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La théorie des cycles dans la controverse entre Keynes et Hayek

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par Ousmane Thiané DIOP
Paul Cezanne Aix en Provence - Master II Philosophie Economique 2007
  

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    UNIVERSITE PAUL CEZANNE AIX-MARSEILLE III

    FACULTÉ D'ÉCONOMIE APPLIQUÉE

    Groupement de Recherche en Economie Quantitative d'Aix Marseille

    (GREQAM)

    La théorie des cycles dans la controverse entre Keynes et Hayek

    Mémoire de Master Recherche en Philosophie Economique

    Présenté par Ousmane Thiané Diop

    John Maynard Keynes Friedrich A. von Hayek

    Pragmatism versus High minded reflections

    Directeur de Recherche Année 2006/2007

    Professeur Jean Magnan de Bornier

    Remerciements

    Si je devais énumérer la liste de tous ceux qui ont contribué directement ou indirectement à la rédaction de ce présent travail, je ne pourrais m'empêcher de citer l'ensemble du corps professoral et administratif du GREQAM. Les enseignements ont été de très grande qualité tandis que l'ambiance au sein de la classe a été à la fois studieuse et très agréable : je suis fier d'avoir été dans cette promotion.

    Toutefois, je ne pourrai m'empêcher de souligner le nom de celui envers qui je considère avoir contracter une dette morale, à savoir le Professeur Jean Magnan de Bornier. Je considère avoir fait auprès de vous « un stage en HPE » tandis que vos conseils m'ont permis de ne pas m'éloigner de l'essentiel. Je vous remercie pour votre disponibilité et les corrections que vous avez apportées tout au long de ce travail. Cependant, je demeure l'unique responsable des erreurs et inconsistances contenues dans ce présent document.

    Mention spéciale à Gomez Rebeca pour sa confiance ainsi que sa générosité. Ses documents ont été d'un apport précieux.

    Cordialement,

    OTD

    Aix, le 28/08/07

    INTRODUCTION GENERALE

    La plupart des controverses1(*) qui agitent la science économique reposent sur des conceptions différentes de la réalité économique.

    Par le substantif « controverse », nous comprenons le rapport divergent et contradictoire entre les pensées de plusieurs auteurs chez lesquels il n'est émis aucun doute sur leurs remarquables qualités d'esprit parce qu'ayant suscité l'adhésion2(*) d'une brochette d'intellectuels estampillés par des académies de renommée planétaire, soit sous forme de citations, de références, de développements, de critiques, de contestation, d'admiration, de prolongements...et si ,au moins, la pensée de l'un d'entre eux est totalement corroborée par les faits, les autres auront , selon la sobre mais non moins dense formule de Tylor3(*), «pris par erreur des rapports idéaux pour des rapports réels »4(*) ou, serions nous plus concis et clairs en nous servant de la formule de Freud,  « remplacé les lois de la nature par les lois de leurs propres psychismes » ; une telle adhésion atteignant son paroxysme dans la publication de revues spécialisées et la mise en place d'écoles traditionnelles pour transmettre les dernières connaissances...Nous pouvons aussi dire qu'ils ont été aveuglés par leurs préjugés. Ainsi leurs errements proviennent moins de lacunes analytiques que d'une perception erronée5(*) ou très pauvre du processus au bout duquel s'enchevêtrent les phénomènes élémentaires avant de donner naissance à un redoutable imbroglio...

    Il est stupéfiant, déroutant voire décourageant pour un jeune chercheur d'apprendre que pour répondre à des questions qui souvent semblent être à sa portée, de vieux routiers aussi compétents les uns les autres se sont placés à des points de vue extrêmement variés et ont exprimé des opinions entre lesquelles les divergences sont souvent considérables et parfois ahurissantes. En effet, l'enseignement des premières heures, le plus souvent,s'applique à dissimuler tout d'abord aux étudiants les difficultés,les lacunes et les imperfections de la science enseignée6(*).

    Certainement, si l'on parvient à pénétrer la nature des notions de base de chaque auteur ainsi que leur impact dans les différentes phases d'évolution de leur système, l'on serait plus édifié, plus à même de comprendre comment on en est arrivé à ce qui au premier contact semble être une aberration. Ce qui importe lorsqu'on s'intéresse à un système théorique, c'est de connaître avant tout les fondements, les théories essentielles qu'aucun initié de bonne foi ne peut nier, les hypothèses fécondes pour les générations futures, la méthodologie adoptée, les constructions provisoires qui, soit s'écroulent ou se fortifient devant une sérieuse mise à l'épreuve et celles qui ne peuvent être acceptées qu'avec hésitation ou réserves. Il n'en sera pas autrement pour ceux qui nous occupent.

    Qu'avaient ils comme objectifs ?

    Le but de leur travail est celui de la science en général. Ils ont voulu comprendre les phénomènes, les rattacher les uns aux autres par des rapports particulièrement significatifs en projetant une vive lumière sur ce qui jadis fut une énigme7(*) et, en dernier lieu, élargir autant que possible la puissance humaine à leur égard. Il s'agit d'étudier la société dans sa dimension économique et d'aider l'homme à comprendre ses forces grâce à la théorie8(*) qui aura pour objet de rechercher les voies permettant de faire correspondre et concilier l'activité subjective des hommes avec les lois objectives de la nature. Ils adhérent tous à l'assertion selon laquelle après avoir expliqué ce qui explicable, il ne reste plus qu'à modifier ce qui est modifiable9(*) et à apprendre à vivre avec ce qui ne l'est pas encore.

    En effet, l'essence de l'activité cognitive humaine est de comprendre les phénomènes du réel afin d'y avoir prise, c'est-à-dire de les influencer à dessein.

    Notre objectif à nous est de comprendre, grâce aux diverses lectures d'auteurs d'horizons divers, et de saisir, grâce à une analyse que nous voudrions personnelle, en quoi consiste la différence de principe entre eux sur ce point essentiel qu'est la théorie des cycles. Ce ne sera pas d'essayer de découvrir une conception de l'économie qui consisterait à laisser tomber les nuances, les détails tout en s'efforçant d'atteindre l'ensemble. Au contraire, nous essaierons de déceler les moindres nuances qui les distinguent et qui constituent l'expression de leur originalité tout en n'éludant nullement les approches ou conclusions communes ou proches...

    Il est à craindre que certaines parties de ce travail ne soient ni claires ni consistantes et parsemées de répétition pour des raisons pédagogiques et surtout d'erreurs. Mais, pourrions nous compter sur une indulgence légitime car il n'est pas aisé de parcourir la pensée de ces auteurs aussi profonds que multidimensionnels et à plus forte raison de pouvoir les comprendre afin d'en déceler les nuances et leurs origines.

    Ainsi allons nous écouter avec un vif et neutre10(*) intérêt et une attention d'autant plus suivie ce que chacun d'entre eux tient à nous dire sur sa manière de concevoir l'économie, dont il nous promet de faire l'exploration jusqu'aux racines dernières. Pour cette raison, ce travail vaut les efforts qu'il exige de nous.

    La première pomme de discorde entre ces auteurs est sans conteste la crise des années 30. Il s'agit d'une grave crise sans précédent qui secoua l'Amérique avant de se propager dans le reste des pays à économie de marché par le biais d'une surproduction accompagnée d'un niveau de chômage d'une très grande acuité. Seuls les pays à économie planifiée n'étaient pas touchés. Toutefois cette crise qui semblait avoir sonné le glas du capitalisme diffère des autres par le fait que Marx avait, dans son oeuvre maîtresse le Capital, envisagé un pareil scénario. Il disait que l'économie de marché, compte tenu de l'aliénation d'une partie du travail de l'ouvrier par son employeur et de la baisse tendancielle du taux de profit, devait connaître des difficultés dans l'écoulement des produits pour cause d'insuffisance de la consommation.

    L'économie de marché venait ainsi de séjourner dans une zone que ni les néoclassiques et encore moins les classiques n'avaient crû possible, laissant les décideurs politiques dans l'obscurité totale face à une situation qui présageait d'une probable révolution.

    Pour beaucoup d'observateurs sociaux, la solution semblait être sans doute dans la socialisation des moyens de production et une politique équitable de distribution des revenus devant interdire toute forme d'aliénation.

    Seulement, il ne fallait pas négliger la patience et la persévérance d'auteurs tels que Keynes et Hayek. A eux deux, chacun de son coté, ils constituent probablement les ingénieurs qui ont démontré la viabilité des fondements de la libre entreprise après que Marx ait conclu à son aspect château de cartes.

    Pour Keynes, la crise est due à un effondrement de l'investissement et compte tenu de la psychologie des individus et du fait que l'économie n'est pas douée de mécanismes spontanés permettant un retour à l'équilibre, cette situation peut se maintenir indéfiniment. Ainsi seule une intervention de l'Etat, par une politique budgétaire expansionniste de préférence, pourrait relancer l'économie et la mener vers le sentier du plein emploi.

    L'évolution de la réalité économique a été préjudiciable à la pensée de Keynes ; la stagflation et l'échec des politiques interventionnistes de croissance l'ont mis au ban des accusés et ont injecté une plus grande pertinence à ses théories alternatives...

    Les thèses développées par Hayek prennent le contre-pied de celles de Keynes, tant sur le plan du diagnostic que sur celui de la cure pour sortir de la crise et résorber le chômage. (Dostaler, 2003)

    Au sens de Friedrich A V Hayek, la crise des années 30 est due à la politique d'argent facile mise en oeuvre aux USA dans les années 20 ;ce qui eut pour conséquences un mal investissement et une structure économique très inadaptée. Dans sa théorie des cycles économiques, il montre comment l'excès de crédit qui conduit à ce qu'il qualifie d'épargne forcée entre dans le circuit économique en constituant un faux signal dont la prise en compte fait aboutir à des erreurs graves. Ses propositions thérapeutiques11(*) sont de laisser l'économie prendre le temps qu'il faut pour étaler ses dimensions de fossoyeur en purgeant toutes les activités parasites et rétablir une structure pouvant s'entretenir à elle toute seule sans la moindre ingérence publique qu'il qualifie de très nocive.

    Pour Hayek, l'épargne préalable est indispensable pour rendre un investissement viable alors que pour Keynes, il faut oeuvrer à ce que l'investissement soit émancipé de l'épargne et devenir la variable motrice du revenu. Cela posera le problème du mal investissement12(*) que Hayek pointe du doigt comme la principale conséquence des politiques monétaires expansionnistes avec comme corollaire l'inflation.

    Globalement, il existe assez de divergences notoires dans leurs analyses et perceptions pour qualifier de controverse, duel ou opposition radicale le rapport qui les lie.

    Et dés lors, qui a raison entre eux deux ou de façon moins spécifique entre les deux camps : celui des libéraux et celui des interventionnistes ? A qui revient la palme ? Chaque camp estime avoir été plébiscité par l'histoire et les récents faits économiques de grande envergure sans négliger les courants de « transhumance » au sein d'une profession qui réclame auprès des autres le sacrement scientifique.

    Allons nous suivre l'exemple de Pâris, dernier héritier du trône de Troie qui fut choisi pour décerner la pomme d'or mentionnée « à la plus belle », lancée par Eris entre Héra, Aphrodite et Athéna ? Rappelons qu'il choisit de la remettre à Aphrodite sous la promesse de la plus belle femme au monde, Hélène. 

    Certainement pas ! Nous ne procéderons pas hélas à un jugement13(*) aussi possible que cela sera. Tel qu'énoncé par Bachelard, l'histoire, dans son principe, est en effet hostile à tout jugement normatif. Et cependant, il faut bien se placer à un point de vue normatif, si l'on veut juger de l'efficacité d'une pensée...

    Globalement, l'objet de cette étude ne s'inscrit point dans une logique manichéenne. Nous la préférons à celle de Schumpeter qui nous conseille de chercher à savoir en quoi une analyse, peu importe l'idéologie à laquelle elle est rattachée, peut enrichir notre boite à outils d'économiste.

    Et c'est d'ailleurs en suivant une autre logique à laquelle il convie les économistes qu'un tel sujet sur l'Histoire de la Pensée Economique et sa critique a suscité de l'intérêt pour nous.

    En effet, dans son oeuvre encyclopédique Histoire de l'analyse économique, tome I, page 26 « les avantages que nous pouvons espérer d'une telle entreprise se répartissent en trois rubriques : avantages pédagogiques, idées nouvelles et aperçus sur les démarches de l'esprit humain. » et il développera l'intérêt de la seconde rubrique dans la page suivante en ces termes : « notre esprit est susceptible de tirer une inspiration nouvelles de l'étude de l'histoire des sciences. Si certains en bénéficient plus que d'autres, il n'y a sans doute guère de gens qui n'en tirent absolument pas profit. Paresseux doit être l'esprit qui, s'écartant des travaux de son temps et considérant les vastes massifs de la pensée des siècles révolus, n'éprouve pas un élargissement de son propre horizon. »

    Freud, quant à lui, nous dit : une analyse est incapable d'élucider l'actuel sans le ramener à un passé qui, sans avoir les mêmes caractéristiques que ce qui est à démystifier, ne lui imprime pas moins son cachet actuel.

    En effet, l'histoire est un fondement pour le présent14(*) ; ainsi pour comprendre la pensée économique contemporaine, s'il en existe une, une référence à l'HPE15(*) semble être une contrainte.

    Par ailleurs, une autre incitation à une telle exploration nous provient de Mark Blaug. Ce dernier, dans Economic Theory in retrospect, 1962, s'énonce en ces termes : « l'histoire de l'économie montre que les économistes sont portés comme tout le monde à prendre des vessies pour des lanternes et à prétendre détenir la vérité alors que tout ce qu'ils ont se ramène à une série compliquée de définition ou de jugement de valeurs déguisés en règles scientifiques. Il n'y a pas d'autres moyens de s'en rendre compte que d'étudier l'histoire de l'économie. »

    C'est à cette tache que nous voudrions nous mobiliser : comprendre la pensée de chaque auteur, sa conception de la monnaie et ses liens avec l'activité productive, les variables déterminants du niveau de l'emploi, l'impact des politiques monétaires, le rôle du taux d'intérêt, les notions de prix, de marché, d'Etat...et les mettre en relation. Toutefois, une mention spéciale sera réservée à leurs divergences et convergences de vue sur la théorie des cycles.

    Pour cela, nous traiterons ce sujet en trois parties :

    -La première se consacrera à exposer la vie, l'oeuvre16(*) et les points clefs des pensées philosophiques des deux protagonistes ainsi que la place de la rationalité dans ce débat.

    - La deuxième cherchera à établir l'arrière plan de la controverse qui nous intéresse. Elle portera donc sur leurs conceptions du capital, de l'intérêt, de la relation épargne investissement tandis que la troisième se focalisera sur l'objet de ce travail, à savoir mettre à nu les divergences et convergences de vue en ce qui concerne le cycle économique.

    Sommaire

    Chapitre I

    Biographie et bibliographie

    Philosophies économiques

    La place de la rationalité

    Epistémologie

    . Méthodologie

    . Science sociale ou science naturelle

    Normatif Positif

    Les statistiques

    Chapitre II

    Epargne, et investissement

    Taux d'intérêt 

    Théorie autrichienne du capital

    Le mécanisme des prix

    Théorie des cycles

    Aspects généraux

    Causes des cycles 

    Mécanismes des cycles

    Critique de la théorie de Hayek

    Intérêt des cycles chez Keynes

    Conclusion.

    CHAPITRE I

    Philosophie générale de Hayek et de Keynes

    Section I : BIOGRAPHIE DE Keynes

    De biographie, certainement celle qu'en a fait Caldwell sur Hayek et qualifiée par le Professeur Bornier d'une « probable nouvelle catégorie en histoire de la pensée » aurait pu nous inspirer17(*). Cependant, faute de l'avoir assez tôt lue, nous sommes resté dans ce qui ce faisait traditionnellement.

    John Maynard Keynes est né à Cambridge le 05 juin 1883, l'année de la mort de Marx et de la naissance de Schumpeter, dans une famille de la moyenne bourgeoisie18(*) intellectuelle. Son père John Neville Keynes (1852-1949) accomplira une carrière honorable comme professeur de logique et d'économie à Cambridge et sa mère Florence Ada Brown sera la première femme maire de Cambridge en 1932. L'on rapporte que très tôt il était chercheur en herbe. A quatre ans et demi, il portait un intérêt fécond à la notion d'intérêt et qu'à 6 ans, ce qui est assez rare même chez des personnes adultes, son goût pour la psychologie se manifestait dans ses questions sur le fonctionnement de son cerveau. Peut être qu'il serait judicieux de percevoir dans son enthousiasme aux écrits de Freud l'accomplissement d'un désir ardent qui prit naissance très tôt.

    Il fut initié au latin et au grec des neuf ans et en ces périodes son esprit matheux ne passait plus inaperçu. Cette initiation aux sèves nourricières de la langue de Shakespeare est probablement l'engrais qui fertilisa son anglais, faisant de ses écrits un régal aussi bien pour les natifs que pour les étrangers. Son parcours scolaire fut celui d'un cours d'eau sur une pente descendante, c'est-à-dire sans entrave. A sept ans il entra dans Perse School avant d'intégrer Eton Collège où il fit figure de leader remportant en 1899 et 1900 les prix aussi bien en maths qu'en histoire et anglais. 1902, il est reçu au King's Collège où il se consacre aux maths jusqu'en 1905 avant d'aller servir l'Etat britannique à l'Indian Office. Ses services pour le compte des affaires pratiques de l'Etat Britannique et son immersion dans le monde académique ont fait de son oeuvre un dialogue constant entre théorie et pratique avec une prééminence de la seconde sur la première. Il n'est pas un socialiste ou un partisan pour une intervention a outrance de l'Etat ; il n'est pas pour autant un libéral dogmatique. Sa manière de voir l'économie traduit un pragmatisme que sa longue et riche carrière dans les affaires publiques ont dû lui permettre d'aiguiser. Il doit être un adherant de «Action rather than high minded thinking.»

    Il prit part aux activités mondaines du groupe londonien Bloomsbury formé par de jeunes intellectuels, peintre, écrivains, philosophes qui se veulent anticonformistes, rebelles et moralement et sexuellement libérés.

    A cette époque, Keynes est influencé par les écrits de George Edward Moore et Edmund Burke. C'est en 1905 qu'il s'intéresse vraiment à l'économie en suivant les cours d'Alfred Marshall, l'un des amis de son père qui pensait avoir déjà clôturé l'économie de marché grâce à son concept d'équilibre partiel. Pour Marshall, cette ligne de raisonnement n'était pas susceptible d'amélioration. Keynes serait un autodidacte en économie qui n'aurait pris que près de 8 semaines de cours théorique. Le reste, il l'aurait acquis sur le terrain19(*). Il reçut des cours particuliers de Pigou et lisait Jevons avec enthousiasme.

    En 1908, de retour de Bombay où il servit au bureau des affaires indiennes pendant deux ans, Keynes obtint un poste d'assistant à Cambridge ; ce qui lui permit de terminer sa thèse sur la probabilité tout en donnant des cours sur la monnaie.

    En 1911, il crée l'Economic Journal et publie en 1913, Indian Currency and Finance, ouvrage dans lequel il s'oppose vertement au projet d'étendre l'étalon or à l'Inde. Au début de la première guerre,malgré son goût pour la paix,il est nommé au trésor où il s'occupe essentiellement des relations financières entre alliés, activité qui lui permit de découvrir comment spéculer sur les devises. Il participe aux négociations du Traité de Versailles, une expérience qui lui permit d'écrire les Conséquences économiques de la paix en 1919, oeuvre dans laquelle il fustigeait la volonté des alliés à vouloir faire payer à l'Allemagne les dommages qu'ils ont subis. Aux dires de certains, cet ouvrage constituait une excuse préalable et un argument de taille à Hitler.

    1920, presque ruiné, il est soutenu par un providentiel financier à l'image du soutien d'Engels à Marx. Puis, il parvint à se constituer une fortune qui lui permit de financer l'Arts Théâtre de Cambridge inauguré le mois de la publication de la Théorie Générale en février 1936.

    Dans les années 20, il livre un combat contre le retour à tout prix à la parité du livre d'avant guerre en stipulant qu'il est pire, dans un monde appauvri de causer du chômage que de duper les rentiers. En 1925, la politique déflationniste est enclenchée et il répliqua par l'article intitulé « Les conséquences économiques de Mr Churchill (celui-ci étant alors le chancelier de l'échiquier) ». La suite des événements lui donnera raison puisque cette politique engendra un chômage élevé et dut être abandonnée.

    En 1928, Keynes participa à la rédaction du programme économique du Parti Libéral dont les fondements étaient plutôt interventionnistes. Il anima une conférence intitulée La fin du laisser faire dont l'objectif essentiel était de réfléchir sur les moyens d'affranchir l'investissement de l'épargne préalable. Il y réfléchit plus tard avec Robertson qui, déjà, faisait la distinction entre épargne placée et épargne thésaurisée. Ils conclurent qu'une création monétaire équivalente au montant thésaurisée ne serait pas inflationniste. Mais, si toutefois le crédit bancaire excédait ce montant, l'inflation apparaîtrait.

    En 1932, il intitule son cours théorie monétaire de la production montrant sa rupture avec la notion de neutralité de la monnaie. Il découvre chez Malthus, le concept de demande effective et les prémisses de la préférence pour la liquidité.

    En 1936, au terme d'un long processus intellectuel, il publie la théorie générale avec des articles compléments en 1937et 1939.En 1940, il publie How to pay the war et à partir de 1943, il commence à préparer avec Harry White ce qui deviendra la conférence de Bretton Woods en 1944. Le 21 Avril 1946, il mourut en 1946 et contre sa volonté, ses cendres ne seront pas conservées à Cambridge.

    Les oeuvres de Keynes

    -Indian Currency and Finance 1913

    -Les conséquences économiques de la paix 1919

    -A treatise on probability 1921

    -A tract on monetary reform 1923

    -Monetary reform 1924

    -The gold standard act, 1925

    -Les conséquences économiques de Mr Churchill 1925

    -Les analyses de la crise de 1929

    -Treatise on money 1930

    -Théorie Générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie 1936

    Section II : Biographie de Hayek

    Frederich Hayek est né en 1899 à Vienne. Il fera des études en droit (diplômé en 1921), en Sciences Politiques et s'adonnait à la psychologie avec enthousiasme. Il portera un intérêt à d'autres disciplines telles que l'économie, la philosophie. Deuxième génération de l'école autrichienne avec Mises, Hayek fut marqué par Carl Menger (1840-1921), par Eugène Von Bohm Bawerk et Von Wieser qui fut son maître à penser malgré le fait que ce dernier n'était pas un ardent défenseur de la cause libérale. C'est auprès de ce Wieser que Hayek trouvait paix et pleine satisfaction, ainsi que la personne qu'il put respecter et prendre pour modèle tandis que Mises qu'il connut plus tard l'honora de son amitié et lui soumettait des sujets économiques que Hayek fut capable de traiter à sa satisfaction et de prolonger de façon autonome, souvent 20(*)indépendamment de lui... Hayek est un pur produit de l'école de Vienne. Probablement, il représente la synthèse de tout ce qu'elle a produit de meilleur. Le Professeur Bornier, rendant compte sur l'ouvrage de Bruce Caldwell consacrée à une biographie intellectuelle de Hayek en fait allusion en présentant la première partie : « Cette première partie constitue une introduction précieuse aux idées autrichiennes et aux débats auxquels ont participé les pères fondateurs de l'école, c'est-à-dire non seulement Carl Menger mais aussi ses élèves Boehm Bawerk et Wieser, puis la troisième génération, celle de Schumpeter (un apostat selon Caldwell- qu'on ne contredira pas sur ce point) et Mises. Elle ne contient pas d'innovations spectaculaires mais situe de manière très adéquate le terrain sur lequel l'esprit de Hayek va se former. »

    Les sources principales de documentation pour les travaux de Hayek en économie furent les oeuvres de Mandeville, de Mises, de Boehm Bawerk ,Wieser, Menger qui furent une mine de théories et de points de vue aussi précieux les uns que les autres. Meme Sraffa lui reconnaît cette vertu: « Dr Hayek himself, in an excellent introductory lecture, in which he traces in the history of thought the source of his own doctrine, is a model of clearness. [1932, p.42]

    D'ailleurs c'est sur la recommandation de Wieser que Hayek sera embauché par Mises dans un organisme gouvernemental. Il le convaincra de se rallier à la philosophie libérale de l'école de Vienne. Ensemble, ils publieront la théorie des marchés en affirmant que le socialisme ne pouvait pas perdurer car les planificateurs se sont privés du système d'information.

    Dans cette même période, vers les années 1923-4, il se rendit aux Etats-Unis d'où il revint s'inquiétant du fait que la phase d'expansion et de stabilité des prix ne peut perdurer et qu'une crise naîtrait de la politique d'argent facile.

    Il s'opposera à Keynes à travers une correspondance à laquelle ce dernier mit fin en convoquant la nécessité de se focaliser sur l'essentiel, c'est-à-dire user de son temps pour affiner ses théories... Dans le journal de la London School of Economics, il dit : la pensée de Keynes a pour principal défaut d'éliminer systématiquement la prise en compte des multiples interrelations de prix que constitue le monde réel Un autre dira :«Hayek disagreed with Keynes on both theory and policy. But it was Keynes's methodological approach; specifically his use of aggregates, that Hayek came to view in retrospect as being his opponent's most dangerous contribution. (...) Aggregates mask the movement of relative prices, and relative price movements are the central foci of Austrian theory» (Caldwell 1995, p. 42-43).

    D'origine autrichienne, il est nommé en 1931 Professeur à la London School of Economics (LES) après la série de conférence qui fut à l'origine de Prix et Production. Pour certains analystes, la venue de Hayek à la LSE avait pour objet de contrebalancer l'influence de Keynes. En 1938, il obtient la nationalité anglaise. Tout à fait fidèle au caractère dispersé de ces premières années d'étude, Hayek maintenait cette tradition à concentrer ses recherches dans tous les domaines de la réalité sociale. A ce propos, il indiquait : « Personne ne saurait être un grand économiste en étant seulement économiste et je suis même tenté d'ajouter qu'un économiste qui n'est qu'économiste peut devenir une gêne si ce n'est un danger. »

    Cette tendance devint institution et il devait être assez rare très certainement que l'humanité affronte des problèmes majeurs pour lesquels Hayek ne pouvait proposer une solution digne d'attention. C'est ainsi qu'il proposa une théorie de l'evolution culturelle, une théorie sur la justice distributive, une philosophie politique, des considérations épistémologiques, méthodologiques... Steele fera le commentaire suivant: In the postwar decades, Hayek's work in political theory, jurisprudence and liberal philosophy broadened his economics into a rich social theory of human action, and he took time to expose the dangers that he believes are inherent in the enlargement of the state activity to the detriment of liberalism.»

    Tandis que le Professeur Bornier renchérira en ces termes:« D'économiste praticien, spécialiste de la conjoncture, il devient avec des travaux de méthodologie et de philosophie morale un touche à tout des sciences sociales21(*). »

    Personne prestigieuse, mais aussi solitaire à l'époque dans ses efforts de défendre l'ordre spontané malgré l'absence de conditions favorables à l'écho de ses écrits, Hayek mit en bandoulière sa dimension extrémiste en poursuivant ses analyses et en y reniant le moindre iota jusqu'à ce que l'échec des politiques keynésiennes au milieu des années 70 n'exhumassent l'esprit critique aussi bien des académiciens que des praticiens des affaires de l'Etat. Une maxime venait d'être vérifié. Freud au début du XXeme siècle alors que sa pensée était source de méfiance disait : « il est inutile qu'une science ayant quelque chose à offrir recherche auditeurs et partisans. Ses résultats doivent parler pour elle, et elle peut attendre qu'ils aient fini par forcer l'attention. » .

    Toutefois, dans ce débat, Keynes en sortit momentanément vainqueur car la Théorie Générale fut un véritable succès et Hayek qui regrette de ne l'avoir pas critiqué sombra dans l'oubli. C'est ainsi qu'il justifia cet état de fait : « Mes idées pouvaient difficilement être acceptées tant par les hommes politiques que par leurs conseillers puisqu'elles conduisaient à dénoncer le caractère pernicieux de toute politique de management monétaire ou budgétaire. À l'inverse, les théories de Keynes avaient pour principal attrait de promettre un nouvel âge d'or dont l'artisan serait l'économiste. »

    Après la mort de Keynes en 1946, une année plus tard, il créa en Suisse la Société Mont Pèlerin qui est à bien des égards assimilable à un gendarme du libéralisme. Cette société compta parmi ses membres plusieurs lauréats du prix Nobel d'économie tels Gary Becker, James Buchanan,George Stigler...En 1974, Hayek reçut à Stockholm le prix Nobel d'économie en même temps que le suédois Myrdal22(*) et mourut en 1992.

    Oeuvres

    Price and production 1931

    Monetary theory and the trade 1933

    Economics and knowledge 1937

    Road of serfdom 1944

    The use of knowledge in society 1948

    Individualism and economic order 1948

    The sensory order 1952

    The constitution of liberty 1960

    Competition as a discovery procedure 1978

    Law, Legislation and liberty 1973

    Denationalisation of money 1976

    The fatal conceit 1988

    Section III : Contexte de la controverse

    On se souvient à peine du temps où les nouvelles théories de Hayek étaient les principales rivales de celles de Keynes. A qui fallait il donner raison, à Hayek ou à Keynes ?

    Hicks, 1967, p. 203

    La controverse entre Keynes et Hayek est certainement l'une des preuves que la science économique reste une science sociale, par opposition aux sciences naturelles dans lesquelles toute divergence de vue est en sursis ; grâce à des expérimentations plus poussées ou des théories ultérieures plus raffinées, l'on parvient facilement à dire non seulement laquelle des vues est fallacieuse au moins mais en quoi l'une des théorie au moins s'était égarée si ce n'est les deux.

    Pour le débat Keynes Hayek, il existe toujours des partisans farouches à chaque vision. Au sens de Shackle (1967), cette controverse eut lieu dans le contexte des « années de haute théorie », période pendant laquelle le noyau de la science économique moderne s'est constituée grâce à la contribution d'auteurs tels que Schumpeter, Keynes, Hayek, Mises, Friedman.... ; pour certains auteurs l'arrivée de Hayek à la London School of Economics s'inscrit dans la volonté de Robbins de constituer un obstacle aux idées de Keynes contenues dans Treatise on Money et qui, pendant cette période, dominait la pensée économique en grande Bretagne ; le Treatise de décembre 1930 qui globalement prône une intervention monétaire afin de permettre à la classe des producteurs de disposer des ressources  nécessaires à leurs activités et à la modernisation du système de production en vue de plus d'emplois de richesse moyennant un peu plus d'inflation, a eu comme réponse les quatre conférences prononcées par Hayek en février 1931 à LSE avant d'être réunies sous la forme d'un ouvrage intitulé Prix et Production en septembre 1931. Ces écrits prennent pour une large part le contre-pied des thèses développées par Keynes dans le Treatise. Selon Hayek les politiques keynésiennes ne produisent leurs effets escomptés qu'à court terme avant de révéler leur totale impuissance. Elles sont dangereuses et irresponsables.

    Il fut chargé par Robbins de passer en revue le Treatise afin d'en montrer l'inconsistance. En résumé, il lui reprochait d'avoir élaboré une théorie macroéconomique sans fondement microéconomique, l'absence d'une théorie du capital, la non élucidation du rôle du taux d'intérêt dans la relation entre épargne et investissement et le recours aux agrégats : «  in particular Hayek's critic of Keynes capital theory implies that Keynes' framework in the treatise is totally without micro foundations since it focuses on the functional relation between aggregates. (Zouache, 2005, p5)

    En février 1932 une autre partie de la critique fut publiée. Keynes dut à son tour chargé Piero Sraffa de procéder à la critique de Prix et Production dont lui-même fit le commentaire suivant : « il s'agit de l'un des plus effroyables embrouillaminis que je n'ai jamais lus, contenant rarement un proposition sensée au delà de la page 45. C'est un exemple extraordinaire de la manière dont, partant d'une erreur, un logicien impitoyable peut se retrouver à Bedlam23(*) (Keynes, 1971-1989, vol 13, p. 154)24(*)

    Hayek, en plus des reproches qu'il fit à Keynes sur l'usage d'agrégats incapables d'établir des liens entre eux, avait pointé du doigt le caractère difficile et obscur de son exposé, l'emploi inconsistant de plusieurs expressions, la faiblesse de l'argumentation ainsi qu'une maîtrise imparfaite de la théorie économique que l'on pouvait identifier dans la négligence du rôle du capital et de l'intérêt. Keynes répondit en soutenant : « Hayek n'a pas lu mon livre avec la bonne volonté qu'un auteur est en droit d'attendre d'un lecteur. il y'a dans ses écrits une dimension passionnelle qui l'a conduit à s'en prendre à moi, sans qu'il me soit possible d'en déterminer l'origine. » 1973, vol 13, p 243

    La critique de Sraffa fut assez virulente. S'il reconnaît à Hayek le mérite d'avoir mis l'accent sur l'impact d'une impulsion monétaire sur les prix relatifs et non sur le niveau général des prix comme c'était de tradition, il ne lui attribue par ailleurs aucune autre innovation et lui reproche d'avoir pris en compte une monnaie émasculée qui ne remplirait que la fonction d'instrument d'échange sans réserve de valeur. A son avis Hayek n'a fait qu'alimenter la confusion générale autour de ce sujet.

    Hayek et Keynes entretiennent une correspondance de décembre 1931 à mars 1932 (Zouache 2003). Cette correspondance où chacun essayait de convaincre l'autre des fondements légitimes de sa théorie ainsi que des errements de la sienne prit fin sous l'impulsion de Keynes qui prétexta préférer se consacrer à affiner ses théories.

    Comment se fait il que deux auteurs avec autant de partisans aient pu s'opposer avec autant de netteté ? Ceci a fait l'objet de diverses interprétations. Tieben l'attribue à une sorte de tour de Babel où chaque auteur aurait son propre vocabulaire. Steele considère que la différence de principe est plutôt philosophique alors que Dostaler en trouve les fondements sur le plan éthique et politique. (Zouache, 2003)

    Toutefois une théorie, par opposition à une politique a pour objet de décrire une réalité objective. Il est compréhensible qu'ils aient des propositions de politiques économiques différentes du fait de leurs préférences philosophiques, éthiques ou politiques. Cependant, la description d'une réalité objective ne doit pas être influencée par les passions ou la foi mais uniquement par la raison.

    Section IV : Philosophie Economique

    Comme le diront Leroux et Marciano en citant Walliser, la philosophie économique doit participer à l'intelligence de l'économie sans être une philosophie appliquée à l'économie et encore moins une économie à prétention philosophique. Dans une autre mesure, en suivant Rabelais lorsqu'il énonçait « science sans conscience n'est que ruine de l'âme, il serait peut être intéressant de soutenir que la philosophie joue ce rôle de conscience des sciences en ce qu'elle pousse les hommes à faire usage de leurs découvertes dans le sens du progrès social et du bien être de l'humanité. Cependant cela nous permet il de comprendre comment se fait il que les deux auteurs les plus célèbres en économie aient pu avoir des positions aussi differentes ?

    Même s'il apparaît parfois, lorsqu'on fait abstraction des différences de terminologies, d'observer des similarités dans leurs analyses, il n'en demeure pas moins qu'ils s'opposent sur ce qui peut être compris comme le noyau de leurs pensées. Fait assez étrange pour une discipline scientifique, ils semblent ne pas analyser le même objet et pourtant ils sont contemporains et ont en vue les mêmes pays à savoir l'Angleterre et les Etats-Unis. Hayek semble se trouver dans une économie qui connaît des rigidités dans l'offre tandis que Keynes conçoit que les économie occidentales ayant bénéficié des apports qualitatifs de la révolution industrielle ont des capacités de production jusque là jamais exploitées au plus haut point.

    A) Philosophie économique de Keynes

    La pensée de Keynes, surtout après la publication de la théorie générale est souvent qualifiée de révolutionnaire en ce qu'elle ne se soumettait plus à la tradition néoclassique qui s'était emparée de l'économie des deux cotés de l'atlantique

    Il s'insurgea contre cette vision du fonctionnement de l'économie en faisant comprendre que les mécanismes de marché ne fonctionnaient pas à merveille25(*) tandis que le raisonnement microéconomique ne permettait pas de saisir la totalité de la réalité économique. Ainsi, dut il recourir à la macroéconomie, à l'usage d'agrégats, tout en professant une autre forme d'ajustement à savoir par les quantités et non par les prix comme il est de rigueur chez les néoclassiques.

    Selon Axel Leijonhufvud, « Keynes's analysis departs from the postulate of the classical doctrine on only one point: there is no auctioneer to elicit and to disseminate a set of equilibrium prices.» Ainsi Keynes récuse tout l'arsenal walrassien et laisse entrevoir la possibilité d'un équilibre de sous emploi. Etant donné que rien n'assure de l'existence d'un commissaire priseur pour que les prix soient optimaux et permettre l'égalité offre demande, l'économie peut ne pas fonctionner à plein régime et ce, pendant une durée assez longue.

    La pensée économique de Keynes est liée à un ensemble de propositions philosophiques centrées autour des quatre thèmes suivants :

    1 La monnaie se différencie radicalement des autres actifs.

    2 Le traitement du temps et l'incertitude en reconnaissant d'une part l'irréversibilité intrinsèque des décisions économiques dans une économie monétaire où les contrats sont essentiels et, d'autre part, l'impossibilité de réduire des anticipations à des équivalents probabilistes.

    3 Le refus de présenter le marché à l'image de la théorie classique qui stipule qu'il existe des mécanismes d'ajustement spontanés.

    4 Le salaire n'est plus présenté comme un prix du travail mais comme un rapport social particulier à l'image du marxisme.

    En conclusion, le processus d'échange monétaire de la force de travail constitue avec la préférence pour la liquidité et la fonction d'investissement les ingrédients essentiels de la détermination des grandeurs économiques du système capitaliste.

    Pour Axel Leijonhufvud, la théorie keynésienne doit être considérée comme une théorie générale du déséquilibre, c'est-à-dire de l'échec fréquent des mécanismes d'ajustement spontanés par le marché26(*). A ses yeux, la théorie de Keynes traite du coût et de l'imperfection de l'information, de la lenteur des ajustements de prix et du rôle des ajustements par les quantités. Elle attribue le sous emploi des ressources non pas à la rigidité des prix (taux d'intérêt, salaires...) mais à l'incertitude inhérente à toute spéculation sur l'avenir. Les facteurs psychologiques sont en définitive les variables explicatives ultimes sur lesquelles repose la détermination de la production et de l'emploi.

    Pour Michael Stewart, dans son oeuvre « Keynes, 1967 »

    L'oeuvre de Keynes se veut d'être une contribution scientifique en vue d'un monde meilleur duquel seraient bannis chômage et misère. Il était persuadé que l'on pouvait venir à bout de ces sinistres en leur appliquant une pensée claire suivie d'une action énergique. Elle est centrée autour de deux questions :

    1) Quelles sont les failles de la l'orthodoxie en vigueur ?

    2) Comment est il possible qu'une économie puisse demeurer durablement engluée au point le plus bas du cycle avec un niveau de chômage insupportable et comment renverser la tendance ?

    Sa réponse fut une analyse macroéconomique27(*) de courte période avec le budget de l'Etat en tant qu'instrument de sortie de crise ; le long terme n'est pas pris en compte car son essentiel était de projeter une lumière sur les facteurs qui déterminent le niveau global de la production, de l'emploi... pour une échéance immédiate ou d'une année.

    Janine Bremond dira, le thème central de l'ouvrage est l'analyse des causes du chômage et des moyens d'y remédier. Elle remet en cause la pensée alors dominante et présente une vision alternative de la réalité économique dans son ensemble.

    Pour Joan Robinson, Keynes a balayé les confusions verbales des néoclassiques en établissant nettement la distinction entre le taux de profit28(*) et le taux d'intérêt, c'est-à-dire entre le rendement de l'investissement réel allant aux entrepreneurs et le coût de l'emprunt qui influence le rendement des placements anciens perçus par les rentiers.

    Cependant, il n'essaya pas de construire une théorie du taux d'intérêt en longue période. Son raisonnement était limité à une situation de courte période. Quand il laissait son imagination jouer avec les problèmes de long terme, ses conceptions devenaient plus obscures. Il ne distinguait presque pas l'entrepreneur du rentier. Son analyse de prévision à long terme est consacrée à la bourse plutôt qu'à l'accumulation des moyens de production alors que dans la courte période, son objectif est d'informé sur le lien entre niveau de la demande, la production et l'emploi.

    Ses idées n'étaient pas toujours nettes, précises et cohérentes et son raisonnement dans certaines épreuves de la théorie générale n'était pas du tout faciles à suivre. Il arrivait à ses collaborateurs de reprendre quelques de ses analyses pour les corriger ou les affiner. C'est ainsi que Keynes affirmant qu'une baisse du taux d'intérêt selon les anticipations aurait un effet bénéfique sur le taux d'investissement, fut affiné par Kalecki29(*) : «  quand les anticipations de profit sont données, un financement plus facile et moins cher peut encourager les plans d'investissement qui doivent être réalisés dans un futur immédiat. »

    Ainsi, Keynes est à la recherche d'un monde meilleur en s'appuyant à la fois sur l'ordre spontané, c'est-à-dire sur le marché jusqu'à révélation de ses défaillances et un rationalisme constructiviste avec une intervention de l'Etat à dessein. Par contre Hayek préfère laisser l'ordre spontané sévir et advienne que pourra car aucun autre mécanisme ne donnera meilleur résultat: toute tentative de construction aura des conséquences désastreuses. Ils reprochent à Keynes une certaine naïveté intellectuelle qui consiste à croire qu'une fois la théorie découverte, sa mise en oeuvre par des économistes désintéressés ne poserait pas problème. La livraison de l'école de Virginie constitue certainement une forme vivante de leur intuition.

    Pour Steele, il existe un socle commun aux deux auteurs en ce qui concerne le rejet de la pensée classique, l'impertinence de la théorie quantitative ainsi que l'absence de mécanismes auto correcteurs des perturbations dans l'économie en l'absence de structures institutionnelles appropriées.

    Au sens de Steele, le rapport entre les visions de Hayek et de Keynes est caractérisé par une certaine ambivalence, à la fois des éléments en commun tandis que sur d'autres points, l'opposition est ouverte. Chacun d'eux est auteur d'une pensée originale en économie issue d'une prise en compte du temps et de la monnaie dans un environnement caractérisé par l'incertitude et le rôle fondamental de la monnaie qui rend les analyses issues du troc totalement caduques. Ils font front commun pour dire que l'économie classique n'offre pas les rudiments nécessaires à la bonne intelligence de l'économie de marché. Ainsi la loi de Say et son corollaire à savoir la théorie quantitative contiennent des simplifications liées à une non maîtrise du rôle joué par la monnaie. Toutefois, il demeure une opposition radicale sur le fonctionnement du marché que Hayek considère comme parfait alors que Keynes lui trouve des défaillances intrinsèques ; le rôle de l'Etat : perturbateur pour l'un et salvateur pour l'autre. Steele en pale en ces termes « Keynes counters the view of the contemporary political establishment that government can do little to moderate the manifest evils of high unemployment. Hayek counters on intellectual presumption that rational social planning can't achieve an economic efficiency to surpass the achievements of the market process.» P.28

    B) Philosophie économique de Hayek

    Le fondement de la pensée économique de Hayek est lié à la division de la connaissance qui finit par se prolonger vers une division du travail. Il considère que les informations dont les individus ont besoin pour prendre une décision optimale sont égarées au sein de l'économie et il n'existe aucun autre organisme susceptible d'assurer une meilleure coordination que le marché.

    Pour cela, il est utile de réunir les conditions pour qu'une compétition (pas de redistribution, ni de crédit non préalablement épargné) puisse pousser tout un chacun à être responsable et donner le meilleur de lui-même, d'autant plus que les fruits de sa labeur devront lui être restitués au plus haut point pour ne pas dire intégralement... Dans cette optique il est aisé de comprendre que Hayek refuse la possibilité d'octroyer à quelques uns un pouvoir d'achat énorme sur la base d'un décret32(*) et qui, en plus, entraîne un effritement, une érosion de la capacité d'acquisition de ceux qui l'ont obtenu par la sueur et le sacrifice. Et même en prenant en compte la compensation de l'inflation par le taux d'intérêt rémunérateur ,ce qui semble très gênant pour lui c'est ce surplus d'inflation causé par l'excès de crédit par rapport à l'épargne préalablement constituée et cela compensé par un taux d'intérêt inférieur à celui qui devait être exigé s'il n'existait pas de création monétaire pour octroyer des crédits au delà de ce que les forces réelles de l'économie auraient permis. A Proudhon qui s'insurgeait en faisant entendre que la « la propriété est un vol », Hayek aurait pu dire « une portion du surplus générée par l'entrepreneur qui bénéficia des crédits fantaisistes, parce que purement autoritaire, est la seule propriété qui soit un vol».

    Pour Nadeau, la philosophie sociale de Hayek ainsi que sa théorie économique reposent sur dix éléments :

    1) Rôle indispensable du cadre juridique dans l'économie de marché

    2) supériorité de la démocratie individuelle sur toute autre forme d'organisation historique.

    3) Nécessité d'une Loi fondamentale au dessus de tous

    4) Le tout marché

    5) L'inefficience de l'action publique et sa tendance à se généraliser

    6) Illusion du calcul socialiste

    7) Nécessité de promouvoir la division du travail

    8) Sacralité de la propriété privée

    9) Prééminence de la procédure sur un résultat improbable

    10) La morale individualiste33(*) est le méme le plus puissant qu'une culture puisse imiter.

    Il défendra avec vigueur deux points essentiels : le quatrième et le cinquième.

    - Le primat impérieux du marché

    Pour Hayek, le marché n'est pas seulement un lieu anonyme où s'échangent des biens et des services, ni un mécanisme statique de répartition des pénuries ; mais, simultanément et de façon inséparable, un instrument dynamique de mobilisation, de production et de diffusion des informations et connaissances nécessaires à la régulation des sociétés complexes.

    C'est donc un cadre conceptuel de référence en continuelle transformation, dont la fonction est de fournir des informations sur la possibilité de réalisation des exigences et attentes subjectives. Les informations qu'il fournit font l'objet d'un usage volontaire de la part des individus qui y participent quand ils se trouvent dans la condition de pouvoir échanger des biens rares dans une situation de liberté réciproque.

    A son sens, le terme capitalisme devrait être remplacé par celui d'ordre spontané. Il s'agit d'un ordre caractérisé par le fait que les individus peuvent coopérer sans se connaître ou avoir besoin de faire connaissance. Ils ont juste besoin comme moyen de communication de se référer au prix, élément essentiel pour la survie de cet ordre.

    Cet ordre n'est pas le fruit d'une quelconque volonté, aussi conquérante soit elle. Il est l'expression logique d'une évolution qui va à l'encontre de la nature immédiate de l'homme qui a dû être prise en charge pour une civilisation dont les effets ne sont pas évidents, lui octroyant une certaine fragilité. Pour Menger,il correspond à un rapprochement progressif de l'essence des phénomènes sociaux34(*) et des lois qui les règlent.

    Tout progrès futur exige que les personnes se soumettent « aux forces impersonnelles du marché », dont le système des prix est le concentré, le précipité le plus parfait. Ce système des prix doit servir de référence absolue à l'activité sociale, économique et politique. Pour lui, la non soumission aux forces impersonnelles du marché conduit à des situations non optimales.

    Il dira qu'il n'y a pas de compréhension rationnelle possible du système dans son ensemble qui est toujours « quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre pleinement ».

    Ce thème de l'impossibilité d'une compréhension causale du fonctionnement du capitalisme sera méthodiquement développé par Von Hayek au cours des années 50 à 80. Dans son ouvrage de synthèse contre les idées socialistes, il écrit : « La création de richesse... ne peut être expliquée par un enchaînement de causes et d'effets ». Ainsi sont disqualifiées toutes les autres conceptions historico économiques et sont donc condamnées toutes les tentatives d'engager un changement de société. Ces dernières s'assimilent, en effet, à des entreprises d'apprentis sorciers, puisqu'elles s'effectuent sur un système dont on ne peut saisir rationnellement la complexité ; la main est non seulement invisible mais elle demeure imprévisible. Toutefois en lui laissant une totale liberté d'action sans la moindre interférence, elle sera plus à même de procéder à la béatification de tout ce qui relève de son autorité. Il n'y aurait pas d'autres moyens plus efficaces que le laisser-faire dans la mise en place d'un système économique optimal35(*).

    L'analyse économique de Hayek semble avoir pour finalité la mise en place de mécanismes grâce auxquels chaque facteur ou bien s'orientera sans entrave vers les endroits où il sera le plus profitable à la société.

    - L'impératif moral du marché et le refus de l'intervention de l'Etat

    Au sens de Hayek, les individus n'ont pas le choix quant à la nécessité de se soumettre à l'évaluation impersonnelle du marché et aucune notion de justice ne doit être prise en compte. « Certaines mesures sacrifient l'efficacité, sujet sur lequel les économistes ont quelques lumières, à l'équité, notion sur laquelle les économistes sont plongés dans les ténèbres. » Pour Hayek, la prise en compte de l'équité est la racine de toutes les dérives en économies. Par contre, les keynésiens y souscrivent à travers les politiques de distributions des revenus, l'euthanasie du rentier...

    Cette attitude de Hayek est plus perceptible par la place modeste qu'il accorde, Menger de même, à l'éthique dans le processus catallactique. Hayek nous dit : les motivations éthiques sont mises en place avant que l'action ne soit entamée. Cependant, rien n'exige à ce que les résultats, même en partie, ne soient déterminés par les intentions du début. Le marché, en tant que lieu anonyme d'échanges d'attentes et d'exigences subjectives, tend à récompenser sans parti pris, les buts les plus à même de contribuer à l'épanouissement subjectif des participants et à purger ceux jugés subjectivement néfastes. Il est donc un processus d'apprentissage35(*), de sélection et de découverte, qui évalue les attentes non pas en fonction de celui qui les formule mais de celui qui les satisfait.

    Hayek justifie le laisser faire en s'appuyant principalement sur une analyse des mécanismes de l'information. En situation d'information imparfaite seul le marché est capable d'une adaptation efficace, il ne faut rien faire qui modifie le libre jeu de l'ordre spontané. La meilleure politique économique est celle qui conduit à établir la concurrence pure et parfaite ou tout au moins à s'en rapprocher le plus possible.

    Par ailleurs, une prise en compte de l'éthique qui se matérialiserait dans une justice distributive irait nécessairement avec une extension des fonctions de l'Etat pour atteindre ces droits non naturels. Hayek, farouche opposant de l'interventionnisme, considère que toute politique active de la puissance publique se fait au détriment de la liberté nécessaire au bon fonctionnement du processus d'échange et a des chances d'aboutir à une forme de totalitarisme36(*). L'économie de marché risque d'être sapée dans ses fondements par une intervention systématique de l'Etat car elle perturbe l'information transmise par le marché et elle provoque une dynamique d'accroissement continuel de la place de l'Etat (La politique du Desperado, Hayek) Ainsi, la loi ne sera plus un instrument pour protéger les anticipations légitimes des individus mais un produit législatif pour justifier une pratique néfaste. Pour Hayek, l'objet de l'Etat ne doit pas être de se substituer au marché mais de lui assurer un cadre légal adéquat pour son bon fonctionnement. Ainsi s'exprime t'il : Le rôle de la loi ne doit pas être confondu avec l'art de légiférer et de gouverner ; l'objectif de la loi n'est pas d'organiser les actions individuelles afin de concourir à la poursuite d'un but ou d'un objet commun ; mais de définir ou codifier un cadre abstrait de règles et morales collectives dont la finalité nécessairement anonyme est de protéger la liberté d'action des individus et des groupes autant contre l'arbitraire de tout pouvoir organisé (même celui d'une majorité démocratiquement élue) que contre les empiétements des autres. 

    C) La place de la rationalité dans cette controverse

    La rationalité occupe une place centrale dans les comportements économiques et dans les discours économiques qui visent à rendre compte de ces comportements. L'économie néoclassique dont le principe de base, rejeté par Keynes et Hayek, est l'utilitarisme retient la rationalité comme l'hypothèse de base de sa théorie économique. Cette théorie soutient que les individus, au moment d'agir procèdent à un calcul benthamien. Dans leur compréhension des choses économiques, tous deux soutiennent que les individus ne disposent pas de toutes les informations nécessaires pour faire ce type de calcul. Hayek considère qu'ils sont soumis à une ignorance qui défie toutes prédiction quant au résultat des actions entreprises alors que Keynes convoque le concept d'incertitude qui entraîne les mêmes conséquences que l'ignorance de Hayek. Ils prétendent donc l'absence de garantie par rapport aux conséquences des décisions prises. Toutefois, tandis que Hayek se focalise sur l'action, la procédure, laissant de coté toute spéculation sur ses probables conséquences à l'image d'un fataliste qui laisserait entre les mains de la divinité tout ce qui relève de l'avenir, Keynes s'occupe en premier des résultats à atteindre (plus de richesse, moins de chômage..) avant de se demander ce qu'il faudrait comme moyens pour y parvenir. Il connaît la destination à laquelle il veut parvenir et se demande comment y arriver alors que Hayek considère qu'il existe un certain nombre de règles à respecter. Et une fois que ce sera fait, le résultat obtenu pourrait être meilleur que celui auquel on s'attendait.

    Malgré les décisions à prendre dans l'obscurité totale (ignorance) chez Hayek ou dans la semi obscurité (incertitude) chez Keynes, les individus, sont ils guidés par la rationalité ou leurs instincts ?

    Pour Steele, human action is rational if the actor has a coherent explanation for the choice that is made over the options that are rejected.» P.41 Grill nous dira, un choix ne peut être rationnel que s'il repose sur un raisonnement approprié alors que Kast et Lapied, en partant d'un critère en cohérence avec les préférences des agents, diront « Décider rationnellement, c'est choisir une décision qui optimise le critère. (Kast et Lapied 2004, p.26).

    Elle s'oppose aux actes instinctifs et aux décisions arbitraires. Aux sens de Max Weber, le progrès des sociétés occidentales est associé à une application du principe de rationalité dans tous les domaines de la réalité humaine ; elle constitue la pierre angulaire de la science.

    Keynes et son opposant, unanimes sur l'impertinence de l'homo oeconomicus (rationnel au sens de Von Neumann et Morgenstern et ne souciant que de ses propres intérêts), considèrent que la rationalité tient moins à l'individu qu'à la situation dans laquelle ce dernier prend sa décision même si elle est communément acceptée comme un attribut psychologique. Il s'agit d'une rationalité stratégique car l'agent doit prendre en compte l'interférence occasionnée par les stratégies mises en oeuvres par les autres.

    Pour un auteur comme Mises, en accord avec Lionel Robbins lorsqu'il définit l'économie comme la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens à usages alternatifs, « l'agir humain est nécessairement toujours rationnel ».

    Malgré qu'il considère l'esprit d'entreprise et l'initiative privée susceptible d'engager l'économie dans le sentier de l'expansion, Keynes reconnaît l'existence de circonstances pour lesquelles l'attitude des individus est plutôt dictée par des instincts que par la rationalité. C'est ainsi qu'il prône l'intervention de l'Etat pour se substituer aux individus lorsqu'ils sont guidés par leurs esprits animaux. Pour Hayek par contre, l'économie est composée d'une source d'actions individuelles, désagrégées, atomisées et reliées entre elles par l'assimilation d'une information imparfaite difficilement fournies par le marché ; ce dernier constituant l'unique procédure valable d'agrégation et sert de mécanisme de coordination optimal. La perspective de Hayek n'est pas totalement indépendante de celle de Keynes par l'accent qu'elle met sur l'incertitude dans la détermination du comportement. Elle s'en éloigne cependant, par le fait qu'elle reste purement individualiste. La rationalité à laquelle ils adhérent est de type procédurale en ce qu'elle intègre une information imparfaite afin d'obtenir non plus nécessairement le résultat optimal des néoclassiques mais un des résultats parmi les meilleurs possibles. A la rationalité parfaite des marginalistes (environnement pertinent et connaissance à volonté), ils opposent une rationalité limitée (environnement complexe et informations imparfaites).

    De nos jours, rares sont les économistes qui seraient prêts à défendre la perfection de la rationalité chez les décideurs ; il est probable que nul ne soit rationnel en toute circonstance et en permanence.

    Section V : Epistémologie

    A- méthodologie

    « La méthodologie économique interroge sur la démarche cognitive de l'économiste dans l'optique de savoir ce qu'il lui est possible de connaître, comment s'y prendre pour acquérir ce savoir théorique, et quels procédés de validation l'économiste peut mettre en oeuvre pour garantir la justesse de ses perspectives et le bien fondés des ses raisonnements et la véracité de ses conclusions. »

    Pour Blaug, la méthodologie: « n'est pas seulement un mot savant pour désigner méthodes de recherches mais une étude de la relation entre les concepts théoriques et les conclusions s'appliquant au monde réel ; notamment, elle est cette branche de l'économie où l'on examine la façon dont les économistes justifient leurs théories et les raisons invoquées pour préférer une théorie à une autre. Elle est à la fois une discipline descriptive, voici ce que fait la plupart des économistes et une discipline normative » voici ce que les économistes devraient faire pour faire progresser leur science » (1994, pVI).

    De ce qui précède, nous retenons que la méthodologie est un examen critique de la théorie économique en vue de tester sa cohérence interne en tant que système et sa cohérence externe ou conformité à la réalité en tant qu'instrument de mesure.

    Peut être sommes nous confirmés par Blaug lui-même lorsqu'il poursuit, en affirmant « les théories économiques doivent à un moment donné se confronter à la réalité qui est le seul arbitre final de la vérité37(*). »

    Donc pour qu'une théorie soit acceptable, il faudrait des preuves ; cela se comprend aisément lorsqu'on sait que pour le russe, langue à la fois poétique et analytique, donc très nuancée, le terme vérité se dit PRAVDA ; ce qui nous pousse à envisager, de façon spéculative certes, à une communion entre les termes preuve et vérité et à conclure que la vérité est toujours concrète.

    Pour Hayek, il n'est de théorie valable sans projection sur la réalité. L'objet de la théorie est d'expliquer un phénomène en se focalisant sur ce qu'il a d'essentiel et une fois cette étape franchie, il doit ressortir de ses explications des anticipations sur l'evolution de ce phénomène : « Explantations and prédictions are two aspects of the same process. » (Steele: Hayek, 1967, p.9) Steele dira sur ce sujet pour le paraphraser: «  a set of theory is applied to sensory perceptions to an insight into what is likely to have caused them (explanations)38(*) and what is likely to follow them (predictions) [Steele,1996,p.76]

    Hayek fait ainsi appel aux prédictions pour valoriser une théorie. Cependant, il ne leur accorde pas de veto: une théorie peut rester valable lorsque les conditions numériques ou autres de predictions ne sont pas réunies: « The advance of science will have to proceed in two differents directions: while it is certainly desirable to make our theories as falsfiable as possible, we must also push forward in fields where, as we advance, the degree of falsfiability necessarily decreases. This is the price we have to have to pay for an advance into field of complex phenomena (Hayek, 1967,p.29): ceci constitue un bémol à Popper.

    Par contre, l'analyse économique de Keynes est une tentative de mise à nu des mécanismes de l'économie de marché en énonçant ses lois. Pour cela il fait usage des statistiques depuis les deux économies les plus avancées de son époque (USA, UK) tout en ne négligeant pas des observations recueillies sur d'autres pays comme la France, l'Italie...

    Il soutient une économétrie empiriste et le recours à la comptabilité nationale. Son objectif est d'expliquer, de prédire et de prescrire en instaurant un dialogue fécond entre la théorie économique et les statistiques qu'il considère comme un outil pédagogique.

    Ils s'intéresseront de prés aux questions méthodologiques et essentiellement sur deux points. Le premier est sur les conditions de validité de la théorie économique tandis que le second me parait tourner autour de la différence entre sciences naturelles et sciences sociales afin de mieux positionner l'économie à l'intérieur des sciences.

    B) Science naturelle ou science sociale

    Pour Hayek, il existe une différence de fond entre sciences naturelles et sciences sociales à telle enseigne qu'il est impossible qu'une même et unique approche puisse être féconde de part et d'autre. A son sens, les sciences naturelles s'occupent de rapports entre choses tout à fait stables (phénomènes simples) tandis que les sciences sociales sont plutôt portées sur des relations circonstancielles (phénomènes complexes)39(*).

    Il qualifie de scientisme cette démarche impérialiste des physiciens, naturalistes, biologistes... à vouloir étendre aveuglément leurs méthodes aux sciences sociales tandis que Keynes, pour des raisons similaires, s'insurge à propos de l'analyse de Jevons sur les prix : « The jevonian's conception would have been intellectually delightful and of great scientific convenience if it had been based on a true analysis. It's one of the several quasi-mathematical economic conceptions, borrowed by analogy from physical sciences, which seemed likely to be so fruitful when they first devised fifty or sixty years ago, but which have had to be discarded on further reflection, in whole or part.» P.78 PTM

    Pour Keynes, l'économie ne dépasse pas les frontières d'une science sociale. Cela se perçoit dans ses références au concept de conventions, de coutumes, d'état de confiance, des critiques qu'il profère à l'endroit des ressortissants des sciences naturelles qui voudraient appliquer les mêmes méthodes en économie40(*).

    Toutefois, pour le premier, l'exactitude est une question de logique alors que pour le second, c'est plus une question de faits dûment attestés par des chiffres. Hayek pense que les économistes préfèrent une théorie douteuse de qualité inférieure mais se confirmant par les statistiques à une théorie imperméable aux chiffres mais très adéquate.

    Pour Murray Rothbard, les sciences économiques ne doivent pas être considérées comme scientifique de par cet effort stérile de mathématisation mais surtout grâce à l'applicabilité de la logique déductive41(*). Il considère que la théorie jouit d'une autonomie vis-à-vis des faits tandis que les statistiques ne constituent pas une preuve mais juste une illustration sans laquelle une théorie reste soutenable.

    C) Les limites entre normatif-positif

    Keynes et Hayek semblent s'opposer sur l'identité des lois de l'économique. Pour Keynes, le fonctionnement de l'économie est appréhensible par le bon sens et les lois qui la gouvernent n'ont rien de mystiques d'autant plus que le témoignage des chiffres reste infaillible. Hayek en parle dans Reflexion on the pure theory of capital en ces termes : « Most of the conclusions seem to harmonise with what seems to the man in the street to be the dictates of common sense.»

    A l'opposé, pour Hayek, où tout au moins dans sa manière de les décrire, les lois économiques ne se rendent pas facilement. Tinbergen lui fit la remarque en 1942 en ces termes : comment défendre une théorie du cycle qui soit aussi éloignée de l'observation des faits ?

    Si les lois énoncées par Hayek sont vérifiées, elles confirment l'assertion de Bachelard selon laquelle « toute objectivité dûment vérifiée dément le premier contact ». Leur découverte serait le fruit d'un dur labeur intellectuel dont les instruments sont la logique et une bonne capacité d'analyse de l'actualité et de l'histoire économique.

    Par contre, Keynes ne considère pas que la compréhension de l'économie nécessite un « high minded reflexion » pour appréhender l'essence de ces lois contrairement à Hayek qui semble, quant à lui, surtout en ce qui concerne sa théories des cycles42(*) , ne pas se limiter aux premières impressions que livrent les donnes immédiates de l'observation.

    Hayek, de par l'originalité de ses analyses, est de ceux qui pensent que l'économie s'apparente à un iceberg dont la partie immergée constitue les lois et donc ne s'expriment pas dans ce qui est apparent ; afin de percer ses mystères, il faut une immersion....

    Par ailleurs, en le suivant, on dispose de beaucoup de mal pour identifier les limites de l'analyse positive et celles de l'analyse normative. Hayek reconnaîtra ces difficultés sans nier l'existence de différences fondamentales entre les deux. Même si l'analyse doit rester la plus objective possible afin de mettre à la disposition des hommes les lois de la vie en société, il n'en demeure pas moins que les convictions constituent souvent une toile de fond des auteurs en sciences sociales. Hayek en parlera en ces termes : « Il me semble que c'est un devoir évident du chercheur en science sociale de poser certaines questions qui, du simple fait qu'elles sont soulevées, semble impliquer une prise de position politique. » Pour Dostaler, Hayek dans son livre The Fatal conceit, a donné les raisons ethico-politiques sur lesquelles reposaient sa théorie des cycles et son opposition au keynésianisme. Il dira la réponse aux questions posées à la science économique ne peuvent pas être la seule affaire de la raison. Les jugements de valeur y ont leur place car ces questions pratiques relèvent de la conception de la vie de chacun.

    Raymond Barre, dans sa préface de l'ouvrage d'Histoire de l'Analyse Economique de Schumpeter aborde le même problème dans les termes suivants : « l'étude des phénomènes économiques n'est elle pas conditionnée par les intérêts que l'économiste peut trouver dans les problèmes qu'il étudie ou par les attitudes qu'il prend à l'égard de ces problèmes ? Il est le produit d'un certain environnement social déterminé ; il a une certaine position au sein de cet environnement. N'est il pas ainsi conduit à voir certaines choses plutôt que d'autres et à les voir dans un éclairage déterminé ?

    Pour Mme Robinson, « il n'est pas difficile de fabriquer des théories à partir d'un ensemble d'hypothèses. La difficulté est de trouver les hypothèses qui aient un rapport avec la réalité ; théorie et réalité devant avoir le même contenu essentiel. Ils doivent être établis sans déviation idéologique afin de répondre aux exigences de cohérence et de pertinence ; leur objet étant d'aider au traitement de problèmes réels, ils doivent tenir compte de la manière dont l'économie fonctionne en faisant des analyses concrètes sur des situations concrètes. En effet, l'objet de la théorie est de servir de fil d'Ariane pour explorer le dédale que constitue la pratique lorsqu'elle devient complexe.

    D) Les statistiques

    Pour Hayek, la méthode statistique ne permet pas une correcte appréhension de la catallaxie. Elle recourt aux agrégats et ceux-ci ne permettent en aucun cas de savoir en quoi la structure productive sera modifiée par le biais d'une evolution des prix relatifs. Ainsi, les statistiques ne servent qu'a donner des indications supplémentaires mais ne peuvent en aucun cas permettre la confirmation ou la contestation d'une théorie. Sa méthode est purement déductive en ce qu'elle part d'hypothèses et par le recours à la logique procéder à des analyses souvent hors du commun, au même titre que ces conclusions et propositions. Une analyste dira : Sa position méthodologique se résume en ce que c'est dangereux de dériver des propositions théoriques des résultats de recherche statistiques ou même de chercher le fondement théorique dans l'expérience. Pour Hayek, on ne saurait déduire une explication à partir d'un raisonnement statistique43(*). »

    Hayek lui-même dira: « Statistics can never prove or disprove a theoretical explanation; they can only present problems or offer fields for theoretical research. (MT-TC, p. 232)

    Even as a means of verification, the statistical examination of the cycles has only a very limited value for Trade Cycle theory. » MT-TC, p.32

    « ni les agrégats, ni les moyennes n'interagissent, et il ne sera jamais possible d'établir des relations systématiques entre eux » PP p62.

    A son sens c'est uniquement avec les phénomènes individuels que l'on y parvient. Il nie aux agrégats toute capacité à constituer un lien sensé dans une analyse qui se veut scientifique. Ainsi les principales raisons pour lesquelles Hayek prend ses distances vis-à-vis de la théorie quantitative sont de nature épistémologique. « Nous devons notre compréhension des phénomènes économiques quelles qu'en soient les limites à cette méthode individualiste. »

    Par contre, les statistiques sont une composante essentielle sans laquelle l'oeuvre de Keynes ne serait qu'un fatras de spéculations. Et s'il existe un gain qu'il a pu tirer de sa formation de mathématicien pour graver son originalité en économie, c'est certainement dans l'usage des statistiques sans pour autant tomber dans la séduction de l'arsenal de l'économétrie verificationniste. Keynes rejette cette approche44(*) souvent défendue par les ressortissants des sciences expérimentales (Frisch, Tinbergen...). Celle-ci cherche à tester la validité des théories économiques le plus objectivement possible sans en privilégier une à priori. Ce qui importe, c'est leur aptitude à expliquer la réalité économique et surtout permettre de faire des prédictions en matière de politique économique.

    E) Analogie du débat liberaux-interventionnistes à celui entre partisans de l'hypnose et ceux de la psychanalyse

    A bien des égards, le débat entre interventionnistes et libéraux est analogue à celui entre partisans de la psychanalyse et ceux de l'hypnose.

    L'hypnose est un procédé thérapeutique par lequel un agent extérieur intervient dans le psychisme d'un individu, souvent sans avoir pris le temps nécessaire pour en maîtriser les contours, afin de supprimer les symptômes morbides manifestés par cet individu. Cependant, les causes de ces symptômes restent ignorés et entièrement dans la vie souterraine du psychisme du patient ; l'action de l'hypnose consiste d'ailleurs à cacher les causes des symptômes et non à les faire disparaître... Elle est purement cosmétique et pour une raison ou une autre, le problème ressurgit avec une violence et une virulence plus accrues pouvant mener à une névrose ou une crise aigue. C'est à ses échecs que nous devons la naissance de la psychanalyse dont l'instrument de base est la libre association, spontanée par essence.

    Pour ce qui concerne la psychanalyse,le principal acteur est le patient lui-même incité dans sa démarche de sortie ou de prévention de crise par un individu beaucoup plus expérimenté qui n'est ni un berger et encore moins un guide ; et qui ne cesse d'apprendre. Il profère des conseils45(*) en cas de réel besoin et oeuvre pour mettre en place un cadre adéquat pour la fécondité de l'analyse de soi par soi-même. Son action s'installe dans le temps et ses résultats tardent à se manifester. Elle s'attaque non pas aux symptômes mais à leurs causes avant de les isoler. Ses effets sont assimilables à ceux d'une prophylaxie chirurgicale qui a le mérite de nettoyer le psychisme puis de le rendre beaucoup plus résistant face aux intempéries futures. Par ailleurs chaque progrès dans ce travail de ver de terre contrairement à celui de vol d'oiseau quand il s'agit de l'hypnose, libère une énergie que bloquait un psychisme névrosé à cause d'une évolution inadaptée à la réalité.

    Est-ce qu'un cycle ne serait qu'une forme de névrose avec ses symptômes46(*) et ses processus inconscients ou souterrains (qui ne s'offrent pas dans les apparences) et que Keynes s'est focalisé sur les symptômes c'est-à-dire la partie visible tandis que Hayek s'est emparé de son équipement de plongé pour aller explorer jusqu'aux racines premières ? A cette question, il serait difficile d'apporter une réponse tranchée. Toutefois, à première vue c'est cette impression qui se dégage. Les lois économiques énoncées par Keynes se retrouvent très souvent dans le discours des profanes tenant une activité même informelle.

    Par contre, les lois dont Hayek crédite l'économie sont tellement insolites que lui-même le reconnaît tout en soulignant que ce n'est de prime abord.  

    Pour Hayek, le cycle est de nature double, à la fois monétaire et réelle. La conversion passe non pas par le biais du niveau général des prix mais par le système des prix relatifs et le cycle est maintenu grâce à une dissolution du mécanisme des prix qui dans ce cas devient analogue à la conscience. Dans la plupart des problèmes psychiques, la caractéristique principale est le recul de la conscience face aux avancées de l'inconscient qui en économie serait analogue, pour Hayek, aux autorités gouvernementales. D'ailleurs, la psychanalyse qui est un processus thérapeutique a pour objet de donner plus de force à la conscience au détriment de l'inconscient. L'équilibre (de l'économie comme du psychisme) se rétablit grâce à l'émergence du complexe système de coordination (mécanisme des prix pour l'un et conscience pour l'autre) afin de donner une réponse spécifique à chaque stimuli.

    Dans cette optique, Hayek semble être le médecin qui appelé au chevet d'un malade prend tout le temps qu'il faut pour le diagnostiquer, en arrive même à établir l'historique du mal ; cependant, comme thérapie lui donne des conseils d'hygiène de vie et surtout en prenant soin de lui souligner que son organisme a tout de prévu pour lui redonner la santé et que toute forme d'intervention à travers des perfusions, des sérums ne fera que retarder le processus de guérison s'il ne finira pas par l'entraver. Sa fatalité devant la crise rappelle le XVIIIeme siècle, époque pendant laquelle les déséquilibrés étaient mis en quarantaine dans l'attente de la Providence. A l'autre bout, Keynes, en accordant une prééminence à l'inflation comme solution aux problèmes d'emploi et de richesse, rappelle Diafoirus, ce personnage de Molière qui pensait pouvoir guérir les maux à coup de citations d'Aristote.

    Il y'a cependant une réserve à formuler au sujet de cette tentative. L'analogie entre les deux controverses ne porte probablement que sur leurs formes extérieures sans s'étendre à leurs natures même. Ce serait procédé à des généralisations abusives que de déduire une affinité de nature à partir d'une analogie des conditions mécaniques. Toutefois, même en tenant compte de cette réserve, nous jugeons la comparaison soutenable jusqu'à un certain niveau.

    L'interventionnisme serait donc de nature hypnotique avec pour principale conséquence un regain d'inflation et une structure économique très inadaptée alors que le laisser faire, malgré tous les sacrifices que cela nécessite, serait de nature prophylactique en ce qu'il purge de l'économie grâce au processus concurrentiel, les structures parasites et la rend rigoureusement stable pour faire face aux exigences à la fois internes qu'externes.

    CHAPITRE II

    LES CONCEPTS DE BASE

    Ce chapitre aura pour objet de discuter les concepts essentiels chez Keynes et chez Hayek qui permettront de mieux appréhender leurs théories des cycles. Pour Keynes ils seront la notion d'investissement et ses relations avec l'épargne et le taux d'intérêt tandis que pour Hayek ils tourneront autour de la théorie autrichienne du capital et du mécanisme des prix qu'il considère comme l'unique réponse viable au problème des cycles. Cependant, nous ne manquerons pas de donner autant que possible la pensée-réplique de l'autre auteur pour mieux nous inscrire dans la controverse. Hayek nous permet de justifier en partie le choix des concepts de base chez Keynes. Il dit dans ses reflexions sur la théorie du capital de Keynes : « The new approach, which Mr Keynes has adopted, which makes the rate of interest and its relation to saving and investing the central problem of monetary theory, is an enormous advance.»

    Section I : Investissement et épargne chez Keynes

    A- Investissement

    « Un acte d'investissement est celui par lequel un agent économique utilise aujourd'hui des ressources (renonce à les consommer) en vue d'en produire d'autres dans le futur (qu'il pourra consommer) ; ces ressources (qui peuvent être monétaires ou réelles) constituent le capital investi ».

    Cette définition du Professeur Bornier dans son chapitre introductif de « Investissement et Intérêt » correspond au lien que Hayek décèle entre épargne, comme consommation différée, et investissement, comme usage de ces ressources préalablement constituées.

    L'investissement est perçu par Keynes comme un phénomène monétaire en ce qu'il est financé par le système bancaire alors que l'épargne, en tant que renonciation à la consommation, est un phénomène réel : « Saving is the act of the individual consumer and consist in the negative act of refraining from spending the whole of his current income on consumption. »

    Keynes considère l'épargne et l'investissement comme deux entités relevant de sphères totalement autonomes même s'il peut exister une certaine articulation entre eux. A son sens, l'acte d'épargner, propre aux ménages, a surtout un caractère stable et donc ne joue en général pas de rôle moteur dans le déclenchement des fluctuations. L'investissement par contre est irrégulier et assujetti à aucune logique imprevisible: « Investment in fixed capital, on the other hand, has been accustomed to proceed irregularly and by fits and starts. » p.252

    En cas de desequilibre entre ces deux notions, la cause reléve souvent de l'investissement: « when there is a disequilibrium between savings and investment, this is much more often due to fluctuations in the rate of investment than in the rate of saving which is of a fairly steady character » p.85

    Il ajoutera: « investment47(*) is the act of the entrepreneur whose function is to make the decision which determine the amount of the non available out put, and consist in the positive act of starting or maintaining some process of production or of withholding liquid goods». Keynes l'associe à un acte de bravoure d'une très haute qualité sociale. Selon les perspectives de profit, l'entrepreneur adapte son niveau d'acquisition en capital fixe:« enterpreneurs are induced to embarck on the production of fixed capital or deterred from doing so by their expectations of the profit to be made. » p 85,vol II

    Il ne se mesure pas en unité monétaires mais comme il le dira lui même : «  Investment relates to units of goods. » et se mesure en y soustrayant les amortissements : «  It is measured by the net addition to wealth in form of liquid capital, working capital or fixed capital. » Il apparaît ainsi dans l'économie sous forme liquide, fixe ou circulant; ce dernier occupant une place importante chez Keynes: « the stock of real capital or material wealth existing at any time is embodied in one or other of three form: we shall call goods in use fixed capital, goods in process working capital and goods in stock liquid capital » tome 1 p 115, 116

    B- Fluctuations du capital circulant

    Le capital circulant48(*) canalise tout l'intérêt de Keynes dans la détermination des fluctuations de l'investissement. Par ailleurs, cet intérêt se révèle lié à un certain pragmatisme car il est étroitement corrélé au volume d'emploi : » subject to the necessary conditions, an increase in the volume of employment will usually require a more or less proportionate increase in the volume of working capital ». IL ajoutera: « thus fluctuations of investment in working capital will be closely correlated with fluctuations in the volume of employment. An increase volume of employment may result either from abnormal activity due, for example, to an investment boom, or to a recovery of from a proceeding slump. In any case a credit cycle will tend to be associated with an increase investment in working capital, If not in its primary phase, then in its secondary phase ».p.91, vol II

    Ce qui précède énonce clairement la perception de Keynes sur le rôle primordial joué par le capital circulant dans le cycle ainsi que sa corrélation avec le niveau d'emploi. A son sens, il est impossible d'avoir une hausse de l'emploi sans que cela soit accompagné d'un accroissement du capital circulant afin de répondre aux besoins de couverture des charges liées au processus de production en cours : « it is generally impossible to increase the volume of employment unless it is practicable to increase pari posu the volume of investment in working capital ». P91, vol II

    S'il est nécessaire à ses yeux de détenir un capital autre que le capital fixe et le capital liquide afin de pré financer la production, c'est certainement parce que le processus de mise sur pied des biens finaux s'étale sur une durée relativement longue et cela constitue une caractéristique de son analyse qu'il partage avec Hayek qui soutient ouvertement que les processus de production sont suffisamment longues pour constituer un obstacle à toute expansion rapide.

    Le passage suivant retrace avec plus de fidélité la prééminence du capital circulant surtout en période d'expansion : « the phenomena of the boom may represent a struggle, concealed under the veil of the credit system to replenish working capital faster than would be feasible under a regime of stable prices » ;p. 91 vol II

    Ainsi, l'apport des banques n'aurait d'autre intérêt que de permettre le financement du capital circulant afin de faire face à l'augmentation des charges due à l'expansion. Ce financement aurait pu être réalisé sans le crédit49(*). Toutefois cela prendrait plus de temps.

    Keynes soulignera que si les besoins en capital circulant supplémentaire ne sont pas d'une grande acuité, il ne sera pas nécessaire de recourir aux faveurs du système bancaire:» If on the other hand, the possible variables in the demand for working capital are quite small compared with the others elements so that any deficiency can be rapidly made good out of stocks of liquid capital and out of current savings, then the practical bearing of the above analysis is not important. » p.92

    A son sens, il ne fait aucun doute que l'élément central dans l'investissement est le capital circulant des lors il lui est impossible de concevoir un cycle économique qui ne soit pas assujetti aux fluctuations du capital circulant et de là il est facile d'entrevoir que ces propositions de sortie de crise tourneront logiquement autour de la maîtrise de ce facteur. « it would be an interesting and useful task to make an accurate statistical estimate of working capital in each main industry. I'm not in a position to do this but it will be enough for the present argument if we can reach a rough approximation to its order of magnitude. »p.94 vol II

    La demande de capital circulant dépend du volume d'emploi mais surtout de la durée du processus de production ; bien que l'augmentation de l'emploi contraint à une hausse des besoins en capital circulant il peut exister des situations où la hausse de l'emploi lorsqu'elle entraîne la réduction de la durée de production occasionne non pas une acuité des besoins mais l'inverse. « an extra demand for working capital corresponding to an increase of the volume of employment may be partly offset by a faster rate of process if the duration of process is halved by doubling the intensity of employment the demand for working capital is eventually as the things being equal, halved ». p.97 En ce qui concerne la durée de production, Keynes suppose qu'elle varie avec le niveau d'emploi et les changements de techniques qui eux même mettent du temps à s'instituer.

    Existe t'il une complémentarité entre le capital liquide et le capital circulant malgré leur proximité? En d'autres termes, est ce qu'en période d'expansion l'accroissement des besoins en capital circulant peut être satisfait par le recours aux stocks ?

    Pour Keynes, si la réponse à cette question était positive, l'économie fonctionnerait toujours à plein emploi. De son point de vue, les fluctuations du capital liquide sont de très faible ampleur et de puissantes raisons font qu'il est impossible que l'assistance pour le réapprovisionnement en capital circulant puisse provenir de ce facteur.

    Le lien entre les différentes composantes de l'investissement est assez flou. Si Keynes n'admet aucune évidence sur la substituabilité entre capital liquide et capital circulant, il ne récuse par contre pas la possibilité qu'à court terme que ce type de rapport puisse s'établir. Dans ce cas, le capital liquide serait la variable d'ajustement et le taux d'investissement en soi resterait constant50(*).Mais ce rôle de variable d'ajustement est joué par le capital liquide pour une durée relativement éphémère. Lors de la phase dépressive, la production et la consommation baisse au même titre que les stocks de capital liquide. Cette rareté des ressources disponibles suite à une baisse de la production et des stocks malgré une baisse de la consommation constitue pour Keynes le premier obstacle à une reprise rapide : « It is precisely this shortage both of available out put and of liquid capital which may retard the process of recovery, even after the influences which originally caused the slump long ceased to operate. » p. 120

    C- Financement de l'investissement

    Dans une économie monétaire, Keynes soutient que le système bancaire joue un rôle essentiel quant au montant de l'investissement. Le taux d'épargne résulte par contre de l'arbitrage effectué par les ménages entre un usage immédiat (consommation) et non usage (épargne) de leur revenu monétaire tandis que Hayek parlera d'usage différé pour qualifier l'épargne.

    Il conçoit que le financement de l'investissement, afin d'éviter la dépression, doit pouvoir se faire par création monétaire dans une époque où le capitalisme moderne subit une prépondérance de l'activité financière sur l'activité industrielle; il faut à tout prix éloigner le spectre d'une dépression qu'occasionnent des taux d'intérêt élevés. Il considèrera que les changements dans le taux bancaire51(*) ont un impact sur le pouvoir d'achat de la monnaie malgré que l'effet décisif et immédiat soit auprès du taux d'investissement. En effet les entrepreneurs n'investissent dans un environnement caractérisé par l'incertitude que s'ils anticipent un revenu susceptible de couvrir les coûts de production dont une part non négligeable est constituée des intérêts qu'il fallait accepter de payer pour disposer du capital circulant nécessaire au préfinancement de la production : « the effective of investment depends on the prospective income which the entrepreneur anticipates from cure investment relatively to the rate of interest which he has to pay in order to be able to finance its production or putting in other way round, the value of capital good depends on the rate of interest at which the prospective income from them its capitalised. »p 136

    Ainsi lorsque le taux d'intérêt est élevé, il a tendance à décourager des plans d'investissement de faible rentabilité alors qu'au même moment l'épargne pourrait être encouragée : « it follows that an increase in the rate of interest tends, other things being equal, to make the rate of investment to decline. »

    Il existe par ailleurs une différence de perspective entre les deux auteurs quant à la prise en charge de l'investissement. Si pour Keynes, il est inacceptable de compromettre l'initiative privée ou l'esprit d'entreprise, il accepte tout de même que l'investissement, surtout quand il s'agit de produire du capital fixe, puisse faire l'objet d'une certaine socialisation afin d'en accroître l'efficacité et la rapidité car ce type d'investissement nécessite des montants importants de capitaux financiers. C'est ce que souligne Paul Lambert comme une des caractéristiques de la cité idéale de Keynes lorsqu'il s'énonce en ces termes : « Pour certaines entreprises dont le capital fixe est très important, la société anonyme ferait place à un corps semi autonome, corporation publique mise en dernier ressort sous le contrôle du parlement. (Source P. Lambert, L'oeuvre de John Maynard Keynes, Tome I, 1963)

    En aucun cas, Keynes ne considère la nécessité d'une épargne constituée au préalable pour faire face aux besoins d'investissement, qu'il soit liquide, fixe ou circulant. En cela, il s'oppose radicalement à la conception de Hayek (il est opportun de souligner tout de même qu'il est difficile de dire s'il s'agit d'un propos normatif ou d'une analyse tirée des faits ) . Au sens de l'autrichien, l'épargne préalable est une condition sine qua non pour un investissement judicieux et durable ; le crédit bancaire étant toujours à l'origine d'un processus dont l'épilogue fait surgir des désordres dans le système productif. Hayek considère qu'il existe un équilibre épargne investissement que seule l'intervention du système bancaire finit par rompre entraînant l'émergence d'une désorganisation de la structure productive : l'économie passe ainsi de l'équilibre aux fluctuations.

    D- L'épargne

    Hayek, fervent défenseur de la loi des débouchés considère, implicitement peut être, que tout ce qui est produit est consommé faisant de l'épargne une consommation différée. Dans son univers, la thésaurisation est négligeable ou tout simplement inexistante. Pour Keynes par contre, l'épargne ne dépend pas du taux d'intérêt mais du revenu. Elle ne constitue pas une consommation différée mais juste une renonciation à la consommation52(*) et il n'y a rien dans les mécanismes en vigueur au sein de l'économie qui assure l'usage de l'épargne à des fins d'investissement; ce n'est ni un hypothétique taux d'intérêt d'équilibre et encore moins la non existence du crédit. Il considère le taux d'intérêt comme étant plus versé vers la détermination de l'investissement que vers celle de l'épargne. L'épargne de la part d'un individu se transforme en une baisse de la demande de biens de consommation qui entraîne une baisse des prix de ces derniers permettant une augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs restants.

    Toutefois, si les consommateurs restants choisissent d'épargner une portion de leurs revenus, ceci intensifiera la baisse des prix des biens de consommation et augmenter le pouvoir d'achat de la part de leur revenu consacré à la consommation : « If however, these others then proceed to reduce correspondingly their money expenditure on consumption and, consequently, to increase their savings, this only has the effect of still further increasing the purchasing power of the balance of their income which they do spend. »(p 156)

    L'épargne devient une richesse pour les épargnants alors que les producteurs de biens de consommation enregistrent une baisse de leur chiffre d'affaire par rapport à celui qu'ils auraient obtenu si l'épargne était nulle. Ainsi pour Keynes, l'épargne enrichit le consommateur, du fait de la baisse des prix lui procurant une hausse du pouvoir d'achat et entraîne des prélèvements sur les ressources de l'entrepreneur, sans pour autant entraîner une augmentation de la consommation ou de la production. Globalement, l'épargne ne serait d'aucune utilité sociale: « there is no increase of wealth in any shape or form corresponding to the increase of saving.» (p.156). Seulement, c'est les entrepreneurs qui font les frais de l'épargne: « The saving has been balanced by the loss of entrepreneurs who produce consumption goods. » (p 156)

    A l'inverse Hayek considère cette renonciation comme le fruit d'un arbitrage inter temporel devant permettre à ceux qui voudraient investir de disposer de ressources leur garantissant un investissement viable.

    Ils utiliseront deux termes très proches : épargne forcée53(*) pour Hayek et induced lacking pour Keynes. Ces notions, dans ce qu'elles ont en commun, traduisent une perte involontaire subie par une partie des consommateurs au profit de ceux qui viennent de disposer des nouvelles impulsions monétaires ; Toutefois, Keynes récuse totalement le principe hayekien de mal investissement, résultant d'un investissement financé par crédit. A son sens, tout investissement engendre une richesse nette qui augmente la richesse sociale, accroît le profit des entreprises qui s'en servent pour augmenter les revenus des facteurs ainsi que la modernisation de la structure productive et non concourir à sa désorganisation. Cet investissement financé par crédit, bien qu'ayant des conséquences inflationnistes, promeut l'emploi supplémentaire de facteurs de productions inemployés jusque là.

    E- Relation investissement-epargne

    Pour Keynes il n'existe aucune relation d'équivalence entre l'investissement et l'épargne. Chaque entité peut varier de façon autonome. A son sens, il existe une imperfection de la coordination entre épargne et investissement et il rejette la vision de Hayek selon laquelle l'épargne serait identique à l'investissement grâce au taux d'intérêt naturel qui permet une coordination parfaite entre les décisions d'épargner et d'investir.

    » Cette distinction de nature entre les deux notions se poursuit dans une autre distinction qui consiste à ne jamais considérer leurs montants comme équivalents : « It might be supposed and that has frequently been supposed that the amount of investment is necessarly equal to the amount of saving. But reflection will show that this is not the case.»

    Toutefois, si l'investissement équivaut à l'épargne préalablement constituée, l'équilibre se maintient sans variation des prix. Lorsqu'il excède le montant mis de côté on enregistre une hausse de la consommation et du prix des biens de consommation et il serait possible d'investir plus qu'il ne sera épargné54(*). Pour Keynes, une planification sur les montants à investir et les montants à épargner aurait permis d'éviter des troubles. Seulement la décentralisation des décisions fait que l'investissement n'équivaut presque jamais à l'épargne. Sa conception de l'épargne me semble bien être bien résumé dans le passage suivant: «An act of saving by an individual may not result either in increased investment or in increased consumption by the individuals who make up the rest of the community. The performance of act of saving is in itself no guarantee that the stock of capital goods will be correspondingly increased.» (p 158)

    Devrait on épargner avant d'investir ?

    Cette question est au coeur de la controverse avec Hayek qui est un ardent défenseur de l'épargne préalable, faisant de celle la condition nécessaire de l'investissement viable et se trouve par conséquent être le principe de toutes les politiques d'austérité et d'argent cher.

    Pour Keynes, il n'est point besoin, pour investir, d'épargner au préalable en cas de sous emploi des capacités productives. Le financement monétaire délivre l'investissement en le rendant autonome de l'épargne pour en faire la variable motrice du revenu, de la production et de l'emploi.

    « L'investissement traîne l'épargne derrière lui, au même rythme que lui »

    .

    Quelques unes de leurs explications ont atteint un niveau de contradiction tel qu'il est impossible de procéder à une conciliation. C'est ainsi que nous trouvons deux conceptions, dont l'une s'en tenant à la logique de la rentabilité des individus voit dans l'épargne volontaire l'unique source d'investissements viables tandis que l'autre conteste ce lien en invoquant la thésaurisation et ne croit qu'à une coïncidence accidentelle si toutefois toute l'épargne des agents se trouvait totalement investie.

    Hayek adopte le premier point de vue et met en garde contre la vision de Keynes dans laquelle il voit une source de danger. Il appelle surinvestissement la situation dans laquelle le niveau de l'investissement est poussé artificiellement au dessus de l'épargne souhaitée. Pour Keynes, un économiste averti doit avoir présent à l'esprit le fait que les deux notions, investissement et épargne, sont fondamentalement distinctes par leur origine et par leur nature, bien qu'elles peuvent s'entrecroiser et se mélanger accidentellement.

    Section II Le Taux d'intérêt

    Malgré le fait qu'ils puissent considérer que le stimuli premier du cycle peut etre non monétaire, tous deux considèrent que le système bancaire ne peut pas ne pas intervenir , faisant du cycle un phénomène monétaire : » thus whilst the stimulus to a credit inflation come from outside the banking system it remains a monetary phenomenon in the sense that it only occurs if the monetary machine is allowed to respond to the stimulus » P.86 Sur ce point, ils sont en harmonie :le cycle est toujours accompagné d'une intervention des autorités monétaires. Quand à la nature et au rôle du taux d'intérêt, l'opposition est ferme.

    En économie,il existe deux visions sur l'intérêt : celle qui met l'accent sur la préférence temporelle plus connue sous l'expression « théorie purement psychologique » et une autre purement technique qui met l'accent sur la productivité du capital.

    Pour les productivistes, l'intérêt est comme un revenu net perpétuellement généré par un capital abstrait temporairement incarné dans certaines parties du capital physique. Il s'apparente aux fruits produits par un arbre, un revenu dérivé. Pour les autres, l'intérêt exprime le phénomène universel de la préférence temporelle et émergera par conséquent inévitablement aussi dans une économie d'échange pur sans production ni monnaie.

    A- La nature du taux d'intérêt

    Pour Hayek55(*), le taux d'intérêt est un phénomène réel. Il est le prix qui résulte de la confrontation de l'offre et de la demande dans le marché des fonds prêtables. Son étude n'est connectée à aucune référence monétaire.

    Chez Keynes, le taux d'intérêt jouit d'un statut particulier car à lui seul il résume toute l'incertitude à laquelle les agents économiques sont confrontés. Il est conventionnel et reflète ce que chacun croît être en moyenne la prime qu'il exigerait pour renoncer à la liquidité. Il constitue le passage privilégié de la monnaie pour atteindre les variables réelles de l'économie. Par son intermédiaire, la monnaie perd toute la neutralité que lui enjoignent les classiques.

    Sur ce point, Hayek prend une position très différente. Il considère l'existence d'un taux d'intérêt naturel qui équilibre le marché des fonds prêtables. Cette égalité épargne-investissement détermine la structure de la production de façon optimale et c'est le crédit issu de la création monétaire qui perturbe l'équilibre.

    B-Le rôle du taux d'intérêt

    Keynes considère ainsi que le rôle du système bancaire est primordial en ce qu'il détermine le coût de l'investissement qui peut constituer une incitation lorsqu'il est assez bas ou un obstacle lorsqu'il est assez haut ; ce coût est représenté par le taux d'intérêt qui contrairement à Hayek qui le suppose ou le voudrait naturel, est purement monétaire. Il s'agit d'une décision des autorités monétaires sans considération préalable du montant de l'épargne et des intentions à investir. Ainsi, dans une certaine mesure, il serait judicieux de considérer, selon l'approche développée par Keynes, que le taux d'intérêt constitue le facteur déterminant de l'investissement en ce qu'il représente le sacrifice à payer pour disposer du capital circulant. 

    Au sens du britannique, il est evident que des changements du taux d'intérêt affecte le taux d'investissement : «  thus whenever a rate of interest changes for reasons other than a change in the demand schedule for the use or enjoyment of fixed capital, it is reasonable to expect a change in the rate of investment. » p.86 vol II

    En résumé dans l'analyse économique de Keynes, le taux d'intérêt détermine le coût d'acquisition du capital et celui-ci n'est engagé qu'en fonction des perspectives de profit auxquelles les entrepreneurs s'attendent. En définitive l'investissement est gouverné par le différentiel taux de rentabilité taux d'intérêt.

    il ajoutera : «  it is only necessary to add to this that the pace , at which the innovating entrepreneurs will be able to carry their projects into execution at a cost in interest which is not deterrent to them, will depend on the degree of complaisance of those responsible for the banking system. » p 86

    Ainsi, le taux d'intérêt représente le coût payé par un entrepreneur pour disposer des financements nécessaires à l'acquisition de son outil de production. Plus il est élevé, plus les entrepreneurs au taux de profits bas ou incapable de répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix de vente renoncent à produire et le rentier y trouve son compte. Il y aura une incitation à spéculer au détriment de la production. Dés lors, il n est plus nécessaire que l économie s'autolimite sur une épargne préalablement constituée. Elle doit recourir à un crédit bon marché, une forme de découvert social permettant la satisfaction de tous les besoins en capital circulant. Une telle politique n'aurait pas pour effet l'inflation car il existe des facteurs de productions inutilisés tandis que l'investissement lui-même productif augmentera la quantité de biens disponibles.

    Section III Théorie autrichienne du capital

    La théorie autrichienne56(*) du capital a comme principal concepteur Eugène Bohm Bawerk57(*), un auteur qui n'a pas toujours fait l'unanimité au sein de l'école de Vienne. Mises critiquait sa conception de l'intérêt dans laquelle il donnait une place non négligeable à la productivité comme un des déterminants en collaboration avec la préférence temporelle. Schumpeter quant à lui est purement productiviste tandis que Mises se suffit de la préférence temporelle pour expliquer la nature de l'intérêt. Toutefois, le principal précurseur de cette approche demeure Carl Menger dont l'héritage théorique fut approfondi par Bawerk avec quelques retouches de Hayek.

    A- L'apport de Menger

    Menger58(*) envisage l'économie comme un ensemble d'étapes de production étalé dans le temps ; à cette structure, est associée un processus de production de biens de consommation et de biens de production. Les biens qui concourent à la satisfaction directe des besoins humains sont les biens inférieurs tandis que les autres, peu importe l'étape à laquelle ils se situent entre la première et l'avant dernière, sont appelés biens supérieurs : A fundamental tool in Menger's approach to capital is that goods can be of different orders. The lowest order is for goods ready for final consumption, while goods in process are of higher order, the height being a measure of distance to availability for consumption.

    Menger appelait capital tout bien dont l'usage n'est pas destiné à une consommation finale. Il conçoit que plus le détournement est long, plus le rendement sera élevé. Cette vision ne sera amendée ni par Bawerk et encore moins par Hayek qui conçoit que l'impact essentiel des crédits bon marché se situe au niveau de l'allongement de ce détour par les entrepreneurs qui viennent de les recevoir afin d'augmenter leur productivité ; ce qui sera une illusion car au sens de Hayek, les crédits ne peuvent continuer à augmenter indéfiniment.

    B- L'apport de Boehm Bawerk

    Selon Bohm Bawerk, le capital, à chaque étape du processus de production, est le total des produits intermédiaires devant être retravaillés pour l'étape suivante, donc indisponible à la consommation. Hayek n'y mettra aucun bémol et en fera usage pour éclairer sur les variations en intensité capitalistique du système productif tandis que la rareté des crédits aura l'effet inverse qui sonnera le glas de l'expansion artificielle et le début de la crise.

    Bawerk, pour mieux appréhender le fonctionnement de l'ensemble productif jugera nécessaire d'ériger un agrégat qu'il appellera période moyenne de production considérée comme l'intervalle qui s'écoule entre les dépenses engagées en force productives originaires et l'expulsion hors du système des biens destinés à la consommation finale. Cette théorie sera critiquée par les autrichiens du fait de son insoumission au subjectivisme et à l'usage d'un agrégat par définition incalculable tandis que l'Américain Clark doute de la pertinence des outils théoriques empruntés pour exprimer pareille vue. A son sens, à partir du moment où entre la consommation et la production existe une simultanéité, la période de production moyenne tend vers zéro. Bawerk qualifiera cette conception du capital d'animiste car négligeant le rôle du temps.

    C- L'apport de Hayek

    Hayek fera usage de la théorie de Bawerk en y tapissant la dimension subjectiviste. Il maintient le concept de structure de production ; cependant au lieu de recourir au concept de période moyenne de production, il préférera le concept mengerien d'étapes de production au bout desquelles les produits intermédiaires deviennent aptes à la consommation finale. Il opère une distinction entre moyen originaire de production (travail et terre), produits intermédiaires et bien de consommation. Il accepte l'existence d'un détour de production qui s'allonge ou se rétrécit avec le niveau de ressources (épargne et crédit) injectée dans la structure productive et comme Bawerk, il accepte que le rendement obtenu soit proportionnel au détour. Il reconnaît l'existence de biens de production spécifiques qui ne peuvent être utilisés que pour des activités bien définies et sont donc inconvertibles vers d'autres secteurs ou activités. Cette théorie a suscité les mêmes critiques de la part de Frank Knight que celle de Bawerk chez Clark.

    Pour Hayek, le capital est sous la forme de biens non finis en cours de transformation. Il s'apparente au capital circulant de Keynes.

    Section IV : Le mécanisme des prix

    Au sens d'Hayek, la détermination du prix n'obéit pas à des lois objectives. Pour les biens d'investissement comme pour ceux de consommation, il est le fruit d'une évaluation individuelle totalement subjective transmise de façon abstraite et impersonnelle contrairement aux diktats du planificateur. Aucun autre mécanisme et surtout pas l'administration socialiste ne pourrait produire un résultat analogue, avec la même efficacité...surtout quand il s'agit de millions d'individus à la rationalité limité et imparfaitement informés... De son point de vue, les prix artificiellement constitués entraînent des égarements dans l'affectation des ressources.

    Ayant retenu que tout problème économique est lié à celui de la division de la connaissance, Hayek affirme que le système des prix constitue un début de solution en ce qu'il constitue un mécanisme de transmission de l'information et promeut ainsi le succès de la coordination inter individuelle. Ils sont des prix de déséquilibre et par conséquent inaptes à réaliser une synthèse, c'est-à-dire de devenir homogène à travers des agrégats tels que le niveau général des prix59(*).

    A- Le rôle des prix

    Ils ne sont pas des approximations des prix d'équilibre définis par le modèle théorique mais représentent plutôt des rapports d'échanges inégaux entre différents facteurs et produits. L'origine de leurs variations est à rechercher du coté des entrepreneurs en quête de profit, qui voient dans ces disparités, une occasion de réaliser des bénéfices. Ils constituent une note envers le comportement présent de l'individu en relation d'échange et des indications sur les orientations à prendre pour se faire plébisciter. Pour Alchian, dans Uncertainity, evolution and economic theory (1950), le système de prix peut être considéré comme un mécanisme darwinien60(*) sélectionnant les aptes et les inaptes sur la base de leurs capacités à effectuer des bénéfices supérieurs à ceux des concurrents ; les agents ne recherchant pas à maximiser seront conduits à la faillite ; ce qui fait qu'avec le temps, il ne restera plus que ceux ayant cherché à maximiser leurs profits.

    Dostaler dira : Pour Hayek, les prix doivent être considérés comme des régulateurs et des guides de processus temporels permettant l'adaptation aux changements dans des données exogènes déterminées temporellement. Une structure de prix doit ainsi être compatible avec l'équilibre inter temporel fondé sur les attitudes des agents et les conditions de production.(p.215)

    Ainsi, les prix de Hayek ne sont pas autoritaires. Ils sont le fruit d'une décision individuelle autonome. Grâce à leur parfaite flexibilité, ils permettent une révision au moment opportun des plans favorisant ainsi la coordination inter individuelle. Et l'Etat, de par son intervention qui n'obéit pas aux conditions de marché crée des quiproquos qui finissent par perturber la compréhension mutuelle entre entrepreneurs au sein de l'économie. Ainsi en agissant, la puissance publique ne résout pas les problèmes liés à l'incertitude mais elle endommage l'unique cadre de référence valable pour l'amortir. Hayek considère que la proposition de Keynes de faire intervenir l'Etat afin d'endiguer les défaillances du marché relève de son manque de maîtrise de la théorie économique et plus particulièrement de son incompréhension du rôle du mécanisme des prix en tant que principe de coordination.

    «In the exchange economy, production is governed by prices, independently of any knowledge of the whole process on the part of individual producers, so that it is only when the pricing process is itself disturbed that a misdirection of production can occur.»(MT-TC, pp84-85)

    Ainsi, il retiendra que l'objectif essentiel d'une bonne politique monétaire est de neutraliser l'effet de la monnaie sur la formation des prix car ce mécanisme est sacré pour le bon fonctionnement de l'économie en ce qu'il permet une bonne coordination du processus d'allocation des ressources : « The overriding objective is for monetary policy not to instigate changes in the processes of resources allocation. » En d'autres termes, l'exclusivité de l'allocation des ressources doit être réservée à l'économie réelle et non à des autorités manoeuvrant un bien fictif. Hayek ne milite pas pour une constance des prix. C'est tout le contraire même ; il est favorable à la liberté des prix afin qu'ils puissent donner l'état des rapports de force entre les différentes composantes de l'économie. Seulement, ce qu'il déplore et abhorre par-dessus tout est que cette évolution ait pour moteur des impulsions monétaires. Elles créent des illusions et font des anticipations des perceptions sans objet réel.

    B- Keynes et les prix relatifs

    Il serait dans une certaine mesure judicieux de se demander comment se fait il que Keynes n'ait pas envisagé un passage par les prix relatifs ainsi qu'un impact final sur la structure productive. Il conçoit que la monnaie affecte différemment les prix. Cela voudrait dire qu'en cas d'impulsions monétaires, certains biens gagnent en compétitivité tandis que d'autres en perdent même si la cause est purement artificielle. Les mêmes résultats auraient pu être obtenus si, par exemple, la pluviométrie ou plus particulièrement une maîtrise de l'eau permettait de produire beaucoup plus que d'habitude et pour cette raison tous les produits agricoles ainsi que ceux qui les ont en matières premières devenaient plus compétitifs ; cela aurait une incidence non négligeable sur la structure productive. Ainsi, sans que Keynes l'est souligné, il reste opportun de dire que la pierre angulaire de l'analyse économique de Hayek, à savoir le passage par les prix relatifs et non pas directement ou indirectement par le niveau général des prix, constitue une analyse potentielle qu'on aurait pu retrouver chez Keynes sans surprise.

    D'ailleurs Keynes en fait référence dans plusieurs passages du Treatise :

    The hypothetical change in the price level which would have occured if there had been no changes in the relative prices, is no longer relevant if relatives prices have in fact changed ; for the change in relative prices has in itself affected the price level. p.78, vol I

    «The point of view under criticism makes the mistake of assuming that there is a meaning of price level, as a measure in some sense or another of the value of money, which retains its value unaltered when only relative prices have changed. The abstraction between the two sets of forces, which seemed momentarily plausible when we made it, is a false abstraction, because the thing under observation, namely the price level, is itself a function of relative prices and liable to change its value whenever and merely because, relative prices have changed. P.77, vol I

    CHAPITRE III

    Divergences et convergences sur les cycles.

    Section I- Aspects généraux

    Le cycle est une perturbation générale de l'économie avec une phase d'inflation et une phase de déflation. Son opposé n'est pas la stagnation, état caractérisé par l'absence totale de changement mais la stabilité, état dans lequel on considère que les pertes de certains entrepreneurs sont compensées par les gains de quelques-uns sans que les distorsions ne soient aptes à susciter un cycle. Beaucoup d'auteurs dans la littérature économique ont eu à proposer leurs versions et parmi eux Hayek et Keynes dont on se propose d'établir un dialogue entre leurs théories.

    Prix et Production (PP) et Monetary Theory-Trade Cycle (MT-TC) restent les références de base de la théorie hayekienne des cycles. Le point de départ de ces textes se trouve dans la question suivante : comment se fait il qu'une économie de marché supposée connaître des micro régulations spontanées se trouve en proie à des oscillations d'une grande ampleur et de façon relativement durable ? La réponse est développée par Hayek conjointement dans ces deux oeuvres, toutefois avec nuances qui témoignent d'une certaine evolution dans sa conception des cycles. La pensée de Keynes qui s'oppose à celle développée par Hayek est contenue en premier dans les deux volumes de son Treatise on Money (TOM) ; le premier étant intitulé The Pure Theory of Money (vol I) tandis que le pour le second est retenu le titre The Applied Theory of Money (vol II). Cette théorie connaîtra des modifications substantielles dans la Théorie Générale. Cependant, la question centrale reste identique : comment se fait il que les économies de marché soient incapables de générer spontanément le plein emploi et puissent demeurer durablement dans un état considéré comme non optimal ?

    Pour certains auteurs, le TOM peut être compris comme une reformulation de la théorie cambridgienne de la monnaie, enrichie de raisonnements wickselliens tandis que d'autres l'appréhendent comme un premier pas vers la Théorie Générale, une esquisse préliminaire d'idées qui devaient mûrir en 1936. Pour Frederik Hanin, le Treatise offre une perspective d'analyse dynamique des économies monétaires en soutenant l'existence d'une instabilité endogène, contrepartie du déficit de coordination entre le système bancaire et l'activité productive. Keynes y distingue si bien la discontinuité entre activité financière et activité industrielle à telle enseigne que la séparation entre épargne et investissement demeure une évidence. Le noyau de l'instabilité est, à son sens, le déficit en capital circulant dû à la raréfaction du crédit par le système bancaire tandis que Hayek considère que c'est l'excès de liquidité bancaire qui en est le responsable.

    Le cycle économique tel qu'envisagé par Keynes ne se ressent pas dés les premiers moments de la perturbation. Il connaît une période d'incubation et un temps de latence; cela signifie que lorsque les changements s'operent, ils couvent à l'interieur du systeme économique et une durée de temps s'écoule avant que les repercussions ne soient visibles: « When the slump begins, the falling off of production does not show itself immediately at the finishing end of the machine of process, whilst it does show itself immediately in the amount which is being fed back into the mouth of the machine.» P.120

    L'analyse économique de Hayek comme celle de Keynes reconnaît à l'économie trois états possibles : expansion (prospérité,essor, boom), crise et contraction (dépression) ; lors d'un boom, les prix augmentent, l'investissement dépasse le niveau d'épargne, les profits atteignent des records de même que la production, le niveau d'emploi ainsi que l'innovation. Pendant la dépression, les observations sont opposées à celles de la phase d'expansion. Hayek comme Keynes mettent en évidence à travers leurs théories des cycles des états non optimaux. Cependant, ils s'opposent sur les procédés à mettre en oeuvre pour arriver à un état optimal : « Like the classical school, the Hayek-von Mises approach emphasizes optimisation of private economic agents, the adjustement of relative prices to equate supply and demand, and the efficiency of unfettered markets. » Cochran and Glahe, p.70 et ils diront à la page 73, « Keynes's work led to policy conclusions that were completely opposed to Hayek's policy recommendations. »

    Pour Keynes, le cycle matérialise les fluctuations ayant pour origine l'inégalité investissement-épargne et son impact sur le pouvoir d'achat de la monnaie. Il s'agit d'un processus complexe au cours duquel les coûts de production, les prix ainsi que les rémunérations des facteurs évoluent.

    Cet écart peut prendre trois formes :

    1) L'investissement devient possible grâce à une hausse de la production de biens de production au détriment de celle de consommation sans hausse de l'out put. Ainsi il faudrait la fin de la période de production pour en voir les effets.

    2) La hausse de la production permet un approvisionnement du capital circulant afin de produire plus de biens de production. Les effets de l'investissement sont immédiats et le capital, circulant au début, deviendra fixe après l'écoulement d'une période de production.

    3) Le capital circulant augmente permettant une hausse de la production de biens de consommation toutes choses égales par ailleurs. La hausse de l'investissement durera tout au long de la période de production.

    Quelque soit le cas par lequel l'investissement se produit, la hausse de la production permet une augmentation des profits ainsi qu'une hausse des revenus versés aux facteurs.

    Toutefois, si ce qui vient d'être décrit constitue les éléments classiques d'un cycle, il n'en demeure pas moins que d'autres éléments et phénomènes s'y incorporent, faisant du cycle de Keynes un phénomène à la fois complexe et variable : « The possible varieties of the paths which a credit cycle can follow and its possible complications are so numerous that it is impracticable to outline all of them. » p.253

    Il trouvera une analogie parfaite entre le cycle et le jeu d'échecs pour lequel, malgré l'existence d'une base stable et la possibilité de dire les grands traits de son déroulement, il demeure impossible d'entrer dans les détails de tous les matches jouables. Une approche presque similaire se retrouve chez Hayek lorsqu'il énonce que les effets d'une impulsion monétaire ne peuvent être appréhendés à l'avance car dépendant du point par lequel la monnaie entre dans l'économie : «The nature of the changes in the composition of the existing stock of goods, which are affected through such monetary changes, depends of course on the point at which the money is injected into the economic system. » p.123-4

    Ils auront en commun de donner une place importante au système bancaire dans l'enjeu que constituent les cycles ; l'un, en tant qu'auteur des perturbations tandis que l'autre l'envisage comme solution. Seulement, on ne manquera pas de noter, avec une certaine perplexité tout de même que Hayek conçoit le système bancaire à la fois à l'origine du cycle de par son ingérence hors conditions de marché tandis qu'il souligne que la crise apparaît à cause de la rareté de ce même facteur qui à causé les perturbations

    Hayek, au même titre que Keynes procédera à la critique des théories qu'il considère comme erronées. Il s'agit des théories non monétaires tandis que pour Keynes il s'agit des théories qui ne prennent pas en compte le rôle du capital circulant.

    Section II- Les causes des cycles

    La question fondamentale à laquelle Hayek cherche à répondre pour établir les causes du cycle peut être ainsi formulée: comment se fait il que l'économie prenne du temps à retrouver l'équilibre alors qu'elle héberge en son sein des mécanismes doués à cela ?

    Quant à Keynes, la question centrale est la suivante : pourquoi n'obtient on pas un plein emploi spontané tel que le voudrait la théorie classique ?

    Ils développeront des argumentations qui mettront en cause le crédit bancaire : Keynes parlera d'une insuffisance de liquidité pour réapprovisionner le capital circulant tandis que Hayek signalera l'excès de liquidité qui non seulement rompt les équilibres mais provoque la dissolution momentanée de l'unique mécanisme capable de rétablir des équilibres stables. Il considère que la quantité de monnaie supplémentaire constitue « une incitation excessive à l'accroissement de la production pour des dates plus lointaines aux dépens de la production destinée à des dates plus rapprochées. » (Dostaler juin 2001, Hayek, [1925]1984 :93)

     Pour Keynes, un cycle économique peut avoir aussi bien une cause monétaire qu'une cause réelle liée à une variation autonome de l'investissement, sans impulsion monétaire préalable. Tandis que Hayek conçoit qu'il existe des théories monétaires (dont la sienne) et des théories réelles qu'il considère comme tout à fait erronées. Sur ce présent point, il se dégage une différence d'approche difficile à concilier même si Hayek lui-même admet qu'un cycle puisse avoir une origine réelle mais c'est pour ajouter que dans ce genre de situation, les perturbations ne peuvent pas être généralisées et durables car le mécanisme des prix permettra le rétablissement de l'équilibre.

    Chez Hayek, l'origine des crises est purement monétaire et est liée à l'élasticité du crédit. Ce crédit engendre un capital illusoire qui finit par créer un excès d'investissement par rapport à la capacité d'épargne de la société.

    Le passage suivant exprime avec clarté son opinion : « The excessive development of the industries producing raw materials and capital goods, whose regular recurrence is thus to be regarded as the main cause of the periodic economic crises, necessarily arises from and is chiefly due to the much praised elasticity of our modern credit system.[...] This can take place only because the extension of credit by the banking system is not strictly linked to the growth of saving.[...] The most significant phenomena of the upswing, over investment and a general rise in prices, and at the same time the causes of the crises which always follow upon the upswing, are therefore largely a result of an extension of credit.[...] This extension of credit gives rise to a short lived inflation and leads to the emergence of the disproportions between the individuals sectors of the economy to which the accompanying stimulation of business always gives rise. The crisis then becomes the only way of eliminating these disproportions. (Dostaler: Hayek, [1925]1984:10)

    Il accuse ainsi les banques, à travers l'absence de contrainte dans l'offre de monnaie d'être à l'origine des cycles et conçoit la crise comme une insurrection des forces vives de l'économie pour rétablir un équilibre dont elles ont été arbitrairement privées.

    Même si Hayek porte son dévolu sur le facteur monétaire pour situer la genèse des fluctuations, il n'en demeure pas moins qu'il accepte que des facteurs réels puissent aussi être à l'origine du cycle. Il en parle expressément à la page 168 de MT-TC en stipulant que les facteurs peuvent être : » de nouvelles inventions ou découvertes, de l'ouverture de nouveaux marchés, ou même de mauvaises récoltes, de l'apparition d'entrepreneurs de génie qui créent de nouvelles combinaisons (Schumpeter), d'une baisse des taux de salaires provoquée par une forte immigration ; et de la destruction de grandes portions de capital par une catastrophe naturelle, ou de plusieurs autres causes. »

    Cependant, il considérera que les forces réelles à elles toutes seules ne peuvent pas engendrer un cycle car le mécanisme des prix n'étant pas perturbé, l'économie devrait facilement retrouver le chemin de l'équilibre. Il faut, à son sens, la complicité du système bancaire pour qu'un cycle puisse s'instituer ; cela passe par un dysfonctionnement du mécanisme de coordination provoquée par la liquidité bancaire injectée en dehors de toute condition de marché.

    Pour Keynes, peu importe la cause premiere du cycle, il met en dialogue constant et bilateral secteur réel et secteur monétaire : « For a disturbance initially due to monetary factors will soon set up some disturbance on the investment side and similarly a disturbance due to investment factor is likely, as we shall see, to cause some modification to monetary factors.»

    La seule distinction qu'il y trouve est que la monnaie influence du coté de son offre tandis qu'elle subit l'influence des facteurs réels du coté de sa demande. Par ailleurs, le cycle ayant pour perturbation première des facteurs monétaires passe d'une situation d'équilibre à une autre avec un changement de prix alors qu'un cycle généré par l'investissement évolue sans véritable modification des prix.

    Une fois cette étape d'influence réciproque dépassée, le reste du processus devient classique et ne porte plus les marques de son déclencheur : « After the initial stage has been passed, they shade off into one another. » p.248

    Pour Hayek le facteur monétaire est une condition sine qua none pour l'apparition du cycle tandis que Keynes accepte que le point de départ d'un cycle puisse être constitué de facteurs non monétaires (excès d'investissement suite à un regain de confiance) qu'accompagnent des impulsions monétaires. Ainsi Keynes accepte que la monnaie puisse accompagner un cycle à la fois du coté de la demande lorsqu'elle est facteur second ou du coté de l'offre lorsqu'elle facteur premier ; Hayek soutient que la monnaie n'intervient que du coté de son offre61(*).

    Section III- Les précurseurs de Hayek

    Monetary Theory and Trade Cycle (1933a) est d'abord paru en allemand en 1929 avant d'être traduit en anglais par Kaldor, un libéral devenu interventionniste. A l'image de Prix et Production, il a été présenté en premier lors d'une conférence, cette fois ci tenue à Zurich en 1928 auprès de l'Association pour la politique sociale. Hayek considère qu'il existe une complémentarité entre ces deux ouvrages dans sa vision des fluctuations cycliques. D'ailleurs, il en parle dans son préface de MT-TC, à la page 17 : in particular, my Price and Production, originally published in English, should be considered as an essential complement to the present publication. While I have here emphasized the monetary causes which start the cyclical fluctuations, I have, in the later publication, concentrated on the successive changes in the real structure of production, which constitute those fluctuations. » Cochran et Glahe en feront etat en ces termes: «Hayek, building on the work of Mises, developed a theory of the trade cycle in which monetary changes cause the cycle but successive changes in the real structure of production constitute those fluctuations.» p.70

    Ainsi, une bonne appréhension de la théorie des cycles de Hayek nécessite un recours constant à ses deux ouvrages. C'est ce que nous tentâmes en vue de l'élaboration de ce présent travail.

    Les précurseurs de la théorie des cycles de Hayek sont Bohm Bawerk et le suédois Wicksell sans oublier que la première ébauche a été formulé par Mises en 1912 dans Théories des Geldes und der Umlaufsmittel. Elle est une alternative à celle de Keynes qui, jusqu'aux années 70, l'éclipsa.

    Hayek va incorporer les éléments de Wicksell en distinguant le taux d'intérêt bancaire du taux d'intérêt naturel ; la théorie du cycle de Mises va être remodelée puis la conception du capital de Bawerk sera enrichie de la dimension subjectiviste et d'un retour vers Menger; enfin l'hypothèse de plein emploi62(*) des facteurs ainsi que celle d'une économie verticalement désintégrée63(*) seront retenues.

    Pour Dostaler, on distingue trois étapes dans cette evolution : la phase de conception, le développement et la révision « en réaction tant aux critiques qu'aux événements qui ponctuent la lente et pénible sortie de la crise des années trente. » Elle a pour noyau la vision de l'épargne développée par Turgot, Say et Smith tandis les positions philosophiques et éthiques rendent problématiques la division traditionnelle entre le normatif et le positif.

    Globalement, elle établit une relation entre le mouvement des prix relatifs et la structure de production, le rôle du système bancaire, l'émergence du malinvestissment et le rôle des crises pour rétablir l'équilibre tandis que l'inflation qui, au début crée une effervescence de l'activité économique avant de finir par décevoir toutes les illusions.

    Hayek s'inscrit dans la même lignée que ceux qu'il considère comme des précurseurs de la bonne théorie des cycles ; ceux qui considèrent que le facteur premier est purement monétaire. Il s'agit de Thornton, de Ricardo, d'Alfred Marshall, de Knut Wicksell, du professeur Mises et de Boehm Bawerk. Il les considere comme ceux « whose works trade the development of the effects on the structure of production of a rate of interest which alters relatively to the equilibrium rate, as a result of monetary influences. » p 111 MT-TC

    Il considère plus en détail les apports de Wicksell et de Mises en leur reconnaissant à chacun une certaine spécificité dans la marche vers une théorie monétaire des cycles fiable.

    «While it seems to me that in the analysis of the effects of money rate of interest diverging from the natural rate, Professor Mises has considerable progress as compared with the position adopted by Wicksell, the latter succeded better that Mises did explaining the origin of his divergence.»p.111

    Pour Hayek, s'il existe un passage obligé pour une théorie monétaire afin d'enlever au cycle tout son aspect énigmatique, c'est bien le système des prix relatifs. A son sens, le cycle provient d'une profanation perpétrée par les autorités monétaires sur les relations entre prix individuels, les deviant ainsi de leur position d'équilibre:» the point of a real interest to trade cycle theory is the existence of certains deviations in individual price relation occurring because changes in the volume of money appear at certain individual points ; deviations, that is , away from the position which is necessary to maintain the whole sytem in equilibrium»p123

    Section IV- Les différences d'approche

    L'approche de Keynes en ce qui concerne sa théorie des cycles ne manifeste aucune rupture par rapport au reste de ses analyses économiques. Il s'agit d'une analyse inductive qui consiste à partir des faits, recourir aux statistiques afin d'établir une théorie.

    Dans le chapitre 1 de MT-TC, à la page 27, Hayek critique cette approche qu'il considère incapable de fournir une explication satisfaisante du phénomène des cycles : « empirical studies, whether they are undertaken with such practical aims in views, or whether they are confined merely to the amplification, with the aid of statistical devices, of our knowledge of the course of particular phases of trade fluctuations, can, at best, afford merely a verification of existing theories; they cannot, in themselves, provide new insight into the causes or the necessity or the Trade Cycle. »

    Ce précèdent passage à lui tout seul résume ce que Hayek pense de l'approche de Keynes. Toutefois, en ce qui concerne les causes du cycle, ils semblent trouver un consensus autour du rôle essentiel du système bancaire. Il est, en effet, impossible pour chacun d'entre eux qu'un cycle puisse voir le jour sans que les autorités monétaires n'interviennent. Hayek considère que toutes les théories mettant en avant des causes réelles sont confrontées à un obstacle qu'elles ne peuvent franchir sans recourir aux impulsions monétaires.

    L'innovation dont Hayek est l'auteur en ce qui concerne l'analyse des fluctuations fut de ne point s'occuper, à l'image de Wicksell ou de Keynes dans une certaine mesure, de l'impact des impulsions monétaires sur le niveau agrégé des prix ou de faire comme les quantitativistes qui n'accordent aucune importance à la structure productive : « General price changes are no essential feature of a monetary theory of the trade cycle; they are not only unessential , but they would be completely irrelevant if only they were completely general that is, if they affected all prices at the same time and in the same proportion.»p 123

    La théorie de Keynes se place dans une perspective macroéconomique en privilégiant le rôle des agrégats et des comportements globaux. Hayek remet en cause cette approche. Il partage avec Popper la conception philosophique de l'individualisme méthodologique qui affirme que tous les comportements ne se comprennent qu'en termes individuels et qu'il n'existe pas d'entités collectives telles que la communauté ou la société qui puissent être définies indépendamment des comportements individuels.

    Pour Hayek, en prenant en compte des agrégats, on néglige les processus qui ont été à leur origine ; Par exemple, le volume total de la production masque la structure de la production alors que le niveau général des prix empêche d'entrevoir le mécanisme des prix relatifs... Ce n'est d'ailleurs pas sur ce niveau général des prix qu'il jettera son dévolu mais sur les prix relatifs. Sraffa, malgré qu'il soit un impitoyable critique64(*) de sa pensée, lui reconnaît cette contribution positive. Hayek fera comprendre qu'une fois l'impact du crédit sur les prix relatifs envisagé, il sera nécessaire de continuer sur la voie menant vers la structure productive et ses perturbations : «Every disturbance of the equilibrium of prices leads necessarily to shifts in the structure of production, which must therefore be regarded as consequences of monetary change, never as additional separate assumptions. » p.123 

    Arrivé à ce point, il faudra se demander non pas pour quelles raisons il y'a perturbation mais pourquoi la perturbation elle-même perdure alors que le marché est assez bien outillé pour rétablir l'équilibre. Il faudra chercher pourquoi les mécanismes du marché deviennent temporairement inefficaces.

    Section V Les théories non monétaires

    Il considérera l'existence de deux types de théories : les théories non monétaires du cycle dont il fera la critique et les théories monétaires dont la sienne.

    A- Les théories critiquées par Hayek

    Hayek considère qu'une théorie non monétaire du cycle ne peut pas être satisfaisante. Il reconnaît l'existence d'une multiplicité de theories entre lesquelles les oppositions sont non négligeables : « any attempt at a general proof within the compass of a short essay , of the assertion that non monetary theories of the trade cycle inevitably suffer from a fundamental deficiency, appears to be confronted with an insuperable obstacle by reason of the very multiplicity of such theories.» P 51

    Il considère que l'obstacle majeur auquel ces théories, malgré leur multiplicité, font face est lié à la contradiction entre les phénomènes économiques observés et les fondements théoriques de leurs analyses: « none of them is able to overcome the contradiction between the course of economic events as described by them and the fundamental ideas of the theoretical system which they have to utilize in order to explain that course. » p 52

    Hayek a ainsi tenté au chapitre 2 MT-TC de résumer les théories les plus célèbres et de montrer en quoi elles butent à cette difficulté. Toutefois, il formulera une réserve qui semble offrir un minimum de pertinence à celles qui, considérant que le facteur premier du cycle est non monétaire, font appel à la monnaie pour poursuivre leur raisonnement : « when however the question is answered on different lines by reference to monetary circumstances it can be shown that the elements of explanation adduced by different theories lose their independent importance and fall into a subordinate position as necessary consequences of the monetary cause.»p 52-53

    De ce qui précède, nous pouvons avancer avec beaucoup de prudence certes, que Hayek ne formulerait aucune objection sur la nature des théories des cycles de Keynes. En effet, celles-ci soutiennent l'existence de changements dus à des facteurs monétaires ayant des conséquences sur l'écart entre investissement et épargne et de changements dus à des facteurs réels sans impulsion monétaire préalable. Toutefois, ce dernier volet s'associe toujours à des interventions du système bancaire pour que le cycle s'impose à l'équilibre.

    Hayek considère que les théories réelles du cycle ont en commun la tendance à souligner le déséquilibre dans le système productif engendré par une dis proportionnalité entre le secteur produisant des biens de consommation et le secteur produisant des biens de production; le second connaissant un croissance excessive :» they all regard the emergence of a disproportionality among the various productive groups and in particular the excessive production of capital goods as the first and main thing to be explained.» P 54

    Ces théories, au sens de Hayek, considèrent que la récession s'explique par l'expansion de la période précédente pendant laquelle le secteur des biens de production subit un essor que ne justifie pas la demande émanant du secteur des biens de consommation, d'où une rareté de ces derniers entraînant une hausse de leurs prix par rapport à celui des biens de production. Il retiendra qu'il existe trois types de théories non monétaires tentant d'expliquer l'écart entre les différents secteurs.

    1. celles qui partent d'une hausse de la demande de biens de consommation qui, compte tenu des innovations techniques, entraîne une hausse de la production de biens de plus grande qualité.

    2. un autre groupe d'auteurs considère que l'écart est dû à des variations dans le rapport entre épargne et investissement, sans impulsions monétaire.

    3. Une autre variante de théorie qu'il nomme psychologique

    La première forme de théorie qui souligne l'importance de la hausse de la demande de biens de consommation considère que cette hausse a des conséquences sur la demande des biens de production par le biais de l'effet cumulatif. Celles qui insistent sur l'écart épargne investissement considèrent qu'il existe un effet direct d'une hausse de l'investissement sur la demande des biens de production, d'où l'origine du déséquilibre.

    Hayek considère que ces théories se sont trompées de cible. Elles cherchent à établir des relations pour décrire les causes de la rupture de l'équilibre alors que ce qui importe c'est d'expliquer comment se fait-il que ce déséquilibre persiste. Pourquoi les mécanismes spontanés du marché sont devenus temporairement inactifs ou agissent avec une lenteur effrayante ?

    Il ne nie pas que ces théories mettent en lumière des interconnections dont il faut nécessairement tenir compte pour rendre une explication des cycles acceptable. Seulement, il revient à la charge en soutenant que ces théories se sont égarées en ne se posant pas la question qu'il considère comme fondamentale à savoir les raisons pour lesquelles il existe un échec des mécanismes permettant le retour à l'équilibre.

    « why do the forces tending to restore equilibrium become temporarily ineffective and why do they only come into action again when it is too late ? » (MT-TC, p.65)

    Voilà pour Hayek la question à laquelle il faut apporter une réponse satisfaisante pour éclairer sur le problème des fluctuations économiques.

    A sons sens, la réponse proposée par les théories non monétaires constitue un aveu quant à leur inconsistance. Elles soutiennent que, compte tenu de la longueur du processus de production, les offreurs ont du mal à ajuster leurs productions dans un univers caractérisé par l'ignorance. Le mécanisme des prix65(*) devait constituer la solution à ce problème de coordination; cependant il demeure imparfait. Dès lors, pour Hayek, l'erreur commune à toutes ces théories est décelée: « it arises from a misconception of the deliberation which regulate the entrepreneur's actions and of the significance of the price mechanism ». (ibid, p103). Ce même reproche, il le retiendra face à Keynes.

    Hayek comme Keynes n'envisage pas l'existence d'un cycle dû à un excès de production de biens de consommation par rapport à la production de biens de production. C'est toujours l'inverse. En partant d'une position d'équilibre, les théories non monétaires ne peuvent pas expliquer l'existence d'un cycle par un raisonnement satisfaisant sans faire intervenir la monnaie. Sur ce point, il ne trouvera rien à reprocher à Keynes car ce dernier, lorsqu'il envisage l'existence de facteurs réels pouvant être à l'origine du cycle, c'est pour s'empresser d'ajouter qu'il sera toujours accompagné de nouvelles impulsions monétaires. Il a lui aussi passé en revue un certain nombre de théories assez proches de la sienne à qui il reconnaît des attributs positifs.

    B- Les théories critiquées par Keynes

    Keynes aura lui aussi mis en bandoulière sa dimension d'historien de la pensée économique en passant en revue des théories qu'il ne considère pas comme totalement erronées. Il leur reconnaît des contributions positives.

    -Les théories du surinvestissement

    Certaines théories attribuent le phénomène des cycles à un «  surinvestissement » ou « sous consommation 

    Ces théories n'ont pas en réalité pour fondement les rapports épargne -investissement. Elles insistent plutôt sur le déséquilibre entre l'offre et la demande de biens de production. A en croire leurs analyses, le cycle apparaît dès lors que la quantité de biens de production permet de produire une quantité de bien de consommation supérieure au pouvoir d'achat obtenu par le public, compte tenu des prix pratiqués. ». Keynes les considère comme étant très proche de la sienne sans la recouper entièrement même si à première vue, il semble y avoir une convergence : « At bottom these theories have, I think, some affinity with my own.But they are not so close as might be supposed at first sight. »(p 160)

    Malgré les échecs observés dans leurs tentatives d'élucider le problème des cycles, Keynes leur reconnaît le mérite d'avoir abordé le problème des fluctuations sous un angle nouveau au moment où la pensée orthodoxe sanctifiait Say.

    -Les théories du capital fixe

    Il existe des théories du cycle qui considèrent que l'origine des perturbations est due aux fluctuations du capital fixe. Keynes les considère comme incompletes du fait qu'elles negligent le role joué par le capital circulant qui à son sens est préeminent dans le déclenchement des cycles : : « whenever we have to deal with a boom or a slump in the total volume of employment and current out put, it is a question of a change in the rate of investment in working capital rather than in fixed capital ; so that it is by increased investment in working capital that every case of recovery from a previous slump is characterized.» P.252

    Toutefois, il ajoutera:» whilst theses solutions have been incompleted particulary through their neglect of fluctuations in working capital, most of them, even when they appeared to reach opposite results  seem to me to have hold of some part of the truth ». p.89

    A l'intérieur de ces théories, certaines considèrent que le déficit est lié à une sous épargne alors que d'autres soutiennent qu'il s'agit d'un excès de capital fixe qu'ils qualifient de sur investissement . « Some of them have attributed the cycle to under saving and some have attributed it to over investment ». p.89, Tome II

    L'exemple tiré de l'analyse du professeur Mitchell montre à quel point il existe une opposition dans le rôle attribué au capital fixe dans le déclenchement des crises. «  Professor Tugan- Baranovski contends that crisis come because people do not save enough money to meet the huge capital requirement of prosprity ; professor Spiethoff holds that crisis come because people put their savings into toot much industrial equipment and not enough consumption goods ». 89

    Malgré leur contradiction de prime à bord, Keynes considère que ces deux analyses traduisent la même réalité, à savoir l'inégalité entre investissement et épargne ; ce qui constitue le noyau de sa théorie des cycles. «  If we interpret the first of these statements to means that saving falls short of investment and the second to mean that investment runs ahead of saving , we see that the two authorities mean essentially the same thing and also the same thing that i mean ».Tome II,p.89

    Keynes vient ainsi d'annoncer ce qu'il considère comme étant la cause du cycle ; il s'agit d'un écart non négligeable entre investissement et épargne.

    Toutefois malgré son adhésion à cette forme de pensée qui attribue l'origine des crises à une inadéquation épargne-investissement, Keynes ne s'est pas empêché de mettre l'accent sur ce qu'il considère comme étant une défaillance dans la pensée d'un auteur tel que Baranovski ; ce dernier selon Keynes considère que l'épargne non investie durant les phases de dépressions est à n'importe quel taux d'intérêt réintroduit graduellement lors de la phase d'expansion et suggère que si l'épargne ne parvient pas à devenir investissement, c'est lié à la distribution des revenus et non , tel que le suppose Schumpeter, à une mésentente entre entrepreneur et système bancaire. C'est cette transformation spontanée de l'épargne en investissement que Keynes rejette aussi bien chez ces auteurs que chez Hayek. A son sens, il existe un véritable problème de coordination entre ces deux variables. Et en l'absence d'une coordination efficace il en résulte une impasse car il n'existe aucun mécanisme régulateur automatique faisant de l'épargne un investissement en puissance.

    Section VI Convergences et divergences

    Dans cette partie qui constitue le noyau de ce présent travail, nous essaierons de mettre l'accent sur les mécanismes qu'ils ont développés pour expliquer leurs conceptions des cycles tout en les mettant en dialogue constant. Cela signifie qu'à chaque fois que nous énoncerons les propos d'un des deux auteurs, nous tenterons de proposer l'analyse-replique de l'autre et cela au risque de nous répéter.

    A- Les théories monétaires du cycle

    Sur ce type de théorie qui fait appel à l'intervention monétaire pour expliquer le cycle, Keynes et Hayek se rejoignent parfaitement.

    D'après l'analyse qu'il a faite des théories non monétaires, Hayek considère que le mécanisme d'ajustement automatique de l'offre et de la demande ne peut être perturbé qu'avec l'introduction de la monnaie dans le système. Il s'agit d'une confirmation de la loi des débouchés de Say. En dehors de l'existence de la monnaie66(*), il considère qu'il ne peut y avoir de cycle. Dès lors il juge judicieux dans l'analyse d'un cycle de s'imprégner en premier des influences issues de l'usage de la monnaie. A son sens, l'origine du cycle se trouve dans l'élasticité de l'offre de crédit ayant comme principale conséquence l'inadéquation entre épargne et investissement : «  for that typical form of disturbance which experience shows to be a regularly recurrence and which can properly be called the trade cycle the influence of money should be sought in the fact that when the volume of money is elastic, there may exist a lack of rigidity in the relationship between saving and the creation of real capital. » p 102

    Cette caractéristique de théorie de Hayek se retrouve aussi dans la théorie de Keynes : l'excès d'investissement sur l'épargne. Et Hayek précisera que l'objet d'une théorie des cycles n'est pas d'évaluer l'impact de la monnaie sur le commerce et les variations de prix mais de montrer comment et pourquoi les impulsions monétaires affectent l'économie dans le sens d'un déséquilibre aigu entre ses deux secteurs.

    Il n'adhère pas à l'explication fournie par la théorie quantitative de la monnaie qui consiste à dériver les fluctuations de changement dans le niveau général des prix. A l'image du professeur Spiethoff , il rejette cette théorie qu'il juge purement naïve : «  but theories which explain the trade cycle in terms of fluctuations in the general price level must be rejected not only because they fail to show why monetary factor disturb the general equilibrium but also because their fundamental hypothesis is, from a theoretical standpoint, every bit as naive as that of those theories which entirely neglect the influence of money ». p 106 MT-TC

    Il poursuivra en écrivant: « the only proper starting-point for any explanation based on equilibrium theory must be the effect of a change in the volume of money. » p.107

    Il soulignera une autre différence notoire entre théorie monétaires et théorie non monétaire du cycle. En effet, dans les théories affectant la cause à des facteurs réels, l'influence peut provenir aussi bien de l'offre que de la demande, tandis que pour les auteurs des théories monétaires l'influence provient surtout du coté de l'offre : «  in complete contrast to those economic changes conditioned by real forces, influencing simultaneously total supply and total demand, change in the volume of money have , so to speak a one sided influence which elicits no reciprocal adjustment in the economic activity of different individuals . » p.108

    Certainement ce précédent passage contient la critique essentielle que Hayek adresse au crédit : le fait qu'il soit artificiel et ne correspondant pas à un véritable besoin issu des individus. Pour Keynes ce problème ne se pose pas car même si l'offre de monnaie est élastique et relève d'une décision arbitraire, la demande de crédit, dans un environnement caractérisé par l'existence de facteurs oisifs, est la volonté des individus.

    B- Découpage de l'économie

    Pour les besoins de la formulation de sa théorie, Hayek décompose l'économie en plusieurs stades de production dont le moins éloigné est celui de la production des biens de consommation. Pour la production des biens de productions, il existe plusieurs stades élastiquement imbriqués et dont le point de départ est celui dans lequel le travail et la terre constituent les principaux facteurs de production. Le nombre de stades ou périodes de production est fonction de l'arbitrage entre consommation et épargne.

    Cette vision qui, jusque là, épouse celle de Bohm Bawerk fit l'objet de quelques aménagements. Hayek dut abandonner l'analyse en termes de périodes de production pour celle en termes de périodes d'investissement à cause des lacunes dont regorgeait la première. Mises n'en fit pas moins.

    Le raisonnement de Keynes est un enchaînement d'agrégats. Il est purement macroéconomique. A l'image de Hayek, il dissocie l'économie en deux secteurs : celui des biens de consommation et des biens d'investissement. Pour chaque secteur, il existe un niveau de prix essentiellement déterminé par les coûts de production. Pour ce qui est des biens produits , Keynes distingue les biens finis aptes à être consommés et les biens intermédiaires susceptibles d'être réutilisés dans un autre processus de production : «  the goods existing at any time can also be classified into finished goods and unfinished goods. The finished goods consist of final goods which are for the enjoyment of the ultimate consumers, and instrumental goods which are for use in process . » 116 Ce type de biens considéré par Keynes dans le passage précèdent et qu'il appelle « unfinished goods » ou capital circulant a exactement la même essence que les biens intermédiaires de Hayek67(*).

    Le cas standard retenu par Keynes est celui pour lequel le surplus d'investissement n'est pas compensé par un supplément d'épargne ; il s'inscrit dans la tradition d'une supériorité de l'investissement sur l'épargne comme « son opposant » Toutefois, il soulignera que rien n'empêche qu'un cycle économique débute par une hausse de l'épargne non suivie par une hausse de l'investissement. Seulement, compte tenu du caractère assez stable de la décision d'épargner, l'investissement a plus tendance à fluctuer.

    En fonction du rapport de force entre investissement et épargne, le prix des biens de consommation fluctue, pouvant même être inférieur aux coûts de leur production: « If the volume of savings exceeds the cost of investment, the producers of the goods which are being consumed make a loss; and if the cost of investment exceed the volume of saving, they make a profit.»(p 162)

    Les prix tels que perçus par Keynes dans TOM sont parfaitement flexibles et constituent le variable d'ajustement des marchés. Pour les deux secteurs, ils évoluent en général dans la même direction68(*). Lorsque les producteurs de biens d'investissement font des profits, ils ont tendance à augmenter leurs investissements avec pour conséquence une hausse des prix des biens de consommation et vice versa.

    « The existence of profit will provoke a tendancy towards a higher rate of employment and of remuneration for the factor of production, and vice versa.» Ainsi pour Keynes, le profit est la variable qui soutient l'expansion en permettant aux entrepreneurs d'employer plus et de donner plus de pouvoir d'achat aux ménages. Pour en arriver à ce résultat, des propos normatifs allant dans le sens d'une facilitation du crédit et d'une flexibilité de l'offre de capital sont énoncés.

    In order that producers may be able, as well as willing, to produce at a higher cost of production and to increase their non available output, they must be able to get command of an appropriate quantity of money and of capital resources; and in order that they may be willing, as well as able, to do this, the rate of interest which command over such resources costs must not be high as to deter them.»(p163)

    Le rôle du banquier apparaît comme celui qui détient le dernier mot concernant le volume des dépenses globales avec un accent particulier sur le surplus d'investissement par rapport à l'épargne. « By varying the price and quantity of bank credit, the banking system governs the volume of investment.»

    Il ajoutera: «In so far as the banking system is a free agent acting with design, it can, by coming in as a balancing factor, control the final outcome.»

    Chez Hayek, l'accent n'est plus mis sur l'impact de l'arbitrage présent entre consommation et épargne sur la structure de production antérieure mais sur les critères auxquels les entrepreneurs se référent pour établir la durée de leurs investissement en vue d'une production future sachant que l'effet Ricardo69(*) n'a rien perdu de sa pertinence. Ces critères pour Keynes, c'est surtout un crédit facile et à volonté: « fluctuations such as those just considered are due to a change in the readiness to invest at a given rate of interest. Besides these we also have fluctuations in the rate of investment due to a change on the side of the rate of interest.  » p 86

    C- Impact des impulsions monétaires

    Hayek part d'une augmentation de la quantité de monnaie qui passe par les mains des producteurs qui à leur tour se procurent des biens de production. Cette répartition artificielle rompt l'équilibre d'antan qu'avait instauré l'investissement issu de l'épargne volontaire. Etant dans une situation de plein emploi, l'usage supplémentaire de biens de production se fera au détriment de la production de bien de consommation car les emplois se mènent une concurrence70(*). Ainsi, le crédit que les banquiers accordent aux producteurs aura pour contrepartie un tarissement des ressources disponibles pour la consommation : « la valeur totale des biens intermédiaires produits aux différents stades de production au cours d'une période sera le triple au lieu du double de la valeur des biens de consommations produits au cours de la même période. » (p.123) Il indiquera aussi : «  l'utilisation d'une fraction plus grande de moyens originels de productions à la fabrication de produits intermédiaires ne peut se faire qu'au détriment de la consommation. »(p123)

    Une hausse de l'offre de monnaie dans l'économie entraîne une augmentation des ressources des banques secondaires  qui les rend aptes à faire des crédits à un taux d'intérêt incitatif. Une part des ressources nouvellement mise en circulation suit un parcours financier alors que le reste trouve refuge auprès des entrepreneurs; ceci provoque une hausse de l'investissement soit sous forme de capital fixe ou de capital circulant avec un probable impact positif sur le volume de production. Si toutefois l'épargne est affectée, ce sera dans le sens d'une dissuasion due à la faiblesse du taux d'intérêt rémunérateur des dépôts: « there is indeed a general presumption that an effect on saving, if any, will be opposite to the effects on investment, the easier terms to borrowers meaning less satisfactory term to lenders, so that what stimulate the one retards the other ». p 237

    D- Mécanisme des cycles

    Chacun proposera une théorie assez originale. Malgré cela, il existe quelques affinités. Ces théories peuvent être divisées en deux phases. La première est caractérisée par une hausse des prix ainsi qu'une euphorie tandis que la deuxième inaugure un retour à la réalité. Leur opposition sera plus basée sur des convictions que sur les faits majeurs pour lesquels ils semblent être en accord.

    -La première phase

    Hayek nous dit que le niveau de l'épargne a une influence sur le nombre de stade, de même que le niveau de crédit accordé suite à une création monétaire71(*).

    Une hausse de l'épargne disponible pour les entrepreneurs suite à un crédit facile rend l'épargne volontaire inférieure à la volonté d'investissement des entrepreneurs et certains ouvrages qui jadis n'étaient pas rentables le deviennent du fait de l'inflation qui se déploie dans l'économie.

    Conséquence : un flux migratoire de facteurs de production naîtra des secteurs des biens de consommation vers ceux des biens d'investissement qui connaît une expansion rapide.

    Cette migration entraîne une baisse de la production des biens de consommation entraînant, toutes choses égales par ailleurs, une hausse de leurs prix : « la hausse des prix des biens de consommation offre momentanément des perspectives de profits supplémentaires aux entrepreneurs. » p.160

    Dans ce qu'il considère comme la première phase du cycle, Keynes fera des observations pareilles à celles de Hayek concernant le premier cas de figure72(*).

    Le raisonnement de Keynes part d'un regain de confiance grâce auquel les entrepreneurs sont incités à investir. Les prix ne seront affectés qu'à la fin du processus au cours duquel ni les rémunérations, ni le volume de l'out put ne varient. Après l'écoulement d'une période entière de production, la quantité de biens de consommation produite baisse au profit de la production de biens d'investissement et leurs prix augmentent. Ceci correspond à la phase de hausse des prix dans le cycle ; phase pendant laquelle les prix des biens augmentent plus que les coûts de production : «In any case, the characteristic conclusion of the primary phase of the credit cycle consists in a rise of the consumption price level out of the proportion to costs.» p.255

    -La perte de pouvoir d'achat des ménages

    L'écart entre la quantité de biens que les consommateurs veulent acquérir et celle qu'ils peuvent acquérir compte tenu de l'inflation est le contenu saillant du concept d'épargne forcée et a pour conséquence l' allongement (tandis que chez Keynes ce serait un élargissement) du processus de production. L'absence de consentement à cette renonciation est bien ressortie par Hayek en ces termes : « Il ne fait pas de doute que si leur revenu nominal augmentait à nouveau, ils essaieraient d'accroître leur consommation pour rétablir la propension moyenne à consommer habituelle. »(PP, p.123).

    Keynes retient le terme imposed lacking pour caractériser la perte du pouvoir d'achat de la monnaie suite à une augmentation du prix des biens. En cas d'income inflation avec augmentation de la production, le terme retenu sera induced lacking.

    Imposed lacking sert à financer la hausse de l'investissement alors que ceci n'est vrai pour induced lacking que lorsqu'il correspond à l'épargne. Ainsi induced lacking est une source de financement légitime contrairement à imposed lacking qui est à la fois autoritaire et arbitraire. Les deux toutefois s'additionnent à l'épargne pour rehausser le niveau de l'investissement.

    - Deuxième phase

    Cependant, cette répartition peut elle se maintenir indéfiniment ?

    Le premier flux migratoire est donc au profit du secteur des biens d'équipement qui connaît une effervescence. Pour Hayek, cette augmentation des prix a un effet aspirateur en ce qu'elle attire les facteurs de production vers les secteurs en ébullition. Keynes parle aussi de cette migration des facteurs vers les secteurs qui sauront mieux en faire usage en en extrayant une productivité plus élevée. Cela est possible grâce au bon fonctionnement du mécanisme des prix qui permet l'orientation des facteurs de production vers les stades (pour Hayek) ou secteurs (pour Keynes) qui leur offrent une rémunération plus avantageuse que d'autres73(*).

    Au sens de Hayek, la migration en vue d'augmenter la production de biens d'investissement va entraîner une hausse de la demande de travail dans ce secteur et sera suivie d'une augmentation du pouvoir d'achat des ménages grâce à la hausse des revenus qui leurs sont versés entraînant une hausse de la demande de biens de consommation. Pour Keynes, la seconde phase a les caractéristiques suivantes : le surplus d'investissement entraîne une hausse des prix dans une proportion plus élevée que celle des coûts de production permettant aux entrepreneurs d'enregistrer des records de profit et au commerce d'entrer dans une phase d'effervescence. L'investissement qui, au début était sous des aspects fixes et liquides tend à devenir plus circulant. La concurrence entre entrepreneurs pour disposer des meilleurs services les poussera à offrir des rémunérations plus élevées pour la pérennité de leurs profits ; rémunérations qui augmenteront le pouvoir d'achat des ménages :

    « The consequence of a change in price due to the inequality of investment and saving, as we have seen in chapter 11, is to give a windfall profit to entrepreneurs. Under the stimulus of these profits the secondary phase of the transition is introduced. For the stimulus of the profits influences entrepreneurs to bid more eagerly for the services of the factor of production, and so causes the rate of efficiency earning to increase, whether or not this has already occurred to a certain extent in the primary phase. » p 238

    Il s'ensuit, chez Hayek,une nouvelle répartition du flux monétaire entre dépenses de consommation et dépenses en investissement, nouvelle répartition qui cette fois ci est le fait des individus par opposition à la répartition artificielle suite à une ingérence des autorités monétaires ; et parce que cette nouvelle répartition est issue d'un arbitrage volontaire et autonome des agents économiques,elle aura tendance à ramener l'économie vers l'équilibre : « le flux monétaire sera immédiatement redistribué entre utilisations pour la consommation et la production selon les désirs des individus concernés,et la répartition artificielle,due à l'injection de monnaie nouvelle ,sera compensée au moins partiellement. » (p124).Il y'aura une tendance vers le rétablissement des anciennes propositions, celles qui équilibrent l'économie. L'on passera d'un arbitrage au profit de la consommation, vers une substitution de la consommation à la production.

    Pour Keynes, à ce stade, l'impulsion monétaire à l'origine de l'expansion est, pour une très large part, déjà assimilée par la circulation industrielle et la raréfaction de capital circulant annonce le début de la phase de contraction.

    Peut on considérer que les racines de la seconde phase se trouvent bien encrées dans la première  Keynes dira : « Whether or not the primary phase contains within the seeds of a reaction, the secondary phase necessarily does.» Hayek par contre soutient que les causes de la dépression doivent être trouvées dans l'euphorie artificiellement engendrée par les interventions du système bancaire.

    Chez Keynes, la rigidité du crédit comprime la demande dans les deux secteurs entraînant une baisse des prix ; des pertes74(*) sont enregistrées et le chômage connaît un essor alors qu'au même moment la rémunération des facteurs de production connaît une pression vers la baisse. C'est la phase de contraction. Pendant cette phase, la baisse de la consommation productive au profit de la consommation improductive entraîne une baisse de la production. La détérioration du capital circulant n'est pas compensée par l'augmentation du capital liquide surtout durant les dernières phases de la récession : « before the slump has touched bottom, the decrease in working capital far outstrips any increased in liquid capital. »p.118

    Cependant dans l'analyse de Hayek, les prix des biens de consommation augmentent et la structure des prix relatifs se modifie. La fabrication de certains biens de production suite à l'épargne forcée est abandonnée et le nombre de stades tend vers son niveau initial. Ce résultat fut intuitivement énoncé par Mises dans Théorie des Geldes Und Umlaufsmittel en 1912.

    Afin de maintenir les emplois précédemment crées, des crédits supplémentaires devraient être octroyés avec comme corollaire un regain d'inflation dont le processus cumulatif se transformera en hyper inflation avec des unités de production parasites. Supposant que les crédits devront s'estomper tôt ou tard, Hayek enchaîne en soutenant que l'économie diluera de sa teneur en capital : « la production devient moins capitalistique et la fraction du capital nouveau qui était incorporé aux équipements exclusivement adaptés aux processus plus long, sera perdue.» C'est la contraction. En d'autres termes, l'économie, suite à une expédition mal coordonnée, malgré quelques avancées est contrainte de rétrograder, de faire une régression afin de se retrouver à une phase qualitativement différente. Elle peut ne pas être pareille à celle d'avant impulsion monétaire : « Il n'est pas nécessaire que le rapport de la demande de biens de consommation et la demande de produits intermédiaires reprennent exactement sa valeur antérieur dès que cesse l'injection de monnaie nouvelle. »

    Le travail prophylactique en vue d'une structure économique dynamique et viable sera d'autant plus long et lourd que la planche à billets aura tourné. Le chômage augmentera suite à la faillite des entreprises parasites nées de l'épargne forcée et l'inflation sera toujours de rigueur d'où la stagflation que le keynésianisme considère comme potentiellement impossible.

    E- Critique de la théorie de Hayek

    Après la lecture de sa théorie des cycles, l'on pourrait se demander si ce qu'il décrit correspond à la réalité même si nous acceptons la réflexion de Marx : « si le mode de manifestation et l'essence des choses coïncidaient, toute science serait superflue », celle de Gaston Bachelard75(*)  : « toute objectivité dûment vérifiée dément le premier contact » celle de Lénine : « L'essence ne se voit pas à la surface, elle est dissimulée, inaccessible à l'observation directe. On ne peut la remarquer qu'au cours d'une longue étude...... Connaître76(*) l'essence est indispensable, parce que les phénomènes conduisent souvent à une vue erronée des processus. »,et même celle de Amadou Hampâte Bâ77(*) « certaines vérités ne nous paraissent invraisemblables que , tout simplement parce que notre connaissance ne les atteint pas. »

    Sraffa en 1932 dira : « N'était il pas paradoxal en effet de considérer l'apparition des crises comme inéluctable dés lors que se développe dans le cours du cycle la demande pour les biens de consommation ?

    Hansen en 1933 dira, comment expliquer que la demande de biens de consommation puisse exercer une influence aussi négative sur la production des biens de production puisque, non seulement ceux-ci servent à produire les biens de consommation mais que, de surcroît, ils dépendent directement de la demande en provenance des industries de biens de consommation ? Pourquoi donner tant d'importance à certains phénomènes peu significatifs et laisser dans l'ombre tout le débat sur le postulat de l'équilibre et du plein emploi ? (Kaldor, 1942)

    Hayek lui-même admettra que sa théorie est insolite mais seulement de prime abord.

    F- L'intérêt des cycles chez Keynes

    Keynes ne considère pas que le rôle du système bancaire doit être de militer pour la stabilité des prix et donc d'éliminer les fluctuations. Il s'appuie sur Mr D.H Robertson qui insiste sur les bienfaits des cycles dans une société progressiste malgré les difficultés auxquelles ils peuvent mener. «  The credit cycle, though guilty of disastrous excesses and grave crime, has a part to play in a progressive society, and an attempt to check it altogether might produce stagnation as well as stability;» p 269 vol I; Schumpeter comme Hayek reconnaitront que les cycles en economie sont liés à des progres rapides. Robertson accepte le principe selon lequel une hausse du prix des biens entraîne une hausse rapide de leur production et donc une augmentation de la richesse sociale. «The commodity inflation phase of a credit cycle, so long as it lasts, causes the wealth of the community to increase faster than would otherwise be the case».p263 vol I

    Seulement Keynes, malgré son adhesion à cette analyse qu'il qualifie de « undoubtedly true » y met un bemol en reconnaissant l'existence de conditions pour lesquelles l'inflation a un impact positif dans l'économie : «it should be noticed that commodity inflation cannot be used for continuously raising the rate of wealth accumulation. It is only useful for the purpose of producing a short, sudden spurt «.

    p 264 (PTM)

    L'inflation permettrait donc à l'économie de faire le plein emploi de ses ressources de mobiliser une richesse potentiellement existante mais pour diverses raisons reste enfouie dans les entrailles du système économique. Cette augmentation des prix est donc salvatrice et permet un essor rapide de l'économie. A l'inverse la déflation constitue un frein à la croissance en ce qu'elle décourage l'investissement et occasionne des pertes « during the nineteenth century, the greatly increased wealth of the world was predominantly accumulated by commodity inflation» p264

    Par ailleurs, les progress obtenus compensent largement l'injustice qu'avait engendrée l'effet repartition issu de l'inflation: « The advantage to economic progress and the accumulation of wealth will outweigh the element of social injustice especially if the latter can be taken in account and partially remedied, by the general system of taxation-and even without this remedy if the community starts from a low level of wealth and is greatly in need of a rapid accumulation of capital ». pp 267-268 vol I

    Lors de la phase d'expansion, il existe une effervescence de l'activité industrielle et financière : les impulsions monétaires permettent aux entrepreneurs d'augmenter leurs investissements permettant une hausse de la production, des prix, des profits et de la rémunération des facteurs. La phase dépressive se caractérise par un ralentissement de l'activité industrielle et financière suite à un déficit de capital circulant. Cette vision de Keynes présente des affinités avec celle de Hayek pour qui reconnaît qu'une inflation puisse créer des emplois et de la richesse : « Il n'a, bien entendu jamais été nié que l'emploi pourrait être rapidement augmenté et une situation de plein emploi atteinte dans les plus brefs délais en ayant recours à une expansion monétaire, au moins par tous les économistes dont la vision a été influencée par l'expérience d'une inflation majeure. Tout ce qui a été soutenu est que le type de plein emploi qui peut être réalisé de cette façon est intrinsèquement instable et que, créer des emplois par ces moyens, revient à perpétuer les fluctuations. » p. 55 (Avant propos de PP).

    Perpétuer les fluctuations, Keynes ne serait pas contre. D'ailleurs il propose à ce que ceci soit volontairement provoqué : « « a policy of monetary management which engineered a commodity inflation from time to time when it seemed that deflation to follow, might do good.» pp 264-5 (vol I)

    Keynes ne serait pas gêné de voir une instabilité économique allant dans le sens d'une augmentation des valeurs des agrégats de référence (emploi, production, consommation, investissement...) tandis que Hayek ne se soucie guère de savoir la direction prise par l'evolution à partir du moment que celle-ci est instable et déséquilibrée.

    A son sens,la déflation ne présente aucun intérêt majeur pour une économie. Si elle permet une compétitivité artificielle vis-à-vis de l'extérieur, elle entraîne des pertes pour les entrepreneurs ainsi que le chômage des facteurs de production tandis que l'inflation a des effets opposés. Bien qu'il existe une certaine injustice qui consiste à transférer de façon obligatoire des ressources des consommateurs aux entrepreneurs, l'intérêt de l'inflation se trouve dans le progrès globalement réalisés et qui se mesurent en termes d'emploi, de richesse sociale, d'innovation, de regain de confiance ainsi que d'une effervescence de l'activité économique. Pour Keynes, « it is certain that the opinion, that the real wealth of the community increases faster during a depression than during a boom must be erroneous. For it is a high rate of investment which must necessarily but definition be associated with a high rate of increment of increment of accumulated wealth » p 246 vol I

    CONCLUSION

    Pour Hayek, il existe une portion de la production totale à consommer tandis que l'autre est à investir. Tant que ce rapport est respecté, il n'y aura jamais de crise. Cependant dés qu'on y déroge, grâce au concours du crédit, l'économie devient perturbée et les fluctuations doivent être perçues comme des efforts en vue de rétablir l'équilibre. Hayek prône un certain fatalisme devant la crise : « Nous pouvons peut être prévenir une crise en contrôlant l'expansion à temps , mais,une fois déclarée, nous ne pouvons rien faire pour en sortir avant son terme naturel. » p.171 P-P

    Ce qui importe, c'est de rétablir le mécanisme des prix. L'unique façon pour remédier aux crises consiste à laisser la parole au mécanisme naturel des prix afin d'assurer l'autoreproduction et une croissance aux pas à pas et non une croissance aux pas de course telle que le voudrait Keynes. Plus tard Hayek proposera une solution radicale qui consisterait à déposséder de l'Etat du monopole monétaire78(*). Cette théorie que certain qualifie de « marotte un peu bizarre » est un véritable procès à l'encontre de la politique de l'argent facile et de l'intervention à outrance de la puissance publique.

    Mieux vaut, à son avis, prendre le temps qu'il faut pour mettre en place un tissu économique à base de secteurs productifs viables et rentables quelque soient les sacrifices que cela nécessite que de provoquer une profusion de secteurs parasites non rentables qui ne trouvent plus rien à offrir dés que la réalité reprend le dessus sur les artifices. L'excès de liquidités bancaires finit par noyer le mécanisme des prix qui seule parvient à faire bénéficier l'économie d'une forme de coordination parfaite. Il n'est donc pas erroné de dire que durant le cycle, le système des prix est écarté du jeu économique tandis que la régulation se fait de façon irrationnelle. Keynes soutiendrait l'exacte inverse. Durant le cycle, l'absence de liquidités bancaires pour suivre les cadences de l'expansion finit par coincer le mécanisme des prix et céder la place aux esprits animaux. Ainsi, il faudrait l'intervention des autorités monétaires pour rétablir la confiance et créer pour le système des prix les conditions d'un fonctionnement adéquat. Il ne considère pas que le cycle en soi soit néfaste pour l'économie. C'est uniquement lors de la phase de déflation qu'il constate des pertes d'emploi et de richesse. » There is one general conclusion which legitimately emerges from this discussion, namely that the principal evils of a credit cycle are due to its deflation phase and no to its inflation phase ». p267 vol I

    Les fluctuations relèvent de la différence entre le volume du crédit octroyé par le système bancaire et le volume optimal qui assurerait le plein emploi tandis que Hayek considère, partant d'une position d'équilibre, qu'elles sont dues à une injection monétaire sans rapport avec la croissance de la production. Cette analyse, il la partage avec Friedman. Au sens de ce dernier, la crise demeure évitable à partir du moment où la croissance monétaire est calquée sur la croissance de l'économie. Il semblerait que l'objectif de Keynes soit le plein emploi tandis que celui de Hayek demeure l'équilibre.

    La compréhension de l'analyse économique d'un auteur passe par sa perception de la nature et du rôle de la monnaie dans les cycles économiques. C'est valable aussi bien pour Hayek que pour Keynes. Tous deux l'appréhendent en tant que réponse à l'incertitude et à la temporalité intrinsèques à l'échange indirect. En d'autres termes, il l'envisage en tant qu'instrument au service des anticipations des agents. Cependant, alors que Keynes se réjouit de sa gestion par l'Etat et la présente comme un élément qui se fond dans l'économie avec de possibles vertus de dynamisation selon la posologie, Hayek lui reconnaît des caractéristiques assimilables à celles du dopage et se félicite des capacités du système économique à corriger les abus étatiques avant de rétablir l'équilibre. Keynes lui attribue des vertus messianiques tandis que Hayek la considère source des maux dont souffre l'économie.

    La source de leurs divergences est comme l'auront notée Steele et Dostaler purement normative. Elle relève souvent d'hypothèses arbitraires et de convictions purement personnelles. Hayek conçoit que les crédits s'estompent alors que rien n'empêche leur poursuite.Il reconnaît d'ailleurs l'aspect fondamental de l'analyse de Keynes à savoir qu'une politique monétaire expansionniste puisse engendré un progrès bien qu'instable.  Il est opportun de se demander pourquoi Hayek n'a pas analysé ce qui devrait être fait comme politique, une fois arrivé à une expansion rapide grâce au crédit facile, pour maintenir les emplois et la richesse qu'ils auront permis d'accumuler car cette situation bien artificiellement provoquée et instable est plus avantageuse qu'une situation certes équilibrée mais associée à un chômage et à un potentiel de croissance inexploitée. Par ailleurs, Hayek reproche à Keynes de faire usage des agrégats pour établir des relations qui ne traduisent en rien la réalité économique et au même moment, il fait usage du taux naturel et le compare au taux monétaire alors que celui ne peut constituer qu'une moyenne de l'ensemble des taux de profit existant au sein de l'économie.

    Si pour Hayek,il existe une proportion entre secteur des biens de consommation et celui des biens d'équipement telle que l'économie soit en équilibre, cela voudrait dire que ce rapport pourrait être atteint à des niveaux de production différente. Peut être qu'il devait indiquer à quoi tient ce rapport afin que dés les premiers moments du cycle que l'on puisse éviter la dépression en adaptant le niveau de consommation par une hausse des salaires, des crédits ou des dépenses publiques en vue de l'instauration d'une telle proportion vu que c'est les biens de production qui sont en excès.

    Apres avoir expliqué la crise (origine, manifestation.. .), Hayek devait nous dire comment s'effectue la reprise et dans quelle mesure une politique économique permettrait l'amélioration de la situation. A mon humble avis, sous réserve d'avoir compris ses analyses, il aurait pu trouver la proportion grâce à laquelle entre les deux secteurs de l'économie il n'y aurait pas de distorsions majeures. Par exemple si la proportion était de 2/3, c'est-à-dire pour deux unités de bien de consommation, il faudrait trois unités de biens de production, en produisant 1000 unités, on pourrait affecter 600 à la production et 400 à la consommation et si la production est de 5000, on affecterait 3000 à la production et 2000 à la consommation et l'on resterait toujours en équilibre cependant il s'agirait d'un équilibre quantitativement supérieur puisqu'il sera associé à plus de richesse et sûrement moins de chômage. Peut être que c'est dans cette logique que se trouve Keynes. Il propose dans le Treatise une intervention neutre qui consiste à mettre à la disposition de qui veut des ressources pour financer ses activités. Le planificateur peut être est aussi dans la même logique à la différence qu'il n'a pas du tout confiance au marché contrairement à Keynes qui semble être à mi chemin entre ces deux systèmes entre lesquels l'opposition de procédure est sans appel même si l'objectif final reste le même pour tous : plus de richesse, moins de chômage dans les plus brefs délais et de façon durable.

    Tentons une petite comparaison :

    Hayek 

    Cause du déséquilibre : L'Etat par le biais de son incarnation financière, la Banque Centrale.

    Remède au déséquilibre : le marché grâce à la vigueur de son mécanisme des prix

    Keynes

    Cause du déséquilibre : en partie le marché du fait qu'à partir d'un certain seuil ses mécanismes deviennent défaillants

    Remède au déséquilibre : l'Etat grâce à l'injection de liquidités au moment opportun.

    Le planificateur

    Cause du déséquilibre : le marché pour son incapacité à coordonner correctement

    Remède au déséquilibre : le tout Etat

    Toutefois devant ce qui semble être à première vue une opposition radicale, nous allons essayer de dégager des affinités analytiques qui témoignent d'un socle de vision commune.

    Hayek, bien que considérant les crédits issus d'une création monétaire comme responsables des crises reconnaît que leur poursuite permettrait de générer un surplus en termes de richesse et d'emplois, exactement comme Keynes. Etant en accord sur le rôle du crédit (inflation, emploi et richesse à court terme) et sur les conséquences de son arrêt (dimunition du capital dans l'économie, perte d'emploi et de richesse) et de sa reprise (regain d'inflation accompagné de plus d'emplois et de richesse...) leur divergence semble plutôt normative ;l'un préfère, me semble t'il, l'arrêt du crédit et donner à l'économie le temps de purger les interventions à l'origine des fluctuations afin de générer un nouvel équilibre tandis que l'autre juge urgent de continuer les crédits afin de pérenniser la phase d'ascension de l'économie sans guère donner une importance capitale à la notion d'équilibre que le premier trouve sacré.

    Derrière ce qui semble être une divergence totale, un examen plus approfondi devrait permettre de déceler un socle conceptuel et analytique commun. Bien que n'ayant pas eu l'intelligence de lire Schakle, nous sommes déjà bien préparés à accepter ses conclusions ou tout au moins en partie.

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    LE PLAN

    INTRODUCTION 3

    Sommaire 10

    CHAPITRE I Philosophie générale de Hayek et de Keynes

    Section I Biographie de Keynes 11

    Section II Biographie de Hayek 14

    Section III Contexte de la controverse 18

    Section IV Philosophie Economique 21

    A- Philosophie économique de Keynes 21

    B- Philosophie économique de Hayek 26

    - Le primat impérieux du marché

    -L'impératif moral du marché et le refus de l'intervention de l'Etat

    C- La place de la rationalité dans ce débat 31

    Section V Epistémologie

    A- Méthodologie 33

    B- Science naturelle ou science sociale 36

    C- Limites entre le normatif et le positif 37

    D- Les statistiques 39

    E- Analogie du débat entre libéraux et interventionnistes à celui entre partisans de l'hypnose et ceux de la psychanalyse 41

    CHAPITRE II LES CONCEPTS DE BASE

    Section I Investissement et Epargne chez Keynes

    A- L'investissement 44

    B- Fluctuation du capital circulant 46

    C- Financement de l'investissement 49

    D- L'épargne 51

    E- Relation investissement- épargne 53

    Section II Le taux d'intérêt

    A- La nature du taux d'intérêt 55

    B- Le rôle du taux d'intérêt 55

    Section III La théorie autrichienne du capital 57

    A- L'apport de Menger

    B- L'apport de Boehm Bawerk

    C- L'apport de Hayek

    Section IV Le mécanisme des prix 59

    A- Le rôle des prix

    B- Keynes et les prix relatifs 62

    CHAPITRE III DIVERGENCES ET CONVERGENCES SUR LES CYCLES

    Section I Les Aspects généraux de leurs théories 64

    Section II Les causes du cycle 67

    Section III Les précurseurs de Hayek 69

    Section IV Les différences d'approche 71

    Section V Les théories non monétaires 73

    A- les théories critiquées par Hayek 73

    B- Les théories critiquées par Keynes 76

    -Les théories du surinvestissement

    -Les théories du capital fixe

    Section VI Convergences et divergences

    A- les théories monétaires du cycle 78

    B- Découpage de l'économie 80

    C- Impact des impulsions monétaires 82

    D- Mécanisme des cycles 83

    -La première phase

    -La seconde phase

    E- Critique de la théorie de Hayek 88

    F- L'intérêt du cycle chez Keynes 89

    Conclusion 91

    Bibliographie 96

    * 1 Une controverse n'est pas forcément négative. Elle devrait nous pousser à continuer la réflexion

    * 2 Toutefois, nous ne faisons pas d'illusions. L'accueil que reçoit une théorie surtout dans le domaine des sciences sociales dépend moins des arguments véridiques qu'elle contient que du ton affectif à travers lequel elle est présentée. En effet les éléments efficaces de persuasion ne sont ni les faits ni la raison, mais l'émotion.

    * 3 E.B Tylor, Primitive culture, Tome 1, 1903

    * 4 La thèse lamarckienne selon laquelle les caractères acquis seraient génétiquement transmissibles est un exemple d'idéal pris pour la réalité.

    * 5 Délire chronique où dominent les perceptions sans objet (hallucinations)

    * 6 Les universitaires s'abstiennent généralement d'évoquer leurs différences d'opinions subtiles ou différentielles

    * 7 Rendre géométrique la représentation, c'est-à-dire dessiner les phénomènes et ordonner en série les événements décisifs d'une expérience, voilà la tâche première où s'affirme l'esprit scientifique. Bachelard

    * 8 Lorsqu'on se trouve face à des choses simples dont l'acquisition ne nécessite pas ou presque pas énormément d'apprentissage, nous pouvons dire que nous sommes sur une ligne droite. On n'aurait vraiment pas besoin d'indications et on peut se laisser aller au gré du vent : aurait on besoin d'une théorie d'absorption de l'eau pour une personne adulte autonome ?

    Cependant, la réalité peut devenir complexe et s'assimiler à une forêt ténébreuse dans laquelle pour s'orienter vers l'essentiel, il faudrait un guide. Cette complexité atteint son paroxysme lorsqu'elle s'apparente à un labyrinthe : la caractéristique essentielle et différentielle de cette situation est que l'on peut s'y perdre sans s'en rendre compte. Dés lors, le fil d'Ariane s'avère être une nécessité dans ces réalités multidimensionnelles et dynamiques. Probablement, la théorie économique remplit la même fonction en économie. Donc, une théorie est une tentative de compte rendu sur l'essentiel de phénomènes ou faits ayant eu cours ou étant en cours. Son objet est de servir de guide, de fil d'Ariane afin d'explorer convenablement le dédale que constitue chaque situation complexe.

    * 9 Marx disait : les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde différemment alors qu'il importe de le transformer...

    * 10«  Ce que je dis toujours est que l'histoire  de la pensée économique n'est rien d'autre qu'une façon de présenter  l'économie politique qui est une science sociale : l'exposé neutre n'y  existe pas ; on a toujours ses préférences, qu'on le dise ou qu'on ne  le dise pas. » Professeur Makhtar Diouf, Université Cheikh Anta Diop Dakar

    * 11 Assez proche d'un certain fatalisme quand même

    * 12 Concept hayekien totalement absent du paradigme keynésien.

    * 13 Mise en relation de deux ou de plusieurs concepts, considérés avec discernement.

    * 14 Etudier l'histoire, c'est montrer le lien qui unit hier a aujourd'hui.

    * 15 Histoire de la Pensée Economique

    * 16 Il faut comprendre l'homme avant de comprendre l'oeuvre et comprendre la vie pour situer l'oeuvre.

    * 17 Cela aurait nécessité une fastidieuse forme d'organisation à la quelle nous ne sommes pas bien préparés.

    * 18 Il reste à élucider les conflits qui ont dû habiter Keynes pour qu'il soit si généreux pour une personne issue de la bourgeoisie. En général, ceux-ci veulent garder à tout prix leurs privilèges et être seuls à en jouir...

    * 19 Seulement autodidacte ne veut nullement dire limité ou profane. Il serait judicieux de rappeler que les premiers économistes ont pour la plupart était des philosophes (Platon, Aristote...) ; Karl Marx s'est tout seul guidé dans les méandres d'une littérature pourtant très touffue en ces périodes.

    * 20

    En développant les travaux de Mises, Menger et autres, Hayek nous indique que la connaissance n'est pas statique. Elle est constamment mobile, en évolution. Ce développement s'exprime par le mouvement qui va de l'intuition vivante à la pensée abstraite et d'elle à la pratique. Tel est le chemin nécessaire de la connaissance du vrai, de la réalité objective que notre cerveau a pour mission de refléter grâce au caractère sélectif de la réflexion par opposition aux velléités de généralisation abusive de l'inconscient.

    * 21 Le seul terrain qu'il ne semble n'avoir jamais essayé de conquérir semble être l'économie du développement et cela devrait être lié au rôle primordial qu'y joue la puissance publique. Il ne serait pas surprenant de voir l'émergence de faculté où on enseignerait que la pensée de Hayek and Co.

    * 22 Ils se sont laissés aller à des diatribes qui ne font vraiment pas la fierté de notre discipline : « On se souvient que Gunnar Myrdal, co-laureat avec Hayek du Prix Nobel d'économie en 1974, avait déclaré peu aimablement que ce dernier n'ait « certainly never been much troubled by epistemological worries », provoquant d'ailleurs chez l'interessé une riposte aussi peu civile que l'attaque : « I don't think he has ever been a good economist. » Bornier, J.M (Recension d'ouvrage).

    * 23 Célèbre hôpital psychiatrique de Londres.

    * 24 Comme toujours, les auteurs se montrent plus experts dans les critiques qu'ils s'adressent les uns aux autres que dans la partie positive de leurs travaux.

    * 25 Pour Keynes, l'efficacité du système économique implique une ingérence humaine ; il n'est pas question de laisser les forces de la nature, à travers le marché, avoir le dernier mot. La nature , tant qu'elle a le dernier mot, exige des hommes de prendre leur mal en patience alors que les hommes, ayant une plus grande maîtrise de leur appareil productif grâce au soutien de la science peuvent imposer leur rythme (pas forcément par le biais d'une planification) et subvenir à tous aux besoins de leurs semblables.

    * 26 . La théorie économique n'était pas pour Keynes une construction abstraite coupée de la réalité. Il s'agissait de comprendre, en particulier, pourquoi les économies capitalistes ne parvenaient pas à générer spontanément le plein emploi, comme l'enseignait la théorie orthodoxe, qui tenait les mécanismes autorégulateurs du marché pour suffisants à cette fin. (Dostaler, Mars 2003, vol.79)

    * 27 Dans son introduction à la théorie générale, Keynes insiste sur le caractère macroéconomique de son approche :

    «  Nous avons donné à notre théorie le nom de théorie générale. Par là nous avons voulu marquer que nous avions principalement en vue le fonctionnement de l'économie dans son ensemble, que nous envisageons les revenus globaux les profits globaux, la production globale, l'emploi global, l'investissement global et l'épargne globale bien plus que les revenus, les profits, la production, l'emploi, l'investissement et l'épargne des industries, d'entreprises ou d'individus considérés isolément. Et nous prétendons qu'on a commis des erreurs graves en étendant au système pris dans son ensemble des conclusions qui avaient été correctement établies en considération d'une seule partie du système prise isolément. »

    * 28 Le taux de profit escompté ou efficacité marginale du capital est une estimation des rendements futurs qui doivent être obtenus sur les investissements productifs. Il est incertain et est influencé par des facteurs subjectifs

    * 29Le succès de Keynes aurait pu revenir à un auteur polonais, Michal Kalecki.

    La découverte du principe de la demande effective, Keynes le doit certainement à l'insuffisance de ses lectures. En 1933, Kalecki, économiste polonais, dans « Essays in the Theory of Business Cycles » établissait ce principe sous forme mathématique.

    Critiquant la théorie orthodoxe du chômage, il affirme qu'une baisse des salaires se traduit par une réduction du pouvoir d'achat qui à son tour entraîne une baisse de la demande des biens de consommation et de la main d'oeuvre nécessaire à sa production. Ainsi, le remède néoclassique à la dépression est névrotique pour Kalecki30.

    A son sens, il faudrait une augmentation de l'investissement qui à son tour entraîne celle de l'emploi. Il remarque que si une augmentation peut se déclencher de façon spontanée, une politique économique, par substitution de la nécessité au hasard, doit pouvoir délibérément mettre en place des projets qui, sans cela n'auraient pas été entrepris.

    L'essence de l'analyse économique de Kalecki se synthétise comme suit : «  les salariés dépensent ce qu'ils gagnent et les capitalistes gagnent ce qu'ils dépensent. »

    Par ailleurs, Kalecki s'intéresse à la formation des prix en termes de coûts auxquels on ajoute une marge bénéficiaire. Il attira l'attention sur le fait qu'il y'a deux systèmes de formation des prix dans l'économie modernes, l'un qui est dominé par l'offre et la demande, l'autre par les coûts et le profit.

    Il s'agit d'un argument au secours de la vision keynésienne qui présente l'inflation comme le fruit du dialogue social et non un problème purement monétaire comme le voudrait Hayek. Par contre, il nie toute véracité à l'analyse de Keynes qui soutient que toute augmentation de la production est entachée de deséconomies d'échelle et donc nécessiterait une hausse des prix de vente. Il affirme que la plupart des secteurs productifs de l`économie connaît des rendements d'échelle croissants.

    L'inflation au sens de Kalecki est d'abord une conséquence de la lutte pour le partage de la valeur ajoutée entre le capital et le travail. Pour sa maîtrise, une politique de revenus s'avère nécessaire : l'Etat doit réunir les conditions d'une répartition à la fois socialement et économiquement acceptable. Il s'agit de trouver la répartition salaire -profit pour laquelle le niveau des investissements qui en résulte permet d'assurer le plein emploi. Cette politique de revenus pourra être renforcé par une politique industrielle dont l'objectif serait de rendre la production plus flexible.

    Par ailleurs alors que Keynes espérait que, une fois l'économie de marché réformée, le plein pour effet la disparition de la pauvreté, une baisse permanente du taux d'intérêt et une euthanasie du rentier31, Kalecki met en garde contre les dérives gouvernementales dans le même esprit de celui de l'Ecole de Virginie.

    * 32 Le refus d'un crédit non engendré par une épargne préalable n'est pas une contrainte externe, ni une objectivité mais un élément de la logique interne à la pensée de Hayek et plus particulièrement en la nécessité de passer par la compétition pour faire éclore les talents.....S'il existe une constante chez Hayek c'est de tout faire pour que l'efficacité spontanée ne soit pas entamée...

    * 33 Human dignity rests upon the exercise of initiative and the acceptance of personal responsibility

    * . 34 Menger dira : plus la civilisation d'un peuple s'élève et plus les hommes scrutent profondément la véritable essence des choses et leur nature spéciale, plus le nombre des produits réels devient plus grand et celui des biens imaginaires, petit.

    * 35 Modification du comportement résultant d'expériences répétées. « Successful practices are not born of the intellect. They are propagated through imitative learning and, at their highest level, they become enshrined in the common law.»

    * 36 Le rejet de Hayek de toute intervention de l'Etat n'a d'équivalent chez Keynes que dans sa volonté de faire du rentier un métier du passé. Ils ont en commun la conception que toute activité de leur part est source d'inefficacité.

    * 37 Questionnement de Mark Blaug

    Pour Blaug, l'objet des études en économies est la transmission de connaissances concrètes du système économique et non un formalisme vide qui consiste à valoriser l'aptitude à résoudre des puzzles. Il s'agit, sans procéder à une négation de l'économie abstraite, de se demander comment fonctionne réellement l'économie. En ce sens, comme l'a bien remarqué Hayek, la théorie économique néoclassique n'apporte guère de satisfaction pour qui veut comprendre comment le monde économique est régi. Il poursuit en soulignant qu'un intérêt pour les phénomènes économiques n'est fécond que lorsqu'il se prolonge dans la politique économique qui a pour objet l'amélioration des affaires économiques, l'éradication de la pauvreté, une plus grande équité dans la répartition des revenus et des richesses, la lutte contre les dépressions...Et cela n'est possible qu'avec une bonne maîtrise des principes fondamentaux de l'économie réelle.

    En effet, l'économie doit être une science empirique ayant pour objet un monde meilleur et en ce sens la rigueur analytique quoique sine qua none, importe moins que la pertinence pratique. Pour cette raison, nous percevons une variante méthodologique (analyse des concepts, des théories et des principes de base) tel un conseil et point un impératif catégorique.

    Peu importe les hypothèses de départ, à moins qu'elles ne soient le fruit d'une imagination corrompue ; ce qui importe, c'est qu'une fois établies, qu'elles ne soient pas convoquées à nouveau pour justifier la véracité de la conclusion. Elles doivent se fondre totalement dans le processus analytico-synthétique.

    * 38 C'est nous qui mettons entre parenthèses

    * 39 Il est clair qu'un autodidacte en chimie, biologie, physique ou astronomie du XXeme siècle, après toute la quantité de savoir accumulée par les générations précédentes aurait beaucoup de mal a suscité un intérêt même controversé. En effet en ce qui concerne les sciences dites naturelles, les progrès a faire son tellement complexes que les chercheurs font appel a des instruments indisponibles chez l'homme tout en installant un échange fructueux assimilables a des coups de mains réciproques. Aussi l'outil mathématique dont ils font usage, du fait de son caractère universel et l'indépendance des phénomènes étudiés par rapport aux préférences de ceux qui l'étudient (pas de place pour l'idéologie ou la foi) font de ces sciences un terrain fertile que plusieurs peuvent se mettre a cultiver ensemble tout en relisant des économies d'échelle.

    Par contre quand il s'agit des sciences sociales et plus particulièrement de l'économie, des divergences voient le jour sur les questions les plus élémentaires qu'une science ait a traiter. Même en décidant de travailler ensemble, les penseurs d'un même courant sont obligés de laisser de coté certains points sur lesquels ils ne peuvent s'entendre pour se retrouver autour de ce qui les unit et qui les opposent avec les autres camps.

    C'est ainsi que l'école autrichienne malgré sa sensibilité pour le libéralisme est très heterogéne de par les oppositions et divergences que l'on décèle sur leurs analyses. Un auteur comme Schumpeter reconnaît des limites au marché alors que Mises et Hayek lui vouent un culte et des fois pour des domaines (celui de la monnaie) pour lesquels certains libéraux reconnaissent leur impuissance. La théorie de l'intérêt de Bohm Bawerk est dénigrée par Mises alors que Hayek en fait la pierre angulaire de sa théorie des cycles avec de légers remaniements. Ces divergences atteignent leur paroxysme lorsqu'il s'agit de religion ou de questions mystiques. Le symbole vivant est l'opposition violente qui a existé entre catholiques et protestants malgré qu'ils partagent le même Dieu, le même Prophète, le même livre Saint (donc la même source).

    * 40 On peut quand même reconnaître à Keynes une certaine sélectivité dans ses activités intellectuelles ; en effet malgré son goût et sa formation pour les maths, il n'a pas succombé face à l'arsenal technique séduisant des néoclassiques. Peut être le doit il à son intelligence qui lui a permis d'aller au delà de l'apparent et de s'apercevoir de la supercherie ou a tout le moins des errements de cette tradition. Pour les mêmes raisons malgré que l'économétrie ait voulu être un de ses apôtres, il est resté sceptique face a ses aptitudes a informer avec fiabilité...

    * 41 Pour Pierre Delfaud, en économie, il existe une approche inductive qui part des faits et une approche déductive issue d'un ensemble d'hypothèse donnée. Toutefois, il pense qu'il n'existe pas d'exclusivité accordée à l'une ou à l'autre ; une théorie économique serait donc la résultante d'un certain éclectisme, c'est-à-dire une combinaison des deux approches.

    * 42 Quand à la singularité ou l'aspect insolite de la théorie des cycles de Hayek, il s'agit d'un caractère comme un autre. Il ne lui appartient pas de prescrire aux choses les mécanismes par lesquelles elles doivent se manifester. Sa mission, demeure à les mettre à nu et d'en indiquer le fondement, c'est-à-dire ce par quoi le reste se détermine

    * 43 Une analyse en termes de relations entre divers agrégats ou moyennes tels que la demande ou l'offre globales, le niveau moyen des prix, etc est une approche qui occulte totalement la nature du mécanisme qui détermine la demande pour les différents types d'activité.

    * 44 Dans cette approche, la théorie se retrouve sublimée en modèle dont on estime les paramètres des variables actives par le biais d'une inférence statistiques avant de les tester.

    Pour des raisons epistemologiques, Keynes soutient que la méthode des moindres carrés ne fonctionne que si toutes les variables exogènes significatives sont prises en compte et cela n'est possible que lorsque l'information est parfaite ; ce qui n'est pas le cas dans la réalité. Par ailleurs, il existe certaines variables influentes non quantifiables (institutions, état d'esprit des individus...) et le découpage homogène du temps n'est qu'arbitraire car il n'existe pas de lois naturelles stables au sein de l'économie.

    * 45 Un conseil est une proposition et en cela diffère de l'injonction qui est une contrainte

    * 46 Un symptôme se forme à titre de substitution à la place de quelque chose qui n'a pas réussi à se manifester au dehors. Seulement, il disparaît lorsque leurs conditions inconscientes ont été rendues conscientes et l'énergie qui leur était associée, disloquée.

    * 47 Hayek suppose qu'une augmentation de l'investissement se traduit par un allongement du processus de production aboutissant à une hausse différé de la production et non à une hausse directe des unités de production comme si l'investissement était orienté vers l'usage de résultats (méthode et technique) de la recherche développement tandis que Keynes conçoit une hausse de l'investissement en termes d'augmentation des unités de production à technologie constante ou variable.

    * 48 Concernant le capital circulant, Keynes ne semble pas assez clair. Tantôt le capital circulant sert au financement à crédit des salaires et autres charges liées au processus de production en cours, tantôt il représente l'ensemble des biens en cours de production, indisponible pour une consommation finale.

    * 49 L'augmentation du capital circulant est un investissement qui, s'il n'est pas précédé d'une hausse de la production nécessite un prélèvement sur les ressources à consommer. Ce phénomène est considéré par Keynes comme étant un transfert d'une consommation improductive vers une consommation productive : «  investment which requires a redistribution of current consumption but no reduction in its aggregates may be said to substitute productive consumption for unproductive consumption. »

    Ce transfert des improductifs vers les productifs permet un accroissement de la production: « whenever available income is transferred from an individual qua unproductive or relatively unproductive consumer to an individual qua productive or relatively productive consumer, it follows that the amount of production is increased and vice versa pp.111-2, Tome II

    Au sens de Keynes ce transfert peut s'opérer directement d'une façon volontaire à travers l'épargne ou d'une façon contraignante et indirecte par le biais d'une inflation : «  this reduction of unproductive consumption and substitution of productive consumption instead may be brought about, as we have seen either by individuals voluntarily saving as part of their money incomes or by reduction in the purchasing power of these money incomes as the result of a rise in prices which transfer some part of their real incomes in the control of individuals who will direct it towards productive consumption ; » p.112, Tome II

    Il existe une autre forme de transfert qui, cette fois peut être stérile parce que n'entraînant pas forcément une hausse de l'investissement. Il se déroule entre créanciers d'avant la hausse des prix vers les débiteurs de la même époque . Ces derniers pourront rembourser leurs crédits avec une monnaie de moindre pouvoir d'achat. «  The borrowers can repay when the due date of their loan arrives by parting with less purchasing power than what they had expected to part with, and therefore retain additional purchasing power which they may or may not employ to replenish working capital. » p 270-271ptm

    * 50 Ceci constitue le socle de la theorie des cycles de Hawtrey. Au sens de ce dernier, le cycle est un phénoméne purement monétaire : « All causes of fluctuations in productive activity are conditioned by the monetary factor. » p117. Cette assertion de Hawtrey est partagée par Keynes sans reserve. Toutefois,il lui reproche de n'avoir pas suffisamment distingué la dimension financiere de l'aspect industriel qui devrait souligner le role de l'investissement et surtout d'avoir négligé le role du capital circulant. Hawtrey, comme Keynes, ne retient pas l'hypothése de plein emploi des facteurs et considère qu'une politique monétaire adéquate devrait permettre plus de richesse et moins de chômage sans augmentation des prix.

    * 51 Ainsi, Keynes contrairement à Hayek, ne conçoit pas l'existence d'un taux d'intérêt naturel qui aurait pour effet, à tout moment, d'égaler l'épargne à l'investissement permettant ainsi à l'économie de s'installer dans une situation d'équilibre. Le taux considéré par Keynes, malgré sa prise en compte pour des raisons théoriques du taux d'intérêt naturel, est celui bancaire ;il ne reflète aucune réalité économique et est purement arbitraire.

    * 52 Hayek a une conception positive de l'épargne tandis que Keynes en a une conception négative. C'est comme la différence qui existe entre Confucius et le Christ :le premier dit Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît tandis que le second s'exclamera Faites à autrui ce que vous voulez qu'il vous fasse. Où se trouve la différence ?

    * 53 Le concept d'épargne forcée semble insuffisant pour traduire la réalité à laquelle, dans le scénario hayekien de l'économie, les consommateurs sont confrontés lorsque les producteurs reçoivent des crédits supplémentaires. En effet, les consommateurs s'abstiennent de consommer (ce qui est une caractéristique de l'épargne). Cependant à la fin du processus ils n'obtiennent pas le montant auquel ils ont dû renoncer et encore moins les intérêts. Peut être des termes comme charité obligatoire ou aumône réquisitionnée ou don forcé correspondrait mieux car ils ressortiraient à la fois l'aspect contraignant et surtout la perte sèche que représente la renonciation contrairement à une épargne volontaire pour laquelle à la fois un capital et des intérêts seront perçus.

    * 54

    * 55 Une différence de fond entre l'école de Vienne et les autres, c'est de ne plus concevoir l'intérêt en rapport direct avec le capital. Ils ont développé une théorie liée à la préférence temporelle. Celle-ci s'oppose aux productivistes qui considèrent que l'intérêt est une rémunération liée au capital qui lui-même est source de plus value. Ainsi, il constituerait une portion de cette valeur générée par le capital et que l'on verserait à ceux qui ont voulu mettre les ressources à la disposition de l'entrepreneur.

    * 56 Pour Kirzner, la pensée autrichienne se situe essentiellement autour de questions normatives : la coordination des projets ; la manière dont les décisions des multiples individus peuvent être systématiquement modifiées par l'expérience du marché pour anticiper plus correctement les préférences des uns et des autres ; le degré à partir duquel le déséquilibre des prix contribue à l'amélioration de ces anticipation à travers la création d'opportunités s'offrant à la découverte entrepreunariale. Cette perspective entièrement liée à l'individualisme méthodologique met en relief le rôle de la connaissance dans le choix économique ; la subjectivité de l'économique ; le caractère concurrentiel-entrepreunarial du processus de découverte ; et la façon ex ante selon laquelle le temps laisse ses traces dans l'activité économique.

    * 57 Bohm Bawerk a voulu faire de la théorie du capital et de l'intérêt son domaine de prédilection. C'est ainsi qu'il s'est chargé de proceder à un « vast program involving the critical appraisal of all theoretical propositions concerning capital and interest. (J.M de Bornier Comparing Menger and Bawerk on capital theory, 2006) Ces oeuvres en ce sens seront History and Critique of Interest Theories , The Positive Theory of Capital et Further Essays on Capital and Interest et à travers cette etude critique,» German, British, American and French economist were carefully reviewed and some of them like Alfred Marshall or John Bates Clark- entered into lively debates with Bawerk.» (ibid)

    * 58 Definition capital de Menger :Correctly understood, however, capital consists only of those quantities of economic goods that are available to us in the present for future periods of time and are capable of being applied to uses whose nature and economic character I have discussed at length. (Menger, 1871-1950, p. 303)

    * 59 Qu'est ce que le niveau general des prix ? Pour que le niveau general des prix soit affecté faudrait il que les prix individuels le soient. Il est donc impossible d'affecter le niveau général des prix sans affecté les prix individuellement, à moins que l'impact ne soit d'une proportion identique pour tous les prix ; ce qui releve forcement de l'ideal. Le niveau general des prix ne peut etre affecté sans qu'auparavant les prix individuels le soit, à moins que la somme algebrique des incidences soit nulle. Dés lors que cette somme n'est pas nulle, les prix etant differemment infectés par la nouvelle impulsion monétaire, il s'en suit une modification obligatoire des prix relatifs et donc de la structure de la production

    * 60 Le Darwinisme chez Hayek

    Dans son analyse des sociétés, Marx a élaboré le matérialisme historique en tant que théorie générale de l'évolution sociale. Celle-ci a une forte saveur de sélection naturelle. Cependant cette caractéristique disparaît lors de la période de transition du capitalisme vers le socialisme : l'homme ne devra plus subir les lois de la nature. Il devra s'en émanciper afin de mettre en place un système social plus à même de favoriser son épanouissement. En d'autres termes, la société devra passer de l'abeille guidée par son instinct à l'habileté de l'architecte. Engels dira : la théorie de l'évolution ne doit être acceptée qu'en tant que première expression, provisoire et imparfaite d'une réalité nouvellement découverte.

    Dans la perspective évolutionniste, le progrès est purement accidentel, les mutations se produisent au hasard, sans finalité et la sélection, en faisant le tri, donne un ordre à l'ensemble en dehors de tout destin ou devoir. Chez les constructivistes celui-ci est nécessaire et se doit d'être suscité. Sur le plan économique, la substitution de la nécessité au hasard est prise en charge par la politique économique.

    Aux antipodes de cette vision de marxiste, Hayek ne voit aucun progrès dans ce transfert ; bien au contraire. D'ailleurs, il glorifie la ressemblance entre le comportement humain et celui des abeilles. Ce qu'il trouvait de si génial dans la fable des abeilles de Mandeville, c'est justement que la société humaine qui y est mise en scène ne fonctionne de façon harmonieuse qu'à condition que les hommes se laissent guider par leurs instincts. Ainsi les meilleures lois ne résulteraient pas des visées de quelques sages législateurs, mais par le biais d'un long processus d'essais et d'erreurs.

    Pour Hayek, Adam Smith avait compris depuis longtemps l'importance de l'ordre spontanée et c'est pour cela qu'il présentait le marché comme une institution qui permettait, bien mieux que l'aurait fait la bienveillance mutuelle des agents économiques, de répondre aux besoins de chacun d'eux, de façon aussi efficace que si une main invisible avait veillé à coordonner la multitude des décisions indépendantes qui y foisonnent.

    Si une coordination aussi admirable est ainsi assurée entre les activités des individus, c'est qu'une institution sociale, le marché, qui est une résultante historique des multiples expériences spontanées a été sélectionnée au dépens d'autres institutions moins efficaces, parce qu'elle se trouvait justement être plus adaptée que d'autres et , de ce fait, plus susceptibles d'assurer survie et développement aux sociétés qui la promeuvent.

    Ce processus de sélection purement naturel offre pour Hayek un contour parfaitement scientifique et nullement téléologique à l'analyse d'un processus institutionnel. Il stipule qu'il n'y a aucune raison concluante de voir un effet de la sagesse de la Providence dans le fait que ce sont précisément les organismes ou les sociétés les mieux adaptés qui perdurent.

    * 61 Au fait quelle est la théorie de la demande de monnaie chez Hayek s'il en existe une ? Sinon pour quelle raison il n'y en a pas ?

    * 62Hayek est dans une logique arithmétique, dans un jeu a somme nulle : quand on donne aux uns, il faut prendre autant aux autres. C'est cela l'essence de l'hypothèse de plein emploi des facteurs que renforce celle de la longévité du processus de production. L'hypothèse de processus de production au long cours donne un répit à Hayek dans ses analyses car la quantité de biens reste inchangée même s'il existe des facteurs oisifs. S'il l'envisageait autrement, cela aurait un impact décisif dans son raisonnement et pourrait même changer complètement ses conclusions et c'est ce qui est dans une certaine mesure assez révoltant. Comment se fait il qu'une hypothèse aussi discutable puisse avoir un impact aussi important dans les conclusions.

    * 63 Hayek semble décrire une économie verticalement désintégrée. Aucune entreprise ne prend en charge la production d'un bien d'un bout à l'autre ; chacune injecte sa valeur ajoutée avant de passer le témoin à la prochaine : « Nous avons besoin d'une hypothèse précise sur la division du processus total de production entre diverses entreprises, qui rend seule nécessaire l'intervention de la monnaie. (pp 110-1)

    * 64 La critique de Sraffa débute par une ironie sur l'oeuvre de Hayek. Il suppose que cela n'a pas dû être facile pour Hayek comme pour son audience de participer à la série de conférences à la LSE car suppose t'il, peu importe l'originalité de l'oeuvre, elle devait souscrire à l'inintelligibilité qui était le sceau des travaux monétaires de cette époque. Il lui reconnaît le mérite d'avoir innover en considérant l'impact des impulsions sur les prix relatifs. Mais pour le reste, Hayek n'a fait qu'entretenir la confusion. Il s'exprima en ces termes: « It's one definite contribution in the emphasis it puts on the study of the effects of monetary theory changes on the relative prices of commodities rather than on movements of the general price level on which attention has almost exclusively been focused by the old quantity theory. But in every other respect the inescapable conclusion is that it can only add to the prevailing confusion of thoughts on the subject. [Sraffa, mars 1932]

    * 65 Leur hypothèse est que le mécanisme des prix connaît des impairs dans son fonctionnement et ces manquements, elles les expliquent par le fait que le processus de production prend du temps. Ainsi les changements peuvent avoir lieu et avant que le système puisse réagir par le biais du mécanisme des prix, d'autres changements peuvent surgir rendant l'adaptation inadéquate.

    * 66 Admettra t'il implicitement que l'économie de troc est toujours en équilibre.

    * 67 Ils jouent presque les mêmes rôles primordiaux dans leurs analyses des cycles. Keynes considère que c'est le déficit en capital circulant que devraient réapprovisionner le système bancaire qui empêche le prolongement de l'expansion et donc annonce la crise tandis que Hayek conçoit que c'est la rareté des crédits contraignant les entrepreneurs qui avaient disposer des nouveaux crédits à baisser l'intensité capitalistique de leurs productions qui est la source de la crise. Ceux la ne peuvent plus continuer à prefinancer des processus de production assez longs et pour cette raison devront réduire leurs étapes de production.

    * 68 Toutefois rien n'empêche aux prix de diverger c'est-à-dire d'évoluer en sens opposé. Lorsque le profit se généralise, il s'entretient par une hausse des prix versés aux facteurs de production grâce à la hausse continuelle de l'investissement.

    * 69 Cette théorie voudrait qu'une hausse des salaires ait pour conséquences 1) la substitution du capital au travail à court terme 2) l'accroissement des prix relatifs des biens incorporant davantage de travail que de capital et diminution des prix des biens à forte intensité capitalistique 3) l'accroissement de la production des biens de production à forte intensité capitalistique qu'entraîne à long terme un accroissement de l'emploi.

    * 70 Ce renforcement des capacités de production, au détriment de la consommation, entraînera une augmentation du revenu réel des producteurs alors que celui des consommateurs tend à la baisse du fait de l'inflation : « ce sacrifice est supporté non pas parce qu'ils veulent consommer moins mais parce qu'avec leur revenu nominal ils obtiennent moins de biens. »(p 123)

    * 71 Une hypothèse fondamentale et très discutable chez Hayek, c'est le fait qu'une création monétaire entraîne une hausse de la production de biens d'investissement au détriment de celle de biens de consommation.

    * 72 Pour le second cas, l'augmentation de l'investissement est accompagnée d'une augmentation du volume de production. Il n'existe ainsi pas de substitution entre les différents types de bien d'autant plus que la reconversion d'un facteur adapté à la production d'une catégorie de bien vers la production d'une autre prend du temps. En plus de cela les facteurs ne font pas l'objet d'un plein emploi.

    La rémunération des facteurs augmente sans aucune augmentation de la production globale tandis que les prix augmentent dans la même proportion que la rémunération des facteurs ainsi que des coûts de production. A la différence avec le premier cas, dans le second cas, la hausse des prix se produit au tout début du cycle.

    Dans le troisième cas, les facteurs de production inemployés sont mis en mouvement pour la production de biens de consommation. Au delà d'une période de production, l'out put augmente pour un total de revenu inchangé d'où le début de la phase de déflation.

    Keynes considère que le second et le troisième cas ne peuvent pas avoir lieu sans impulsion monétaire car ils vont avec un accroissement des besoins de liquidité suite à une hausse des rémunérations ainsi qu'une hausse du profit. Ce supplément de monnaie pour la circulation industrielle peut tout de même provenir d'une réduction de la circulation financière, de la venue d'or en provenance de l'étranger... Par ailleurs, le premier cas peut survenir avec de faibles modifications monétaires car ni les rémunérations ni le volume de la production ne varient pendant la première phase.

    * 73« Il est évident que seules les différences momentanées entre prix aux différents stades de la production peuvent entraîner des déplacements de biens de production d'un stade à un autre. » Le déplacement se faisant des usages les moins avantageux vers les usages les plus avantageux. Les variations des prix modifient les perspectives de profit et la modification des perspectives de profit entraîne des changements dans l'usage des facteurs de productions disponibles. Lorsque les prix relatifs varient, les biens subissent une nouvelle affectation. Cette variation n'affecte pas l'économie en volume mais en orientation.

    * 74 « for there are enormous losses to be put on the other side ascribable to the cyclical deflations p264

    La perte est à la fois individuelle et collective ; à cause du chômage involontaire une portion de la richesse potentielle reste ensevelie dans le système productif.

    * 75 Philosophe français (1884-1962). Auteur de La formation de l'esprit scientifique (1938), psychanalyse de la connaissance scientifique.

    * 76 L'objet de la science doit être de trouver l'essence derrière la multitude de phénomènes, derrière les aspects superficiels. Elle doit découvrir les processus internes, profonds qui sont à leur base. (Afanassiev, p.182)

    * 77 Poète et écrivain malien du XXéme siècle

    * 78 La monnaie est née libre et elle doit le demeurer dans un système monétaire sans monopole où chaque agent aura l'entière responsabilité de sa propre monnaie. Ainsi, il n'y aurait pas de crise. Telle est la prescription contenue dans son petit opuscule des années 70 intitulé Dénationalisation de la monnaie.

    La valeur de chaque monnaie serait garantie par un taux de change et un pouvoir d'achat flexibles alors que sa défense incombera à ses promoteurs. L'essentiel, c'est de retirer le monopole d'émission à la Banque Centrale et de promouvoir une micro régulation par les banques de second rang.






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