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Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

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par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

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B-Contre l'utopie et les idées socialistes : pour une défense de la propriété.

Consacré en bonne partie au Grand Coutumier de Normandie, le deuxième discours de rentrée d'Antoine Blanche, prononcé le 3 novembre 1847, n'est pas seulement tourné vers le passé. Enchaînant sur le Code civil, l'avocat général Blanche se montre très critique quant aux idées socialistes : « Serait-il vrai, comme le répète chaque jour l'utopie, que «respecter la propriété est une compression, et qu'il faut abolir la propriété ?».[...] «Nos socialistes modernes se trompent de date» a dit l'un de nos économistes les plus distingués ; «ils se croient au temps où l'homme n'avait que la voûte du ciel pour abri, et pour nourriture que le gland du chêne !» »142(*). Dans cette charge finale contre les courants de pensée socialistes et communistes, Antoine Blanche relaie l'inquiétude des notables face à l'émergence de projets visionnaires qui remettraient en question les structures économiques et sociales du régime bourgeois orléaniste. Cette condamnation sans appel des doctrines socialistes apparaît comme une défense du régime, qui depuis 1846, traverse une phase critique : la grave crise industrielle et agricole, qui s'abat sur la France à partir de la fin de l'année 1846, engendre un chômage massif et des troubles frumentaires importants. Face à cette désespérance sociale, l'idéologie libérale dominante, apparaît comme impuissante et inefficace. Il est habituel, en des circonstances d'inquiétudes ou d'injustices, que des courants alternatifs voient le jour et dirigent leurs discours vers les groupes les plus fragilisées. Déjà en 1834, le procureur général Moyne se plaint de cette corruption des pensées socialistes (saint-simonisme, fouriérisme, etc.) sur les classes ouvrières :

« les théories du jour sont remplacées par d'autres plus folles du lendemain [...] On ne se contente plus des carrières laborieuses qui conduisent à une modeste fortune par l'économie ; on veut de ces mouvements qui déclassent les divers ordres de la société ; sous le prétexte d'améliorer le sort des classes ouvrières, on décourage la vie des pauvres ; [...] si depuis la Révolution de 89, les classes moyennes et élevées sont plus morales, le moyen le plus sûr d'améliorer la condition des pauvres est de leur donner des habitudes meilleures et de leur enseigner que le travail persévérant et l'économie sont les seuls moyens réels d'arriver à un bien-être matériel [...] nous ne pouvons entendre, comme magistrat, avec indifférence, les nombreuses attaques dont la propriété est l'objet, notre regret est aussi grand quand nous voyons les flatteries dont les classes laborieuses sont l'objet, de la part d'hommes qui voudraient s'en servir comme d'instruments en les égarant sur leurs intérêts »143(*).

La force potentielle de la classe ouvrière, classe la plus nombreuse et la remise en cause par certains de la propriété (comme Etienne Cabet, Joseph Proudhon, etc.), placent une épée de Damoclès au dessus de la France des notables. Moyne s'interroge :

« Sommes-nous donc au milieu d'une société sans gouvernement ? la lice est-elle ouverte pour réaliser toutes les utopies ?[...], que d'autres hommes rêvent une société perfectionnée, s'administrant et se gouvernant par elle-même ; où les lois seraient obéies comme par enchantement ; tant que leur imagination restera dans ces limites, la société n'aura pas sujet de s'inquiéter ; elle regrettera seulement qu'un aussi grand nombre de ses enfants perdent, dans des théories qui ne peuvent se réaliser, des forces et des moyens qu'ils pourraient utiliser dans l'intérêt social »144(*).

En défenseur institué de la société, les magistrats du parquet ne peuvent être que violemment opposés aux réorganisateurs utopistes de l'ordre établi. En 1842, soit deux ans après la publication Qu'est ce que la propriété ?de Proudhon, le procureur général Gaultier se pose en protecteur des propriétaires et présente la classe dominante des notables comme le moteur de la France :

« Celui qui tient de ses pères, ou de son travail, les avantages de la propriété, s'il administre avec sagesse et libéralité, répand le bien-être autour de lui, encourage le commerce et les arts, forme les familles honnêtes et intéressés à la défense de l'ordre et des institutions, et, par là, rend des services à la société aussi grands, aussi essentiels qu'ils ont été naguère follement déniés »145(*).

Idée exaltée par la Déclaration des Droits de l'homme et consacrée par le Code civil, la propriété privée n'est pas prête de disparaître. Blanche, sûr de lui, lance quelques mois avant la chute de la monarchie de Juillet :

« Oui, Messieurs, ils se trompent. Malgré leurs agitations et leurs clameurs, la propriété jouira d'une longue sécurité ; la propriété est un principe que ne peuvent atteindre ni les écarts de l'imagination, ni les intempérances de la logique [...], l'humanité ne rompra pas des liens consacrés par la sagesse des siècles »146(*).

Mais ces prises de position radicales contre les menaces utopistes, montrent une notabilité judiciaire soucieuse de son propre équilibre et de la pérennité des valeurs établies. Les magistrats ne sont pas les derniers à s'appliquer le respect de la règle qu'ils imposent et garantissent à la société.

* 142 Cf. Antoine-Georges Blanche, Discours de M. Blanche, Le Grand Coutumier de Normandie, du 3 novembre 1847, Rouen, Impr. de A. Surville, n. d., 22 p. : Blanche cite Louis Reybaud, Etudes sur les Réformateurs ou Socialistes modernes, édition de 1848, p. 301.

* 143 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op. cit.

* 144 M. Moyne, Discours prononcé par M. le procureur général Moyne... le 3 novembre 1835, op. cit.

* 145 Cf. Alexandre-Félix-René Gaultier, Discours prononcé par M. Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée, le 3 novembre 1842, op. cit.

* 146 Cf. Antoine-Georges Blanche, Discours de M. Blanche, Le Grand Coutumier de Normandie,

op. cit.

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