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La participation citoyenne dans l'élaboration de la politique nationale de population

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par Miguel DUMAY
Université d'État d'Haiti Centre en Population et Développement - Diplôme Post-Gradué 2007
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE D'ETAT D'HAITI

CENTRE D'ÉTUDES EN POPULATION ET DÉVELOPPEMENT

(CEPODE)

FACULTÉ DES SCIENCES HUMAINES

La place de la participation citoyenne dans la politique nationale de la population.

ESSAI

En vue de l'obtention du Diplôme D'études Post-Graduées en Population et Développement

Préparé par   : DUMAY Miguel

Promotion : Année académique 2004 -2005

Professeur encadreur : Nelson Sylvestre

Mai 2007

RÉSUMÉ

Depuis plus de deux décennies, une nouvelle tendance est observée dans les pays occidentaux notamment, dans la manière de définir les politiques publiques. Celles-ci ne relèvent plus de la compétence exclusive de l'État. Elles sont plutôt l'oeuvre d'une multiplicité d'acteurs sociaux issus des secteurs public, privé et de la société civile qui, de ce fait, donnent à ces politiques publiques un regain de légitimité, valorisant ainsi une citoyenneté active et une meilleure gouvernance. Cette méthode est dite «d'ajustements mutuels».

C'est donc l'application, en Haïti, de cette démarche actuelle en matière de formulation de politiques publiques que nous avons tenté d'étudier dans notre recherche sur le processus d'élaboration de la Politique nationale de population réalisé par la Secrétairerie d'État à la Population en 2002, pour voir la portée de l'intervention de nos citoyens faite en amont dudit processus.

REMERCIEMENTS

Ce travail de recherche a été rendu possible grâce au savoir que m'a inculqué le staff de professeurs du Centre en Population et Développement. Je tiens à leur rendre un vibrant hommage. Mes remerciements vont de manière particulière à mon encadreur Nelson Sylvestre qui m'a permis de bénéficier de sa compétence, de ses conseils et suggestions.

Je tiens également à exprimer ma gratitude à mes camarades de promotion, particulièrement mes compagnons de travail, Emerson et Foider, qui m'ont gratifié de leur solidarité durant le cycle d'études.

Je ne saurais terminer ces lignes sans adresser un merci spécial à ma famille, notamment à ma gentille épouse pour son soutien moral, sa compréhension et son accompagnement tout au long de ma démarche. Sans quoi, je ne saurais la mener à terme. Je suis, enfin, très reconnaissant envers Dieu qui m'a donné la santé, l'intelligence et la force nécessaires pour réaliser cet essai.

SOMMAIRE

Page

Résumé 1

Remerciements 2

Sommaire 3

Liste des tableaux, figures et schémas 5

Liste des annexes 5

Introduction

1) La question de recherche, hypothèse, objectifs et méthodologie 6

Chapitre  I

Politiques publiques et Participation citoyenne comme concept.- 11

I-1 Les politiques publiques : Définitions et Théories 11

I-1-2 Politique de population 13

I-2 Le régime haïtien dans la Constitution de 1987: L'Etat unitaire décentralisé 14

I- 3 La participation : Définitions et Théories 15

I-4 Action collective et affaires publiques 16

I-5 Les formes de participation 17

I-5-1 La Société civile 20

Chapitre II

La problématique démographique et la politique de population en Haïti. 22

II-1 La question démographique dans le contexte caraïbéen 22

II-2 L'évolution démographique en Haïti 24

II-3 Les politiques publiques de population en Haïti 29

II-4 Présentation de la politique nationale de population (PNP) 30

II-4-1 Contexte et justification 33

II-4-2 Philosophie, principes et but de la PNP 33

II-4-3 Les axes stratégiques 34

II-4-4 Structure et procédure de mise en oeuvre 35

Chapitre III

L'influence de la participation citoyenne sur l'élaboration de la Politique Nationale de Population (PNP) 37

III-1 Forme de participation adoptée et objectif poursuivi 38

III-2 Mode de désignation et catégorie de participants 39

III-3 Procédure et contenu des consultations 42

III-4 Mode de délibération 47

III-5 Rapport entre le contenu des consultations départementales et celui de la Politique Nationale de Population 47

III-6 Les limites de cette participation 49

Conclusion 52

Bibliographie 55

Annexes 58

Liste des tableaux, figures et schémas

Page

Tableau II-1 : Stade d'avancement de la transition démographique 24

Tableau II-2 : Évolution de la population en Haïti 28

Tableau III-3 : Distribution des participants aux consultations par département et par secteur 40

Tableau III-4 : Répartition des problèmes identifiés selon les catégories par département par les sous-thèmes Natalité, Fécondité et Croissance démographique 44

Tableau III-5 : Répartition des problèmes identifiés selon les catégories par département pour le sous-thème Mortalité 45

Tableau III-6 : Répartition des problèmes identifiés selon les catégories par département pour le sous-thème Migration 46

Figure II-1 : Carte des Républiques d'Haïti et Dominicaine 25

Figure II-2 : Courbe évolutive de la population en Haïti 29

Figure III-3 : Histogramme des participants par secteur et par jour 41

Schéma II-1 : Processus d'élaboration d'une politique publique 31

Schéma III-2 : Le processus participatif 38

Liste des Annexes

Annexe A : Guide d'entretien autour des consultations départementales en vue de l'élaboration de politique nationale de population 58

Annexe B : Programme type des consultations départementales 59

Introduction.-

1) La question de recherche, hypothèse, objectifs et méthodologie.

L'Etat, indépendamment de sa nature, est un appareil créé pour réguler les multiples intérêts des membres de la société au nom du principe de l'égalité et de la protection équitable face au système social. Il a alors pour mission de garantir les droits fondamentaux des citoyens, d'assumer de grandes responsabilités et d'entreprendre un certain nombre d'actions qui va, non dans le sens des intérêts individuels mais dans celui de la collectivité.

Pendant longtemps la population d'un pays a su tant soit peu se reconnaître dans son Etat qui parvenait à cristalliser ses aspirations. Cet organe régulateur qui se veut permanent arrive vraisemblablement à se placer au-dessus de la mêlée. Investi de la confiance de ses paisibles citoyens, l'Etat joue le rôle d'un bon père de famille qui met tout en oeuvre pour subvenir aux besoins de ses enfants. C'est dans ce contexte que l'Etat, en tant que détenteur de la souveraineté et garant de l'égalité entre les citoyens, a pu pendant des siècles utiliser sa prérogative d'élaborer unilatéralement des politiques publiques. Ce que les spécialistes baptisent de « méthode synoptique ».

Cependant, avec l'évolution du monde, le progrès social, le processus de globalisation, la résurgence de l'individualisme et les bouleversements de toute sorte qu'a connu le 20ème siècle, l'Etat est, dans une certaine mesure, tombé de son piédestal. Il fait face à une sérieuse crise de confiance de la part de ses citoyens qui le trouvent défaillant presque dans tous les domaines. Dotés d'une plus grande capacité de réflexion, d'une meilleure formation, les individus revendiquent beaucoup plus de libertés et de responsabilités en ce qui concerne la chose publique. Ils refusent désormais de se remettre entièrement à l'Etat et veulent être partie prenante des décisions qui les concernent. Ils réclament alors plus de participation et ceci à tous les niveaux. C'est ainsi que depuis les années 1970-1980, on assiste notamment dans les pays occidentaux à l'émergence d'une nouvelle façon de concevoir et de réaliser des politiques publiques qui tient compte de la conjugaison des intérêts de l'Etat et des groupes de citoyens concernés. C'est ce qu'on appelle la méthode des ajustements mutuels.

Cette nouvelle tendance participe du débat autour du dualisme secteur privé/secteur public, intérêt privé/intérêt public, espace privé/espace public, etc. A bien considérer, la méthode des « ajustements mutuels » semble être compatible avec la « démocratie participative ». L'approche participative est de nos jours préconisée par les institutions internationales notamment les Nations-Unies et la Banque Mondiale comme moyen efficace d'obtenir une politique publique légitime qui soit le fruit d'un travail collectif et d'une large concertation entre les citoyens.

Pour se mettre au diapason, la « politique de population » de la Secrétairerie d'Etat à la Population, préfacée et paraphée par le ministre de la santé publique et de la population en juillet 2000, serait l'aboutissement de processus de sensibilisation, d'études, de réflexions, d'analyses impliquant divers secteurs de la société haïtienne y compris la communauté internationale. Présentant une vision stratégique face aux problèmes de population identifiés, cette politique prétend répondre aux besoins qui sont susceptibles d'améliorer la qualité de vie de la population haïtienne. Elle demeure une composante d'une politique de développement implicite ou explicite adaptée aux réalités structurelles du pays.

Ce nouveau tournant que prend le processus de définition des politiques publiques en Haïti mérite de retenir l'attention des chercheurs et analystes. Presqu'aucune étude n'y a été jusqu'ici consacrée. C'est donc pour cette raison que nous nous proposons d'apporter notre petite contribution en abordant le volet « participation des citoyens » dans l'élaboration de la politique nationale de population. Car le pays se trouve en plein apprentissage de la démocratie. Et depuis 1986, les citoyens ont inscrit au nombre de leurs revendications majeures le droit de participer activement aux grandes décisions politiques sur des questions qui concernent leur destinée. Aussi la problématique de la population aurait-elle interpellé la conscience de tout haïtien et reçu un certain feed-back positif.

Notre hypothèse de travail est alors formulée comme suit : «Les citoyens, par leurs réflexions produites au cours des assises réalisées en la circonstance, influencent le contenu de la politique nationale de population»

Notre objectif consiste à rechercher à travers le document de politique de population comment la participation citoyenne concrétisée à travers les consultations départementales est parvenue à influencer la définition de la politique nationale de population.

Notre travail se veut une recherche qualitative. Une analyse du document de « Politique Nationale de Population (PNP) » et de celui du «Rapport des Consultations Départementales », à l'aide de deux grilles d'analyse comportant chacune quatre unités, nous permettra de tester notre hypothèse. Les informations collectées à partir des entretiens que nous avons eu avec deux hauts cadres de la Secrétairerie d'État à la Population (SEP), à savoir le Directeur de la Population et le Directeur de la Communication de la SEP, serviront à approfondir notre analyse. Le choix de nos interviewés se justifie par le fait qu'ils ont été du nombre des acteurs ayant travaillé à la réalisation du processus d'élaboration de la Politique Nationale de Population. Après cinq à sept années de recul, nous estimons qu'ils sont en mesure de prendre une distance critique par rapport audit processus et d'émettre des informations objectives. Nous n'avons pas pu atteindre beaucoup plus d'interviewés, faute de temps. Mais notre démarche demeure pour autant valide et est astreinte à la rigueur scientifique.

Au premier chapitre de notre recherche, nous nous proposons d'étudier les concepts politiques publiques et participation citoyenne dans lequel nous aborderons les théories y relatives, les formes et les acteurs de la participation. Dans le deuxième chapitre, nous présenterons la problématique démographique et la politique de population en Haïti. Dans le troisième et dernier chapitre, nous tenterons de déceler, à travers notre analyse, l'influence de la participation citoyenne sur la politique nationale de population ainsi que les limites de ce processus de participation.

Chapitre  I

Politiques publiques et Participation citoyenne comme concept.-

Ce chapitre constitue, dans ce travail d'essai, notre cadre conceptuel et théorique. Il y est abordé les différentes acceptions et théories sur les politiques publiques et la participation citoyenne en tenant compte des dimensions politique, juridique et sociologique de la question.

I-1 Les politiques publiques : Définitions et Théories

Les politiques publiques ont fait l'objet de beaucoup d'études et sont, de ce fait, diversement définies. Certains auteurs dont Jean Claude Thoenig (1985) les considèrent comme un problème, une réalité objective qui s'inscrit dans un contexte social spécifique par rapport à des enjeux, des populations et des structures. Prises dans ce sens, les politiques publiques affectent des individus, des groupes, des organisations ou des classes dans leurs attitudes, leurs intérêts ou leurs situations

D'autres auteurs focalisent leurs définitions sur le processus mis en oeuvre pour fabriquer les politiques publiques. Celles-ci sont, selon Massardier (2003) qui se rapproche de l'expression « policy making » des Anglo-Saxons, le résultat d'une multiplicité d'interactions, d'échanges et de rapports de force tant au moment de leur détermination que dans la conduite de la démarche de mise en oeuvre. Cette définition parait conforme aux objectifs de notre recherche.

Cependant, il ne sera pas inutile de rappeler la définition lapidaire de Dye, cité par Thoenig, qui s'articule autour de l'action ou de l'inaction des décideurs politiques. Pour lui, une politique publique est tout ce que les gouvernements décident de faire ou de ne pas faire. Ce qui signifie q'une politique publique peut être implicite ou explicite.

En ce qui concerne les théories qui traitent la question de politique publique, il ne nous est pas paru nécessaire d'en faire ici une recension. Nous nous référons tout simplement à Massardier (2003) qui parvient à les classer sous le label de trois (3) paradigmes reposant sur trois (3) types de rationalités :

· La rationalité de la puissance publique souveraine, illimitée, instrumentale et descendante, en particulier celle de l'Etat qui est développée par le droit public, la science administrative et le management public). Elle tient compte de l'adéquation des objectifs visés et des moyens disponibles. La politique fonctionne comme une boite noire qui adresse les demandes sociales produites à l'entrée (in put) et fournit des réponses à la sortie (out put).

· La rationalité économique illimitée et instrumentale qui se soumet à la fois aux régulations du marché et de l'Etat. Préconisée par l'économie publique, cette rationalité recherche le meilleur rapport coût/avantage. Ainsi, la société dispose des biens publics selon le mécanisme du marché (offre/demande/prix).

· Les rationalités des acteurs multiples de l'action publique, limitées, incrémentées, polycentriques et négociées développées récemment par la sociologie et science politique se rapprochent du paradigme de l'anarchie organisée, cher aux sociologues des organisations.

C'est donc cette rationalité des acteurs multiples de l'action publique qui va nous servir de fil directeur tout au long de notre recherche sur la place de la participation citoyenne dans la Politique Nationale de Population (SEP, 2002). Une politique qui, dans sa phase d'élaboration, aurait mis en interaction l'Etat et divers autres acteurs de la société haïtienne (SEP, 2000).

I-1-2 Politique de Population.-

Il va sans dire qu'une politique de population est une politique publique et comme telle, elle est diversement définie (Gérard, 1983). Mais dans le cadre de notre travail, nous nous contentons d'utiliser simplement les deux définitions qui suivent.

S'inscrivant dans une perspective de développement, une politique de population est, selon Hubert Gérard (1983), « un ensemble de mesures et de programmes destinés à contribuer à la réalisation des objectifs économiques, sociaux, démographiques et autres objectifs collectifs en intervenant sur les variables démographiques principales telles que la taille, la croissance, la distribution spatiale (nationale et internationale) de la population (...) tout en mettant l'accent sur l'amélioration de la vie des populations du pays ». Cette définition qui montre la transversalité d'une politique de population s'apparente en partie à celle donnée par le Dictionnaire démographique multilingue selon laquelle une politique démographique consiste en un ensemble de principes explicites ou implicites qui guident l'action des pouvoirs publics dans les matières spécifiquement démographiques ou ayant des conséquences démographiques. Une telle politique peut être « populationniste » si elle vise à favoriser l'accroissement de la population ou « malthusianiste » dans le cas contraire.

En consultant la littérature disponible sur la question, nous remarquons que le courant malthusianiste traverse la quasi-totalité des politiques de population des pays y compris celle d'Haïti. Car le malthusianisme ou néo-malthusianisme vise l'adéquation de la population et des ressources disponibles pour éviter toute situation de pauvreté.

I-2 Le régime haïtien dans la Constitution de 1987: L'Etat unitaire décentralisé

La Constitution de 1987 a défini un nouveau mode d'organisation de l'État. L'État haïtien devra cesser d'être oligarchique, prédateur, exclusif et centralisateur pour devenir un État moderne, démocratique, inclusif et décentralisé. Ce qui lui permettra de mieux répondre à sa nouvelle mission. Car l'Etat est, selon F. Houtard (1995), une institution résultant de rapports sociaux, c'est-à-dire de groupes humains en interaction mutuelle pour la poursuite d'objectifs collectifs dans les champs économiques et politiques. Son rôle consiste à créer les conditions et les cadres juridiques nécessaires à la reproduction ou la transformation desdits champs.

Outre la souveraineté nationale dont l'exercice est confié aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (titre V, article 59), la Constitution de 1987 a innové en créant un Etat unitaire décentralisé qui se repose sur trois (3) niveaux de collectivités territoriales : la section communale, la commune et le département (chapitre 1, article 61). Cette décentralisation effective devra permettre de dynamiser la démocratie et de ce fait, faciliter la participation des citoyens aux affaires publiques.

1-3 La participation : Définitions et Théories

La participation a pris, ces derniers temps, une importance beaucoup plus accrue dans les sociétés démocratiques. Des analystes viennent même à montrer la limite de la démocratie représentative et vantent la vertu de la démocratie participative (Bevort, 2002) qui garantit aux citoyens des droits et libertés beaucoup plus étendus.

Cette participation qui est la composante fondamentale de la démocratie se définit, selon GRIDE (2005), comme l'ensemble des normes, des pratiques et des mécanismes qui permettent aux citoyens de contribuer à la vie d'une organisation ou d'exercer une influence sur la marche des affaires d'une communauté.

La Constitution de 1987 s'inscrit dans cette même ligne de pensée quand, dans son préambule 7, elle fait référence à la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale. Elle a aussi pris soin de bien définir la qualité, les droits et devoirs du citoyen notamment la liberté d'opinion, de réunion, d'association et le droit de pétition (titre III, article 16, 28, 29, section E, art. 31, 31-1, 31-2, 31-3).

Mary Pat Mackinnon (2006) explique, dans son document intitulé « les citoyens et l'aspect horizontal des politiques:un ajustement naturel » que la participation active reconnaît la capacité des citoyens d'examiner et de générer de façon autonome des choix en matière de politiques. Ainsi, nous pouvons dire que cette participation devra permettre aux citoyens de mener des actions collectives et de s'impliquer dans les affaires publiques.

I-4 Action collective et affaires publiques

Force est, cependant, de constater qu'il s'avère difficile de porter les citoyens à participer collectivement aux activités d'intérêt public. En ce sens, Marx et les auteurs marxistes (Montoussé et Renouard, 1977) font comprendre que la mobilisation de la classe ouvrière pour la défense de ses intérêts n'est jamais automatique. Elle se trouve entravée, selon Marx, par la violence physique et idéologique exercée par la classe dominante.

Utilisant une approche psychosociologique, Tarde et Lebon (Montoussé et Renouard, 1977) avancent que, dans une foule, les hommes sont irrationnels et, de ce fait, imitent des meneurs ou se laissent manipuler par eux. Alors que pour Mancur Olson (Montoussé et Renouard, 1977) qui se rapproche d'une certaine façon de la pensée des marxistes, les individus rationnels ayant des intérêts communs ne se mobilisent pas automatiquement pour les défendre. Leur désir de se mobiliser se manifeste après qu'Ils se soient rendus compte que le coût de la mobilisation est inférieur au gain escompté. Dans le cas des biens publics, ces individus inaptes à se mobiliser adoptent tout simplement l'attitude du passager clandestin.

Ces considérations permettent de comprendre que la mobilisation de masse, l'action collective n'est pas chose facile. Mais une fois que les individus parviennent à être conscientisés, à avoir une perception claire des problèmes communs à un groupe, une communauté ou une société, ils vont se mobiliser en portant ces questions d'importance majeure sur la place publique aux fins de rechercher, avec d'autres acteurs politiques, des solutions appropriées. Ce faisant, ces problèmes deviennent, selon Vincent Lemieux (1995), des affaires publiques.

I-5 Les formes de participation

Rechercher des solutions collectives aux problèmes qualifiés d'affaires publiques nécessite, dans le cadre d'une démocratie libérale (Enriquez, 1995), une participation multiforme. Les formes les plus courantes utilisées par les pays qui accordent une attention particulière à la participation citoyenne sont l'information, la consultation, la concertation, le débat public, la conciliation / médiation, la conférence de citoyens ou de consensus, le jury de citoyens ou cellule de planification et les repas de quartier.

Signalons qu'avec l'expansion de l'Internet, certains pays industrialisés développent ces dernières années les « e-gouvernance », «e-administration », « e-participation » « e-démocratie » etc, une façon de faciliter et d'accélérer la participation du citoyen dans la gestion de la chose publique à partir de son ordinateur personnel branché sur la toile d`araignée. Haïti n'est pas encore à ce stade et de ce fait, nous fermons tout de suite la parenthèse. Nous nous contentons de nous pencher alors sur les formes traditionnelles préalablement citées.

· L'information.- Ce paramètre est incontournable et constitue le préalable à tout projet de participation. Il devient impérieux de fournir suffisamment d'informations à la population appelée à participer. Cette information véhiculée à travers les médias traditionnels, médias de masse, Internet, réunions publiques ou autres doit être complète, claire et compréhensible. Ce n'est qu'à cette condition que la population va être investie du pouvoir d'agir.

· La consultation.- C'est lorsqu'en amont d'une politique, les décideurs demandent l'avis de la population afin de connaître ses opinions, ses attentes et ses besoins.

· La concertation.- C'est une attitude globale de demande d'avis sur un projet ou une politique, par la consultation de personnes intéressées par une décision avant qu'elle ne soit prise.

· Le débat public.- C'est une étape importante dans le processus décisionnel qui s'inscrit en amont du processus d'élaboration du projet ou de la politique.

· La conciliation/médiation.- C'est la confrontation de points de vue divergents des participants animés par le désir et la volonté d'aboutir à une solution ou un consensus majoritaire.

· La conférence de citoyens ou de consensus1(*).- C'est le dialogue public, en vue d'un consensus, engagé entre un panel de citoyens profanes (qui ont reçu des experts une formation préparatoire) et des représentants du monde politique, économique et associatif sur des problématiques d'ordre scientifique et technologique (Bévort, 2002). Le rapport final comportant les avis et recommandations du panel de citoyens sera rendu public et remis aux décideurs politiques à l'issue de la conférence.

· Le jury de citoyens ou cellule de planification2(*).- C'est une méthode (Bevort, 2002), à la différence de la conférence de citoyens, qu'on utilise surtout au niveau local et notamment dans le cadre du développement urbain. De fait, un panel de citoyens informés représentant le noyau de leur communauté et divisé en petite « cellule de planification » va remettre - après discussions et évaluation de différentes options relatives à une problématique de planification urbaine - un rapport comportant avis et recommandations aux autorités politiques.

· Les repas de quartier.- C'est aussi une méthode de participation qui s'applique à une sphère géographique très réduite : « Le quartier ». Les premiers repas de quartier hebdomadaires (Bevort, 2002) furent organisés à Arnaud-Bernard, un vieux quartier de Toulouse (France), dans les années 1991-1993. Ils avaient pour but de « contribuer à inventer de nouvelles solidarités, de transformer les mentalités dans notre pays, de prendre à revers la technocratie ». Les participants furent à la fois acteurs et organisateurs de ces repas qui leur offrent l'occasion de se rencontrer en toute convivialité, d'échanger et d'envisager d'autres actions communes.

C'est donc à travers l'une ou deux des formes de participation susdécrites que vont se retrouver les acteurs qui désirent intervenir dans l'élaboration d'une politique publique. Les acteurs intéressés sont les institutions, les groupes, les individus et, de manière plus large, la société civile.

I-5-1 La Société civile.-

Point n'est besoin de rappeler que la société civile joue un rôle prépondérant dans tout processus de participation citoyenne, de démocratie participative. Dans cet ordre d'idées, divers auteurs ont travaillé sur ce thème et montré, à travers leur définition du concept, les acteurs composant la société civile et leurs rapports avec l'Etat.

Pour Saint-Simon (Houtard, 1995), par exemple, la société civile indiquait au 18ème siècle tout ce qui n'appartenait pas au pouvoir politique, c'est-à-dire l'État. Tandis que Hegel voit en elle la médiation entre la forme sociale primaire qui est la famille et la forme la plus élevée, l'État. Dans son étude faite au début du 19ème siècle sur la démocratie aux Etats-Unis, Alexis de Tocqueville (1835 et 1840) constate que les associations libres, en fonction du principe de l'égalité et de la liberté d'opinion, se développent dans la sphère non contrôlée par l'État. Gramsci étend, pour sa part, la société civile à l'ensemble des organismes publics non gouvernementaux, groupes et mouvements exprimant les préoccupations et les droits populaires.

La dynamique constatée dans la vie associative en Haïti, depuis deux décennies, se rapproche davantage de la conception gramscienne de la société civile. On a, en effet, observé à la chute de la dictature des Duvalier en 1986 à un pullulement de comités de quartiers, d'organisations populaires, d'associations socioprofessionnelles, de syndicats, de partis politiques, etc. La plupart de ces associations ont disparu et réapparu avec les conjonctures socio-politiques. Elles ont certainement la vertu de porter tant soit peu la population en général et leurs membres en particulier à s'intéresser aux affaires publiques.

On assiste alors à un nombre appréciable de citoyens qui participent aux élections présidentielles, législatives et municipales en qualité de candidats ou d'électeurs. Ils appuient ou prennent activement part aux manifestations des rues, aux grèves, meeting, réunions-discussions, tribunes libres, etc. Et avec la nouvelle orientation que prend l'élaboration des politiques publiques dans le monde, nos citoyens commencent à se voir impliquer aussi en Haïti dans ce genre de processus. Cet aspect du sujet sera beaucoup plus approfondi au troisième et dernier chapitre de notre recherche.

Chapitre II

La problématique démographique et la politique de population en Haïti

Dans ce chapitre, nous avons tout d`abord porté notre attention sur le processus de transition démographique au niveau de la Caraïbe pour ensuite suivre l`évolution de la démographie haïtienne, esquisser l'historique des politiques de population en Haïti et traiter le document de politique nationale de population.

II-1 La question démographique dans le contexte caraïbéen.-

Nous ne saurions aborder la problématique démographique haïtienne sans la placer dans le contexte caraïbéen, vu la position géographique du pays. Cet espace caraïbéen comporte globalement trente huit (38) Etats et territoires pour une population estimée en 2002 à 250 millions d'habitants avec une densité de 47 hab/km², soit une proportion de 4% de la population mondiale (Insee Guadeloupe Démographie). Vingt cinq (25) de ces Etats et territoires constituent ce qu'on appelle les « Iles de la Caraïbe ». Celles-ci comptent, en 2002, 38 millions d'habitants avec une densité de 163 hab/km², soit 0.6% de la population mondiale.

Il n'y a que cinq pays (Mexique, Colombie, Venezuela, Guatemala et Cuba) qui ont chacun une population de plus de 10 millions d'habitants, soit environ 78% de l'espace Caraïbe.

Le processus de transition démographique s'est amorcé dans la Caraïbe depuis 1950. Elle s'est vue sa population triplée d'une augmentation de près de 176 millions d'habitants avec un taux d'accroissement annuel moyen de 2,4%. A l'exception de Saint-Kitts et Nevis et de Montserrat qui ont enregistré sur la période une baisse de population.

La Guyane a pu remporter la palme avec une augmentation de population de 600% due à la résultante de ces trois facteurs : vagues successives d'immigration - structure par âge de la population jeune - taux de fécondité élevé. Au cours de la période, les îles de la Caraïbe ont connu une hausse de plus de 21 millions de personnes, soit une augmentation de 125% avec 1,6% taux d'accroissement annuel moyen. Leur hausse est ainsi repartie : Cuba, République Dominicaine et Haïti rassemblent plus de 73% de la population tandis que Porto Rico, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago ayant respectivement plus d'un million d'habitants comptabilisent 20%. Ce qui donne au total 93% de l'ensemble de la population des îles.

La croissance démographique de l'Espace Caraïbe s'est ralentie dans les années 1990. Et en faisant la relation entre les taux de natalité, de mortalité et d'accroissement annuel moyen, on a pu établir les quatre (4) stades d'avancement de la transition démographique des pays de l'Espace. Le tableau ci-après que nous avons élaboré à partir des données de l'INSEE Guadeloupe Démographie l'illustre clairement.

Tableau II-1:Stade d'avancement de la transition démographique,

Pays

Taux de Natalité

Taux de Mortalité

Taux d'Accroissement annuel moyen

Transition

Haïti

élevé

élevé

modéré

émergente

Guatemala, Honduras, Nicaragua

élevé

modéré

élevé

en cours

Costa Rica, Mexique, République Dominicaine

modéré

modéré, faible

faible

avancée

Barbade, Cuba, Martinique

faible

faible

faible

achevée

II-2 L'évolution démographique en Haïti

Avant de suivre cette évolution démographique, il serait intéressant de souligner que la République d'Haïti fait partie des grandes antilles. Elle occupe la partie occidentale de l'île d'Hispaniola qu'elle partage avec la République Dominicaine. Cette île se trouve au sud-est de Cuba et à l'ouest de Porto Rico. Avec une superficie de 27750 km², Haïti qui a pour capitale Port-au-Prince est bornée au nord par l'océan Atlantique, au sud par la mer des Caraïbes et à l'ouest par le Canal du vent. Ses premiers habitants étaient des Amérindiens Arawak. Colonisée par les espagnols tout de suite après sa découverte, puis par les français, Haïti fut la première république nègre à conquérir son indépendance en 1804 au terme d`une guerre sanglante. Jadis prospère, ce pays, constitué en grande partie de montagnes et de très peu de plaines, fait face depuis plus de trois décennies à de graves difficultés politiques, économiques et sociales au point de devenir l'unique PMA (Pays moins avancé) du continent américain. Il accuse, en effet, un indice de développement humain (IDH) de 0,482 occupant la 154ème position sur 170 pays, une fréquentation scolaire de moins de 50% avec d'environ 60% d'alphabétisés et un taux de chômage de 32,7%. Son PNB en 2004 est de $US 3690 millions avec une croissance du PIB de -1,00%. Ses secteurs d'activités sont ainsi répartis : 27,40% pour l'agriculture, 16,30% pour l'industrie et 56,30% pour les services. Son taux d'urbanisation est de 40,8%.

Figure II-1: Carte des Républiques d'Haïti et Dominicaine

Source : Encyclopédie Microsoft Encarta 2004

L'histoire démographique d'Haïti (Nations-Unies, 1990) remonte à 1492, date de la découverte de l'île d'Hispaniola par Christophe Colomb. Elle est divisée en trois (3) périodes : 1492 - 1804, 1804 - 1920, 1920 à date.

1ère période:1492 -1804

Lorsque Colomb débarqua avec ses espagnols en 1492, il trouva environ un million d'amérindiens sur l'île. Cette population fut rapidement décimée à cause des traitements inhumains que lui infligeaient les occupants. Il n'y resta que 20000 habitants vers 1600 qui s'établirent dans la partie orientale de l'île d'Hispaniola. Avec la traite négrière, l'extension des plantations et l'immigration significative des français à Saint-Domingue, il y eut une augmentation considérable du nombre d'habitants dont la majorité furent les esclaves. Mais avec la révolte de ces derniers et la guerre pour l'indépendance d'Haïti qui s'ensuivit, la démographie a chuté en 1804 à 500000 habitants.

2ème période: 1804 -1920

On a enregistré une croissance démographique substantielle. La population est passée de 500000 à 2,1 millions d'habitants avec un taux annuel moyen de croissance de 1,4 %. Cet accroissement naturel est dû notamment au fort niveau de fécondité de 8 enfants par femme (des femmes africaines prolifiques transplantées à Saint-Domingue) en dépit de la faible espérance de vie à la naissance estimée à 25 ans, à la structure par âge et au type de société rurale établie.

3ème période: 1920 à 2003

Cette période est aussi caractérisée par l'augmentation de la croissance naturelle mais contrebalancée par une émigration significative. En dépit des crises politiques et socio-économiques successives qui affectent le pays, l'on observe une augmentation accélérée de la population due au fort indice synthétique de fécondité. Pour les quatre recensements réalisés en Haïti de 1950 à 2003, on a enregistré un taux de croissance compris entre 1,3% et 2,4%. On a donc au :

Recensement de 1950: 3,1millions d'habitants avec 1,3% de taux de croissance (1920 - 1950)

Recensement de 1971: 4,3 millions d'habitants avec 1,6% de taux de croissance (1950 - 1971)

Recensement de 1982: plus de 5 millions d'habitants avec 1,4% de taux de croissance (1971 - 1982)

Recensement de 2003 (IHSI, 2003): 8.373750 d'habitants avec 2,4% de taux de croissance (1982 - 2003)

Tableau II-2 : Evolution de la population en Haïti

PERIODE CONSIDÉRÉE

NOMBRE D'HABITANTS

Avant 1492

1000000

1492 - 1804

500000

1804 - 1920

2100000

1920 - 2003

8373750

On peut observer sur le tracé de la courbe que la population haïtienne a connu une croissante lente à partir de 1804 mais qui a quadruplé au cours des quatre-vingts dernières années.

II-3 Les politiques publiques de population en Haïti

Haïti n'a pas une tradition de politique publique de population explicite3(*). D'ailleurs, les politiques gouvernementales, jusqu'en 1970, se trouvaient tout simplement définies à travers les messages présidentiels et les programmes d'actions sectoriels. Elles se trouvent à partir de 1971 exprimées à travers des plans quinquennaux et biennaux.

Ce n'est qu'au début des années 1980 que le gouvernement de Jean Claude Duvalier commença à s'intéresser aux problèmes démographiques et à rechercher des solutions susceptibles de réduire l'accroissement naturel, la migration et d'améliorer les conditions de vie de la population. A cet effet, le document du troisième plan quinquennal (1981-1986) du ministère du Plan comporte une section intitulée « politique de population » qui est officiellement une politique explicite de population.

En 1983, Un comité ad hoc interministériel prépara, à la demande du président de la République, un document de travail intitulé « Politique de Population en Haïti ».

En 1987, le Conseil National de Population (CONAPO) fut mis en place après promulgation du décret du 3 octobre 1986.

En juillet 1989, le processus de formulation d'une politique de population, à la charge d'un comité intersectoriel, fut repris. Cette politique devrait être soumise au CONAPO et au gouvernement au début de 1990.

En mars 1999, le Premier Ministre Jacques Edouard Alexis procéda à la réouverture de la Secrétairerie d'Etat à la Population (SEP) dont la mission principale est de parvenir à la formulation, à l'implantation et au suivi d'une politique de population (SEP, 2000). Effectivement, la politique nationale de population a pu enfin voir le jour en juillet (SEP, 2002).

II-4 Présentation de la politique nationale de population (PNP)

Avec l'émergence de la méthode d'ajustements mutuels, les politiques publiques sont depuis quelque temps caractérisées par leur mode de fabrication (interactions d'acteurs multiples) et leur contenu (produit de ces interactions). Le schéma ci-dessous que nous avons conçu l'illustre bien.

Schéma II-1: Processus d'élaboration d'une politique publique

Mode de

Fabrica -

tion de la

politique

Politique

Publique

Contenu

De la politique

En ce qui concerne les mesures en matière de population, elles gravitent généralement autour des trois (3) paramètres démographiques fondamentaux qui sont la fécondité, la mortalité et la migration.

La politique nationale de population (PNP), telle qu'elle est élaborée dans le document (SEP, 2002) publié par le gouvernement de Jacques Edouard Alexis semble s'inscrire dans le cadre de la « rationalité des acteurs multiples de l'action publique » communément appelée méthode des ajustements mutuels (Massardier, 2003) que nous avons traité au chapitre I et satisfaire à la définition de Hubert Gérard (1983) dans le sens qu'elle vise la réalisation d'objectifs économiques, sociaux, démographiques et collectifs en réponse aux problèmes de population identifiés.

Le document de Politique Nationale de Population (PNP) d'une cinquantaine de pages, préfacé en juillet 2000 par le ministre de la santé publique et de la population, Dr Michaèle AMEDE GEDEON, a été préparé sous la direction du secrétaire d'Etat à la population, Dr Jean ANDRE et publié en juillet 2002. Il comporte - outre une introduction et une conclusion - cinq (5) chapitres qui présentent successivement le problème démographique en Haïti (chap. I), le cadre d'élaboration de la politique de population (chap II), les axes stratégiques d'action et les composantes principales de la politique de population (chap III), les interactions entre la politique de population et les politiques sectorielles (chap. IV) et la mise en oeuvre de la politique (chap V).

Pour mieux appréhender ce document de politique, nous avons utilisé une grille d'analyse de quatre (4) unités :

1. Contexte et justification

2. Philosophie, principes et but de la politique nationale de population (PNP)

3. Les axes stratégiques

4. Structure et procédure de mise en oeuvre

II-4-1 Contexte et justification.-

Au chapitre I, on trouve exposé le cadre référentiel de la problématique de la population haïtienne inscrit dans une triple dimension politique et institutionnelle, socio-économique et démographique. L'accent est donc mis sur la démocratie comme système politique, la gouvernance responsable, l'égalité des sexes et des droits, le partenariat secteur public/privé - gouvernants/société civile, l'évolution sur le plan de la justice et des droits humains, la prise en charge des jeunes, la structure et la distribution spatiale de la population haïtienne, les migration et tendances migratoires, les tendances de l'économie haïtienne, de l'éducation, de la sécurité alimentaire, de l'environnement. Les tendances de l'état de santé de la population accusent un taux de mortalité maternelle de 457 pour mille, une fécondité réelle de 4,8 enfants par femme, une prévalence contraceptive de moins de 20%. Les occasions perdues y ont été évaluées ainsi que les acquis et nouvelles opportunités à saisir.

II-4-2 Philosophie, principes et but de la PNP.-

Au chapitre II est indiqué le cadre constitutionnel et légal de la PNP comme la Constitution de 1987, les déclarations « universelle des droits de l'homme », « américaine sur les droits et devoirs de l'homme », les conférences de « Rio sur l'environnement et le développement (1992) », du « Caire sur la population et le développement (1994) », de « Beijing sur la femme (1995) », d' « Istambul sur les établissements humains (1996) », le Sommet mondial de Copenhague sur le développement social (1995).

Ce chapitre montre aussi les quatre (4) principes respectés par la Politique Nationale de Population (PNP) qui sont l'universalité, la globalité, l'équité et l'autodétermination. On y trouve surtout le but de la PNP qui consiste à «améliorer les conditions de vie du peuple haïtien passant par la gestion rationnelle des variables démographiques en appui à la mise en application synergique de politiques sectorielles dans une optique de développement durable » accompagné des objectifs généraux et spécifiques.

II-4-3 Les axes stratégiques.-

Au chapitre III sont développés les quatre (4) axes stratégiques de base de la PNP :

1) Gestion des variables démographiques incluant la mortalité, spécifiquement la mortalité materno-infantile, la natalité et la fécondité sous-jacente, la migration.

2) Promotion de l'équité de genre

3) Plaidoyer en faveur du droit reproductif

4) Promotion de l'intégration des variables démographiques dans les plans sectoriels de développement

La PNP se propose, entre autres, d'augmenter l'espérance de vie à la naissance, la prévalence contraceptive de 13 à 50 % et de réduire :

a) la mortalité maternelle de 450 pour 100000 naissances vivantes à 100 pour 100000 naissances vivantes

b) la mortalité infantile de 74 pour 1000 à 34 pour 1000

II-4-4 Structure et procédure de mise en oeuvre.-

Au chapitre IV, l'accent est mis sur l'interdépendance des différents secteurs influant sur la vie de l'individu et l'environnement comme la prise en charge des jeunes, l'éducation, l'économie, la sécurité alimentaire, l'environnement, la gouvernance, la justice et les droits humains. La nécessité d'un plan d'actions global et intégré qui doit être suivi par chaque organisme et ministère concerné y est également abordé.

Au chapitre V est défini le cadre institutionnel pour la mise en oeuvre de la politique de population. Il y est finalement proposé la création d'un « Haut Commissariat à la population (HCP) » ou d'un « Ministère de la Population et du Développement Humain (MPDH) ».

En somme, la politique nationale de population (PNP) que nous venons de présenter aurait été, comme indiqué dans la préface et également à la page 19 du document de PNP, le fruit d'une large participation citoyenne à l'échelle d'Haïti.

« Cette politique est le résultat d'un processus laborieux de sensibilisation, (...), de réflexions, d'analyses auquel ont été impliqués, à un niveau ou à un autre, les différents secteurs de la société haïtienne, y compris la communauté internationale 

(...) la large participation qui a marqué l'élaboration de la politique et le consensus qui est entrain de s'établir autour d'elle contribueront à garantir sa pérennité

(...) Le processus qui a abouti à la formulation de cette politique de population a privilégié la sensibilisation de masse, la concertation, les consultations départementales, les ateliers de réflexion, les conférences débats» (SEP, 2002)

Il est donc intéressant que nous nous penchions dans le troisième et dernier chapitre de notre recherche sur ce volet - combien important de nos jours dans la fabrication, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques - qu'est la « participation ».

Chapitre III

L'influence de la participation citoyenne sur l'élaboration de la Politique Nationale de Population (PNP)

L'accent est porté, dans ce chapitre, sur la démarche « participative » (voir schéma plus bas) utilisée par la Secrétairerie d'État à la Population (SEP) pour arriver à l'élaboration de la politique nationale de population. Nous essaierons de voir s'il y a une certaine suite logique entre ces deux moments et faire ressortir les limites de cette participation.

Pour réaliser cette dernière partie de notre travail, nous nous sommes référé, d'une part, au « Rapport des consultations départementales » de la SEP (2000), en esquissant une grille d'analyse de quatre (4) unités :

1. Forme de participation adoptée et objectif poursuivi

2. Mode de désignation et catégorie de participants

3. Procédure et Contenu des consultations

4. Mode de délibération

nous nous sommes servi, d'autre part, des informations tirées des entretiens4(*) que nous avons eu avec deux hauts cadres de la SEP en vue de compléter notre analyse.

Schéma III-2 : Le processus participatif

Mode de délibéra

tion

Participation

Mode de désigna

tion

Procédu-re et Activi-tés

Forme de

Partici

pation

III-1 Forme de participation adoptée et objectif poursuivi.-

La politique nationale de population (PNP) est, sans conteste, une politique transversale. Puisque tout ce qu'on entreprend devrait se faire en fonction des intérêts ou attentes d'une population donnée. Qu'il s'agisse de décisions en matière d'éducation, de santé, d'agriculture, d'économie ou autres. Aussi adresser les problèmes de population reviendra -t-il à interpeller tous les secteurs et catégories sociaux de la vie nationale aux fins de trouver ensemble des éléments de solution. C'est dans ce contexte que s'inscrit l'initiative de la Secrétairerie d'État à la Population (SEP) de recourir à la  «consultation », une forme de participation citoyenne, comme démarche préparatoire à l'élaboration de la Politique Nationale de Population (SEP, 2000). Et cette consultation s'est trouvée combinée à « l'information », une autre forme de participation, susceptible de porter les participants des neuf (9) départements à émettre des opinions et jugements éclairés sur les questions de population qui leur ont été soumises. Ce qui résume les trois objectifs visés par les consultations départementales.

· « Assurer la mise à niveau des Responsables des divers organismes des secteurs public et privé en Haïti, ainsi que des membres de la société civile organisée sur des questions de population et développement humain durable en Haïti »

· « Sensibiliser les secteurs public et privé ainsi que la société civile sur la problématique de population et de développement humain en Haïti »

· « Obtenir la participation de tous les secteurs dans le processus d'élaboration de cette politique de population en leur offrant la possibilité d'identifier les problèmes et de proposer des solutions pouvant orienter les stratégies à adopter pour faire face à ces problèmes ». (SEP, 2000)

III-2 Mode de désignation et catégorie de participants.-

Pour la mise en oeuvre de ce processus de consultations nationales au niveau des neuf départements, la SEP a utilisé la structure déconcentrée du ministère de la Santé publique et de la population5(*) qui couvre tant soit peu le territoire à travers ses directions départementales. Voulant toucher les différents publics intéressés aux problèmes de population en débat, la SEP a réalisé une mobilisation de taille alliant le secteur public au secteur privé (SEP, 2000).

Chacune des entités concernées (secteur privé et public) a délégué des représentants à ces consultations départementales (Tableau ci-dessous). Le mode de désignation est donc la délégation.

Les acteurs du secteur public sont : Les représentants des Directions départementales des ministères, des Mairies, des Casecs, de Hauts Cadres de la Fonction publique, etc.

Les acteurs du secteur privé et de la société civile organisée sont : Les représentants de Partis politiques, des Eglises, des Vodouisants, des Organisations populaires, des Associations professionnelles, etc.

Tableau III-3 : Distribution des participants aux consultations par département et par secteur

Départements

Secteur public

Jour 1

Secteur privé

Jour 2

Total

Artibonite

53

65

118

Centre

62

66

128

Grand'Anse

28

32

60

Nord

37

35

72

Nord-Est

34

27

61

Nord-Ouest

44

63

107

Ouest

38

44

82

Sud

40

49

89

Sud-Est

71

108

179

Total

407

489

896

Source : SEP (2000)

Avec ces représentants ou délégués, la SEP a réalisé deux (2) journées de consultations dans chacun des neuf (9) départements géographiques6(*) du pays. la première journée est consacrée au secteur public et la deuxième journée au secteur privé. L'histogramme ci-après illustre les deux journées de participation par secteur et par département.

Comment donc ces huit cent quatre vingt seize (896) citoyens venus des secteurs public, privé et de la société civile organisée des neuf départements7(*) d'Haïti, avec l'appui des experts et le soutien de la communauté internationale, ont-ils pu débattre les problèmes de population et rechercher des solutions qui devaient servir de matière à l'élaboration de la PNP ?

III-3 Procédure et Contenu des consultations

Le « programme type des consultations départementales » trouvé en annexe du Rapport des consultations départementales (SEP, 2000) nous a renseigné sur la procédure qui a été adoptée pour la tenue des dix-huit (18) journées d'environ neuf (9) heures de temps chacune.

En ce qui a trait à l'aspect « informationnel », deux (2) heures sur les neuf (9) de chaque journée de consultation ont été imparties à la « projection documentaire sur la population et le développement humain en Haïti », à l' « exposé sur le concept de développement durable » sans oublier l'allocution du directeur du département sanitaire et de la présentation des objectifs des consultations. Près de quatre (4) heures de temps ont été consacrées aux « travaux en consultations » et au « rapport des consultations, débats et synthèses ». Les trois (3) heures restantes ont été réservées à l'accueil des invités et participants, la formation des groupes de travail, la pause café et le lunch, la formation du Comité départemental multisectoriel de population et la clôture.

A chaque journée de consultation, cinq (5) groupes de travail ont été formés en vue de débattre chacun l'un des cinq thèmes suivants :

1) Démographie qui comporte les sous-thèmes « natalité, fécondité, mortalité, migration, croissance démographique, urbanisation/aménagement du territoire»

2) Socio-Culturel I qui comporte les sous-thèmes « santé, prise en charge des jeunes, équité de genre/Droit des femmes »

3) Socio-Culturel II qui comporte les sous-thèmes « éducation, culture »

4) Économie qui comporte les sous-thèmes « emploi, coût de la vie, sécurité alimentaire, environnement »

5) Politique qui comporte les sous-thèmes « gouvernance, droits humains, sécurité publique ».

Les participants des groupes de travail respectifs ont eu pour devoir d'identifier un certain nombre de problèmes liés au sous-thème en question et en proposer des solutions.

Nous avons fait choix des trois (3) tableaux8(*) suivants représentant respectivement les sous-thèmes « Natalité, Fécondité et Croissance démographique », « Mortalité » et « Migration » et ayant rapport avec les variables fondamentales de la démographie pour faire voir les différents problèmes qui ont été traités dans les travaux d'ateliers. A noter que chaque groupe de consultation a réalisé la même opération en listant une série de problèmes accompagnés parfois de solutions éventuelles pour chacun des sous-thèmes suscités, soit un total de quinze (15). Les problèmes formulés ont fait, en général, référence à l' « absence de planification, de programme et de politique concernant le sous-thème ou au faible niveau de développement du pays » (SEP, 2000).

Tableau III-4 : Répartition des problèmes identifiés selon les catégories par département par les sous-thèmes Natalité, Fécondité et Croissance démographique

Catégories de problèmes

Art.

Ce

Ouest

N

Sud

S-E

G-A

N-O

N-E

Total

%

Niveau trop élevé

2

2

2

0

3

2

2

1

4

18

10.3

Niveau d'éducation trop faible

6

4

0

2

5

2

1

1

0

21

12.1

Prévalence contraceptive trop faible

3

2

0

2

0

2

2

0

0

11

6.3

Inadéquation, Faiblesse des programmes de sensibilisation en matière de P.F

3

4

0

7

4

1

1

3

1

24

13.8

Démission des parents

1

2

0

0

1

0

0

1

1

6

3.4

Manque de loisirs

2

3

0

0

2

1

1

1

0

10

5,7

Croissance rapide de la population

0

2

1

0

2

2

2

1

2

12

6.9

Autres tabous (pitit se richès)

1

0

2

0

0

3

3

1

1

11

6.3

Chômage et promiscuité

5

4

0

0

6

1

0

3

0

19

10.9

Absence de Plan / Politique

3

0

1

5

0

2

0

0

0

11

6.3

Problèmes structurels

2

0

2

4

2

2

2

3

3

20

11.5

Autres

3

1

0

2

0

0

2

3

0

11

6.3

Ensemble

31

24

8

22

25

18

16

18

12

174

100.0

%

17.8

13.8

4.6

12.6

14.4

10.3

9.2

10.3

6.9

100.0

 

Tableau III-5 : Répartition des problèmes identifiés selon les catégories par département pour le sous-thème Mortalité

Catégories de problèmes

Art.

Ce

Ouest

N

Sud

S-E

G-A

N-O

N-E

Total

%

Niveau trop élevé

0

1

1

0

2

1

1

0

2

8

11.3

Education formelle trop faible

1

0

0

1

1

0

0

1

1

5

7.0

Insécurité trop élevée

0

1

0

0

3

0

0

0

1

5

7.0

Faible niveau d'éducation des jeunes en matière de sexualité

2

0

0

1

0

0

1

0

1

5

7.0

Système sanitaire déficient

2

1

0

3

3

2

0

4

5

20

28.2

Ignorance / Tabous

0

0

0

0

1

0

1

0

1

3

4.2

Absence de Plan / Politique

3

0

0

1

0

0

0

0

0

4

5.6

Problèmes structurels

2

3

0

2

3

0

1

2

2

15

21.1

Autres

0

0

0

3

0

0

1

2

0

6

8.5

Ensemble

10

6

1

11

13

3

5

9

13

71

100.0

%

14.1

8.5

1.4

15.5

18.3

4.2

7.0

12.7

18.3

100.0

 

Tableau III-6 : Répartition des problèmes identifiés selon les catégories par département pour le sous-thème Migration

Catégories de problèmes

Art.

Ce

Ouest

N

Sud

S-E

G-A

N-O

N-E

Total

%

Exode rural

0

1

1

0

4

1

1

0

0

8

18.6

Migration Externe élevée

2

1

1

0

2

1

1

0

2

10

23.3

Manque d'infrastructure en milieu rural

0

0

0

2

4

0

0

0

0

6

14.0

Absence de plan / Politique

2

0

0

2

0

0

0

0

0

4

9.3

Problèmes structurels

1

0

0

3

5

0

0

3

1

13

30.2

Autres

0

0

0

0

0

0

0

1

1

2

4.7

Ensemble

5

2

2

7

15

2

2

4

4

43

100.0

%

11.6

4.7

4.7

16.3

34.9

4.7

4.7

9.3

9.3

100.0

 

III-4 Mode de délibération.-

Une fois les travaux en atelier terminés, des séances plénières se sont tenues en fin de journée. Chaque rapporteur y a présenté à l'ensemble des participants la liste des problèmes identifiés par son groupe ainsi que les solutions proposées pour chaque sous-thème. Des discussions intéressantes en sont suivies (SEP, 2000).

Cette démarche dialogique et interactive a permis aux participants (secteurs privé et public) des neufs départements d'arriver à un consensus autour d'une panoplie de problèmes en rapport avec la problématique de Population et du Développement qu'ils ont identifié et que la SEP a consigné dans le Rapport des Consultations Départementales (SEP, 2000). Ainsi, la présentation des rapports en séance plénière suivie de débats publics et de consensus participe d'un processus de délibération démocratique.

III-5 Rapport entre le contenu des Consultations Départementales et celui de la Politique Nationale de Population

L'analyse des deux documents, à savoir le « Rapport des Consultations Départementales » et la « Politique Nationale de Population », ne nous a pas permis de déceler une relation étroite entre eux malgré le fait que le premier soit vieux de deux ans (SEP, 2000) par rapport au second (SEP, 2002). S'il y a un certain rapport logique entre eux, il n'est qu'implicite. C'est en ce sens que nous avons compris la réponse du directeur de la Population de la SEP à notre question concernant l'influence qu'aurait les consultations sur l'élaboration de la politique nationale de population : «Les experts, en rédigeant la politique nationale de population, se sont simplement inspirés de l'esprit des consultations départementales ». Notre interviewé a poursuivi pour dire, sans le prouver «toutefois, s'il n'y avait pas les consultations, on aurait un autre document de politique de population, pas celui-ci ».

Pour le directeur de la communication de la SEP que nous avons également interviewé, «le contenu des consultations pourrait davantage servir à définir les stratégies d'actions à entreprendre alors que la Politique Nationale de Population ne fait que s'inscrire dans le cadre du Programme d'Action de la CIPD 94 (Conférence Internationale sur la Population et le Développement)» Notons que cette conférence a été tenue au Caire en 1994 et Haïti, en tant qu'un des 179 pays participants, a du honorer ses engagements en formulant sa politique de population de 2002. Celle-ci devrait, en effet, être conforme aux buts et objectifs du Programme d'action de la CIPD 94 qui sont « la croissance économique soutenue dans le cadre du développement durable, l'éducation, en particulier celle des filles, l'équité et l'égalité entre les sexes, la réduction de la mortalité infantile, juvénile et maternelle, et l'accès universel aux services de santé de la reproduction, y compris la planification familiale et la santé en matière de sexualité » (UNFPA, 1994). A signaler que cette velléité des Nations-Unies d'orienter la politique de population des pays remonte au Sommet mondial sur la Population tenu à Bucarest en 1974.

III-6 Les limites de cette participation citoyenne

A ce stade de notre recherche, nous admettons qu'il y a eu une certaine participation citoyenne cristallisée lors des consultations départementales réalisées au cours de la période allant du 14 septembre au 5 novembre 1999 (SEP, 2000). Mais dans le cadre d'une démocratie de proximité, ne devrait-on pas plutôt envisager de les tenir à un pallier de collectivités territoriales inférieur à celui du département ? Vu la situation précaire du pays, il se révèle plus difficile de réaliser de telles consultations au niveau des 565 sections communales en termes du grand volume de temps, de ressources humaines, matérielles et financières qu'il faudrait mobiliser. Le mieux aurait été de les organiser au niveau des 133 communes qui sont, de l'avis de certains spécialistes, le niveau de collectivités territoriales par excellence. De toute façon, nous avons abondé dans le même sens que le directeur de communication de la SEP qui estime que l'échantillon obtenu pour l'ensemble des départements est suffisamment représentatif. D'autant qu'il y a eu des représentants de mairies et de sections communales à prendre part aux consultations départementales. Mais nous n'avons pas eu l'opportunité de consulter la liste des participants - disponible à la SEP - pour voir si cette catégorie de représentants pouvait avoir un poids significatif dans la balance.

Le directeur de la population de la SEP nous a, cependant, affirmé qu'il y a eu une réelle participation citoyenne lors des consultations sans influence aucune des experts ou autres cadres présents. A la question de savoir si un simple exposé et une projection documentaire pouvaient être suffisants pour armer les participants aux discussions, notre interviewé a admis que «ces citoyens devraient avoir des informations beaucoup plus larges et générales ayant trait à des domaines divers pour mieux intervenir sur la question de population». Le directeur de communication de la SEP a, pour sa part, été plus technique dans sa réponse. Il a estimé en se référant à la communication sociale que « les participants, fraîchement exposés à des messages audio-visuels, sont en mesure de réagir convenablement dans les ateliers et de faire oeuvre qui vaille». Cette explication s'inspire du modèle de la communication persuasive de Wayne C. Minnick selon lequel « l'usage de la persuasion du type scientifique permet d'assurer la gestion adéquate des affaires publiques » (Willet, 1992).

Nous ne saurions toutefois écarter l'idée d'une certaine asymétrie dans la participation compte tenu que les gens sont issus de milieux socio-économiques divers et de niveaux intellectuels différents. Ce qui laisse supposer que certains participants ayant eu du mal à exprimer et faire valoir ses points de vue ont dû adopter une attitude de suiviste. Nous n'avons pu avoir le profil détaillé des participants et savoir le mode d'animation utilisé dans les ateliers de travail pour approfondir cet aspect de la question.

Somme toute, ces consultations départementales ont permis d'avoir un mode de participation que nous pourrions qualifier de «participation intellectuelle» (Limbos, 1986). Quitte à se demander si le citoyen ordinaire haïtien, le plus souvent analphabète, ait pu bien jouer sa participation au concert des nantis du savoir et de l'avoir. D'autres études devraient se porter sur cet angle.

A partir des réserves que nous venons de formuler, il importe d'adopter une attitude beaucoup plus critique face à la déclaration du ministre de la santé publique et de la population selon laquelle «l'élaboration du document de politique nationale de population a fait l'objet d'une large participation, ce qui devrait contribuer à établir autour d'elle un consensus et à garantir sa pérennité» (SEP, 2002).

C'est vrai que la SEP a emprunté la démarche participative - via les consultations départementales - aux fins de permettre à un groupe de citoyens de se prononcer sur la problématique de la population mais les informations que nous avons recueillies, tout au cours de notre recherche, nous habilitent finalement à nuancer notre hypothèse par le fait que ces consultations n'ont sinon aucune du moins très peu d'influence sur l'élaboration de la politique nationale de population. Peut-être une influence d'ordre cognitif.

Ainsi, notre hypothèse de recherche n'a pas été confirmée du moins très partiellement. Puisque le paramètre relatif aux « décisions prises dans les grandes assises internationales sur la population» (UNPIN, 1994) semble avoir été beaucoup plus déterminant dans la rédaction du document de politique de population, assurée par des professionnels de plusieurs horizons (économiste, médecins, démographes et communicateur).

Conclusion.-

Nous avons, tout au long de notre travail, mis l'accent sur la nouvelle orientation qu'a connue, dans les années 1970-80, le processus d'élaboration des politiques publiques dans les pays occidentaux. Celui-ci n'est plus l'apanage exclusif de l'État mais la résultante d'une multiplicité d'acteurs sociaux évoluant tant dans la sphère privée que publique. D'où l'émergence de la méthode dite « d'ajustements mutuels ». Nous nous sommes servis justement de ce corpus théorique pour étudier l'influence de la participation citoyenne sur le processus d'élaboration de la Politique nationale de Population.

Au terme de l'analyse des documents de « politique nationale de population » et du «  Rapport des Consultations départementales », nous nous sommes rendus compte qu'effectivement divers acteurs tant du secteur public que privé avaient pris part aux activités préparatoires à l'élaboration de la politique de population d'Haïti (SEP, 2000). Cependant, le processus n'a vraiment pu aboutir. Puisque nous n'avons pu établir le rapport étroit existant entre les consultations départementales et la politique nationale de population. Si la participation citoyenne a eu une quelconque influence, elle a été tout simplement subordonnée au Programme d'action de la CIPD 94 définissant le canevas de la politique de population des pays membres.

Le document de politique nationale de population est, de ce fait, du modèle technocratique. Son élaboration est plutôt l'oeuvre de bon nombre de démographes et de médecins. En tant que politique transversale, elle ne saurait négliger la synergie et la contribution d'autres secteurs. Cependant, le fait que bon nombre d'institutions ou de secteurs concernés n'ont pas été impliqués, ni de près ni de loin, dans le processus d'élaboration de la politique met en doute la large participation dont parle le ministre de la Santé publique et de la population (MSPP) préfaçant le document. 

D'autre part, le mode de désignation des participants aux Consultations Départementales adopté par la Secrétairerie d'État à la Population a permis d'avoir une participation de type « élitiste ». Les délégués ont fait partie justement de l'élite de leur institution ou de leur association. On n'avait pas pensé à faire participer le citoyen ordinaire qui ne soit membre d'aucune organisation comme cela se fait, par exemple, dans la formation de « conférence de citoyens ou de consensus ».

Somme toute, le processus de participation citoyenne, via la tenue des Consultations départementales préparatoires à l'élaboration de la Politique nationale de population enclenché par la Secrétairerie d'État à la Population, a été une expérience assez enrichissante dans un contexte de transition démocratique. L'État haïtien a montré sa volonté manifeste d'associer les citoyens aux grandes décisions publiques. On n'a, certes, pas encore atteint cette finalité. Mais cela ne tardera pas à y arriver.

En matière de politiques publiques en Haïti, on devra s'ouvrir vers une plus large participation citoyenne tant en amont qu'en aval en vue de conférer à ces politiques beaucoup plus de légitimité et de faciliter davantage leur mise en oeuvre. Ce n'est qu'à cette condition que le processus de participation citoyenne amorcé actuellement par la Secrétairerie d'État à la Réforme judicaire (dossier de réforme de la justice) et le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales (dossier de décentralisation et de collectivités territoriales) puisse réussir. On pourrait alors espérer faire une expérience similaire à celle de Porto Alegre au Brésil9(*).

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Site consulté le 17 mai 2006

· Willet, G (1992), La communication modélisée, Une introduction aux concepts, aux modèles et aux théories, Éditions du Renouveau Pédagogique Inc, Ottawa, Canada

ANNEXES

Annexe 1

Guide d'Entretien autour des Consultations Départementales

en vue de l'élaboration de la Politique Nationale de Population

1- Ya -t-il eu une réelle participation des citoyens lors de la tenue des consultations ?

Pas vraiment ? Suffisamment ? Certainement ? Nullement ?

2- Un simple exposé et une projection documentaire sont-ils suffisants pour armer les participants aux discussions ?

Pas vraiment ? Peu suffisant ? Certainement ? Nullement ?

3- Le fait que les consultations ont eu lieu uniquement au niveau des départements, peut-on dire que les opinions recueillies traduisent aussi celles de la population des communes et sections communales du pays ?

Pas vraiment ? Suffisamment ? Certainement ? Nullement ?

4- Ne pensez-vous pas que sans les consultations, la Politique nationale de population aurait eu le même contenu ?

Pas vraiment ? Suffisamment ? Certainement ? Nullement ?

5- En quoi les consultations ont influé sur l'élaboration de la Politique nationale de population ?

Annexe 2

Programme type des consultations départementales

8 :30 - 9 :00 Arrivé des invités

9 : 00 - 9 :30 Ouverture officielle

a) Allocution du Directeur du Département sanitaire

b) Présentation du POP-DEV (projection documentaire à base d'informations et d'images relatives à la Population et au Développement Humain en Haïti)

10 : 30 - 11 :00 Exposé sur le Concept de Développement Humain Durable

11 :00 - 11 :15 Pause café

11 :15 - 11 :30 Formation des consultations

11 :30 - 13 :30 Travaux en consultations

13 :30 - 14 :30 Lunch

14 :30 - 16 :00 Rapport des consultations, Débats et Synthèses

16 :00 - 16 :45 Formation du Comité Départemental Multisectoriel de Population

16 :45 - 17 :00 Clôture

* 1 Cette méthode de participation a été conçue et initiée en 1987 au Danemark. Elle est également pratiquée en France dans une version légèrement nuancée.

* 2 Cette méthode a été expérimentée en Allemagne dans les années 1970 par le sociologue Peter Dienel. On la retrouve utilisée aussi aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et en Espagne.

* 3 Ce qui illustre fort bien la définition de Dye, citée par Thoenig que nous avons évoquée plus haut dans notre travail.

* 4 Le guide d'entretien se trouve en annexe du document

* 5 Son ministère de tutelle

* 6 Les Nippes, au moment des consultations, n'étaient pas encore élevés au rang de département et relevaient de la Grand'Anse. Ce qui , aujourd'hui, va porter le nombre à dix.

* 7 Le département est l'un des trois niveaux de collectivités territoriales, selon la Constitution de 1987.

* 8 Nous avons trouvé ces tableaux dans les annexes du Rapport des Consultations départementales (SEP, 2000)

* 9 La capitale de Rio Grande dans laquelle a été lancé en 1989 le budget participatif. Cette expérience de portée nationale et internationale a traduit le partage de la prise de décision entre les branches exécutives ou législatives et la société civile.






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