (le 20 novembre 1835). Le tort de L'Indiscret est d'avoir tourner en dérision le roi et le maire de Rouen, « transformés en animaux cupides et voraces à classifier dans une nouvelle oeuvre de Buffon »287(*) :

    « L'auguste personnage daigna prendre du beurre avec son royal couteau et dorer ce royal beurre de sa royale main sur le pain de gruau [...] puis il s'écria -garçon ! absolument du ton d'un honnête bourgeois qui dîne à quarante sous [...] portez de ma part cette tartine de beurre à M. Don Quichotte Henry du Grelot, député et maire de son endroit [...] -Oh !sire oh ! mon roâ s'écria Don Quichotte. Bref, ce jour là, il mangea six tartines, et vota le lendemain pour les vingt-cinq millions »288(*).

    Gustave Rouland reproche au journal d'avoir représenter « le roi avec l'un de ses ministres [un certain Foutriquet] comme se livrant à corrompre une partie des membres de la chambre des députés et prenant part à une séance tout à la fois odieuse et ridicule »289(*) ; l'avocat retient donc trois délits : l'offense envers la personne du roi, l'attaque contre la dignité royale et l'excitation à la haine ou au mépris du gouvernement. En réalité, celui que vise L'Indiscret, c'est le maire de Rouen, qui est décrit comme voulant démissionner et obtenir un siège à la pairie. D'ailleurs, L'Indiscret sait que ces attaques vont lui attirer des problèmes et termine son article par : « Ce que c'est que d'avoir le courage de son opinion ! »290(*). Contrairement à la rigueur mécanique des juges de la Cour des appels correctionnels, le jury acquitte Léon Laurier291(*). Les affaires de L'Indiscret présentent les limites du ministère public : la clémence de la Cour d'assises brouillant trop souvent la stratégie pénale, le parquet général trouve dans la voie correctionnelle une justice plus prompte et plus efficace, à défendre les intérêts de l'ordre établi, notamment en éliminant les oppositions politiques.

    3-2 : Une lutte continuelle et acharnée contre les légitimistes.

    3-2-1 : La première affaire de la gazette de Normandie : contre la récupération du mouvement lyonnais.

    A-Une protection préventive du régime.

    Le 27 décembre 1831 est traduit, devant la Cour d'assises de Rouen, , Edouard Joseph Walsh, le gérant de la revue carliste, la gazette de Normandie292(*). Déjà le 5 décembre, Hély d'Oissel, second substitut du procureur général, interceptait les deux derniers numéros de la gazette de Normandie, en soulignant les passages susceptibles d'incrimination : dans les numéros 119 et 120, il est question de l'actualité brûlante du moment : la révolte des canuts de Lyon qui eût lieu des 20 au 22 novembre 1831. Dans ses colonnes, la gazette de Normandie écrit :

    « Nous croyons que la cause des troubles de Lyon vient de plus loin et de plus haut que la taxation du tarif des ouvriers [...]. L'impôt ! L'énorme impôt ! qui vient encore peser de tout son poids sur la misère, voilà, nous le pensons, la plus grande, la plus véritable cause d'irritation ».

    Pour réunir le plus de monde derrière leur cause, les journalistes utilisent l'argument récurrent de l'impôt excessif. La politique gouvernementale semble, ainsi, profiter de la confiance, issue de Juillet 1830, pour alourdir la fiscalité, et donc susciter le désespoir des français. Certes, l'impôt est lourd, surtout en temps de récession économique, mais sans doute ne l'est-il pas plus que sous la Restauration. Les carlistes récupèrent la souffrance des ouvriers et des français les plus modestes, pour les fédérer derrière la cause légitimiste.

    « La Révolution de Juillet a été entreprise [au profit du peuple], il a pu croire que le bonheur, que la prospérité annoncés lui viendraient, il a attendu [...]. Le gouvernement est venu asseoir un impôt, tel qu'on n'en avait pas encore vu [...]. Alors accablé sous le poids, la population de Lyon a crié. Ce cri a été celui de la révolte ».

    Les journalistes carlistes exploitent la révolte pour la fondre dans un combat plus général : la lutte contre le gouvernement de Louis-Philippe. La gazette de Normandie dénonce, étrangement mais opportunément, le contrat rompu entre Louis-Philippe et les Français, pourtant scellé par les événements révolutionnaires de 1830. Louis-Philippe n'aurait pas saisi cette chance historique de communion nationale. Les carlistes placent la question de l'impôt au coeur des événements lyonnais, alors que la revendication des ouvriers révoltés est la reconnaissance d'un salaire minimum, conquête vite perdue et reprise, violemment, par le patronat et l'armée. Le numéro 120 de la gazette de Normandie est encore plus explicite sur les motivations d'un tel soutien à la révolte des canuts lyonnais et qui résume ce pourquoi le parquet poursuit la gazette : « Oui, peuple, les royalistes sont tes vrais amis ! ». Loin d'être une feuille d'information, la gazette de Normandie est, avant tout, un organe de propagande légitimiste : elle milite pour le rétablissement des Bourbons et se trouve dans une opposition constante aux ministères qui se succèdent. Comme l'écrit Pascal Vielfaure :

    « la presse légitimiste n'hésite pas à soutenir ouvertement le retour des bourbons. Or cette presse d'opposition constitue une menace d'autant plus importante, qu'elle est souvent très liée avec l'activité des sociétés politiques organisant les émeutes ou récupérant grèves et autres manifestations, dans le but de renverser la monarchie293(*) ».

    B-La condamnation de la démagogie.

    Une force d'opposition mobilisatrice, comme la gazette de Normandie se veut être, est une menace réelle pour le gouvernement en place :

    « Mais le ministère a été odieusement menteur lorsqu'il a eu l'imprudente audace d'afficher à la bourse que ce mouvement était complètement étranger à la politique ; qu'il n'était dirigé que conte l'industrie et la propriété. Est-ce que toute la politique, tout le système du gouvernement n'est pas dans ce mot horrible : J'ai faim [...]. Il est accusateur pour nous, ministres de Louis-Philippe ! [...]. Disons mieux, il est votre condamnation [...]. Et ce drapeau noir qui s'élève au milieu d'une population affamée ? Ce drapeau sur lequel est écrit en grandes lettres blanches « Vivons en travaillant ou mourrons en combattant » n'est-il pas un monument pour l'histoire du ministère du 13 mars ? ».

    Les légitimistes, nostalgiques du drapeau blanc des bourbons, se reconnaissent presque dans le drapeau noir brandi par les canuts lyonnais. A grands renforts de propos démagogiques, les légitimistes se posent en une force presque révolutionnaire et socialisante. Le souci des plus faibles est, semble-t-il, devenu le coeur du programme légitimiste. Tout ce qui est fait contre le gouvernement de Louis-Philippe, est bon pour poser Henri V en alternative évidente. La gazette condamne ouvertement le gouvernement de Casimir Perier du 13 mars 1831, qui installe durablement le parti de la « résistance », au détriment des libéraux de gauche du « mouvement ». Les légitimistes ne veulent plus être une force d'opposition mais s'affirment comme un courant de démolition du régime louis-philippard.

    Par conséquent, le parquet ne peut pas laisser passer des propos qui font l'apologie de la fin d'un gouvernement dont il est l'émanation et le porte-parole judiciaire. L'avocat général Félix Boucly, membre du parquet général de Rouen depuis la naissance de la monarchie de Juillet, requiert donc, le 27 décembre, une peine exemplaire contre le journal. Il s'agit de condamner lourdement, pour saper durablement les bases de ce légitimisme de presse de plus en plus offensif. Ainsi, Boucly demande que le prévenu Walsh soit condamné à l'emprisonnement, à l'amende et au remboursement des frais du procès pour, premièrement, excitation à la haine et au mépris du gouvernement, et secondement, d'attaque contre les droits que le roi tient du voeu de la nation française.

    C'est un succès pour le parquet. Le jury reconnaît que Edouard Walsh a bien offensé le gouvernement (le deuxième chef d'accusation n'est pas reconnu recevable par le jury et le gérant est acquitté sur ce point) : le gérant Walsh est condamné à un mois de prison, à trois mille francs d'amende et au remboursement du procès294(*). La décision judiciaire du jury est conforme à la volonté politique et judiciaire du gouvernement qui veut mettre un terme au débordements de la presse d'opposition de plus en plus envahissante295(*). Cette affaire ouvre une période, moins libérale pour les organes de presse politiquement irrévérencieux, et marquée par des poursuites plus vives du parquet.

    3-2-2 : La deuxième affaire de la gazette de Normandie : la fin de l'écho vendéen.

    A-Le réquisitoire anti-légitimiste d'Alfred Daviel.

    Le 17 octobre 1832, devant la chambre des mises en accusation, le premier avocat général Alfred Daviel, en prononçant un réquisitoire contre la gazette de Normandie, réagit à la menace de l'équipée de la duchesse de Berry, commencée en avril 1832. Pour Daviel, la gazette de Normandie fait la promotion du débarquement vendéen de la duchesse, mère du prétendant, Henri V. Faisant habituellement l'apologie du parti légitimiste, la gazette de Normandie en appelle à tous les légitimistes pour soutenir les chouans capturés à Nantes. Se basant sur une rumeur qui courait, disant que les accusés de chouannerie seraient jugés devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure, le journal légitimiste décide d'ouvrir une souscription. Daviel, en intégrant des citations de la gazette, fustige un tel soutien :

    « Ils n'ont pas souscrit comme «amis de la légalité, sans acception de principes et de couleurs politiques», et pour alimenter seulement des procédures, c'est comme ennemis déclarés du gouvernement de Juillet, c'est comme «amis sincères de ceux qui ont fait le bonheur de la France pendant seize ans», c'est comme «légitimistes, henriquinquistes», comme admirateur du courage de la mère de Henry-Dieudonné, comme «honorant les courageux défenseurs de la légitimité», et enfin, un deux, a osé le dire expressément, c'est comme «amis des chouans» qu'ils ont apporté leurs offrandes »296(*).

    Les souscriptions sont, pour le parquet général, la démonstration de la possible force mobilisatrice du mouvement légitimiste et « une véritable provocation à la guerre civile »297(*). L'insurrection vendéenne, « réchauffée, dans ces derniers temps, par la présence de la duchesse de Berry »298(*), est l'oeuvre d'un complot légitimiste, que la gazette de Normandie attise. Devant un tel crime, le représentant du ministère public renvoie Edouard Walsh, gérant-responsable de la gazette de Normandie, devant la Cour d'assises de Rouen, pour la seconde fois.

    Entre ce 17 octobre et le 19 novembre 1833, jour où comparaît le gérant Walsh, un événement important se produit, qui intéresse particulièrement l'affaire : dénoncée, la duchesse de Berry, est arrêtée à Nantes, le 6 novembre ; le danger légitimiste est maîtrisé. La décision du 19 novembre est donc un écho au succès récent qui écarte et amenuise la menace légitimiste.

    L'action du ministère public s'appuie sur deux chefs d'inculpation : le premier chef considère qu'Edouard Walsh a excité à la haine et au mépris du gouvernement du roi ; le second estime que le gérant a « provoqué les citoyens à la guerre civile, en s'armant les uns contre les autres, laquelle provocation n'a été suivie d'aucun effet »299(*). Alfred Daviel, toujours à la tête du ministère public, s'appuie sur plusieurs numéros de la gazette du mois de septembre et d'octobre ( numéros du 12, 15, 18, 24, 25 septembre et du 2 octobre 1832), dont les passages ont servi à l'instruction.

    B-La souscription à l'origine de l'affaire D'Avannes et Avril (voir infra) : une critique ouverte du gouvernement orléaniste.

    Le numéro du 12 septembre fait mention de l'ouverture d'une souscription au bureau de la gazette, dont le titre est sans ambiguïté : « en faveur des victimes de l'arbitraire dans l'ouest »300(*). La gazette de Normandie présente à ses lecteurs un pouvoir central qui renoue avec les tragiques guerres vendéennes de la Révolution française ; les ripostes gouvernementales en Vendée sont décrites comme étant « des mesures arbitraires dans les départements de l'Ouest »301(*). Dans ses attendus, la Cour, au regard du soutien aux chouans et à l'éloge du régime de la Restauration, voit dans la souscription, un appel à la mobilisation en Vendée. Par leurs dons, la Cour reproche à la gazette d'avoir nourri et rallongé la résistance vendéenne. La Cour retient particulièrement le numéro du 18 septembre où la gazette se livre à une condamnation explicite du gouvernement :

    « On s'efforce de ressusciter toutes les horreurs qui firent jadis, de la Vendée, un vaste cimetière. Quel fruit, le gouvernement peut il retirer de tant d'arbitraire et d'illégalité [...]. Heureusement, le pays commence à s'éclairer et les calomnies indignes répandues sur des français qu'ils ont forcé d'être leurs ennemis, ne trouvent plus d'écho en France. Nous le disons hautement le gouvernement seul est responsable de tous les maux présents et de tous ceux qui peuvent surgir encore : tôt ou tard, il en devra compte à la Nation »302(*).

    Mais c'est surtout l'article intitulé : « appel fait par un vendéen à tous les amis de la légalité », paru dans le numéro 25 septembre qui scandalise davantage :

    « puisse le pays se couvrir d'association contre la tyrannie que la révolution nous apporte [...], la nécessité le commande, les tentatives individuelles ne sont rien pour arrêter la menaçante invasion de l'arbitraire, la résistance doit être générale, les efforts unanimes et le signal ne peut partir que des lieux où toute liberté n'est pas étouffée [...]. la Terreur règne dans l'Ouest [...], la France, cette terre de franchise et de liberté ne peut supporter longtemps le règne abject d'une lâche violence [...]. Les agents du pouvoir ont organisé dans l'Ouest un vaste système de concussion et de pillage »303(*).

    Déjà, dans son réquisitoire du 17 octobre, Alfred Daviel utilise ce passage pour justifier la poursuite du gérant Walsh devant la Cour d'assises. Daviel apparaît surtout choqué par le rapprochement qui est fait entre la Révolution française et la Révolution de Juillet, la Terreur et le gouvernement actuel : La gazette de Normandie en appelle à l'affrontement avec le régime de Juillet, comme les vendéens à partir de 1793 se sont battus contre le régime républicain. Défenseur du pouvoir en place, Daviel n'en a pas moins des sympathies pour les républicains :

    « Est-il besoin de discuter la criminalité de telles allégations ? Est-il besoin de prouver que signaler un gouvernement comme livrant un pays à la désolation, comme le poussant à plaisir à la révolte, comme faisant organiser un vaste système de concussion et de pillage, s'efforçant de ressusciter un régime de meurtre et de dévastation, et enfin régnant par la Terreur [souligné plusieurs fois], c'est le dénoncer à l'exécution et au mépris de tous les citoyens ? »304(*).

    Le jury entend le réquisitoire de Daviel et condamne, finalement, Edouard Walsh pour excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi, mais répond par la négative, quant à la seconde question concernant la provocation à la guerre civile. Conformément au réquisitoire du parquet général, le gérant est contraint de payer une très lourde amende de cinq mille francs. La sanction est exemplaire et calme, pour un temps, le militantisme de la gazette de Normandie. C'est la dernière grande condamnation du journal, avec une amende aussi considérable. Par la suite, les procès, concernant la gazette, seront d'une importance moins grande et aboutiront à des acquittements.

    3-2-3 : Les petites affaires de la gazette de Normandie et autres délits politiques : la vigilance sous toutes ses formes.

    A-Les acquittements de la gazette de Normandie : des entorses à la détermination du ministère public.

    De nouveau, le 16 mars 1833, Théodore de Corneille, propriétaire-gérant de la gazette de Normandie, est amené devant la Cour d'assises pour une modeste affaire de fausse déclaration : la gazette de Normandie est accusée, par le premier avocat général Alfred Daviel, d'avoir inventé le récit de troubles parisiens, dans le numéro du 4 mars 1833, et d'avoir publié une fausse déclaration du préfet de police de Paris Gisquet. Mais déjà, le 22 décembre 1832, Alfred Daviel avait eu à traiter une affaire mettant en cause le gérant de la gazette de Normandie Walsh, prévenu d'avoir diffamé et injurié par la voie de la presse le même préfet de police : Walsh avait été acquitté305(*). Dans ce nouveau procès, Alfred Daviel considère que la gazette de Normandie a publié ces fausses informations simplement pour « troubler la paix publique »306(*). Une fois encore, la mise en cause du « puissant préfet de police Gisquet »307(*) excède le parquet et donne une occasion réitérée pour poursuivre la gazette. Mais le jury ne semble plus aller dans le sens du ministère public : comme Walsh précédemment, Théodore de Corneille est acquitté308(*).

    Quelques mois plus tard, c'est l'almanach Le Bon Normand, qui est mis au banc des accusés. En réalité, Le Bon Normand est une publication de la gazette de Normandie et une version provinciale du Bon Français, publication parisienne de la Gazette de France309(*). Dans le réquisitoire prononcé à la chambre des mises en accusation, le 15 janvier 1833 , l'avocat général Félix Boucly reproche au Bon Normand de faire le plaidoyer de Charles X et de sa famille : l'almanach donne les titres d'Henri V au duc de Bordeaux, de Madame à la duchesse de Berry. La naissance du duc de Bordeaux y est célébrée comme une fête nationale : « Français, c'est aujourd'hui la fête de Henri votre roi légitime »310(*). Malgré tout, le plus condamnable est que Louis-Philippe, « le Roi des Français est présenté comme le plus odieux des usurpateurs, comme un perfide parent qui a commis une spoliation criminelle »311(*) : ainsi, le ministère public retient de ces propos le délit d'offenses contre la personne du Roi des Français. Toutefois, l'animosité contre le régime orléaniste ne s'arrête pas là et les attaques de l'almanach s'attachent également à décrédibiliser un symbole du régime, le drapeau tricolore : « Tous les crimes enfin de l'horrible convention ont imprimé à ce drapeau des souvenirs que des victoires étonnantes de la République et de l'Empire ne pourront effacer »312(*). La veille de la séance de la chambre des mises en accusation, le 14 janvier 1833, Maître Mengin qui assure la défense Marie-Auguste-Subtil Delanterie, propriétaire-gérant de la gazette de Normandie, présente un mémoire à la Cour qui ne cache pas son ambition : « Le Bon Français [paru dès 1831], à son apparition, fut, comme Le Bon Normand, en butte aux poursuites du ministère public ; mais le ministère public y perdit ses réquisitoires : espérons qu'il en sera de même dans l'affaire du Bon Normand »313(*). Tout en expliquant et en relativisant le contenu du Bon Normand, l'avocat Mengin insiste sur l'incohérence de la stratégie pénale du ministère public :

    « Le Bon Normand ne contient en réalité, et sauf un petit nombre d'articles, que des choses déjà publiées dans la gazette de Normandie, la Gazette de France, le courrier de l'Europe, le Brid'oison et autres journaux ou feuilles périodiques. Hâtons-nous d'ajouter qu'aucun de ces articles n'avait été poursuivi lors de sa publication. Et certes, la susceptibilité du ministère public est grande lorsqu'il s'agit de publications faites dans les journaux : plus grande, et avec raison, nous devons l'avouer, que lorsqu'il s'agit de publications faites dans les livres [...]. Comment penser que ce qui a été innocent dans un journal, deviendrait coupable dans un almanach ? [...]. Etrange contradiction, Messieurs, et dont vous ferez justice »314(*).

    La défense de Delanterie repose sur le fait que les rédacteurs de la gazette de Normandie sont étrangers à la parution du Bon Normand : par ailleurs, le plaidoyer innocente également Pierre Pointel, éditeur de l'almanach : « Poursuivre le compilateur [qui rapporte quelque fait de l'histoire de nos diverses révolutions] serait vouloir mettre sous le scellé l'histoire de nos quarante dernières années, et si telle est la prétention du ministère public, cette prétention ne peut être accueillie par la Cour »315(*). Le ministère public estime lui qu'il y a une correspondance notable entre Le Bon Normand et la gazette de Normandie : « Ces deux publications sont rédigées dans le même esprit ; elles sortent de chez le même imprimeur ; la gazette de Normandie a fait l'éloge du Bon Normand ; cet almanach est annoncé par elle comme devant être vendu dans ses bureaux »316(*). Le 15 mars 1833, Delanterie absent, Pierre Pointel est le seul à comparaître devant la Cour d'assises : il n'est pas présenté comme éditeur de l'almanach Le Bon Normand mais comme « employé au bureau du journal dit gazette de Normandie et ancien sous-officier dans le deuxième régiment de cuirassiers de l'ex-garde royale »317(*). Alfred Daviel fait condamner le journaliste Pointel à six mois de prison et 500 francs d'amende. Quant à Delanterie amené à la barre comme l'un des propriétaires-gérants de la gazette de Normandie, il est finalement jugé le 30 mai 1833 : le substitut du procureur général Narcisse Leroy fait répondre l'accusé des délits d'attaques contre les droits que le roi tient du voeu de la nation française, d'offenses contre la personne du roi des français et de provocation à la haine et au mépris du roi ; « en aidant et assistant avec connaissance, Pierre Pointel, éditeur de l'almanach [...], en mettant publiquement en vente et en distribuant des exemplaires du dit almanach quoi qu'il connût la nature et la criminalité de cet ouvrage »318(*). Condamné par défaut lors du procès du 15 mars à mille francs et à la même peine de prison que Pointel, Delanterie est déclaré non coupable par le jury du 30 mai. C'est un nouveau désaveu pour le parquet général. Le jury, « institution qui sent encore les bois dont elle est sortie, et qui respire fortement la nature et l'instinct »319(*), contrecarre les poursuites répressives du parquet général pour mettre au pas l'opposition légitimiste : ces décisions populaires décevantes et à l'inverse des perspectives politiques justifient d'autant plus le choix privilégié par le parquet de la correctionnalisation.

    Si la presse constitue la face la plus menaçante et la plus surveillée du légitimisme, le ministère public se doit de poursuivre, sous tous ses traits, cette opinion adversaire au régime.

    B-Les autres délits politiques : un légitimisme plus latent.

    En France, pour la période 1831-1835, les cris séditieux représentent 47 % des délits politiques320(*). Nombres de poursuites pour cris séditieux ont pour motif la tenue de paroles pro-légitimistes : ce type de délits doit être d'ailleurs systématiquement déféré devant la Cour d'assises. Par exemple, le substitut du procureur général De Tourville requiert, le 4 octobre 1832, renvoyer Jean Quesnot devant la Cour d'assises pour avoir dit, à deux reprises (les 14 et 15 septembre 1832), dans le corps de garde de l'hôtel de ville de Dieppe : « je bois à la santé d'Henri V »321(*), mais aussi pour avoir brandi une cocarde blanche et écrit en gros caractères, sur la guérite et les murs de la poudrière : « Vive Henri V ! ». Le parquet général, « considérant que ces faits constituent les délits séditieux publiquement proférés, d'exposition dans un lieu publique d'un signe destiné à propager l'esprit de rébellion ou à troubler la paix publique »322(*), annule une ordonnance de la chambre du Conseil du tribunal de Dieppe et décide finalement le renvoi du prévenu Quesnot devant les assises. Traduit le 14 mars 1833, le commis d'entrepôt Quesnot (26 ans) est condamné à trois mois de prison et 463 francs d'amende pour délit politique323(*). Les contrevenants ne sont pourtant pas toujours des légitimistes convaincus : crier « Vive Henri V ! » ne peut être interpréter alors que comme un simple pied de nez fait pour taquiner les autorités. C'est le cas de Constantin Soyez (24 ans), colporteur de lunettes, amené devant la Cour d'assises pour avoir crié dans un café : Vive Charles X !, vive le drapeau blanc !, vive la cocarde blanche !, à bas les trois couleurs !324(*). Après une demande faite au procureur du Roi d'Yvetot, le procureur général Moyne reçoit des renseignements sur le prévenu : Soyez a déjà été condamné par défaut à seize francs, pour cris séditieux, par la Cour d'assises de Saint-Omer, les magistrats du Pas-de-Calais lui reconnaissant des circonstances atténuantes325(*). Le maire de la ville où il réside, décrit Soyez comme un « assez mauvais sujet, ivrogne d'habitude »326(*). Evidement, le 20 février 1834, le jury acquitte Soyez327(*).

    L'expression du légitimisme peut prendre parfois des formes plus originales, comme du linge de table. Le 7 juin 1838, le substitut Justin requiert contre un fabriquant de linge, Nicolas-Victor Cadinot, suspecté d'avoir réalisé du linge de table damassé, « sur lequel le duc de Bordeaux est représenté avec une couronne sur la tête et au dessous duquel portrait se trouve le quatrain suivant : La couronne est à moi / du droit de ma naissance / Je l'aurai par la loi / car je suis fils de France » 328(*) et d'avoir fait colporter ce linge dans nombres de régions françaises et notamment dans le Midi. Lors de la séance des assises du 27 juin, le jury reconnaît le délit d'attaque contre les droits que le roi tient du voeu de la nation française, délit retenu par le parquet, mais rejette le délit de mise en vente de signes et symboles destinés à troubler la paix publique329(*) : pour montrer son désaccord, le substitut du procureur général Justin demande le renvoi de Cadinot devant le tribunal de police correctionnelle330(*). Devant cette juridiction, le substitut du procureur du Roi de Rouen, Antoine Blanche, réclame l'application de l'article 20 de la loi du 9 septembre 1835331(*) ; les juges lui en donnent raison : Cadinot est condamné à un mois de prison, cent francs d'amende et la confiscation des linges saisis332(*). Si les jurys peuvent parfois montrer une certaine indulgence quant aux impertinences carlistes, la magistrature debout, surplombée par le procureur général, veille à tous les échelons, à éloigner les propos ou les nostalgiques d'un temps révolu, qu'ils soient légitimistes ou républicains.

    3-3 : Les grandes menées du parquet général contre les républicains.

    3-3-1 : Les poursuites contre Le National de 1834 : les prémices de la réaction dans la presse.

    A-Le renvoi de Carrel à Rouen : la surprenante décision de la Cour de cassation.

    Par un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 1834, le journaliste Armand Carrel et M. Conseil, son associé, tous les deux gérants du journal Le National de 1834 sont renvoyés devant la Cour d'Assises de la Seine-Inférieure et doivent comparaître devant ladite Cour, le 17 juin 1834.

    L'affaire remonte au 10 août 1833 où un arrêt de la Cour d'assises de Seine- et-Oise condamne M. Paulin, gérant-responsable du journal Le National, pour « raison d'un compte [rendu] infidèle de mauvaise foi et injurieux d'une des séances de la Cour d'assises de la Seine »333(*) : Le National est interdit de rendre compte des débats judiciaires pendant deux années. Comme le rappelle Pascal Vielfaure, « Carrel, l'un des principaux dirigeants du National décide de mettre fin à son existence officielle et le remplacer par un journal titré : Le National de 1834, avec une société composée de nouveaux gérants. Rapidement, se pose la question de savoir si la condamnation encourue par Le National doit ou non s'appliquer au «nouveau» journal »334(*). Le 14 février 1834, la Cour d'assises de la Seine, (avec à la tête du parquet, le substitut Ponce-François dit Franck-Carré : futur premier président de la Cour de Rouen en 1841335(*)) au regard de nouveaux comptes rendus publiés dans trois numéros du mois de janvier 1834336(*), condamne Armand Carrel et ses associés à deux mois de prison et deux mille francs d'amende337(*). « Estimant que rien n'interdit au propriétaire d'un journal condamné d'en fonder un nouveau, sans que celui-ci ait à subir les condamnations de celui-là »338(*), Carrel et Conseil forment donc un pourvoi devant la Cour de cassation. Le 4 avril 1834, après avoir entendu le rapport du conseiller Thil (l'ancien procureur général de Rouen) et les plaidoiries de Me Adolphe Crémieux (ministre de la Justice du gouvernement provisoire en 1848), avocat de Carrel et Conseil, la Cour de cassation rend un arrêt favorable aux deux journalistes. La Cour de cassation considère, en effet, que l'interdiction, de rendre compte des débats judiciaires pendant deux années prononcée contre Le National, ne s'applique pas au journal Le National de 1834 :

    « attendu que la société en nom collectif, seulement fondée en 1831, sous la raison Paulin et Cie, pour l'exploitation du National a été dissoute en 1833, et qu'à la même époque, une autre société en nom collectif et en commandite a été établie sous la raison Armand Carrel, Scheffer, Conseil et Cie pour la création et l'exploitation du journal quotidien politique et littéraire intitulé : Le National de 1834 [...]. Le National de 1834 est un nouveau journal sur lequel ne frappe pas l'interdiction de rendre compte des débats judiciaires »339(*).

    Cassant l'arrêt du 14 février, la Cour de cassation renvoie Carrel et Conseil devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure.

    B-Le parquet général de mauvaise foi ?

    Devant la Cour d'assises de Rouen, Armand Carrel est le seul à comparaître, Conseil étant au seuil de la mort, et se trouve défendu par les deux grands avocats de la Cour, Me Daviel et Me Senard, spécialistes des procès politiques mêlant des républicains. Armand Carrel présente par écrit les moyens de sa défense à Me Daviel, que ce dernier expose oralement devant la Cour : Armand Carrel dément être toujours éditeur ou gérant du National, qualités qui sont à l'origine des poursuites du ministère public devant la Cour d'assises de Rouen, « sa seule qualité étant celle de gérant du National de 1834, comme il résulte de la déclaration par lui passée le 31 décembre 1833 au ministère de l'Intérieur »340(*). Le procureur général Moyne, moins complaisant que la Cour de cassation, estime qu'Armand Carrel a essayé de tromper les autorités, en faisant croire à la création d'un nouveau journal, Le National de 1834 ayant pour but « de voiler, par un changement de titre, par le changement des gérants responsables [...] la continuation de l'ancien journal »341(*). Pour le ministère public, Le National n'a jamais cessé d'exister. C'est pour cette raison que le procureur général veut que soit confirmée l'arrêt de la Cour royale de Paris du 14 février 1834 et les peines de deux mois de prison ainsi que l'amende de deux mille francs. Le ministère public voit dans la création du National de 1834 une manière dérobée d'échapper à l'interdiction de rendre compte des débats judiciaires. Des échanges vifs sont notés dans le procès entre l'avocat Senard et le procureur général :

    « Me Senard, avocat, autre conseil du prévenu a observé que d'après ce que venait de dire son confrère, Me Daviel, il ne pouvait faire que des répétitions fastidieuses et qu'il ne se proposait de prendre la parole que dans le cas où M. le procureur général répliquerait [...]. Le procureur général s'est levé et a dit que son intention n'était pas de répliquer, sans que pour cela il fallut en induire qu'il acquiesçait aux moyens qui avaient été présentés dans l'intérêt du prévenu et il a persisté dans sa réquisition »342(*).

    La Cour donne raison au procureur général et confirme les peines pour Carrel et Conseil. Mais peu de temps après, Mme Conseil forme opposition contre l'arrêt par défaut visant son mari, décédé entre temps. C'est là l'occasion pour le Journal de Rouen de commenter l'affaire du National de 1834 et de régler des comptes avec le parquet général : « Le procureur général avait tranché d'avance contre Mme Conseil en ne faisant pas revenir les pièces qui eussent été indispensables pour discuter le fond du procès »343(*). En charge du ministère public lors de l'audience de Mme Conseil, l'avocat général Le Tendre de Tourville est l'objet d'attaques du journal. On rappelle notamment son passé judiciaire sous la Restauration : « A pareil jour, en effet, il y a quatre ans, M. l'avocat général de Tourville était substitut du procureur général qui, à la tête de son parquet, venait assurer main-forte aux ordonnances »344(*). Le Journal de Rouen fait un parallèle saisissant entre la situation de la presse au crépuscule de la Restauration et sous la monarchie de Juillet. Rien n'a changé, ni ses défenseurs, ni ses détracteurs : « MM. Daviel et Senard, qui défendaient le 29 juillet 1830, la propriété du Journal de Rouen contre les lois de la Restauration, défendaient le 30 juillet 1834, la propriété du National de 1834 contre les mêmes lois, contre les mêmes adversaires ! [...]. Qui dirait qu'une révolution faite au nom de la liberté de la presse a passé entre ces deux procès ? »345(*). Le Tendre de Tourville, trouvant la prétention de l'opposante « étrange, sans convenance, sans loyauté »346(*), fait rejeter la demande de Mme Conseil. Le National de 1834 porte, de nouveau, l'affaire devant la Cour de cassation, qui confirme, définitivement, l'analyse du procureur général et les conclusions de la Cour d'assises de Rouen : « Même interdit de publier des débats judiciaires, Le National de 1834 n'en continue pas moins d'exister et se mêle fréquemment de politique »347(*).

    A travers Le National de 1834, c'est une nouvelle fois les républicains que l'on vise. Les répliques du procureur général Moyne et de l'avocat général De Tourville répondent naturellement à l'attente du gouvernement348(*) et confirment le retour des atteintes faites à la presse et aux organisations républicaines. Le Journal de Rouen illustre justement cette vision lors de l'affaire du National de 1834 : « Voilà comment on interprète aujourd'hui la révolution de Juillet dans les parquets : elle n'a renversé que Charles X ; tout l'entourage a été consolidé »349(*).

    3-3-2 : La dissolution de la Société des Droits de l'homme et du citoyen de Rouen.

    A-L'application de la législation anti-républicaine.

    Le 22 août 1834, la chambre des appels correctionnels de Rouen reçoit l'appel formé par Adolphe Patey et dix de ses amis350(*). A l'audience, il est rappelé que le tribunal de 1ère instance de Rouen, section correctionnelle, les a condamnés, le 2 juillet de la même année, dans l'activité de leur association dite la Société des Droits de l'homme : Adolphe Patey (âgé de 37 ans, agent d'affaires), Charles Alphonse Anger (âgé de 27 ans, mécanicien), François Pierre Auguste Juquin (âgé de 25 ans, commis de négociant), Léon Brunswick (âgé de 36 ans, commerçant), Pierre Bobée (âgé de 43 ans, commis), Jean-Pierre Guilbert (âgé de 43 ans, tisserand), chefs directeurs ou administrateurs du Comité central de la Société de Droits de l'homme sont déclarés coupables d'avoir formé une association de plus de vingt membres, dont le but était de se réunir pour s'occuper d'objets politiques, sans l'agrément du gouvernement. Pour cela, les six sociétaires sont condamnés à payer 100 F d'amende chacun. Le tribunal acquitte les autres membres présents (Robert Evrard (peintre), Jacques Nuisement (âgé de 36 ans, charcutier), Eugène Ferment (âgé de 22 ans, commis), Jean-Baptiste Saillard (âgé de 20 ans, ouvrier fondeur) et Stanislas Pelhestre (âgé de 26 ans, horloger)) mais déclare la Société dissoute. Lors de la séance du 23 août, le substitut Leroy dépose sur le bureau du président une réquisition écrite, visée par le procureur général Moyne. Le parquet général déclare les membres de la Société des Droits de l'homme, coupables d'avoir contrevenu à l'article 291 du Code pénal réglementant les associations ainsi qu'à la nouvelle loi votée le 10 avril 1834 visant à démanteler les sociétés républicaines351(*). L'affirmation de l'orléanisme, prônée par un gouvernement de plus en plus conservateur, passe par la réduction de la « menace républicaine » et donc un renforcement des lois et de leurs applications. Pascal Vielfaure écrit :

    « Malgré des prises de positions fermes à la Chambre des députés et une jurisprudence appliquant l'article 291 du Code pénal, les associations continuent de représenter une menace pour le gouvernement. Après les crieurs publics, le gouvernement s'attaque à cette question. Un projet est présenté aux députés à la séance du 25 février 1834. Le gouvernement n'hésite pas à montrer du doigt le parti républicain. Et ces associations, qui tendent au renversement de l'ordre établi, sont aux yeux du gouvernement la cause de tous les maux. L'ennemi étant repéré, il convient de l'anéantir. Pour ce faire, le garde des Sceaux propose de donner « force et complément » aux dispositions de la loi qui prohibe les associations. Il s'agit d'éviter que ces associations contournent l'article 291 en se constituant en section de moins de vingt personnes. Il s'agit aussi d'augmenter la pénalité jugée dérisoire du Code pénal et d'atteindre, non seulement les directeurs, les chefs de l'association, mais encore tous les membres sans distinction ».

    Et sur la compétence des juridictions correctionnelles :

    « En outre, la crainte de voir ces infractions insuffisamment réprimées conduit à éviter autant que possible la compétence des jurés au profit, soit des magistrats, soit des politiques. Au nom de l'efficacité répressive, le ministre écarte expressément la compétence du jury »352(*).

    Ce durcissement de la législation anti-républicaine se justifie, par ailleurs, pour le gouvernement, par l'implantation menaçante de la Société sur tout le territoire national.

    B-Le développement inquiétant et surveillé de la Société.

    La Société des Droits de l'homme qui s'était organisée à Rouen, en septembre 1833, n'est que l'une des succursales de la Société des Droits de l'homme et du citoyen de Paris, considérée par la Cour comme la « société-mère ». La Société des Droits de l'homme de Paris, présidée par Godefroy Cavaignac est une société s'inspirant des conceptions sociales jacobines : visant le monde ouvrier, la Société milite pour un programme égalitariste, aux « valeurs aussi ridicules que téméraires, jurant haine et mépris à tout ce qui existe » selon les mots, sans appel, de la Cour. La Société s'installe dans l'Est et les grandes villes ouvrières comme Lyon, Saint-Étienne ou Grenoble. La Société de Rouen recrute peu par rapport à Paris : 3000 adhérents dans la Capitale (soit-les ¾ de l'effectif global) contre moins d'une soixantaine pour Rouen. Comme au niveau national, la Société semble toucher plutôt les couches avancées de la classe ouvrière : les artisans qualifiés. La Cour de Rouen rappelle dans son verdict du 29 août 1834 que la Société est « composée en partie d'artisans et de jeunes gens fanatisés ». Le comité central de Rouen est composé de seize membres dont le chef suprême de l'association est Adolphe Patey et le trésorier Léon Brunswick Pour les juges, la Société de Rouen est chargée de diffuser dans toute la région des imprimés républicains « propres à corrompre l'esprit du peuple et de l'armée », notamment le catéchisme républicain et le Populaire, « journal essentiellement anarchique ». Ils mettent en évidence également le lien étroit qui existe entre la Société des Droits de l'homme et le communiste chrétien Etienne Cabet ( par ailleurs procureur général de la Corse au début de la monarchie de Juillet), qui chargeait les sociétaires « de répandre avec profusion » ses idées formulées dans son journal le Populaire. Depuis le début, la Société des Droits de l'homme et du citoyen est à Rouen l'objet d'une attention accrue des autorités. Dès le 2 octobre 1833, le ministère de l'Intérieur et des Cultes envoie une lettre à M. le préfet de la Seine-Inférieure dans laquelle il prévient l'autorité préfectorale de l'établissement d'une société républicaine dite l'association nationale et du projet d'établissement d'une seconde dite des Droits de l'homme. Le message que le gouvernement fait passer est clair : observer de près l'activité politique des sociétés républicaines et, au moindre écart, les interdire. Le ministère de l'Intérieur en appelle, également, à M. le préfet pour en avertir les autorités judiciaires, en l'occurrence le parquet de Rouen :

    « Votre premier soin doit être de déférer ces sociétés à M. le procureur du Roi, afin qu'aux moindres contraventions (et vous vous êtes mis en mesure de les constater ), elles puissent être dissoutes »353(*).

    La lettre du ministère se termine par un ultime ordre : « Continuez donc à les surveiller avec soin ». Ce conseil suivi par le préfet aboutit à la condamnation par le tribunal correctionnel du 2 juillet 1834. L'appel formé par les membres de la Société des Droits de l'homme est l'occasion, pour le parquet général de Rouen, de faire de ce nouveau procès un exemple : ainsi, le procureur général Moyne, à sa demande reçoit une lettre du procureur du Roi de Rouen dans laquelle il transmet des informations sur des affaires mêlant des républicains de Louviers et d'Evreux :

    « J'ai l'honneur de vous faire l'envoi de deux procédures suivies à Evreux et à Louviers à l'occasion d'associations politiques et qui m'ont été communiquées officieusement comme renseignement à joindre au procès suivi à Rouen contre les nommés Patey, Anger et autres dont je vous ai transmis les pièces le 31 juillet »354(*).

    Antérieurement (le 16 mai 1834), le procureur du Roi d'Evreux avait fait également part des éléments dont il disposait au procureur de Rouen :

    « M. Patey est inculpé d'être le chef dans le département de la Seine-Inférieure ; que ce sont les magistrats de Rouen qui, les premiers, ont été saisis de l'affaire [...] qu'ainsi il y a connexité entre les diverses affaires dont sont saisis les magistrats de Rouen et d'Evreux. Requiert que les pièces de la procédure seront sans délai transmises à M. le procureur du Roi à Rouen, pour être jointes à celles de l'information antérieurement requise par ce magistrat »355(*).

    Le procès, en appel, de la Société de Droits de l'homme est l'occasion pour le parquet général de faire remonter les informations judiciaires portant sur des affaires de républicains (susceptibles d'être sociétaire) que les procureurs du Roi d'Evreux et de Louviers ont eu à traiter. La centralisation des renseignements sur les réseaux républicains dans le ressort de la cour d'appel démontre l'importance de la mission du procès.

    C-La confirmation « contre la récidive ».

    Les procès de juillet et d'août 1834 arrivent après l'insurrection échouée d'avril 1834 soulevant une nouvelle fois les canuts lyonnais et Paris, mais qui tourne court en province. Les ouvriers lyonnais relayés par les républicains parisiens de la Société des Droits de l'homme se dressent contre la loi votée le 10 avril 1834, interdisant les associations de moins de vingt personnes. C'est à l'appui de cette même loi que le parquet général requiert le 23 août. L'application de la loi du 10 avril 1834 est une nouvelle fois l'enjeu du procès en août 1834. L'action gouvernementale, dirigée par le ministre de l'Intérieur Adolphe Thiers qui a pris la forme d'une répression sanguinaire à Lyon et à Paris (massacre de la rue Transnonain) s'exprime, sur le plan judiciaire, par une poursuite nationale de la Société des Droits de l'homme rendue responsable des débordements d'avril et donc coupable de menacer activement le régime356(*). Le vendredi 29 août 1834, en présence du légitimiste premier avocat général Gesbert, la Cour, suit les réquisitions du parquet général et réforme le jugement de première instance à la défaveur d'Adolphe Patey et consorts : l'amende de Patey est doublée, passant à 200 francs ; les amendes des administrateurs (Anger, Guilbert, Juquin, Bobée, Brunswick) sont identiques, restant à 100 francs mais les autres sociétaires (Saillard, Pelhestre,Evrard, Nuisement) auparavant acquittés, sont condamnés à payer 50 francs chacun. La dissolution de la Société des Droits de l'homme est maintenue « contre la récidive » : cette confirmation met un frein sérieux à la diffusion de l'idée républicaine en Normandie et confirme l'implacabilité du parquet sur les affaires mêlant des républicains. Ensuite, les « lois de septembre » de 1835 sur les crimes et délits de la presse marquent un tournant majeur dans l'histoire de la monarchie de Juillet : la presse d'opposition en sort totalement muselée. Le débat politique devient impossible, en dehors des partis constitutionnels. La presse se bâillonne elle-même, de peur de se voir disparaître357(*), mais pas toujours.

    3-3-3 : Les déboires du Journal de Rouen ou la ferme volonté de « nettoyer » la presse d'opposition.

    A-L'attentat d'Alibaud : un engagement un peu trop républicain du Journal de Rouen.

    A Rouen, le premier journal à faire l'objet d'un certain acharnement judiciaire est le Journal de Rouen, grand journal d'opposition. Centralisant les idées de toutes les gauches358(*), le journal est une cible facile et n'échappe plus aux poursuites du ministère public. L'attentat de Fieschi est l'occasion dramatique de la législation du 9 septembre, l'attentat suivant, celui d'Alibaud du 25 juin 1836, est le sujet qui met le feu aux poudres au parquet général de Rouen. Le procureur général Moyne, dirige lui-même l'opération et note consciencieusement les passages de divers numéros du Journal de Rouen, qui sont susceptibles de déférer le journal devant la Cour d'assises359(*). Dans le numéro 182, du 30 juin 1836, Moyne retient le délit d'attaque contre l'inviolabilité de la personne du roi, prévu par la loi du 17 mai 1819 et celle du 25 mars 1822360(*). Le tord de l'article est de faire de Louis-Philippe un citoyen comme les autres :

    « Moralement et politiquement parlant, aujourd'hui l'assassinat d'un Roi n'est pas une plus une plus grande monstruosité que l'assassinat de tout autre citoyen ; l'un et l'autre sont également exécrables et punissables, l'un et l'autre outragent la conscience publique et mériteront toujours la plus forte des peines que la raison humaine et sociale se croira le droit d'infliger ; mais l'un n'est pas un plus grand sacrilège que l'autre, et n'appelle pas d'appareil de réparation plus élevé et plus sonore »361(*).

    Les journalistes ont oublié que Louis-Philippe n'est pas qu'un citoyen : il est le « roi-citoyen » et ne tient pas à devenir « Louis-Philippe-Egalité ». Pour le même passage, le procureur réclame l'article 8 de la nouvelle loi du 9 septembre relatif au délit d'attaque contre le respect dû au lois. Mais, c'est le second passage incriminé qui requiert, de manière plus claire, l'application des lois de septembre :

    « Hier, à minuit, on savait dans Paris que la générosité du coeur du Roi n'avait pu avoir son cours, et que le droit de grâce, dont il peut user d'ailleurs sans consulter son conseil, ne serait pas exercer »362(*).

    Le procureur général considère ces propos comme relevant du quatrième article qui interdit que l'on fasse « remonter au Roi le blâme ou la responsabilité des actes de son Gouvernement ». Mais le droit de grâce ne relève pas du gouvernement mais exclusivement de Louis-Philippe : L'article 58 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830 prévoit que « le roi a le droit de faire grâce et celui de commuer les peines363(*) ». Le gouvernement n'a aucune responsabilité en matière de grâce364(*). Si Alibaud est exécuté, c'est que le roi a consenti à son exécution. L'application de cet article dédouane le roi mais ne se justifie pas. Le Journal de Rouen a placé l'autorité monarchique en face de ses responsabilités et de ses décisions, c'est ce pourquoi, sans doute, le procureur relève ce nouvel affront. Le dernier article, à être l'objet de poursuites365(*), est la chronique politique du 13 juillet qui critique l'exécution d'Alibaud et condamne la politique criminelle actuelle :

    « La tête d'Alibaud a roulé sur l'échafaud, presque la nuit, furtivement ; il semblait que ce fût un crime que l'on commit [...].Voilà donc les résultats de la civilisation qu'on disait si fort en progrès depuis 1830 ! En cinq mois, quatre têtes sont tombées sur l'échafaud ; le bourreau est aujourd'hui un personnage, et la guillotine ne se repose plus [...]. Il est mort courageusement, et on n'a pu le calomnier à son moment suprême, comme on l'a fait à la Cour des pairs »366(*).

    Alibaud est regardé comme une victime du système gouvernemental. Mort presque en martyr, Alibaud n'est pas un terroriste qui a tiré sur le chef de l'Etat, mais reste, pour le Journal de Rouen, un républicain qui a essayé de changer le cours des événements. Pour le chef du parquet, le Journal de Rouen accuse la monarchie de Juillet d'être un régime répressif et donne, scandaleusement, raison aux républicains. Le procureur général ne fait que suivre la volonté gouvernementale du duc de Broglie, dont les propos rapportés par Duvergier de Hauranne (dans son Histoire du gouvernement parlementaire en France de 1814 à 1848) sont simples et directifs :

    « Le président du conseil insiste sur les excès commis par les partis et lie l'attentat du 28 juillet «aux violentes agressions de la presse». Il convient donc «de ramener tous les partis à la religion de la charte, les ramener sous son joug... ». Quant à la liberté de la presse, il la veut «franche et complète, mais constitutionnelle», bref orléaniste ! »367(*).

    B-La censure du parquet général.

    Le Journal de Rouen, de par sa position complaisante sur l'affaire d'Alibaud, est suspecté de républicanisme. C'est pour cela que, le gérant du Journal de Rouen, Émile Brière ( journaliste, âgé de 28 ans) est appelé à comparaître devant la Cour d'assises, le 17 août 1836, pour délit de presse. Le réquisitoire de l'avocat général légitimiste Le Tendre de Tourville ne pèse pas lourd face à la plaidoirie de la défense, assurée par Jules Senard, l'un des plus brillants avocats du barreau de Rouen, qui séduit littéralement le jury :

    « Non content de défendre le Journal de Rouen, dont la rédaction avait toujours été «franche, indépendante, hardie, parfois rude, mais toujours loyale», [Jules Senard] se fit l'accusateur et dressa contre ceux qui avaient provoqué et dirigé les poursuites, un véritable réquisitoire, suivi d'un acquittement triomphal. Sa plaidoirie parut si belle, qu'elle fut tirée à 20.000 exemplaires »368(*).

    Le ministère public se venge du succès de Me Senard en le citant directement devant le tribunal correctionnel pour diffamation369(*) : les poursuites du procureur général auraient été menées après les dénonciations de l'Écho de Rouen, journal gouvernemental370(*).

    Comme souvent dans les affaires de délits de presse, le jury est indulgent et l'acquittement du 17 août n'est donc pas une surprise371(*). Pourtant ce procès est un événement pour la presse rouennaise puisque c'est la première fois, depuis le début de la monarchie de Juillet, que le Journal de Rouen se plaint d'un retour de la censure :

    « Nous avons donc supprimé le discours d'Alibaud. Depuis que la loi de 1828 avait aboli la CENSURE, c'est la première fois qu'elle reparaît, et qu'un journal se montre au public mutilé par elle. La CENSURE, à tout jamais proscrite par la Charte de 1830, existe donc. Mais ce n'est plus la censure de la loi : c'est la censure de la force ! »372(*).

    Supprimée en juillet 1828 par les réformes libérales de Martignac, remise au goût du jour dans l'une des quatre ordonnances du 25 juillet 1830, la censure est définitivement enterrée et la liberté de la presse reconnue par la Charte de 1830373(*). Cette réapparition de la censure ouvre, à l'encontre de la presse et du Journal de Rouen plus particulièrement, une nouvelle période de réaction et d'affermissement. Conforme à la ligne gouvernementale, le procureur général veille à « l'orléanisation » du paysage politique, surtout dans la presse d'opposition. Toute remise en cause du gouvernement de Louis-Philippe est donc sujette à poursuite.

    C-La deuxième affaire Brière : le chant du cygne pour le parquet.

    Non content du résultat de son action, le parquet général continue de tourmenter l'organe de presse rouennais : la deuxième poursuite arrive à peine quatre mois après. Entre les deux affaires est arrivé un événement d'importance pour le parquet général de Rouen et le Journal de Rouen : tant souhaité par le journal, le départ du procureur général a eu lieu. La nomination de M. Moyne à la première présidence de la Cour de Poitiers marque la fin d'une époque. Procureur général à Rouen, de novembre 1832 à novembre 1836, Moyne représente, jusqu'à la caricature, la politique d'affermissement du régime orléaniste. Son successeur, Jacques-André Mesnard a une réputation plus libérale (et bonapartiste)374(*) ; mais la fonction de procureur général demande, avant tout, de servir les intérêts monarchiques en place : déjà successeur de M. Moyne comme procureur général de Grenoble en 1832, le procureur général Mesnard, à Rouen, suit l'action ferme de son prédécesseur, en matière de presse.

    Le 5 décembre 1836, un mois à peine après sa prise de fonction, le procureur général Mesnard prononce un réquisitoire contre le Journal de Rouen. Devant la Chambre des mises en accusation, Jacques-André Mesnard requiert que le gérant, Émile Brière, comparaisse devant la Cour d'assises pour diffamation375(*) : le journal, dans un article intitulé des écoles d'enseignement mutuel, se fait l'écho d'un scandale concernant le comité communal d'instruction primaire :

    « nous devons ajouter encore qu'on s'est si peu enquis préalablement de la moralité des personnes qui devaient faire partie des nouveaux comités, que dernièrement on racontait avec douleur, au sein du conseil municipal, que l'une d'elles avait eu un peu trop oublié ce qu'elle devait à la pudeur de deux jeunes filles de l'une des écoles dont elle avait la surveillance376(*)

    Le Journal de Rouen met indirectement en cause la municipalité de Rouen, en charge du contrôle des établissements d'instruction primaire de la ville. Face à cette allégation portant gravement atteinte à la moralité et à l'honneur du comité d'instruction primaire de la ville de Rouen, le procureur général Mesnard reçoit la plainte du comité et lance l'action publique contre le gérant-responsable. Le 12 décembre 1836 s'ouvre, donc, le deuxième procès, non moins important, du Journal de Rouen, devant la Cour des assises. L'avocat général Pierre-Aubin Paillart, a en charge le ministère public mais, une nouvelle fois, la défense est excellente. Le barreau de Rouen se mobilise : le bâtonnier de l'Ordre, Me Senard et Me Daviel (l'ancien premier avocat général) se font les défenseurs de la presse libérale rouennaise et soutiennent, avant tout leur ami, Émile Brière. Après de longs débats, la défense obtient du jury l'acquittement :

    « Il est une heure du matin ; nous sortons de l'audience après un débat qui a duré quinze heures, quinze heures pendant lesquelles il nous a fallu lutter successivement contre le ministère public, contre la partie plaignante et contre la Cour elle-même [...]. A l'issue de l'audience, et, bien qu'il fût une heure du matin, un public nombreux a accompagné [Me Senard] jusqu'à sa demeure, au milieu des cris : Vive Senard ! Vive la liberté de la presse !377(*) »

    On le voit, derrière la mise au grand jour de la vérité, le procès a un enjeu, plus grand que la cause défendue : c'est la liberté de la presse. Le devoir d'un journal d'opinion, comme le Journal de Rouen, est aussi de révéler des scandales. La liberté de ton et d'information est menacée par un régime qui veut uniformiser les journaux d'opposition. Malgré la menace de poursuites qui pèse sur lui, le Journal de Rouen n'a aucune envie de devenir une feuille gouvernementale et continue de jouer son rôle de critique vis-à-vis de la municipalité ou du gouvernement.

    Le nouvel acquittement est un désaveu, de plus, pour le parquet général et le recours légal au jury montre des insuffisances flagrantes. Pour le ministère public, des limites inacceptables ont été franchies : sa réplique est à la hauteur de son humiliation. Deux ans plus tard, le Journal de Rouen commente l'épisode :

    « Le lendemain, nous fûmes rappelés à nous expliquer devant les mêmes magistrats jugeant cette fois sans jury [...]. Nous fûmes condamnés dans la personne de notre gérant à une forte amende et à deux ans de prison ! [...]. Notre accusateur, c'était ce même parquet qui, la veille, avait essuyé contre nous une défaite et qui se trouvait blessé par nos critiques du lendemain [...]. La magistrature consentit à nous frapper elle-même, et elle frappa fort »378(*).

    Faisant condamné à deux de prison et à plus de 3300 francs d'amende le gérant Brière, le parquet général peut finalement chanter victoire.

    Conclusion :

    Le banquet réformiste de Rouen du 25 décembre 1847 clôture en province la célèbre campagne commencée en juillet de la même année ; la réunion conforte l'avocat Jules Senard dans sa position de leader de la gauche dynastique à Rouen : organisateur et président du banquet, Jules Senard, devant dix-huit cents convives dont Dupont de l'Eure, Odilon Barrot, Adolphe Crémieux, Gustave Flaubert, Maxime Du Camp, etc.379(*) prononce un discours mesuré en faveur de l'ouverture du droit de suffrage, tout en rappelant que « les Révolutions les plus aisément accomplies, laissent à leur suite un long ébranlement d'intérêts et un gaspillage considérable des richesses et des forces sociales »380(*) : seul orateur appartenant à la magistrature, l'ancien substitut du procureur général, le conseiller Justin, plus radical, porte-lui « un toast aux classes pauvres et laborieuses, aux institutions qui doivent leur faire obtenir l'éducation, le bien-être et les droits dont elles sont privées »381(*).

    La Révolution inattendue de février 1848 évince la monarchie de Juillet : le 26 février, le gouvernement provisoire remplace le procureur général Frédéric Salveton. Conservateur et ami de Guizot, Salveton quitte définitivement la magistrature pour finir avocat à Riom382(*). Lui succède Jules Senard à la Cour d'appel de la République de Rouen. La nomination de Senard au poste de procureur général marque la victoire de l'opposition modérée à la Cour de Rouen. Moins convaincu de la nécessité de la République que son confrère Frédéric Deschamps avocat radical, nommé commissaire de la République , Senard cache rapidement son étonnement pour finalement célébrer « l'hôte ami qui a devancé l'heure prévue de son arrivée »383(*). Le 4 mars 1848, lors de sa cérémonie d'installation, dans une Cour d'assises couverte de drapeaux tricolores, Senard prononce, devant un parterre d'officiels384(*) et une foule en liesse385(*), un discours mêlant simplicité personnelle et lyrisme fraternel386(*) :

    « Et vraiment, j'admire comment cette tempête, qui en quelques heures brisait et emportait un trône, une monarchie, un édifice social tout entier, est venue en même temps soulever un humble grain de poussière, et m'arracher, moi, simple citoyen, aux habitudes de la vie privée, pour me transporter sur ce siège élevé de magistrature [...]. Non ! Non ! que dans cette main accoutumée aux travaux de la plume, dans cette main qu'ont blanchie les soins recherchés de l'éducation et de nos habitudes de bien-être, vienne se poser tout à l'heure, comme elle s'y est posée souvent, la main dure et calleuse de l'ouvrier : je la recevrai avec bonheur ! ».

    Le 26 avril 1848, le procureur général Senard remporte les premières élections législatives au suffrage universel sur son rival Deschamps, l'organisateur des ateliers nationaux à Rouen. Déçus par le résultat, des ouvriers manifestent devant l'hôtel de ville et finissent rapidement par dresser des barricades dans leurs quartiers. Senard prend la tête des opérations et n'hésite pas à employer le canon pour se rendre maître de la rue Sain-Julien. En deux jours, l'ordre est rétabli mais le bilan est sanglant : une dizaine de morts dans le camp des ouvriers387(*). Pour avoir triomphé de l'émeute, « le héros de la Saint-barthélemy de Rouen »388(*) est nommé le 5 juin président de l'Assemblée Nationale. Puis, ayant apporté son aide au général Cavaignac pendant les terribles journées de juin, l'Assemblée Nationale décrète, reconnaissance officielle suprême, que Senard et Cavaignac ont « bien mérité de la nation »389(*).

    Quant à Alfred Daviel, il réintègre le parquet général de Rouen, en février 1850, cette fois comme procureur général, grâce à l'appui du président de la République Louis-Napoléon Bonaparte390(*). Peu de temps après, le 1er novembre 1851, le prince président lui donne même le porte-feuille de ministre de la Justice : mais Daviel n'en profite que jusqu'au coup d'État du 2 décembre, soit un mois391(*).

      Reconnaître et défendre l'autorité en place sont les nécessaires conditions de l'exercice du ministère public. Moins installés par nature institutionnelle que les magistrats du siège, les parquetiers sont amenés à trouver leur stabilité professionnelle dans une commode docilité et leur équilibre personnel dans un monde judiciaire idéalisé. Représentants de la société des notables , les magistrats du parquet général attachent davantage d'importance à protéger leurs propres intérêts et ceux de la bourgeoisie à laquelle ils appartiennent, plutôt qu'à soutenir sincèrement, en ces temps instables, le pouvoir en place. Dans cette optique, le passage d'un régime à un autre est un aléa aisément surmontable. Toutefois, d'autres exemples montrent que le magistrat n'est pas toujours un serviteur aveugle du pouvoir mais qu'il sait aussi le défier ou le défendre avec conviction.

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    ·Tulard Jean (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995, 1347 p.


    ·Volff Jean, Le ministère public, Paris, Presses Universitaires de France,

    coll. « Que-sais-je ? », 1998, 127 p.


    ·Yvert Benoît (dir.), Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989, Paris, Perrin, 1990, 1028 p.

    II- Ouvrages spécialisés et études


    ·Arnaud André-Jean, Les juristes face à la société, du XIXe siècle à nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 1975, 228 p.


    ·Blanche Antoine-Georges, Etudes pratiques sur le Code pénal, Paris, Cosse et Marchal, 1861-72, 7 volumes.


    ·Bruschi Christian (dir.), Parquet et politique pénale depuis le XIXe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, coll. de la Mission de recherche « Droit et Justice », 2002, 381 p.


    ·Carbasse Jean-Marie, Histoire du Parquet, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, 333 p.


    ·Chaline Jean-Pierre, Les bourgeois de Rouen, Une élite urbaine au XIXe siècle, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1982, 509 p.


    ·Chaline Jean-Pierre, Rouen sous la monarchie de Juillet, Rouen, Centre Régional de Documentation Pédagogique, 1971.


    ·Chazal Jean, Les magistrats, Paris, Grasset, 1978, 312 p.


    ·Collectif, Liste générale des membres de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, Rouen, Imprimerie Léon Gy, 1903.


    ·Collectif, Le Palais de Justice de Rouen, Rouen, publié par le Ministère de la Justice et le département de la Seine-Maritime, 1977, 297 p.


    ·Collectif (Association française pour l'histoire de la justice : préface de Robert Badinter), L'épuration de la magistrature de la Révolution à la Libération : 150 ans d'histoire judiciaire, Paris, éditions Loysel, 165 p.


    ·Collectif, Parquet et politique pénale depuis le XIXe siècle, Actes du colloque organisé par le Centre Lyonnais d'histoire du droit et de la pensée politique et la Mission de recherche Droit et Justice, Université Jean Moulin Lyon III, le 19 et 20 septembre 2002.


    ·D'Amat Roman (dir.), Dictionnaire de biographie française, Paris, librairie Letouzey et Ané, 1965.


    ·Debré Jean-Louis, La justice au XIXe siècle « Les magistrats », Paris, Perrin, 1981,

    223 p.


    ·Devilleneuve L.-M., Carette A.-A., Lois annotées ou lois, décrets, ordonnances, avis du Conseil d'État, etc., Paris, Administration du recueil général des lois et des arrêts, Tome 1789 à 1830, 1854.


    ·Dupont-Bouchat Marie-Sylvie, Pierre Éric (dir.), Enfance et justice au XIXe siècle, Essais d'histoire comparé de la protection de l'enfance, 1820-1914, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Droit et Justice », 2001, 443 p.


    ·Farcy Jean-Claude, Magistrats en majesté, Les discours de rentrée aux audiences solennelles des Cours d'appel (XIXe-XXe siècles), Paris, CNRS, 1998, 793 p.


    ·Farcy Jean-Claude, «Justice et pénalité, dans la France du XIXe siècle», Historiens et Géographes, no338, décembre 1992, pp. 161-173.


    ·Frère Edouard, Manuel du Biographe normand, Rouen, A. Le Brument, 1858, 2 vol.


    ·Goyet Francisque, Le ministère public en matière civile et en matière répressive et l'exercice de l'action publique, Paris, Recueil Sirey, 1926, rééd. 1953, 503 p.


    ·Hoefer M., Nouvelle biographie générale, Paris, Firmin Didot, 1855, 46 vol.


    ·Lebreton Théodore, Biographie Normande, Rouen, A. Le Brument éditeur, 1857-1861, 3 vol.


    ·Martinage Renée, Punir le crime. La répression judiciaire depuis le Code pénal, Villeneuve-d'Ascq, L'Espace juridique, 1989, 291 p.


    ·Masson Gérard, Les juges et le pouvoir, Paris, Moreau/Syros, 1977, 495 p.


    ·Ortolan Joseph-Louis-Elzéar, Ledeau L., Le ministère public en France ; Traité et code de son organisation, de sa compétence et de ses fonctions dans l'ordre politique, judiciaire et administratif, Paris, Fanjat-Aîné, Tome I, 1831, 380 p.


    ·Ortolan Joseph-Louis-Elzéar, Le ministère public en France, Paris, Joubert, 1844,

    2 vol.


    ·Oursel N.-N., Nouvelle Biographie Normande, Paris, Alphonse Picard Éditeur, 1886,

    2 vol.


    ·Plantrou Nicolas (dir.), Du Parlement de Normandie à la Cour d'appel de Rouen

    1499-1999, Rouen, Association du Parlement de Normandie, 1999, 601 p.


    ·Rassat Michèle-Laure, Le ministère public entre son passé et son avenir, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1967, 286 p.


    ·Robert Adolphe, Cougny Gaston (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Bourloton, 1890, 5 vol.


    ·Rouland Gustave, Discours et réquisitoires de M. Rouland, Paris, Imprimerie Nationale, 1863, 2 vol. (I : 1838-1855 ; II : 1856-1862)


    ·Rousselet Marcel, La magistrature sous la monarchie de Juillet, Paris, thèse de lettres, 1937, 488 p.


    ·Rousselet Marcel, Histoire de la magistrature française des origines à nos jours, Paris, coll. « Procès politique », 1957, 2 vol.


    ·Royer Jean-Pierre, La société judiciaire depuis le XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, 347 p.


    ·Royer Jean-Pierre, Lecocq Pierre, Martinage Renée, Juges et notables au XIXe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, 398 p.


    ·Royer Jean-Pierre, Mathias Éric, Les procureurs du droit, de l'impartialité du ministère public en France et en Allemagne, Paris, CNRS, 1999, 288 p.


    ·Truche Pierre, Juges, Être jugé, Paris, Fayard, 2001, 220 p.


    ·Vielfaure Pascal, L'évolution du droit pénal sous la monarchie de Juillet entre exigences politiques et interrogations de société, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2001, 618 p.


    ·Consultation de la base Leonore du Centre Historique des Archives Nationales concernant les dossiers de la Légion d'honneur (XIXe-XXe siècles) :

    www.archivesnationales-culture-gouv.fr.

    III-Sources archivistiques

    Nos recherches ont été effectuées aux Archives Départementales de la Seine-Maritime (A.D.S.M.), deuxième dépôt de France après les Archives Nationales, ainsi qu'à la Bibliothèque Municipale de Rouen, pour notamment, la consultation des dossiers de presse concernant les magistrats.

    ? Archives départementales de la Seine-Maritime :

    Série U ( Justice) :

    1U Fonds de la préfecture :


    ·1U 1 : Correspondance : 1823-1914.

    2U Cour d'appel et Cour d'assises :


    ·2U 103 : registres des délibérations de la Cour d'appel de Rouen : 1828-1841.


    ·2U 104 : registres des délibérations de la Cour d'appel de Rouen : 1841-1862.


    ·2U 108 à 2U 110 : Instructions ministérielles : 1827-1849.


    ·2U 116 : Affaires générales. Correspondance : 1822-1914.


    ·2U 134 : Magistrats : installations, nominations, prestations de serment,

    An XIII-1865.


    ·2U 259 à 277 : Arrêts civils de la Cour Royale de Rouen.


    ·2U 441 à 447 : Arrêts sur la poursuite du ministère public (Cour Royale de police correctionnelle).


    ·2U 574 à 633 : Dossiers de procédure de la Cour des appels correctionnels (1830-1848).


    ·2U 1683 à 1844 : Dossiers de procédure de la Cour d'assises de Rouen (1830-1844 (lacunes de 1844 à 1848)).

    Autres références :


    ·JPL 3/82 à 3/116 : collection du Journal de Rouen de 1830 à 1848.


    ·BA 1461 : OEuvres charitables pour les prisonniers.


    ·Etc.

    ? Archives de la Bibliothèque Municipale de Rouen :

    Liste des discours de rentrée conservés dans les dossiers de presse (N 92) des magistrats correspondants :


    ·Discours prononcé par M. Daviel, premier avocat général devant la Cour Royale de Rouen à l'audience solennelle de rentrée du 3 novembre 1830.


    ·Discours prononcé par M.Moyne, procureur général près la Cour Royale de Rouen, à l'audience solennelle de rentrée le 4 novembre 1834.


    ·Discours prononcé par M. le procureur général Moyne, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1835.


    ·Discours prononcé par M.Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée, le 3 novembre1842.


    ·Discours prononcé par M.Blanche, avocat général, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 6 novembre 1843.


    ·Discours prononcé par M.Salveton, procureur général du Roi à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 6 novembre 1844.


    ·Les premiers présidents au Parlement de Normandie au XVIe siècle par M.Rieff, avocat général à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1845.


    ·Discours de M.Blanche, avocat général, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1847.

    Autres références :


    ·dossier de presse de Jules Senard (N 92) :

    -discours de Me Vermont, bâtonnier, le mardi 24 novembre 1896 dans la séance d'ouverture de la Conférence des avocats stagiaires

    -Max Brière, «Jules Senard. Défenseur de la République et avocat de Flaubert», Connaître Rouen-VI, Rouen, les Amis des Monuments Rouennais, 1989.

    -Paris Normandie du 10 mars 1954.


    ·dossier de presse de Frédéric-Victor Hély d'Oissel (N 92) :

    -Profession de foi du candidat Hély d'Oissel (avocat général à la Cour de Paris) pour les élections législatives de Seine-Inférieure de 1849.


    ·Etc.

    Annexes :

    Annexe 1 : Liste des procureurs généraux de Rouen de leur création à nos jours392(*).


    ·1808 : Fouquet
    ·1938 : Savagnes


    ·1821 : De Peyronnet
    ·1942 : Pinot


    ·1822 : Vandeuvre
    ·1948 : Durrieu


    ·1829 : Boullenger
    ·1964 : Dauvergne


    ·1830 : Thil
    ·1965 : Bot


    ·1832 : Moyne
    ·1971 : Gulphe


    ·1836 : Mesnard
    ·1976 : Ecoutin


    ·1841 : Gaultier
    ·1976 : Mazoyer


    ·1844 : Salveton
    ·1980 : Cordier


    ·1848 : Senard
    ·1984 : Garsi


    ·1848 : Desseaux
    ·1986 : Geromini


    ·1849 : D'Oms
    ·1990 : Monestié


    ·1850 : Daviel
    ·1992 : Challe


    ·1854 : Massot
    ·1993 : Bestard


    ·1861 : Millevoye
    ·1996 : Raysseguier


    ·1870 : Peulevey


    ·1871 : De Leffemberg


    ·1871 : Izoard


    ·1873 : Le Pelletier


    ·1874 : Desjardins


    ·1875 : Desarnaut


    ·1875 : De La Rouerade


    ·1878 : Vauloge


    ·1879 : Poux-Franklin


    ·1882 : Denis


    ·1886 : Legris


    ·1888 : Marais


    ·1894 : Jalenquer


    ·1903 : Jalenquer


    ·1906 : Daniel


    ·1908 :Gensoult


    ·1919 : Delangé


    ·1924 : Bazenet


    ·1930 : Friederich


    ·1934 : Guihaire

    Annexe 2 : Liste complète des vingt trois magistrats du parquet général de Rouen à leur plus haut rang (1830-1848).


    ·M. Jean-Baptiste-Louis Thil, procureur général


    ·M. Moyne, procureur général


    ·M. Jacques-André Mesnard, procureur général


    ·M. Alexandre-Félix-René Gaultier, procureur général


    ·M. Frédéric Salveton, procureur général


    ·M. Alfred Daviel, premier avocat général


    ·M. Jean-Marie-Joseph Gesbert de la Noë-Seiche, premier avocat général


    ·M. Gustave Rouland, premier avocat général


    ·M. Dufaure de Montfort, premier avocat général


    ·M. Joseph-Pierre Chassan, premier avocat général


    ·M. Antoine-Georges Blanche, avocat général


    ·M. Félix Boucly, avocat général


    ·M. Alexandre-Charles Le Tendre de Tourville, avocat général


    ·M. Pierre-Aubin Paillart, avocat général


    ·M. Charles-Sylvestre Rieff, avocat général


    ·M. Alphonse de Baillehache, avocat général


    ·M. Frédéric-Victor Hély d'Oissel, substitut du procureur général


    ·M. Guillemard, substitut du procureur général


    ·M. Justin, substitut du procureur général


    ·M. Jean-Baptiste-Auguste Pinel, substitut du procureur général


    ·M. Ernest-Pierre-Claude-Marie Falconnet, substitut du procureur général


    ·M. Pierre-Auguste Mary, substitut du procureur général


    ·M. Narcisse Leroy, substitut du procureur général

    Annexe 3 : Le parquet général de Rouen et l'épuration de 1830393(*).

    Avant l'épuration (en 1829) :

    M. le baron Boullenger procureur général

    M. Le Petit premier avocat général

    M. Lévesque second avocat général

    M. Gesbert avocat général

    M. Boucly premier substitut du procureur général

    M. Le Tendre de Tourville deuxième substitut du procureur général

    Après l'épuration (en septembre 1830) :

    M. Thil procureur général

    M. Daviel premier avocat général

    M. Boucly second avocat général

    M. Gesbert avocat général

    M. Le Tendre de Tourville premier substitut du procureur général

    M. Hély d'Oissel second substitut du procureur général

    Annexe 4 : Date d'installation des procureurs généraux : de Boullenger à Senard394(*).

    20 juillet 1829

    M. le Baron Boullenger

    31 aout 1830

    M.Thil

    3 novembre 1832

    M. Moyne

    17 novembre 1836

    M. Mesnard

    3 novembre 1841

    M. Gaultier

    24 mai 1844

    M. Salveton

    4 mars 1848

    Le citoyen Senard

    Annexe 5 : Date d'installation des premiers avocats généraux :1830-1848395(*).

    3 septembre 1830

    M. Daviel

    4 novembre 1833

    M. Gesbert

    3 novembre 1840

    M. Rouland

    4 Juin 1843

    M. Chassan

    Annexe 6 : Philosophie et histoire vues par le premier avocat général Gustave Rouland.

    « Le discours d'usage a été prononcé par M. Rouland, maintenant premier avocat général. L'honorable magistrat avait pris pour thèse la nécessité, pour la magistrature, d'adjoindre à ses études professionnelles des études générales puisées aux diverses branches des connaissances humaines, afin qu'elle conquière sur la société cette autorité morale et cette influence prépondérante qui lui manquent aujourd'hui M. Rouland n'est point de ces orateurs auxquels on pourrait faire honneur ou reproche d'une parole vide et brillamment sonore ; chez lui, au contraire, la pensée, toujours substantielle, réfléchie, souvent profonde, forte, pressée et juste, manquerait plutôt de coloris et de vibration. Il enchaîne les idées avec une grande puissance de logique, mais l'abondance même de ses idées nuit à leur ordre de génération et à leur clarté ; elles gagneraient à être plus élémentaires et plus à la portée du vulgaire. Le discours d'hier n'a donc pas produit autant d'effet qu'en aurait peut être excité une oeuvre plus faible de pensée, mais plus palpitante et plus limpide par l'expression. Il pourra être médité avec fruit dans le cabinet ; il a paru un peu trop métaphysique pour être prononcé dans une réunion publique »

    « Tout en s'écartant de l'abus des abstractions métaphysiques, [le XIXe siècle] a, pourtant pris dans la philosophie le point de départ de ses opinions et de ses recherches. Cette philosophie, qui ne s'appelle ni Condillac, ni Kant, ni Schelling, qui procède simultanément de la droiture du coeur et de l'indépendance de la réflexion, répudie les écoles exclusives, et armée des méthodes de la logique pure, elle demande au raisonnement, non des théories, mais la vérité. Elle n'a d'autre orgueil que celui de la perfectibilité humaine, et elle se plaît à avouer qu'elle doit à la spontanéité de la conscience le dogme fondamental de l'existence de Dieu, de la matière et de l'âme immortelle [...]. L'histoire a cessé d'être une chronologie stérile, un tissu de récits infidèles. La lumière a brillé dans ce chaos où les hommes, les événements et les époques n'avaient ni leur explication ni leur physionomie. Un spectacle imposant s'est alors offert à notre admiration. Le monde secoue la poussière des temps passés ; le voici devant nous, s'avançant à travers les révolutions, dans les routes que la Providence lui a frayées ! Ses destinées ne sont plus un mystère : industrie, art, moeurs, religion, gouvernement, tout est interrogé, tout raconte son origine et ses oscillations, tout concourt, en vertu de lois éternelles, à l'amélioration progressive des sociétés [...]. C'est à la science historique et à ses résultats que nous devons cette élévation de vues, cet esprit de généralisation, cette critique rationnelle sans laquelle le monde intelligible et vivant au jour le jour ne nous apparaîtrait plus que comme le produit du hasard et le jouet de la fatalité [...]. Messieurs, nous venons de définir les hautes études qui initieront la magistrature à la vie sociale, accroîtront ses talents et sa raison, et lui obtiendront l'influence qu'elle n'a pas. Douterait-on de la nécessité des rapports à créer entre la philosophie, l'histoire et le droit ? L'évidence, nous le croyons, viendrait bientôt jaillir à tous les yeux [...]. Or, essayez de séparer la philosophie de l'étude du droit, qu'arrivera-t-il ? Le magistrat qui doit confondre le sophisme n'aura pas même les premiers rudiments de la logique [...]. Il n'y avait pas moins d'inconvénient à isoler la magistrature des études historiques. L'histoire est le plus riche commentaire du droit [...]. L'histoire et ses méthodes d'observation doivent s'allier à nos travaux [...]. Vous ne jugez bien les faits contemporains qu'avec la science des précédents, et, sous l'impression des graves leçons de l'histoire, quand il faut faire tête aux systèmes qui tourbillonnent à la surface du pays, votre raison grandit , votre coeur s'échauffe, et la mission de la magistrature s'accomplit avec autant d'intelligence que de fermeté [...]. La philosophie et l'histoire sont l'expression la plus élevée du mouvement intellectuel, et que c'est par l'intelligence générale qu'il convient de vérifier la science du droit [...]. Que la magistrature se lève donc, au nom du devoir, au nom de l'amour de la patrie, au nom de la religion du serment ! Que, dans ses fonctions, elle cherche la force qui sort de la sincérité des opinions et de l'exercice viril de la pensée ! »

    « M. Rouland est du petit nombre de ces hommes de qui l'on peut dire qu'ils prêchent d'exemple. L'orateur n'a donné là que des conseils qu'il a mis en pratique depuis longtemps, et dont il a pu personnellement éprouver toute l'efficacité. La collaboration de M. Rouland à la Revue de Rouen a prouvé qu'il est fort versé dans les études historiques et philosophiques ; la puissance d'argumentation, la solidité de jugement, la gravité et l'autorité de la parole, qu'il en a retirées et portées dans les débats judiciaires, soit au criminel, soit au civil, sont choses connues à Rouen »396(*).

    Annexe 7 : Affaires traitées par la Cour des Appels correctionnels : l'exemple de l'année 1830-1831 :131 affaires397(*).

    Appels pour :

    Vol / soustraction frauduleuse : 42 affaires = 32,06%.

    Vagabondage / mendicité : 27 affaires = 20,6%.

    Violences / outrages à fonctionnaires / gardes nationaux :12 affaires = 09,16%

    Coups / blessures : 10 affaires = 7, 63%.

    Litiges chasse / pêche : 9 affaires = 6,87%.

    Escroquerie / abus de confiance : 8 affaires = 6,1%.

    Recel : 3 affaires = 2,29%.

    Vente illégale de médicaments : 3 affaires = 2,29%.

    Acte de rébellion : 2 affaires = 1,52%.

    Tentative d'évasion : 2 affaires = 1,52%.

    Loterie non autorisée : 2 affaires = 1,52%.

    Coalition : 1 affaire = 0,76%.

    Adultère : 1 affaire = 0,76%.

    Problème d'état civil : 1 affaire = 0,76%.

    Enseignement sans autorisation : 1 affaire = 0,76%.

    Mort involontaire : 1 affaire = 0,76%.

    Attentat aux moeurs : 1 affaire = 0,76%.

    Autres / Affaires indéterminées : 5 affaires = 3,8%.

    Les décisions des appels :

    Confirmation du premier jugement : 83 affaires = 63, 35%.

    Acquittement : 13 affaires = 9,92%.

    Rejet de l'appel du ministère public : 6 affaires = 4,58%.

    Réduction de peine : 11 affaires = 8,39%.

    Première ou nouvelle condamnation plus lourde : 18 affaires = 13,74%.

    L'impact du ministère public :

    Ministère public suivi dans ses réquisitions : 112 affaires = 85, 49%.

    Ministère public non suivi : 16 affaires = 12.21%.

    Ne se prononce pas / s'en remet à la décision de la Cour : 3 affaires = 2,29%.

    Annexe 8 : Liste des discours de rentrée de la Cour royale de Rouen sous la monarchie de Juillet398(*).


    ·Alfred Daviel, avocat général, [Une Restauration est presque toujours la plus dangereuse et la plus mauvaise des révolutions] 3 novembre 1830, Rouen, F. Baudry, 1830, 22 p.


    ·Jean-Baptiste-Louis Thil, procureur général, [Le magistrat comme homme privé, citoyen et arbitre suprême de ses compatriotes] 3 novembre 1831, Rouen, F.Baudry, 1831, 12 p.


    ·Moyne, procureur général, [ Les devoirs des magistrats dans la situation actuelle]

    4 novembre 1833, Rouen, Impr. de F. Marie, 1833, 18 p.


    ·Moyne, procureur général, [L'indépendance de caractère chez le magistrat]

    4 novembre 1834, Rouen, Impr. de F. Marie, 1834, 20 p.


    ·Moyne, procureur général, [La liberté et le régime de la presse]

    3 novembre1835, Rouen, Impr. de F. Marie, 1835, 24 p.


    ·Jean-Marie-Joseph Gesbert, avocat général, [Devoirs de la magistrature],

    3 novembre 1836, [ Journal de Rouen et des départements de la Seine-Inférieure et de l'Eure, 4 novembre 1836]


    ·Jacques-André Mesnard, procureur général, [Les devoirs des magistrats] 11 novembre 1837, Rouen, Impr. de F. Marie, 1837, 26 p.


    ·Pierre-Aubin Paillart, avocat général, L'exemple, 3 novembre 1838, Rouen, Impr. de F. Marie, 1838, 27 p.


    ·Jacques-André Mesnard, procureur général, [Eloge de Antoine-Joseph-Michel de Servan] 4 novembre 1839, Rouen, Impr. de F. Marie, 1839, 39 p.


    ·Gustave Rouland, avocat général, [La magistrature considérée dans ses rapports avec l'impulsion morale et politique du pays] 3 novembre 1840, Rouen, Impr. de F. Marie, 1840, 23 p.


    ·Joseph-Pierre Chassan, avocat général, [De l'histoire du droit dans les études historiques] 3 novembre 1841, Rouen, Impr. de Vve F. Marie, 8 p.


    ·Alexandre-Félix-René Gaultier, procureur général, [ Les fonctions publiques et l'accomplissement des devoirs qu'elles impliquent] 6 novembre 1843, Rouen, Impr. de F. Marie, 1842, 12 p.


    ·Antoine-Georges Blanche, avocat général, [L'histoire de nos grands corps judiciaires et la position actuelle de la magistrature] 6 novembre 1843, Rouen, Impr. de F. Marie, 1843, 15 p.


    ·Frédéric Salveton, procureur général, [Les dangers de l'indifférence] 6 novembre 1844, Rouen, Impr. de F. Marie, 1844, 16 p.


    ·Charles-Sylvestre Rieff, avocat général, Les premiers présidents du Parlement de Normandie au XVIe siècle, 3 novembre 1845, Rouen, A. Surville, 1845, 19 p.


    ·Joseph-Pierre Chassan, avocat général, [De la poésie dans la rédaction du droit] 3 novembre 1846, Rouen, Impr. de A. Surville, 1846, 17 p.


    ·Antoine-Georges Blanche, avocat général, [Le grand coutumier de Normandie]

    3 novembre 1847, Rouen, Impr. A. Surville, 1847, 22 p.

    Annexe 9 : Discours retrouvés soit à la Bibliothèque Municipale de Rouen, soit dans le Journal de Rouen et ayant servi à la partie 1-3 :


    ·Discours d'installation de M.Thil, procureur général, le 31 août 1830, extrait du Journal de Rouen


    ·Discours prononcé par M.Daviel, premier avocat général devant la Cour Royale de Rouen à l' audience solennelle du 3 novembre 1830.


    ·Discours prononcé par M.Moyne, procureur général près la Cour Royale de Rouen, à l'audience solennelle de rentrée le 4 novembre 1834.


    ·Discours prononcé par M. le procureur général Moyne, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1835.


    ·Discours de M.Paillart, avocat général pour l'audience de rentrée de 1838 dans le Journal de Rouen.


    ·Discours de M.Rouland, premier avocat général, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale, le 3 novembre1840, extrait du Journal de Rouen


    ·Discours de M.Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée, le 3 novembre1842.


    ·Discours de M.Blanche, avocat général, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 6 novembre 1843.


    ·Discours de M.Salveton, procureur général du Roi à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 6 novembre 1844.


    ·Les premiers présidents au Parlement de Normandie au XVIe siècle par M.Rieff, avocat général à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1845.


    ·Discours de M.Blanche, avocat général, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1847.

    Annexe 10 : Informations sur la carrières judiciaire et dans l'Ordre de la Légion d'honneur :

    des procureurs généraux de Rouen (1829-1848) :

    Boullenger (Alexandre)399(*) :

    (9 avril 1791400(*)-1853) né à Rouen

    1813 : conseiller-auditeur à la cour impériale de Rouen

    1815 : substitut du procureur général de Rouen

    .... : 1er avocat général à Rouen

    1825 : procureur général à Douai

    .... : procureur général à Caen

    1829 : procureur général à Rouen401(*)

    1830 : président à la Cour royale d'Amiens (nomination refusée)402(*)

    Thil (Jean-Baptiste-Louis)403(*) :

    (15 décembre 1781- 2 janvier 1849) né à Caen

    1800-1830 : avocat à Rouen 1831 : chevalier404(*)

    1830-1832 : procureur général à Rouen 1838 : officier405(*)

    1834 : conseiller à la Cour de cassation 1846 : commandeur406(*)

    ... : procureur général à la Cour de cassation

    1847 : président à la Cour de cassation

    Moyne407(*) :

    ...1831-1832 : procureur général à Grenoble

    1832-1836 : procureur général à Rouen 1832 : chevalier

    1836-... : 1er président à Poitiers

    Mesnard (Jacques-André)408(*) :

    (11 novembre 1792- 24 décembre 1858) né à Rochefort

    1812-1830 : avocat à Rochefort

    1830-1832 : avocat général à Poitiers (puis procureur général)

    1832-1836 : procureur général à Grenoble

    1836-1841 : procureur général à Rouen

    1841 : conseiller à la Cour de cassation 1841 : commandeur

    ... : président de chambre honoraire à la cour de cassation409(*)

    Gaultier (Alexandre-Félix-René) :

    (22 décembre1786410(*)-1864) né à Aze (Mayenne)411(*)

    1831-1841 : procureur général à Angers412(*)

    1841-1844 : procureur général à Rouen413(*) 1841 : officier414(*)

    ...-1864 : conseiller honoraire à la cour de cassation415(*)

    Salveton (Antoine dit Frédéric )416(*) :

    (20 avril 1801-14 novembre 1870) né à Brioude (Haute-Loire)

    1823-1830 : avocat à Riom

    1830-1833 : avocat général à Riom

    1833-1839 : 1er avocat général à Riom 1835 : chevalier

    1839-1844 : procureur général à Amiens 1846 : officier

    1844-1848 : procureur général à Rouen

    1848-1870 : avocat à Riom

    des premiers avocats généraux de Rouen (1830-1848) :

    Daviel (Alfred)417(*) :

    (3 mars 1800-12 juin 1856) né à Evreux

    1821-1830 : avocat à Rouen 1830 : décoré de Juillet

    1830-1833 : 1er avocat général à Rouen ...1850 : légion d'honneur418(*)

    1833-1850 : avocat à Rouen 1852 : officier419(*)

    1850-1854 : procureur général de Rouen 1853 : commandeur420(*)

    1851 (quelques semaines) : ministre de la Justice

    1854 : 1er président honoraire de la cour de Rouen

    Gesbert de la Noë-Seiche (Jean-Marie-Joseph) :

    (...-1871)

    ...1827-1833 : avocat général à Rouen421(*)

    1833-1840 : 1er avocat général à Rouen422(*)

    1840-... : président de chambre à la Cour royale de Rouen423(*)

    ...-1871 : président honoraire à la cour de Rouen424(*)

    Rouland (Gustave)425(*) :

    (1er février 1806-12 décembre 1878) né à Yvetot

    1827-1828 : avocat

    1828-1831 : substitut du procureur du Roi à Louviers

    1831-1832 : substitut du procureur du Roi à Evreux

    1832-1835 : substitut du procureur du Roi à Dieppe

    1835-1838 : substitut du procureur général de Rouen

    1838-1840 : avocat général à Rouen 1841 : chevalier426(*)

    1840-1843 : 1er avocat général à Rouen 1846 : officier427(*)

    1843-1847 : procureur général à Douai 1857 : grand-officier428(*)

    1847-1853 : avocat général à la cour de Cassation 1862 : Grand-croix

    1853-1856 : procureur général de Paris

    Dufaure de Montfort429(*) :

    (...-1844)

    ...1835-1840 : avocat général à Caen430(*)

    1840-1843 : avocat général à Rouen 1840 : chevalier

    1843 (quelques mois) : 1er avocat général à Rouen

    1843-1844... : procureur général à Nîmes431(*)

    Chassan (Joseph-Pierre)432(*) :

    (21 janvier 1800-1871) né à Marseille

    ...1834-1837 : avocat général à Colmar433(*)

    1840-1843 : avocat général à Rouen434(*) ...1840 : Légion d'honneur435(*)

    1843-1848 : 1er avocat général à Rouen436(*)

    Après 1848 : avocat à Rouen

    des avocats généraux de Rouen (1830-1848) :

    Boucly (Félix)437(*) :

    (14 novembre 1797438(*)-1880) né à Paris439(*)

    Avant 1830 : substitut du procureur général de Rouen

    1830-1833 : avocat général à Rouen

    ...1841... : avocat général à Paris440(*)

    ...-1880 : conseiller honoraire à la cour de cassation441(*)

    Le Tendre de Tourville (Alexandre-Charles442(*)) :

    ( 17 octobre 1802443(*)-1892) né à Rouen444(*)

    Avant 1830 : 2ème substitut du procureur général de Rouen445(*)

    1830-1833 : 1er substitut du procureur général de Rouen446(*)

    1833-1838 : avocat général à Rouen447(*)

    1838 : conseiller à la cour de Rouen448(*)

    ... : président honoraire à Rouen449(*)

    Paillart (Pierre-Aubin) :

    (1795-1869)

    1825-1831 : avocat général à Colmar450(*)

    1833-1840 : avocat général à Rouen451(*) 1840 : chevalier452(*)

    1840-1845... : procureur général à Nancy453(*)

    ... : 1er président honoraire à Nancy454(*)

    Blanche (Antoine-Georges)455(*) :

    (29 septembre 1808-13 avril 1875) né à Rouen

    1838-1840 : substitut du procureur du Roi de Rouen456(*)

    1840-1843 : substitut du procureur général de Rouen457(*)

    1843-1848 : avocat général à Rouen458(*) ...1848 :Légion d'honneur

    1848 (juin)-1852 : 1er avocat général à Rouen459(*) 1874 : commandeur

    1853-... : procureur général de Riom460(*)

    ...1861-1871... : avocat général à la cour de Cassation461(*)

    Rieff (Charles-Sylvestre) :

    (11 août 1804-1874) né à Paris462(*)

    ...1840-1843 : avocat général Nîmes463(*)

    1843-1847 : avocat général à Rouen464(*) 1843 : chevalier465(*)

    ... : conseiller à la cour de cassation466(*)

    Baillehache (Alphonse de)467(*) : (...-1883)

    1841-1847 : substitut du procureur général de Rouen

    1847-1848 : avocat général à Rouen

    ...1852-56... : avocat général à Colmar468(*)

    ... : conseiller honoraire à Paris469(*)

    des substituts du procureur général de Rouen (1830-1848) :

    Hély d'Oissel (Frédéric-Victor) :

    (27 février 1803-1883) né à Paris470(*)

    Avant 1830 : Procureur du Roi d'Evreux471(*)

    1830-1833 : substitut du procureur général de Rouen472(*)

    ...1847 : substitut du procureur général de Paris473(*)

    1848-1849... : avocat général à Paris474(*)

    ...: président de chambre honoraire à la cour de cassation475(*)

    Guillemard476(*) :

    (...-1880)

    ...-1833 : substitut du procureur du Roi à Yvetôt

    1833-... : substitut du procureur du Roi d'Evreux

    1838-1840 : substitut du procureur général de Rouen

    ...-1880 : conseiller à la cour de cassation477(*)

    Justin478(*):

    (...-1869)

    ...-1833 : substitut du procureur d'Evreux

    1833-1837 : substitut du procureur du Roi de Rouen

    1837-1841 : substitut du procureur général de Rouen

    1841-1869 : conseiller à la cour de Rouen

    Pinel (Jean-Baptiste-Auguste) 479(*):

    (1810-1893)

    Avant 1843 : substitut du procureur du Roi de Rouen

    1843-1849 : substitut du procureur général

    ...1855... : avocat général à Rouen480(*)

    Falconnet (Ernest-Pierre-Claude-Marie) :

    (26 avril 1815-1891)481(*)

    1847-1848 : substitut du procureur général de Rouen482(*)

    ... : conseiller à la cour de cassation483(*)

    Mary (Pierre-Auguste) 484(*):

    (28 juillet 1794-1851) né à Evreux485(*)

    1833-1835 : substitut du procureur général de Rouen

    1848 : conseiller à la cour de Rouen

    Leroy (Narcisse) :

    (21 octobre 1795- 31 janvier 1856) né à Rouen

    1833-1837 : substitut du procureur général de Rouen486(*)

    Sous le Second Empire : conseiller à la Cour impériale de Rouen

    Annexe 11 : Informations biographiques :


    ·Aroux (Eugène)487(*) :

    Fils de Michel-Jean-Baptiste-Jacques Aroux [(1761-1841) député au corps législatif du Premier Empire, premier avocat général et président de chambre à Rouen], né à Rouen, le 21 octobre 1793, mort à Paris, le 17 octobre 1859, fait ses études au collège de Sainte-Barbe et suit les cours de l'École de droit. Avocat à Rouen à partir de 1815, il obtient au barreau quelques succès, s'occupe de politique et se fait un nom parmi les membres les plus actifs de l'opposition libérale sous la Restauration. Le 28 juillet 1830, dès cinq heures du matin, il se rend au Journal de Rouen, barricade les portes de l'Imprimerie, rédige et fait composer, sous forme de lettres au préfet, une énergique protestation contre les actes du ministère. Trois jours après, il est élu secrétaire d'une commission municipale chargée d'administrer provisoirement la ville de Rouen. Partisan déclaré de la monarchie de Juillet, il reçoit du gouvernement (septembre 1830) le poste de procureur du Roi à Rouen, et, à peine entré en fonctions, a à réprimer un soulèvement des ouvriers de Darnétal. Appelé à la Chambre des députés le 6 septembre 1831, par le 8e collège électoral de la Seine-Inférieure, puis réélu le 21 juin 1834, il vote généralement avec les conservateurs, non sans montrer, dans plusieurs occasions, une certaine indépendance : il est même destitué [août 1833] de ses fonctions de procureur du Roi pour avoir fait adopter par le tribunal de Rouen cette opinion : que la présence officielle, obligatoire, des autorités constituées à une cérémonie religieuse, implique la reconnaissance d'une religion d'État, et conséquemment, méconnaît les principes de la Charte de 1830. Rentré au barreau, ses confrères le choisissent pour bâtonnier de l'Ordre [...]. Il ne se présente pas aux élections de 1837, et se consacre tout entier à des travaux littéraires : traduction de Thomas Moore, de Milton, de Dante, etc.


    ·Blanche (Antoine-Georges) :

    Antoine-Geoges Blanche est né à Rouen, le 29 septembre 1808, d'une famille de grands médecins : son grand-père Antoine-Louis Blanche, originaire de l'Orne, s'est établi à Rouen vers 1780 comme maître chirurgien ; son père Antoine-Emmanuel Blanche (1785-1849) est docteur en médecine (1807) puis médecin chef à l'hospice général de médecine488(*). D'abord substitut du procureur du roi de Rouen, il entre, en 1840, au parquet général de Rouen comme substitut du procureur général. Le 14 juin 1843, il succède à Gustave Rouland au poste d'avocat général. L'effondrement de la monarchie de Juillet n'interrompt pas sa carrière dans la magistrature : au contraire, il est promu premier avocat général et reste à cette fonction pendant toute la durée du régime républicain489(*). Antoine Blanche traverse brillamment le Second Empire : en 1853, il est nommé procureur général de Riom490(*). Puis, le gouvernement de Napoléon III lui confère une place d'avocat général à la Cour de cassation qu'il occupera pendant plus d'une dizaine d'années jusqu'à sa mort à Paris le 13 avril 1875491(*). Antoine Blanche a été membre de l'académie de Rouen le 30 juin 1848, au moment de sa nomination comme premier avocat général puis devient correspondant après son départ pour Riom en 1852492(*). Dans le cadre de ses travaux académiques, il rédige un mémoire en 1849 intitulé De l'application du jury aux matières civiles. Il publie également des Etudes pratiques sur le code pénal de 1861 à 1872493(*). Chevalier de la Légion d'honneur en 1848, il est Commandeur de l'Ordre en 1874494(*).


    ·Le Baron Boullenger (Alexandre)495(*) :

    Alexandre Boullenger naît à Rouen, le 9 avril 1791496(*). Il est le fils de Louis Charles Alexandre Boullenger (Son père est nommé vice-président du tribunal civil de Rouen en 1802 et président en 1805. En 1821, il reçoit le titre de baron) et suit comme son père la carrière de la magistrature, dans laquelle il entre en 1813, avec le titre de conseiller auditeur à la Cour impériale de Rouen. Nommé en 1815, substitut près du parquet de la même cour, et, plus tard, avocat général, il devient successivement procureur général près des Cours royales de Douai de Caen et de Rouen. Peu de temps après la révolution de Juillet, le 17 août 1830, il est nommé président de chambre à la Cour d'Amiens, fonction que des motifs de convenance ne lui permirent point d'accepter. Retiré à Saint-Denis-le-Thiboult, près de Darnétal, le Baron Boullenger, devenu maire de cette commune et membre du Conseil général, ne cesse d'apporter dans ses fonctions le concours de son expérience et de ses lumières, qui étaient celles d'un esprit supérieur. Ami et bienfaiteur des pauvres, il leur prodigue les plus grands soins, lors de l'épidémie de choléra, en 1832. Ce philanthrope est mort à Paris, le 18 février 1853. Ses restes, rapportés à Saint-Denis-le-Thiboult, le 22 du même mois, ont été inhumés dans le tombeau de sa famille. Le conseil municipal de cette commune, plein de reconnaissance envers ce généreux magistrat, a fait placer son buste en bronze sur la porte de la mairie. Comme son père, le Baron Boullenger a appartenu à l'académie de Rouen, où il est reçu en 1825.


    ·Chassan (Joseph-Pierre) :

    Joseph-Pierre Chassan est né à Marseille le 21 janvier 1800497(*). Il intègre d'abord la charge d'avocat général à Colmar (1835-1837)498(*), puis le 7 décembre 1840 est nommé à Rouen à la même fonction en remplacement de M.Gesbert, promu président de chambre à la même Cour. Vacant après le départ de Gustave Rouland pour Douai, Chassan s'assied dans le fauteuil de premier avocat général de Rouen en 1843. La Révolution de 1848 vient interrompre sa carrière dans le ministère public499(*). Fidèle au gouvernement de Louis-Philippe, il préfère plaider au barreau de Rouen où il est « l'un des avocats les plus distingués ». Membre de l'académie de Rouen le 1er juillet 1842, Chassan s'interroge sur le rôle de l'écrit et la place de la poésie dans le droit : En 1846, il publie un Traité des délits et contraventions de la parole, de l'écriture et de la presse en deux volumes. En 1847, il édite un Essai sur la symbolique du droit, précédé d'une introduction sur la poésie du droit primitif dont son discours de rentrée du 3 novembre 1847, intitulé De la poésie dans la rédaction du droit se fait l'écho. En juriste, il commente et publie Les lois sur la presse depuis le 24 février 1848 avec notes et observations500(*). Après avoir été président du Bureau de l'académie de 1845 à 1846, Chassan est resté académicien résidant à Rouen jusqu'à sa mort en 1871501(*).


    ·Daviel (Alfred)502(*) :

    Alfred Daviel est né à Evreux, le 3 mars 1800. Fils de François-Denis-Hyacinthe Daviel, avocat, et d'Hortense Delaroche503(*), il est le petit-neveu du célèbre oculiste rouennais Jacques Daviel (1696-1762). Il suit les cours de droit à Paris mais revient dans sa région natale, exercer la profession d'avocat à la Cour de Rouen dès 1821. En 1823, il reçoit une médaille de trois cent francs de l'Académie de Rouen pour un mémoire sur cette question : « Quelle fut, sous les ducs de Normandie depuis Rollon jusque et y compris Jean sans Terre, l'administration civile, judiciaire et militaire de la province ? »504(*). Il se fait remarquer par ses plaidoiries et par ses confrères qui l'élisent bâtonnier de l'Ordre des avocats de Rouen. Fréquentant les milieux libéraux et franc-maçonniques rouennais505(*), il s'oppose sans relâche au régime de la Restauration. Pour cette résistance, le gouvernement de Louis-Philippe le décore de la médaille de Juillet506(*) et le ministre de la Justice, Dupont de l'Eure, le nomme le 3 septembre 1830, premier avocat général à Rouen. Contre l'attitude réactionnaire du procureur général Moyne, nommé en 1832, qui manoeuvre la révocation de deux de ses collègues et amis bonapartistes507(*), Daviel prend la décision courageuse de démissionner. Il regagne le barreau de Rouen et se charge de la défense d'opposants et d'écrivains politiques tel Armand Carrel, en 1834508(*). Pour s'assurer une certaine indépendance et éviter toute censure, A.Daviel repousse l'étiquette de républicain en publiant, en 1836, un plaidoyer imprimé509(*). Salué de nouveau pour son action au barreau, il est élu bâtonnier de son Ordre en 1843 et de nouveau en 1845. Le gouvernement de Louis-Napoléon Bonaparte saura distinguer le dévouement d'Alfred Daviel : en février 1850, il est nommé à la première place du parquet général de Rouen. A peine a t'il réintégré la magistrature comme procureur général que le prince-président lui propose le poste de ministre de la Justice, le 1er novembre 1850. Il occupe le ministère de la place Vendôme très brièvement (quelques semaines) jusqu'au coup d'État510(*) : il ne laisse aucune trace politique de son passage et regagne son parquet. Sa flamme bonapartiste lui assure un avancement rapide dans l'Ordre de la Légion d'honneur : en 1850, il est fait chevalier, en 1852, officier et en 1853, commandeur. Ardent défenseur de la politique impériale, l'Empereur lui témoigne sa reconnaissance en l'élevant à la dignité de sénateur, le 19 juin 1854. A la chambre haute, il vote fidèlement avec ses amis impérialistes. Parallèlement à son mandat sénatorial, il continue sa carrière judiciaire : en 1854, il reçoit le titre de premier président honoraire de la Cour impériale de Rouen. Il meurt à Paris le 12 juin 1856. Localement, Alfred Daviel a fait partie du Conseil municipal de Rouen dès 1830 et du Conseil général de la Seine-Inférieure. Il a laissé diverses publications dont plusieurs ouvrages de jurisprudence : Examen de l'ordonnance du 20 novembre 1822, concernant l'Ordre des avocats (1822) ; son Traité de la législation et de la pratique des cours d'eau (1824) apporte des solutions expertes à une matière litigieuse ; Lettres (adressées à Me Isambert) sur la liberté individuelle dans l'ancien droit normand (1827) ; De la résistance passive (1829)511(*) dans lequel il s'oppose à la politique gouvernementale de Charles X ; Recherches sur l'origine de l'ancienne coutume de Normandie (1834) ; Commentaire de la loi du 29 avril 1845 sur les irrigations (1845). Il a participé aussi à différents travaux publiés dans des revues juridiques spécialisées, comme la Revue de législation et de jurisprudence et est l'un des auteurs du Dictionnaire général d'administration (1849)512(*).


    ·Leroy (Narcisse) :

    Narcisse Leroy est né à Rouen le 21 octobre1795513(*). Il intègre le parquet général de Rouen comme substitut en 1833. Il occupe ces fonctions jusqu'en 1837514(*). Il devient conseiller à la Cour de Rouen. Parallèlement à sa carrière judiciaire, Leroy se fait connaître par ses activités littéraires : Il écrit plusieurs pièces en vers dont l'une est intitulée Géricault, en hommage au grand peintre rouennais. Il s'essaye à la poésie et traduit les vers du latin Catulle. Ses travaux sont insérés dans les mémoires (des années 1842 et 1854) de l'académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen dont il a été le secrétaire515(*). Il est mort le 31 janvier 1856 dans la ville où il s'est illustré516(*).


    ·Mesnard (Jacques-André)517(*) :

    Jacques-André Mesnard est né à Rochefort (Charente-Inférieure) le 11 novembre 1792, « fils du citoyen Pierre Mesnard, avoué près le tribunal du district de Rochefort et de Marie-Louise Schiller ». Après avoir étudié le droit à Poitiers, il s'inscrit en 1812 comme avocat au barreau de sa ville natale. Il se fait remarquer dans plusieurs affaires qui eurent quelques retentissements, notamment dans celle du capitaine de la Méduse, M. de Chaumareix. Réclamé comme défenseur par le général carbonariste Berton, il ne peut obtenir du garde des Sceaux l'autorisation, alors nécessaire de venir plaider à Poitiers. D'opinions libérales, sous la Restauration, il applaudit à la Révolution de Juillet qui lui vaut, le 26 août 1830, les fonctions de premier avocat général près la cour royale de Poitiers ; devient ensuite, le 22 septembre 1832, procureur général près la cour de Grenoble, le 14 octobre 1836 procureur général près la cour de Rouen, et, le 12 octobre 1841, conseiller à la Cour de cassation. Louis-Philippe, par une ordonnance du 23 septembre 1845, appelle M.Mesnard à siéger à la Chambre des Pairs, où il se fait remarquer par sa science du droit. La Révolution de 1848, qu'il a annoncée dans un discours célèbre à la Chambre haute (janvier 1848), interrompt sa carrière politique. Ses qualités d'orateur et la séduction d'un esprit vif et brillant ont « ensorcelé », comme il le dit lui-même, le prince-président, qui le nomme en 1851, président de chambre à la cour suprême, et, le 26 novembre 1852, membre du nouveau Sénat. M.Mesnard est le premier vice-président de la Chambre haute, et, en cette qualité, porte le 7 novembre, à Louis-Napoléon Bonaparte, qui rétablissait l'Empire héréditaire. L'état de sa santé ne lui permet pas de conserver ses fonctions à la Cour de cassation ; il s'en console par la culture des lettres. Une traduction ébauchée de la Divine Comédie de Dante a permis à l'Empereur de le nommer membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques). Grand-officier de la Légion d'honneur du 14 août 1852, il est admis à la retraite, comme magistrat, le 14 mars 1857 et meurt à Paris le 24 décembre 1858.


    ·Pinel (Jean-Baptiste)518(*) :

    Jean-Baptiste Pinel est issu d'une famille d'industriels du coton : son arrière grand-père Pierre Pinel (1695-1755) est maître toilier à Rouen, son grand-père Jean-Baptiste Pinel (1743-1809) est fabricant puis filateur à Déville, son père Philippe-Auguste Pinel (1773-1813) prend la suite de la filature de Déville et épouse en 1803 Elisabeth Ganucheau, fille de négociant bordelais. Sa tante Eugénie-Flavie Pinel épouse en 1810 le baron Charles-Louis Elie-Lefebvre (1773-1821), négociant et maire de Rouen sous l'Empire. En 1821, l'usine familiale est vendue. La famille délaisse le coton : Jean-Baptiste Pinel préfère s'engager dans la carrière de la magistrature et épouse en 1837 Marie-Alexandrine Lebreton, fille de propriétaire, avec laquelle il aura huit enfants. Après avoir été substitut du procureur du Roi de Rouen, il devient, en 1843, substitut du procureur général de Rouen jusqu'en 1849519(*). Sous le Second Empire, il devient avocat général à Rouen mais préfère vivre ensuite de ses rentes de propriétaire. Il a été membre de la chambre de commerce de Rouen.


    ·Rouland (Gustave)520(*) :

    Né à Yvetot le 1er février 1806, Gustave Rouland fait ses études au collège de Rouen où il reçoit un prix d'honneur521(*), puis part à Paris faire son droit. Il est reçu avocat en 1827 et entre dans la magistrature comme juge-auditeur au tribunal des Andelys. Il devient successivement substitut du procureur du Roi à Louviers (1828), à Evreux (le 1er juin 1831), procureur du Roi à Dieppe (le 1er octobre 1832), substitut du procureur général à la Cour de Rouen (le 17 janvier 1835) et avocat général (le 1er novembre 1838) au même siège. Il devient premier avocat général de Rouen (en novembre 1840) après la promotion de M.Gesbert, devenu président de chambre522(*). Il accède à la place de procureur général à Douai le 28 avril 1843 et parallèlement est élu le 1er aout 1846, député du 7ème collège de la Seine-Inférieure (Dieppe). Il siège dans la majorité, parle sur des questions de législation, et est nommé le 23 mai 1847, avocat général à la Cour de cassation : à cette occasion, ses électeurs lui renouvellent son mandat législatif. Gustave Rouland donne sa démission de magistrat à la Révolution de février 1848, est réintégré dans ses fonctions, le 10 juillet 1849, et est nommé procureur général près la Cour de Paris, le 10 février 1853. A la mort de M.Fortoul, Napoléon III lui confie le porte-feuille de l'Instruction publique et des Cultes (13 août 1856-24 juin 1863) : Il modifie le système dit de la bifurcation, inaugure l'enseignement professionnel, fonde pour M. Renan une chaire de linguistique comparée au Collège de France le 11 janvier 1862, et suspend le cours le lendemain de la leçon d'ouverture (18 janvier) pour « attaques aux croyances chrétiennes ». Comme ministre des Cultes, il s'efforce d'entraver le mouvement des évêques en faveur du pape (1860) ; au Sénat où il avait été appelé par l'Empereur, le 14 novembre 1857, il répond à l'archevêque de Bordeaux, en 1865, dans la discussion sur l'Adresse, que l'Encyclique et le Syllabus ne sont qu'une réponse à la convention du 25 septembre, la revanche du parti ultramontain, dont l'influence allait grandissant tous les jours ; en 1867, il parle contre la gratuité de l'enseignement, et dit que « l'instituteur doit être l'ami de l'ordre public, l'ami du gouvernement », et qu'il faut laisser aux préfets le droit de les choisir et de les nommer. Dans la même discussion, sur une allusion à M. Renan, M. Rouland prétend que celui-ci, avant sa nomination, a pris vis-à-vis du ministère des engagements conditionnels qu'il n'a pas tenus ; M. Renan oppose à cette allégation, dans le journal des Débats du lendemain, un formel démenti. M. Rouland est nommé ministre présidant le conseil d'Etat (18 octobre 1863-27 septembre 1864), membre du conseil supérieur de l'Instruction publique (7 novembre), gouverneur de la Banque de France (28 septembre 1864) ; il est vice-président du Sénat à partir de cette dernière année(1864-1870)523(*). Le 5 juin 1871, il est appelé aux fonctions de procureur général à la cour des Comptes. Mais M. Ernest Picard, nommé à sa place gouverneur de la Banque de France, ayant refusé ce poste, M. Rouland est réintégré dans ces fonctions le 29 décembre suivant. Conseiller général du canton d'Yvetot, secrétaire et président de l'assemblée départementale, il est élu, le 30 janvier 1876, sénateur de la Seine-Inférieure par 495 voix sur 868 votants ; il siège à la droite bonapartiste, accorde la dissolution de la Chambre demandée par le cabinet du 16 mai, combat de ses votes les ministères républicains, et meurt au cours de la législature. Officier de la Légion d'honneur (1846) Grand-officier (1857). Grand-croix (1861)524(*).


    ·Salveton (Antoine dit Frédéric)525(*)

    Né à Brioude (Haute-Loire), le 20 avril 1801, d'une vieille famille de robe, il fait son droit à Paris, après de brillantes études au lycée de Clermont. D'opinions libérales, il est, par l'influence de La Fayette, son compatriote, entraîné dans la conspiration de Belfort ; poursuivi de ce chef, bien qu'il n'est point participé à la tentative d'exécution, il est acquitté par le jury du Haut-Rhin, le 13 août 1822. Reçu licencié en droit le 11 juillet 1823, il se fait inscrire au barreau de Riom, où il acquiert rapidement de la réputation. Il collabore aussi au Journal des audiences de Riom, et, à l'avènement de la monarchie de Juillet, est nommé, avocat général à Riom (le 4 septembre 1830) ; il passe premier avocat général près la même cour le 27 novembre 1833. Candidat aux élections législatives à Brioude, le 21 juin 1834, il n'obtient que 77 voix contre 133 accordées à M. Mallye, candidat de l'opposition dynastique. Elu, le 27 avril 1835, chevalier de la Légion d'honneur, il se représente à la députation dans la même circonscription, le 4 novembre 1837, et est élu par 139 voix contre 108 à Mallye, député sortant (252 votants, 285 inscrits). Les élections générales du 2 mars 1839, après la dissolution de la Chambre, ne lui sont pas favorables ; il échoue avec 117 voix, contre 133 données à M. Mallye, élu. Procureur général près la cour d'Amiens le 16 décembre1839, et membre du conseil académique de cette ville (10 mars 1840), Salveton se représente de nouveau à la députation à Brioude, aux élections générales du 9 juillet 1842 ; mais il échoue contre M. Mallye, élu par 174 suffrages. Le gouvernement l'appelle aux fonctions de procureur général à Rouen (le 20 avril 1844) et le promeut officier de la Légion d'honneur (le 29 avril 1846). Le 1er août 1847, candidat aux élections législatives à Brioude, Salveton est élu, au second tour, par 199 voix, contre 94 à M. Rabusson-Lamothe et 66 à M. Mallye ( 361 votants, 385 inscrits). Durant ces deux législatures, Salveton prend une part active aux travaux parlementaires, et fait partie de nombreuses commissions, notamment de celle qui élabore la loi des 28 mai-8 juin 1838 sur les faillites et banqueroutes ; il est un de ses membres les plus laborieux et les plus écoutés, prend plusieurs fois la parole à la tribune lors de la discussion de cette loi en séance publique, et fait le plus souvent adopter sa manière de voir. En 1839, il se fait inscrire pour appuyer le projet d'adresse au projet d'adresse hostile au ministère Molé : mais la discussion est close avant son tour de parole, et il est des 213 députés qui repoussent le projet d'adresse amendé favorablement au ministère et adopté par 222 voix (19 janvier 1839). Le 20 avril 1847, il prononce un discours contre le projet Rémusat sur les députés fonctionnaires, mais l'agitation qui règne dans la Chambre ne lui permet pas de l'achever. Membre de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur les livrets d'ouvriers, il est choisi par elle comme rapporteur, et son rapport, déposé le 6 juillet 1847, a été considéré comme le travail le plus complet sur la matière. Nommé membre de la commission du budget de 1849, il est empêché de remplir ce mandat par la Révolution de février 1848. Ami de François Guizot, Salveton a toujours voté avec le parti conservateur constitutionnel et n'a pris aucune part à la campagne réformiste qui amena la chute de Louis-Philippe. Le gouvernement provisoire le remplaçe dans ses fonctions par Jules Senard (26 février 1848). Salveton reprend sa place au barreau de Riom (10 décembre suivant), et y reste jusqu'à sa mort ; il est neuf fois élu bâtonnier de l'Ordre, de 1852 à 1867. Fidèle au gouvernement qu'il a servi, il refuse toujours par la suite de rentrer dans la magistrature et dans la vie politique. Il souffre déjà du diabète, lorsque les désastres de 1870 viennent compliquer cette affection de cruelles angoisses morales qui le conduisent au tombeau (le 14 novembre 1870). Comme magistrat, Salveton porte la parole dans nombre de procès célèbres, notamment dans l'action intentée par l'Etat contre le duc d'Aumale, au sujet de la prétendue domanialité des terres de Chantilly (décembre 1842) ; il siége dans le procès intenté contre M. de Beauvallon pour son duel mortel contre M. Dujarrier, gérant de la Presse (mars 1846). Il a épousé, le 12 décembre 1826, Melle Elisabeth Euphrasie Amarithon de Beauregard, cousin du député J.-B.-L. Amarithon, baron de Montfleury ; il en a deux fils. L'académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, dont il était membre depuis le 7 janvier 1836, confie le soin de prononcer son éloge funèbre à M. Ancelot (3 août 1876). On a de lui, outre des plaidoyers et des discours : Etudes sur la vie de Michel de l'Hôpital (1835) ; Etudes sur la vie et les oeuvres de Jean Domat (1840) ; discours sur l'indifférence (1844), etc.


    ·Senard (Antoine-Marie-Jules)526(*) :

    Né à Rouen, le 9 avril 1800, Jules Senard, fils d'un architecte, fait ses études au lycée de Rouen et est reçu avocat à Paris mais s'inscrit à 19 ans, au barreau de sa ville natale. Il y remporte de brillants succès de Cour d'assises, prend parti contre la branche aînée lors des Ordonnances de Juillet, mais ne tarde pas à faire de l'opposition au gouvernement de Louis-Philippe : il préside, le 24 décembre 1847, le banquet réformiste de Rouen. Bâtonnier de l'Ordre des avocats, il est nommé par le gouvernement provisoire, procureur général à Rouen (mars 1848) ; mais il résigne ces fonctions, pour se faire élire, le 23 avril suivant, représentant de la Seine-Inférieure à l'Assemblée Constituante, le 18e sur 19. Des troubles ayant éclatés à Rouen, il y revient, n'étant pas encore remplacé comme procureur général, réussit à triompher de l'émeute, et, de retour à Paris, fait partie du comité du travail, et est nommé président de l'Assemblée. L'appui qu'il prête à la dictature du général Cavaignac lors des journées de Juin, lui vaut les félicitations de l'Assemblée et le portefeuille de l'Intérieur (25 juin) ; il s'efforce, dans ce poste, de réorganiser l'administration, donne sa démission le 13 octobre, et fait de l'opposition au Prince Louis-Napoléon-Bonaparte, après l'élection présidentielle du 10 décembre. Il vote pour le rétablissement du cautionnement, contre le droit au travail, contre l'impôt progressif, contre l'amendement Duvergier de Hauranne sur les deux chambres, pour l'amendement Grévy, pour le remplacement militaire, pour la proposition Rateau, contre la diminution de l'impôt du sel, pour la mise en accusation du président et de ses ministres. Non réélu à la Législative, Senard se fait inscrire au barreau de Paris. Au 4 septembre 1870, le gouvernement de la Défense nationale l'envoie en mission à Florence pour réveiller en notre faveur les sympathies italiennes, et pour demander des explications sur le mouvement séparatiste qui semblait se dessiner à Nice. Bien que Senard croit devoir féliciter officiellement Victor-Emmanuel « de l'heureux événement qui délivre Rome et consacre l'unité de l'Italie » (les troupes piémontaises venaient d'occuper Rome), il n'obtient satisfaction que sur le second point de sa mission. De retour en France, (23 octobre), il se porte candidat à l'Assemblée Nationale dans la Seine-Inférieure, aux élections du 8 février 1871 ; mais il échoue. Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris (juillet1874), il se représente à la députation, le 18 octobre de la même année, à l'élection partielle motivée dans le département de la Seine-et-Oise par le décès de M. Labélonye, et est élu. Il prend place à gauche et vote pour les lois constitutionnelles. Il refuse de se représenter le 20 février 1876 ; mais, après la dissolution de la Chambre par le cabinet du 16 mai, il est élu (14 octobre 1877) député de la 1ère circonscription de Pontoise contre M. Dehaynin, candidat conservateur. Il soutient la politique des cabinets républicains, réclame du ministère au nom des gauches, après l'élection d'une majorité républicaine au Sénat en janvier 1879, une politique fermement républicaine, et est nommé vice-président de la Chambre le 24 mai suivant. Les élections du 21 août 1881 ne lui sont pas favorables : la 1ère circonscription de Pontoise ne lui donne que 4876 voix contre 7053 au candidat radical élu, M.Vermond. Nommé chevalier de la légion d'Honneur par M. Dufaure en 1876, M.Senard a refusé cette distinction.


    ·Thil (Jean-Baptiste-Louis)527(*) :

    Né à Caen dans le Calvados le 15 décembre 1781, Jean-Baptiste-Louis Thil étudie le droit et s'établit à Rouen, vers 1800, comme défenseur officieux. Après s'être longtemps distingué dans les affaires criminelles, il s'occupe plus particulièrement d'affaires civiles, d'abord en première instance, où il déploie un talent qui lui assigne bientôt une des premières places au barreau de Rouen et lui mérite l'honneur d'être plusieurs fois élu bâtonnier de son Ordre528(*). Il se lie avec Dupin aîné et porte la parole dans plusieurs affaires importantes. En 1824, après avoir soutenu un procès qui intéressait Mme du Cayla, il se voit offrir par le gouvernement royal une place de conseiller à la Cour de cassation. Il refuse, et préfère solliciter le suffrage des électeurs libéraux de la Seine-Inférieure, comme candidat à la Chambre des députés : élu le 24 novembre1827, député de ce département, par 448 voix (804 votants, 911 inscrits) , il siège au centre gauche et se montre attaché aux principes constitutionnels. M.Thil vote pour l'adresse des 221, est réélu député, le 19 juillet 1830 par 580 voix (903 votants, 1005 inscrits), et se rallie à la monarchie de Louis-Philippe. Nommé procureur général à la Cour de Rouen, il obtient le renouvellement de son mandat législatif, le 28 octobre 1830, par 1779 voix (2311 votants, 4253 inscrits), contre 289 à M.Duvergier de Hauranne et 200 au Baron Boullenger. M.Thil fait partie de la majorité conservatrice, vote, lors de la discussion de la loi électorale, pour le cens, et se prononce contre le bannissement des Bourbons. Il est quelques temps éloigné de la Chambre, par suite de l'incompatibilité consacrée par la loi électorale, entre les fonctions de procureur général et celles de député dans le ressort de la cour. Soutenant le gouvernement de son vote et de sa parole, il est nommé en 1834, conseiller à la Cour de cassation, et est réélu député la même année. Paraissant assez fréquemment à la tribune, il soutient notamment le gouvernement dans la discussion de l'adresse, lors de la coalition de Thiers et de Guizot contre le ministère Molé. Il fait aussi partie du Conseil général du Calvados, dont il devient président529(*). Il devient procureur général puis président, en 1847, à la Cour de cassation, rentre dans la vie privée en 1848 et meurt à Paris, l'année suivante (le 2 janvier 1849), commandeur de la Légion d'honneur (1846)530(*). Il est inhumé à Saint Nicolas de la Taille, près du Havre531(*).

    Index:

    AROUX, 15, 19, 20, 21, 22, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 39, 47, 50, 59, 63, 64, 69, 82, 146, 150

    BAILLEHACHE, 15, 60, 69, 75, 125, 142

    BARBET, 29, 49, 50, 66, 85, 86

    BARROT, 115

    BARTHE, 15, 29, 30

    BLANCHE, 37, 38, 44, 46, 48, 60, 66, 69, 75, 76, 99, 100, 119, 122, 125, 134, 135, 141, 147

    BOUCLY, 10, 13, 58, 63, 77, 91, 95, 96, 125, 126, 140

    BOULLENGER, 8, 9, 10, 17, 76, 124, 126, 127, 136, 148, 161

    CABET, 45, 106

    CARREL, 100, 101, 102, 103, 108, 150

    CAVAIGNAC, 106, 116, 159

    CHARLES X, 96, 99, 104, 151

    CHASSAN, 15, 34, 52, 60, 66, 70, 75, 125, 128, 134, 140, 149

    CHERON, 55

    CRÉMIEUX, 101, 115

    DAVIEL, 11, 13, 14, 15, 18, 19, 22, 23, 27, 29, 30, 31, 33, 35, 37, 38, 39, 41, 42, 52, 53, 54, 55, 58, 59, 69, 81, 82, 86, 91, 92, 93, 94, 95, 97, 102, 103, 113, 116, 117, 122, 124, 125, 126, 128, 133, 135, 138, 150

    DESCHAMPS, 115, 116

    DU CAMP, 115

    DUCHESSE DE BERRY, 43, 91, 92, 96

    DUFAURE DE MONTFORT, 60, 66, 69, 125, 139

    DUPONT DE L'EURE, 9, 10, 11, 15, 21, 27, 38, 115, 150

    DUVERGIER DE HAURANNE, 111, 159, 161

    EUDE, 11, 12, 15, 54, 58, 72

    FALCONNET, 125, 144

    FLAUBERT, 115, 122

    FLOQUET, 8, 58, 59, 66, 67

    FRANCK-CARRÉ, 101

    GAULTIER, 37, 45, 46, 47, 60, 61, 70, 72, 75, 122, 124, 125, 127, 134, 135, 137

    GESBERT DE LA NOË-SEICHE, 10, 12, 15, 16, 30, 31, 51, 53, 55, 58, 59, 63, 69, 72, 74, 77, 80, 108, 125, 126, 128, 133, 138, 149, 155

    GISQUET, 95

    GUILLEMARD, 125, 143

    GUIZOT, 15, 17, 18, 115, 158, 161

    HÉBERT, 20, 31

    HÉLY D'OISSEL, 11, 13, 58, 69, 88, 122, 125, 126, 143

    HENRI V, 90, 91, 96, 98

    JUSTIN, 15, 16, 59, 66, 75, 86, 99, 115, 125, 143

    LA FAYETTE, 157

    LE PETIT, 10, 126

    LE TENDRE DE TOURVILLE, 10, 12, 16, 58, 59, 69, 72, 98, 103, 111, 125, 126, 141

    LE VARLET, 55

    LEROY, 16, 55, 71, 97, 104, 125, 145, 152

    LÉVESQUE, 10, 126

    LOUIS XVIII, 9

    LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE, 65, 117, 147, 150, 153, 155

    MARY, 52, 53, 125, 144

    MÉRILHOU, 9

    MESNARD, 15, 16, 50, 59, 61, 65, 72, 74, 113, 124, 125, 127, 133, 137, 153

    MOLÉ, 17, 157, 161

    MOYNE, 6, 15, 17, 20, 21, 22, 24, 26, 27, 30, 31, 32, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 47, 48, 53, 55, 56, 59, 63, 68, 69, 71, 72, 73, 74, 99, 102, 103, 104, 107, 109, 112, 122, 124, 125, 127, 133, 135, 137, 150

    PAILLART, 46, 47, 55, 59, 71, 72, 74, 86, 113, 125, 133, 135, 141

    PERSIL, 15, 103

    PINEL, 69, 75, 125, 144, 154

    PRINCE DE CROY, 60, 63, 67

    PROUDHON, 45

    REINE VICTORIA, 65

    RÉMUSAT, 18, 157

    RIEFF, 122, 125, 134, 135, 142

    ROULAND, 2, 14, 15, 33, 51, 55, 59, 60, 61, 66, 75, 87, 120, 125, 128, 129, 130, 133, 135, 139, 147, 149, 155, 156

    SALVETON, 18, 33, 38, 39, 46, 68, 70, 72, 115, 122, 124, 125, 127, 134, 135, 138, 157

    SENARD, 19, 55, 56, 57, 102, 103, 111, 113, 114, 115, 116, 122, 124, 127, 158, 159

    SOULT, 15, 29

    THIERS, 15, 65, 68, 108, 161

    THIL, 6, 8, 11, 12, 14, 15, 17, 19, 34, 35, 36, 40, 49, 58, 60, 63, 70, 101, 124, 125, 126, 127, 133, 135, 136, 161

    TRANCHARD, 19, 20, 21, 22, 24, 27, 28, 30, 31, 39, 47, 50, 59, 65, 69, 150

    TREILHARD, 81

    Table des matières :

    INTRODUCTION : 4

    1-/ LE PARQUET GÉNÉRAL : UNE INSTITUTION DÉPENDANTE DES CONSIDÉRATIONS POLITIQUES. 8

    1-1 : UN ENGAGEMENT CONTRÔLÉ PAR LE POUVOIR POLITIQUE. 8

    1-1-1 : L'ÉPURATION DU PARQUET GÉNÉRAL EN 1830. 8

    A-Une conséquence normale. 8

    B-Une distribution intéressée des places. 10

    1-1-2 : LA PRESTATION DE SERMENT : UNE APPARENTE FORMALITÉ. 11

    A-Un acte d'adhésion au régime. 11

    B-Une cérémonie loin d'être évidente. 12

    1-2-1 : CANDIDATURE ET NOMINATION : UN RECRUTEMENT POLITIQUE. 13

    A-Les conditions officielles d'entrée. 13

    B-Le choix officieux et déterminant du politique. 15

    1-1-3 : LA POLITIQUE : UNE CARRIÈRE PARALLÈLE. 16

    A-Une mauvaise habitude, vainement corrigée. 16

    B-Le magistrat-politique : un modèle idéal pour le pouvoir. 17

    1-2 : L'AFFAIRE AROUX ET TRANCHARD ET LE COUP D'ÉCLAT DE DAVIEL : UNE AFFAIRE POLITIQUE QUI ÉCLABOUSSE LE PARQUET GÉNÉRAL. 19

    1-2-1 : LE CHOC DE L'AFFAIRE : DE L'INCOMPRÉHENSION À L'INDIGNATION. 19

    A-La nouvelle des destitutions : le doute s'installe. 20

    B-Une protestation générale. 21

    C-La démission d'Alfred Daviel : un cataclysme judiciaire. 23

    1-2-2 : LES RAISONS DES DESTITUTIONS : LA CONVERGENCE VERS L'EXPLICATION POLITIQUE. 24

    A-La divergence de vue quant à la cérémonie des Trois Glorieuses. 24

    B-La raison religieuse : un prétexte. 26

    C-La justification républicaine : la défense du Journal de Rouen. 27

    1-2-3 : LES CONTRECOUPS DIRECTS DE L'AFFAIRE : LA RÉACTION EN MARCHE. 28

    A-Vers une nouvelle épuration ? 28

    B-Une radicalisation des positions : le conflit manifeste entre les avocats et le procureur général Moyne. 30

    1-3 : LES DISCOURS SOLENNELS DE RENTRÉE : REFLETS IDÉOLOGIQUES DE LA MISSION DU PARQUET. 32

    1-3-1 : UNE CÉLÉBRATION DU PASSÉ ? 32

    A-Rappel des origines. 32

    B-Originalité et utilité du discours. 33

    1-3-2 : LA DÉFENSE DU SANCTUAIRE JUDICIAIRE ET DU POUVOIR EN PLACE. 35

    A-La critique du gouvernement précédent : une constante. 35

    B-L'attachement à des valeurs essentielles : la Charte, Louis-Philippe, le Code civil... 36

    C-Une représentation supérieure et idéale de la Justice. 38

    D-Le magistrat doit être dénué d'esprit partisan. 39

    1-3-3 : L'AFFIRMATION DU RESPECT DES VALEURS CONSERVATRICES. 41

    A-Pour une liberté de la presse contrôlée. 41

    B-Contre l'utopie et les idées socialistes : pour une défense de la propriété. 44

    C-Une vie privée au dessus de tout soupçon. 46

    2-/ VIE DE LA COUR ET TEMPS EXTRA- JUDICIAIRE : DE LA PARTICIPATION ACTIVE À L'ATTENTION APPARENTE DU PARQUET. 49

    2-1 : UN RÔLE DE SURVEILLANT DANS LES AFFAIRES INTERNES. 49

    2-1-1 : IMPRESSIONS ET ANNONCES JUDICIAIRES : UNE VUE DU PARQUET SUR LES PARUTIONS JUDICIAIRES. 49

    2-1-2 : LA BIBLIOTHÈQUE DU PALAIS : LES PARQUETIERS À L'ÉTUDE. 51

    2-1-3 : LE CONSEIL DE DISCIPLINE OU LE MINISTÈRE PUBLIC CONVERTI EN ACCUSATEUR INTERNE. 52

    A-L'affaire D'Avannes et Avril : la traque des légitimistes infiltrés. 52

    B-L'affaire des avocats de Rouen ou comment lutter contre « l'anarchie en robes de palais ? ». 55

    2-2 : LE PARQUET GÉNÉRAL EN MAJESTÉ. 58

    2-2-1 : LA RELATION ROYALE : UN PRIVILÈGE D'ÉLITE. 58

    A-Les arrivées royales : les parquetiers aux premières loges. 58

    B-Adresses à Louis-Philippe : communications directes avec l'autorité royale. 60

    2-2-2 : LES DÉMONSTRATIONS D'ATTACHEMENT À L'ÉGLISE ET AUX NOUVEAUX CULTES. 62

    A-L'Église : cadre privilégié pour les solennités religieuses et civiles. 62

    B-Le retour des cendres de Napoléon Ier : une cérémonie en grande pompe. 65

    2-3 : L'APPARTENANCE À LA MAGISTRATURE IMPLIQUE L'EXISTENCE DE SIGNES EXTÉRIEURS DE NOTABILITÉ. 68

    2-3-1 : LA NOTABILITÉ AVANT LA MAGISTRATURE. 68

    2-3-2 : L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN : UN LIEU D'ÉPANOUISSEMENT INTELLECTUEL. 69

    2-3-3 : LA SOCIÉTÉ POUR LE PATRONAGE DES JEUNES LIBÉRÉS : LE PHILANTHROPISME PARQUETIER À L'oeUVRE. 71

    2-3-4 : CHARITÉ ET SOUSCRIPTION : UNE MODESTE PRISE EN COMPTE DE LA DÉTRESSE SOCIALE. 74

    3/ LE PARQUET EN PROCÈS : UNE DÉFENSE TOUS AZIMUTS POUR LE TRIOMPHE DE L'AUTORITÉ. 77

    3-1 : LE MAINTIEN DE L'ORDRE : UNE PRÉROGATIVE ET UNE PRIORITÉ PÉNALE DU PARQUET. 77

    3-1-1 : LA COUR DES APPELS CORRECTIONNELS : LE LIEU PAR EXCELLENCE DE L'APPLICATION DE LA POLITIQUE PÉNALE. 77

    A-La place centrale du ministère public dans la procédure pénale. 77

    B-Des poursuites pénales ciblées. 78

    C-Le ministère public garant de l'atténuation des peines pour les mineurs. 80

    3-1-2 : LA RÉPRESSION DES TROUBLES QUI SUIVENT LES TROIS GLORIEUSES : LA POURSUITE SYSTÉMATIQUE DU PARQUET. 81

    A-Contre les coalitions de l'automne 1830. 81

    B-Le concours du parquet dans la protection de la garde nationale. 83

    3-1-3 : LE PARQUET, DÉFENSEUR DES NOTABLES : L'EXEMPLE DES AFFAIRES DE L'INDISCRET. 84

    A-L'intolérable mise en cause du maire de Rouen. 84

    B-La protection du notable Barbet par le parquet général. 86

    C-Puis, L'indiscret « envoie la farce ». 87

    3-2 : UNE LUTTE CONTINUELLE ET ACHARNÉE CONTRE LES LÉGITIMISTES. 88

    3-2-1 : LA PREMIÈRE AFFAIRE DE LA GAZETTE DE NORMANDIE : CONTRE LA RÉCUPÉRATION DU MOUVEMENT LYONNAIS. 88

    A-Une protection préventive du régime. 88

    B-La condamnation de la démagogie. 90

    3-2-2 : LA DEUXIÈME AFFAIRE DE LA GAZETTE DE NORMANDIE : LA FIN DE L'ÉCHO VENDÉEN. 91

    A-Le réquisitoire anti-légitimiste d'Alfred Daviel. 91

    B-La souscription à l'origine de l'affaire D'Avannes et Avril (voir infra) : une critique ouverte du gouvernement orléaniste. 93

    3-2-3 : LES PETITES AFFAIRES DE LA GAZETTE DE NORMANDIE ET AUTRES DÉLITS POLITIQUES : LA VIGILANCE SOUS TOUTES SES FORMES. 95

    A-Les acquittements de la gazette de Normandie : des entorses à la détermination du ministère public. 95

    B-Les autres délits politiques : un légitimisme plus latent. 98

    3-3 : LES GRANDES MENÉES DU PARQUET GÉNÉRAL CONTRE LES RÉPUBLICAINS. 100

    3-3-1 : LES POURSUITES CONTRE LE NATIONAL DE 1834 : LES PRÉMICES DE LA RÉACTION DANS LA PRESSE. 100

    A-Le renvoi de Carrel à Rouen : la surprenante décision de la Cour de cassation. 100

    B-Le parquet général de mauvaise foi ? 102

    3-3-2 : LA DISSOLUTION DE LA SOCIÉTÉ DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DE ROUEN. 104

    A-L'application de la législation anti-républicaine. 104

    B-Le développement inquiétant et surveillé de la Société. 106

    C-La confirmation « contre la récidive ». 108

    3-3-3 : LES DÉBOIRES DU JOURNAL DE ROUEN OU LA FERME VOLONTÉ DE « NETTOYER » LA PRESSE D'OPPOSITION. 109

    A-L'attentat d'Alibaud : un engagement un peu trop républicain du Journal de Rouen. 109

    B-La censure du parquet général. 111

    C-La deuxième affaire Brière : le chant du cygne pour le parquet. 112

    CONCLUSION : 115

    BIBLIOGRAPHIE : 118

    ANNEXES : 123

    Annexe 1 : Liste des procureurs de Rouen de leur création à nos jours. 124

    Annexe 2 : Liste complète des vingt trois magistrats du parquet général de Rouen à leur plus haut rang (1830-1848). 125

    Annexe 3 : Le parquet général de Rouen et l'épuration de 1830. 126

    Annexe 4 : Date d'installation des procureurs généraux : de Boullenger à Senard. 127

    Annexe 5 : Date d'installation des premiers avocats généraux :1830-1848. 128

    Annexe 6 : Philosophie et histoire vues par le premier avocat général Gustave Rouland. 129

    Annexe 7 : Affaires traitées par la Cour des Appels correctionnels : l'exemple de l'année 1830-1831 :131 affaires. 131

    Annexe 8 : Liste des discours de rentrée de la Cour royale de Rouen sous la monarchie de Juillet. 133

    Annexe 9 : Discours retrouvés soit à la Bibliothèque Municipale de Rouen, soit dans le Journal de Rouen et ayant servi à la partie 1-3 : 135

    Annexe 10 : Informations sur la carrières judiciaire et dans l'Ordre de la Légion d'honneur : 136

    des procureurs généraux de Rouen (1829-1848) : 136

    des premiers avocats généraux de Rouen (1830-1848) : 138

    des avocats généraux de Rouen (1830-1848) : 140

    des substituts du procureur général de Rouen (1830-1848) : 143

    Annexe 11 : Informations biographiques : 146


    ·Aroux (Eugène) :
    146


    ·Blanche (Antoine-Georges) :
    147


    ·Le Baron Boullenger (Alexandre) :
    148


    ·Chassan (Joseph-Pierre) :
    149


    ·Daviel (Alfred) :
    150


    ·Leroy (Narcisse) :
    152


    ·Mesnard (Jacques-André) :
    153


    ·Pinel (Jean-Baptiste) :
    154


    ·Rouland (Gustave) :
    155


    ·Salveton (Antoine dit Frédéric)
    157


    ·Senard (Antoine-Marie-Jules) :
    159


    ·Thil (Jean-Baptiste-Louis) :
    161

    INDEX: 162

    TABLE DES MATIÈRES : 164

    * 1 Cf. Francisque Goyet, Le ministère public en matière civile et en matière répressive et l'exercice de l'action publique, Paris, Recueil Sirey, 1926, p. 7.

    * 2 Cf. André Castaldo, Introduction historique au droit, Paris, Dalloz, 1999, p. 123.

    * 3 Ou procureur général du Roi.

    * 4 Devant la Cour d'assises de l'Eure située à Évreux, l'action publique est exercée par le procureur du Roi d'Évreux, et non par un parquetier général de Rouen. Voir Francisque Goyet, Le ministère public...,

    op. cit., p. 9.

    * 5 Cf. Michèle-Laure Rassat, Le ministère public entre son passé et son avenir, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1967, p. 54.

    * 6 Cf. Christian Bruschi (dir.), Parquet et politique pénale depuis le XIXe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, coll. de la Mission de recherche « Droit et Justice », 2002, p. 107.

    * 7 Cf. Brigitte Angibaud, Le parquet, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que-sais-je ? »,

    1999, p. 27.

    * 8 Cf. Francisque Goyet, Le ministère public..., op. cit., p. 9.

    * 9 Cf. Michèle-Laure Rassat, Le ministère public entre son passé et son avenir, op. cit., p. 122.

    * 10 Cf. David Deroussin, « Politique criminelle et politique pénale », in Parquet et politique pénale depuis le XIXe siècle, Actes du colloque organisé par le Centre Lyonnais d'histoire du droit et de la pensée politique et la Mission de recherche Droit et Justice, Université Jean Moulin Lyon III, le 19 et 20 septembre 2002, p. 2.

    * 11 Cf. Jean-Louis Debré, La justice au XIXe siècle « Les magistrats », Paris, Perrin, 1981, p. 96.

    * 12 Voir annexes.

    * 13 Cf. Jean-Pierre Royer, Pierre Lecocq, Renée Martinage, Juges et notables au XIXe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, p. 257.

    * 14 Farcy Jean-Claude, Magistrats en majesté, Les discours de rentrée aux audiences solennelles des Cours d'appel (XIXe-XXe siècles), Paris, CNRS, 1998, 793 p.

    * 15 Cf. Jean-Louis Debré, op. cit., p. 54.

    * 16 Ibid.

    * 17 Installation de M. Thil, procureur général, le mardi 31 août 1830, 2U 134. La rature de tout un document sur ce genre de registres est exceptionnelle et n'est pas qu'une simple erreur.

    * 18 « Comment lorsqu'un candidat ou ses ancêtres ont servi sincèrement le roi légitime, pratiquer l'art d'être orléaniste et s'intégrer à l'ordre louis-philippard ? » in Jean-Pierre Royer, et al., Juges et notables au XIXesiècle, op. cit., p. 52.

    * 19 Ibid.

    * 20 Le décret du 1er mars 1808, qui prévoyait que les premiers présidents et procureurs généraux des Cours d'appel pussent après dix ans d'exercice, être créés baron à titre personnel par l'Empereur, est repris sous la Restauration.

    * 21 « M. Boullet, avocat général à la Cour d'Amiens, est nommé président à la même Cour, en remplacement de M. Boullenger, non acceptant. » in Le journal de Rouen, numéro 250, du 7 septembre 1830.

    * 22 Cf. Jean-Louis Debré, op. cit., p.56.

    * 23 Cf. J.-P. Royer et al., Juges et notables au XIXe siècle, op. cit., p. 52.

    * 24 Cf. Pascal Vielfaure, L'évolution du droit pénal sous la monarchie de Juillet entre exigences politiques et interrogations de société, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2001, p. 173.

    * 25 Cité dans Pascal Vielfaure, op. cit., p. 170.

    * 26 « l'épuration englobe plusieurs opérations de nature différente, des exclusions proprement politiques anti-légitimistes mais aussi de véritables licenciements pour incapacité professionnelle ou encore, et tout simplement, des disgrâces, parce que l'on a cessé de plaire. » in Jean-Pierre Royer, Histoire de la justice en France de la monarchie absolue à la République, Paris, Presses Universitaires de France, 1995, rééd. 1996, p. 481.

    * 27 Les deux magistrats sont appelés à d'autres fonctions (voir : Séance solennelle du 3 septembre 1830 pour la prestation du serment du 31 août 1830, 2U 134), ils seront conseillers à Rouen sous la monarchie de Juillet.

    * 28 Journal de Rouen, numéro 257, du samedi 14 septembre 1833.

    * 29 Ibid.

    * 30 Cf. Jean-Pierre Royer, Histoire de la Justice..., op. cit., p. 510.

    * 31 Cité notamment dans Jean-Pierre Royer et al., Juges et notables au XIXesiècle, op. cit., p. 53 et p. 324 ; et plus généralement mentionné pour son discours prononcé le 3 novembre 1830 (voir supra).

    * 32 Cf. article Alfred Daviel in Roman d'Amat (dir.), Dictionnaire de Biographie française, Paris, librairie Letouzey et Ané, 1965.

    * 33 Ou de son oncle ? Abdon-Patrocle-Frédéric Hély d'Oissel [1777-1833] : préfet de Maine-et-Loire et baron sous l'Empire. Après 1815, il est nommé maître des requêtes au Conseil d'État : article de Jean Tulard in Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1989, p. 869.

    * 34 Cf. J.-P. Royer et al., Juges et notables au XIXe siècle, op. cit., p. 53.

    * 35 Séance solennelle du 3 septembre 1830 pour la prestation du serment du 31 août 1830, 2U 134.

    * 36 Installation de M. Thil, procureur général, le 31 août 1830, 2U 134.

    * 37 Cf. Pascal Vielfaure, op. cit., p. 172.

    * 38 Cf. J.L.E.Ortolan et L.Ledeau, Le ministère public en France ; Traité et code de son organisation, de sa compétence, et de ses fonctions dans l'ordre politique, judiciaire et administratif, Paris, s.l.,

    1831, t.1, p. 5.

    * 39 Séance solennelle du 3 septembre 1830 pour la prestation du serment du 31 août 1830, 2U 134.

    * 40 Cf. Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 47.

    * 41 Cf. article Jean-Baptiste-Louis Thil in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Bourloton éditeur, 1890.

    * 42 Ibid., article Gustave Rouland.

    * 43 Ibid., article Alfred Daviel.

    * 44 Cf. Pascal Vielfaure, op. cit., p. 174.

    * 45 Cf. Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 47.

    * 46 Cf. Pascal Vielfaure, op. cit., p. 174.

    * 47 Article de Gustave Rouland, dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 48 Cf. Pascal Vielfaure, op. cit., p. 175.

    * 49 Cf. Godechot Jacques, Les constitutions de la France depuis 1789, Paris, Garnier-Flammarion, 1970, p. 250.

    * 50 Christian Bruschi, op. cit., p. 47.

    * 51 Ibid.

    * 52 « La confiance du roi vous appelle à remplacer un magistrat qui, pendant quatre années d'exercices des fonctions de procureur général en cette Cour, s'est fait remarquer par son attachement aux institutions constitutionnelles, aux lois du royaume, et à l'ordre public ; il reçoit aujourd'hui le prix de ses honorables travaux, dans son élévation à la première présidence de la Cour royale de Poitiers, nous n'avons que des félicitations à lui adresser sur son changement d'état » : Discours du premier président Eude, prononcé lors de l'installation du procureur général Mesnard, le 17 novembre 1836, 2U 134.

    * 53 « M. Justin nommé conseiller et M. Baillehache, nommé substitut de M. le procureur général » : nominations du 20 janvier 1841, 2U 134.

    * 54 Journal de Rouen, numéro 303, du jeudi 29 octobre 1840.

    * 55 Voir annexe 10.

    * 56 Cf. Pascal Vielfaure, op. cit., p. 177.

    * 57 Journal de Rouen, numéro 311, du dimanche 7 novembre 1841.

    * 58 Titre III, chapitre I, section III, article 5 de la constitution de 1791. Voir Jacques Godechot, op. cit.,

    p. 42.

    * 59 Cf. article Thil in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 60 Cf. Pascal Vielfaure, op. cit., p. 181.

    * 61 Cf. Jean-Louis Debré, op. cit., p. 68.

    * 62 Cf. article Salveton in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 63 Ibid.

    * 64 « Le choix de M. A. Daviel pour premier avocat général nous paraît remplir toutes les conditions et obvier à tous les inconvénients que nous venons de signaler et l'empressement avec lequel il a résigné, pour faciliter cet arrangement, les plus importantes auxquelles il avait été d'abord appelé, est encore pour nous une épreuve que, pendant la durée comme dans l'intervalle des sessions de la Chambre des députés, la direction du parquet de la Cour sera constamment la même, sage, énergique, et libérale. » Cf. Journal de Rouen, numéro 249, du 6 septembre 1830.

    * 65 Journal de Rouen, numéro 262, du 19 septembre 1830.

    * 66 Article Senard in Théodore Lebreton Théodore, Biographie Normande, Rouen, A. Le Brument éditeur, 1857-1861.

    * 67 Journal de Rouen, numéro 219, du mercredi 7 août 1833.

    * 68 Ibid.

    * 69 Ibid.

    * 70 Journal de Rouen, numéro 220, du jeudi 8 août 1833.

    * 71 Ibid.

    * 72 Ibid.

    * 73 Ibid.

    * 74 Ibid.

    * 75 Ibid.

    * 76 Ibid.

    * 77 « Ainsi, l'histoire du ministère public au XIXe siècle serait celle d'un mouvement de balancier entre «soumission forcée» et «rébellion polie» qui aboutit, pour les plus opiniâtres des parquetiers, lorsqu'ils sont persuadés de trahir leur conscience s'ils se conforment aux injonctions, à une démission lancée à la face du pouvoir comme un soufflet » : Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 109.

    * 78 [Note n°2 : Jean-Pierre Royer, Histoire de la Justice en France, 2ème édition, Paris, 1996] » in Christian Bruschi (dir.), op. cit.

    * 79 Jean-Pierre Royer, et al., op. cit., p. 324. 

    * 80 Journal de Rouen, numéro 221, du vendredi 9 août 1833.

    * 81 Ibid.

    * 82 Ibid.

    * 83 Journal de Rouen, numéro 222, du samedi 10 août 1833.

    * 84 Journal de Rouen, numéro 223, du dimanche 11 août 1833.

    * 85 « La démission de M. Daviel qui n'a pas hésité à sacrifier une brillante position [...] parce qu'il a vraisemblablement pénétré le véritable esprit de ces destitutions, et qu'il a senti qu'il ne pouvait consciencieusement, lui aussi magistrat de juillet, rester associé à un semblable système, tout cela est hautement significatif pour le pays tout entier » : Journal de Rouen, numéro 224, du lundi 12 août 1833.

    * 86 Ibid.

    * 87 Ibid.

    * 88 Journal de Rouen, numéro 225, du mardi 13 août 1833.

    * 89 Ibid.

    * 90 Ibid.

    * 91 Journal de Rouen, numéro 226, du mercredi 14 août 1833.

    * 92 Ibid.

    * 93 Ibid.

    * 94 Journal de Rouen, numéros 227 et 228, du jeudi 15 et vendredi 16 août 1833.

    * 95 « Il est impossible de reprocher à la Restauration les deux ou trois destitutions prononcées contre les procureurs généraux pour leur conduite comme hommes politiques, lorsqu'on voit la faux de M. Barthe frapper impitoyablement jusqu'aux simples substituts » : Journal de Rouen, numéro 229, du samedi 17 août 1833.

    * 96 Journal de Rouen, numéro 233, du 21 août 1833.

    * 97 « [extrait du discours d'installation de M. Moyne de 1832 envoyé par un abonné] «Indépendant par caractère et par ma position sociale, je porterai dans tous mes actes la liberté d'opinion et d'examen. Je me fais une trop haute idée de la magistrature pour croire qu'un fonctionnaire puisse exécuter des ordres qui répugneraient à sa conscience ou seulement le mettraient en opposition avec lui-même : il faut savoir faire respecter son caractère. Je m'empresse de déclarer que, depuis la Révolution de Juillet, la magistrature a été rendue à toute son indépendance. Ce que je dis s'applique non seulement à la magistrature assise, mais encore aux membres des parquets. Nous avons la liberté d `action, et jamais le chef de la Justice ne nous a demandé que ce qui est prescrit par la loi» [...]. Il est fâcheux sans doute que le discours d'installation d'un procureur général justifie si bien le proverbe : Menteur comme un programme » : Journal de Rouen, numéro 241, du jeudi 29 août 1833.

    * 98 « Pour nous, en admirant ce nouvel exemple des vicissitudes humaines [ l'avancement de M. Gesbert], nous admirons surtout qu'un des principaux motifs de la destitution de MM. Aroux et Tranchard ait été le soupçon d'avoir conservé quelques relations, non pas avec le journal, mais avec les rédacteurs et les propriétaires du Journal de Rouen, tandis que leur relation de parenté et d'affections intimes avec les gérants et les rédacteurs de la gazette de Normandie n'ont nullement nui à l'avancement de MM. Gesbert et de Tourville. C'est vraiment une chose notable » : Journal de Rouen, numéro 257, du samedi 14 septembre 1833.

    * 99 Ibid. : « A cette occasion, peut-être on rappellera aussi que le salon de M. Gesbert, fermé, comme en signe de deuil, depuis la Révolution de Juillet, s'est rouvert l'année dernière par une fête où n'avaient été invités que des légitimistes et d'anciens magistrats démissionnaires par refus de serment. On rappellera peut-être ses relations avec plusieurs propriétaires de la gazette de Normandie, qui figuraient à cette fête, donnée par un membre du parquet de la Cour précisément lorsque l'un d'entre eux était cité par le procureur général devant la Cour d'assises ».

    * 100 Ibid.

    * 101 Journal de Rouen, numéro 306, du mardi 5 novembre 1833. L'épisode est noté par Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté..., op. cit., p. 51 : « A Rouen, pendant plusieurs années, le procureur achève son discours de rentrée sans la traditionnelle adresse aux avocats et ces derniers répliquent en s'abstenant de faire leur visite habituelle au chef du parquet à la fin de la journée ».

    * 102 Cf. Journal de Rouen, numéro 308, du mercredi 5 novembre 1834 : « Les avocats ne se sont pas dérangés pour laisser passer M. Moyne qui a dû attendre qu'ils eussent tous défilé, et quoique M. le procureur général fût en costume, bien peu d'avocats se sont découverts devant lui, affectation qui a dû le frapper d'autant plus, que nul n'a omis de saluer MM. Les avocats généraux » ; numéro 308, du mercredi 4 novembre 1835. En 1836, le nouveau procureur général absent, c'est le premier avocat général Gesbert qui officie mais les avocats considèrent qu'il faut « observer le statu-quo », Gesbert rappelant trop Moyne : Journal de Rouen, numéro 308, du vendredi 4 novembre 1836.

    * 103 Ibid.

    * 104 Ibid.

    * 105 Cf. Jean-Claude Farcy, op. cit., p. 11.

    * 106 Ibid. p. 30.

    * 107 Ibid.

    * 108 Tous ces noms sont cités dans Alfred Daviel, Discours prononcé par M. Daviel, premier avocat

    général devant la Cour royale de Rouen (audience solennelle du 3 novembre 1830), Rouen, E. Beaudry, 1830.

    * 109 Cf. Article d'Elisabeth Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou (dir.), Du Parlement de Normandie à la Cour d'appel de Rouen 1499-1999, Paris, Imprimerie Nationale, p. 378.

    * 110 Cf. Frédéric Salveton, Discours prononcé par M. Salveton, procureur général du Roi à l'audience solennelle de rentrée de la Cour royale de Rouen, Rouen, Impr. de F. Marie, n.d., 16 p.

    * 111 Cf. Journal de Rouen, du mercredi 4 novembre 1840. Voir Annexe 6.

    * 112 Cf. Article d'Elisabeth Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou (dir.), op. cit., p. 381.

    * 113 Cf. Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., p. 11.

    * 114 Journal de Rouen, numéro 244, du mercredi 1er septembre 1830.

    * 115 Cf. Alfred Daviel, Discours prononcé par M. Daviel, premier avocat général devant la Cour royale de Rouen (audience solennelle du 3 novembre 1830), Rouen, E. Beaudry, 1830, 22 p.

    * 116 Cité dans Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., p. 417, dans l' article d'Elisabeth Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou (dir.), Du Parlement de Normandie à la Cour d'appel de Rouen 1499-1999, op. cit., p. 381 et par Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 109.

    * 117 Cf. Alexandre-Félix-René Gaultier, Discours prononcé par M. Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée, le 3 novembre 1842, Rouen, Impr. de Vve F. Marie, 1842, 12 p.

    * 118 Antoine-Georges Blanche, Le Grand Coutumier de Normandie, Rouen, Impr. de A. Surville, n. d.,

    22 p.

    * 119 Antoine-Georges Blanche, Discours prononcé par M. Blanche, avocat général, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour royale de Rouen, le 6 novembre 1843, Rouen, Impr. de F. Marie, n. d., 15 p.

    * 120 Cf. Frédéric Salveton, Discours prononcé par M. Salveton, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée de la cour royale de Rouen, le 6 novembre 1844, Rouen, Impr. F. Marie, n. d., 16 p.

    * 121 Ibid.

    * 122 Ibid.

    * 123 Ibid.

    * 124 Cf. Alfred Daviel, Discours prononcé par M. Daviel, premier avocat général devant la Cour royale de Rouen (audience solennelle du 3 novembre 1830), Rouen, E. Beaudry, 1830, 22 p.

    * 125 L'idée de fermeté est assené pendant tout le discours. M. Moyne, Discours prononcé par M. Moyne, procureur général près la Cour royale de Rouen, à l'audience solennelle de rentrée, le 4 novembre 1834, Rouen, Impr. F. Marie, n. d., 20 p.

    * 126 Ibid.

    * 127 Ibid.

    * 128 Journal de Rouen, numéro 244, du mercredi 1er septembre 1830.

    * 129 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. Moyne, procureur général près la Cour royale de Rouen, à l'audience solennelle de rentrée, le 4 novembre 1834, Rouen, Impr. F. Marie, n. d., 20 p.

    * 130 Ibid.

    * 131 Extraits du Journal de Rouen du 3 novembre 1835 : « En 1832, [ Moyne ] s'annonçait comme devant «porter dans tous ses actes la liberté d'opinion et d'examen».[...] En 1833, il disait : «On ne croit pas au libéralisme de ceux qui enchaînèrent la presse ». [...] En 1833, il disait aussi : « Il n'y a de durable que ce qui est bon, et les brusques changements dans la législation seraient en opposition avec nos habitudes, nos moeurs, nos besoins, et ne pourraient se soutenir ». [...] Il ajoutait : « La presse est la plus précieuse de nos libertés ; il faut la conserver : elle est l'essence de notre gouvernement. Ses amis peuvent déplorer ses violences ; ses amis la défendraient si elle était menacée dans son existence ». [...] Il disait encore :

    «L'exagération des peines irrite et dépasse le but qu'on veut atteindre» ».

    * 132 Cf. Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., p. 50.

    * 133 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op. cit.

    * 134 Ibid.

    * 135 Cf. article d'Elisabeth Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou (dir.), op. cit., p. 381.

    * 136 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. le procureur général à l'audience solennelle de rentrée de la Cour royale de Rouen, le 3 novembre 1835, Rouen, Imp. De F. Marie, n. d., 24 p.

    * 137 Ibid.

    * 138 Ibid.

    * 139 Ibid. : « Mais si un parti qui regrette ce qui n'est plus, formule ses projets en attaques systématiques contre un gouvernement fondé aux acclamations de tout un peuple ; s'il prêche sans cesse le renversement des institutions, au risque de soulever des flots populaires dont il serait la première victime ; si d'autres provoquent directement à la fondation d'une république, vague, indéterminée, qu'eux seuls connaissent ou conçoivent ; que leurs opinions soient traduites en actions sur la place publique, ou développées tous les jours dans des feuilles anarchiques ; si ces partis, aussi antipathiques que les éléments les plus opposés, unissent leurs efforts pour renverser ce qui existe dans un but bien différent, aucun gouvernement ne tiendraient longtemps contre ce double feu ».

    * 140 Ibid.

    * 141 « votre concours [s'adressant aux magistrats] sera plus puissant avec le secours des nouvelles lois sur la presse [...] ces nouvelles armes entre vos mains ne seront point dommageables pour le pays, vous les appliquerez avec une fermeté éclairée ».

    * 142 Cf. Antoine-Georges Blanche, Discours de M. Blanche, Le Grand Coutumier de Normandie, du 3 novembre 1847, Rouen, Impr. de A. Surville, n. d., 22 p. : Blanche cite Louis Reybaud, Etudes sur les Réformateurs ou Socialistes modernes, édition de 1848, p. 301.

    * 143 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op. cit.

    * 144 M. Moyne, Discours prononcé par M. le procureur général Moyne... le 3 novembre 1835, op. cit.

    * 145 Cf. Alexandre-Félix-René Gaultier, Discours prononcé par M. Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée, le 3 novembre 1842, op. cit.

    * 146 Cf. Antoine-Georges Blanche, Discours de M. Blanche, Le Grand Coutumier de Normandie,

    op. cit.

    * 147 Idée présente dans Frédéric Salveton, Discours prononcé par M. Salveton [...] le 6 novembre 1844,

    op. cit. : « Honorable privilège, Messieurs, qui vous impose, comme obligation ordinaire de votre charge, la pratique des vertus qui sont un honneur, mais non un devoir pour la plupart des autres professions ».

    * 148 Extraits du discours L'exemple de l'avocat général Pierre-Aubin Paillart, Journal de Rouen,

    numéro 308, du 4 novembre 1838.

    * 149 Alexandre-Félix-René Gaultier, Discours prononcé par M. Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée, le 3 novembre 1842, op. cit.

    * 150 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op. cit.

    * 151 Antoine-Georges Blanche, Discours prononcé par M. Blanche,[...] le 6 novembre 1843, op. cit.

    * 152 Délibération du 19 décembre 1831, concernant les impressions judiciaires, 2U 103.

    * 153 Voir annexe 8.

    * 154 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, Une élite urbaine au XIXe siècle, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1982, p. 264.

    * 155 Ibid., p. 341.

    * 156 Le procureur général Mesnard n'en est pas à son coup d'essai avec le Journal de Rouen. En 1836, il fait condamner son gérant à deux ans de prison et 3300 francs (voir supra : les déboires du Journal de Rouen)

    * 157 Délibération du 21 juin 1841, relatif à la loi du 2 juin 1841 et aux annonces judiciaires, 2U 104.

    * 158 Jean-Pierre Chaline, Les Bourgeois de Rouen, op. cit., p. 341.

    * 159 Journal de Rouen, numéro 311, du dimanche 7 novembre 1841.

    * 160 Délibération du 25 novembre 1839, in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.

    * 161 Délibération du 9 juin 1842, in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.

    * 162 Ibid.

    * 163 Délibérations du 10 novembre 1830, in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.

    * 164 Délibération du 12 février 1848, in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.

    * 165 « Quelques magistrats sont si bien en cour qu'on les consulte : Corbin, Daviel, etc. » :

    Jean-Pierre Royer, et al., op. cit., p. 262.

    * 166 Réquisitoire du premier avocat général Alfred Daviel du 7 février 1833, 2U 103.

    * 167 Décision de la Cour du 9 février 1833, 2U 103.

    * 168 Ibid.

    * 169 Cf. Ibid. : Dispositions des articles 49 et 50 de la loi du 20 avril 1810 : l'article 49 prévoit que « Les présidents des cours impériales et des tribunaux de première instance avertiront d'office ou sur réquisitoire du ministère public, tout juge qui compromettra la dignité de son caractère » ; l'article 50 précise que le juge sera soumis à l'une des peines suivantes : la censure simple, la censure avec réprimande ou la suspension provisoire. La censure avec réprimande implique une privation de traitement d'un mois. Quant à la suspension provisoire, elle implique une privation de traitement pour la durée de la suspension : en l'occurrence, le parquet général aurait souhaité une privation de traitement de six mois.

    * 170 Avertissement à M. Avril du 12 février 1833, 2U 103.

    * 171 Ibid.

    * 172 Arrêt de la Cour dans l'affaire des avocats de Rouen, le 4 mai 1835, 2U 103.

    * 173 Cf. Pascal Vielfaure, op. cit., p. 302.

    * 174 Articles du bâtonnier Brière et de Me Georges Mac Grath, in (Collectif), Le palais de Justice de Rouen, Rouen, Ministère de la Justice et du département de la Seine-Maritime, 1977, p. 186.

    * 175 Délibération du 29 avril 1835 sur l'affaire des avocats de Rouen, 2U 103.

    * 176 Discours de Me Vermont, bâtonnier, lors de la séance d'ouverture de la Conférence des avocats stagiaires, le mardi 24 novembre 1896, dossier de presse Senard, N 92.

    * 177 Délibération du 29 avril 1835 sur l'affaire des avocats de Rouen, 2U 103.

    * 178 Articles du bâtonnier Brière et de Me Georges Mac Grath, in (Collectif), Le palais de Justice de Rouen, op. cit., p. 186.

    * 179 Réquisitoire du procureur général Moyne du 29 avril 1835 in délibération du 29 avril 1835 sur l'affaire des avocats de Rouen, 2U 103.

    * 180 Ibid.

    * 181 Ibid.

    * 182 Arrêt de la Cour dans l'affaire des avocats de Rouen, le 4 mai 1835, 2U 103.

    * 183 Ibid.

    * 184 Ibid.

    * 185 Discours de Me Vermont, bâtonnier, lors de la séance d'ouverture de la Conférence des avocats stagiaires, op. cit.

    * 186 Cf. Vielfaure Pascal, op. cit., p. 304.

    * 187 Cf. Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 204.

    * 188 Michel-Jean-Baptiste-Jacques Aroux (1761-1841) : le père d'Eugène Aroux (celui de l'affaire Aroux et Tranchard).

    * 189 Cf. Délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 103.

    * 190 Cf. Séjour à Rouen de leurs altesses royales Monseigneur le duc d'Orléans et Madame la duchesse d'Orléans, du 1er au 2 août 1837, in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132

    * 191 Cf. Inauguration du chemin de fer, le 3 mai 1843, in délibérations de la Cour royale de Rouen 2U 132.

    * 192 Délibération du 8 septembre 1830, relative à l'adhésion au régime orléaniste, 2U 103.

    * 193 Délibération du 26 août 1838, relative à la naissance du comte de Paris, 2U 103. Extraits de l'adresse écrite pour l'événement : « Ce nouvel héritier du trône, qui vous est donné par la providence, et qui apporte une garantie de plus à la stabilité de nos institutions [...]. Sire, le comte de Paris sera cher à la France, parce qu'il apprendra de votre Majesté et de son auguste père à aimer et à défendre les libertés du pays ».

    * 194 Délibération du 14 juillet 1842 relative à l'adresse rédigée pour la mort du duc d'Orléans, 2U 104.

    * 195 Voir également la délibération du 24 novembre 1832, relative à l'adresse au roi rédigée, à l'occasion de l'attentat du 19 novembre 1832, 2U 103 : « ce nouveau crime fera sentir de plus en plus le besoin de se rallier autour du trône et de fondre toutes les opinions dans le sentiment de l'amour du prince et de la patrie » ; la délibération du 29 juillet 1835 relative à l'adresse au roi rédigé, à l'occasion de l'attentat du 28 juillet 1835, 2U 103 ; la délibération du 3 novembre 1840, relative à l'adresse au roi pour l'attentat du 15 octobre 1835, 2U 103 et la délibération du 27 septembre 1841, relative à l'adresse au roi pour un nouvel attentat, 2U 104.

    * 196 Délibération du 27 juin 1836, relative à l'adresse au roi pour l'attentat commis le samedi 25 juin 1836, 2U 103.

    * 197 Délibération du 28 décembre 1836, relative à l'adresse au roi pour l'attentat du 27 décembre 1836, 2U 103.

    * 198 Délibération du 20 avril 1846, relative à l'adresse au roi pour l'attentat à la vie du roi commis le 16 avril 1846, 2U 104.

    * 199 Cf. Jacques Godechot, op. cit., p. 247.

    * 200 Cf. Jean-Louis Debré, op. cit., p. 117.

    * 201 Jean-Pierre Royer, Magistrats en majesté, op. cit., p.45.

    * 202 Ibid.

    * 203 Délibération du 1er mai 1831, relative à la fête du roi Louis-Philippe, 2U 103.

    * 204 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 267.

    * 205 Délibération du 16 juillet 1831, relative à l'instauration des 27, 28 et 29 juillet, journées de fêtes nationales, 2U 103.

    * 206 Délibération du 27 juillet 1831, relative au service funèbre pour les citoyens morts les 27, 28 et 29 juillet 1830, 2U 103.

    * 207 Ibid.

    * 208 Délibération du 4 août 1835 pour le service funèbre des victimes de l'attentat du 28 juillet 1835, 2U 103.

    * 209 Délibération du 26 août 1838 concernant le Te Deum, à l'occasion de la naissance de S.A.R., le comte de Paris, 2U 103.

    * 210 Délibération du 25 juillet 1842 concernant le service funèbre pour le repos de l'âme du duc d'Orléans, fils aîné du roi, décédé le 13 juillet 1842, 2U 104.

    * 211 Délibération du 5 janvier 1848 relative au service funèbre pour le repos de l'âme de Mme Adélaide, soeur du roi, morte le 30 octobre 1847, 2U 104.

    * 212 (C'est à la suite d'une réticence de la Chambre des députés, à la séance du 7 octobre 1830, d'aborder la question du rapatriement des cendres que Victor Hugo compose ces vers le 9 octobre 1830. Mais déjà en 1827 avec son Ode à la colonne, le jeune poète montrait une ardente envie de se réapproprier la dépouille de Napoléon Le Grand.)

    * 213 « Trente ans après la pose de la première pierre, l'arc fut inauguré le 29 juillet 1836, hors de la présence de Louis-Philippe et aussi discrètement qu'au départ » : Georges Poisson, « La curieuse histoire de l'arc de triomphe », Revue du Souvenir Napoléonien, décembre-janvier 2001, p. 46.

    * 214 Cérémonie à l'occasion du passage par Rouen du convoi funèbre de l'Empereur Napoléon,

    le 7 décembre 1840, in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132 : Sont présents, outre le procureur général, le premier avocat général Rouland, les avocats généraux Dufaure de Montfort et Chassan, ainsi que les substituts Justin et Blanche.

    * 215 Proclamation du préfet aux habitants de la Seine-Inférieure, Journal de Rouen, numéro 341, du 7 décembre 1840.

    * 216 Proclamation du maire Henry Barbet, Journal de Rouen, numéro 342, du mardi 8 décembre 1840.

    * 217 Passage par Rouen du convoi funèbre, le 10 décembre 1840 (greffier en chef : Floquet), in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 103.

    * 218 Cf. Journal de Rouen, numéros 343 et 344, du jeudi 10 et vendredi 11 décembre 1840.

    * 219 Ibid.

    * 220 Ibid.

    * 221 Passage par Rouen du convoi funèbre, le 10 décembre 1840 (greffier en chef : Floquet), in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 103.

    * 222 Ibid.

    * 223 Cf. Journal de Rouen, numéros 343 et 344, du jeudi 10 et vendredi 11 décembre 1840.

    * 224 Ibid.

    * 225 Cité par Jean-Pierre Royer, La société judiciaire depuis le XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, p. 281.

    * 226 Cf. Gérard Masson, Les juges et le pouvoir, Paris, Moreau/Syros, 1977, p. 38.

    * 227 « La rémunération des juges et des procureurs est modeste » : Jean-Louis Debré, op. cit., p. 203 ; voir également Christian Bruschi, op. cit., p. 48.

    * 228 Pascal Vielfaure, op. cit., p. 179.

    * 229 « L'entrée en magistrature suppose donc l'existence d'une fortune antérieure et la modicité des traitements judiciaires a un sens et une fonction précis, elle assure l'homogénéité sociale du groupe » : Jean-Pierre Royer, La société judiciaire depuis le XVIIIe siècle, op. cit., p. 281.

    * 230 Article Salveton in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 231 Voir les numéros du mois d'août 1833 du Journal de Rouen, au moment de l'affaire Aroux et Tranchard : le journal livre quelques indiscrétions sur le passé et la vie du procureur général Moyne.

    * 232 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 303 : Tableau 8.

    * 233 Ibid., tableau 16.

    * 234 Journal de Rouen, numéro 257, du samedi 14 septembre 1833.

    * 235 Collectif, Liste générale des membres de l'académie des sciences, belles-lettres, et arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, Rouen, Imprimerie Léon Gy, 1903, p. 20.

    * 236 Discours prononcé par M.Moyne, président de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.

    * 237 Considérations sur l'utilité de fonder des écoles morales dans les prisons, février 1835, BA 1461.

    * 238 Ibid.

    * 239 Discours prononcé par M.Moyne, président de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.

    * 240 Discours de M.Mesnard, procureur général du 4 février 1838 et du 4 mars 1841, BA 1461.

    * 241 Manuel du Biographe normand, Rouen, A.Le Brument, 1858, Tome I.

    * 242 Considérations sur l'utilité de fonder des écoles morales dans les prisons, février 1835, BA 1461.

    * 243 Ibid. L'imprimé a interverti les fonctions de De Tourville et Gesbert : De Tourville, devenu premier avocat général aurait versé 12 francs et Gesbert, devenu, avocat général, aurait versé 25 francs.

    * 244 Discours prononcé par M.Moyne, président de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.

    * 245 Délibération du 20 janvier 1838 pour le secours aux indigents, 2U 103.

    * 246 Délibération du 26 février 1840 pour le secours aux indigents, 2U 103.

    * 247 Présence du premier avocat général Chassan, des avocats généraux Blanche et De Baillehache ainsi que le substitut Pinel : délibération du 22 mars 1847 pour le secours aux pauvres, 2U 103.

    * 248 Ibid.

    * 249 La Cour a voté un secours de six cent francs pour les inondés les plus pauvres de ces communes. Présence du procureur général Gaultier, de l'avocat général Chassan et des substituts Blanche et De Baillehache : délibération du 9 novembre1842 pour le secours aux inondés, 2U 104.

    * 250 La Cour verse mille francs à la caisse du receveur général. Délibération du 25 novembre1846 pour le secours des inondés de la Loire, 2U 104.

    * 251 La somme totale de la souscription s'élève à 805 francs : délibération du 21 mars 1843 pour la souscription en faveur des victimes du tremblement de la Guadeloupe, 2U 104.

    * 252 Cf. l'article consacré au baron boullenger in Théodore Lebreton, Biographie Normande, Rouen, A. Le Brument, 1857-1861, 3 vol.

    * 253 Francisque Goyet, op. cit., p. 8.

    * 254 Arrêts sur la poursuite du ministère public, Cour royale de police correctionnelle, 1829-1835, 2U 441.

    * 255 Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 76.

    * 256 Cf. Francis Démier, La France du XIXe siècle 1814-1914, Paris, Editions du Seuil, 2000, p. 187.

    * 257 Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 117.

    * 258 Jean-Pierre Royer, Histoire de la justice, op. cit., p. 505.

    * 259 Arrêt de la Cour des appels correctionnels du 11 février 1831, 2U 441.

    * 260 Cf. André-Jean Tudesq, « La France romantique et bourgeoise, 1815-1848 », in Georges Duby (dir.), Histoire de la France des origines à nos jours, Paris, Larousse, coll. In Extenso, 1999, p. 602.

    * 261 Rapport du premier avocat général Alfred Daviel sur les événements du 6 septembre 1830, le 14 janvier 1831, 2U 1703.

    * 262 André-Jean Tudesq, « La France romantique et bourgeoise, 1815-1848 », op. cit.

    * 263 Cf. Jean-Pierre Chaline, Rouen sous la monarchie de Juillet, Rouen, C.R.D.P., 1971, p. 12.

    * 264 Rapport du premier avocat général Alfred Daviel sur les événements du 6 septembre 1830, le 14 janvier 1831, 2U 1703.

    * 265 Ibid.

    * 266 Ibid. : « Dans ces circonstances, Ambroise Moulin, Louis Prévost, Désiré-François Pimort, Zacharie Rever et Louis-Jacques Bégard sont accusés d'avoir, le 6 septembre 1830, fait attaque et résistance avec violences et voies de fait envers la force publique agissant pour l'exécution des ordres de l'autorité publique, et d'avoir commis cette rébellion, au nombre de plus de vingt personnes armées ».

    * 267 Réquisitoire du procureur général de Rouen, du 14 janvier 1831, 2U 1703.

    * 268 Rapport du premier avocat général Alfred Daviel sur les événements du 6 septembre 1830, op. cit.

    * 269 Procès de Pierre-François Drely devant la Cour des appels correctionnels, le 8 octobre 1830, 2U 441.

    * 270 Ibid.

    * 271 Procès de Voisin et Delavigne devant la Cour des appels correctionnels, le 24 septembre 1830,

    2U 441.

    * 272 Procès de Charles Garet devant la Cour des appels correctionnels, le 24 septembre 1830, 2U 441.

    * 273 Considérants de l'arrêt du 24 septembre 1830 concernant Charles Garet, 2U 441.

    * 274 Arrêt de la Cour des appels correctionnels du 13 novembre 1835, 2U 585.

    * 275 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 107.

    * 276 Ibid., p. 430.

    * 277 L'Indiscret, numéro 79, du 1er octobre 1835, 2U 585.

    * 278 Lettre du maire de Rouen, Henry Barbet, à M. le procureur du roi du tribunal civil de 1ère instance de Rouen, en date du 4 octobre 1835, 2U 585.

    * 279 Ibid.

    * 280 Ibid.

    * 281 Jugement du tribunal civil de 1ère instance de Rouen du 24 octobre 1835, 2U 585.

    * 282 L'Indiscret, numéro 85, du jeudi 22 octobre 1835, 2U 585.

    * 283 « Une séance solennelle des membres de l'Ordre du Grelot dans la commune des chiens : [...] Une immense niche, placée dans une voûte souterraine [...]. Dans le fond se détache, en forme de fauteuils, des embrasures d'une architecture gothique, dentelées comme les mille aiguilles de nos cathédrales [...]. Bientôt, les portes s'ouvrent et deux autres boule dogues annoncent, par trois aboiements successifs, l'arrivée des membres du grelot. Alors arrivent processionnellement, lentement et majestueusement des chevaliers de toutes les espèces de la gente canine : Barbet, chiens-couchants, boules-dogues, bassets, chiens courants, caniches, épagneuls, etc. et vont se ranger dans l'enceinte, à la suite les uns des autres, selon leur grade et leurs attributions dans l'Ordre du grelot, dont ils sont tous indistinctement porteurs » : L'Indiscret, numéro du 27 septembre 1835, 2U 585.

    * 284 A en croire le journal : procès du 29 septembre 1835 devant le tribunal de police correctionnelle.

    * 285 L'Indiscret, numéro 79, du 1er octobre 1835.

    * 286 Ibid.

    * 287 Réquisitoire prononcé par Gustave Rouland, le 24 août 1835, 2U 584.

    * 288 Ibid.

    * 289 Ibid.

    * 290 L'Indiscret, numéro 64, du dimanche 9 août 1835 : « De cette indigestion là, nous en sommes toujours nous autres, pour un maire de moins ; car d'après arrêt de la Faculté, Don Quichotte est venu, nous dire : «Par raison de santé, je donne ma démission» Pourquoi diable, aussi, a-t-il mangé ces six tartines ? Au fait, il s'en moque bien ; s'il a gagné à cela une gastrite, il sait qu'on lui fera cadeau d'un manteau de pair, pour se tenir les pieds chauds cet hiver. Manger six tartines, voter les cinq millions, en avoir une indigestion et la pairie, ça vaut mieux que d'être maire de son endroit. Ce que c'est que d'avoir le courage de son opinion ! »

    * 291 Procès de la Cour d'assises du 20 novembre 1835, 2U 584.

    * 292 Procès d'Edouard Walsh, gérant de la gazette de Normandie, devant la Cour d'assises, le 27 décembre 1831, 2U 1708.

    * 293 Vielfaure Pascal, op. cit., p. 56.

    * 294 Procès d'Edouard Walsh, gérant de la gazette de Normandie, devant la Cour d'assises, le 27 décembre 1831, 2U 1708.

    * 295 Cf. Vielfaure, op. cit., p. 52.

    * 296 Réquisitoire du premier avocat général, Alfred Daviel, daté du 17 octobre 1832, prononcé devant la chambre des mises en accusation, 2U 1717.

    * 297 Ibid.

    * 298 Ibid.

    * 299 Procès d'Edouard Walsh, gérant de la gazette de Normandie, devant la Cour d'assises, le 19 novembre 1832, 2U 1717.

    * 300 Ibid.

    * 301 Ibid.

    * 302 Ibid.

    * 303 Ibid.

    * 304 Réquisitoire du premier avocat général, Alfred Daviel, daté du 17 octobre 1832, prononcé devant la chambre des mises en accusation, 2U 1717.

    * 305 Affaire d'Edouard Walsh du 22 décembre 1832, 2U 1717.

    * 306 Réquisitoire du premier avocat général Alfred Daviel pour le procureur général, du 5 mars 1833, 2U 1723.

    * 307 Francis Démier, op. cit., p. 125.

    * 308 Procès de Théodore de Corneille devant la Cour d'assises, le 16 mars 1833, 2U 1723.

    * 309 Mémoire de l'avocat Mengin (avocat de Marie-Auguste-Subtil Delanterie, propriétaire-gérant de la gazette de Normandie) présenté le 14 janvier 1833, 2U 1721.

    * 310 Réquisitoire de l'avocat général Félix Boucly, devant la chambre des mises en accusation, le 15 janvier 1833, 2U 1721.

    * 311 Ibid.

    * 312 Ibid.

    * 313 Mémoire de l'avocat Mengin (avocat de Marie-Auguste-Subtil Delanterie, propriétaire-gérant de la gazette de Normandie) présenté le 14 janvier 1833, 2U 1721.

    * 314 Ibid.

    * 315 Ibid.

    * 316 Ibid.

    * 317 Procès de Pierre Pointel et Marie-Auguste-Subtil Delanterie, devant la Cour d'assises, le 15 mars 1833, 2U 1721.

    * 318 Procès de Marie-Auguste-Subtil Delanterie, devant la Cour d'assises, le 30 mai 1833, 2U 1721.

    * 319 Propos du conventionnel Adrien Duport sur les jurys d'assises. Cité par Christian Bruschi, op. cit., p. 118.

    * 320 Pascal Vielfaure, op. cit., p.574.

    * 321 Réquisitoire du substitut du procureur général Le Tendre de Tourville, du 4 octobre 1832, 2U 1723.

    * 322 Ibid.

    * 323 Procès de Jean Quesnot devant la Cour d'assises, le 14 mars 1833, 2U 1723.

    * 324 Réquisitoire du procureur du Roi d'Yvetot demandant le renvoi de Constantin Soyez devant la chambre des mises en accusation, le 1er décembre 1833, 2U 1726.

    * 325 Cris séditieux publiquement proférés, dans un café et dans les rues d'Hesdin : « A bas le drapeau des trois couleurs, vive la République, vive Bonaparte, merde pour le drapeau tricolore ». Lettre du procureur du Roi d'Yvetot au procureur général de Rouen, le 22 décembre 1833, 2U 1726.

    * 326 Lettre du maire de la ville d'Hesdin au procureur du Roi de Montreuil, le 14 décembre 1833, 2U 1726.

    * 327 Procès de Constantin Soyez devant la Cour d'assises, le 20 février 1834, 2U 1726.

    * 328 Réquisitoire du substitut du procureur général Justin, le 7 juin 1838, 2U 594.

    * 329 Procès de Nicolas-Victor Cadinot devant la Cour d'assises, le 27 juin 1838, 2U 594.

    * 330 Réquisitoire du substitut du procureur général Justin pour le renvoi de Cadinot devant le tribunal de police correctionnelle, le 2 juillet 1838, 2U 594.

    * 331 « Aucun dessin, aucunes gravures, lithographies, médailles et estampes, aucun emblème de quelque nature et espèce qu'ils soient, ne pourront être publiés, exposés ou mis en vente sans l'autorisation préalable du ministre de l'Intérieur à Paris et des préfets dans les départements » : Cf. Jean-Claude Caron, La France de 1815 à 1848, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 1993, rééd. 2000, p. 113.

    * 332 Réquisitoire du substitut du procureur du Roi de Rouen Blanche et décision du tribunal de police correctionnelle, le 10 juillet 1838, 2U 594.

    * 333 Arrêt de la Cour de cassation, du 4 avril 1834, annulant la décision de la Cour d'assises de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735.

    * 334 Pascal Vielfaure, op. cit., p. 55.

    * 335 Dans La justice au XIXe siècle «Les magistrats», Jean-Louis Debré évoque, de nouveau, le destin croisé de Franck-Carré avec Le National : « Le 23 septembre 1841, le gérant du journal Le National, traduit devant la Cour d'assises de la Seine pour injure au roi, est acquitté. Cette décision courageuse ne convient pas du tout au pouvoir. Le ministère public, rendu responsable de cette indulgence, est immédiatement sanctionné. Le procureur général près la Cour de Paris, Franck-Carré, se retrouve à la Cour de Rouen » : op. cit., p. 104.

    * 336 Lettre du parquet de Rouen informant du renvoi de MM. Carrel et Conseil, gérants du National de 1834, devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure, le 17 juin 1834, 2U 1735.

    * 337 Arrêt de la Cour d'assises de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735.

    * 338 Pascal Vielfaure, op. cit., p. 55.

    * 339 Arrêt de la Cour de cassation, du 4 avril 1834, annulant la décision de la Cour d'assises de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735.

    * 340 Conclusions prononcées par Me Daviel (mais signées Armand Carrel) lors de la séance du 17 juin 1834, 2U 1735.

    * 341 Pascal Vielfaure, op. cit., p. 55.

    * 342 Arrêt de la Cour d'assises de Rouen du 17 juin 1834, 2U 1735.

    * 343 Journal de Rouen, numéro 213, du vendredi 1er août 1834.

    * 344 Ibid.

    * 345 Ibid.

    * 346 Journal de Rouen, numéro 212, du jeudi 31 juillet 1834.

    * 347 Pascal Vielfaure, op. cit., p. 55.

    * 348 « Il est impossible, en effet, de voir les délégués de M. Persil défendre le gouvernement comme ils le défendent, et il est impossible de les voir développer les thèses de commande dont le programme leur est envoyé tout fait de Paris, sans prendre en profond dégoût toute cette politique officielle » : Journal de Rouen, numéro 212, du jeudi 31 juillet 1834.

    * 349 Ibid.

    * 350 Arrêts sur la poursuite du ministère public/Cour Royale police correctionnelle 1829-1835, 2U441.

    * 351 « Il est manifeste que depuis 1834, le gouvernement tente d `éviter le jury, chaque fois que c'est politiquement réalisable. Ainsi, la loi du 10 avril 1834 attribue aux tribunaux correctionnels les infractions qu'elle édicte et particulièrement les manquements à l'article 291 du CP. Cet article figurait dans la liste des délits politiques depuis la loi du 8 oct. 1830 et donc relevait du jury  », Vielfaure Pascal, op. cit., p. 216.

    * 352 Vielfaure Pascal, op. cit., p. 143.

    * 353 Lettre du ministère de l'Intérieur et des Cultes à M. le préfet de la Seine-Inférieure du 2 octobre 1833, 4M2703.

    * 354 Lettre du procureur du Roi d'Evreux au procureur du Roi de Rouen du 16 mai 1834, 2U582. 

    * 355 Lettre du procureur du Roi de Rouen au procureur général de Rouen du 4 août 1834, 2U582. 

    * 356 Attendus du procès du 29 août 1834 : « Attendu que par suite de sa protestation du 30 mars contre la loi alors en discussion, [...] que persévérant dans cette scandaleuse protestation, on ait voulu continuer l'association... », 2U441.

    * 357 Comme l'écrit brillamment Armand Carrel : « On n'écrit pas tout ce qu'on pense, et l'on ne publie pas même tout ce que l'on écrit », Jean-Claude Caron, op. cit., p. 113.

    * 358 « le Journal de Rouen, jusqu'en 1848 au moins, résume pratiquement à lui seul tous les courants de gauche », in J.-P. Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 341.

    * 359 Réquisitoire préparatoire du procureur général de Rouen du 30 juillet 1836, 2U 1753.

    * 360 « La première réprime, d'une part , la provocation à des crimes et délits par voie de presse, d'autre part, diverses offenses et attaques ; la seconde renforce la répression sur plusieurs points », Vielfaure Pascal, op. cit., p.121.

    * 361 Cf. Journal de Rouen, numéro 182, du 30 juin 1836.

    * 362 Cf. Journal de Rouen, numéro 194, du 12 juillet 1836.

    * 363 Cf. Godechot Jacques, op. cit., p. 251.

    * 364 « Le roi regarde le droit de grâce comme la plus précieuse des prérogatives de sa couronne. » Cf. Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Fayard, 1994, p. 682.

    * 365 Pour ce troisième article, le Journal de Rouen a, selon le procureur général, commis le délit d'excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi, prévu par l'article 4 de la loi du 22 mars 1822.

    * 366 Cf. Journal de Rouen, numéro 195, du 13 juillet 1836.

    * 367 Cf. P. Vielfaure, op. cit., p. 155

    * 368 Discours de Me Vermont, bâtonnier lors de la séance d'ouverture de la Conférence de avocats stagiaires du mardi 24 novembre 1896.

    * 369 « Avant de comparaître devant ses juges légaux, notre confrère saisit le Conseil de l'Ordre de la citation qu'il a reçue, il accepte pour défense l'appui du Bâtonnier et voit l'Ordre tout entier l'accompagner à l'audience [du 31 août 1836], en s'associant à la décision du Conseil . Acquitté par les magistrats, Senard fut, par ses confrères, nommé de nouveau bâtonnier. », ibid.. Cette suite de l'affaire du Journal de Rouen est une nouvelle fois l'occasion pour l'Ordre des avocats de manifester, en bloc, leur opposition au procureur général et au manque de libéralisme du régime.

    * 370 Cf. Collectif, Le palais de justice de Rouen, Rouen, Ministère de la Justice et département de la

    Seine-Maritime, 1977.

    * 371 « Soumises au jury depuis la loi du 8 octobre 1830, les poursuites contre les journaux connaissent des taux records d'acquittements. », in Vielfaure, op. cit., pp. 52-53.

    * 372 Cf. Journal de Rouen, supplément au numéro 112, du dimanche 10 juillet 1836.

    * 373 Second alinéa de l'article 7 de la Charte constitutionnelle de 1830 : « La censure ne pourra jamais être rétablie», J.Godechot, op. cit., p. 247.

    * 374 Notamment, en 1822, Jacques-André Mesnard alors avocat à Rochefort, est demandé par le général Berton, lié à la Charbonnerie, pour sa défense. Défense qui, pour une raison de refus d'autorisation de plaider en dehors de son barreau, ne se fera pas. Cf. Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 375 Réquisition devant la Chambre des mises en accusation du procureur général de Rouen Jacques-André Mesnard, le 5 décembre 1836, 2U 1753.

    * 376 Ibid.

    * 377 Cf. Article intitulé : Acquittement du Journal de Rouen, Journal de Rouen, numéro 348, du mardi 13 décembre 1836.

    * 378 Article sur l'affaire du Journal de Rouen contre le comité d'instruction primaire : Journal de Rouen, numéro 348, du samedi 15 décembre 1838.

    * 379 Max Brière, «Jules Senard. Défenseur de la République et avocat de Flaubert», Connaître Rouen-VI, Rouen, les Amis des Monuments Rouennais, 1989.

    * 380 Journal de Rouen, numéro 360, du dimanche 26 décembre 1847.

    * 381 Ibid.

    * 382 Adolphe Robert, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 383 Discours de Me Vermont, bâtonnier, le mardi 24 novembre 1896 dans la séance d'ouverture de la Conférence des avocats stagiaires.

    * 384 Sont invités le commissaire de la République, le général de division, l'archevêque de Rouen, le général de brigade, le maire de Rouen et ses adjoints, l'Intendant militaire, les membres du tribunal civil, les membres du tribunal de Commerce, le colonel de la Garde Nationale, le colonel de la gendarmerie, le président du Consistoire, le recteur de l'Académie, l'Ordre des avocats et son bâtonnier, les avoués de la Cour, etc. : arrêté de la commission pour l'installation du procureur général Senard du 3 mars 1848,

    2U 104.

    * 385 « une affluence considérable de citoyens s'était portée au Palais et avait envahi la grande salle des assises [...]. M. Senard est monté au banc du parquet et a prononcé un discours qui a été bien souvent interrompu par les acclamations et les applaudissements de l'assemblée. Jamais l'illustre orateur ne fut plus grand, plus pathétique, plus entraînant. L'émotion était à son comble, quand il s'est rassis, et la salle a longtemps retenti des cris : Vive la République ! Vive Senard ! » : Journal de Rouen, numéro 63, supplément du samedi 4 mars 1848.

    * 386 Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., p. 424.

    * 387 Maurice Agulhon, « La Seconde République, 1848-1852 », in Georges Duby (dir.), Histoire de la France des origines à nos jours, op. cit., p. 624.

    * 388 Paris Normandie du 10 mars 1954.

    * 389 Décret du 28 juin 1848 (Moniteur Universel du 29 juin 1848) : discours de Me Vermont, bâtonnier, le mardi 24 novembre 1896 dans la séance d'ouverture de la Conférence des avocats stagiaires.

    * 390 Installation du procureur général Alfred Daviel, le 23 février 1850 : délibération du 21 février 1850,

    2U 104.

    * 391 Article «Alfred Daviel » de Francis Choisel in Jean Tulard, Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995.

    * 392 Cf. la liste présentée en annexe dans Nicolas Plantrou (dir.), op. cit., p. 598, et après correction (au moins jusqu'en 1854).

    * 393 Installations, nominations, prestations de serment An XII-1865, 2U 134.

    * 394 Installations, nominations, prestations de serment des magistrats, An XIII-1865, 2U 134.

    * 395 Installations, nominations, prestations de serment des magistrats, An XIII-1865, 2U 134.

    * 396 Journal de Rouen, le mercredi 4 novembre 1840.

    * 397 D'après : Arrêts sur la poursuite du ministère public, Cour royale de police correctionnelle, 1829-1835, 2U 441.

    * 398 D'après la liste des discours de rentrée de la Cour d'appel de Rouen de 1811 à 1992 in Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., pp. 658-665.

    * 399 Lebreton Théodore, Biographie Normande, Rouen, A. Le Brument éditeur, 1857-1861, 3 vol.

    * 400 Base Leonore du Centre Historique des Archives Nationales concernant les dossiers de la Légion d'honneur (XIXe-XXe siècles)

    * 401 Magistrats : installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.

    * 402 Journal de Rouen, numéro 250, du 7 septembre 1830.

    * 403 Robert Adolphe, Cougny Gaston (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Bourloton, 1890, 5 vol.

    * 404 Oursel N.-N., Nouvelle Biographie Normande, Paris, Alphonse Picard Éditeur, 1886, 2 vol.

    * 405 Ibid.

    * 406 Ibid.

    * 407 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 408 Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 409 Consultation des listes nécrologiques et des discours prononcés dans les différentes cours d'appel : listes en annexe dans Magistrats en majesté, op. cit.

    * 410 Base Leonore.

    * 411 Ibid.

    * 412 Annexes Magistrats en majesté, op. cit.

    * 413 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 414 Ibid.

    * 415 Annexes Magistrats en majesté, op. cit.

    * 416 Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 417 Ibid.

    * 418 Magistrats : installations,etc., op. cit. : mention de la Légion d'honneur à cette date.

    * 419 Ibid.

    * 420 Ibid.

    * 421 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 422 Ibid.

    * 423 Ibid.

    * 424 Annexes Magistrats en majesté,op. cit.

    * 425 Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 426 Nouvelle Biographie Normande, op.cit.

    * 427 Ibid.

    * 428 Ibid.

    * 429 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 430 Annexes Magistrats en majesté, op. cit.

    * 431 Ibid.

    * 432 Frère Edouard, Manuel du Biographe normand, Rouen, A. Le Brument, 1858, 2 vol.

    * 433 Annexes Magistrats en majesté, op. cit.

    * 434 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 435 Ibid.

    * 436 Ibid.

    * 437 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 438 Base Leonore.

    * 439 Ibid.

    * 440 Annexes Magistrats en majesté, op. cit.

    * 441 Ibid.

    * 442 Base Leonore.

    * 443 Ibid.

    * 444 Ibid.

    * 445 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 446 Ibid.

    * 447 Ibid.

    * 448 Ibid.

    * 449 Annexes Magistrats en majesté, op. cit.

    * 450 Ibid.

    * 451 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 452 Ibid.

    * 453 Annexes Magistrats en majesté, op. cit.

    * 454 Ibid.

    * 455 Nouvelle Biographie Normande, op.cit.

    * 456 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 457 Ibid.

    * 458 Ibid.

    * 459 Ibid.

    * 460 Annexes Magistrats en majesté,op. cit

    * 461Ibid.

    * 462 Base Leonore.

    * 463 Annexes Magistrats en majesté,op. cit

    * 464 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 465 Ibid.

    * 466 Annexes Magistrats en majesté,op. cit

    * 467 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 468 Annexes Magistrats en majesté,op. cit

    * 469 Ibid.

    * 470 Base Leonore.

    * 471 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 472 Ibid.

    * 473 Journal de Rouen, numéro 359, du samedi 25 décembre 1847 : « Le moniteur annonce ce matin que M. Hély d'Oissel, substitut du procureur général près la Cour royale de Paris, est nommé avocat général près la même Cour ».

    * 474 dossier de presse (N 92) Hély d'Oissel : Profession de foi du candidat Hély d'Oissel (avocat général à la Cour de Paris) pour les élections législatives de Seine-Inférieure de 1849.

    * 475 Annexes Magistrats en majesté, op. cit

    * 476 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 477 Annexes Magistrats en majesté, op. cit

    * 478 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 479 Ibid.

    * 480 Annexes Magistrats en majesté, op. cit

    * 481 Base Leonore.

    * 482 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 483 Annexes Magistrats en majesté, op. cit

    * 484 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 485 Annexes Magistrats en majesté, op. cit

    * 486 Magistrats : installations,etc., op. cit.

    * 487 Adolphe Robert, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 488 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, Une élite urbaine au XIXe siècle, op. cit., annexe

    tableau 16.

    * 489 Magistrats : installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.

    * 490 Listes en annexe dans Magistrats en majesté, op. cit.

    * 491 Oursel N.-N., Nouvelle Biographie Normande, op. cit.

    * 492 Liste générale des membres de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, op. cit.

    * 493 Etudes pratiques sur le Code pénal, Paris, Cosse et Marchal, 1861-72, 7 volumes in Pascal Vielfaure, op. cit., p. 545 (bibliographie).

    * 494 Oursel N.-N., Nouvelle Biographie Normande, op. cit.

    * 495 Théodore Lebreton, Biographie Normande, op. cit.

    * 496 Base Leonore du Centre Historique des Archives Nationales concernant les dossiers de la Légion d'honneur (XIXe-XXe siècles)

    * 497 Edouard Frère, Manuel du Biographe normand, op. cit.

    * 498 Listes en annexe dans Magistrats en majesté, op. cit.

    * 499 Magistrats : installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.

    * 500 Manuel du Biographe normand, op. cit

    * 501 Liste générale des membres de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, op. cit.

    * 502 Adolphe Robert, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 503 Roman d'Amat (dir.), Dictionnaire de biographie française, op. cit.

    * 504 N.-N. Oursel., Nouvelle Biographie Normande, op. cit.

    * 505 Roman d'Amat (dir.), Dictionnaire de biographie française, op. cit.

    * 506 Installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.

    * 507 Voir infra : affaire Aroux et Tranchard

    * 508 Arrêt de la Cour d'assises de Rouen du 17 juin 1834, 2U 1735.

    * 509 M. Hoefer, Nouvelle biographie générale, op. cit.

    * 510 Article «Alfred Daviel » de Francis Choisel in Jean Tulard, Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995.

    * 511 Roman d'Amat (dir.), Dictionnaire de biographie française, op. cit.

    * 512 M. Hoefer, Nouvelle biographie générale, op. cit.

    * 513 Oursel N.-N., Nouvelle Biographie Normande, op. cit.

    * 514 Installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.

    * 515 Edouard Frère, Manuel du Biographe normand, op. cit

    * 516 Oursel N.-N., Nouvelle Biographie Normande, op. cit.

    * 517 D'après Robert Adolphe, Cougny Gaston (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 518 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., annexe

    tableau 16.

    * 519 Installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.

    * 520 Adolphe Robert, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 521 N.-N. Oursel, Nouvelle Biographie Normande, op. cit

    * 522 Installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.

    * 523 Article Gustave Rouland de Francis Choisel in Yvert Benoît (dir.), Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989, Paris, Perrin, 1990, 1028 p.

    * 524 N.-N. Oursel, Nouvelle Biographie Normande, op. cit

    * 525 D'après Robert Adolphe, Cougny Gaston (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 526 Adolphe Robert, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 527 Adolphe Robert, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.

    * 528 Théodore Lebreton, Biographie Normande, op. cit.

    * 529 Ibid.

    * 530 N.-N. Oursel, Nouvelle Biographie Normande, op. cit.

    * 531 Théodore Lebreton, Biographie Normande, op. cit.






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