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Les crises biologiques du Toarcien et du Cenomanien-Turonien, similarités et différences:

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par Yannick LE GAC
Université Pierre et Marie CURIE, PARIS VI - maitrise 2001
  

Disponible en mode multipage

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Introduction

L'évolution de la biosphère au cours de l'histoire de la Terre n'est pas régulière. A certaines époques la biodiversité fût réduite de façon importante par des extinctions de nombreux groupes, appelés : crises biologiques.

Ces crises peuvent être classées, selon qu'elles affectent les familles, les genres et les espèces, cela permet de distinguer : - les crises majeures au nombre de cinq, (illustrées par la courbe des familles d'animaux marins fig 0), - les crises intermédiaires touchant la diversité spécifique et générique mais aussi quelques familles ou groupes, - les crises mineures qui se manifestent dans le milieu marin par des disparitions de genres et d'espèces (figure 1).

Fig 0 : Diversité des familles marines au cours du phanérozoïque.

(D'après les données simplifiées de J.J.Sepkoski in Lethiers 1998).

Figure 1 : Principales crises biologiques au cours du Phanérozoïque.

(La longueur des flèches est proportionnelle à l'intensité des extinctions, temps en MA)( D'après Sepkoski, in F.Lethiers 1998)

L'hypothèse émise en 1984 par Raup et Sepkoski, selon laquelle les crises biologiques ont une cyclicité, à intéressé la communauté scientifique, puisqu`elle suggère que les crises résultent de mécanismes, c'est à dire d'événements récurrents. Cela explique l'intérêt de comparer les différentes crises du point de vue de leurs caractères paléontologiques, sédimentologiques et géochimiques. On pourra ainsi expliquer les mécanismes en causes.

Dans notre cas, nous serons intéressés par la crise intermédiaire de la limite du Cénomanien-Turonien (CT) et celle mineure du Toarcien inférieur (Ti), qui n'échappent évidemment pas à ce principe.

Le choix de comparer, deux crises de degré différent, peut dans un premier temps surprendre, mais il s'avère en réalité judicieux puisque les conclusions obtenues ne s'appliqueront pas essentiellement à un degré de crise mais seront plus orientées vers l'ensemble des crises.

De plus, le choix de ces deux crises ne s'est pas fait de façon aléatoire, elles possèdent un point commun concernant un événement important puisqu'elles sont toutes les deux caractérisées par un phénomène d'anoxie. Par l'étude de ces deux crises géologiques de degré différent datant respectivement de -92 millions d'années et de -180 millions d'années, nous verrons les principes ainsi que les méthodes utilisées, l'évolution comparée de la biosphère puis les causes potentiellement néfastes à l'origine des crises.

I Principes et méthodes utilisés

Deux principes éminemment simples, qui ont été utilisés pour évaluer la santé de l'écosystème, sont de mesurer la diversité et l'abondance des individus. En effet, une réduction de la diversité ou une variation de l'abondance d'individus de différents groupes en grande expansion  témoignent d'une perturbation écologique et donc d'un stress. Et ainsi une forte diversité et une relative constance de l'abondance  soulignent de confortables conditions écologiques.

La biostratigraphie est fréquemment utilisée. Elle permet par une analyse de la répartition des espèces dans les strates sédimentaires, de repérer les coupures dans la pile sédimentaire. Elle permet ainsi d'obtenir une base de datation fine. Il est très important de posséder une bonne définition du cadre chronologique pour pouvoir analyser les rythmes et les tendances des changements évolutifs.

Pour ces deux crises, citons celles des ammonites (figure2) qui a été pour cette étude la principale utilisée, puisqu'elle présente certains avantages comme une large expansion géographique. Cependant la géochronologie a été réalisée en supposant une durée égale des zones à ammonites, à cause de la petite quantité d'horizon que l'on peut dater. Il en résulte forcement des simplifications et donc des approximations. Cela peut aboutir, suite à des extrapolations, à des chronologies différentes avec des périodes temporelles variables. Mais également à des fluctuations de la longueur temporelle de la zone d'ammonite selon la chronologie utilisée. Ces éléments soulignent la difficulté pour obtenir la datation qui correspond le plus à la réalité.

Figure 2 : A gauche, la chronologie et la biostratigraphie des ammonites employées pour Ti (d'après Moses 1995).

A droite, la chronologie et la biostratigraphie des ammonites employées pour l'intervalle autour de la limite C-T (d'après Kauffman 1995)

Figure 2 : A gauche, la chronologie et la biostratigraphie des ammonites employées pour Ti (d'après Moses 1995).

A droite, la chronologie et la biostratigraphie des ammonites employées pour l'intervalle autour de la limite C-T (d'après Kauffman 1995).

Une des solutions utilisée est basée sur une analyse des taux d'accumulation de roche à court terme et sur des évaluations sur la durée des interruptions. Ces faits supposent des approximations, tels que les taux de concrétion qui doivent êtres connus etc.....

Cette méthode est employée par Harries et Little pour ces deux crises. On supposera que les zones d'ammonites ont des durées égales.

Une des premières difficultés consiste à situer très précisément les limites de la crise.

Celle-ci a été effectuée sur des compilations d'un champ de données globales familiales et génériques.

Pour étudier les crises, il a été judicieux d'établir différents intervalles :

- Intervalle d'extinction lorsque le taux d'extinction est supérieur au taux d'apparition.

- Intervalle de survie lorsque le taux d'extinction est environ égal au taux d'apparition.

- Intervalle de reconquête quand le taux d'extinction est inférieur au taux d'apparition.

Dans un souci de clarté les taxons ont été subdivisés en différentes catégories :

- Espèces éteintes.

- Espèces survivantes à l'intérieur de laquelle on distingue les nouvelles espèces provenant de lignées survivantes et les nouvelles espèces provenant de lignées ayant nouvellement évolué.

L'étude de paramètres géochimiques permet, tel que la mesure du delta C13 lorsqu'elle présente des variations, de montrer des perturbations dans l'environnement. Le fait d'avoir utilisé le même matériel biologique et de regarder les modifications relatives qu'il subit pour ces deux crises permet de réaliser une comparaison rigoureuse. Cependant étant donné que celles-ci ont souvent une différence de durée, ce sont les types de changement très représentatifs de l'événement d'extinction pour des  critères,  telle que la diversité, qui ont été observés.

II Données sur la Biosphère lors de la crise du Toarcien inférieur et celle du Cénomanien-Turonien

Tous les principes exposés précédemment s'appliquent donc entre la crise Ti et la crise CT (qui possède une limite difficile à définir mais qui semble se situer à la limite CT).

Les données qui ont été choisies par ces scientifiques viennent d'un nombre de sections qui représente des éléments plus solides que sur simplement une section, où des changements locaux ne peuvent pas être différenciés des événements plus répandus. Notons que les données de CT sont encore plus significatives puisqu'elles viennent d'un nombre de sections plus important. Cependant il serait intéressant de produire des barres d'erreurs significatives sur les données mais cela est impossible puisque celles-ci ont été collectées, compilées et comparées entre de nombreuses localités différentes, d'où la somme d'erreurs inhérente en un point varie considérablement.

Pour étudier ces deux crises qui n'ont affecté que le milieu marin, un matériel commun a été utilisé :

- Les ammonites.

- Les bivalves benthiques.

- Les bivalves semis-enfouis.

- Les bivalves suspensivores.

- Les gastéropodes.

- Des taxons rares tels que les scaphopodes, brachiopodes inarticulés des serpumides.

(Les données fournies pour la crise Ti et CT viennent de Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 39-66) Fig 3 et 4.

Figure 3 : Stratigraphie concernant le Ti.

(Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999))

A) Données sur la crise Toarcien inférieur.

La Localisation des sections étudiée se trouve dans le Nord-ouest de l'Europe en deux endroits, les sections côtières du bassin de Cliveland, du Nord du Yorkshire (Angleterre) et dans le sud du bassin allemand Baden wür hemberg (figure 5)

Figure 5: Localités du Nord Ouest de l'Europe utilisées pour examiner l'extinction du ET, les données proviennent de deux localités en Allemagne et en Angleterre. (Little 96) (Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 43)

L'intensité de l'extinction a touché 8% des familles, 26% des genres et d'après des estimations 33 à 53% des espèces.

La figure 3 montre une disparition de 90% de tous les taxons. La sous-division de l'intensité d'extinction dans les groupes, nous montre un impact dévastateur de celle-ci au moins sur le biotope de l'Europe du Nord.

Certains groupes ont été particulièrement touchés citons : les ammonites, les bélemmites, les bivalves se nourrissant de fouisseurs  en suspensions ou déposés, gastéropodes et brachiopodes. Seul certains d'entre eux possèdent des survivants au niveau des espèces : il s'agit des bivalves benthiques, des crinoïdes et des taxons rares avec respectivement 78%, 50% et 0% d'extinction. Cela montre un impact important malgré le nombre de nouvelles espèces dérivant des lignées survivantes ou des  réfugiées. Quand tous les bivalves benthiques sont inclus, la diversité de ce groupe diminue seulement de 24%, beaucoup moins que pour les autres familles benthiques.  

Les céphalopodes augmentent leurs dominances relatives, alors que la grande majorité des autres espèces subissent des réductions. Les données montrent un changement dans la distribution des taxons qui correspond à l'horizon des disparitions. Avant la crise, nous pouvons constater que la distribution de la diversité entre les différents taxons est équitablement répartie. Suivant les extinctions, la domination déplace surtout les ammonites et les bivalves fouisseurs. Cela tend à montrer une modification de la structure écologique.

La distribution des taxons présente un changement entre « l'intervalle de fond » de la crise et les intervalles de repopulations fig6.

La diversité cumulative est relativement constante entre avant et après les intervalles d'extinctions, dans un champ de 59 à 63 taxons (fig 6A). A certains points, cela semble être le reflet de la durée plus longue de l'intervalle de repopulation et celle plus courte de l'intervalle d'extinction. La distribution de la diversité entre l'intervalle de fond et les intervalles d'extinctions montre que la plupart des taxons ont disparu lors de cette dernière (fg 6B). Les céphalopodes se diversifient passant de 14 espèces pendant « l'intervalle de fond » à 43 taxons durant le début de la repopulation.

Cette tendance est minorée dans les deux groupes de céphalopodes qui augmentent de 10 à 24 taxons (les ammonites) et de 4 à 17 taxons (pour les bélemmites). Les autres groupes, la plupart benthiques voient leurs diversités atteindre un taux supérieur à 50% fig 6A.

Figure 6: A) Diversité comparée de quelques taxons pour la crise CT

B) Représentation de la structure des taxons pour CT

(Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 54)

L'intervalle de pré-extinction de la faune est caractérisé par une diversité relativement élevée, avec des valeurs moyennes de 8 espèces (fig7). De plus la diversité est distribuée équitablement entre les différents groupes des taxons.

Figure 7 : Abondances et tendances de la diversité pour ET pour la section du Saltwick Nab. (Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 57)

L'intervalle de survie, qui est marqué par une diminution de la diversité, a des valeurs moyennes chutant à 4.2 et une domination des bivalves benthiques et des ammonites.

L'intervalle de reconquête voit la diversité augmenter jusqu'à 5.5 (grâce notamment à la réapparition des brachiopodes et des bivalves se nourrissant des benthiques déposés).

Pour l'intervalle de repopulation la répartition se fait ainsi : 43% pour les espèces nouvelles provenant de lignées ayant nouvellement évolué, 41% pour les espèces nouvelles provenant de lignées ayant survécu et 16% de survivants, (figure 8).

Les céphalopodes, les ammonites et les bellemmites représentent 93% des espèces nouvelles provenant de lignées ayant nouvellement évolué. Le taux d'extinction de certains de ces groupes pendant l'intervalle de fond et l'intervalle d'extinction, suggère une continuation de leur modèle évolutif. Ils possèdent des évolutions différentes des autres groupes, au moins à l'intérieur de l'Europe de l'Ouest. Les organismes pélagiques (tels que les ammonites) sont florissants dans ces habitats. Ces lieux sont peu ou pas affectés par les mécanismes créant l'extinction dans le domaine benthique.

Les survivants, comme les bivalves benthiques, ont un taux d'évolution plus bas que les ammonites. Les autres groupes, tels que les bivalves fouisseurs, gastéropodes, brachiopodes contiennent uniquement des espèces nouvelles provenant de lignées ayant survécu.

Figure 8 : Histogramme montrant la distribution de la repopulation des taxons pour ET pour les espèces éteintes, les espèces survivantes, les nouvelles espèces provenant de lignées ayant survécu et les nouvelles espèces qui ont évolué. (Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 59)

L'événement du Ti a vu également un grand changement chez les radiolaires, en effet, les formes caractéristiques du Trias terminal et du Jurassique « basal » sont remplacées par des taxons caractéristiques du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur. Notons également une modification dans le plancton du Ti (Rie S.Hori, 1996)

B) Données sur la crise Cénomanien-Turonien

Figure 9: Localités du Bassin intérieur de l'Ouest en

Amérique du Nord, utilisées pour examiner l'événement d'extinction CT.( Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 43).

La Localisation des sections étudiées se trouve dans le Nord de l'Amérique dans le bassin intérieur Ouest, citons Pueblo Collorado, figure 9.

L'intensité de l'extinction a touché 8% des familles, 26% des genres et d'après une estimation 33 à 53% des espèces.

Cette extinction atteint 79% des espèces macro invertébrées à l'intérieur du bassin intérieur de l'ouest en Amérique du Nord (WIB) (figure 4).

L'extinction au niveau des espèces est de 93% pour les ammonites, 75% pour les bivalves inocéramides, 69% pour les autres bivalves benthiques, 90% pour les bivalves semi-fouisseurs, 68% pour les bivalves fouisseurs, 84% pour les gastéropodes, 73% pour les taxons miscelleux.

Comme pour la crise Ti, les céphalopodes augmentent leurs dominances relatives, figure 10, alors que la grande majorité des autres groupes subit des réductions.

Figure 10:A) Diversité comparée de quelques taxons pour la crise CT

B) Représentation de la structure des taxons pour CT

(Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 55)

Pour l'intervalle de repopulation la répartition se fait ainsi : 39% concernent les espèces nouvelles provenant de lignées ayant survécu, 36% sont des survivants, 23% des espèces nouvelles provenant de lignées ayant nouvellement évolué (la majorité sont des céphalopodes avec les ammonites) et 2% des ancêtres de la crise (qui servent de réserve pour les premières radiations qui sont limitées aux inocéramides), la figure 11 montre cette répartition.

Figure 11 : Histogramme montrant la distribution de la repopulation des taxons pour CT pour les espèces éteintes, les espèces survivantes, les nouvelles espèces provenant de lignées ayant survécu et les nouvelles espèces qui ont évolué. (Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 60)

Certains bivalves, comme les rudistes furent particulièrement affectés. En moins d'un million d'années, 10 genres de rudistes sur 17 disparaissent, 8 s'effacent pour « réapparaître » que deux millions d'années plus tard. Cette extinction frappe massivement les rudistes à aragonite dominante, tels que les caprotinidaes et les caprinidaes, tandis que les rudistes à calcite dominant tels que les Radiolitidaes ne sont pas affectés. Notons également que les foraminiféres benthiques sont également touchés par cette crise puisque trois espèces sur 21 passent cette limite (figure 12).

Figure 12 : La crise des rudistes lors de la limite CT dure 2 millions d'années. La communauté s'est épanouie de nouveau au Turonien moyen, mais après un renouvellement important des familles qui la composait.(le nombre d'espèces est entre parenthèses) « Pour la science no 28 P90 »

Lors de cette crise, des organismes de taille bien plus volumineux furent affectés tels que les ichthyosaures. Ce groupe de reptiles retourné à la vie aquatique marine disparu lors de cette crise. Les ichthyosaures qui sont apparus au Trias inférieur, se nourrissaient entre autre de bélemmites en rejetant le rostre. Ils furent probablement victimes de leurs trop grandes adaptations morphologiques, physiologiques alors que d'autres reptiles aquatiques moins spécialisés tels que les Mosasaures continuaient au-delà de cette crise. (figure 13)

Figure 13: Reconstitution d'un ichthysaure

Evolution de la biosphére et événements géologiques P298, F.Lethiers

L'extinction du CT a le même modèle que celle du Ti, en effet, le début « énergétique » de l'extinction est assez élevé (4.4 espèces pour la première moitié de l'intervalle d'extinction) puis équitablement distribué figure 14.

Figure 14 :Abondances et tendances de la diversité pour CT. (Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 58)

Figure 9 : Abondance et tendance de la diversité pour CT

Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 58)

Figure 9 : Abondance et tendances de la diversité pour CT pour la zone du Pueblo. Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 58)

Tant que cet intervalle d'extinction progresse, la diversité diminue à une moyenne de 2.3 espèces ; la faune est dominée par les bivalves benthiques, spécialement les inocéramides. Dans l'intervalle d'extinction, la diversité augmente peu jusqu'à 2,4 espèces ; les bivalves épifaunes continuent à dominer avec les inocéramides et les huîtres. Quelques huîtres, telles que Pseudoperna bentorensis étaient dépendantes des valves inocéramides qu'ils utilisaient comme substrat.

Notons l'extinction et la radiation observées chez les radiolaires pour le CT (Erbacher et Thurow, 1996)

C) Bilan

Notons que les données de la crise Ti ne concernent qu`une partie de l'intervalle de reconquête. Cela entraîne des conclusions limitées. Cependant des tendances peuvent être soulignées. En effet, les données montrent une augmentation de la diversité et également un changement concernant la dominance.

Ce changement montre une amélioration des conditions avec notamment une grande source de nourriture riche en éléments organiques à l'origine des dépôts noirs argileux.

L'intervalle de reconquête du pré-CT indique une hausse de la diversité et de l'abondance sauf chez les bivalves benthiques. Cela s'explique probablement par le fait que les bivalves benthiques représentent une portion très faible de la faune pendant cet intervalle de fond.

Les pulsations suivant directement les frontières des extinctions pourraient simplement représenter:

- Des événements évolutifs similaires à d'autres radiations de l'intervalle de fond à l'intérieur du groupe

- Une hausse dans les niches des colonnes d'eau supérieures associée avec des pics de transgressions.

Une analyse des morphotypes d'ammonites du CT suggère que les formes habitant les plus hautes zones atteintes par les colonnes d'eau ne sont pas affectées par l'extinction de masse.

En outre, les données sur les céphalopodes montrent que certains taxons ne sont pas sensibles aux même pressions sélectives et évolutives que les organismes vivants dans le domaine benthique. Cette différence s'exprime dans les taux rapides d'évolution subit par les céphalopodes alors que certains groupes benthiques ont une extinction marquée. Pour Ti, l'extinction principale d'ammonites précède l'extinction en masse. Cette évolution rapide fut favorisée par l'événement d'extinction, créant une place vacante dans l'écosystème dans laquelle les céphalopodes se seraient développés. En effet, lorsqu'un taxon s'éteint, il libère une niche écologique. Celle-ci est alors utilisée par un autre taxon, ce qui lui permet de se « développer ».

Néanmoins aucune disparition ne semble affecter les compétiteurs potentiels à l`intérieur du domaine pélagique.

La réponse biotique pour les taxons marins de ces deux événements est équivalente en général.

Les extinctions ont des valeurs très proches. La diversité est initialement élevée et distribuée équitablement.

Les tendances à long terme de la diversité montrent des traits similaires pour les événements du Ti et du CT

Notons que la diversité pendant la repopulation du CT est seulement légèrement supérieure à la moitié de celle durant l'intervalle d'extinction, cela entraîne que les changements dans la dominance sont relatifs plus qu'absolus.

Toutes ces données (fig4) qui peuvent paraître un peu rébarbatives permettent de mettre en évidence quatre principales tendances qui sont valables pour ces deux crises :

- 1er tendance : La diversité ne  varie presque  pas lors de l'extinction et les intervalles de repopulation sont relégués à « l'intervalle de fond ». Cela tend à un grand renouvellement sauf s'il y a des survivants. Ce model est le plus souvent réalisé dans les groupes à renouvellements rapides, tels que les ammonites et les bélemmites pour Ti et les inocèramides du CT fig 3 et 4.

- 2ème tendance : Elle se caractérise par une extinction de la majorité des taxons avant la « frontière », suivi par l'explosion évolutive très tôt dans la repopulation. Cela est illustré par les bivalves benthiques et les gastéropodes pour les deux extinctions ou les brachiopodes pour Ti.

- 3ème tendance : Les groupes ont quelques survivants mais aussi un retard évolutif avant l'apparition de nouveaux taxons, citons les crinoïdes de Ti et les bivalves fouisseurs du CT.

- 4éme tendance : Elle répond au concept « espèces lazares », cela traduit la disparition pour une période d'un groupe, qui trouvant refuge dans un lieu, réapparaît lors de la repopulation. Cela est valable pour les gastéropodes du Ti.

Ces deux crises présentent un intervalle de survie possédant une diversité et une abondance basses, reflétant la perturbation écologique de l'écosystème. Mais également un intervalle de reconquête étendu fig 3 et 4.

Toute la repopulation peut être considérée comme un événement important de diversification. Il existe plusieurs formes de réponses à l'événement : citons celle des ammonites ou des belemmnites du Ti et celle des inocéramides du CT, qui évoluent et rayonnent rapidement, cela suggère que les extinctions de masse représentent, pour certains groupes, un élément de radiation.

La réponse biotique suggère que les conditions rapidement améliorées permettent une expansion de la diversité et de l'abondance.

Harrie et Little ont étudié ces crises dans des sédiments qui ont été déposés dans des mers épicontinentales, tandis que Philip montre que le milieu récifal, lieu de vie des rudistes, a été également affecté par la crise CT.

L'ensemble des modèles des crises Ti et CT sont identiques à des échelles variées. De même, les intervalles d'extinction, de survie et de reconquête possèdent la même ressemblance. Dans les deux cas, les organismes planctoniques et nectiques habitant la partie supérieure de la colonne d'eau sont protégés des événements d'extinctions. Ces groupes ont aussi maintenu leur évolution.

Les bivalves benthiques ne furent pas affectés et devinrent dans les deux cas les organismes dominant dans les dernières portions de l'intervalle d'extinction et dans l'intervalle de survie.

III Evénements et preuves intervenants lors de ces crises.

Ces deux crises Ti et CT présentent respectivement des intervalles d'extinction de 0.6 et 0.42 millions d'années, cela tend à montrer qu'il n'y a pas un seul événement catastrophique commandant l'extinction.

Cela laisse supposer deux hypothèses :

- Soit un événement qui a agi sur un grand laps de temps.

- Soit une conjonction de plusieurs causes.

Plusieurs événements se sont passés à ces époques qui ont pu provoquer ces crises, cependant il est très difficile de pouvoir définir la principale.

Ces deux événements arrivent juste avant et pendant un grand pic eustatique avec une élévation du niveau marin (transgression). Cela a entraîné lors de ces intervalles une augmentation des routes épicontinentales marines. L'extension des mers épicontinentales a continuellement varié au cours des temps géologiques. Ces phénomènes affectent évidemment les différents organismes, selon l'effet surface-biodiversité. Il existe une relation entre la surface occupée et le nombre de taxons pour le benthos marin, figure 15, cette augmentation de surface des mers épicontinentales est favorable à l'augmentation de la diversité.

Figure 15 : Illustration de l'effet surface-biodiversité,

( évolution de la biosphère et événements géologiques, F.Lethiers P127)

L'ensemble de ces deux crises est associé à une anoxie très répandue et un dépôt de schiste argileux noir.

Ces deux crises possèdent une lithologie très proche dans le bassin environnemental :

- Ti possède le schiste argileux et des concrétions carbonatées,

- CT des schistes argileux ou marnes et des concrétions carbonatées.

Ces deux intervalles correspondent à un climat chaud mais constant. De nombreux scientifiques pensent qu'il fut engendré par un effet de serre. Ces conditions ont amené une circulation océanique difficile. De plus la formation d'une eau chaude salée dans la partie inférieure de l'eau met en évidence une stratification de la mer d'où un potentiel pour l'anoxie. En effet, la teneur en O2 dépend de la salinité et de la température qui, lorsqu'elles augmentent, provoquent une baisse de la teneur en O2 comme l'illustre la figure 16.

Figure 16 : Dissolution de O2 dans l'eau en fonction de la salinité et de la température (valeurs de saturation à l'équilibre, sous Patm normale dans l'air saturé en vapeur d'eau. (Ivanoff 1972) Evolution de la biosphére et événements géologiques, F.Lethiers P158

Cela affecte nombre de taxons puisque l'oxygène dissous dans l'eau est nécessaire à la respiration d'organisme marin même si certains, comme les bivalves benthiques, tolèrent une carence en oxygène. La similarité dans la réponse biotique des deux crises suggère que les événements favorisés par l'anoxie possèdent une structure « prévisible ».

Certaines données géochimiques, comme le delta du Carbone13 montre qu'il existe un lien solide entre le modèle de repopulation et les conditions environnementales. Le delta 13C positif enregistré dans plusieurs aires peut être comparé. Ces courbes (figure 17) s'avèrent remarquablement similaires, bien que quelque peu compensées, et suggèrent que les perturbations environnementales étaient au moins régionales. Le champ de digression va de 0.38% à 0.25% selon le lieu de mesure pour Ti. Pour CT, les digressions du delta 13C mesurées dans le bassin intérieur de l'Ouest en Amérique du Nord sont de 0.3% en moyennes. La tendance est similaire pour les deux crises.

Figure 17 : Points montrant la tendance du delta C13 pour Et et CT .Les données dans l'ancien d'après Jenkyns et Clayton (19986-1997), Jimenez (1996) et pour le supérieur Pratt 1985.Dans les deux cas les données ont été placées à l'intérieur de l'encadrement temporel de la figure (celles des ammonites).

( Paleogeography, Paleoclimatology, Paleoecology 154 (1999) P 63)

Les digressions positives du delta 13C, toutes les deux caractéristiques des extinctions Ti et CT qui ont été reliées à des événements anoxiques, suggèrent que l'amplitude et la durée de l'anoxie et son stress environnemental associé, étaient au moins un acteur significatif dans la détermination de la réponse biotique.

Les digressions du delta 13C peuvent être utilisées en tant qu'outil de prédiction puisque lorsqu'elles reviennent vers des niveaux de l'intervalle de fond, elles suggèrent une amélioration environnementale et donc que la reconquête est initiée. Il existe deux hypothèses pour expliquer les digressions : certains pensent qu'elles sont dues à l'augmentation de la productivité, d'autres penchent pour la diminution du recyclage des matières organiques, mais quelles que soient les causes de ces digressions elles représentent un piégeage du carbone organique. Cette préservation à l'intérieur des sédiments est dépendante et peut-être la cause de cette anoxie.

Notons que le principal intervalle de perturbation géochimique pour les deux événements est temporairement similaire (0.8 et 0.65 millions d'années pour respectivement Ti et CT).

La fin de la digression du delta 13C correspond à la fin de l'intervalle de survie, cela indique que les perturbations de l'environnement enregistrées par le delta 13C affectent également les biotopes. Cela semble pouvoir également s'appliquer à la crise Crétacé Tertiaire puisque la perturbation majeure a une très courte durée et l'intervalle de survie est de ce fait inexistant.

Pour les données du CT l'intervalle d'extinction initié à la première digression majeure est absente pour Ti, cela suggère qu'il se produit une traîné à l'arrière de l'intervalle d'extinction. Ce point est soutenu par l'association des plus frappantes étapes d'extinction avec la partie supérieure de l'intervalle d'extinction (figure 17).

Il existe à la limite CT (il y a 95 millions d'années) la présence d'un taux d'iridium en Amérique du Nord et du Sud, qui suggère l'hypothèse d'un astroproblème. Celui-ci serait arrivé en Amérique du Nord, dans l'Alberta à Steen River. Cet astroproblème par sa taille relativement modeste (cratère de 25 km de diamètre) a pu jouer un rôle dans la crise CT, mais on ne peut pas lui imputer la crise à lui seul, en effet plusieurs astroproblémes de dimension supérieure ne sont pas rattachés à des extinctions significatives, pour illustrer cela citons l'impact majeur du cratère de Montagnais, en Atlantique Nord il y a 51 millions d'années, qui ne correspond à aucune extinction importante malgré une dimension de 45 km de diamètre (Lethiers 1997 P102). De plus, un cratère de 25 km « apparaît » tous les 1 million d'années environ (d'après Raup (1992)).

A la limite CT il existe également de fortes anomalies des rapports isotopiques de l'oxygène (18O/16O) et du carbone (13C/12C) ainsi que du manganèse, mais l'avis des géochimistes diverge sur leur interprétation. Ainsi M Kuyper pense qu'il s'est produit une baisse de température liée à une chute en CO2 atmosphérique, d'où une baisse de l'effet de serre due à une séquestration d'une grande quantité de matière organique marine et continentale dans les parties profondes des océans. Il s'appuie sur le fort enrichissement des couches en matière organique dans ces milieux à cette époque, résultant, semble t-il d'une stagnation des eaux profondes (Pour la science no28 P91).

Ces conclusions tirées par ce scientifique sont diamétralement opposées à celles proposées précédemment, cela souligne la difficulté d'interprétation des faits.

On peut donc légitimement penser que ces crises résultent d'une conjonction de plusieurs événements. Si certains semblent plus importants, comme l'anoxie, ils ne peuvent pas expliquer les crises à eux seuls.

Cependant notons l'absence de données sur l'influence de ces crises sur la flore et sur l'aspect écologique. Cela peut être du à trois raisons : soit une absence de données, cela semble peu plausible; soit un choix délibéré de ne pas en parler; soit qu'aucun changement ne s'y produit. Ces données si elles existent auraient pu, peut être, nous apporter des éléments qui auraient permis de trancher entre les hypothèses contraires des scientifiques.

Quoi qu'il en soit, on peut penser que l'extinction de certains organismes ont du influencer le développement de certains types de flore. De plus, la disparition d'une seule catégorie d'éléments floraux peut entraîner un déséquilibre écologique et entrer dans une conjonction de causes qui peut-être à l'origine d'une cascade de disparitions. Cela nous démontre bien l'importance qu'ils revêtent.

Les similarités dans les réponses biotiques de ces événements remettent en question les hypothèses tel que l'événement « imprécis ». Cette hypothèse relègue une bonne partie de l'histoire de la vie au rôle de chance.

Néanmoins, la similarité dans les modèles biotiques ente Ti et CT implique que si les mécanismes d'extinctions sont similaires, la réponse biotique est prévisible.

Les événements de natures différentes font que les lignées ne sont pas atteintes de la même façon et avec la même intensité : cela dégage la notion de sélectivité des crises.

Il peut être difficile de prédire les espèces exactes qui survivraient mais pas les modèles basés sur les groupes taxoniques. Les événements anoxiques, très fréquents dans les crises, dévastent les éléments fouisseurs, limitent les taxons benthiques, spécialement gastéropodes et brachiopodes articulés. Ils permettent la prolifération des taxons des parties supérieures des colonnes d'eau aussi bien qu'à des taxons benthiques spécifiques.

Conclusion

Ces crises qui semblent revenir cycliquement sont liées le plus souvent à une sommation de plusieurs causes similaires. Cependant les crises sont de natures différentes parce que tous les événements n'interviennent pas à chaque fois et qu'ils se combinent de manières différentes. Elles permettent aux espèces survivantes et apparaissantes de se développer en utilisant les niches écologiques laissées vacantes par les espèces qui ont disparu. Cela permet parfois une redistribution des espèces dominantes dans la compétition perpétuelle qu'elles se livrent, en généralisant, nous pouvons citer les mammifères qui grâce à la crise Crétacé Tertiaire ont pu se développer. Les crises permettent donc à certaines espèces bridées de prendre une place conséquente dans la biosphère.

Bibliographie

Erbacher, Thurow, Influence of anoxic events on the evolution of mid-Cretaceous radiolaria in the North Atlantic and Western Tethys, Marine Micropaleontology

Harries et Little (1999) The early Toacian and the Cenomanian-Turonian mass extinctions, Paleogeography, paleoclimatology, paleoecology 154 P39- 66 Harries et Little

Lethiers (1998) Evolution de la biosphère et événements géologiques, « Gordon and Breach science Publishers »

Philip (07/2000) Une extinction dans les mers tropicales de l'ère secondaire, Pour la Science, no 28, p89-91

Rie S.Hori (1996), The Toarcian radiolarian event in bedded cherts from southwestern Japan, Marine Micropaleontology

Résumé

La biosphère fut au cours de son histoire plusieurs fois bouleversée par de des extinctions plus ou moins importants. Ces disparitions de taxons permettent, la plupart du temps, une redistribution de la diversité. Certains groupes peuvent se développer, en utilisant les niches écologiques ainsi libérées.

Il y a 92 millions d'années et 180 millions d'années, des événements sont intervenus modifiant de manière importante la biosphère marine. Cela a permis de dégager respectivement deux crises ; la crise intermédiaire du Cénomanien- Turonien et celle mineure du Toarcien inférieur.

Le choix de ces deux crises s'est réalisé à causes d'événements semblables, telle que l'anoxie. Le fait de posséder des traits communs permet d'effectuer des comparaisons.

Après avoir énoncé quelques principes d'analyses et de méthodes utilisées, nous pouvons émettre certaines « règles » qui semblent s'appliquer, c'est à dire, se généraliser à l'ensemble des crises. Cela permet également de dégager certaines tendances. Ces crises géologiques, qui sont des événements cycliques, sont liées à une sommation de causes.

Même si certaines sont plus importantes que qu'autres, il est rare qu`une seule supporte la responsabilité de la crise.

Mots clés :

Crise, Cénomanien-Turonien, Toarcien inférieur, extinction, principe.






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