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Le CICR et les conflits étatiques internes

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par Ibrahima NGOM
Gaston Berger de Saint Louis - Maà®trise 2009
  

Disponible en mode multipage

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SOMMAIRE

*****

***

*

Abréviations utiles

Introduction

1ère Partie : L'action du CICR face aux conflits étatiques internes

Chapitre I : Le mandat juridique international du CICR

Section 1 : Les fondements du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Paragraphe 1 : Les fondements juridiques du mandat dans les conflits étatiques internes

Paragraphe 2 : La reconnaissance de privilèges et immunités

Section 2 : Le contenu du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Paragraphe 1 : Le secours du CICR

Paragraphe 2 : La promotion du DIH

Chapitre II : La mise en oeuvre du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Section 1 : Le rôle d'intermédiaire neutre du CICR entre les Parties belligérantes

Paragraphe 1 : Le CICR, un diplomate humanitaire

Paragraphe 2 : Le rôle médiateur du CICR dans les négociations

Section 2 : L'établissement d'un programme d'assistance aux victimes

Paragraphe 1 : Les prestations matérielles du CICR

Paragraphe 2 : Les prestations non matérielles du CICR

2ème Partie : Une action mitigée

Chapitre I : Les contraintes

Section 1 : Aux plans politique et juridique

Paragraphe 1 : Les contraintes liées à l'attitude des Parties belligérantes

Paragraphe 2 : Les difficultés d'application du DIH

Section 2 : Au plan opérationnel

Paragraphe 1 : Les problèmes liés à l'accès aux victimes

Paragraphe 2 : Les problèmes entre acteurs sur le terrain

Chapitre II : Les perspectives pour une effectivité de l'action du CICR

Section 1 : Un renforcement du cadre juridique 

Paragraphe 1 : Accroissement du respect du DIH

Paragraphe 2 : Elargissement des règles applicables aux conflits étatiques internes

Section 2 : Une adaptation plus opportune et plus efficace du cadre opérationnel du CICR

Paragraphe 1 : La définition d'une politique opérationnelle

Paragraphe 2 : Le renforcement des rapports avec les autres acteurs sur le terrain

Conclusion générale

Annexes

ABREVIATIONS UTILES

- AG NU  : Assemblée Générale des Nations Unies

- CCAH   : Commission Consultative pour l'Action Humanitaire

- CICR   : Comité International de la Croix-Rouge

- CPI  : Cour Pénale Internationale

- DIDH   : Droit International des Droits de l'Homme

- DIH   : Droit International Humanitaire

- DIHC  : Droit International Humanitaire Coutumier

- FARC  : Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes

- FMLN  : Front Farabundo Marti de Libération Nationale

- HCR  : Haut Commissariat pour les Réfugiés

- OLP  : Organisation de Libération de la Palestine

- OMS  : Organisation Mondiale de la Santé

- PAM  : Programme Alimentaire Mondial

- RDC  : République Démocratique du Congo

- RICR  : Revue Internationale de la Croix-Rouge

- TPIY  : Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie

- UNICEF  : Fonds des Nations Unies pour l'enfance

- UNITA  : Union pour l'Indépendance Totale de l'Angola


Aussi longtemps que l'on remonte dans l'histoire de l'humanité, on rencontre l'omniprésence de la guerre. L'homme entre dans l'histoire en guerrier. C'est en guerrier qu'il se représente dans les bas-reliefs des palais et des temples. Par le passé, le plus souvent, deux ou plusieurs chefferies ou pays s'affrontaient pour s'assurer une zone d'influence ou contrôler un territoire. Dans ces conflits s'opposaient des forces armées classiques, reconnues et structurées sur des champs de bataille désignés, et les lignes de front pouvaient être indiquées sur des cartes, elles aussi classiques. Les conflits étaient livrés pour obtenir par la force ce que les parties belligérantes ne pouvaient obtenir en se limitant seulement au dialogue, aux négociations, aux flatteries ou aux menaces.

Aujourd'hui la nature de la guerre est en train de changer. Bien que certains conflits aient effectivement une dimension ou un fondement territorial très marqué, comme le conflit israélo-palestinien, les guerres dont l'unique but est d'obtenir le contrôle pur et simple d'un territoire sont de moins en moins nombreuses. Il y a moins de conflits engagés pour des raisons idéologiques bien enracinées, comme pendant la guerre froide. Ce qui semble le plus souvent alimenter les conflits est la nécessité de s'approprier immédiatement et à long terme l'accès aux principales ressources naturelles ou leur contrôle. Les facteurs économiques jouent donc un rôle important avec des éléments armés qui se rendent coupables d'actes de déprédation économique. Entre temps, de nombreux pays continuent de souffrir de la déficience inhérente aux services publics ou de leur paralysie, comme c'est le cas avec les services de santé, d'aide sociale et de l'eau. D'autres facteurs ont compliqué cette évolution : l'affirmation d'une identité, la prolifération des armes, la dégradation de l'environnement et la rareté des terres et de l'eau, la migration massive qui engendre de nouvelles formes de violence urbaine, et, dans plusieurs contextes, l'estompement de la ligne qui sépare la violence politique de la criminalité. .

Une autre caractéristique du contexte actuel des conflits est l'interaction entre les dynamiques locales, régionales et mondiales. Ainsi, de nos jours, il y a peu de guerres entre des Etats. Par contre, on a constaté un nombre croissant de conflits internes extrêmement complexes lesquels prenaient parfois une dimension internationale et impliquaient une pléthore d'acteurs aux revendications variées.

Beaucoup de situations de conflits armés se caractérisent par une durée prolongée, un caractère chronique, une intensité généralement faible et un impact généralisé. Peu importe la nature des conflits, ils font inévitablement d'innombrables victimes tuées, blessées, privées de liberté, séparées de leur famille ou portées disparues. Beaucoup de personnes sont aussi indirectement touchées comme les malades qui sont dans l'impossibilité de recevoir des soins médicaux à cause des conflits. C'est là qu'interviennent des organisations humanitaires pour atténuer les souffrances humaines. Ainsi, le CICR, organisation humanitaire impartiale et neutre, intervient de manière remarquable aussi bien dans les conflits armés internationaux que dans les conflits internes. C'est dans ce cadre que s'inscrit le sujet : « Le CICR et les conflits étatiques internes ».

Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) est une organisation humanitaire impartiale, neutre et indépendante. Il est d'abord le résultat de la volonté d'un homme, Henry DUNANT. Sa vision et sa détermination se sont forgées au contact de la guerre. C'est la visite du champ de bataille de Solferino (24 juin 1859), qui le lendemain de la bataille, le détermine à agir. En effet, il découvre près de 40 000 morts et blessés, catastrophe humaine à laquelle les services de santé des armées sont incapables de faire face. Il décide alors d'organiser un service d'assistance spontané avec la collaboration des habitants des villages voisins, à destination de tous les soldats, sans distinction de nationalité.

De retour en Suisse, il mobilise progressivement l'opinion publique. En 1862, il publie Un souvenir de Solferino, dans lequel il propose la création de sociétés de secours et l'adoption d'un accord international. Le 17 février 1863, avec quatre autres personnalités suisses (Gustave MOYNIER, le Général DUFOUR, DUNANT, Louis APPIA, Théodore MAUNOIR), il fonde le Comité international de secours aux militaires blessés, qui deviendra ultérieurement le Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Dès octobre 1863, le CICR organise à Genève une réunion d'experts privés et de représentants de gouvernements. Celle-ci adopte dix résolutions qui sont à la base de la création des futures Sociétés de la Croix-Rouge. A la demande du CICR, le Conseil fédéral convoque une conférence diplomatique à Genève, qui aboutit en août 1864 à la signature de la première convention de Genève, relative à la protection des militaires blessés. Depuis 1864, le CICR a promu le développement du droit international humanitaire, dont il a élaboré les projets à travers des réunions d'experts et des conférences préparatoires: protection étendue à la guerre maritime (1899), aux prisonniers de guerre (1929), aux populations civiles et aux victimes des conflits internes (1949), réaffirmation et développement des règles de conduite des hostilités (1977). Il s'est efforcé aussi d'encourager la création d'une société de la Croix-Rouge dans chaque pays. Les premières sont celles du Wurtemberg, du grand-duché d'Oldenburg, de Belgique et de Prusse. Leur nombre a constamment augmenté et on en trouve dans la plupart des pays (191 en 2003).1(*)

Le CICR est une organisation constituée par des Suisses et recrutant par cooptation. Il demeure le gardien des principes de la Croix-Rouge, et reconnaît les Sociétés nationales. Grâce à sa composition, il s'impose comme intermédiaire neutre en cas de guerre internationale, de guerre civile, ou de troubles intérieurs. Ainsi il se différencie des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui incarnent le travail et les principes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans la plupart des pays. Elles agissent en tant qu'auxiliaires aux pouvoirs publics dans leur propre pays.2(*) Le CICR se différencie aussi de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui travaille sur la base des principes du Mouvement afin de stimuler, faciliter et promouvoir l'ensemble des activités humanitaires des Sociétés nationales pour améliorer la situation des personnes les plus vulnérables en tout temps. Son rôle principal est de susciter et de seconder l'oeuvre de ses membres et de les aider à développer leurs activités.3(*) Il faut souligner que la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge forment avec le CICR le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Par conflit étatique interne, nous pouvons entendre « des affrontements armés qui se déroulent dans les limites du territoire d'un seul Etat où les combats opposent le gouvernement et les insurgés armés »4(*). Par abus de langage, ce type de conflit est souvent appelé « guerre civile ». De ce fait un conflit étatique interne peut être, dans une certaine mesure, assimilé à ce que l'on appelle en droit international humanitaire « conflit armé non international».

Deux principaux textes juridiques nous renseignent sur ce qu'est un conflit armé non international à savoir l'art. 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et l'art. 1 du Protocole additionnel II de 1977.

Ø L'art. 3 commun s'applique « en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes ». Sont également inclus les conflits armés auxquels participent un ou plusieurs groupes armés non gouvernementaux. Selon la situation, les hostilités peuvent opposer les forces armées gouvernementales et des groupes armés non gouvernementaux ou de tels groupes entre eux. Comme les quatre Conventions de Genève jouissent d'une ratification universelle, l'exigence selon laquelle le conflit armé doit surgir « sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes » a perdu toute importance dans la pratique. En effet, tout conflit armé entre les parties armées gouvernementales et des groupes armés ou entre de tels groupes armés ne peut qu'avoir lieu sur le territoire de l'une des parties à la Convention.

Ø Une définition plus restrictive des conflits armés non internationaux a été adoptée aux fins du Protocole additionnel II. Cet instrument s'applique aux conflits armés « qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires et continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole ».

Cette définition est plus étroite que celle de l'art. 3 commun sous deux aspects. Premièrement, elle introduit la condition d'un contrôle sur le territoire, en stipulant que les parties non gouvernementales doivent exercer un contrôle qui «  leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole ». Deuxièmement, l'application du Protocole additionnel II est expressément limitée aux conflits armés entre les forces armées de l'Etat et des forces armées dissidentes ou d'autres groupes armés organisés. Contrairement à l'art. 3 commun, le Protocole ne s'applique pas aux conflits qui opposent uniquement des groupes armés non étatiques.

Dans ce contexte, il faut rappeler que le Protocole additionnel II « développe et complète l'article 3 commun ...sans modifier ses conditions d'application actuelles5(*) ». Cela signifie que cette définition restrictive ne concerne que l'application du Protocole II, mais ne s'étend pas au droit des conflits armés non internationaux en général. Le Statut de la Cour Pénale Internationale, dans son art. 8, par. 2 f, confirme l'existence d'une définition du conflit armé non international qui ne remplit pas les critères du Protocole II6(*).

Ainsi dans un sens strict, l'expression « conflit étatique interne » signifie, au sens du Protocole additionnel II, un conflit armé non international dans lequel s'opposent les forces armées de l'Etat et les forces armées dissidentes ou d'autres groupes armés organisés.

Dans un sens plus étroit, cette expression peut être entendue, au sens de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Le conflit étatique interne peut être entendu comme étant un conflit armé non international.

En se fondant sur l'analyse présentée ci-dessus, le CICR propose la définition suivante qui reflète l'avis juridique prédominant : « un conflit armé non international est un affrontement armé prolongé qui oppose les forces armées gouvernementales aux forces d'un ou de plusieurs groupes armés, ou de tels groupes armés entre eux, et qui se produit sur le territoire d'un Etat partie aux Conventions de Genève ». Cet affrontement armé doit atteindre un niveau minimal d'intensité et les parties impliquées dans le conflit doivent faire preuve d'un minimum d'organisation.

C'est l'intensité des combats qui permet de faire la différence entre un conflit interne et une simple situation de troubles intérieurs ou de tensions internes.

Les troubles intérieurs se caractérisent par une profonde perturbation de l'ordre interne résultant d'actes de violence, qui ne revêtent toutefois pas les caractéristiques d'un conflit armé. Ce sont, par exemple, des émeutes par lesquelles des individus ou des groupes d'individus manifestent ouvertement leur opposition, leur mécontentement ou leurs revendications ou encore des actes isolés et sporadiques de violence. Il peut s'agir de luttes de factions entre elles ou contre le pouvoir en place.7(*) Dans les troubles intérieurs, l'Etat utilise la force armée pour rétablir et maintenir l'ordre public.

Il y a tension interne lorsque, sans qu'il y ait troubles intérieurs, la force est utilisée à titre préventif pour maintenir l'ordre public.

Un conflit étatique interne se différencie aussi du conflit armé international. L'art. 2 commun aux Conventions de Genève dispose que : « En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de la paix, la présente Convention s'appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs Hautes Parties contractantes, même si l'état de guerre n'est pas reconnu par l'une d'elles.

La Convention s'appliquera également dans tous les cas d'occupation de tout ou partie du territoire d'une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire. »

L'article 1 du Protocole I de 1977, additionnel aux Conventions de Genève de 1949 ne couvre pas que les conflits armés réguliers entre Etats, il étend la définition du conflit armé international aux conflits armés dans lesquels les peuples se battent contre la domination coloniale, l'occupation étrangère ou les régimes racistes en faisant usage de leur droit à l'autodétermination (guerres de libération nationale).

Pour mieux cerner ce sujet, nous nous intéresserons uniquement à la mission qui est confiée au CICR dans les conflits armés non internationaux. Autrement dit l'étude nous conduit à mettre en exergue l'intervention du CICR dans les conflits étatiques internes.

L'analyse d'un tel sujet montre que la majorité des conflits armés contemporains présentent un caractère interne. La vie quotidienne de nombreux civils pris dans ces conflits est synonyme de crainte et de souffrance extrême. La prise délibérée de civils pour cible, le pillage et la destruction de biens de caractère civil, les déplacements forcés de population, l'utilisation de civils comme boucliers humains, la destruction d'infrastructures vitales pour les civils, le viol et d'autres formes de violence sexuelle, la torture, les attaques menées sans discrimination sont quelques actes de violence qui caractérisent très souvent les conflits étatiques internes. Quelles que soient les manifestations de ces conflits, celles-ci portent atteinte à l'intégrité psychique et morale de celui qui les endure ou de ses proches. L'ampleur que prend la souffrance humaine dans de telles situations est très préoccupante pour l'action du CICR. Le renforcement de la protection des personnes touchées par les conflits étatiques internes constitue une priorité majeure du CICR.

Ensuite, l'intervention du CICR dans les conflits étatiques internes est caractérisée fondamentalement par des règles d'impartialité et de neutralité. En effet, dans l'exercice de ses activités, le CICR doit éviter toute discrimination fondée sur la nationalité, la race, les convictions religieuses, les classes sociales ou les opinions politiques.

Enfin, cette intervention du CICR ne peut être considérée comme étant un droit d'ingérence. Il faut souligner que l'assistance humanitaire n'est jamais une ingérence dans un conflit et nul ne peut renoncer aux droits que les conventions humanitaires lui reconnaissent. Sans doute doit-on aujourd'hui reconnaître à ces règles, en accord avec la majeure partie des auteurs comme Georg SCHWARZENBERG, le caractère de Jus Cogens : les Etats ne sauraient y déroger, même par convention, sans tomber dans le crime.

Ainsi nous nous proposerons de formuler les questions suivantes : quel est le rôle du CICR face aux conflits étatiques internes ? Comment le CICR procède-t-il pour mettre en oeuvre son intervention? Peut-on parler d'effectivité de cette intervention? Ces différentes questions peuvent être regroupées dans une problématique générale à savoir : Quelle est l'étendue de l'action du CICR face aux conflits étatiques internes ?

Force est de dire que la réponse à cette problématique commande nécessairement une étude de l'action du CICR dans les conflits étatiques internes et une analyse de l'effectivité de cette action.

Dans l'analyse de l'action du CICR dans les conflits étatiques internes, on se propose d'examiner, d'abord, le mandat du CICR. Ensuite, nous verrons la mise en oeuvre de ce mandat.

En ce qui concerne l'effectivité de l'action du CICR sur le terrain, nous examinerons, dans un premier chapitre, les contraintes liées à son intervention. Dans un second chapitre, nous essaierons de donner quelques recommandations qui permettront, sans doute, au CICR, d'assurer une effectivité de son action dans les conflits étatiques internes.

A la lumière de ce qui précède, nous nous proposerons d'analyser, dans un premier temps, l'action du CICR dans les conflits étatiques internes (Première Partie). Ensuite, nous montrerons le caractère mitigé de cette action (Deuxième Partie).

Le CICR s'est toujours efforcé de répondre à des problèmes humanitaires dans les conflits n'ayant pas un caractère international, en développant et en diversifiant son action. L'action du CICR se fonde sur son mandat juridique international (Chapitre I) qui lui a été confié. En répondant aux besoins des personnes, le CICR veille toujours à ce que ce mandat soit mis en oeuvre (Chapitre II) quels que soient la période ou les lieux concernés.

Chapitre I : Le mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Le mandat du CICR dans les conflits étatiques internes consiste à protéger les vies et la dignité des victimes et vise à prévenir la souffrance par la promotion et le renforcement du DIH. Pour mieux mettre en exergue ce mandat, nous intéresserons, d'abord, à ses fondements (Section 1), avant d'en examiner sa nature dans lesdits conflits (Section 2).

Section1 : Les fondements du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Il s'agit essentiellement des fondements juridiques du mandat du CICR (Paragraphe 1). Ceux-ci auront pour conséquence la reconnaissance de privilèges et immunités au CICR par la Communauté internationale (Paragraphe 2).

Paragraphe 1: Les fondements juridiques du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Les fondements juridiques de l'intervention du CICR, dans les conflits étatiques internes reposent, pour l'essentiel, sur le droit conventionnel (A) et des résolutions des Conférences internationales de la Croix-Rouge (B).

A. Le droit conventionnel

L'art. 3, alinéa 2, commun aux Conventions de Genève de 1949 précise qu'«un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité International de la Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux Parties au conflit ». Cet alinéa a une grande valeur, à la fois morale et pratique. En effet, c'est l'adaptation de l'art. 9 commun aux Conventions de Genève. Aux termes de celui-ci « les dispositions de la présente convention ne font pas obstacles aux activités humanitaires du Comité International de la Croix-Rouge (...) entreprendra pour la protection des blessés, malades et naufragés, ainsi que des membres du personnel sanitaire et religieux, et pour des secours à leur apporter, moyennant l'agrément des Parties au conflit intéressées ». Cette disposition montre ainsi que le CICR dispose d'un droit d'initiative s'analysant comme le droit pour lui de proposer aux Parties des activités humanitaires au profit des victimes. Ce droit d'initiative reste conditionné par le consentement de l'Etat. Cependant l'acceptation du rôle accordé au CICR par les Conventions de Genève emporte l'obligation pour l'Etat d'examiner de bonne foi l'action proposée8(*). Il n'en reste pas moins que sans consentement de l'Etat, le CICR ne pourra intervenir.

Si dans certains conflits internes, le CICR a pu exercer une action humanitaire importante, en d'autres, au contraire, les portes lui ont été fermées, ses offres de service ayant été qualifiées de tentatives d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Etat. Pour que ses offres de service soient légitimes et puissent être acceptées, elles doivent émaner d'un organisme « humanitaire » et « impartial ». Et il faut que les services offerts et rendus aient ce même caractère d'«humanité » et d'« impartialité ». Si toutes ces conditions sont réunies, l'intervention du CICR, dans l'exercice du droit général d'initiative reconnu aux termes de l'alinéa 2 de l'art. 3, sera déterminante. Elle ne sera pas considérée comme une immixtion dans les affaires internes de l'Etat déchiré par la lutte armée ; elle amènera, très souvent, le Gouvernement concerné à reconnaître l'existence d'un conflit, et donc, à admettre l'application de l'art. 3.  

L'art. 5, alinéa 2 d) des Statuts du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, quant à lui, confirme le mandat du CICR découlant du DIH. Il a une force de convention internationale et consacre à la fois le droit général d'initiative du Comité et le droit particulier d'aider à la mise en oeuvre des Conventions de Genève. En effet, selon cette disposition, le CICR a notamment pour rôle « de s'efforcer en tout temps, en sa qualité d'institution neutre dont l'activité humanitaire s'exerce spécialement en cas de conflits armés -internationaux ou autres - ou de troubles intérieurs, d'assurer protection et assistance aux victimes militaires et civiles desdits évènements et de leurs suites directes ». Cette disposition permet au Gouvernement régulier de consentir au déploiement de l'action humanitaire générale, tout en contestant l'existence d'un conflit interne et l'applicabilité de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Une telle attitude n'est pas contradictoire9(*). Elle marque la répugnance du pouvoir établi à conférer, dès ce stade de l'insurrection, par la mise en oeuvre de l'art. 3, une certaine personnalité au parti insurgé10(*).

En plus du droit conventionnel, les résolutions adoptées lors des Conférences internationales de la Croix-Rouge constituent un fondement juridique non négligeable du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes.

B. Les résolutions des Conférences de la Croix-Rouge

Les résolutions de Conférences internationales de la Croix-Rouge constituent également une base d'intervention pour le CICR dans les conflits étatiques internes11(*). Elles complètent ou réaffirment les dispositions du droit conventionnel.

Nous pouvons prendre l'exemple de la protection du personnel sanitaire. Elle n'est pas expressément édictée par l'art. 3. Ce dernier précise que « les blessés et les malades sont recueillis et soignés ». Mais les rédacteurs de la Convention semblent surtout avoir eu en vue ici une prise en charge sanitaire officielle par le camp gouvernemental, voire par l'organisation rebelle dans la mesure où elle dispose de l'infrastructure nécessaire. L'effort des commentateurs et des experts a tendu, depuis, à ménager des facilités aux insurgés, dans le domaine de l'assistance sanitaire privée, et dans le cadre exigu de la guerre civile révolutionnaire. C'est la XIXe Conférence internationale de la Croix-Rouge, réunie en 1957 à New Delhi, qui émet le voeu que les médecins ne soient en aucune manière inquiétés à l'occasion de soins qu'ils sont appelés à donner et que le principe du secret médical soit respecté.

Nous pouvons aussi prendre l'exemple du respect de l'unité familiale et plus particulièrement de la séparation des enfants de leurs géniteurs. Cette disposition n'a pas été expressément prévue par le droit conventionnel. Cependant, deux résolutions adoptées par consensus par les Conférences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge évoquent cette question. Dans une résolution sur la protection des enfants dans les conflits armés, la XXVe Conférence internationale, se référant aux Conventions de Genève et aux deux Protocoles additionnels, a recommandé que « toutes les mesures nécessaires soient prises pour préserver l'unité de la famille et faciliter le regroupement des familles »12(*). Dans une résolution sur la protection de la population civile en période de conflit armé, la XXVIe Conférence internationale a exigé que « toutes les parties à un conflit évitent toute action destinée à - ou ayant pour effet de - provoquer la séparation des familles de manière contraire au Droit International Humanitaire »13(*)

Comme l'art. 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole Additionnel II de 1977, les résolutions des Conférences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge jouent un rôle primordial en matière d'intervention du CICR dans les conflits armés. Elles participent à l'extension de son champ de compétence et complètent en même temps le droit conventionnel conférant au CICR son mandat juridique international.

Les fondements juridiques du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes permettent au CICR de bénéficier de certains privilèges et immunités reconnus par l'ensemble de la Communauté internationale.

Paragraphe 2 : La reconnaissance de privilèges et immunités

Il convient de mettre d'abord en exergue le contenu des privilèges et immunités reconnus au CICR (A) avant de montrer la base juridique de leur reconnaissance (B).

A. Le contenu des privilèges et immunités

Le CICR ne peut mener son action de protection et d'assistance en faveur des victimes des conflits internes que si ses principes qui sont à la base de son action sont respectés. C'est en reconnaissant au CICR des privilèges et immunités que les Etats et les Organisations Internationales montrent qu'ils respectent ces principes. Il s'agit, entre autres, des privilèges et immunités du CICR et de ceux accordés aux personnes en qualité officielle auprès du CICR.

Les privilèges et immunités du CICR sont essentiellement l'inviolabilité et l'immunité de juridiction et d'exécution. Aux termes de l'art. 2 de l'Accord entre le conseil fédéral suisse et le CICR conclu le 19 mars 1993 et entré en vigueur le même jour, « le conseil fédéral suisse garantit l'indépendance et la liberté d'action du CICR ». Ainsi, la Suisse, à l'instar des autres Etats et Organisations Internationales, accorde un traitement privilégié au CICR qui est dû au rôle unique que joue l'institution dans le monde. De plus, les bâtiments ou parties de bâtiments et le terrain attenant, qui, quel qu'en soit le propriétaire, sont utilisés pour les besoins du CICR, sont inviolables. Il en est de même pour les archives du CICR, les documents ainsi que les supports de données qui lui appartiennent ou qui se trouvent en sa possession14(*). En ce qui concerne l'immunité de juridiction et d'exécution, elle est très encadrée. Aux termes de l'art. 5 de l'Accord, le CICR ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction et d'exécution dans la mesure où cette immunité a été formellement levée, dans un cas particulier, par le Président du CICR ou son représentant dûment autorisé ; en cas d'action en responsabilité civile intentée contre le CICR pour dommage causé par tout véhicule lui appartenant ou circulant pour son compte...

Quant aux privilèges et immunités accordés aux personnes appelées en qualité officielle auprès du CICR, nous pouvons énumérés entre autres l'immunité de juridiction pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, y compris leurs paroles ou écrits, même après que les personnes auront cessé leurs fonctions et l'inviolabilité de tous papiers et documents.

B. La base juridique de la reconnaissance des privilèges et immunités

La base juridique sur laquelle reposent les privilèges et immunités essentiels du CICR est reconnue de diverses manières et notamment par :

- Les accords de siège entre le CICR et les Gouvernements, ou la législation nationale. Le CICR mène des opérations d'envergure dans près de 80 pays. Sa personnalité juridique, son immunité de juridiction et son exemption de l'obligation de témoigner y sont reconnues soit par un traité, soit par la législation.

- Les décisions juridictionnelles : plusieurs tribunaux nationaux et internationaux se sont prononcés sur l'immunité de juridiction du CICR et son exemption de témoigner. En effet, le Règlement de procédure et de preuve de la Cour Pénale Internationale (CPI) a été négocié et adopté par la Commission préparatoire de la CPI à sa session de juin 2000. La règle 73 traite des privilèges en matière de communications et d'informations. La partie de cette règle du CICR est le résultat d'un compromis : le CICR avait préconisé une règle conférant une protection absolue, alors que plusieurs Etats avaient insisté pour que la Cour ait un rôle à jouer dans la détermination au cas par cas de l'information du CICR, s'il y en a, qui devrait être transmise. Aux termes de cette règle, le CICR doit mener des consultations avec la Cour si cette dernière juge l'information comme « d'une grande importance dans un cas d'espèce ». Le CICR a toutefois le dernier mot sur la divulgation de son information. Aucune autre organisation, tant non gouvernementale qu'intergouvernementale, ne s'est vu conférer un tel privilège. Le traitement extraordinaire accordé au CICR reflète l'intérêt que les Etats portent au mandat unique de cette institution humanitaire dans le monde. Ainsi, la règle 73 est la pierre angulaire de l'immunité du CICR en matière de preuve pour l'avenir. Récemment, le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), dans sa décision du 27 juillet 1999 concernant l'affaire Le Procureur c/ Simiç et consorts, a jugé que le CICR jouit, au regard du droit international coutumier, du privilège absolu de ne pas divulguer son information confidentielle.

- L'AG NU accorde au CICR le statut d'observateur « eu égard au rôle et aux mandats particuliers qui lui ont été assignés par les Conventions de Genève du 12 août 1949 » par une résolution du 16 octobre 1990. Cette résolution constitue l'unique cas d'un statut d'observateur accordé à une organisation qui n'est ni un Etat non membre des Nations Unies, cas du Saint-Siège, ni d'un mouvement de libération nationale comme l'OLP15(*). Le statut d'observateur qui lui est reconnu au sein des NU apparaît en outre comme le couronnement d'une évolution qui a conduit le CICR à bénéficier d'un statut spécifique consultatif auprès de nombreuses organisations multilatérales comme le Mouvement des Non-alignés, l'Union Africaine...

Il faut noter que les privilèges et immunités ne sont établis en vue de conférer à ceux qui en bénéficient des avantages personnels. Ils sont institués uniquement afin d'assurer, en toute circonstance, le libre fonctionnement du CICR et la complète indépendance des personnes concernées dans l'exercice de leurs fonctions.

Après avoir montré les fondements du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes, il convient de mettre en exergue l'essence de ce mandat. Autrement dit, quelles sont les composantes du mandat du CICR dans ces conflits ?

Section 2 : Le contenu du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Le CICR, dans les conflits étatiques internes a une mission exclusivement humanitaire qui est de secours (Paragraphe 1). Il s'efforce également de prévenir la souffrance par la promotion du Droit International Humanitaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le secours du CICR

Il s'agit des missions exclusivement humanitaires du CICR. Elles sont indissociables et c'est la raison pour laquelle elles ont été confiées à un organisme unique, le CICR16(*). Ce sont, entre autres, la protection des victimes (A) et l'assistance de la population dans les conflits étatiques internes (B).

A. La protection des victimes de conflits étatiques internes

La protection englobe, au sens large du terme, toutes les activités visant à faire en sorte que les Etats et autres Parties à un conflit armé respectent pleinement les droits des individus et se conforment entièrement à leurs obligations découlant des normes juridiques pertinentes, conformément à l'esprit et à la lettre du droit applicable. Pour le CICR, la protection au sens strict, englobe toutes les activités visant à prévenir et à faire cesser les violations des droits des individus, commises par les Etats et d'autres Parties au conflit, ainsi qu'à prévenir ou à faire cesser le non respect, par ces Parties, des obligations que leur imposent le DIH et d'autres règles fondamentales protégeant les individus dans les situations de violence, conformément à l'esprit et à la lettre du droit applicable. Ainsi, l'action de protection est au coeur du mandat du CICR : il s'agit de veiller à ce que toutes les Parties au conflit respectent leurs obligations, ainsi qu'au respect des droits individuels garantis par le DIH et d'autres normes fondamentales.

Les dispositions de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève protègent toutes les personnes « qui ne participent pas directement aux hostilités ». Elles incluent explicitement dans cette catégorie : d'une part « les membres des forces armées qui ont déposé leurs armes », d'autre part « les personnes mises hors combat pour maladie, blessure, détention ou pour autre cause ». Ainsi, il convient de distinguer non seulement les civils des forces armées, mais encore les civils qui ne participent pas directement aux hostilités des civils qui « participent directement aux hostilités ». En vertu du DIH, la notion de « participation directe aux hostilités » se réfère à un comportement individuel qui, s'il est affiché par des civils, suspend la protection dont ils jouissent contre les dangers qui découlent des opérations militaires. De plus, pendant la durée de leur participation directe aux hostilités, les civils peuvent être directement attaqués comme s'ils étaient combattants17(*). De ces dispositions, il ressort que deux catégories de personnes bénéficient de la protection dans les conflits étatiques internes.

La première catégorie de personnes bénéficiant de la protection du DIH est la population civile. Le DIH est fondé sur le principe de l'immunité de la population civile. Les personnes qui ne participent pas aux hostilités ne doivent, en aucune circonstance, faire l'objet d'attaque ; elles doivent être épargnées et protégées. De ce fait, le CICR maintient une présence permanente dans les zones où les civils sont particulièrement en danger. Dans les conflits étatiques internes, le civil est présent sur le champ de bataille non en tant qu'acteur mais davantage en tant que victime. Il est comme une personne qui, sans être visée expressément dans la conduite des hostilités, peut devenir l'un des enjeux. Le civil doit souvent endurer des épreuves effroyables dans les conflits internes dont il est parfois la cible directe. Massacres, prises d'otages, violence sexuelle, harcèlement, expulsions, transferts forcés et pillages... sont au nombre des pratiques qui engendrent terreur et souffrance sur les populations civiles.

Pour prévenir de tels actes, le CICR s'efforce de faire connaître le DIH et les principes humanitaires à tous ceux qui doivent les respecter. Il a des interlocuteurs clairement définis : les Parties au conflits, auprès desquelles il interviendra à propos du traitement des personnes en leur pouvoir et de la conduite des hostilités. Le respect des règles de conduite des hostilités permet aux populations civiles de jouir d'une protection particulière qui lui confère des droits en mettant des obligations à la charge des combattants.

Le droit fondamental des populations civiles est celui d'être mis en dehors de toute logique d'attaque. Cette interdiction d'attaques dirigées contre les civils emporte plusieurs conséquences au sens de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole Additionnel II qui énumèrent les interdictions de façon large18(*).

La politique de protection des populations civiles offre au sein de celle-ci une distinction riche d'enseignements en ce sens qu'elle tient tantôt compte du physique de la personne protégée, tantôt de sa qualité. Ainsi nous pouvons distinguer la catégorie des personnes fragiles par nature et celle des personnes fragiles par incident qui peuvent être rangées dans la catégorie des personnes à haut risque. Elles bénéficient d'un régime de protection particulière.

Les personnes fragiles par nature sont entre autres la femme dans la mesure où elle est désignée à tort ou à raison « sexe faible » et l'enfant dans la mesure où sa fragilité résulte de son âge.

Outre la protection générale dont bénéficie la femme en tant que membre de la population civile, celle-ci a droit à une protection dite spéciale. Le CICR veille à ce que les besoins spécifiques des femmes en termes de protection, de soins de santé et d'assistance soient convenablement pris en compte dans l'ensemble de ses activités. Il a notamment pris l'engagement d'insister sur la protection qui doit être accordée aux femmes et aux jeunes filles, de faire savoir à tous ceux qui portent les armes que la violence sexuelle sous tous ses formes est interdite par le droit humanitaire et qu'il convient de tout faire pour prévenir de tels actes19(*). En cas d'emprisonnement, le CICR insiste aussi pour que les femmes soient logées dans les locaux séparés et placées sous la surveillance immédiate des femmes.

L'enfant jouit aussi d'une protection particulière du fait de sa vulnérabilité. C'est pourquoi le CICR exige que les Parties au conflit prennent des mesures nécessaires pour que les enfants de moins de 15 ans, devenus orphelins ou séparés de leur famille du fait de la guerre ne soient pas laissés à eux-mêmes et que pour soient facilités en toute circonstance, leur entretien, la pratique de leur religion et leur éducation.

Outre ces personnes fragiles par nature, d'autres personnes, bien que physiquement aptes et plus ou moins préparées à la guerre font aussi l'objet d'une protection particulière. C'est pourquoi elles sont désignées personnes fragiles par incident. Il s'agit du personnel humanitaire qui comprend tous les civils qui se trouvent sur le terrain des hostilités pour des raisons de secours et d'assistance aux victimes. Dans cette catégorie, on classe d'abord le personnel sanitaire, ensuite les journalistes et enfin les religieux.

La seconde catégorie des personnes qui bénéficient de la protection du DIH en général et du CICR, en particulier, sont les personnes « qui ne participent plus aux hostilités ». Ce sont généralement « les membres des forces armés qui ont déposé leurs armes » et « les personnes mises hors combat par maladie, blessure, détention ou pour toute autre cause ». Les dispositions de l'art. 3 précisent ici qu'aucune distinction de caractère défavorable fondée sur la race, la couleur, la religion... ne doit être opérée entre les personnes protégées.

En plus de la protection de la population, le CICR participe aussi à son assistance dans les conflits étatiques internes.

B. L'assistance de la population

Les activités d'assistance ont pour but de préserver ou de rétablir des conditions de vie acceptables et de permettre aux membres de la population de maintenir un niveau de vie adéquat ainsi qu'un environnement socioculturel aussi proche que possible de celui auquel ils sont accoutumés, et ce jusqu'au moment où leurs besoins essentiels peuvent être satisfaits par les autorités ou par eux-mêmes.

Le DIH accorde une grande importance à l'assistance matérielle comme contribution à la protection des victimes des conflits telle que la définissent les Conventions de Genève et les Protocole Additionnels. Le CICR intervient lorsque certaines conditions sont remplies. D'abord, il se mobilise en fonction de l'urgence des besoins, autrement dit, lorsque les besoins vitaux des personnes vulnérables (abri, nourriture et boisson, hygiène et soins de santé, protection contre la violence...) ne sont pas satisfaits. L'assistance ne doit pas toutefois entraver le relèvement ni le développement à long terme. C'est pourquoi le CICR inclut dans toutes ses opérations de secours des activités de relèvement qui faciliteront les efforts de développement ultérieurs entrepris par d'autres organismes. Cela peut consister, selon le cas, à distribuer des semences et des outils ou du matériel de pêche... Ensuite le CICR n'entreprend une opération d'assistance que s'il est assuré de pouvoir jouir d'une totale indépendance dans le choix des programmes et des bénéficiaires ainsi que les modalités d'action. Il doit aussi pouvoir accéder librement à tous ceux qui ont besoin d'assistance. Il doit également pouvoir retourner à tout moment sur les lieux de ses interventions afin d'évaluer la pertinence et l'efficacité. Le CICR doit, enfin, respecter les usages culturels et sociaux des communautés concernées, mais dans les limites de ses propres principes et en veillant à ce que son intervention n'entraîne pas d'effets négatifs, ni parmi ses bénéficiaires, ni parmi les habitants de la région. Il ne doit pas causer préjudice direct ni indirect à ces derniers, que ce soit à travers leur environnement naturel, leur économie ou leur mode d'existence en général. Il doit prendre garde également de ne pas favoriser des comportements de dépendance.

L'assistance peut revêtir diverses formes, selon la nature de la crise et la région où elle se produit. L'action du CICR est en effet axée sur des services essentiels tels que la fourniture de vivres et/ou de médicaments, la construction ou la réparation des systèmes d'approvisionnement en eau ou des installations médicales et la formation du personnel fournissant les soins de santé primaire, des chirurgiens ou des techniciens en orthopédie.

Dans les conflits étatiques internes, l'une ou l'autre des parties peut avoir recours à des tactiques prohibées (blocus, coupures de l'approvisionnement en eau, destruction délibérée des récoltes ou d'infrastructures essentielles...). Dans ce cas, avant même de porter assistance à la population, le CICR s'efforce de prévenir ou de faire cesser les violations, en attirant l'attention des parties sur les responsabilités que leur impose le DIH.

Avant de mettre en place un programme d'assistance, le CICR évalue avec soin les besoins de chaque groupe, au sein de son propre environnement, afin que l'aide fournie soit appropriée. En outre, le CICR veille à ce que les secours soient distribués dans le respect des principes d'humanité, d'impartialité et de neutralité. Le CICR suit aussi, de part en part, le déroulement de chaque programme afin de tirer des enseignements « pour mieux faire la prochaine fois ». La politique qu'il adopte en matière d'évaluation porte sur chaque sphère de son activité et non uniquement sur les activités de secours dans le but de répondre aux multiples besoins des victimes de conflits.

Le CICR, dans les conflits étatiques internes, poursuit ainsi une mission humanitaire qui est de protéger et d'assister les populations. Cependant, il a aussi une mission préventive axée sur la promotion du DIH.

Paragraphe 2 : La promotion du DIH

Le CICR a pour mission de concourir activement à la promotion du DIH par les Etats. Il s'intéresse de plus en plus à une action de type préventif. Il s'agit de veiller à ce que le mandat et les activités de l'organisation visent précisément tout un ensemble de groupes et de personnes dans le monde entier (A), et de promouvoir un respect beaucoup plus important su DIH (B).

A. La diffusion du DIH

Le CICR veille, dans les conflits étatiques internes, à ce que le DIH soit diffusé. Il produit du matériel didactique. Il dispense un enseignement dont le contenu varie en fonction de ceux auxquels il s'adresse. La diffusion du DIH par le CICR se matérialise d'abord à travers ses nombreuses publications traduites en de nombreuses langues afin de multiplier le nombre de lecteurs20(*). Pour ce faire, le CICR partage son expertise avec des ressortissants du pays dans lequel il exerce ses activités, qui pourront relayer un message vernaculaire et dans le respect des traditions culturelles locales. Ces publications sont appuyées par le soutien qu'il apporte aux chercheurs en vue de l'édition des manuels relatifs au DIH.

A côté de ces documents écrits figure en bonne place le soutien audio-visuel qui se traduit dans le montage et la diffusion d'éléments sonores et visuels sur les chaînes de radio et de télévision, les spots brefs mais explicatifs. En effet, par des contacts avec les médias, le CICR cherche à donner à ce message le plus large écho possible. Il veille ainsi à transmettre des messages d'ordre humanitaire à tous ceux qui peuvent soit renforcer son action, soit, au contraire, l'entraver, ou encore à tous ceux susceptibles d'influer le sort des victimes de conflits armés. L'objectif, ici, est de renforcer la capacité du CICR à accéder aux personnes et aux populations ayant le plus besoin d'aide, et de les aider effectivement. A cet égard, le CICR a une double politique de communication : d'une part, une communication qui s'adresse aux autorités publiques et vise à mobiliser les acteurs majeurs afin qu'ils interviennent dans les dossiers humanitaires les plus pressants, et, d'autre part, une communication plus « fonctionnelle » qui vise à la reconnaissance des activités du CICR et à permettre l'accès aux victimes.

L'organisation de conférences et de séminaires régionaux auxquels prennent part les représentants des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et parfois ouverts au public visent aussi à promouvoir et à diffuser davantage l'humanité qui reste le cheval de bataille du CICR.

Le rôle de diffusion est relayé sur les territoires nationaux par les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dont l'une des missions premières est de tout faire pour encrer le DIH dans l'esprit des citoyens. Pour cela, les Sociétés nationales, sous l'impulsion du CICR, sensibilisent la presse et le grand public sur la question des crises humanitaires, au respect des emblèmes.

Cette activité du CICR a pour objectifs principaux de contribuer au respect du DIH.

B. Le respect du DIH

L'enseignement du DIH dans les conflits étatiques internes ne se distingue guère de celui qui est donné dans les conflits armés internationaux, où la distinction entre civils et combattants est clairement établie. L'art. 19 du Protocole Additionnel II dispose que le Protocole « sera diffusé aussi largement que possible », et les groupes armés sont tenus de respecter cette disposition21(*).

L'exigence que les groupes d'opposition armés respectent au minimum certaines règles du DIH applicables dans les conflits étatiques internes est inscrite dans l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Si le Protocole Additionnel II est moins explicite dans la formulation de l'exigence selon laquelle les parties au conflit sont liées par ses règles, le Protocole développe et complète l'art. 3 commun aux Conventions de Genève, et il est contraignant à la fois pour les forces gouvernementales et pour les groupes d'opposition armés. Le CICR a appelé à de nombreuses reprises l'ensemble des Parties à des conflits armés non internationaux à respecter et à faire respecter le DIH, par exemple, en ce qui concerne les conflits en Afghanistan, en Angola, en Bosnie-Herzégovine, en Somalie et dans l'ex-Yougoslavie22(*).

Les groupes d'opposition armés doivent respecter et faire respecter le DIH, et la diffusion est généralement considérée comme un outil indispensable à cette fin. Dans la pratique, les groupes d'opposition armés ont souvent autorisé le CICR à diffuser le DIH parmi leurs membres. Le CICR lui-même a appelé les Parties aux conflits armés non internationaux à assurer la diffusion du DIH parmi les troupes, ou à autoriser et faciliter les efforts du CICR à cette fin23(*).

Au-delà de cette exigence de respecter et de faire respecter le DIH, le CICR oblige les groupes d'opposition armés d'encourager l'enseignement du DIH à la population civile placée sous leur autorité. Il demeure important que « les civils (...) soient partout informés des règles du Droit International Humanitaire afin d'en assurer une stricte observation »24(*). Dans la pratique, les groupes d'opposition armés ont souvent autorisé le CICR à diffuser le DIH dans les zones placées sous leur autorité.

Chapitre II : La mise en oeuvre du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes

Parler de la mise en oeuvre du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes revient à mettre en exergue les interventions du CICR sur le terrain. Dans un nombre croissant de conflits étatiques internes, le CICR est appelé à agir doublement. Son action est, d'une part, de contribuer à la résolution politique et militaire du conflit et, d'autre part, alléger les conséquences du conflit sur les populations victimes. Il s'agit essentiellement du rôle du CICR, en tant qu'intermédiaire neutre entre les Parties au conflit (Section 1) et de ses prestations en faveur des victimes (Section 2).

Section 1 : Le rôle d'intermédiaire neutre du CICR entre les Parties belligérantes

Nous allons étudier successivement le CICR en tant que diplomate humanitaire (Paragraphe 1) et le CICR en tant qu'intermédiaire dans les négociations (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le CICR, un diplomate humanitaire

Il s'agit de voir ici la démarche confidentielle du CICR entre les Parties au conflit en cas de violation des règles du DIH (A) et le rôle du délégué dans la diplomatie de persuasion (B).

A. La démarche confidentielle du CICR entre les Parties au conflit en cas de violation du DIH

Discrétion et persuasion sont les mots clefs de la diplomatie humanitaire du CICR. On reproche parfois au CICR son goût du secret, des silences coupables devant les infractions au droit humanitaire qui le rendraient complice ou témoigneraient d'une incapacité d'agir. On se demande souvent pourquoi le CICR n'informe-t-il pas la Communauté internationale qui lui a donné son mandat humanitaire ? Pourquoi ne saisit-il pas l'opinion publique internationale qu'il contribue à former, en l'informant pour qu'elle fasse pression sur les responsables de ces violations ?

D'une part, il n'est pas dans le rôle du CICR d'être le procureur du droit humanitaire ; c'est aux Etats qu'appartient la responsabilité première du contrôle. D'autre part, si le CICR est appelé à mettre en exergue certaines modalités de contrôle, le critère de son intervention est celui de l'intérêt des victimes qu'il cherche à protéger. La confidentialité est vitale sur le plan de la capacité du CICR à s'acquitter des obligations qui lui incombent au titre du DIH de protéger les victimes des conflits armés actuels et futurs. Le CICR doit donc toujours soigneusement peser toutes les implications de sa réaction en sachant qu'une condamnation publique n'est pas le meilleur moyen pour amener les parties belligérantes à collaborer avec lui. Ainsi l'objectif principal étant d'améliorer les conditions d'existence de l'ensemble des populations touchées par le conflit ou les affrontements, la confidentialité est une méthode de travail dans le cadre de la protection. Il en est autrement dans celui de l'assistance où, tout au contraire, seule la publicité peut permettre de réunir les moyens matériels.

Cependant il ne faut pas confondre confidentialité et complaisance. Le fait que le CICR ne parle pas publiquement de certaines questions ne signifie pas qu'il les passe sous silence. Le CICR se montre relativement tenace lorsqu'il s'agit de vérifier des allégations de violations. Il est prêt à en faire ses préoccupations jusqu'au sommet de la hiérarchie si c'est nécessaire pour mettre un terme aux abus.

Le CICR rappelle régulièrement aux Parties au conflit les obligations qui leur incombent en vertu du DIH. Il met tout en oeuvre pour maintenir un dialogue avec l'ensemble des Parties prenantes quand il s'agit d'insister sur la nécessité d'épargner la population civile lors des opérations militaires ou de faciliter la libération des otages détenus par des groupes d'opposition armés. C'est dans cette optique que, lors de la libération des otages des FARC25(*), le transfert de 70 soldats des mains de la guérilla à celles de l'armée a été le couronnement de l'action humanitaire de loin la plus significative à laquelle le CICR ait participé en Colombie26(*) en 1996.

La volonté de discrétion est manifeste devant les cas de violation du DIH. Le CICR peut tout d'abord intervenir de sa propre initiative lorsque ses délégués constatent des violations du droit humanitaire. Selon l'importance de la violation, la démarche entreprise peut aller de la remarque orale faite par un délégué au responsable d'une prison au rapport détaillé du président du CICR au gouvernement intéressé. En principe, si ces violations sont graves ou répétées, le CICR peut sortir de sa réserve et prendre publiquement position quand les conditions suivantes sont réunies :

- les démarches faites à titre confidentiel n'ont pas permis de faire cesser les violations graves ;

- la publicité est dans l'intérêt des victimes ;

- les délégués ont été soit des témoins directs de ces violations, soit l'existence et l'ampleur de celles-ci sont établies au moyen de sources sûres et vérifiables.

C'est ainsi, par exemple, que le CICR a condamné avec véhémence les massacres commis, entre décembre 2008 et janvier 2009, dans le Nord Kivu27(*), par les troupes de Laurent Nkunda.

La confiance des Etats en sa neutralité et son impartialité ainsi obtenue, le CICR peut mener une diplomatie de la persuasion.

B. Le rôle du délégué du CICR dans la diplomatie de la persuasion

La recherche du consentement de l'Etat est d'autant plus nécessaire que le CICR veut intervenir dans des domaines qui ne sont pas régis par le DIH. L'exemple le plus important est celui de la visite des personnes privées de liberté lors des conflits. C'est un des principaux rôles qui sont conférés aux délégués du CICR.

Les délégués visitent des milliers de détenus sur tous les continents. En général, les visites sont effectuées par une équipe composée d'un ou deux délégués et d'un médecin du CICR. Elles ont pour but non seulement de prévenir les disparitions, tortures et mauvais traitements ou d'y mettre un terme, mais aussi d'améliorer les conditions de détention lorsque cela est nécessaire et de permettre le rétablissement des liens familiaux. La fonction préventive du CICR mérite d'être soulignée : la présence de l'institution dans un lieu de détention ne signifie nullement que des problèmes humanitaires s'y posent, mais uniquement que les autorités sont disposées à dialoguer avec le CICR dans le but d'assurer un traitement humain aux personnes qu'elles détiennent.

Lorsque le délégué pénètre dans une prison, il est concerné en premier lieu, par les personnes qui ont été arrêtées en raison de la situation de conflits étatiques internes. Dans certains contextes, ces personnes sont considérées comme des « détenus politiques » ou des « détenus de sécurité ». Il peut s'agir aussi des détenus aussi divers qu'un guérillero capturé, un paysan accusé de collaboration avec l'opposition armé, un étudiant qui a manifesté contre le pouvoir... auxquels le CICR peut être amené à demander à avoir accès à eux.

Pour que ses visites puissent donner lieu à des propositions concrètes et crédibles, le CICR demande au préalable aux autorités :

- la possibilité de voir tous les détenus qui entrent dans le cadre de son champ d'intérêt et d'avoir accès à tous les lieux où se trouvent ces détenus ;

- l'autorisation pour ses délégués d'avoir avec les détenus de leur choix des entretiens sans témoin ;

- l'assurance d'être autorisé à établir en cours de visites la liste des détenus qu'il estime entrer dans le cadre de son mandat ou de recevoir des autorités une telle liste, qu'il sera autorisé à vérifier et, le cas échéant, à compléter ;

- l'autorisation de répéter ses visites à tous les détenus auxquels il a eu accès et de voir toute autre personne incarcérée de son choix, ayant le même profil, quel que soit le lieu auquel ils se trouvent, la périodicité de ces visites étant déterminé par le CICR en fonction des besoins.

Par ailleurs, le CICR souhaite obtenir le droit d'effectuer des visites sans préavis ou avec un court délai de préavis, ainsi que la notification des arrestations, des hospitalisations, des transferts, des condamnations, des libérations et des décès.

Au cours de sa visite à des personnes détenues, le délégué du CICR tente de se faire une idée objective des problèmes humanitaires qui existent. Il peut s'agir de conditions de détention particulièrement dures, de mauvais traitements, voire d'exécutions, ou encore de l'absence de contact du détenu avec sa famille. Dans certains cas, la non observation des garanties judiciaires est assimilable à un mauvais traitement, car elle a des répercussions graves sur l'état physique et psychique de l'individu28(*).

Les résultats de la visite font l'objet d'un rapport confidentiel aux autorités, appréciant les conditions de détention et pouvant comporter des suggestions pour les améliorer. En principe, le CICR se borne à rendre publics les lieux et les dates des visites, le nombre de personnes vues et le fait que l'entretien se soit déroulé sans témoin. La protection apportée par ces visites n'est en effet réelle que si elles peuvent être répétées ; or, la publication d'un rapport condamnant un gouvernement peut le conduire à en refuser la continuation. Lorsque le CICR a la conviction que la présence de ses délégués n'est qu'un paravent pour les autorités, il peut suspendre ou mettre fin à ses visites et rendre publique sa décision. Il peut également rendre public le refus systématique d'un gouvernement car, il ne veut pas être complice pars son silence : seule la sanction de l'opinion publique peut éventuellement inciter le gouvernement à changer d'attitude.

Le CICR joue aussi un rôle essentiel en ce qui concerne les négociations entre les Parties belligérantes.

Paragraphe 2 : Le rôle de médiateur du CICR dans les négociations

En ce qui concerne les négociations entre les parties belligérantes, le CICR peut jouer un rôle de médiateur (A), rôle qu'il ne peut mener à bien sans une collaboration avec d'autres acteurs sur le terrain (B).

A. La médiation humanitaire du CICR

Moins connue, la médiation est tout aussi importante que les autres activités du CICR. C'est le rôle que peut jouer le CICR pour faciliter, dans un conflit étatique interne, la conclusion d'accords humanitaires entre les Parties au conflit. L'art. 3 commun aux Conventions de Genève demande, en effet, aux Parties de s'efforcer « de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention » et permet au CICR de leur offrir ses services. C'est ainsi que le CICR peut proposer ses bons offices ou sa médiation en vue de la conclusion d'accords permettant l'évacuation de blessés ou de civils (trêves, suspension d'armes) ou la création de zones sanitaires et de sécurité.

Par ailleurs, sans que soient conclus des accords formels, le CICR peut offrir ses services pour accomplir des activités qui nécessitent l'assentiment des Parties au conflit (recherche de dépouilles mortelles dans une zone contestée, réparation d'un réservoir d'eau dans une zone temporairement déterminée par ceux qui la contrôlent) ou pour communiquer des messages strictement humanitaires entre des acteurs de la violence qui ne se parlent pas. Cependant, en cas de prise d'otages, le CICR ne s'autorisera à présenter une offre spontanée de service aux Parties impliquées que dans l'hypothèse où la prise d'otages s'inscrit dans le cadre d'un conflit armé couvert par les Conventions de Genève. L'otage, civil ou militaire, doit pouvoir profiter pleinement de la protection conventionnelle qui lui est due et dont le CICR a pour mandat de veiller à ce qu'elle soit respectée par les Parties. En revanche, dans les situations qui ne sont pas couvertes par le DIH, le CICR n'interviendra qu'à la demande des Parties. En effet, au vu de la complexité de ce genre de situation et des risques encourus, le CICR ne fera spontanément une médiation que s'il estime être seul, ou particulièrement, à même de le faire.

Pour qu'une médiation du CICR ait des chances de réussir, elle doit porter sur des phénomènes limités dans le temps et dans l'espace, et se dérouler avec des acteurs bien définis.

Le facteur temps est déterminant pour la réussite d'une action de médiation. Si le CICR est sur les lieux immédiatement après le déclenchement d'une crise, ses chances d'influencer la situation seront beaucoup plus grandes que s'il n'intervient que plus tard dans le processus. Au début, il est plus facile de gagner la confiance des parties et de fixer d'emblée quelques « règles du jeu » importantes. Pour reprendre l'exemple de la libération des soldats colombiens détenus par les FARC en 1996, le succès du CICR a été l'aboutissement d'un processus de négociation de neuf mois et demi, auquel la délégation a pris part dès les premières heures.

La médiation exige de la persévérance et une bonne connaissance de la situation. Elle demande aussi une bonne dose de pragmatisme et de souplesse. Lorsqu'ils interviennent en tant que médiateurs dans un conflit, les délégués quittent les hautes sphères « aseptisées » des traités et des théories et deviennent eux-mêmes partie prenante du scénario de crise, même s'ils restent indépendants et neutres. Enfin, pour parvenir dans une situation souvent tendue et qui évolue rapidement, le meilleur conseiller est souvent le bon sens.

Cependant, il convient de noter que cette mission de médiation humanitaire n'est pas exclusive au CICR. Elle est partagée avec d'autres institutions en vue de résoudre les problèmes humanitaires.

B. La participation d'autres institutions dans la médiation humanitaire

Le CICR ne peut que rarement résoudre seul des problèmes humanitaires. Il n'est toujours qu'un acteur parmi tant d'autres, une pièce d'un puzzle complexe, composé de diverses figures principales et secondaires. En plus des Parties au conflit, ce puzzle se compose également des autorités civiles, des chefs religieux, des institutions privées de toutes sortes, des médias, autrement dit de la société civile. Sans son appui, les possibilités du CICR sont limitées. Il obtient cet appui par le dialogue systématique et un travail d'information. Celui-ci tient compte des ébauches de discussions critiques dans l'opinion publique et tente, dans la mesure du possible, de les préserver et de les encourager.

Le CICR s'efforce de sensibiliser les responsables politiques et les guides d'opinion (parlementaires, membres des ONG, journalistes et autres personnes influentes) et d'obtenir leur appui en vue du DIH.

La collaboration du CICR avec d'autres institutions en matière de médiation est surtout notable en ce qui concerne la libération d'otages. Celle-ci se produit souvent en application d'un accord conclu au terme d'un conflit, sur la base d'un échange bilatéral. Chaque phase du processus de libération se passe presque toujours avec la participation d'un intermédiaire neutre, depuis la négociation sur la libération des personnes jusqu'à la supervision de libération proprement dite, ou même la prise en charge des ex-détenus juste après leur libération. Les parties qui prennent part à ce type d'échanges doivent coopérer de bonne foi avec le CICR et les autres intermédiaires29(*). Une pratique similaire a aussi été rapportée en ce qui concerne l'Angola30(*), la Colombie31(*), le Rwanda32(*), la Somalie33(*) et le Soudan34(*). Le Conseil de sécurité de l'ONU et la Commission des NU pour les droits de l'Homme, ainsi que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ont appelé les Parties à coopérer avec le CICR en matière de libération des détenus.

Cette collaboration est aussi notable en ce qui concerne les accords de cessez-le-feu et de paix. Dans les conflits étatiques internes, ceux-ci sont négociés entre l'Etat et les groupes armés, d'ordinaire par des Etats tiers ou des intermédiaires neutres. Les accords de cessez-le-feu comportent quelquefois un engagement général que les parties ont pris d'assurer le respect du DIH, comme cela a été le cas dans un accord de cessez-le-feu de 1999 entre les Parties au conflit en RDC.

Ces accords peuvent comporter spécifiquement les divers actes et les violations du DIH que les Parties s'engagent à ne pas commettre. Par exemple, dans un accord de 2002, les Parties au conflit en Angola ont convenu de garantir la protection des personnes et de leurs biens et de ne pas conduire de déplacements forcés de population civile, commettre des actes de violence contre la population civile ou de détruire des biens. En plus des dispositions spécifiques du DIH, les accords de cessez-le-feu comportent souvent des engagements pris par les Parties de permettre l'acheminement sans entrave de l'assistance humanitaire ou de l'accès des organisations humanitaires. De tels accords ont été signés en Guinée Bissau, au Libéria, au Soudan et dans d'autres pays. C'est ainsi que le CICR, en collaboration avec d'autres acteurs, ont utilisé les dispositions figurant dans les accords de cessez-le-feu pour rappeler les Parties les obligations qui leur incombent au titre du DIH, d'encourager le respect du droit ou de négocier un accès. Cela s'est produit dans les représentations basées sur l'accord de cessez-le-feu de 1999 dans la RDC35(*).

Le rôle d'intermédiaire neutre du CICR entre les parties belligérantes est ainsi d'alléger et de prévenir la souffrance des hommes en invitant les Parties au conflit armé d'agir conformément au DIH. Cependant, il est à souligner que l'action principale du CICR sur le terrain est d'apporter secours à la population, principale victime des conflits armés.

Section 2 : L'établissement d'un programme d'assistance aux victimes

Il s'agit des prestations du CICR en faveur de la population civile qui est la principale victime dans les conflits étatiques internes. Ces prestations peuvent être matérielles (Paragraphe 1) ou non matérielles (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les prestations matérielles du CICR

Les prestations matérielles du CICR dans les conflits étatiques internes sont le plus souvent l'aide sanitaire et alimentaire (A) et la garantie d'une sécurité économique à la population (B).

A. L'aide sanitaire et alimentaire

C'est la partie visible de la politique de secours du CICR qui consiste à apporter des médicaments ou de la nourriture pour maintenir des individus ou des populations en vie, diminuer leurs souffrances et éviter que les séquelles des maladies, blessures ou carences alimentaires ne handicapent leur avenir. Le CICR s'efforce en premier lieu d'obtenir que les autorités de droit ou de fait permettent à la population d'accéder aux ressources et aux services indispensables à la survie et au bon fonctionnement de la communauté et, si nécessaire, qu'elles fournissent l'assistance requise. Le partage de son expertise en matière d'hygiène publique, de logistique et de médecine d'urgence, l'appui qu'il peut donner pour former le personnel médical appelé à remettre en état les infrastructures défaillantes, le rôle qu'il peut jouer, en sa qualité d'institution neutre, pour lever les entraves à la vie de la communauté qu'aucune nécessité militaire ne justifie, constituent des aspects tout aussi importants de la politique de secours du CICR36(*).

Lorsqu'il y a une assistance d'urgence et que le CICR est particulièrement à même de jouer un rôle utile en raison de sa spécificité, il pose trois conditions avant d'entreprendre un programme d'aide alimentaire et sanitaire :

- avoir accès aux personnes à assister, prendre connaissance de leur situation et faire une évaluation de leur besoin ;

- être présent lorsque l'aide est apportée

- pouvoir procéder à un contrôle administratif afin d'établir des rapports sur les distributions faites.

Il souhaite également avoir l'autorisation de retourner sur les lieux pour évaluer l'impact de son action sur l'état des populations par rapport aux objectifs fixés.

En règle générale, l'aide du CICR a un caractère d'urgence. Celle-ci est dictée par l'ampleur ou la gravité des besoins humanitaires (malnutrition, épidémies...). Dans les situations où la population souffre de faim ou de famine, le CICR met en place des centres d'alimentation thérapeutique supervisés par du personnel médical qui accueillent les enfants souffrant de malnutrition. L'aide d'urgence peut aussi être dictée par le caractère récent des actes qui sont à l'origine de ces besoins humanitaires précités. Lorsque l'urgence est passée, l'assistance apportée par le CICR prend normalement fin. Elle a contribué à permettre à des personnes en détresse de passer un cap difficile. Elle a souvent même amélioré le niveau de vie d'une communauté en créant une infrastructure dont elle était dépourvue auparavant, tels des dispensaires, des puits ou des latrines. Dans ce domaine, l'action du CICR vise principalement à renforcer la capacité opérationnelle des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge auxquelles il appartient de contribuer au développement de leur pays37(*).

Le CICR, en plus des secours sanitaires et alimentaires qu'il apporte aux populations victimes des conflits armés, leur assure une couverture de leurs besoins économiques.

B. La garantie d'une sécurité économique à la population

Dans un conflit étatique interne, l'approche du CICR consiste à mettre l'accent sur la dynamique de l'économie des ménages. Son intervention porte à la fois sur les moyens de production nécessaires pour couvrir l'ensemble des besoins économiques essentiels d'un ménage et sur la fourniture des ressources nécessaires à la satisfaction de ces besoins. Il est évident que parmi les besoins essentiels, certains comme l'eau et la nourriture sont plus vitaux que d'autres. Pourtant, et cela est souvent négligé, l'être ne vit pas que nourriture. Pour cette raison, le CICR prend en compte l'ensemble des besoins économiques essentiels des ménages : logement, vêtements, ustensiles de cuisine et combustible.

En fonction du degré de perte de la sécurité économique au sein de la population, l'intervention du CICR porte sur l'une des trois formes suivantes.

D'abord, un soutien économique pour protéger les moyens de production vitaux des victimes d'un conflit étatique interne, afin de permettre à chaque foyer de conserver, dans toute la mesure du possible, se capacité de production et son autosuffisance économique. En effet, dès les premières apparitions des signes d'un conflit, le CICR intervient en rappelant aux autorités la protection accordée à la population civile par le DIH, qui exige le respect des personnes et de leurs biens. Si la population rencontre des problèmes économiques par suite d'un processus manifeste d'appauvrissement et si ses moyens de production s'avèrent déficients ou risquent de ne plus être suffisants, le CICR intervient en fournissant un soutien économique. Cette aide peut revêtir différentes formes : distributions de nourriture pour soutenir l'économie, mesures visant à diversifier la production, ou encore protection du bétail grâce à des services vétérinaires.

Ensuite, quand il le peut, le CICR donne priorité aux activités de soutien économique. Néanmoins, d'autres types d'assistance sont souvent eux aussi, essentiels. Le CICR n'a en effet aucun moyen de prévenir le processus d'appauvrissement et de décapitalisation déclenché par le conflit. Pour enrayer ce phénomène, le CICR fournit des secours pour la survie, en distribuant aux victimes les biens essentiels que leurs moyens de production ne peuvent plus leur donner.

Enfin, la réhabilitation économique pour aider les victimes d'un conflit à rétablir leurs moyens de production et à retrouver, là ou cela est possible, leur autosuffisance économique. Quand la situation commence à s'améliorer, la population a besoin d'aide afin de retrouver et de rétablir son autosuffisance, ce qui permettra de mettre progressivement fin aux opérations d'assistance et de secours pour la survie. Les programmes de réhabilitation économique du CICR ont pour but de restaurer et de renforcer les moyens de production au travers de toute une gamme d'activités telles que la distribution de semences, d'outils agricoles et de matériel de pêche, la fourniture de services vétérinaires ou la remise en état de système d'irrigation afin d'aider la population résidente et les personnes déplacées à subvenir à leurs besoins.

Paragraphe 2 : Les prestations non matérielles

Les prestations non matérielles du CICR sont essentiellement les visites des personnes privées de liberté (A) et la recherche des personnes portées disparues (B).

A. Les visites des personnes privées de liberté

Dans les conflits armés non internationaux, le CICR peut offrir ses services aux Parties au conflit afin de visiter toutes les personnes privées de liberté pour des raisons liées au conflit, dans le but de vérifier leurs conditions de détention et rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.

Le CICR demande systématiquement à avoir accès aux personnes privées de liberté en relation avec les conflits étatiques internes, et cet accès est généralement accordé. Tel est le cas dans les conflits en Algérie, en El Salvador, au Nicaragua, au Nigeria, au Rwanda, en Tchétchénie et au Yémen38(*). Les conditions de ces visites sont souvent arrêtées dans les accords officiels, tels que ceux qui ont été conclus dans le contexte des conflits dans l'ex-Yougoslavie, ou encore le Protocole d'Achgabat sur les échanges de prisonniers au Tadjikistan39(*). Il existe de nombreux exemples de groupes d'opposition armés et d'entités séparatistes qui ont accordé l'accès aux personnes détenues.

Lors de l'entretien final qu'il a avec le responsable du lieu de détention à l'issue de la visite, le délégué du CICR signale, si besoin est, les problèmes humanitaires qu'il identifiés, et examine avec lui comment y remédier. Ce n'est que si, objectivement, l'autorité détentrice n'est pas en mesure d'y répondre et que ceux-ci doivent être satisfaits de façon urgente, que le CICR peut apporter temporairement une assistance. Celle-ci peut bénéficier aussi à des détenus de droit commun, souvent eux-mêmes victimes indirectes du conflit qui prévaut dans le pays. En effet le mauvais fonctionnement de l'administration pénitentiaire affecte tout le système carcéral.

La visite du CICR, dans un milieu carcéral, est suivie de démarches orales ou écrites dont un rapport confidentiel est destiné aux autorités.

Les visites du CICR ont pour objet de prévenir les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, de surveiller les conditions de détentions et de rétablir les liens familiaux par l'échange de messages.

B. Le rétablissement des liens familiaux

Lorsque des personnes sont portées manquantes, c'est soit de façon fortuite, en raison des évènements qui ont affecté le pays, soit le fruit d'une politique délibérée de l'Etat ou des mouvements d'opposition. Ainsi, dans un conflit étatique interne, la trace d'un militaire peut être perdue lors des combats ou celle d'un civil égaré lorsqu'il a fui les affrontements ou a été déplacé de force ; mais il arrive aussi qu'une politique de disparitions forcées soit pratiquée par ceux qui détiennent le pouvoir ou par leurs adversaires : des civils, arrêtés ou capturés, ne parviennent jamais dans le circuit carcéral ou ne sont jamais vus aux mains de l'opposition.

Pour éviter que des combattants ne soient portés disparus, le CICR attire l'attention des autorités sur la nécessité de prendre certaines mesures : veiller au port d'un document d'identité ou d'une médaille avec matricule par les combattants, être prêt à localiser les tombes et à recueillir les objets personnels, créer un organisme habilité à traiter ces cas. Si la trace de combattants a néanmoins été perdue sur le champ de bataille, le CICR demande que des informations soient récoltées, par exemple, que la liste des décédés soit dressée. Il peut se mettre à la disposition des Parties pour faciliter l'échange de communications et la recherche de ceux dont le sort n'est pas élucidé.

L'action en faveur des civils est surtout corrective. Les délégués du CICR s'efforcent de remettre en contact avec leurs proches des personnes qui ont fui, ont été déplacées, n'ont plus les moyens de donner leurs nouvelles. Lorsque les moyens de communication habituels sont interrompus, le CICR met en place et coordonne un réseau d'échange de nouvelles familiales donnant à tous ceux qui sont touchés par les évènements la possibilité de reprendre et d'entretenir le contact avec leurs proches.

Ce réseau permet aux membres d'une même famille d'échanger des nouvelles personnelles, généralement par le biais des messages. Ces messages se présentent sous la forme de lettres non scellées, que les autorités peuvent lire. Lorsque les moyens techniques appropriés sont disponibles et que la situation le permet du point de vue de la sécurité, les messages peuvent être envoyés par la voie électronique. Dans ce cas, le message est adressé par l'expéditeur à un bureau du CICR ou de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, où son contenu est contrôlé. Il est ensuite transmis à son destinataire. Dans d'autres cas des téléphones satellite ou portables sont mis à la disposition des personnes qui souhaitent rassurer leurs proches. Avec l'accord des intéressés, les listes de noms de personnes cherchant à donner de leurs nouvelles ou à obtenir des nouvelles de parents peuvent aussi être diffusées, sous forme écrite (par voie de presse ou dans des publications ad hoc) et sur le site Web du CICR ou encore par le biais de messages radiodiffusés ou télévisés. Ainsi en Angola, depuis mai 2002, plus de 190 000 messages Croix-Rouge ont été échangés entre des membres d'une même famille, ce qui a permis de rétablir le contact après la longue guerre civile. Plus de 10 000 noms de personnes recherchées par leur famille figurent sur le site Web du CICR « Rétablir les liens familiaux », ainsi que dans un livre largement diffusé dans le pays et à l'extérieur. Plus de 1 500 enfants séparés de leur famille ont été réunis avec leurs proches40(*).

En revanche, lorsqu'il est confronté à une politique de disparitions forcées, le CICR ne reçoit pas de réponses à ses interventions ou en reçoit d'insatisfaisantes. S'il a la conviction qu'une personne est décédée, il s'efforce d'en obtenir la confirmation pour que sa famille puisse assumer ce deuil. Il intervient notamment auprès des autorités pour obtenir une notification officielle, afin que les proches du disparu puissent régler les problèmes en suspens, tels que la succession ou l'octroi d'une pension.

Le CICR et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge reçoivent les demandes de recherches émanant des familles qui sont sans nouvelles de proches disparus dans les situations de conflit armé. Afin de disposer d'autant d'éléments que possible pour localiser les personnes recherchées ou établir leur sort, il faut verser au dossier de recherches des renseignements personnels complets, des informations sur les circonstances de la disparition et tous enregistrements ou témoignages qui pourraient aider à élucider le sort de la personne. Chaque fois que possible, le personnel du CICR et des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s'entretient avec des témoins éventuels, consulte les registres disponibles et lance des appels publics en vue de recueillir des renseignements supplémentaires. Les documents collectés et la confirmation d'informations peuvent apporter des réponses aux familles.

Les demandes de recherches qui n'ont pas abouti sont soumises aux autorités et aux responsables chargés de collecter l'information sur le sort des personnes concernées. Il est fréquent que le CICR soutienne - voire préside - des mécanismes spécifiques, tels que des commissions ou des groupes de travail multilatéraux, auxquels participent toutes les parties concernées pour renforcer le processus d'échange et de suivi des informations sur les personnes disparues.

En somme, l'action du CICR, dans les conflits étatiques internes, est fondée sur l'art. 3 commun aux Conventions de Genève et sur le Protocole Additionnel II. Ce même article 3 lui reconnaît le droit d'offrir ses services aux Parties belligérantes, afin d'entreprendre des actions de secours et de visiter les personnes détenues en relation avec le conflit.

Cependant, malgré les efforts du CICR, les civils continuent à être frappés de plein fouet par les conflits étatiques internes. Ils restent les principales victimes des violations du DIH commises par les forces gouvernementales et les groupes armés non étatiques. Les attaques délibérées contre les civils, le déplacement forcé des populations, la destruction d'infrastructures vitales pour la population civile et de biens de caractère civil, ne sont que quelques exemples d'actes interdits qui sont perpétrés régulièrement. Le CICR est donc confronté à des contraintes qui peuvent, sans nul doute, remettre en cause l'effectivité de son action. Ainsi, que doit-il faire pour faire face à ces contraintes ? Nous tenterons de répondre à cette interrogation dans nos développements qui suivront.

Le CICR est confronté à de nombreuses contraintes dans la mise en oeuvre de ses activités dans les conflits étatiques internes (Chapitre I). Ces contraintes sont le plus souvent le résultat de la méconnaissance ou du manque de respect volontaire des règles essentielles du droit des conflits armés. Ainsi des perspectives peuvent être envisagées pour que l'organisme impartial et neutre qu'est le CICR puisse mener à bien son action dans ces conflits (Chapitre II).

Chapitre I : Les contraintes

Selon Jakob KELLENBERGER41(*), « une relation spéciale lie le CICR au DIH. Le CICR a été à l'origine de la codification de la majeure partie du DIH en vigueur de nos jours ou y a participé ; par ailleurs, le DIH a expressément reconnu la mission du CICR et formalisé le mandat que lui a conféré la Communauté internationale. Aussi, tout en gardant à l'esprit que c'est aux Etats Parties aux Conventions de Genève qu'incombe la responsabilité première de respecter et de faire respecter le DIH, les défis que le DIH doit relever sont d'une importance fondamentale pour le CICR42(*) ».

Les contraintes qui entravent l'action du CICR dans les conflits étatiques internes sont multiples. Cependant elles peuvent être regroupées sous deux catégories. Elles peuvent être soulevées aux plans politique et juridique (Section 1). A cela s'ajoutent des contraintes opérationnelles (Section 2).

Section 1 : Aux plans politique et juridique

Ce sont, entre autres, les contraintes liées à l'attitude des Parties belligérantes (Paragraphe 1) et celles liées à la mise en oeuvre du DIH (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les contraintes liées à l'attitude des Parties belligérantes

Il s'agit essentiellement du refus d'applicabilité du DIH par les Parties belligérantes (A) et de leur absence de volonté politique pour mettre en oeuvre le DIH (B).

A. Le refus de l'applicabilité du DIH

Il n'est pas rare qu'une Partie à un conflit étatique interne - un Etat ou un groupe armé - nie l'applicabilité du DIH, et il est alors difficile pour le CICR d'engager une discussion sur le respect du droit.

Les autorités gouvernementales peuvent être amenées à nier l'applicabilité du DIH si elles ne sont pas d'accord pour qu'une situation particulière ne soit qualifiée de conflit armé. Elles affirmeraient au contraire qu'il s'agit d'une situation de « tension » ou de simple banditisme et que cette situation ne saurait être assimilée à celle d'un conflit armé. Un Etat peut aussi se montrer réticent à permettre toute négociation ou entrée en matière qui, de son avis, conférerait une « légitimité » au groupe armé.

Des groupes non étatiques peuvent aussi nier l'applicabilité du DIH en refusant de reconnaître un corpus de droit créé par les Etats, ou en affirmant qu'ils ne sauraient être liés par des obligations qui ont été ratifiés par le gouvernement contre lequel ils luttent. En pareil cas, le droit constituera rarement un cadre de référence pertinent, en particulier pour les groupes dont les actions sont déterminées par une idéologie forte.

Les règles tirées du DIH sont probablement encore plus difficiles à appliquer, aujourd'hui, dans un contexte qui se caractérise de plus en plus par la guerre asymétrique à cause de l'engagement des groupes armés non étatiques et par la guerre urbaine

La guerre asymétrique est caractérisée par des inégalités significatives entre les capacités militaires des parties belligérantes. Son but fondamental consiste à trouver le moyen d'éviter la supériorité militaire de la Partie adverse. L'asymétrie rend souvent les confrontations armées aujourd'hui les plus brutales, et il semble qu'elle laisse peut d'espace à la règle de droit. Si la guerre asymétrique présente de nombreuses facettes, elle touche spécifiquement les règles les plus fondamentales sur la conduite des hostilités, à savoir le principe de distinction et l'interdiction de la perfidie.

Lorsqu'elle fait l'objet d'une attaque, une Partie belligérante qui a moins de capacité militaire et technologique peut être tentée de se soustraire aux méthodes et moyens de guerre modernes sophistiqués. En conséquence, elle peut être amenée à s'engager dans des pratiques interdites par le DIH, telles que feindre d'avoir un statut protégé, fondre les combattants et les objectifs militaires au sein de la population civile et les biens de caractère civils ou utiliser les civils comme boucliers humains. Ces pratiques augmentent clairement le risque de provoquer incidemment des pertes de la population civile et des dommages aux biens de caractère civil. La Partie qui fait l'objet de l'attaque peut parfois même chercher délibérément à provoquer de telles pertes et dommages incidents. Le but final peut être de bénéficier de la forte impression négative véhiculée par la couverture médiatique de ces incidents. L'idée est de « générer » des images de personnes civiles tuées ou blessées, et de ce fait, de porter atteinte au soutien dont bénéficie l'adversaire pour continuer son action militaire.

Les Etats ou les groupes armés désavantagés technologiquement peuvent tenter de tirer parti du statut protégé de certains objets (sites religieux ou culturels, unités médicales) pour lancer des attaques. Des méthodes de combat telles que feindre d'avoir le statut de civil ou de non combattant et mener des opérations militaires au milieu d'une foule de civils constituent une perfidie. En outre, la Partie la plus faible peut tenter de lancer des attaques directes contre les « cibles faciles ». C'est parce que ces attaques causent les plus lourds dommages dans les sociétés modernes ou c'est parce que cette Partie est incapable d'atteindre le personnel ou les installations militaires de l'ennemi. En conséquence, la violence est dirigée contre les personnes civiles et les biens de caractère civil, parfois sous la forme d'attaques suicide. Le recours à la prise d'otages est également un phénomène fréquent.

Les dangers de la guerre asymétrique concernent également les moyens de guerre susceptibles d'être utilisés par la Partie désavantagée. Il est de plus en plus vraisemblable que les Etats et groupes armés qui sont impuissants face à un armement sophistiqué cherchent à acquérir ou à construire des armes chimiques, biologiques... contre lesquelles les moyens traditionnels de défense de la population civile et des biens de caractère civil sont inappropriés.

Le refus d'applicabilité du DIH est aussi notable dans la guerre urbaine. Dans cette situation, les opérations militaires au sol en milieu urbain sont particulièrement complexes : ceux qui se défendent contre une attaque bénéficient d'innombrables positions de tir et peuvent lancer une attaque n'importe où et à tout moment. La peur d'une attaque surprise est susceptible d'entraver la capacité des forces armées de l'attaquant à identifier correctement les forces ennemies et les objectifs militaires, et à évaluer les pertes civiles et les dommages contre les biens civils qui pourraient incidemment résulter de ses opérations. De même, les tirs d'artillerie et les bombardements aériens contre des objectifs militaires situés dans les villes sont compliqués, car ces objectifs se trouvent à proximité de la population civile et des biens de caractère civil.

Dans de telles situations, le plus souvent, c'est la volonté ou parfois la capacité des Parties de mettre en oeuvre le DIH, notamment par le biais du droit pénal, qui fait défaut.

B. L'absence de volonté politique pour mettre en oeuvre le DIH

Dans les conflits étatiques internes, il se peut qu'une Partie ne manifeste que peu de volonté politique, voire aucune, de se conformer aux dispositions du DIH. Il est très probablement difficile de déterminer la force de la volonté politique dans une situation donnée, mais une connaissance approfondie du contexte, ainsi que de bons contacts et un dialogue avec des personnalités influentes de cette Partie, seront utiles.

Même au sein d'une Partie à un conflit, les attitudes des différentes factions peuvent être diverses. Par exemple, il se peut que l'aile militaire reconnaisse l'importance du respect du droit, alors que les représentants politiques n'admettent pas l'applicabilité du DIH et n'appuient pas la mise en oeuvre de ses dispositions. L'inverse est aussi possible.

Lorsqu'un objectif militaire d'une Partie à un conflit étatique interne est intrinsèquement contraire aux principes, aux règles et à l'esprit du DIH, la volonté politique d'appliquer là le droit fera défaut. Considérons, par exemple, des Parties qui commettent certains actes dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile déterminée, ou des Parties qui ne s'intéressent qu'à saisir le contrôle des ressources ou des richesses économiques. En pareils cas, les violations du DIH sont les moyens par lesquels les objectifs sont poursuivis.

Le respect insuffisant des règles du DIH est le résultat constant et malheureux de l'absence de volonté politique et de capacité pratique des Etats et des groupes armés engagés dans les conflits étatiques internes de se conformer à leurs obligations juridiques. Cette attitude découle notamment du manque de connaissances de leurs obligations et responsabilités, de la part des autorités civiles et militaires assumant des responsabilités quant à la mise en oeuvre du DIH. Elle peut aussi découler du manque de diffusion du DIH. En effet, dans la plupart des cas, le manque de volonté des Parties à appliquer les règles régissant les conflits est dû à la méconnaissance du contenu de ces règles.

Le CICR a toujours été conscient du fait qu'il ne peut y avoir de respect des règles du DIH sans leur connaissance, c'est pourquoi qu'il est inscrit une obligation de diffusion dans tous les instruments du droit des conflits armés. Cependant cette obligation souffre d'un défaut de contrôle. La diffusion est une responsabilité nationale mais malgré cet engagement, la pratique des autorités laisse, toutefois, souvent à désirer.

Paragraphe 2 : Les difficultés d'application du DIH

Il convient de mettre en exergue les contraintes qui sont relatives à l'application des textes conventionnels dans les conflits étatiques internes (A) et les difficultés qui peuvent être notées dans l'appréhension du caractère interne d'un conflit armé (B).

A. Les contraintes relatives à l'application des textes conventionnels

Deux obstacles de taille entravent l'application des textes conventionnels dans les conflits étatiques internes actuels.

D'abord les textes ne s'appliquent qu'aux Etats qui les ont ratifiés. De ce fait, les traités de DIH qui s'appliquent dans tel ou tel conflit varient en fonction des instruments conventionnels que les Etats concernés ont ratifiés. Si les quatre Conventions de Genève ont été ratifiés par presque tous les Etats, tel n'est pas le cas à ce jour, des Protocoles Additionnels. Le Protocole Additionnel II n'est applicable que dans les conflits armés qui se déroulent sur le territoire d'un Etat qui l'a ratifié or, si l'on compte quelque 150 Etats qui ont ratifié ce texte, tel n'est pas le cas de plusieurs pays dans lesquels se déroulent des conflits armés non internationaux. Dans ces conflits, l'art. 3 commun aux Conventions de Genève demeure souvent l'unique disposition applicable d'un traité de droit humanitaire.

Ensuite, une proportion importante des conflits armés d'aujourd'hui n'est pas régie de manière suffisamment détaillée par ces nombreux traités. La raison essentielle en est que la majorité des conflits armés actuels ne sont pas de caractère international ; de ce fait, ils font l'objet d'un nombre de règles conventionnelles bien inférieur à celui des règles qui régissent les conflits internationaux. En réalité, les traités qui s'appliquent aux conflits étatiques internes ne sont guère nombreux : il s'agit de la Convention sur certaines armes classiques, telle qu'amendée du Statut de la CPI, de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, de la Convention sur les armes chimiques, de la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels et de son Deuxième Protocole et, du Protocole Additionnel II et l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. L'art.3 commun revêt une importance capitale, mais il ne fixe qu'un cadre rudimentaire de normes minimales. Le Protocole Additionnel II complète utilement l'art.3 commun, mais il demeure moins détaillé que les règles qui régissent les conflits armés internationaux dans les Conventions de Genève et dans le Protocole Additionnel I.

Le Protocole Additionnel II ne contient guère que 15 articles de fond, là où le Protocole Additionnel I en compte plus de 80. Ces chiffres ne sont sans doute pas si importants en soi, mais ils mettent en évidence une nette disparité dans la réglementation touchant les conflits armés, selon qu'ils sont internationaux ou non. Les conflits étatiques internes souffrent d'un manque de règles, de définitions, de dispositions détaillées et d'exigences en droit conventionnel. Telle est la situation, alors même que la majeure partie des conflits sont aujourd'hui non internationaux.

Plus spécifiquement, le Protocole Additionnel II ne contient qu'une réglementation très rudimentaire de la conduite des hostilités. L'art.13 dispose que « ni la population civile en tant que telle, ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques (...) sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation ». Or, contrairement au Protocole Additionnel I, le Protocole Additionnel II ne contient ni règles, ni définition s spécifiques concernant les principes de distinction et de proportionnalité.

Ces obstacles de taille notées dans l'application des textes conventionnels dans les conflits étatiques internes auront, sans doute, des répercussions graves sur l'intervention la compétence du CICR dans ces types de conflit.

B. Les difficultés dans l'appréhension du caractère interne d'un conflit armé

Il s'agit de montrer le problème de la constatation de l'existence d'un conflit étatique interne qui risque de se poser en termes aigus et de mettre en relief les problèmes qui peuvent survenir dans la distinction conflit armé international et conflit armé non international.

Le principe dominant du DIH dans les conflits étatiques internes est d'enlever au gouvernement légal directement concerné l'appréciation discrétionnaire de l'existence d'un état de conflit : toute autre solution équivaudrait à faire resurgir, dans un contexte nouveau, l'esprit de la reconnaissance facultative de belligérance. La détermination de l'existence du conflit doit répondre à des conditions objectives... De fait, tous les Etats parties aux Conventions de Genève ont le droit et l'obligation de faire respecter les dispositions de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole Additionnel II. Ils peuvent donc théoriquement pour faire constater l'existence d'un conflit étatique interne. Mais si le gouvernement de l'Etat en proie à la lutte armée n'a pas cru bon de prendre lui-même une telle initiative, l'action entreprise par le gouvernement tiers risque d'être dénoncée comme une inadmissible ingérence dans les affaires intérieures de l'Etat intéressé. On retrouve ici, toute proportion gardée, les réactions que provoque la reconnaissance de belligérance émanée d'une puissance tierce, lorsque le gouvernement légal continue de considérer les insurgés comme les purs et simples criminels.

La distinction opérée entre les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux peut aussi présenter des difficultés dans la qualification d'une guerre. En effet, la stricte division du DIH en règles applicables dans le cadre de conflits armés internationaux et règles applicables aux conflits qui ne sont pas de caractère international est presque universellement critiquée. Ces difficultés sont plus notables surtout en ce qui concerne les conflits internationalisés, c'est-à-dire les conflits armés présentant, tout à la fois, les caractéristiques d'un conflit interne et d'un conflit international. Cette « internationalisation » a institué des tests complexes qui, dans la pratique, sont quasiment irréalisables. L'exemple de la RDC illustre bien la complexité d'un conflit internationalisé. Ce pays est en proie à neuf conflits - internes, internationaux ou internes internationalisés - dans lesquels sont engagés six armées nationales et 21 groupes irréguliers. Le plus grave oppose le gouvernement de Kinshasa au Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) allié du Rwanda, à l'Ouganda et au Burundi. Le RCD a subi plusieurs scissions et la faction soutenue par l'Ouganda a affronté celle appuyée par le Rwanda sur le sol congolais, en y provoquant des pertes humaines et matérielles. Le Mouvement de Libération du Congo (MLC) lutte contre le gouvernement. Un autre conflit, attisé par les par les forces armées ougandaises, oppose les ethnies hema et lendu. Dans tous ces conflits, les victimes sont toujours les congolais43(*).

Et même lorsqu'un conflit est internationalisé, il est difficile de déterminer quel droit est applicable, car les relations et les présences militaires changent. En outre, la dichotomie « international/non international » du DIH peut faire l'objet d'incroyables manipulations politiques, souvent au détriment de la protection humanitaire.

Cependant les difficultés que rencontrent le CICR sont plus remarquables dans le déroulement de ses opérations dans les conflits étatiques internes. Elles vont des problèmes d'accès aux victimes à la question de la sécurité du personnel du CICR.

Section 2 : Au plan opérationnel

Sur le plan opérationnel, le CICR rencontre des difficultés qui sont relatives à l'accès aux victimes des conflits étatiques internes (Paragraphe 1) et celles qui existent entre les acteurs présents sur le terrain, c'est-à-dire entres acteurs actifs dans la guerre (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les problèmes liés à l'accès aux victimes

Les problèmes que rencontre le CICR pour avoir accès aux victimes sont soit liés aux difficultés relatives à l'inspection des zones (A), soit à l'absence de dialogue entre le CICR et les Parties belligérantes (B).

A. Les difficultés relatives l'inspection des zones

Les Etats ont le devoir de s'occuper de leurs citoyens. Les populations civiles, dont les besoins, dans bien des cas, ne sont pas satisfaits en temps de conflits étatiques internes, doivent être en mesures de s'adresser aux organisations humanitaires internationales et d'être secourues par elles. Malheureusement, ces organisations, à l'instar du CICR, se voient parfois refuser l'accès aux zones où se déroulent les pires abus contre les populations protégées, au moment où ces actes sont commis.

L'accès aux victimes peut être gênées par une instrumentalisation des Parties belligérantes sur les organisations humanitaires.

Du côté gouvernemental, le but est pour l'Etat de laisser les organisations humanitaires arriver, pour faire bonne figure, tout en assurant le contrôle total sur leur moindre geste. L'Etat peut, par exemple, imposer une liste de lieux d'atterrissage et interdit aux organisations humanitaires telles que le CICR de distribuer l'aide elles-mêmes. Elles sont cantonnées en des lieux déterminés, et ne sont, le plus souvent, pas en contact direct les victimes des conflits. Le CICR et les autres organisations humanitaires sur le terrain sont engagés dans un bras de fer permanent pour pouvoir accéder aux populations les plus à risque.

Quant aux rebelles, l'aide des organisations humanitaires représente une ressource considérable pour leur mouvement. Eux aussi, ils ont tendance à éloigner ces organisations des populations civiles pour pouvoir détourner une partie significative de l'aide apportée aux victimes des conflits.

Cette instrumentalisation a plusieurs conséquences. Elle facilite la logistique des mouvements rebelles. En effet, dans une telle situation, les organisations humanitaires ont tendance à livrer les stocks d'aide par air dans des zones d'accès routier très difficile. Le gouvernement a une bonne excuse de refuser l'acheminement d'aide aux régions en crise, sachant qu'elle aboutit en grande partie dans les entrepôts des rebelles. C'est dans ce contexte que le régime de Mengistu, en Ethiopie, aurait refusé l'acheminement de vivres comme arme contre des groupes d'opposition armés, y compris en interdisant les mouvements de secours de secours après une famine à la fin de 198944(*).

Ainsi, on constate, dans plusieurs conflits étatiques internes, que l'aide apportée par le CICR aux populations civiles est suffisante mais n'arrive pas à la destination souhaitée du fait de l'utilisation qui en est faite par les Parties au conflit. L'aide humanitaire assure dans l'armée gouvernementale, à côté du butin des prédations, la loyauté des troupes, le soutien des milices tribales et une grande latitude vis-à-vis des autorités civiles. De ce fait la famine gagne du terrain chez les populations qui ne peuvent pas avoir un accès direct avec le CICR tandis que l'armée gouvernementale ou la partie dissidente s'enrichit.

B. Les difficultés relatives à l'accès aux populations dispersées

Dans les conflits étatiques internes, il n'existe pas de base conventionnelle explicite donnant au CICR l'accès aux personnes privées de liberté. Ni l'art. 3 commun aux Conventions de Genève, habilitant le CICR à offrir ses services, ni le Protocole Additionnel II ne mentionnent les visites à des détenus ni les prérogatives particulières du CICR à ce sujet. Ainsi, juridiquement, les Parties concernées n'ont pas l'obligation d'accepter les visites du CICR à des détenus dans ces conflits. Le CICR doit ainsi négocier, y compris avec les groupes armés et les éventuelles entités non étatiques, des autorisations. Cependant, obtenir l'accès aux détenus est parfois très difficile. Dans certains contextes, le CICR est présent mais ne peut pas avoir accès aux détenus. De même, d'autres contextes où le CICR souhaiterait être actif restent clos, les autorités compétentes se montrant totalement hermétiques au dialogue avec le CICR sur toute question liée à la détention dans son ensemble et plus particulièrement sur celle concernant la possibilité d'accès aux détenus. Dans d'autres cas, comme dans le conflit tchétchène, bien que les autorités russes, en novembre 2004, aient accepté le principe des visites du CICR aux détenus, il n'y a pas eu d'accord au sujet des procédures traditionnelles du CICR45(*). Dans la plupart des cas, ces détenus sont souvent considérés comme des ennemis. De ce fait, leur vie quotidienne dans les prisons est dure. Il arrive qu'ils souffrent de la faim, de la maladie ou du sadisme des gardiens de prison. Il arrive aussi que le CICR n'obtienne pas entière satisfaction, certaines autorités n'autorisant l'accès qu'à une partie des personnes privées de liberté ou seulement après un certain délai46(*).

Répondre à l'angoisse des milliers de familles depuis longtemps sans nouvelle de leurs proches portés disparus est un problème majeur que le CICR se retrouve confronté lors des conflits armés, notamment dans les guerres civiles. Malgré le réseau de messages Croix-Rouge qui constitue un excellent moyen pour les personnes déplacées ou réfugiées de renouer le contact, il arrive que des lettres ne trouvent pas leurs destinataires. Dans la plupart des situations, l'action du CICR est entravée par le manque de volonté des autorités ou des Parties concernées. C'est le cas, par exemple, des disparitions forcées qui « impliquent des violations des droits de l'homme fondamentaux, tels que le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit d'être jugé équitablement et publiquement »47(*). Selon le statut de la CPI, cette pratique constitue un crime contre l'humanité. Elle est considérée comme « les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un Etat ou une organisation politique ou avec l'autorisation ou l'assentiment de cet Etat ou de cette organisation, qui refuse ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui est réservé à l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée »48(*). Il convient de relever aussi que, même si c'est la pratique généralisée de la disparition forcée qui est constitutive du crime contre l'humanité, toute disparition forcée est une violation du DIH et du DIDH. Il en est même pour la privation arbitraire de liberté.

De plus les contraintes relatives à l'accès du CICR aux victimes sont étroitement liées à la sécurité de son personnel ainsi que pour les actions qui visent à développer un dialogue bilatéral avec les belligérants sur le respect du DIH et formuler des observations s'il est violé.

Paragraphe 2 : Les difficultés entre acteurs sur le terrain

Il s'agit de l'insécurité du personnel du CICR (A) et de la compétition du CICR et des autres acteurs sur le terrain (B).

A. L'insécurité du personnel du CICR

La sécurité du personnel humanitaire est une condition indispensable à l'acheminement des secours humanitaires et à l'accès aux populations civiles victimes des conflits étatiques internes. Bien que l'art.18, par.2 du Protocole Additionnel II exige que des actions de secours soient organisées en faveur de la population civile dans le besoin, le Protocole ne contient pas de disposition spécifique sur la protection du personnel chargé des secours humanitaires. Or, cette règle est indispensable pour le succès des actions des organisations humanitaires en général et plus particulièrement du personnel du CICR en faveur des populations. Les menaces de sécurité dans les conflits étatiques internes sont répandues, en particulier dans les conflits qui ne sont pas structurés ou lorsque les Parties au conflit ne sont pas capables d'offrir les garanties de sécurité effectives. De ce fait, le CICR, dans ses interventions est confronté à des contraintes de sécurité.

Ces contraintes peuvent être dues à la confusion entre actions militaires et humanitaires. Cette confusion complexifie énormément le travail au quotidien des humanitaires dans les zones les plus sensibles. Elle augmente la méfiance des acteurs armés vis-à-vis des organisations humanitaires et plus particulièrement du CICR et suscite des suspicions sur une éventuelle collaboration avec les forces armées. Dès qu'une organisation humanitaire est perçue comme « collaborateur » ou un « infiltré », elle devient vite un « objectif militaire » du groupe armé concerné.

Ces contraintes peuvent aussi être dues à la multiplication des factions. Ce qui entraînera une impossibilité pour les autorités à assurer la sécurité du personnel humanitaire sur le terrain. C'est le cas des attaques lancées contre un véhicule transportant du véhicule du CICR au Burundi en 1996. Le Président et le Premier Ministre du Burundi avaient tous deux déclaré qu'ils déploraient cet incident et avaient, du même coup, manifesté leur incompétence à garantir efficacement la sécurité du personnel du CICR49(*).

Les couvertures médiatiques peuvent aussi être une cause de l'insécurité du personnel du CICR. En effet, ces couvertures peuvent provoquer des erreurs embarrassantes. Des informations tenues secrètes peuvent échapper et compliquer la mise en place de l'aide ou perturber la sécurité du personnel humanitaire.

Les contraintes de sécurité du personnel du CICR peuvent se manifester de diverses manières. Il s'agit essentiellement des mauvais traitements, des violences physiques et morales, du meurtre, de l'enlèvement, de la prise d'otages, du harcèlement, du rapt, de l'arrestation et des détentions illégales du personnel du CICR. C'est dans cette optique qu'on a assisté le 26 avril au Congo à la mort tragique et brutale de six collaborateurs du CICR50(*). Aussi, le CICR a consigné, en Colombie 35 cas d'infractions commises contre la mission médicale en 2008. Les principales infractions observées sur le terrain ont été : menaces individuelles, privation de liberté des membres du personnel de santé dans l'exercice de leur profession, entraves aux soins de santé aux blessés et aux malades, ainsi qu'entraves aux évacuations médicales et à l'accès de la population civile aux services de santé, et attaques directes contre des unités sanitaires ou du personnel de santé.

En plus de ces formes de contraintes exercées sur le personnel du CICR, il existe d'autres qui peuvent survenir indépendamment de la volonté des Parties belligérantes. Il s'agit des bombardements et des mines qui peuvent entraver l'action du CICR. C'est dans cette lancée que le CICR avait suspendu partiellement ses activités dans le nord de la Casamance suite à l'explosion d'une mine anti-véhicule ayant tué une déléguée et blessé trois autres collaborateurs en septembre 200651(*).

Les contraintes de sécurité du personnel du CICR peuvent enfin être notées à travers l'attaque des biens du CICR utilisés dans les opérations de secours humanitaires. Selon les Statuts de la CPI et du Tribunal spécial pour la Sierra Léone, le fait de lancer des attaques délibérées contre les installations, le matériel, les uniformes ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire conformément à la Charte des NU est considéré comme un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux, pour autant que ces biens aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux biens de caractère civil52(*).

Selon Jakob KELLENBERGER, les vrais défis du Comité en matière de sécurité de son personnel sont plus notables en Angola, au Rwanda, en Ouganda, au Sahara Occidental, en Colombie... Cependant, à côté de ceux-ci, il existe d'autres qui doivent être relevés. Il s'agit des problèmes qui naissent entre acteurs humanitaires dans leur intervention sur le terrain.

B. La compétition entre acteurs sur le terrain

Les mesures prises par la Communauté internationale peuvent perdre leur efficacité dans les conflits étatiques internes lorsque les différents acteurs humanitaires ne s'en tiennent pas à leurs mandats spécifiques et respectifs. En effet, cela limite le champ d'action des organismes humanitaires internationaux concernés ainsi que les moyens d'atteindre les objectifs fixés. Si la coordination entre les organisations humanitaires sur le terrain fait défaut, les victimes des conflits risquent de ne pas bénéficier du soutien dont elles ont besoin tandis que d'autres reçoivent une aide supérieure à leurs besoins. Il en est aussi de même si elles ne sont pas claires sur les zones qu'elles peuvent ou ne peuvent pas atteindre. Une indépendance totale n'est pas aussi conciliable avec une participation à des initiatives où l'organisation humanitaire ne garde pas sa propre capacité décisionnelle ou lorsque la perception de son identité risque d'être bafouée si elle s'associe à d'autres entités dont l'agenda n'est pas exclusivement humanitaire.

Les rapports entre les Etats et les ONG ou le CICR sont fragiles. L'intervention de l'Etat sur le plan humanitaire est parfois considérée comme un moyen d'éluder la réponse politique face à une situation. Le conflit en ex Yougoslavie illustre bien cette situation. D'autre part, le partenariat parfois l'institutionnalisation des liens est équivoque. Il peut servir à défendre les intérêts d'un Etat. Les associations gèrent de façon hétérogène ces relations. L'accroissement des liens entre Etat et autres acteurs humanitaires est difficile à mettre en place. La tentative du Commission Consultative de l'Action Humanitaire (CCAH) a échoué en 199453(*).

D'autres part, des problèmes de cohabitation peuvent exister entre le CICR et les médias. Ici, la critique essentielle porte sur la mise en scène de l'information par les médias, qui limite la compréhension du citoyen à la réalité de la situation. La télévision privilégie l'image instantanée diffusée au détriment de l'analyse. Ainsi, la complexité des relations entre médias et acteurs humanitaires, en général, peut trouver une explication du fait que les logiques ne sont pas les mêmes : les médias ne veulent pas être au service des humanitaires et ceux-ci ne veulent pas être instrumentalisés. Chacun veut conserver son indépendance. De plus, l'action humanitaire n'est guère favorisée par les médias. Il est donc incontestable qu'il subsiste une incompréhension des deux côtés. Les médias ont sans doute une vision sommaire du milieu humanitaire. Celui-ci doté toutefois de structures de communication, appréhende difficilement ce monde médiatique complètement différent du sien.

Chapitre II : Les perspectives pour une effectivité de l'action du CICR

Une action effective du CICR dans les conflits étatiques internes doit nécessairement passer par une extension de son champ de compétence. Pour ce faire, il faut, d'une part, un renforcement du cadre juridique du CICR pour assurer une garantie de la mise en oeuvre de son action (Section 1). D'autre part, il faut que le CICR adapte son cadre opérationnel par rapport à la situation et ses activités par rapport au conflit (Section 2).

Section 1 : Un renforcement du cadre juridique 

Il passe par un accroissement du respect du DIH (Paragraphe 1) et par l'élargissement des règles applicables aux conflits étatiques internes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Accroissement du respect du DIH

Pour mener à bien ses activités dans les conflits étatiques internes, le CICR doit inviter les Parties à l'accroissement du respect du DIH par des instruments juridiques (A) et l'inclusion du DIH dans les codes de conduite (B).

A. Aux moyens des instruments juridiques

L'accroissement du respect du DIH dans les conflits étatiques internes peut être effectif par le biais des instruments juridiques comme les accords spéciaux ou les déclarations unilatérales.

Comme l'indique l'art. 3 commun aux Conventions de Genève, les accords spéciaux permettent aux Parties aux conflits armés non internationaux de s'engager explicitement à se conformer au droit humanitaire. Un accord spécial peut, soit créer de nouvelles obligations juridiques en allant au-delà des dispositions du DIH déjà applicables dans les circonstances précises, soit réaffirmer simplement le droit qui lie déjà les Parties, indépendamment de l'accord. Il peut aussi se limiter à des règles spécifiques qui sont particulièrement pertinentes pour un conflit en cours ; en pareil cas, il conviendrait de préciser clairement que le champ limité d'application de l'accord est sans préjudice pour les autres règles applicables qui n'y sont pas mentionnées.

Un accord spécial peut prendre la forme d'une simple réaffirmation du droit applicable dans le contexte et garantir que les Parties s'engagent clairement à respecter le droit. Il fournira une base importante pour des interventions de suivi permettant de remédier aux violations du droit. Le fait qu'un leader identifiable pour chaque Partie ait signé un accord spécial, prenant ainsi la responsabilité d'adhérer à l'accord, fournit non seulement une personne contact et un point de référence pour de futures représentations, mais donne aussi un signal clair à ses forces. En outre, comme il est fort probable qu'un accord spécial devienne public, un grand nombre d'acteurs de la Communauté internationale seront au courant et pourront peut-être aider les Parties à honorer leurs engagements. C'est ainsi que, sous les auspices du CICR, les diverses Parties au conflit dans la République de Bosnie-Herzégovine ont conclu un accord spécial54(*). Le fait que les Parties aient été réunies pour négocier l'accord présente en soi un intérêt. L'accord spécial peut inciter davantage à respecter le droit.

Les engagements pris dans les accords spéciaux ont constitué une base pour les interventions de suivi avec les Parties à un conflit, concernant soit le respect du DIH en général soit une question précise ou un objectif opérationnel. Par exemple, le CICR s'est fondé sur l'accord de Bosnie-Herzégovine en 1992, lorsqu'il a demandé aux Parties de mettre en vigueur leurs engagements et de lui permettre de fournir secours et protection aux victimes du conflit. De même, il a fondé ses représentations sur l'accord spécial de 1998 aux Philippines55(*).

Les déclarations unilatérales, quant à elles, ont pour but principal de donner aux groupes armés la possibilité d'exprimer leur engagement à respecter le DIH. Il convient de souligner que les groupes armés restent liés par les dispositions et les règles du DIH applicables à un conflit non international qu'ils aient ou non fait une déclaration unilatérale.

Tout comme les autres formes d'«engagement exprès », la signification d'une déclaration unilatérale ne réside pas uniquement dans le fait qu'elle a été faite. Le processus de négociation d'une telle déclaration peut être utile dans l'engagement et le dialogue en cours avec un groupe armé. Les déclarations unilatérales, une fois qu'elles ont été faites, peuvent donner aux efforts de suivi une plus grande influence pour encourager le respect du droit. Elles peuvent porter sur l'art.3 commun56(*) ou à la fois sur l'art.3 commun et le Protocole Additionnel II57(*). Elles peuvent aussi faire état de dispositions du DIH que le groupe armé s'engage à respecter, sans référence à des dispositions conventionnelles spécifiques.

Outre les déclarations unilatérales faites à l'initiative des groupes armés, le CICR peut demander aux groupes armés de faire une déclaration écrite qui indique leur volonté de se conformer au DIH. Ces demandes sont en général bilatérales et confidentielles. Pour aller dans cette lancée, le CICR a présenté de telles demandes notamment en Colombie, en Indonésie, au Libéria et au Soudan.

De plus, les déclarations peuvent être utilisées comme une base des interventions de suivi du CICR pour l'examen des violations alléguées du droit ou pour l'envoi d'un rappel général à un groupe de l'engagement qu'il a pris d'adhérer au DIH. De telles interventions se sont produites auprès de groupes armés en Angola, en Colombie, au Nicaragua, au Rwanda, en Afrique du Sud, à Sri Lanka...

D'autre part, le renforcement du respect du DIH peut passer par l'inclusion dudit droit dans les codes de conduite.

B. Par l'inclusion du DIH dans les codes de conduite

Les codes de conduite compatibles avec les règles du DIH offrent un mécanisme concret qui permet aux personnes de respecter le droit. Les règles fondamentales du DIH devraient être présentées sous une forme facilement compréhensible par les membres du groupe armé. Le code de conduite devrait également contenir une description des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre le DIH, notamment les sanctions internes.

Cet instrument juridique fait fonction d'engagement exprès vis-à-vis du droit, sur la base duquel des interventions peuvent avoir lieu concernant son respect. Mais il peut avoir un impact direct sur la diffusion des règles et sur la formation des membres du groupe armé.

Le fait que la hiérarchie d'un groupe armé entreprenne ou accepte un code de conduite relève son degré d'engagement à assurer le respect du droit et de l'action des acteurs humanitaires présents sur le terrain, notamment du CICR. Aussi des discussions avec la hiérarchie d'un groupe armé sur l'élaboration d'un code de conduite ou sur l'incorporation du DIH dans un code déjà existant peut favoriser le processus d'engagement avec le groupe. La période de négociations et de discussions concernant un code de conduite peut servir à informer la direction d'un groupe armé sur le DIH, et aussi à comprendre la volonté politique et les attitudes d'un groupe armé concernant son respect.

Si un groupe armé a fait une déclaration unilatérale, le CICR peut lui suggérer d'élaborer un code de conduite comprenant le DIH comme « prochaine étape » logique. En offrant une assistance pour l'élaboration d'un code de conduite ou en incluant le DIH dans un code déjà existant, le CICR peut également aider le groupe à mettre en pratique les engagements qu'il a pris dans la déclaration unilatérale.

Contrairement aux autres acteurs humanitaires qui appellent publiquement souvent les groupes armés à élaborer ou adopter des codes de conduite ou des « règles d'engagement » pour leurs membres, le CICR agit le plus souvent sur une base bilatérale et confidentielle. Ainsi, les groupes armés ont élaboré des codes de conduite internes, de leur propre initiative, à un moment ou un autre, en Algérie, en Colombie, en El Salvador, en Côte d'Ivoire, au Libéria, au Népal, en Sierra Léone, et dans d'autres pays. Les codes de conduite varient suivant la manière dont ils reflètent le DIH, se contentant quelquefois de ne mentionner que les traditions locales ou des normes culturelles. Néanmoins, là où un contact et un dialogue ont pu s'instaurer, les codes de conduite ont fourni une base pour l'examen du droit. Dans certains cas comme en Colombie et en El Salvador, le CICR a proposé de revoir et de commenter les codes de conduite existants58(*).

En plus des actions qu'il mène auprès des Parties belligérantes dans les conflits étatiques internes, le CICR, fidèle à sa mission préventive, agit aussi en temps de paix en organisant des ateliers sur le DIH59(*) ou en diffusant ce droit dans les universités. C'est dans cette lancée qu'il a organisé dans les universités de Saint-Louis du Sénégal et de Niamey au Niger des concours de plaidoirie en 200860(*).

Outre l'accroissement du respect du DIH, l'effectivité de l'action du CICR exigerait aussi un élargissement des règles applicables dans les conflits étatiques internes.

Paragraphe 2 : Elargissement des règles applicables aux conflits étatiques internes

L'idée d'élargir les règles applicables aux conflits étatiques internes a émergé avec l'étude sur le DIHC entreprise par le CICR (A). L'application de cette étude aux conflits et l'extension du régime juridique qui leur est applicable nous amènerons néanmoins vers un nouveau DIH applicable à ces conflits (B).

A. Des prémices avec l'étude du CICR des règles DIHC

Le droit conventionnel est bien développé et couvre de nombreux aspects de la conduite de la guerre, en accordant une protection à un large éventail de personnes en période de conflit armé et en limitant les moyens et méthodes autorisés. Les Conventions de Genève et leurs Protocoles Additionnels définissent un régime très complet de protection des personnes qui ne participent pas, ou plus, directement aux hostilités. Cependant, deux obstacles de taille entravent l'application de du droit conventionnel dans les conflits armés actuels et expliquent la nécessité et l'utilité d'une application des règles coutumières du DIH.

Premièrement, les traités ne s'appliquent qu'aux Etats qui les ont ratifiés. De ce fait, différents traités de DIH s'appliquent dans différents conflits armés, en fonction des instruments conventionnels que les Etats concernés ont ratifiés. Si les quatre de Convention de Genève de 1949 sont universellement ratifiées, il n'en va pas de même pour leurs Protocoles Additionnels. Alors que près de 160 Etats ont ratifié le Protocole Additionnel I, plusieurs Etats dans lesquels se déroulent les conflits armés non internationaux ne l'ont pas fait. Dans ces conflits, l'art.3 commun aux Conventions de Genève reste souvent l'unique disposition applicable.

Deuxièmement, pour une proportion importante de conflits étatiques internes, le DIH conventionnel n'est pas assez détaillé. Les règles conventionnelles qui s'appliquent à eux sont, en effet, beaucoup moins nombreuses que pour les conflits internationaux. Par exemple, le Protocole Additionnel II complète utilement l'art.3 commun aux Conventions de Genève, mais il demeure moins détaillé que les règles qui régissent les conflits armés internationaux dans les Conventions de Genève et le Protocole Additionnel I. Le Protocole Additionnel II ne contient guère que 15 articles de fond, là où le Protocole Additionnel I en compte plus de 80. De ce fait, on note une disparité importante dans la réglementation opérée par le droit conventionnel entre conflits armés internationaux et non internationaux, en particulier lorsqu'il s'agit de règles et de définitions détaillées.

C'est dans cette optique que le CICR a entrepris une étude sur le DIHC suite au mandat que lui a confié la Vingt-Sixième Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge réunie du 3 au 7 décembre 1995 à Genève. Cette étude est le fruit de près de dix ans de travaux et de recherches complétés par de larges consultations61(*). En effet, la règle coutumière, contrairement à la règle conventionnelle, s'impose à tous les membres de la Communauté Internationale, qu'ils l'aient expressément ou non acceptée. D'où l'intérêt de mieux identifier les règles du DIH qui sont de nature coutumière et qui sont dès lors d'application universelle.

L'étude des règles coutumières du DIH est primordiale dans les conflits étatiques internes dans la mesure où ces règles sont applicables à toutes les Parties à un conflit, que celles-ci aient ou non ratifié les traités contenant ces règles ou des règles similaires. Les règles coutumières du DIH régissent, d'autre part, les conflits armés non internationaux de manière plus détaillée que le DIH conventionnel. Ces dites règles ont ainsi pour objectif de combler les lacunes du droit conventionnel. En effet, on constate qu'en ce qui concerne le droit des conflits armés, il existe souvent un abîme entre les besoins de protection qu'engendrent certains conflits et les dispositions conventionnelles qui visent à protéger les victimes de ces mêmes conflits.

L'étude des règles coutumières du DIH contribuera aussi à étendre les bases de l'action du CICR comme celle des autres acteurs humanitaires. Elle permettra au CICR de prendre en compte les règles coutumières dans ses démarches et dans ses travaux, tout en étant conscient que la coutume est un processus dynamique et évolutif. Elle servira aussi de base de discussion en ce qui concerne la mise en oeuvre, l'explication et le développement du droit humanitaire.

B. Vers un nouveau DIH applicable aux conflits étatiques internes

Les règles du DIH en vigueur ne permettent pas d'endiguer la spirale de la violence. De même, les combattants, qui s'exposent aux peines les plus sévères au seul titre de leur participation aux hostilités, n'auront que de faibles motifs de respecter les lois et les coutumes de la guerre. En vérité, tous les conflits étatiques internes du XXe et ceux du début du XXIe siècle ont été caractérisés par les violations massives du DIH empêchant le CICR et les autres acteurs humanitaires de mener à bien leur action sur le terrain. La violence des affrontements, les condamnations prononcées de part et d'autre et la surenchère des représailles provoquent des blessures morales qui font obstacles à toute perspective de suspension des combats et de réconciliation.

La solution idéale serait d'adopter un nouveau régime juridique applicable aux conflits étatiques internes qui renforcerait de façon significative la protection des victimes de ces conflits et donnerait, notamment, un statut aux combattants capturés. Deux hypothèses peuvent être envisagées pour cette nouvelle codification du DIH applicable dans les conflits étatiques internes.

Premièrement, cette nouvelle codification pourrait être l'application pure et simple des quatre Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles Additionnels aux conflits étatiques internes. Les règles et les limites qu'ils imposent à la manière de conduite de la guerre devraient aussi s'appliquer aussi bien aux conflits armés internationaux que non internationaux. Le fait qu'en 2001, la Convention sur certaines armes classiques ait été amendée pour élargir son champ d'application aux conflits armés non internationaux montre que cette hypothèse gagne du terrain au sein de la Communauté internationale. Ainsi l'extension des règles du DIH aux conflits étatiques internes pourrait définir un standard minimum applicable à toute détenue à l'occasion d'un conflit armé et qui ne bénéficie pas d'un traitement plus favorable. Ce standard minimum pourrait s'inspirer, par exemple, des garanties fondamentales prévues à l'art. 75 du Protocole Additionnel I62(*) mais devrait s'appliquer à tous les conflits armés, internationaux ou non internationaux. Il constituerait un authentique « filet de sécurité humanitaire ».

Dans la même perspective, l'étude des règles du DIHC entreprise par le CICR sous la direction de Jean-Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK63(*) peut servir de base à une nouvelle codification du DIH. C'est dans cette optique que va l'arrêt du TPIY du 11 mars 200564(*) où la Chambre d'appel du TPIY s'est référée à l'étude publiée par le CICR et, en particulier, aux indications contenues dans le volume II, pour démontrer la nature coutumière du principe général de la protection des biens civils, aussi longtemps qu'ils ne constituent pas des objectifs militaires, et la nature coutumière de l'obligation de respecter et de protéger les biens culturels65(*). Cette nouvelle codification du DIH applicable aux conflits étatiques internes pourrait prendre appui sur les conclusions de l'étude sur le DIHC. L'application du DIHC pourrait amener les acteurs non étatiques à s'engager formellement à respecter le DIH à défaut de reconnaissance de belligérance. Il est évident que l'art. 3 commun aux Conventions de Genève s'applique de plein droit à toutes les Parties au conflit en vertu du caractère élémentaire des obligations qu'il comporte. Aujourd'hui, on peut sans doute en dire autant pour le Protocole Additionnel II. Il n'empêche qu'aucun acteur, gouvernemental ou non gouvernemental, n'acceptera facilement de reconnaître qu'il est lié par un instrument s'il n'a pas la possibilité de manifester sa volonté de s'engager à le respecter. L'application des règles du DIHC permettrait aussi à l'ensemble de ses dispositions qui régissent la conduite des hostilités de s'appliquer aussi bien aux conflits armés non internationaux qu'aux conflits armés internationaux. En d'autres termes, les Etats acceptent en pratique que les mêmes règles s'appliquent aux conflits armés internationaux et aux conflits armés non internationaux. Les méthodes et les moyens de combats qui sont prohibés lorsqu'il s'agit de combattre un ennemi extérieur ne peuvent être utilisés contre des nationaux, et ces règles s'appliquent aux insurgés aussi bien qu'aux forces gouvernementales.

Ainsi en appliquant les règles du DIHC dans les conflits étatiques internes, la question de la force obligatoire de la règle coutumière vis-à-vis du parti insurgé se trouvera posée. Et le CICR, dans l'exercice de sa mission préventive qui est de diffuser et de promouvoir le DIH ne sera pas confronté à des obstacles liés au non respect de ce droit. Cependant, en ce qui concerne sa mission d'assistance et de protection, il doit faire de telle sorte que ses actions soient en conformité par rapport aux besoins des populations victimes de conflit.

Section 2 : Une adaptation plus opportune et plus efficace du cadre opérationnel du CICR

Elle passe par une bonne connaissance des caractéristiques du conflit et des Parties (Paragraphe 1) et par un renforcement des rapports entre le CICR avec les autres acteurs humanitaires sur le terrain (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La définition d'une politique opérationnelle

Définir une politique opérationnelle dans les conflits étatiques internes revient, pour le CICR, à avoir une bonne connaissance des caractéristiques du conflit et des Parties (A) et à agir selon les besoins des victimes (B).

A. Une bonne connaissance des caractéristiques du conflit et des Parties

Le CICR doit commencer par répertorier les caractéristiques communes aux conflits armés même si tous les conflits ont leurs traits spécifiques. Ainsi dans le continent africain, nous constatons certains points communs aux conflits armés. Dans plusieurs pays africains, les conflits sont marqués par la contestation de la légitimité de l'Etat qui continue de prendre des formes violentes. Nous pouvons citer l'exemple des rébellions en Côte d'Ivoire, au Libéria, et en RDC, des émeutes au Nigéria, des mutineries au Niger, des coups d'Etat en Guinée Bissau ou des mouvements autonomistes et séparatistes en Casamance (Sénégal), au Darfour (Soudan) et à Cabinda (Angola). Dans d'autres pays, les conflits sont marqués par l'irruption de la religion qui est de plus en plus une réalité dans les conflits africains. La religion y est souvent utilisée comme de mobilisation politique et aussi, dans les sociétés très déstabilisées où l'identification de l'Etat est difficile, comme un moyen de s'intégrer dans la globalisation.

Le CICR se doit aussi de prendre en compte le développement de nouveaux types de conflits impliquant de nouveaux acteurs de violence armée qui traduit la vulnérabilité accrue de nombreuses sociétés. Ce sont, d'une part, les conflits dans lesquels des bandes armées sans structures de commandement effectives tuent, violent, mutilent sans aucune retenue. Et, d'autre part, des conflits avec des combattants bien structurés, dont le but de guerre génocidaire est l'élimination physique ou la déportation d'un groupe ethnique et religieux.

Cette négation totale des principes de base du DIH est sans doute le défi le plus considérable auquel le CICR ait été confronté. Pour une institution dont les principes d'action sont fondées sur le dialogue avec tous les acteurs de la violence, sur la volonté de faire changer les comportements en convainquant plutôt qu'en dénonçant, la tâche est immense.

Les tentatives visant à influencer le comportement des Parties à un conflit étatique interne seront les plus efficaces dans le contexte d'un processus d'engagement et de relations de chacune des Parties au conflit.

Un long processus d'engagement offre des possibilités de négocier un accès, d'instaurer de bons contacts avec des personnalités influentes et d'obtenir des informations fiables sur les circonstances entourant le conflit ; il permettra aussi d'obtenir des indications sur les caractéristiques d'une Partie et d'examiner le droit de manière stratégique. De plus, il offrira, avec le temps, les possibilités d'examiner les questions concernant la volonté et la capacité politiques de la Partie en question ainsi que son respect du droit.

Une perspective sur le long terme inclut des initiatives essentielles de suivi. Cela est particulièrement vrai lorsqu'on arrive à obtenir de la Partie qu'elle s'engage à respecter le droit. Les Parties devraient être encouragées et aidées à traduire leurs engagements dans la pratique. Le CICR s'y emploie par un processus en cours de dialogue bilatéral confidentiel et de représentations qui consistent notamment à rappeler à la Partie ses obligations et ses engagements, à assurer le suivi et l'établissement de rapports, ainsi que la formation et le renforcement des capacités.

En plus d'une bonne connaissance des caractéristiques des conflits, le CICR se doit aussi d'adapter son action aux besoins des victimes.

B. Une adaptation de l'action aux besoins des victimes

Quelle assistance pour quelles victimes ? Telle est la question que le CICR doit se poser en permanence dans les conflits armés. Il est évident que les besoins humanitaires des populations victimes des conflits sont immenses. L'action humanitaire ne peut pas tous les satisfaire. Il y a donc un fossé profond entre les besoins des victimes et ce que le CICR peut concrètement offrir. L'évolution récente des conflits a mis en évidence une baisse du nombre de victimes directement affectées par les hostilités ; dans l'ensemble, il y a moins de blessés de guerre, mais il y a plus de personnes déplacées et de résidents dont les besoins se situent aussi bien au niveau de l'urgence qu'à celui de l'aide structurelle. Le CICR se doit d'adapter son action aux besoins les plus importants, en tenant compte de l'analyse politique et économique et de l'action des autres intervenants sur le terrain. Ce défi est majeur pour sa politique d'assistance et de protection. Cette politique doit en outre être portée à la connaissance des victimes, des autorités et des autres acteurs, afin qu'ils sachent ce que le CICR fait et ne fait pas et les raisons de ses choix. L'action que le CICR a menée en Ethiopie ces dernières années est, à ce titre, illustrative : elle a non seulement, et une fois encore, mis en évidence les compétences du CICR en matière de distributions alimentaires dans une situation de conflit, mais aussi et surtout, démontré la capacité du CICR d'effectuer une évaluation indépendante et de définir une approche originale, par exemple la distribution de semences et de vivres dans un environnement où la plupart des autres acteurs se sont concentrés sur la seule distribution de nourriture. L'action a aussi montré l'importance de connaître les politiques agricoles et leurs effets négatifs ainsi que la nécessité de faire des questions structurelles l'objet de discussions avec ceux qui en sont responsables.

Pour mieux adapter son action aux besoins des populations victimes des conflits étatiques internes, le CICR doit rester auprès des victimes tout en assurant la sécurité de son personnel. Le Libéria a constitué un test dans cette politique de proximité. En 2003, le CICR a fait le choix d'assurer une présence dans les situations extrêmes aussi longtemps que possible. Ce choix suppose non seulement l'acceptation du risque, mais aussi l'amélioration constante des dispositifs de sécurité dans les délégations. Toute organisation humanitaire a besoin de se doter de politiques opérationnelles qui assurent à la fois une action décisive pour les victimes de sécurité acceptable pour son personnel66(*).

L'anticipation du danger et des risques est une priorité absolue dans la grande majorité des opérations. Cette priorité est désormais reconnue et mise en oeuvre par tous. Dans ce domaine, les éléments de défi concernant l'analyse indépendante de l'environnement dans lequel le CICR doit évoluer ; l'établissement et le maintien des contacts fiables et suivis avec tous les acteurs d'une crise ; l'évaluation, en tout temps, de l'acceptabilité de l'action du CICR. La définition d'une politique opérationnelle et des modes d'action doit répondre effectivement aux besoins des victimes.

Le CICR se doit aussi de faire une analyse politique, à travers les contacts directs avec les belligérants, le dialogue avec les Parties au conflit et l'établissement de contacts informels avec des personnes dignes de confiance, avant de prendre les décisions opérationnelles appropriées. Dans ce domaine, le CICR doit remettre en cause les analyses journalistiques et académiques qui sont parfois assez distantes de la réalité du terrain. Le CICR se doit de développer les compétences qui lui garantissent les analyses politiques les plus proches du terrain et la prise en compte des influences externes.

Cependant la définition d'une politique opérationnelle du CICR pour une effectivité de son action dans les conflits étatiques internes doit impérativement s'accompagner d'une bonne entente entre le CICR et les auteurs acteurs sur le terrain.

Paragraphe 2 : Le renforcement des rapports avec les autres acteurs sur le terrain

Il se traduit par une coopération du CICR avec le Mouvement dans les conflits étatiques internes (A) et une coordination plus efficace avec les autres organismes pour un bon déroulement de l'action humanitaire (B).

A. La coopération du CICR avec le Mouvement

Dans les situations de conflits étatiques internes, le CICR assume normalement la direction générale des opérations, conformément à son mandat d'organisation neutre et indépendante. Cette qualité du CICR ancrée dans les Conventions de Genève et les Statuts du Mouvement amène ce dernier à agir parfois dans certaines circonstances. La société nationale, de son côté ne se réduit pas aux activités qu'implique son association avec le CICR. Elle aura des activités propres et pour certaines d'entre elles au moins, les poursuivra dans des moments difficiles. C'est donc dans les domaines où s'exerce une action commune que le CICR et la Société nationale chercheront à établir et à consolider leur partenariat. Les domaines de la coopération opérationnelle entre le CICR et le Mouvement sont divers. Ils peuvent porter sur la conception et la réalisation de plans, ou d'activités dans les domaines de la diffusion du DIH ainsi que de sa mise en oeuvre. Ils peuvent aussi porter sur l'organisation et le fonctionnement efficaces d'un service de recherches (informations sur des personnes disparues, échange de messages entre familles dispersées, organisation de regroupements familiaux). Mais le domaine dans lequel cette coopération est plus significative réside, sans nul doute, dans la préparation à une action de secours en cas de conflit armé, et le cas échéant, dans la conduite d'une action conjointe en faveur des victimes d'un conflit.

Dans une situation de conflit interne, le CICR aura surtout besoin de coopérer avec une Société nationale respectée par l'ensemble des Parties belligérantes et dotée d'une capacité opérationnelle appropriée. En effet, il aura besoin de l'appui des volontaires de la Société nationale, appui non seulement matériel mais culturel. Ce sont souvent ces volontaires qui connaissent la réalité locale, les canaux d'entraide, le fonctionnement de la communauté. Ils permettront au CICR de tenir compte, dans son action, de facteurs difficiles à percevoir dans sans une intime connaissance du pays.

En retour, le CICR doit veiller à ce que la Société nationale se développe harmonieusement. Il faut rappeler qu'il est particulièrement responsable de la préparation de la Société nationale à des activités en faveur des victimes du conflit. Une telle préparation implique une infrastructure adéquate et la formation des volontaires dans les domaines identifiés en commun.

Une des spécificités essentielles de l'interaction entre le CICR et les Sociétés nationales actives dans leurs pays respectifs est qu'elle devient de plus en plus stratégique. Les Sociétés nationales cherchent à jouer un rôle plus dynamique dans les actions menées pour répondre aux besoins de leur population. Elles aspirent également à ce que leur contribution et leurs capacités soient mieux reconnues par le CICR. En 2009, le CICR poursuivra ses partenariats prioritaires dans différents contextes tels que la Colombie, le Liban, la RDC, la Somalie et le Soudan, où la coopération est devenue une composante intrinsèque de la capacité globale à répondre efficacement par la FICR et le CICR de consolider et démontrer la valeur ajoutée du Mouvement au sein de la communauté humanitaire mondiale.

B. Une coordination plus efficace avec les autres organismes

La complexité accrue des crises humanitaires, la diversification des acteurs des conflits et la nature nouvelle de ces conflits exigent une coordination plus efficace des organisations humanitaires. Le CICR s'efforce en permanence d'adapter son action aux besoins spécifiques des populations touchées. Cependant, il ne peut pas répondre à l'ensemble des besoins. Par conséquent, la coordination humanitaire est, pour le CICR, un moyen d'associer systématiquement ses efforts à ceux d'autres organisations. Le type de coordination souhaité par le CICR doit viser, d'une part, à répondre l'ensemble des besoins des populations affectées par un conflit grâce au rôle complémentaire de chaque organisation afin d'éviter les doubles emplois et les lacunes, et, d'autre part, à maximaliser l'action du CICR.

Pour être efficace, la coordination doit être axée vers l'action et tenir compte des réalités sur le terrain, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des capacités existantes sur le terrain en termes de ressources humaines, de capacités professionnelles disponibles et de moyens logistiques. Les organisations, parties prenantes à une coordination fondée sur la réalité, doivent également être claires sur les zones qu'elles peuvent ou ne peuvent pas atteindre. Une indépendance crédible n'est toutefois pas conciliable avec une participation à des initiatives où l'organisation ne garde pas sa propre capacité décisionnelle ou lorsque la perception de son identité risque d'être bafouée si elle s'associe à d'autres entités dont l'agenda n'est pas exclusivement humanitaire.

Le CICR, pour sa part, consulte de nombreuses organisations internationales et non gouvernementales travaillant dans les mêmes contextes que lui et coordonne son action avec elles. Il doit mener son action humanitaire tout en veillant particulièrement à ce que l'ensemble des organisations comprennent son approche et son rôle, l'objectif étant de favoriser une coopération harmonieuse et la complémentarité des actions menées sur le terrain.

Le CICR s'efforce de participer à un processus de coordination humanitaire aussi bien institutionnel qu'opérationnel, dans le but d'améliorer directement ou indirectement le sort des personnes touchées par les conflits étatiques internes. En effet, des efforts ont été entrepris afin d'harmoniser une approche commune de l'action humanitaire. Par exemple, le CICR bénéficie du statut d'observateur auprès des NU et il coopère avec le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA). Il assiste, en tant qu'invité permanent, aux réunions du Comité permanent interinstitutions, un mécanisme de coordination composé de principales institutions des NU ayant un mandat humanitaire, de la Fédération internationale et de plusieurs ONG.

Le CICR doit s'adapter aux nouvelles formes de coordination de l'action humanitaire mises dans le cadre de l'actuelle réforme de l'action humanitaire des NU. En l'absence de tout mécanisme officiel de coordination humanitaire, le CICR doit s'efforcer de collaborer avec d'autres organisations, d'établir des liens et d'échanger avec ces organisations. C'est ainsi qu'il coordonne ses activités avec celles d'autres organisations notamment pour les réfugiés (HCR), pour la protection des enfants dans les conflits (UNICEF) et dans le cadre de l'aide alimentaire (PAM) et sanitaire (OMS).

Par un processus de coordination humanitaire ancré dans le réel et orienté vers l'action, le CICR se doit de donner le plus d'impact possible à ses initiatives, en veillant à la satisfaction totale des besoins des populations victimes des conflits étatiques internes. D ans sa volonté de compléter et d'élargir l'éventail des acteurs humanitaires, le CICR fidèle à son approche neutre et indépendante, doit s'efforcer de mener une action impartiale, pertinente, opportune et efficace.

Les conflits étatiques internes, à cette présente époque, sont de plus en plus nombreux. Ils se complexifient du fait de l'apparition de nouvelles formes de guerre et du but poursuivi très varié. Il apparaît dès lors que le contexte dans lequel évolue le CICR devient de plus en plus confus. En effet, l'accès aux Parties belligérantes, plus particulièrement des insurgés, est très difficile. Cette difficulté est due à la multiplication de leurs interlocuteurs, à l'existence de plusieurs factions rebelles dans certains conflits. Cet accès est surtout rendu difficile par l'impossibilité d'inspecter les zones dans lesquelles ils se trouvent. Les contraintes de sécurité du personnel du CICR, dans un environnement conflictuel changeant, rendent aussi plus difficiles l'obtention de cet accès. A cela s'ajoute le non respect des règles du DIH dans ces conflits. Ce facteur contribue à la complexité des missions du CICR dans la mesure où le non respect des règles de conduite de la guerre augmente le nombre de civils tués, mutilés, maltraités. La Partie au conflit, en état de faiblesse, peut utiliser des méthodes prohibées pour augmenter le nombre de victimes. De ce fait, les personnes qui ne participent pas aux hostilités (vieillards, enfants, femmes) sont prises pour cibles. Ainsi les limites de la guerre, qui trouvent leur source dans les valeurs humanitaires communes à toutes les grandes civilisations, sont de plus en plus érodées par le choix de méthodes de lutte telles que les exécutions sommaires, les prises d'otages et la torture.

Malgré cette complexité des conflits étatiques internes actuels, le CICR s'est efforcé de répondre aux problèmes humanitaires que rencontrent les victimes. Il prend en compte de différentes manières les préoccupations de sécurité de son personnel. Il fait de telle sorte que ses activités soient acceptées par toutes les Parties au conflit. Pour ce faire, il a développé et diversifié ses activités. Les visites des détenus de guerre, longtemps considérées comme la mission dans laquelle s'identifiait le CICR, ne sont aujourd'hui qu'une des facettes de son mandat. Le CICR a accordé une importance croissante à la situation des personnes affectées par les violences hors des prisons, non seulement en entreprenant des actions de secours alimentaires et médicales, parfois d'une grande envergure, mais surtout en intervenant auprès des autorités de droit ou de fait, pour attirer l'attention sur les problèmes humanitaires rencontrés et les prier d'y remédier. L'activité principale du CICR consiste non pas à agir lui-même, mais à intercéder auprès de ceux qui détiennent le pouvoir pour qu'ils connaissent et assument leurs responsabilités humanitaires à l'égard des populations victimes des conflits armés. Cet engagement peut aller jusqu'à faciliter la rencontre des Parties au conflit pour qu'elles trouvent elles-mêmes des solutions à leurs problèmes humanitaires.

Cependant, dans certaines situations, le CICR se trouve dans l'impossibilité de mener une action effective visant à assister et à protéger les populations victimes des conflits étatiques internes. Il peut être gêné, dans l'accomplissement de son mandat, par d'autres acteurs sur le terrain. En effet, la réponse humanitaire, dans les conflits actuels, est assurée par une variété d'acteurs, des organisations humanitaires internationales et locales, gouvernementales ou non gouvernementales, et dans certaines régions également par des unités militaires. Il peut ainsi avoir un risque d'une présence trop nombreuse d'acteurs dans les endroits relativement sûrs et un risque très grand de confusion de rôle entre ces différents acteurs. Pour éviter toutes ces contraintes opérationnelles, le CICR doit, en coordination avec les autres acteurs sur le terrain, définir le domaine d'activité de chacun pour que l'action humanitaire soit effective. L'action du CICR, dans les conflits étatiques internes, peut être plus efficace avec la mise en place de nouvelles règles DIH applicables à de tels conflits. Il peut s'agir de l'extension des règles de conflits armés internationaux aux conflits non internationaux ou l'application des règles du DIHC dans tous les conflits. Cependant, force est de dire que, malgré toutes ces solutions proposées pour remédier aux difficultés que rencontre le CICR sur le terrain, la volonté des Parties au conflit à respecter les règles du DIH est le meilleur moyen pour le CICR de mener à bien son action dans les conflits étatiques internes.

Annexe I : Article 3 commun aux quatre Conventions de Genève

En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacun des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes :

1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat pour maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue.

A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées ci-dessus :

a) les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;

b) les prises d'otages ;

c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

d) les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti de garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.

2) Les blessés, les malades, les naufragés seront recueillis et soignés

Un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux Parties au conflit.

Les Parties au conflit s'efforceront, d'autre part, de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention.

L'application des dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des Parties au conflit.

Annexe II : Le Protocole Additionnel II de 1977

PREAMBULE

Les Hautes Parties contractantes,

Rappelant que les principes humanitaires consacrés par l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 constituent le fondement du respect de la personne humaine en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international,
Rappelant également que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme offrent à la personne humaine une protection fondamentale,
Soulignant la nécessité d'assurer une meilleure protection aux victimes de ces conflits armés,
Rappelant que, pour les cas non prévus par le droit en vigueur, la personne humaine reste sous la sauvegarde des principes de l'humanité et des exigences de la conscience publique,
Sont convenues de ce qui suit :

TITRE I. PORTEE DU PRESENT PROTOCOLE


Article premier - Champ d'application matériel

1. Le présent Protocole, qui développe et complète l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 sans modifier ses conditions d'application actuelles, s'applique à tous les conflits armés qui ne sont pas couverts par l'article premier du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), et qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole.
2. Le présent Protocole ne s'applique pas aux situations de tensions internes, de troubles intérieurs, comme Les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et autres actes analogues, qui ne sont pas considérés comme des conflits armés.


Article 2 - Champ d'application personnel

1. Le présent Protocole s'applique sans aucune distinction de caractère défavorable fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation, ou tous autres critères analogues (ci-après appelés «distinction de caractère défavorable») à toutes les personnes affectées par un conflit armé au sens de l'article premier.
2. A la fin du conflit armé, toutes les personnes qui auront été l'objet d'une privation ou d'une restriction de liberté pour des motifs en relation avec ce conflit, ainsi que celles qui seraient l'objet de telles mesures après le conflit pour les mêmes motifs, bénéficieront des dispositions des articles 5 et 6 jusqu'au terme de cette privation ou de cette restriction de liberté.

Article 3 - Non-intervention

1. Aucune disposition du présent Protocole ne sera invoquée en vue de porter atteinte à la souveraineté d'un Etat ou à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou de rétablir l'ordre public dans l'Etat ou de défendre l'unité nationale et l'intégrité territoriale de l'Etat par tous les moyens légitimes.
2. Aucune disposition du présent Protocole ne sera invoquée comme une justification d'une intervention directe ou indirecte, pour quelque raison que ce soit, dans le conflit armé ou dans les affaires intérieures ou extérieures de la Haute Partie contractante sur le territoire de laquelle ce conflit se produit.

TITRE II. TRAITEMENT HUMAIN

Article 4 - Garanties fondamentales

1. Toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu'elles soient ou non privées de liberté, ont droit au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de leurs pratiques religieuses. Elles seront en toutes circonstances traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable. Il est interdit d'ordonner qu'il n'y ait pas de survivants.
2. Sans préjudice du caractère général des dispositions qui précèdent, sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu à l'égard des personnes visées au paragraphe 1 :
a) les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ;
b) les punitions collectives ;
c) la prise d'otages ;
d) les actes de terrorisme ;
e) les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ;
f) l'esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes ;
g) le pillage ;
h) la menace de commettre les actes précités.
3. Les enfants recevront les soins et l'aide dont ils ont besoin et, notamment :
a) ils devront recevoir une éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en ont la garde ;
b) toutes les mesures appropriées seront prises pour faciliter le regroupement des familles momentanément séparées ;
c) les enfants de moins de quinze ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités ;
d) la protection spéciale prévue par le présent article pour les enfants de moins de quinze ans leur restera applicable s'ils prennent directement part aux hostilités en dépit des dispositions de l'alinéa c et sont capturés ;
e) des mesures seront prises, si nécessaire et, chaque fois que ce sera possible, avec le consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde à titre principal en vertu de la loi ou de la coutume, pour évacuer temporairement les enfants du secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur plus sûr du pays, et pour les faire accompagner par des personnes responsables de leur sécurité et de leur bien-être.

Article 5 - Personnes privées de liberté

1. Outre les dispositions de l'article 4, les dispositions suivantes seront au minimum respectées à l'égard des personnes privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé, qu'elles soient internées ou détenues :

a) les blessés et les malades seront traités conformément à l'article 7 ;
b) les personnes visées au présent paragraphe recevront dans la même mesure que la population civile locale des vivres et de l'eau potable et bénéficieront de garanties de salubrité et d'hygiène et d'une protection contre les rigueurs du climat et les dangers du conflit armé ;
c) elles seront autorisées à recevoir des secours individuels ou collectifs ;
d) elles pourront pratiquer leur religion et recevoir à leur demande, si cela est approprié, une assistance spirituelle de personnes exerçant des fonctions religieuses, telles que les aumôniers ;
e) elles devront bénéficier, si elles doivent travailler, de conditions de travail et de garanties semblables à celles dont jouit la population civile locale.
2. Ceux qui sont responsables de l'internement ou de la détention des personnes visées au paragraphe 1 respecteront dans toute la mesure de leurs moyens les dispositions suivantes à l'égard de ces personnes :
a) sauf lorsque les hommes et les femmes d'une même famille sont logés ensemble, les femmes seront gardées dans des locaux séparés de ceux des hommes et seront placées sous la surveillance immédiate de femmes ;
b) les personnes visées au paragraphe 1 seront autorisées à expédier et à recevoir des lettres et des cartes dont le nombre pourra être limité par l'autorité compétente si elle l'estime nécessaire ;
c) les lieux d'internement et de détention ne seront pas situés à proximité de la zone de combat. Les personnes visées au paragraphe 1 seront évacuées lorsque les lieux où elles sont internées ou détenues deviennent particulièrement exposés aux dangers résultant du conflit armé, si leur évacuation peut s'effectuer dans des conditions suffisantes de sécurité ;
d) elles devront bénéficier d'examens médicaux ;
e) leur santé et leur intégrité physiques ou mentales ne seront compromises par aucun acte ni par aucune omission injustifiés. En conséquence, il est interdit de soumettre les personnes visées au présent article à un acte médical qui ne serait pas motivé par leur état de santé et ne serait pas conforme aux normes médicales généralement reconnues et appliquées dans des circonstances médicales analogues aux personnes jouissant de leur liberté.
3. Les personnes qui ne sont pas couvertes par le paragraphe 1 mais dont la liberté est limitée de quelque façon que ce soit, pour des motifs en relation avec le conflit armé, seront traitées avec humanité conformément à l'article 4 et aux paragraphes 1 a, c, d et 2 b du présent article.
4. S'il est décidé de libérer des personnes privées de liberté, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ces personnes seront prises par ceux qui décideront de les libérer.

Article 6 - Poursuites pénales

1. Le présent article s'applique à la poursuite et à la répression d'infractions pénales en relation avec le conflit armé.
2. Aucune condamnation ne sera prononcée ni aucune peine exécutée à l'encontre d'une personne reconnue coupable d'une infraction sans un jugement préalable rendu par un tribunal offrant les garanties essentielles d'indépendance et d'impartialité. En particulier :
a) la procédure disposera que le prévenu doit être informé sans délai des détails de l'infraction qui lui est imputée et assurera au prévenu avant et pendant son procès tous les droits et moyens nécessaires à sa défense ;
b) nul ne peut être condamné pour une infraction si ce n'est sur la base d'une responsabilité pénale individuelle ;
c) nul ne peut être condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne peut être infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si postérieurement à cette infraction la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ;
d) toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ;
e) toute personne accusée d'une infraction a le droit d'être jugée en sa présence ;
f) nul ne peut être forcé de témoigner contre lui-même ou de s'avouer coupable.
3. Toute personne condamnée sera informée, au moment de sa condamnation, de ses droits de recours judiciaires et autres, ainsi que des délais dans lesquels ils doivent être exercés.
4. La peine de mort ne sera pas prononcée contre les personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction et elle ne sera pas exécutée contre les femmes enceintes et les mères d'enfants en bas âge.
5. A la cessation des hostilités, les autorités au pouvoir s'efforceront d'accorder la plus large amnistie possible aux personnes qui auront pris part au conflit armé ou qui auront été privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé, qu'elles soient internées ou détenues.

TITRE III BLESSES, MALADES ET NAUFRAGES

Article 7 - Protection et soins

1. Tous les blessés, les malades et les naufragés, qu'ils aient ou non pris part au conflit armé, seront respectés et protégés.
2. Ils seront, en toutes circonstances, traités avec humanité et recevront, dans toute la mesure du possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux qu'exige leur état. Aucune distinction fondée sur des critères autres que médicaux ne sera faite entre eux.

Article 8 - Recherches

Chaque fois que les circonstances le permettront, et notamment après un engagement, toutes les mesures possibles seront prises sans retard pour rechercher et recueillir les blessés, les malades et les naufragés, les protéger contre le pillage et les mauvais traitements et leur assurer les soins appropriés, ainsi que pour rechercher les morts, empêcher qu'ils soient dépouillés et leur rendre les derniers devoirs.


Article 9 - Protection du personnel sanitaire et religieux

1. Le personnel sanitaire et religieux sera respecté et protégé. Il recevra toute l'aide disponible dans l'exercice de ses fonctions et ne sera pas astreint à des tâches incompatibles avec sa mission humanitaire.
2. Il ne sera pas exigé du personnel sanitaire que sa mission s'accomplisse en priorité au profit de qui que ce soit, sauf pour des raisons médicales.

Article 10 - Protection générale de la mission médicale

1. Nul ne sera puni pour avoir exercé une activité de caractère médical conforme à la déontologie, quels qu'aient été les circonstances ou les bénéficiaires de cette activité.
2. Les personnes exerçant une activité de caractère médical ne pourront être contraintes ni d'accomplir des actes ou d'effectuer des travaux contraires à la déontologie ou à d'autres règles médicales qui protègent les blessés et les malades, ou aux dispositions du présent Protocole, ni de s'abstenir d'accomplir des actes exigés par ces règles ou dispositions.
3. Les obligations professionnelles des personnes exerçant des activités de caractère médical quant aux renseignements qu'elles pourraient obtenir sur les blessés et les malades soignés par elles devront être respectées sous réserve de la législation nationale.
4. Sous réserve de la législation nationale, aucune personne exerçant des activités de caractère médical ne pourra être sanctionnée de quelque manière que ce soit pour avoir refusé ou s'être abstenue de donner des renseignements concernant les blessés et les malades qu'elle soigne ou qu'elle a soignés.

Article 11 - Protection des unités et moyens de transport sanitaires

1. Les unités et moyens de transport sanitaires seront en tout temps respectés et protégés et ne seront pas l'objet d'attaques.
2. La protection due aux unités et moyens de transport sanitaires ne pourra cesser que s'ils sont utilisés pour commettre, en dehors de leur fonction humanitaire, des actes hostiles. Toutefois, la protection cessera seulement après qu'une sommation fixant, chaque fois qu'il y aura lieu, un délai raisonnable, sera demeurée sans effet.

Article 12 - Signe distinctif

Sous le contrôle de l'autorité compétente concernée, le signe distinctif de la croix rouge, du croissant rouge ou du lion-et-soleil rouge, sur fond blanc, sera arboré par le personnel sanitaire et religieux, les unités et moyens de transport sanitaires. Il doit être respecté en toutes circonstances. Il ne doit pas être employé abusivement.

TITRE IV POPULATION CIVILE

Article 13 - Protection de la population civile

1. La population civile et les personnes civiles jouissent d'une protection générale contre les dangers résultant d'opérations militaires. En vue de rendre cette protection effective, les règles suivantes seront observées en toutes circonstances.
2. Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile.
3. Les personnes civiles jouissent de la protection accordée par le présent Titre, sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation.

Article 14 - Protection des biens indispensables à la survie de la population civile

Il est interdit d'utiliser contre les personnes civiles la famine comme méthode de combat. Il est par conséquent interdit d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage à cette fin des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation.

Article 15 - Protection des ouvrages et installations contenant des forces dangereuses

Les ouvrages d'art ou les installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d'énergie électrique, ne seront pas l'objet d'attaques, même s'ils constituent des objectifs militaires, lorsque ces attaques peuvent entraîner la libération de ces forces et causer, en conséquence, des pertes sévères dans la population civile.

Article 16 - Protection des biens culturels et des lieux de culte

Sous réserve des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, il est interdit de commettre tout acte d'hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et de les utiliser à l'appui de l'effort militaire.

Article 17 - Interdiction des déplacements forcés

1. Le déplacement de la population civile ne pourra pas être ordonné pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impératives l'exigent. Si un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures possibles seront prises pour que la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'alimentation.
2. Les personnes civiles ne pourront pas être forcées de quitter leur propre territoire pour des raisons ayant trait au conflit.

Article 18 - Sociétés de secours et actions de secours

1. Les sociétés de secours situées dans le territoire de la Haute Partie contractante, telles que les organisations de la Croix-Rouge (Croissant-Rouge, Lion-et-Soleil-Rouge) pourront offrir leurs services en vue de s'acquitter de leurs tâches traditionnelles à l'égard des victimes du conflit armé. La population civile peut, même de son propre chef, offrir de recueillir et soigner les blessés, les malades et les naufragés.
2. Lorsque la population civile souffre de privations excessives par manque des approvisionnements essentiels à sa survie, tels que vivres et ravitaillements sanitaires, des actions de secours en faveur de la population civile, de caractère exclusivement humanitaire et impartial et conduites sans aucune distinction de caractère défavorable, seront entreprises avec le consentement de la Haute Partie contractante concernée.

TITRE V DISPOSITIONS FINALES

Article 19 - Diffusion

Le présent Protocole sera diffusé aussi largement que possible.

Article 20 - Signature

Le présent Protocole sera ouvert à la signature des Parties aux Conventions six mois après la signature de l'Acte final et restera ouvert durant une période de douze mois.

Article 21 - Ratification

Le présent Protocole sera ratifié dès que possible. Les instruments de ratification seront déposés auprès du Conseil fédéral suisse, dépositaire des Conventions.

Article 22 - Adhésion

Le présent Protocole sera ouvert à l'adhésion de toute Partie aux Conventions non signataire du présent Protocole. Les instruments d'adhésion seront déposés auprès du dépositaire.

Article 23 - Entrée en vigueur

1. Le présent Protocole entrera en vigueur six mois après le dépôt de deux instruments de ratification ou d'adhésion.
2. Pour chacune des Parties aux Conventions qui le ratifiera ou y adhérera ultérieurement, le présent Protocole entrera en vigueur six mois après le dépôt par cette Partie de son instrument de ratification ou d'adhésion.

Article 24 - Amendement

1. Toute Haute Partie contractante pourra proposer des amendements au présent Protocole. Le texte de tout projet d'amendement sera communiqué au dépositaire qui, après consultation de l'ensemble des Hautes Parties contractantes et du Comité international de la Croix-Rouge, décidera s'il convient de convoquer une conférence pour examiner le ou les amendements proposés.
2. Le dépositaire invitera à cette conférence les Hautes Parties contractantes ainsi que les Parties aux Conventions, signataires ou non du présent Protocole.

Article 25 - Dénonciation

1. Au cas où une Haute Partie contractante dénoncerait le présent Protocole, la dénonciation ne produira ses effets que six mois après réception de l'instrument de dénonciation. Si toutefois, à l'expiration des six mois, la Partie dénonçante se trouve dans la situation visée à l'article premier, la dénonciation ne prendra effet qu'à la fin du conflit armé. Les personnes qui auront été l'objet d'une privation ou d'une restriction de liberté pour des motifs en relation avec ce conflit continueront néanmoins à bénéficier des dispositions du présent Protocole jusqu'à leur libération définitive.
2. La dénonciation sera notifiée par écrit au dépositaire qui informera toutes les Hautes Parties contractantes de cette notification.

Article 26 - Notifications

Le dépositaire informera les Hautes Parties contractantes ainsi que les Parties aux Conventions, qu'elles soient signataires ou non du présent Protocole :
a) des signatures apposées au présent Protocole et des instruments de ratification et d'adhésion déposés conformément aux articles 21 et 22 ;
b) de la date à laquelle le présent Protocole entrera en vigueur conformément à l'article 23 ; et
c) des communications et déclarations reçues conformément à l'article 24.

Article 27 - Enregistrement

1. Après son entrée en vigueur, le présent Protocole sera transmis par le dépositaire au Secrétariat des Nations Unies aux fins d'enregistrement et de publication, conformément à l'article 102 de la Charte des Nations Unies.
2. Le dépositaire informera également le Secrétariat des Nations Unies de toutes les ratifications et adhésions qu'il pourra recevoir au sujet du présent Protocole.

Article 28 - Textes authentiques

L'original du présent Protocole, dont les textes anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe sont également authentiques, sera déposé auprès du dépositaire qui fera parvenir des copies certifiées conformes à toutes les Parties aux Conventions.

BIBLIOGRAPHIE

Ø Ouvrages

- ZORGBIBE, C., Le droit d'ingérence, Que sais-je ? PUF, 1995.

- TORELLI, Maurice. Le Droit International Humanitaire, Que sais-je ? PUF, 1995.

- BUIRETTE, Patricia. Le Droit International Humanitaire, La Découverte, 1996.

- RYFMAN, Pierre. La question humanitaire : histoire, problématiques, acteurs et enjeux de l'aide humanitaire internationale, Ellipses, 2005.

- HENCKAERTS, Jean Marie et DOSWALD-BECK, Louise. Le Droit International Humanitaire Coutumier, Volume I : Règles, Bruylant, 2006.

Ø Manuels

- Découvrez le CICR, CICR, septembre 2005.

- Respecter et faire respecter le DIH, guide pratique à l'usage des parlementaires n°1, CICR, 1999.

- Droit International Humanitaire, Réponses à vos questions, CICR, avril 2003, seconde édition février 2004.

- Conflit armé et liens familiaux, CICR, 2002, seconde édition août 2005.

- Les déplacés internes, CICR, mars 2007.

Ø Articles et Revues

- Christian KOENIG, Considérations juridiques sur le Statut d'Observateur du CICR auprès des Nations Unies, RICR n°787, février 1991, p.39 à 52.

- Yves SANDOZ, Droit ou devoir d'ingérence, droit à l'assistance : de quoi parle-t-on ? , RICR n°795, août 1992, p. 225 à 237.

- Marion HARROFF-TAVEL, L'action du CICR face aux situations de violence interne, RICR n°801, juin 1993, p. 211 à 237.

- Yves SANDOZ, Existe-t-il un « droit d'ingérence » dans le domaine de l'information, Le droit à l'information sous l'angle du Droit International Humanitaire, RICR n°832, décembre 1998, p. 683 à 692.

- Anne RYNIKER, Position de Comité International de la Croix-Rouge sur l'« intervention humanitaire », RICR n°842, juin 2001, p.521 à 526.

- Jean PICTET, La formation du Droit International Humanitaire, RICR n°846, juin 2002, p. 321 à 344.

- Jean Christophe SANDOZ, Attitude du CICR en cas de prise d'otages, RICR n°846, juin 2002, p. 475 à 488.

- Christoph HARNISCH, Le CICR en Afrique : contexte et défis, RICR n°852, décembre 2003, p. 737 à 748.

- Gabor RONA, Le CICR et le privilège de ne pas témoigner : la confidentialité dans l'action, février 2004.

- Déclaration de Jakob KELLENBERGER, Les défis du CICR et du DIH, Washington, Université de Georgetown, 19 octobre 2006.

- Bulletin d'information de la délégation régionale du CICR de Dakar, janvier 2009.

Ø Traités

- Les Conventions de Genève du 12 août 1949.

- Le Deuxième Protocole Additionnel aux Conventions de Genève du 8 juin 1977.

- Le Statut de la CPI.

- Les Résolutions des Conférences internationales de la Croix-Rouge.

- L'Accord entre le Conseil fédéral suisse et le CICR en vue de déterminer le statut du Comité en Suisse, mars 1999.

- Deuxième Protocole relatif à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. La Haye, 26 mars 1999.

Ø Wébographie

- www.cicr.org

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 1

ABREVIATIONS UTILES 3

INTRODUCTION 4

PREMIERE PARTIE : L'ACTION DU CICR DANS LES CONFLITS ETATIQUES INTERNES 12

Chapitre I : Le mandat du CICR dans les conflits étatiques internes 14

Section1 : Les fondements du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes 14

Paragraphe 1: Les fondements juridiques du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes 14

A. Le droit conventionnel 14

B. Les résolutions des Conférences de la Croix-Rouge 16

Paragraphe 2 : La reconnaissance de privilèges et immunités 17

A. Le contenu des privilèges et immunités 17

B. La base juridique de la reconnaissance des privilèges et immunités 18

Section 2 : Le contenu du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes 19

Paragraphe 1 : Le secours du CICR 19

A. La protection des victimes de conflits étatiques internes 20

B. L'assistance de la population 23

Paragraphe 2 : La promotion du DIH 24

A. La diffusion du DIH 24

B. Le respect du DIH 25

Chapitre II : La mise en oeuvre du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes 27

Section 1 : Le rôle d'intermédiaire neutre du CICR entre les Parties belligérantes 27

Paragraphe 1 : Le CICR, un diplomate humanitaire 27

A. La démarche confidentielle du CICR entre les Parties au conflit en cas de violation du DIH 27

B. Le rôle du délégué du CICR dans la diplomatie de la persuasion 29

Paragraphe 2 : Le rôle de médiateur du CICR dans les négociations 31

A. La médiation humanitaire du CICR 31

B. La participation d'autres institutions dans la médiation humanitaire 32

Section 2 : L'établissement d'un programme d'assistance aux victimes 34

Paragraphe 1 : Les prestations matérielles du CICR 34

A. L'aide sanitaire et alimentaire 34

B. La garantie d'une sécurité économique à la population 36

Paragraphe 2 : Les prestations non matérielles 37

A. Les visites des personnes privées de liberté 37

B. Le rétablissement des liens familiaux 38

DEUXIEME PARTIE : UNE ACTION MITIGEE 41

Chapitre I : Les contraintes 43

Section 1 : Aux plans politique et juridique 43

Paragraphe 1 : Les contraintes liées à l'attitude des Parties belligérantes 43

A. Le refus de l'applicabilité du DIH 43

B. L'absence de volonté politique pour mettre en oeuvre le DIH 45

Paragraphe 2 : Les difficultés d'application du DIH 46

A. Les contraintes relatives à l'application des textes conventionnels 46

B. Les difficultés dans l'appréhension du caractère interne d'un conflit armé ............................................................................................. 48

Section 2 : Au plan opérationnel 49

Paragraphe 1 : Les problèmes liés à l'accès aux victimes 49

A. Les difficultés relatives l'inspection des zones 50

B. Les difficultés relatives à l'accès aux populations dispersées 51

Paragraphe 2 : Les difficultés entre acteurs sur le terrain 52

A. L'insécurité du personnel du CICR 52

B. La compétition entre acteurs sur le terrain 54

Chapitre II : Les perspectives pour une effectivité de l'action du CICR 56

Section 1 : Un renforcement du cadre juridique 56

Paragraphe 1 : Accroissement du respect du DIH 56

A. Aux moyens des instruments juridiques 56

B. Par l'inclusion du DIH dans les codes de conduite 58

Paragraphe 2 : Elargissement des règles applicables aux conflits étatiques internes 59

A. Des prémices avec l'étude du CICR des règles DIHC 60

B. Vers un nouveau DIH applicable aux conflits étatiques internes 61

Section 2 : Une adaptation plus opportune et plus efficace du cadre opérationnel du CICR 63

Paragraphe 1 : La définition d'une politique opérationnelle 63

A. Une bonne connaissance des caractéristiques du conflit et des Parties 64

B. Une adaptation de l'action aux besoins des victimes 65

Paragraphe 2 : Le renforcement des rapports avec les autres acteurs sur le terrain 66

A. La coopération du CICR avec le Mouvement 67

B. Une coordination plus efficace avec les autres organismes 68

CONCLUSION 70

Annexe I : Article 3 commun aux quatre Conventions de Genève 73

Annexe II : Le Protocole Additionnel II de 1977 74

BIBLIOGRAPHIE 85

* 1 Découvrez le CICR ; cicr.org

* 2 Mouvement international de la Croix-Rouge, Croix-Rouge de Belgique francophone

* 3 Mouvement international de la Croix-Rouge, Croix-Rouge de Belgique francophone

* 4 P .BUIRETTE, le droit international humanitaire, Edition La Découverte, Paris, 1996, p.65.

* 5 Protocole additionnel II, art. 1, par. 1.

* 6 Statut de la CPI, art. 8, par. 2 f : « Il s'applique aux conflits qui opposent de manière prolongée sur le territoire d'un Etat les autorités du gouvernement de cet Etat et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux ».

* 7 Protection des victimes des conflits armés non internationaux, Genève, Janvier 1971, p. 78

* 8 TORELLI, M., le Droit International Humanitaire, Paris, PUF, collection Que sais-je ? p. 126

* 9 Attitude de la Grande-Bretagne aux prises avec la rébellion mau-mau au Kenya en 1957.

* 10 ZORGBIBE, C., le droit d'ingérence, Paris, PUF, collection Que sais-je ? p. 80

* 11 Il s'agit, en particulier, des résolutions XIV de la Xe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Genève, 1921) ; XIV de la XVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Londres, 1938) ; XX de la XVIIe de la Conférence internationale de la Croix-Rouge (Stockholm, 1948) ; XIX de la XIX Conférence internationale de la Croix-Rouge (Nouvelle Delhi, 1957) ; XXXI de la XXe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Vienne, 1965) et VI de la XXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Manille, 1981).

* 12 XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, résolution IX, paragraphe 576.

* 13 XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, résolution II, paragraphe 577.

* 14 Art. 4 de l'Accord entre le conseil fédéral suisse et le CICR du 19 mars 1993 en vue de déterminer le statut du Comité en Suisse

* 15 Organisation pour la Libération de la Palestine

* 16 Voir protection et assistance, RICR, n° 767, septembre-octobre 1987

* 17 Art. 13.3 du Protocole Additionnel II ; Règle 6, Henckaerts, Doswald-Beck, Droit International Humanitaire Coutumier, Genève, CICR, 2005.

* 18 Aux termes de l'art. 3 commun et du Protocole Additionnel II, il est interdit de tuer, d'exécuter sommairement, de torturer physiquement et mentalement, de procéder à des mutilations, de condamner à des peines corporelles, de violer, de contraindre à la prostitution, d'attenter à la pudeur, de piller, d'infliger des peines collectives, de prendre des otages, de commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de tuer, de menacer d'exécuter sommairement, de menacer de torturer physiquement ou mentalement, de menacer de procéder à des mutilations, de mener de peines corporelles, de menacer de viol, de menacer de commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de prendre des otages, de menacer de piller.

* 19 Découvrez le CICR, p.23

* 20 La « Revue internationale de la Croix-Rouge », le « manuel du soldat », le manuel scolaire »...

* 21 Yves SANDOZ, Christophe SWINARSKI et Bruno ZIMMERMANN, Commentaire des Protocoles Additionnels, CICR, Genève, 1986, paragraphe 4909.

* 22 Jean Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, le Droit International Humanitaire Coutumier, Volume I : Règles, page 655.

* 23 Voir, par exemple, CICR, Mémorandum sur le respect du DIH en Angola (paragraphe 539), Conflit d'Afrique australe : appel du CICR (paragraphe 539).

* 24 XXVIIIe AG ONU, résolution 3102 (adoptée par 107 voix pour, O contre et 25 abstentions).

* 25 Forces armées révolutionnaires colombiennes (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia).

* 26 « Le CICR, médiateur humanitaire dans le conflit colombien : possibilités et limites », Gabriel Garcia Marquez. www.cicr.org

* 27 Région administrative de la RDC réunissant le Nord Kivu, le Sud Kivu et le Maniema.

* 28 Les garanties judiciaires sont spécifiquement mentionnées à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Le CICR, qui a pour rôle « de travailler dans l'application fidèle du DIH applicables dans les conflits armés » (art.5, alinéa 2c des Statuts du Mouvement), peut intervenir pour que soient respectées les garanties judiciaires fondamentales dans le cadre d'un conflit armé non international.

* 29 Accords de paix entre le Gouvernement de l'Angola et l'UNITA (1991) ; Accord général de paix pour le Mozambique (1992) ; Accord de Cotonou concernant la situation au Libéria...

* 30 Voir Secrétaire Général de l'ONU, nouveau rapport sur la Mission de vérification des Nations Unies en Angola (UNAVEM II).

* 31 Rapport sur la pratique de la Colombie.

* 32 Voir Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques, Rapport sur les droits de l'homme au Rwanda - Année 1992.

* 33 Secrétaire Général de l'ONU, Rapport sur la situation en Somalie.

* 34 Voir CICR, Rapport d'activité 1986.

* 35 Voir XXXe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de Genève de novembre 2007.

* 36 Jean Luc BLONDEL, « l'assistance aux personnes protégées », Revue internationale de la Croix-Rouge, N°767, septembre-octobre1987, pp. 471 -489.

* 37 La politique du CICR en matière de développement des Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge a pour cadre l'art. 7 de l'Accord entre le CICR et la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge du 20 octobre 1989. (La Ligue a pris par la suite le nom de Fédération internationale).

* 38 Voir la pratique d'El Salvador, de la Russie et Rwanda ainsi que la pratique rapportée de l'Afghanistan et du Yémen ; voir aussi, Le CICR et la protection des victimes de la guerre, 2e édition, CICR, Genève, 2000, p.735 à 756 (donnant des exemples tirés des conflits en Algérie, en El Salvador, au Nicaragua et au Nigeria, entres autres).

* 39 Accord entre le gouvernement de la Grèce et le CICR (1969) ; Protocole d'Achgabat sur l'échange des prisonniers au Tadjikistan (1996)

* 40 Conflit armé et liens familiaux, CICR janvier 2002, seconde édition avril 2004

* 41 Président du CICR

* 42 Extrait de la déclaration sur les « les défis du CICR et du DIH », Washington, Université de Georgetown, 19 octobre 2006.

* 43 « Question de la violation des droits de l'Homme et des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde », Rapport sur la situation des droits de l'Homme en RDC, présenté par le Rapporteur spécial, M. Roberto GARRETON, conformément à la résolution 2000/15 de la Commission des droits de l'Homme.

* 44 Jean Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, le Droit International Humanitaire Coutumier, Volume I : Règles, page 261.

* 45 Activité du CICR, Rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population, 2008.

* 46 Revue Internationale de la Croix-Rouge, Débat humanitaire : droit, politiques, action, Sélection française 2005.

* 47 XXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge, rés. II.

* 48 Statut de la CPI de 1998, art. 7, par. 2, al. i.

* 49 Jean Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, le Droit International Humanitaire Coutumier, Volume I : Règles, page 145.

* 50 Interview de Jakob KELLENBERGER accordé au Magazine du Mouvement International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge le 14 mars 2001.

* 51 Juan CODERQUE, Chef de délégation régionale du CICR à Dakar, Editorial du Bulletin d'information du CICR n°1, janvier 2009.

* 52 Statut de la CPI (1998), art.8, par. 2, al. e) ; Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Léone (2002), art. 4, al.1b

* 53 Philippe RYFMAN, La question humanitaire : histoire, problématiques, acteurs et enjeux de l'aide humanitaire internationale, Editions Ellipses, 2005.

* 54 Accord spécial signé par les Parties au conflit de Bosnie-Herzégovine et négocié par le CICR en 1992.

* 55 XXXe Conférence Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève 26-30 novembre 2007, le DIH et les défis posés par les conflits armés contemporains.

* 56 Déclarations unilatérales faites par le FLN en 1956 en Algérie.

* 57 Déclarations unilatérales faites par les FMLN en El Salvador en 1988 et en 1991 par le NDFP aux Philippines.

* 58 XXXe Conférence Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève 26-30 novembre 2007, le DIH et les défis posés par les conflits armés contemporains.

* 59 Atelier sur le DIH organisé à Bamako avec des leaders religieux du Niger, du Mali et du Sénégal, Bulletin d'information de la Délégation régionale du CICR de Dakar, n°1, janvier 2009.

* 60 Bulletin d'information de la Délégation régionale du CICR de Dakar, n°1, janvier 2009.

* 61 Jean-Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, Droit international humanitaire coutumier, Vol. I, Règles, Bruxelles, Etablissements Emile Bruylant, et Genève, Comité internationale de la Croix-Rouge, décembre 2006, LXXIII & 878 pages.

* 62 « Dans la mesure où elles sont affectées par une situation visée à l'article premier du présent Protocole, les personnes qui sont au pouvoir d'une Partie au conflit et qui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu des Conventions et du présent Protocole seront traitées avec humanité en toutes circonstances et bénéficieront au moins des protections prévues par le présent article sans aucune distinction de caractère défavorable fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation, ou tout autre critère analogue. Chacune des Parties respectera la personne, l'honneur, les convictions et les pratiques religieuses de toutes ces personnes ».

* 63 Jean-Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, Droit International Humanitaire Coutumier, vol. I et Vol. II.

* 64 TPIY, 11 mars 2005, « Prosecutor v. Enver Hadzihasanovic and Amir Kubura ».

* 65 François BUGNION, Droit International Humanitaire Coutumier, novembre 2007.

* 66 Christoph HARNISH, le CICR en Afrique : contexte et défis






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus