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La théorie des cycles dans la controverse entre Keynes et Hayek

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par Ousmane Thiané DIOP
Paul Cezanne Aix en Provence - Master II Philosophie Economique 2007
  

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Section IV : Philosophie Economique

Comme le diront Leroux et Marciano en citant Walliser, la philosophie économique doit participer à l'intelligence de l'économie sans être une philosophie appliquée à l'économie et encore moins une économie à prétention philosophique. Dans une autre mesure, en suivant Rabelais lorsqu'il énonçait « science sans conscience n'est que ruine de l'âme, il serait peut être intéressant de soutenir que la philosophie joue ce rôle de conscience des sciences en ce qu'elle pousse les hommes à faire usage de leurs découvertes dans le sens du progrès social et du bien être de l'humanité. Cependant cela nous permet il de comprendre comment se fait il que les deux auteurs les plus célèbres en économie aient pu avoir des positions aussi differentes ?

Même s'il apparaît parfois, lorsqu'on fait abstraction des différences de terminologies, d'observer des similarités dans leurs analyses, il n'en demeure pas moins qu'ils s'opposent sur ce qui peut être compris comme le noyau de leurs pensées. Fait assez étrange pour une discipline scientifique, ils semblent ne pas analyser le même objet et pourtant ils sont contemporains et ont en vue les mêmes pays à savoir l'Angleterre et les Etats-Unis. Hayek semble se trouver dans une économie qui connaît des rigidités dans l'offre tandis que Keynes conçoit que les économie occidentales ayant bénéficié des apports qualitatifs de la révolution industrielle ont des capacités de production jusque là jamais exploitées au plus haut point.

A) Philosophie économique de Keynes

La pensée de Keynes, surtout après la publication de la théorie générale est souvent qualifiée de révolutionnaire en ce qu'elle ne se soumettait plus à la tradition néoclassique qui s'était emparée de l'économie des deux cotés de l'atlantique

Il s'insurgea contre cette vision du fonctionnement de l'économie en faisant comprendre que les mécanismes de marché ne fonctionnaient pas à merveille25(*) tandis que le raisonnement microéconomique ne permettait pas de saisir la totalité de la réalité économique. Ainsi, dut il recourir à la macroéconomie, à l'usage d'agrégats, tout en professant une autre forme d'ajustement à savoir par les quantités et non par les prix comme il est de rigueur chez les néoclassiques.

Selon Axel Leijonhufvud, « Keynes's analysis departs from the postulate of the classical doctrine on only one point: there is no auctioneer to elicit and to disseminate a set of equilibrium prices.» Ainsi Keynes récuse tout l'arsenal walrassien et laisse entrevoir la possibilité d'un équilibre de sous emploi. Etant donné que rien n'assure de l'existence d'un commissaire priseur pour que les prix soient optimaux et permettre l'égalité offre demande, l'économie peut ne pas fonctionner à plein régime et ce, pendant une durée assez longue.

La pensée économique de Keynes est liée à un ensemble de propositions philosophiques centrées autour des quatre thèmes suivants :

1 La monnaie se différencie radicalement des autres actifs.

2 Le traitement du temps et l'incertitude en reconnaissant d'une part l'irréversibilité intrinsèque des décisions économiques dans une économie monétaire où les contrats sont essentiels et, d'autre part, l'impossibilité de réduire des anticipations à des équivalents probabilistes.

3 Le refus de présenter le marché à l'image de la théorie classique qui stipule qu'il existe des mécanismes d'ajustement spontanés.

4 Le salaire n'est plus présenté comme un prix du travail mais comme un rapport social particulier à l'image du marxisme.

En conclusion, le processus d'échange monétaire de la force de travail constitue avec la préférence pour la liquidité et la fonction d'investissement les ingrédients essentiels de la détermination des grandeurs économiques du système capitaliste.

Pour Axel Leijonhufvud, la théorie keynésienne doit être considérée comme une théorie générale du déséquilibre, c'est-à-dire de l'échec fréquent des mécanismes d'ajustement spontanés par le marché26(*). A ses yeux, la théorie de Keynes traite du coût et de l'imperfection de l'information, de la lenteur des ajustements de prix et du rôle des ajustements par les quantités. Elle attribue le sous emploi des ressources non pas à la rigidité des prix (taux d'intérêt, salaires...) mais à l'incertitude inhérente à toute spéculation sur l'avenir. Les facteurs psychologiques sont en définitive les variables explicatives ultimes sur lesquelles repose la détermination de la production et de l'emploi.

Pour Michael Stewart, dans son oeuvre « Keynes, 1967 »

L'oeuvre de Keynes se veut d'être une contribution scientifique en vue d'un monde meilleur duquel seraient bannis chômage et misère. Il était persuadé que l'on pouvait venir à bout de ces sinistres en leur appliquant une pensée claire suivie d'une action énergique. Elle est centrée autour de deux questions :

1) Quelles sont les failles de la l'orthodoxie en vigueur ?

2) Comment est il possible qu'une économie puisse demeurer durablement engluée au point le plus bas du cycle avec un niveau de chômage insupportable et comment renverser la tendance ?

Sa réponse fut une analyse macroéconomique27(*) de courte période avec le budget de l'Etat en tant qu'instrument de sortie de crise ; le long terme n'est pas pris en compte car son essentiel était de projeter une lumière sur les facteurs qui déterminent le niveau global de la production, de l'emploi... pour une échéance immédiate ou d'une année.

Janine Bremond dira, le thème central de l'ouvrage est l'analyse des causes du chômage et des moyens d'y remédier. Elle remet en cause la pensée alors dominante et présente une vision alternative de la réalité économique dans son ensemble.

Pour Joan Robinson, Keynes a balayé les confusions verbales des néoclassiques en établissant nettement la distinction entre le taux de profit28(*) et le taux d'intérêt, c'est-à-dire entre le rendement de l'investissement réel allant aux entrepreneurs et le coût de l'emprunt qui influence le rendement des placements anciens perçus par les rentiers.

Cependant, il n'essaya pas de construire une théorie du taux d'intérêt en longue période. Son raisonnement était limité à une situation de courte période. Quand il laissait son imagination jouer avec les problèmes de long terme, ses conceptions devenaient plus obscures. Il ne distinguait presque pas l'entrepreneur du rentier. Son analyse de prévision à long terme est consacrée à la bourse plutôt qu'à l'accumulation des moyens de production alors que dans la courte période, son objectif est d'informé sur le lien entre niveau de la demande, la production et l'emploi.

Ses idées n'étaient pas toujours nettes, précises et cohérentes et son raisonnement dans certaines épreuves de la théorie générale n'était pas du tout faciles à suivre. Il arrivait à ses collaborateurs de reprendre quelques de ses analyses pour les corriger ou les affiner. C'est ainsi que Keynes affirmant qu'une baisse du taux d'intérêt selon les anticipations aurait un effet bénéfique sur le taux d'investissement, fut affiné par Kalecki29(*) : «  quand les anticipations de profit sont données, un financement plus facile et moins cher peut encourager les plans d'investissement qui doivent être réalisés dans un futur immédiat. »

Ainsi, Keynes est à la recherche d'un monde meilleur en s'appuyant à la fois sur l'ordre spontané, c'est-à-dire sur le marché jusqu'à révélation de ses défaillances et un rationalisme constructiviste avec une intervention de l'Etat à dessein. Par contre Hayek préfère laisser l'ordre spontané sévir et advienne que pourra car aucun autre mécanisme ne donnera meilleur résultat: toute tentative de construction aura des conséquences désastreuses. Ils reprochent à Keynes une certaine naïveté intellectuelle qui consiste à croire qu'une fois la théorie découverte, sa mise en oeuvre par des économistes désintéressés ne poserait pas problème. La livraison de l'école de Virginie constitue certainement une forme vivante de leur intuition.

Pour Steele, il existe un socle commun aux deux auteurs en ce qui concerne le rejet de la pensée classique, l'impertinence de la théorie quantitative ainsi que l'absence de mécanismes auto correcteurs des perturbations dans l'économie en l'absence de structures institutionnelles appropriées.

Au sens de Steele, le rapport entre les visions de Hayek et de Keynes est caractérisé par une certaine ambivalence, à la fois des éléments en commun tandis que sur d'autres points, l'opposition est ouverte. Chacun d'eux est auteur d'une pensée originale en économie issue d'une prise en compte du temps et de la monnaie dans un environnement caractérisé par l'incertitude et le rôle fondamental de la monnaie qui rend les analyses issues du troc totalement caduques. Ils font front commun pour dire que l'économie classique n'offre pas les rudiments nécessaires à la bonne intelligence de l'économie de marché. Ainsi la loi de Say et son corollaire à savoir la théorie quantitative contiennent des simplifications liées à une non maîtrise du rôle joué par la monnaie. Toutefois, il demeure une opposition radicale sur le fonctionnement du marché que Hayek considère comme parfait alors que Keynes lui trouve des défaillances intrinsèques ; le rôle de l'Etat : perturbateur pour l'un et salvateur pour l'autre. Steele en pale en ces termes « Keynes counters the view of the contemporary political establishment that government can do little to moderate the manifest evils of high unemployment. Hayek counters on intellectual presumption that rational social planning can't achieve an economic efficiency to surpass the achievements of the market process.» P.28

B) Philosophie économique de Hayek

Le fondement de la pensée économique de Hayek est lié à la division de la connaissance qui finit par se prolonger vers une division du travail. Il considère que les informations dont les individus ont besoin pour prendre une décision optimale sont égarées au sein de l'économie et il n'existe aucun autre organisme susceptible d'assurer une meilleure coordination que le marché.

Pour cela, il est utile de réunir les conditions pour qu'une compétition (pas de redistribution, ni de crédit non préalablement épargné) puisse pousser tout un chacun à être responsable et donner le meilleur de lui-même, d'autant plus que les fruits de sa labeur devront lui être restitués au plus haut point pour ne pas dire intégralement... Dans cette optique il est aisé de comprendre que Hayek refuse la possibilité d'octroyer à quelques uns un pouvoir d'achat énorme sur la base d'un décret32(*) et qui, en plus, entraîne un effritement, une érosion de la capacité d'acquisition de ceux qui l'ont obtenu par la sueur et le sacrifice. Et même en prenant en compte la compensation de l'inflation par le taux d'intérêt rémunérateur ,ce qui semble très gênant pour lui c'est ce surplus d'inflation causé par l'excès de crédit par rapport à l'épargne préalablement constituée et cela compensé par un taux d'intérêt inférieur à celui qui devait être exigé s'il n'existait pas de création monétaire pour octroyer des crédits au delà de ce que les forces réelles de l'économie auraient permis. A Proudhon qui s'insurgeait en faisant entendre que la « la propriété est un vol », Hayek aurait pu dire « une portion du surplus générée par l'entrepreneur qui bénéficia des crédits fantaisistes, parce que purement autoritaire, est la seule propriété qui soit un vol».

Pour Nadeau, la philosophie sociale de Hayek ainsi que sa théorie économique reposent sur dix éléments :

1) Rôle indispensable du cadre juridique dans l'économie de marché

2) supériorité de la démocratie individuelle sur toute autre forme d'organisation historique.

3) Nécessité d'une Loi fondamentale au dessus de tous

4) Le tout marché

5) L'inefficience de l'action publique et sa tendance à se généraliser

6) Illusion du calcul socialiste

7) Nécessité de promouvoir la division du travail

8) Sacralité de la propriété privée

9) Prééminence de la procédure sur un résultat improbable

10) La morale individualiste33(*) est le méme le plus puissant qu'une culture puisse imiter.

Il défendra avec vigueur deux points essentiels : le quatrième et le cinquième.

- Le primat impérieux du marché

Pour Hayek, le marché n'est pas seulement un lieu anonyme où s'échangent des biens et des services, ni un mécanisme statique de répartition des pénuries ; mais, simultanément et de façon inséparable, un instrument dynamique de mobilisation, de production et de diffusion des informations et connaissances nécessaires à la régulation des sociétés complexes.

C'est donc un cadre conceptuel de référence en continuelle transformation, dont la fonction est de fournir des informations sur la possibilité de réalisation des exigences et attentes subjectives. Les informations qu'il fournit font l'objet d'un usage volontaire de la part des individus qui y participent quand ils se trouvent dans la condition de pouvoir échanger des biens rares dans une situation de liberté réciproque.

A son sens, le terme capitalisme devrait être remplacé par celui d'ordre spontané. Il s'agit d'un ordre caractérisé par le fait que les individus peuvent coopérer sans se connaître ou avoir besoin de faire connaissance. Ils ont juste besoin comme moyen de communication de se référer au prix, élément essentiel pour la survie de cet ordre.

Cet ordre n'est pas le fruit d'une quelconque volonté, aussi conquérante soit elle. Il est l'expression logique d'une évolution qui va à l'encontre de la nature immédiate de l'homme qui a dû être prise en charge pour une civilisation dont les effets ne sont pas évidents, lui octroyant une certaine fragilité. Pour Menger,il correspond à un rapprochement progressif de l'essence des phénomènes sociaux34(*) et des lois qui les règlent.

Tout progrès futur exige que les personnes se soumettent « aux forces impersonnelles du marché », dont le système des prix est le concentré, le précipité le plus parfait. Ce système des prix doit servir de référence absolue à l'activité sociale, économique et politique. Pour lui, la non soumission aux forces impersonnelles du marché conduit à des situations non optimales.

Il dira qu'il n'y a pas de compréhension rationnelle possible du système dans son ensemble qui est toujours « quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre pleinement ».

Ce thème de l'impossibilité d'une compréhension causale du fonctionnement du capitalisme sera méthodiquement développé par Von Hayek au cours des années 50 à 80. Dans son ouvrage de synthèse contre les idées socialistes, il écrit : « La création de richesse... ne peut être expliquée par un enchaînement de causes et d'effets ». Ainsi sont disqualifiées toutes les autres conceptions historico économiques et sont donc condamnées toutes les tentatives d'engager un changement de société. Ces dernières s'assimilent, en effet, à des entreprises d'apprentis sorciers, puisqu'elles s'effectuent sur un système dont on ne peut saisir rationnellement la complexité ; la main est non seulement invisible mais elle demeure imprévisible. Toutefois en lui laissant une totale liberté d'action sans la moindre interférence, elle sera plus à même de procéder à la béatification de tout ce qui relève de son autorité. Il n'y aurait pas d'autres moyens plus efficaces que le laisser-faire dans la mise en place d'un système économique optimal35(*).

L'analyse économique de Hayek semble avoir pour finalité la mise en place de mécanismes grâce auxquels chaque facteur ou bien s'orientera sans entrave vers les endroits où il sera le plus profitable à la société.

- L'impératif moral du marché et le refus de l'intervention de l'Etat

Au sens de Hayek, les individus n'ont pas le choix quant à la nécessité de se soumettre à l'évaluation impersonnelle du marché et aucune notion de justice ne doit être prise en compte. « Certaines mesures sacrifient l'efficacité, sujet sur lequel les économistes ont quelques lumières, à l'équité, notion sur laquelle les économistes sont plongés dans les ténèbres. » Pour Hayek, la prise en compte de l'équité est la racine de toutes les dérives en économies. Par contre, les keynésiens y souscrivent à travers les politiques de distributions des revenus, l'euthanasie du rentier...

Cette attitude de Hayek est plus perceptible par la place modeste qu'il accorde, Menger de même, à l'éthique dans le processus catallactique. Hayek nous dit : les motivations éthiques sont mises en place avant que l'action ne soit entamée. Cependant, rien n'exige à ce que les résultats, même en partie, ne soient déterminés par les intentions du début. Le marché, en tant que lieu anonyme d'échanges d'attentes et d'exigences subjectives, tend à récompenser sans parti pris, les buts les plus à même de contribuer à l'épanouissement subjectif des participants et à purger ceux jugés subjectivement néfastes. Il est donc un processus d'apprentissage35(*), de sélection et de découverte, qui évalue les attentes non pas en fonction de celui qui les formule mais de celui qui les satisfait.

Hayek justifie le laisser faire en s'appuyant principalement sur une analyse des mécanismes de l'information. En situation d'information imparfaite seul le marché est capable d'une adaptation efficace, il ne faut rien faire qui modifie le libre jeu de l'ordre spontané. La meilleure politique économique est celle qui conduit à établir la concurrence pure et parfaite ou tout au moins à s'en rapprocher le plus possible.

Par ailleurs, une prise en compte de l'éthique qui se matérialiserait dans une justice distributive irait nécessairement avec une extension des fonctions de l'Etat pour atteindre ces droits non naturels. Hayek, farouche opposant de l'interventionnisme, considère que toute politique active de la puissance publique se fait au détriment de la liberté nécessaire au bon fonctionnement du processus d'échange et a des chances d'aboutir à une forme de totalitarisme36(*). L'économie de marché risque d'être sapée dans ses fondements par une intervention systématique de l'Etat car elle perturbe l'information transmise par le marché et elle provoque une dynamique d'accroissement continuel de la place de l'Etat (La politique du Desperado, Hayek) Ainsi, la loi ne sera plus un instrument pour protéger les anticipations légitimes des individus mais un produit législatif pour justifier une pratique néfaste. Pour Hayek, l'objet de l'Etat ne doit pas être de se substituer au marché mais de lui assurer un cadre légal adéquat pour son bon fonctionnement. Ainsi s'exprime t'il : Le rôle de la loi ne doit pas être confondu avec l'art de légiférer et de gouverner ; l'objectif de la loi n'est pas d'organiser les actions individuelles afin de concourir à la poursuite d'un but ou d'un objet commun ; mais de définir ou codifier un cadre abstrait de règles et morales collectives dont la finalité nécessairement anonyme est de protéger la liberté d'action des individus et des groupes autant contre l'arbitraire de tout pouvoir organisé (même celui d'une majorité démocratiquement élue) que contre les empiétements des autres. 

C) La place de la rationalité dans cette controverse

La rationalité occupe une place centrale dans les comportements économiques et dans les discours économiques qui visent à rendre compte de ces comportements. L'économie néoclassique dont le principe de base, rejeté par Keynes et Hayek, est l'utilitarisme retient la rationalité comme l'hypothèse de base de sa théorie économique. Cette théorie soutient que les individus, au moment d'agir procèdent à un calcul benthamien. Dans leur compréhension des choses économiques, tous deux soutiennent que les individus ne disposent pas de toutes les informations nécessaires pour faire ce type de calcul. Hayek considère qu'ils sont soumis à une ignorance qui défie toutes prédiction quant au résultat des actions entreprises alors que Keynes convoque le concept d'incertitude qui entraîne les mêmes conséquences que l'ignorance de Hayek. Ils prétendent donc l'absence de garantie par rapport aux conséquences des décisions prises. Toutefois, tandis que Hayek se focalise sur l'action, la procédure, laissant de coté toute spéculation sur ses probables conséquences à l'image d'un fataliste qui laisserait entre les mains de la divinité tout ce qui relève de l'avenir, Keynes s'occupe en premier des résultats à atteindre (plus de richesse, moins de chômage..) avant de se demander ce qu'il faudrait comme moyens pour y parvenir. Il connaît la destination à laquelle il veut parvenir et se demande comment y arriver alors que Hayek considère qu'il existe un certain nombre de règles à respecter. Et une fois que ce sera fait, le résultat obtenu pourrait être meilleur que celui auquel on s'attendait.

Malgré les décisions à prendre dans l'obscurité totale (ignorance) chez Hayek ou dans la semi obscurité (incertitude) chez Keynes, les individus, sont ils guidés par la rationalité ou leurs instincts ?

Pour Steele, human action is rational if the actor has a coherent explanation for the choice that is made over the options that are rejected.» P.41 Grill nous dira, un choix ne peut être rationnel que s'il repose sur un raisonnement approprié alors que Kast et Lapied, en partant d'un critère en cohérence avec les préférences des agents, diront « Décider rationnellement, c'est choisir une décision qui optimise le critère. (Kast et Lapied 2004, p.26).

Elle s'oppose aux actes instinctifs et aux décisions arbitraires. Aux sens de Max Weber, le progrès des sociétés occidentales est associé à une application du principe de rationalité dans tous les domaines de la réalité humaine ; elle constitue la pierre angulaire de la science.

Keynes et son opposant, unanimes sur l'impertinence de l'homo oeconomicus (rationnel au sens de Von Neumann et Morgenstern et ne souciant que de ses propres intérêts), considèrent que la rationalité tient moins à l'individu qu'à la situation dans laquelle ce dernier prend sa décision même si elle est communément acceptée comme un attribut psychologique. Il s'agit d'une rationalité stratégique car l'agent doit prendre en compte l'interférence occasionnée par les stratégies mises en oeuvres par les autres.

Pour un auteur comme Mises, en accord avec Lionel Robbins lorsqu'il définit l'économie comme la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens à usages alternatifs, « l'agir humain est nécessairement toujours rationnel ».

Malgré qu'il considère l'esprit d'entreprise et l'initiative privée susceptible d'engager l'économie dans le sentier de l'expansion, Keynes reconnaît l'existence de circonstances pour lesquelles l'attitude des individus est plutôt dictée par des instincts que par la rationalité. C'est ainsi qu'il prône l'intervention de l'Etat pour se substituer aux individus lorsqu'ils sont guidés par leurs esprits animaux. Pour Hayek par contre, l'économie est composée d'une source d'actions individuelles, désagrégées, atomisées et reliées entre elles par l'assimilation d'une information imparfaite difficilement fournies par le marché ; ce dernier constituant l'unique procédure valable d'agrégation et sert de mécanisme de coordination optimal. La perspective de Hayek n'est pas totalement indépendante de celle de Keynes par l'accent qu'elle met sur l'incertitude dans la détermination du comportement. Elle s'en éloigne cependant, par le fait qu'elle reste purement individualiste. La rationalité à laquelle ils adhérent est de type procédurale en ce qu'elle intègre une information imparfaite afin d'obtenir non plus nécessairement le résultat optimal des néoclassiques mais un des résultats parmi les meilleurs possibles. A la rationalité parfaite des marginalistes (environnement pertinent et connaissance à volonté), ils opposent une rationalité limitée (environnement complexe et informations imparfaites).

De nos jours, rares sont les économistes qui seraient prêts à défendre la perfection de la rationalité chez les décideurs ; il est probable que nul ne soit rationnel en toute circonstance et en permanence.

* 25 Pour Keynes, l'efficacité du système économique implique une ingérence humaine ; il n'est pas question de laisser les forces de la nature, à travers le marché, avoir le dernier mot. La nature , tant qu'elle a le dernier mot, exige des hommes de prendre leur mal en patience alors que les hommes, ayant une plus grande maîtrise de leur appareil productif grâce au soutien de la science peuvent imposer leur rythme (pas forcément par le biais d'une planification) et subvenir à tous aux besoins de leurs semblables.

* 26 . La théorie économique n'était pas pour Keynes une construction abstraite coupée de la réalité. Il s'agissait de comprendre, en particulier, pourquoi les économies capitalistes ne parvenaient pas à générer spontanément le plein emploi, comme l'enseignait la théorie orthodoxe, qui tenait les mécanismes autorégulateurs du marché pour suffisants à cette fin. (Dostaler, Mars 2003, vol.79)

* 27 Dans son introduction à la théorie générale, Keynes insiste sur le caractère macroéconomique de son approche :

«  Nous avons donné à notre théorie le nom de théorie générale. Par là nous avons voulu marquer que nous avions principalement en vue le fonctionnement de l'économie dans son ensemble, que nous envisageons les revenus globaux les profits globaux, la production globale, l'emploi global, l'investissement global et l'épargne globale bien plus que les revenus, les profits, la production, l'emploi, l'investissement et l'épargne des industries, d'entreprises ou d'individus considérés isolément. Et nous prétendons qu'on a commis des erreurs graves en étendant au système pris dans son ensemble des conclusions qui avaient été correctement établies en considération d'une seule partie du système prise isolément. »

* 28 Le taux de profit escompté ou efficacité marginale du capital est une estimation des rendements futurs qui doivent être obtenus sur les investissements productifs. Il est incertain et est influencé par des facteurs subjectifs

* 29Le succès de Keynes aurait pu revenir à un auteur polonais, Michal Kalecki.

La découverte du principe de la demande effective, Keynes le doit certainement à l'insuffisance de ses lectures. En 1933, Kalecki, économiste polonais, dans « Essays in the Theory of Business Cycles » établissait ce principe sous forme mathématique.

Critiquant la théorie orthodoxe du chômage, il affirme qu'une baisse des salaires se traduit par une réduction du pouvoir d'achat qui à son tour entraîne une baisse de la demande des biens de consommation et de la main d'oeuvre nécessaire à sa production. Ainsi, le remède néoclassique à la dépression est névrotique pour Kalecki30.

A son sens, il faudrait une augmentation de l'investissement qui à son tour entraîne celle de l'emploi. Il remarque que si une augmentation peut se déclencher de façon spontanée, une politique économique, par substitution de la nécessité au hasard, doit pouvoir délibérément mettre en place des projets qui, sans cela n'auraient pas été entrepris.

L'essence de l'analyse économique de Kalecki se synthétise comme suit : «  les salariés dépensent ce qu'ils gagnent et les capitalistes gagnent ce qu'ils dépensent. »

Par ailleurs, Kalecki s'intéresse à la formation des prix en termes de coûts auxquels on ajoute une marge bénéficiaire. Il attira l'attention sur le fait qu'il y'a deux systèmes de formation des prix dans l'économie modernes, l'un qui est dominé par l'offre et la demande, l'autre par les coûts et le profit.

Il s'agit d'un argument au secours de la vision keynésienne qui présente l'inflation comme le fruit du dialogue social et non un problème purement monétaire comme le voudrait Hayek. Par contre, il nie toute véracité à l'analyse de Keynes qui soutient que toute augmentation de la production est entachée de deséconomies d'échelle et donc nécessiterait une hausse des prix de vente. Il affirme que la plupart des secteurs productifs de l`économie connaît des rendements d'échelle croissants.

L'inflation au sens de Kalecki est d'abord une conséquence de la lutte pour le partage de la valeur ajoutée entre le capital et le travail. Pour sa maîtrise, une politique de revenus s'avère nécessaire : l'Etat doit réunir les conditions d'une répartition à la fois socialement et économiquement acceptable. Il s'agit de trouver la répartition salaire -profit pour laquelle le niveau des investissements qui en résulte permet d'assurer le plein emploi. Cette politique de revenus pourra être renforcé par une politique industrielle dont l'objectif serait de rendre la production plus flexible.

Par ailleurs alors que Keynes espérait que, une fois l'économie de marché réformée, le plein pour effet la disparition de la pauvreté, une baisse permanente du taux d'intérêt et une euthanasie du rentier31, Kalecki met en garde contre les dérives gouvernementales dans le même esprit de celui de l'Ecole de Virginie.

* 32 Le refus d'un crédit non engendré par une épargne préalable n'est pas une contrainte externe, ni une objectivité mais un élément de la logique interne à la pensée de Hayek et plus particulièrement en la nécessité de passer par la compétition pour faire éclore les talents.....S'il existe une constante chez Hayek c'est de tout faire pour que l'efficacité spontanée ne soit pas entamée...

* 33 Human dignity rests upon the exercise of initiative and the acceptance of personal responsibility

* . 34 Menger dira : plus la civilisation d'un peuple s'élève et plus les hommes scrutent profondément la véritable essence des choses et leur nature spéciale, plus le nombre des produits réels devient plus grand et celui des biens imaginaires, petit.

* 35 Modification du comportement résultant d'expériences répétées. « Successful practices are not born of the intellect. They are propagated through imitative learning and, at their highest level, they become enshrined in the common law.»

* 36 Le rejet de Hayek de toute intervention de l'Etat n'a d'équivalent chez Keynes que dans sa volonté de faire du rentier un métier du passé. Ils ont en commun la conception que toute activité de leur part est source d'inefficacité.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore