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Le développement des compétences dans un dispositif hybride de formation, selon les approches praxéologique et située des compétences

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par Jean-Paul Droz
Université de Rouen - Master 2 sciences de l'éducation, ingénierie et conseil en formation 2008
  

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2.2 LA COMPÉTENCE DANS LE CHAMP DE LA FORMATION

2.2.1 L'APPROCHE PRAXÉOLOGIQUE DE LA COMPÉTENCE

2.2.1.1 LA COMPÉTENCE COMME OUTIL PRAXÉOLOGIQUE

Pierre Gillet (Gillet, 1998) s'inscrit dans le débat sur la légitimité de l'importation, dans le domaine de la formation, d'un concept issu de la psycholinguistique avec Chomsky (1969). Ce dernier oppose la compétence linguistique - assimilable à un système intériorisé de règles de productions langagières - à la performance, actualisation de la compétence dans une situation de communication. Sans renier l'invariant jugé utile dans les sciences de l'éducation d'une « inférence de l'extérieur vers l'intérieur, du visible à l'invisible, et surtout de la perception d'un virtuel, d'un possible et l'effectif» (Gillet, 1998, p. 25), Pierre Gillet veut défendre l'autonomie d'un langage de la formation, un langage outil en ce qu'il « émerge des pratiques, divergentes, innovantes, dont les acteurs tentent la rationalisation» (ibidem, p. 28). Le champ épistémologique du langage outil est praxéologique: le savoir qui s'y développe est un savoir de l'action, un savoir de la « praxis ».

Selon Gillet, dans la formation et l'éducation, le concept de compétence a peu à peu organisé autour de lui « le réseau conceptuel du domaine où il est opérant : connaissance, comportement, indicateur » (ibidem, p. 28). Trois traits le caractérisent :

a) la compétence identifiée comme un ensemble de connaissances et de savoirs;

b) la compétence  orientée vers l'action;

c) la compétence en situation, pour résoudre des situations problèmes.

Gillet focalise son attention sur le versant praxéologique de la compétence, sans renier son versant interne relevant de la psychologie, hors de propos selon l'auteur. Prendre le parti du versant praxéologique c'est se situer par rapport à des situations et des problèmes. Des compétences, ce sont des connaissances conceptuelles et procédurales mobilisées et organisées afin de résoudre des problèmes. Définir une compétence relève ici d'une formalisation et d'une objectivation de savoirs activés dans une situation.

La praxéologie, terme inventé par St-Arnaud et Lhotellier, est issue de la théorie du praticien réflexif de Schön. Elle est « une démarche construite... d'autonomisation et de conscientisation de l'agir » (Laperrière, 2005). En d'autres termes, elle vise à rendre l'action consciente, autonome et efficace. Dans ce paradigme, l'action est la source de la connaissance ; un dialogue constant s'engage entre le savoir et l'action.

La praxéologie fournit des outils pratiques pour amener des personnes en situation professionnelle ou en formation à réfléchir « dans » et « sur » leur action.

Elle est entendue comme « une démarche construite (visée, processus, méthode) d'autonomisation et de conscientisation de l'agir dans son histoire, dans ses pratiques quotidiennes, dans ses processus de changement et dans le mesure de ses conséquences» (Roucoules, 2004).

S'instaure un « dialogue continuel entre le praticien et les événements de sa pratique professionnelle » (ibidem), favorisant l'objectivation et la formalisation des savoirs mis en oeuvre dans des contextes d'action. Selon Fournier, la praxéologie offre un accès à l'activité « par des entretiens médiés et réflexifs d'un praticien expérimenté sur des récits... d'épisodes professionnels » (Fournier, 2004, p. 750). Le praticien est ainsi amené à expliciter et à prendre conscience des dimensions de son action en vue d'être plus efficace et aussi pour « apprendre à apprendre à partir de connaissances mobilisées dans la pratique plutôt qu'en fonction de théories professées » (ibidem).

2.2.1.2 PRAXÉOLOGIE ET RÉFLEXIVITÉ

Donald Schön se profile comme une référence dans le courant de l'approche praxéologique. Le titre de l'un de ses ouvrages « Le praticien réflexif. A la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel » (Schön, 1994) annonce le programme de cette approche.

Celle-ci s'inscrit en opposition - ou en complément - à la tradition de la science appliquée, dont les méthodes et les techniques ne s'accordent pas à la complexité et à l'instabilité des situations rencontrées notamment dans les champs de l'éducation, de l'enseignement et de la formation. Aussi Schön introduit-il le concept de « science action » pour expliquer la « pratique réflexive ». Son dessein est de développer une épistémologie du savoir tacite révélé par l'acte professionnel. « La réflexion en cours d'action peut ainsi être rigoureuse et relier l'art de la pratique dans les cas de singularité à l'art déployé en recherche par le scientifique » (Schön, 1994, p. 98).

La science action veut aider le praticien à mettre à jour le savoir à l'oeuvre dans son action, à découvrir la théorie tacite pratiquée, pour accroître l'efficacité de ses interventions et développer un modèle d'intervention sur mesure (St-Arnaud, 2001). En même temps que de se construire une légitimité dans le champ scientifique, l'approche praxéologique veut permettre aux praticiens de s'engager dans une démarche d'autoperfectionnement, de mieux prendre conscience de leur identité et de se réinventer comme professionnels.

L'agir professionnel recèle un savoir-faire tacite incorporé aux postures et aux agissements de professionnels en action. Ce savoir caché peut difficilement en situation être décrit et objectivé. Il possède différentes propriétés:

- mû par son expertise, le professionnel pose des actes, entreprend des actions et évalue les situations de façon spontanée la plupart du temps;

- il est souvent incapable de décrire le savoir mis en oeuvre dans son action (Schön, 1994).

L'acte professionnel n'est pas le produit d'un pur automatisme. Il est issu « d'un jugement professionnel, d'une décision qui résultent d'une réflexion dans l'action » (Perrenoud, 2001).

En vue d'être conscientisé et objectivé, ce savoir nécessite une opération de mise à jour rendue possible par une démarche délibérée de recherche que le praticien réflexif apprend à développer. La réflexivité se décompose en deux mouvements complémentaires s'alimentant l'un l'autre, et contribuant à leur enrichissement et leur capitalisation mutuels : la réflexion en cours d'action et la réflexion sur l'action.

Un extrait d'un roman de Philippe Labro, « Frantz et Clara » (Labro, 2006), cité dans le cadre d'un séminaire5(*) illustre l'approche réflexive:

« A un moment de la soirée qui suit un concert, que ce soit un solo, un duo, un quatuor (...) elle a besoin de s'isoler pour passer mentalement en revue les moindres déroulements de son jeu. (...). C'est un peu le système des skieurs de haut niveau avant une course : les yeux fermés, ils mémorisent chaque virage et chaque bosse, chaque pente, et, de leurs deux mains, miment le parcours dangereux qu'ils vont entamer. Clara procède de la même façon mais, si l'on peut dire, après la course » (Labro, 2006, p.123).

La posture réflexive adoptée ici, la réflexion sur l'action, revient à revivre mentalement l'expérience vécue pour en cerner les éléments prégnants et identifier ce qui a contribué au succès ou à l'échec de l'expérience. C'est une sorte de débriefing que l'on opère avec soi-même. La réflexion « tend à se concentrer de façon interactive sur les résultats de l'action, sur l'action et sur le savoir intuitif implicite dans l'action » (Schön, 1994. p. 84).

Une conversation réflexive s'initie entre le praticien et la situation pour comprendre et restructurer les éléments de la situation, pour expliciter et actualiser les savoirs mobilisés dans la situation. Ce qui constituera une nouvelle expérience dont la capitalisation amènera ultérieurement un traitement plus efficace d'une même classe de situations.

La réflexion sur l'action amène le praticien à adopter une posture réflexive dans l'action. L'inverse est aussi vrai puisque la réflexion en cours d'action laisse en suspens des questions difficilement traitables immédiatement, qu'il sera possible d'aborder ultérieurement « à froid ». Encore convient-il de préciser que la réflexion en cours d'action n'est pas de celle qui paralyse l'action, mais plutôt de celle qui régule l'action et engage le praticien dans une activité de recherche. Certaines caractéristiques d'une situation favorisent le déclenchement d'une démarche de recherche, comme des moments de « forte présence », des moments « évolutifs » (De Cock, 2007), par une conversation réflexive avec la situation, dans une critique en temps réel de l'immédiat, dans une appréciation de la pertinence des savoirs intuitifs déployés pour traiter la situation. L'effet de surprise tend elle aussi à provoquer l'attitude réflexive, par exemple « si une exécution intuitive provoque des surprises, qu'elles soient agréables, prometteuses ou mauvaises, on pourra réagir en réfléchissant en cours d'action » (Schön, 1994, p. 84).

La réflexion sur l'action est une activité de recherche dans un contexte pratique, qui ne dépend pas des catégories issues de théories scientifiques déjà données. Elle est compatible avec toute situation institutionnelle ou non de formation car elle permet au praticien d'induire et construire une nouvelle théorie à partir de ses expériences particulières pour améliorer sa pratique (Schön, 1994).

* 5 « Les pratiques réflexives », conférence d'Armelle Balas-Chanel, 6 mars 2008, Besançon

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon