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Du Bestiaire au Mythe: Analyse d'un aspect de l'imaginaire baudelairien dans Les Fleurs Du Mal

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par Amina Benelhadj
Université Mentouri de Constantine - Magister 2006
  

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___________ INTRODUCTION GENERALE ___________

Objectifs du travail :

L'image animale constitue une importante source d'inspiration de l'imaginaire humain. Existant depuis l'Antiquité, où elle fut l'expression d'une profonde imagination à travers des animaux comme le sphinx ou l'hippogriffe, sa forme plus connue sous le nom de « Bestiaire »(1), terme qui apparaît dans la langue française en 1119 pour désigner un recueil de récits sur les animaux (2), s'imposera surtout au Moyen-Age où il connaîtra un riche destin. L'image animale y sera, en effet, utilisée dans le but de faciliter la mémorisation dans l'enseignement du dogme chrétien(3).

A travers son évolution historique et thématique, le bestiaire se fixe, essentiellement, l'objectif de « décrire tous les animaux de la création, réels ou imaginaires, et les traits de caractère humain qu'ils symbolisent. »(4). Aussi, semble-t-il pour Gilbert Durand, être enraciné tout aussi bien dans la langue, que dans l'esprit individuel et collectif(5).

D'Esope à Apollinaire(6), l'image animale s'est faite, à travers les ères littéraires, des plus inspiratrices. Elle prime au XIXe siècle avec des prosateurs comme Emile Zola, chez qui

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(1) Le premier bestiaire de l'histoire porte le nom de « Phisiologus » qui signifie « le naturaliste ». C'est un ouvrage grec du milieu du IIe siècle qui rassemble une cinquantaine de contes traduits par la suite en de nombreuses langues européennes, in. Alain Niderst (textes réunis par), L'animalité : Hommes et animaux dans la littérature, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1982

(2) Encyclopédie Encarta, (c) ®, 1993- 2002, Microsoft corporation.

(3) Marie-Hélène Tesnière (interviewée par Florence Groshens), « Le bestiaire médiéval, un monde symbolique », in. Chronique de la Bibliothèque nationale de France, N° 32, Paris, Automne 2005, p. 10.

(4) Op. cit., Encyclopédie Encarta.

(5) G. Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, Paris, Bordas, 1969, p. 73.

(6) En passant par Platon, Apulée, A. Dante, A. d'Aubigné, W. Shakespeare, W. Blake, E A. Poe, V. Hugo etc.

La Bête Humaine(1) est l'intime représentation de la bestialité de l'homme. Elle est tout aussi présente dans la poésie avec, notamment, Charles Baudelaire chez qui l'inspiration poétique se fait au rythme des images animales.

Evoquer les animaux baudelairiens fait souvent songer à cet animal de prédilection qu'est le chat « beau (...), fort, doux et charmant »(2), ou encore à l'albatros, symbole du poète « exilé sur le sol au milieu des huées »(3), deux images d'un bestiaire baudelairien qui s'avère, par ailleurs, fort étendu et d'une composition variée.

Dès le premier poème de Les Fleurs du Mal, la présence de l'image animale se fait prédominante. Ce sont les animaux qui s'imposent à la place des fleurs annoncées dans le titre. De la vermine au monstre, Au Lecteur, premier poème du recueil où il tient le rôle de préface(4), est une longue succession d'images animales portées par le rythme d'un vocabulaire de réalisme classique plein de force suggestive. Ce poème est un véritable réquisitoire dressé contre la société du XIXe siècle dont il énumère les vices et où l'auteur et le lecteur apparaissent ensemble, en proie au mal. Dès la première strophe, le poète recourt à l'image de la vermine faisant de l'homme un mendiant envahi, rongé et tourmenté par ces parasites qui le couvrent et qui le consument. L'image de l'helminthe est ensuite employée pour décrire ces démons qui « ribotent »(5) dans le cerveau du poète et de son lecteur. Pour Baudelaire, l'être humain est à l'image d'une proie aux créatures saprophages qui lui sucent le sang et qui se nourrissent de sa dégoûtante vie.

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(1) Emile Zola, La Bête Humaine, 1890.

(2) Les chats, Les Fleurs du Mal, strophe 1, v. 3.

(3) L'albatros, Les Fleurs du Mal, strophe 4, v. 15.

(4) Ce poème est paru en tête de toutes les éditions de Les Fleurs du Mal. Celle de 1868 lui confère le titre de préface.

(5) Au lecteur, Les Fleurs du Mal, strophe 6, v.2.

A l'instar de ces images misérables de l'homme couvert d'insectes, la huitième strophe du poème recense d'autres d'animaux. Certains, pour la plupart prédateurs, comme la panthère, ou charognards, comme les vautours, sont réels ; d'autres, tel le monstre, appartiennent à l'imagination :

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,

Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,

Les monstres glapissants, grognants, rampants,

Dans la ménagerie infâme de nos vices(1)

Dans une lettre de Poulet-Malassis, éditeur et ami de Baudelaire, on peut lire, concernant les animaux de ce poème, qu'ils sont « Un squelette arborescent, l'arbre de la science du bien et du mal, à l'ombre duquel fleurissent les sept pêchers capitaux sous la forme de plantes allégoriques. »(2). Toussenel, à qui été destinée cette lettre, estime qu'au nombre de sept, les animaux de ce poème peuvent être considérés comme une « corporification »(3) des imperfections humaines, voire des sept pêchés capitaux. En effet, si l'on se réfère à la tradition gothique et au bestiaire de la Renaissance, la panthère y est symbole de luxure, la lice d'envie et la louve de convoitise(4).

De nombreux ouvrages et articles ont été écrits sur Baudelaire et sur son oeuvre. Ils traitent des sujets les plus généraux comme de la structure de Les Fleurs du Mal(5) ou du rôle que joue ce recueil dans les courants littéraires (6), aux sujets les plus particuliers comme

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(1) Au lecteur, strophe 8.

(2) Extrait de la lettre de Poulet-Malassis, in. Patrick Labarthes, Baudelaire et la tradition de l'allégorie, Genève, Droz, 1999, p.508

(3) Ibid.

(4) Op. cit., p. 509

(5) Exemple. : Albert Feuillerat, « L'architecture de Les Fleurs du Mal », in. Romantic Studies XVIII, New Haven, Yale University Press, 1941, p.221- 330.

(6) Exemple. : Lloyd James, L'univers poétique de Baudelaire, symbolisme et symbolique, Paris, Mercure de France, 1956.

l'inspiration du poète(1) ou sa vie de bohème(2).Si l'imaginaire(3) baudelairien n'est pas en reste dans ces études, ce n'est souvent qu'à travers la métaphore ou le thème de la mort(4) qu'il est évoqué, rarement à travers des images animales pourtant très présentes dans l'oeuvre du poète.

Le présent travail se donne pour objet l'analyse de l'imaginaire baudelairien tel qu'il est représenté à travers les images animales, qu'elles soient référentielles ou fictionnelles dans le bestiaire de Les Fleurs du Mal.

Problématique :

Dans son analyse de l'imaginaire humain, Gilbert Durand souligne que « ce sont les images animales qui [y] sont les plus fréquentes et les plus communes. »(5). Il souligne également qu'en plus de l'archétype de l'animal en tant que tel, d'autres significations peuvent lui être attribuées. Il est ainsi, selon lui, possible de relever plusieurs autres caractères, qui au lieu d'être rattachés directement à l'animalité, le sont aux représentations dont se fait d'eux l'imaginaire humain. Moins que les caractéristiques premières de l'animalité, ce sont les représentations qui en découlent et qui constituent `les structures de l'imaginaire' qui intéressent l'auteur. L'oiseau qu'il cite en exemple, n'est alors considéré comme animal qu'en deuxième instance, la première faisant d'abord de lui, comme de la flèche(6), un instrument d'ascension. Cet instrument peut s'avérer, par ailleurs symbole de férocité, de mort ou même de sensualité. Ces représentations

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(1) Exemple. : Wolfgang Drost, « L'inspiration plastique chez Baudelaire », in. Gazette des Beaux-Arts, Mai-Juin 1957, pp. 321- 337.

(2) Exemple. : Pierre Enckell, « La vie de bohème », in. Magazine Littéraire (N° consacré à Baudelaire), mars 2003, pp. 33-34.

(3) Exemple. : Stéphane Guégan, « Le musée imaginaire des Fleurs du Mal », in. Op. cit., Magazine Littéraire.

(4) Exemple : Michel Guiomar, Principes d'une esthétique de la mort, Paris, Corti, 1967.

(5) Exemple de l'oiseau, symbole d'ascension comme la flèche est donné par Durand, in op. cit. Durand, 1969, p. 73.

(6) Oiseau, comme la flèche, symbole de l'ascension est un exemple donné par Durand, in. Op. cit., Durand (1969), p. 73.

ambivalentes constituent ce que Durand appelle le `dynamisme des signes', dynamisme dont font preuve quelques représentations de l'imaginaire humain et qui est retrouvé à travers la quasi-totalité des images animales employées dans la poésie de Les Fleurs du Mal.

Ces `structures de l'imaginaire' humain résultent, en partie, de ce que Durand appelle le trajet anthropologique qui, selon lui, naît de « l'incessant échange qui existe au niveau de l'imaginaire entre les pulsions subjectives et assimilatrices et les intimations objectives émanant du milieu cosmique et social »(2). Ces structures s'avèrent donc, un intime reflet des représentations acquises tout au long de l'existence, que celles-ci soient individuelles, sociales, religieuses. Ces mêmes représentations, de par leur enracinement dans l'imaginaire humain, se transforment en une véritable «vérité mythique »(3), en cela qu'elle saisissent « immédiatement la pensée, (...) en appel[lant] non à l'esprit critique, mais aux profondeurs de la vie personnelle, aux soubassements obscures de la sensibilité »(4).

Ainsi, de par sa nature d'être humain sous l'influence des représentations d'une, voire de plusieurs civilisations, et de par une éducation catholique qui dès son plus jeune âge le met en contact directe avec des représentations antiques et bibliques, Baudelaire puiserait les images animales dans un bestiaire de représentations préétablies, construites à partir d'un ensemble de `vérités mythiques'.

Cheval, animal infernal ; corbeau et araignée, symboles de la mort ; cygne et chat symboles de la sensualité, relèveraient ainsi d'un « Bestiaire Mythique », titre d'un article d'André Siganos, où il propose une classification qui met en exergue l'évolution historique et

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(1) Ibid., p. 38.

(2) Georges Gusdorf, Pourquoi des professeurs, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1963, p. 21.

(3) Ibid.

littéraire de certains animaux considérés comme mythiques, tout en proposant des critères de distinction pour les autres. Sont ainsi distingués trois catégories : le mythe de l'animal (où l'animal serait lui-même l'objet d'un mythe)(1), l'animal mythique (où l'animal prend part dans un mythe)(2) et l'animal mythique littéraires (qui n'est pas forcément mythique en lui-même, mais qui est « hiérophanique(3) ou attribut d'un dieu. »(4)).

Cette présente recherche tentera d'étudier le bestiaire et son fonctionnement dans l'imaginaire baudelairien dans Les Fleurs du Mal. Elle s'interrogera sur les `structures anthropologiques de l'imaginaire' de Baudelaire à travers la notion d'un `trajet anthropologique', révélateur d'une `vérité mythique' :

Le recours à l'image animale dans la poésie de Les Fleurs du Mal se fait-il à travers des structures dynamiques ? Ce dynamisme est-il le résultat du trajet anthropologique du poète ? Les représentations animales sont-elles alors le reflet de `vérités mythiques' ?

Hypothèse :

Le recours au bestiaire est utilisé dans l'imaginaire baudelairien selon des structures faites de relations dynamiques. Le dynamisme de ces `structures de l'imaginaire' est le résultat d'un `trajet anthropologique' fait de représentations acquises tout au long de l'existence. instauratif d'un psychisme et d'une culture , ce trajet s'avère dans Les Fleurs du Mal, essentiellement

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(1) André Siganos, « Bestiaire mythique », in. Dictionnaire des mythe littéraires, Paris, Rocher, 2e éd., 1988, pp. 208-240.

(2) Ibid., p. 209.

(3) Entité culturelle (dieu, mythe, objet, rite) considéré comme manifestant ou révélant la notion de sacré.

(4) Op. cit., Siganos (1988).

antique et biblique. Les représentations animales à l'origine d'une `vérité mythique' transforment ainsi le bestiaire baudelairien en un bestiaire de représentations mythiques, voire en un bestiaire mythique.

Quelques définitions :

a- Le bestiaire :

Définition générale :

L'Encyclopédie Encarta définit le terme de bestiaire comme un « traité didactique (...) décrivant des animaux réels ou imaginaires »(1) et montrant « les traits de caractère humain qu'ils symbolisent »(2).

De son côté, L. Desblache souligne dans le Bestiaire du roman contemporain d'expression française, que les références animales « se calquent en général sur le modèle d'une symbolique traditionnelle liée à des inférences mythologiques qui ne sont pas toujours opportunes. »(3).

Définition opérationnelle :

A partir de ces différentes définitions, la notion de bestiaire sera utilisés dans le présent travail pour renvoyer aux animaux recensés dans Les Fleurs du Mal de Baudelaire. Ces animaux sont variés et peuvent être réels comme les oiseaux, les mammifères ou les reptiles, ou imaginaires(4) comme le sphinx, le phénix ou le monstre. Doublés `d'inférences mythologiques', ces animaux sont en partie bipartis et renvoitnt, entre autres, au problème de l'identification de l'être humain.

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(1) Op. cit. Encyclopédie Encarta.

(2) Ibid.

(3) Lucile Desblache, Bestiaire du roman contemporain d'expression française, Presse Universitaire Blaise Pascal, Centre de Recherche sur les Littératures Modernes et Contemporaines, Clermont-Ferrand, 2002, p. 10.

(4) ce mot inclut tous les animaux fantastiques, qu'ils soient fabuleux ou antiques.

b- L'imaginaire :

Définition générale :

Le dictionnaire Flammarion(1) de la langue française définit l'imaginaire comme étant ce qui n'existe et qui n'est tel que dans l'imagination. Autrement dit, on qualifie d'imaginaire, tout ce qui ne trouve pas de référent dans la réalité.

Pour Durand, « l'imaginaire n'est autre que ce trajet dans lequel la représentation de l'objet se laisse assimiler et modeler par des impératifs pulsionnels du sujet, et dans lequel réciproquement (...), les représentations subjectives s'expliquent « par les accommodations antérieures du sujet » au milieu objectif. »(2)

Définition opérationnelle :

Non loin de la définition proposée par Durand, la notion d'imaginaire sera utilisée dans ce travail pour renvoyer aux représentations que se fait l'être humain d'une image donnée. Ces représentations sont dictées par un trajet anthropologique qui donne un sens, voire, une forme personnelle, à cette image.

Outils d'analyse :

Pour analyser les représentations de l'imaginaire baudelairien à travers l'image animale, ce travail se place, dans un premier temps, dans une perspective anthropologique en empruntant à Durand les notions de `dynamisme' et de `trajet anthropologique'. La première vise à analyser les relations de ` dynamisme ' qu'entretiennent les images animales de Les Fleurs du Mal.

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(1) Dictionnaire Flammarion, Paris, 1999

(2) Op. cit. Durand (1969), p. 38.

La deuxième, quant à elle, vise à déterminer l'origine des représentations que se fait Baudelaire des images qu'il emploie dans sa poésie. Ce trajet anthropologique est, dans le cas de la poésie baudelairienne, en partie à l'origine du dynamisme des images.

Dans un deuxième temps, ce travail s'inscrit dans une perspective de l'analyse du mythe en empruntant à A. Siganos ses critères de classification des animaux mythiques.

Etapes de l'analyse :

Le présent travail est constitué de deux parties. La première, constituée de deux chapitres, présente les outils méthodologiques et théoriques.

Le premier chapitre, après un historique des théories anthropologiques du XXe siècle, se consacre aux symboles de l'imaginaire à travers leurs différentes classification, et souligne celle proposée per G. Durand et ses notions de `dynamisme' et de `trajet anthropologique'.

Le deuxième chapitre s'intéresse à la notion de mythe et notamment, à celle de mythe littéraire ainsi qu'à l'historique et à l'évolution des mythes littéraires à travers l'histoire. il présente la classification des animaux mythiques proposée par A. Siganos.

La deuxième partie du travail, qui prend en charge l'analyse textuelle, est également constituée de deux chapitres. Le premier chapitre analyse les thèmes qui se dégagent du bestiaire baudelairien : le thème de l'identification, de la peur devant la fuite du temps et devant la mort, et le thème de la fuite.

Le deuxième chapitre propose une analyse des différentes images animales identifiées dans le premier chapitre.

Première partie :

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery