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Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

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par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

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B-Le retour des cendres de Napoléon Ier : une cérémonie en grande pompe.

« Dors, nous t'irons chercher ! Ce jour viendra peut-être !

Car nous t'avons pour dieu sans t'avoir eu pour maître !

Car notre oeil s'est mouillé de ton destin fatal,

Et, sous les trois couleurs comme sous l'oriflamme,

Nous ne nous pendons pas à cette corde infâme

Qui t'arrache à ton piédestal ! »

Victor Hugo (À la colonne, in Les chants du crépuscule)212(*)

A la différence de l'inauguration de l'Arc de Triomphe du 29 juillet 1836 qui se fait dans une relative discrétion213(*), le retour des cendres de l'Empereur Napoléon Ier est orchestré de manière plus bruyante. Après une période de méfiance (justifiée notamment par les tentatives échouées de Louis-Napoléon Bonaparte de soulèvement de la garnison de Strasbourg, le 30 octobre 1836 puis du débarquement à Boulogne le 6 août 1840), le régime orléaniste veut tirer profit d'une vague nationale de dévotion impériale. Après des pourparlers avec la reine Victoria, Adolphe Thiers, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, obtient, en mai 1840, la restitution des restes mortels de l'empereur. Après une longue traversée depuis Sainte-Hélène et avant de reposer sous le dôme des Invalides, les cendres de Napoléon doivent, officiellement, passer par Rouen. Averti par le préfet du département, la Cour royale, en présence du procureur général Mesnard, « voulant s'associer aux honneurs éclatants décernés par le Gouvernement à la mémoire de l'Empereur », annonce, le 7 décembre 1840, qu'elle se rendra en corps au port de Rouen pour assister à l'office funèbre du 10 décembre214(*). Les déclarations publiques sont dithyrambiques : dans une proclamation aux habitants de la Seine-Inférieure, le préfet déclare : « Aucun événement, dans l'histoire, ne se présente peut-être avec le caractère de grandeur qui accompagne la translation inespérée des restes mortels de l'Empereur Napoléon »215(*). Le mardi 8 décembre, Henry Barbet, maire de Rouen, surenchérie : « Après vingt-cinq ans d'exil sur la terre étrangère, Napoléon nous est enfin rendu [...]. Quelques instants seulement nous sont donnés pour saluer le cercueil du héros qui sut faire respecter le nom français dans le monde entier [...]. Associons-nous avec un religieux recueillement aux triomphales funérailles que lui réserve la cité où sa gloire et son génie sont empreints d'une grandeur immortelle »216(*). Comme prévu ; le jeudi 10 décembre 1840, à huit heures et demie, le parquet général, (le procureur général Mesnard, le premier avocat général Rouland, l'avocat général Dufaure de Montfort, les substituts Justin et Blanche ; seul est absent l'avocat général Chassan), habillé de robes rouges, quitte le palais de justice en voitures, escorté par celles des huissiers-audienciers et un détachement de gendarmerie à cheval, traverse les rues Saint-Lô, Ganterie, la place Saint-Ouen, la rue Malpalu, le pont de pierre, pour arriver quai Saint-Sever217(*). Là, ils sont introduits, avec la Cour, dans une tribune couverte, située sur les quais inférieurs. Sous cette tente richement décorée, le parquet général se trouve en compagnie des plus hautes autorités de la ville et du département : « l'archevêque de Rouen à la tête de tout le clergé de [la] ville et des élèves du séminaire, l'état-major de la division, le préfet avec tout son personnel administratif, le maire de Rouen et le conseil municipal » mais aussi « le tribunal de première instance, l'ordre des avocats, les avoués de première instance et d'appel, les tribunaux de commerce de Rouen et d'Elbeuf, le conseil des prud'hommes, tout le corps universitaire, toutes les administrations et toutes les sociétés savantes »218(*). Tandis que les épouses sont cantonnées sur les côtés de la tente officielle, la foule immense, elle, envahit les berges de la rive gauche et de la rive droite, certains regardent de leurs fenêtres et d'autres montent même sur les toits219(*). Le Journal de Rouen, ébahi devant un tel rassemblement, écrit : « Non, jamais pareille influence ne s'était peut-être vue dans cette partie de Rouen à aucune époque de son histoire »220(*). Après quelques heures d'attente, le bateau à vapeur la dorade n° 3, entre à onze heures du matin dans le port de Rouen. Le cercueil, à l'avant de l'embarcation, est « recouvert d'un drap de velours violet semé d'abeilles, et surmonté de la couronne impériale que [recouvre] un crêpe »221(*). À bord, sont là, notamment, le prince de Joinville, fils de Louis-Philippe et les fidèles de Longwood, les généraux Bertrand et Gourgaud ainsi que l'ancien valet de chambre Marchand, qui étaient chargés, depuis Sainte-Hélène, de ramener sur la frégate la Belle Poule, les cendres de Napoléon. L'embarcation arrive finalement jusqu'à la tribune officielle où le cardinal Prince de Croÿ fait l'absoute du bateau-catafalque. Après les encensements procédés par l'abbé Coquereau, aumônier du la Belle Poule, un canot d'officiers vient saluer les autorités. Restés à bord, le prince de Joinville et les autres officiels saluent l'assemblée222(*), avant que le bateau-catafalque ne parte vers Paris sous les seules acclamations des vétérans de l'Empire et des élèves du Collège royal223(*). Le Journal de Rouen explique le silence de certains et des officiels notamment : « L'âme était resserrée, les regards étaient humides, les bouches étaient muettes ! Que dire ? Quelles exclamations proférer devant ce fait, qui disait à la fois toute la grandeur et tout le néant de notre humanité ? »224(*). Le parquet général, parmi d'autres, assiste à un grand moment de l'histoire de la ville de Rouen. Les magistrats du parquet sont les témoins officiels de ce retour triomphal qui est à mettre à l'actif du règne de Louis-Philippe. Mais en rapportant les restes mortels de Napoléon, le régime orléaniste rapproche lui-même l'ombre impérial et enclenche, dès lors, sa propre éclipse.

Auparavant, les magistrats du parquet profitent de leurs situations pour vivre une parfaite vie de notable avec ses préoccupations toutes particulières.

* 212 (C'est à la suite d'une réticence de la Chambre des députés, à la séance du 7 octobre 1830, d'aborder la question du rapatriement des cendres que Victor Hugo compose ces vers le 9 octobre 1830. Mais déjà en 1827 avec son Ode à la colonne, le jeune poète montrait une ardente envie de se réapproprier la dépouille de Napoléon Le Grand.)

* 213 « Trente ans après la pose de la première pierre, l'arc fut inauguré le 29 juillet 1836, hors de la présence de Louis-Philippe et aussi discrètement qu'au départ » : Georges Poisson, « La curieuse histoire de l'arc de triomphe », Revue du Souvenir Napoléonien, décembre-janvier 2001, p. 46.

* 214 Cérémonie à l'occasion du passage par Rouen du convoi funèbre de l'Empereur Napoléon,

le 7 décembre 1840, in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132 : Sont présents, outre le procureur général, le premier avocat général Rouland, les avocats généraux Dufaure de Montfort et Chassan, ainsi que les substituts Justin et Blanche.

* 215 Proclamation du préfet aux habitants de la Seine-Inférieure, Journal de Rouen, numéro 341, du 7 décembre 1840.

* 216 Proclamation du maire Henry Barbet, Journal de Rouen, numéro 342, du mardi 8 décembre 1840.

* 217 Passage par Rouen du convoi funèbre, le 10 décembre 1840 (greffier en chef : Floquet), in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 103.

* 218 Cf. Journal de Rouen, numéros 343 et 344, du jeudi 10 et vendredi 11 décembre 1840.

* 219 Ibid.

* 220 Ibid.

* 221 Passage par Rouen du convoi funèbre, le 10 décembre 1840 (greffier en chef : Floquet), in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 103.

* 222 Ibid.

* 223 Cf. Journal de Rouen, numéros 343 et 344, du jeudi 10 et vendredi 11 décembre 1840.

* 224 Ibid.

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