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Etude prospective du renforcement de la coordination de l'action humanitaire du ministère des affaires etrangères de l'intégration africaine de la francophonie et des béninois de l'extérieur

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par Horace Madjer GODONOU DOSSOU
Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature du Bénin  - License professionnelle en Diplomatie et Relations Internationales ( mention action humanitaire) 2008
  

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ANNEXE N°1

Extrait du Document hors série n°40 La dynamique de la coordination » de l'Institut
d'Etudes Internationales Thomas J.Watson JR.

Le problème de la coordination des activités humanitaires en Sierra Léone montre combien les conflits de personnalité entre acteurs importants peuvent masquer des difficultés structurales

sous-jacentes et démotiver les intervenants qui essayent de faire preuve d'originalité et d'innovation. Vers la fin 1998, alors que nous effectuions des recherches sur le terrain en Sierra Leone dans le cadre de la présente étude, la responsable du PNUD dans ce pays, Elizabeth Lwanga, était devenue à elle seule le symbole de ce qui allait bien ou n'allait pas bien dans la coordination humanitaire en Sierra Leone - selon le point de vue de la personne à qui on s'adressait. La controverse autour de cette personne indiquait, de façon générale, une faiblesse dans le schéma global de coordination et, en particulier, trois problèmes structuraux bien précis.

Ces problèmes étaient les suivants : la passion intrinsèquement problématique du PNUD en tant que coordinateur de l'action humanitaire, la situation d'impasse au sommet de la hiérarchie de la coordination des Nation Unies et enfin le caractère contradictoire des approches concernant la façon dont les acteurs internationaux devraient travailler ensemble.

Le mandat du PNUD

Si le rôle du gouvernement, en tant que responsable en titre de la coordination, n'était pas négligeable c'était l'ONU qui avait le pouvoir et la capacité d'orchestrer la coordination des interventions humanitaires de la communauté internationale. Bon nombre de participants internationaux pensaient également qu'il n'aurait pas été approprié pour le gouvernement du pays de coordonner l'action humanitaire, parce que ce gouvernement n'était pas neutre dans la guerre civile qui avait entraîné la situation d'urgence. Au-delà de ce débat de principes, cependant, il y avait d'autres problèmes pour le gouvernement de la Sierra Leone. La guerre menaçait sa souveraineté, affaiblissait sa base de ressources économique et politiques au plan intérieur et continuait de faire ses relations avec les pays donateurs de processus de négociation. Les autorités du pays n'avaient d'autre choix d'accepter l'hégémonie de l'ONU. Ainsi, lorsque le FRU et le CFRA ont envahi Freetown à deux reprises, les autorités locales se sont préoccupées davantage (et c'est compréhensible de leur propre survie que de la coordination des secours.

A mesure que le FRU s'est lentement infiltré dans les forêts de régions de l'est et du nord de la Sierra Leone, lors des premières phases de la guerre, la réaction de la communauté internationale face aux changements dans le pays a varié. Certaines divisions sont apparues en 1993, lorsque bon nombre d'agences non liées aux Nations -Unies, qui étaient présentes depuis longtemps dans le pays, comme l'Agence américaine pour le développement international (USAID) et les Catholic Relief Services (CRS), ont commencé à passer de leurs travail de développement à un travail d'intervention d'urgence. Dans le même temps, le représentant résident (RR), qui remplissait également les fonctions de coordonnateur résident (CR) de toutes les activités des Nations Unies dans le pays faisait preuve de réticence à l'idée de décrire la situation comme étant une situation d'urgence sur le plan humanitaire. Comme l'a admis un représentant du PNUD dans ses déclarations en 1998, « l'urgence a commencé avant qu'on se décide à l'appeler urgence ». Ce représentant a aussi indiqué que les attaques des rebelles contre Kabbah en novembre 1994 avaient constitué « le signal pour l'intervention d'urgence » des Nations Unies a lors attribué au RR du PNUD un seconde titre ; celui de coordinateur des affaires humanitaires (CAH). C'est cette décision qui est à l'origine des divisions et des conflits qui ont suivi.

Le PNUD est une agence de développement comportant une Divisions des interventions d'urgence (DIU). A la différence de la plupart des agences d'aide, il adopte une approche axée sur le développement même pendant les conflits et dans les régions en guerre. « Toute notre Coordination tourne autour du renforcement de la Sierra Leone », expliquait Mme Lwanga en octobre 1998. La guerre n'a pas perturbé les politiques de PNUD, qui avaient été élaborées en temps de paix. « La seule matière de traiter avec (le gouvernement), c'est de travailler avec lui », continuait-elle, ajoutant aussi que, en tant que RR, son rôle « est d'harmoniser ce que toutes les agences de l'ONU font sur le plan opérationnel » et de faciliter leur coopération avec les autorités politiques du pays d'accueil. Le fait que le PNUD assume le rôle de coordinateur des affaires humanitaires était approprié, d'après elle, tout simplement parce que, dans son rang de responsable de l'aide de l'ONU sur

le terrain, « le coordinateur résident devrait être le coordinateur des affaires humanitaires ».

Si ce type de déclarations a pu s'attirer des critiques de la part des autres de l'aide en Sierra Leone, la position de Mme Lwanga était parfaitement conforme à la mission et aux buts de son agence. L'un des dirigeants de la DIU au siège social du PNUD à New York expliquait ainsi le raisonnement consistant à demander au RR du PNUD dans un pays en guerre de remplir à la fois les fonctions de CR et celles de CAH dans le pays : « Ces deux [titres] sont combinés dans une seule et même personne afin un pont entre travail humanitaire et le travail de développement ». Le fait d'assumer ce double rôle est important parce que « les agences humanitaires ne prennent pas l'engagement d'établir des liens avec [les agences] travaillant sur le plan du développement ». Ce dirigeant ne voyait donc aucune contradiction et pensait que les deux postes étaient complémentaires.

Du point de vue du PNUD, la guerre et les situations d'urgence humanitaire ne détruisent pas les activités de développement ; elles ne font que les supplanter. Si l'on met en danger les processus de développement pendant les situations d'urgence, alors il convient que le PNUD apporte sons soutien à des initiatives de développement de nature « curative ». Comme l'explique un document du PNUD, « le souci principal du PNUD a été s'assurer, au fil du déroulement du conflit, que l'on établisse des ponts entre les opérations humanitaires et les mesures à venir en matière d'aide au développement humain ».

Alors que le PNUD se considère comme étant un défenseur des activités de développement et un organe de soutien et de facilitation vis-à-vis des institutions gouvernementales, son énoncé de

mission explique aussi que l'agence est « politiquement neutre » et « impartiale ». Etant donnée que le gouvernement de la Sierra Leone était directement impliqué dans la guerre civile, contradictoires, si ce n'est symptomatiques d'une certaine schizophrénie. Mais les responsables du PNUD considéraient que leur approche de guerre et de paix en Sierra Leone était à la fois cohérente et appropriée. Que ce soit en période de guerre civile ou en période de paix, comme le notait un responsable du PNUD en Sierra Leone, « les travailleurs des organismes humanitaires ont à traiter avec les autorités [gouvernementales] locales pour pouvoir offrir leurs services à la population ». L'offre humanitaire exige qu'on ait des relations étroites avec le gouvernement et qu'on maintienne prudemment une certaine distance vis-à-vis des groupes d'opposition, poursuivit ce responsable, parce qu'on ne peut négocier avec [les rebelles du FRU] et s'aliéner ainsi la bonne volonté du gouvernement ».

Quasiment aucune autre agence

internationale en Sierra Leone n'était en accord avec l'approche du PNUD. Ainsi, un responsable d'une autre agence de l'ONU à Freetown faisait une critique qu'on retrouvait un peu partout : « Le PNUD a pour mandat d'aider le gouvernement pour ce qui est de ses objectifs en matière de développement. Il incombe par conséquent au PNUD de se ranger aux côtés du gouvernement.» Si d'autres agences de l'ONU comme « le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et le programme alimentaire (PAM) savent offrir l'aide humanitaire sans prendre parti » dans les conflits civils, le mandat du PNUD, en revanche, « l'empêche de faire de même ». La neutralité de l'UNICEF, du PAM et d'autres organismes des Nations Unis au niveau des opérations d'aide est sans aucun doute discutable.

Mais ce responsable soutenait que, contrairement à bon nombre d'agences de l'ONU qui ont une expérience considérable en matière humanitaires, le PNUD « est un parfait débutant ». Le rôle de coordinateur des affaires humanitaires rempli par le PNUD a constitué, par conséquent, « le plus grand obstacle à la prise en charge des crises par l'ONU » en tant que système.

Le PNUD n'a pas pris de telles critiques sans broncher. « Certaines agences [internationales] s'en fichent complètement de la Sierra Leone », déclarait un dirigeant du PNUD dans le pays parce qu'elles se contentent de distribuer de la nourriture, sans se soucier des aspects politiques de la crise ». A bien des égards, les efforts humanitaires en Sierra Leone ont grandement souffert de confrontations ouvertes entre des figures clés de la coordination dans le pays. On a eu ainsi, un épisode controversé dans la Guinée voisine, qui a parfaitement illustré la gravité de ces divisions et que décrirons un peu plus loin.

L'impasse de l'ONU.

Les responsabilités de l'ONU en matière de coordinateur en Sierra Leone se sont progressivement réparties entre trois organismes distincts. Au début de la situation d'urgence, c'est le PNUD qui a dirigé les efforts de coordination. En 1996, une deuxième agence est arrivée : le Groupe de l'assistance humanitaire (GCAH), représentant local du Bureau de la coordination des affaire humanitaires (BCAH) de l'ONU, connu avant janvier 1998 sous le nom de Département des affaires humanitaires (DAH). L'arrivée du GCAH a entraîné une répartition des activités de coordination de l'ONU sur deux niveaux. Mme Lwanga a continué de remplir les fonctions de coordinateur des affaires humanitaires de l'ONU, tandis que le GCAH est devenu, de façon informelle, l'organisme facilitant la coordination de l'intervention humanitaire, dont les participants allaient bien au-delà de la famille des agences faisant partie de l'ONU.

On s'entendait de la façon générale sur le fait que le GCAH coordonnerait les activités sous la direction du PNUD, mais les relations entre ces deux agences étaient perçues de façon différente de part et d'autre. Les responsables du PNUD envisageaient leurs relations avec les autres agences humanitaires selon un point de vue hiérarchique. Ainsi, en évoquant sa vision du PNUD comme étant l'agence international chargée de la coordinateur des affaires humanitaires, Mme Lwanga expliquait que « le GCAH est l'organisme exécutif qui met en oeuvre la coordinateur », sous la supervision du PNUD, en tant que coordinateur des affaires humanitaire. Le rôle du GCAH était en recherche décrit par un de ses responsables de façon non hiérarchisée, à savoir comme étant le maintien d'un « équilibre entre les agences de l'ONU et les autres ». Par comparaison au principal centre d'intérêt du PNUD, à savoir la coordination entre le gouvernement du pays d'accueil et les agences de l'ONU, il considère la mission du GCAH comme étant beaucoup plus vaste et incluant d'autres intervenants. Pour le GCAH, les « acteurs de la coordination » comprenaient non seulement l'ONU et les agences du gouvernement du pays d'accueil, mais aussi les « autres parties concernées par le conflits : les ONG locales et internationales, les organisations communautaires comme les groupes d'agricultures et les groupes de femmes, les leaders, les leaders des tribus et autres leaders traditionnels et les leaders religieux ».

Le fait que le PNUD déléguait la responsabilité de la coordination des affaires humanitaires au GCAH, mais mettait aussi en oeuvre ses propres activités de développement est tout particulièrement symbolique du conflit entre les différentes conceptions de la coordination.

Ainsi, un responsable du GCAH à qui on demandait pourquoi le travail de développement du PNUD n'était pas coordonné avec les activités humanitaires répondait, avec une grande frustration, que c'était « parce que le PNUD fait du développement » et que le GCAH n'en fait pas. Ce qui était sous-entendu, c'est que le PNUD considérait que son double rôle sur le plan du développement et sur le plan humanitaire n'était pas contradictoire. Les activités de développement du PNUD sapaient cependant sa crédibilité en tant que coordinateur des affaires humanitaires. Son travail sur le plan du développement et sur le plan humanitaire était peut être par le PNUD comme étant une bonne combinaison de « développement de nature curative » et d'action humanitaire, mais, pour de nombreux autres acteurs de la communauté internationale, cette approche semblait chercher délibérément à créer la division. A leurs yeux, en effet, le travail de développement du PNUD, axé sur le gouvernement du pays, était directement en désaccord avec ses responsabilités sur le plan de la

coordination des affaires humanitaire, qui auraient dû s'inspirer du principe d'impartialité. Le style de leadership adopté par Mme Lwanga en tant que CAH et l'approche distincte adoptée par le PNUD en matière d'intervention humanitaire ont ainsi contribué à les isoler, elle et son agence, de bon nombre sinon de la plupart des autres responsables internationaux et des ONG en particulier, tout en leur permettant de maintenir des relations étroites avec les autorités de la Sierra Leone.

L'émergence d'une troisième entité

onusienne au sommet de la structure de coordination, à savoir la Mission d'observation des Nations Unies en Sierra Leone (MONUSIL), a encore compliqué davantage la situation. Cette mission, établie par le Conseil de sécurité de l'ONU le 13 juillet 1998, de situait, non pas avec le PNUD et GCAH dans les locaux de l'ONU au centre-ville de Freetown, mais sur une colline avec vue sur la ville. Pour de nombreux intervenants internationaux, cette localisation symbolisait la position séparée assumée par cette nouvelle instance de l'ONU dans la structure de coordination.

La MONUSIL était dirigée, à l'origine, par Francis Okello, le représentant spécial du Secrétaire général (SRSG) pour la Sierra Leone. Son personnel avait une grande composante militaire, mais comprenait également des observateurs des droits de l'homme du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits des l'homme (HCDH-ONU). Le MONUSIL avait pour responsabilité de surveiller la situation sur le plan militaire et sur celui de la sécurité et de rendre compte des violations des droits de l'homme, mais son rôle en matière de coordination était moins clair. Un des dirigeants de la MONUSIL expliquait que l'arrivée de la mission en Sierra Leone ne perturbait pas la structure de coordination existante ; elle prenait simplement la tête des opérations. « Une fois qu'un SRSG de l'ONU arrive, expliquait-il, il prend automatiquement la tête de la famille des agences de l'ONU. Il coordonne leurs activités sans enfreindre le mandat des autres agences de l'ONU. » Le rôle du SRSG à la tête de la famille était considéré comme venant compléter les activités existantes de l'ONU et non comme une source d'interférence, parce que « le SRSG ne s'implique pas dans les questions d'ordre local »

A l'automne 1998, cependant, les relations entre le PNUD et la MONUSIL étaient devenues difficiles. Les lignes défissent l'autorité de chacun étaient floues. Un responsable de l'ONU en Sierra Leone expliquait qu'il fallait s'y attendre, puisque les deux groupes tiraient leur autorité de départements différents de l'ONU. « Le SRSG relève du Conseil de sécurité de l'ONU, disait ce responsable, tandis qui le RR du PNUD relève de l'Assemblée générale des Nations Unies ». Il expliquait également que la politique de l'ONU était d'attribuer la plus haute

responsabilité au SRSG, tandis que le RR/CAH avait pour responsabilité de mettre en oeuvre des tâches spécifiques de coordination, en consultation avec le SRSG.

Selon bon nombre d'ONG, le conflit entre le PNUD et la MONUSIL devenait de moins en moins important. Comme le disait un responsable d'ONG de longue date, (( les structurales coordination se sont développées en dépit du RR/CAH et, lorsque la MONUSIL est arrivée, la structure de coordination était déjà en place ». Le CAH de la PNUD, ajoutait-il, (( avait essayé d'empêcher les ONG de participer à la coordination » et avait échoué. Plusieurs ONG ont en effet noté qu'elles avaient, au bout du compte, simplement ignoré le PNUD et travaillé en collaboration avec le GCAH en vue de créer une stratégie de coordination plus globale, alors même que le PNUD et la MONUSIL, qu'elles percevaient comme étant favorables au gouvernement et détachés de la scène plus globale de l'aide humanitaire, suivant une voie séparée.

En somme, la présence de trois acteurs institutionnels relevant de l'ONU, qui se considéraient tous trois comme étant des leaders en matière de coordination, mais qui étaient perçu différemment par les autres acteurs de l'aide humanitaire, a compliqué l'exercice de la coordination sur le terrain, mais ne l'a pas entièrement miné. En 1998, les responsables de la plupart des ONG et du comité international de la Croix-rouge (CICR) semblaient considérer le PNUD, la MONUSIL et le gouvernement de la Sierra Leone comme étant essentiellement la même unité. Une telle alliance, qu'elle ait été réelle ou perçu sapait de toute évidence la crédibilité de la MONUSIL et du PNUD en tant qu'agents de coordination. Les opinions concernant le GCAH étaient divisées, mais même ceux qui étaient méfiants à l'égard de son rôle de coordination trouvaient que ses responsables étaient accessibles. Le GCAH n'a peut-être jamais été le leader de la coordination consacré par l'ONU, mais ce sont ses responsables qui étaient les coordinateurs les plus efficaces. Le GCAH se situait peut-être au bas de la hiérarchie de l'ONU, mais il a collaboré avec un vaste éventail d'acteurs de l'aide humanitaire et du point de vue de la plupart des observateurs, a généralement réussi dans son rôle. Le rôle du gouvernement du pays

En Sierra Leone, les structure de

coordination incorporaient souvent en leur sein le représentant officiel avec qui les responsables des agences internationales préféraient traiter, au lieu de la personne de range du ministère du gouvernement approprié. Les responsables des gouvernementaux étaient souvent soit incompétents, soit corrompus, soit les deux. Le fait d'ignorer ainsi les relations formelles de coordination avec le gouvernement en vue de trouver des solutions aux crises urgentes

risque cependant d'avoir crée de nouveau problèmes durables.

(( Les `'bonnes» personnes [au sein du gouvernement] sont repérées comme étant des points d'entrée, déclarait ainsi un responsable d'une ONG. Tout le monde s'adresse alors à [elles] pour tout et bien vite, elles deviennent incapables de faire quoi que ce soit de façon appropriée.

C'est un cercle potentiellement vicieux et leurs collègues [au gouvernement] finissent [bientôt] par appeler de telles personnes les `'mignons des donateurs» et par considérer qu'elles sont à la solde d'intérêts étrangers [et] ne sont pas de vrai patriotes ». En choisissant les représentants gouvernementaux avec lesquels elles veules travailler, les agences internationales envoyaient un message clair aux autorités de Freetown concernant les rapports de pouvoir. Ces agences se défendaient en disant que cela permettait d'accélérer les choses, qu'elles ne faisaient cela que pour aller vite et sauver des vies. Du point de vue du gouvernement, cependant, le message était perçu différemment : c'était les agences internationales, et non le gouvernement, qui avaient le pouvoir dans le pays.

Que rôle en matière de coordination devait jouer le gouvernement dans un pays qui est en guerre et déchiré par les situations d'urgence humanitaire ? On n'a jamais trouvé réponse à cette question en Sierre Leone. A la différence d'états en situation d'échec, comme la Somalie au début des années 1990, le conflit civil en Sierra Leone a affaibli l'Etat sans jamais le détruire. Même lorsque le CFRA et le FRU ont envahi Freetown et entraîné l'exil du président Kabbah, son gouvernement a continué de bénéficier de la reconnaissance de la communauté internationale et à jouer un rôle dans les affaires intérieures du pays. Pour bon nombre d'ONG internationales et d'organismes donateurs en Sierra Leone, le problème de la tension entre le maintien du savoir de neutralité (afin de permettre à toutes les victimes du conflit d'avoir accès à l'aide internationale) et la mise en place d'une sorte de relation de travail avec le gouvernement s'est avéré difficile à résoudre. Cette tension est devenue un thème récurrent dans la politique de la coordination dans ce pays. Elle minait les efforts en vue de trouver une approche commune pour les actions dans le pays et soulignait la nécessité d'agir de façon concertée.

Les agences internationales qui étaient attachées plus fermement aux principes de la neutralité et de l'impartialité percevaient ce qui faisait la force principale du PNUD pendant les années de crise à savoir le maintien de bonnes relations avec le gouvernement de la Sierra Leone comme une faiblesse. Cette perception était tout particulièrement prononcée chez les ONG, car bon nombre d'entre elles étaient en opposition avec la commission

centrale du gouvernement pour la coordination de l'aide humanitaire, c'est-à-dire la Commission nationale pour la reconstruction, le rétablissement et la réhabilitation (CNRRR). Cette commission, créée spécialement par le gouvernement pour coordonner l'aide apportée aux ministères d'exécution (comme le ministère de la Santé et le ministère de l'Education), cherchait à renforcer la mainmise sur la structure de coordination internationale, en se positionnant comme l'homologue du GCAH.

La CNRRR était censée recevoir les résultats des travaux de tous les groupes de coordination et conseiller le Comité interministériel du gouvernement sur les questions de politique humanitaire. En réalité, cependant, son rôle de coordination était moins claire et ses relations avec les autres acteurs gouvernementaux étaient souvent tendues. Un responsable de l'ONU notait ainsi que, même si la CNRRR avait son propre budget de fonds à distribuer aux ministères d'exécution, ces ministères s'opposaient à son rôle de principal coordinateur du travail du gouvernement dans le domaine humanitaire. Le résultat en état que le Comité interministériel présidé par la CNRRR ne se réunissait que rarement. Ce même responsable de l'ONU expliquait que « la CNRRR avait besoin de soutien pour mettre en marche le Comité interministériel » et ajoutait que le PNUD était l'un des obstacles, parce qu'il « concentrait son travail sur [les ministères d'exécution] afin de les soutenir dans leur opposition à la CNRRR », apparemment rangé du côté des ministères d'exécution contrastait avec les relations qu'entretenait le GCAH avec le CNRRR. Dans le même temps, de nombreuses ONG internationales et de nombreux organisme donateurs gardaient leurs distances par rapport à toutes les figures principales du gouvernement, à quelques exceptions près. Et le GCAH semblait certes en mesure de maintenir des relations avec un plus grand nombre d'acteurs de l'aide humanitaire que toute autre agence ce qui constituait une notable et importante mais, comme le notait un Sierra Léonais qui avait une certaine expérience de travail tant avec l'ONU qu'avec le gouvernement du pays, dans son explication convaincante de la supériorité du GCAH avait surtout pris la t^te de la coordination aux dépens de la CNRRR en raison de sa « plus influence » et de ses bien meilleurs relations avec les ONG puissantes bien organisées et bien financées.

Les responsables de la CNRRR réservaient une bonne part de leurs critiques aux ONG. Selon eux, les ONG empiétaient sur leur autorité et leur souveraineté gouvernementale.

Comme le notait un de ces responsables, « les ONG internationales vont là où elles veulent [et] nous ne pouvons pas les coordonner. Il s'agit d'un problème grave pour nous. Parfois, les ONG mettent en place des centre médicaux ou creusent un puits et nous sommes mis devant le fait accompli. Certaines ONG nous envoient un rapport tous les mois, mais elle ne nous disent pas combien d'argent il leur reste. Nous ne connaissons pas leurs plans pour l'avenir. La base de tout le problème est cependant que les ONG s'adressent aux interlocuteurs qui les arrangent au sein du gouvernement. Elles font ce qu'elles veulent. »

D'autres responsables du gouvernent considéraient également les ONG comme une menace pour leur souveraineté. Ils avaient du mépris pour elles parce qu'elles oeuvraient en dehors du gouvernement et se concentraient sur des activités de nature humanitaire au lieur de s `attaquer à ce qui était, selon les termes d'un responsable de la CNRRR à la fin 1998, « nécessaire aujourd'hui, c'està-dire le travail en développement ». Dans une interview avec un responsable du gouvernement, sa conclusion était que « peut-être il faudrait que nous faisions comme les Rwandais ou les Ethiopiens » c'est-à-dire qu'ils expulsent certaines ONG du pays. Il est ainsi à noter que, même si les organismes donateurs comme l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) et l'office of Foreign Disaster Assistance (OFDA) de USAIS gardaient leurs distances vis-à-vis des responsables du gouvernement, ils ne subissaient pas les critiques adressées aux ONG, peut-être parce que le gouvernement continuait à essayer d'avoir accès à leurs fonds.

Les relations entre les responsables internationaux et les responsables nationaux illustraient bien l'impact du caractère sélectif des action sur la coordination. Le fait que les ONG mettaient l `accent sur l'efficacité de l'offre des services mettaient en colère bon nombre de responsables du gouvernement, alors que les organismes donateurs, quant à eux, finançaient de tels groupes en raison de leur capacité d'obtenir des résultats ». Comme l'expliquaient des responsables d'ECHO et de l'OFDA, « nous finançons [ensemble] les ONG directement » parce que ce sont les acteurs principaux, des « professionnels ». Il est possible que cette attitude des organismes donateur ait contribué à susciter à rancoeur du gouvernement du pays. Par comparaison, le gouvernement et les ONG locales ont reçu relativement peu de financement de l'extérieur pendant les années de guerre.

Le message collectif des agences internationales était qu'elles avaient la maîtrise du jeu de la coordination et qu'elles accordaient une plus grande priorité à la réponse aux besoins des populations qu'au respect de la souveraineté. Cette approche fait, bien entendu, partie intégrante de l'action humanitaire dans les situations de guerre civile. Mais la question de savoir si les agences étaient en mesure de conserver la maîtrise du jeu de la coordination allait faire surface par la suite à Ngara.

Là aussi, les aspects réussis de la coordination de l'aide humanitaire ont fini par entrer en conflit avec certains aspects de la souveraineté nationale.

Un événement décisif

L'application de sanctions et l'aide en provenance de l'extérieur du pays lors des guerres civiles prennent souvent une dimension politique et la Sierra Leone n'a pas fait exception cet égard. Après la fuite en exil du gouvernement du président Kabbah suite à l'attaque des rebelles à Freetown en mai 1997, la communauté de l'aide humanitaire s'est divisée en deux groupes. Toutes les agences de l'ONU et bon nombre d'ONG ont établi leurs bases opérationnelles à Conakry, en Guinée, comme l'avait fait l'administration de Kabbah en exil. Le CICR et plusieurs ONG européennes, en revanche, ont maintenu la base de leurs opérations humanitaires, on a observé un effort en vue de coordonner les activités des groupes. L'histoire du travail de ce comité illustre bien les difficultés qu'il y a à maintenir une structure de coordination unifiée lorsque les principaux acteurs sont profondément divisés.

La division au sein de la communauté de l'aide humanitaire s'est révélée lors d'un conflit entre un groupe de premier plan, composé de la CAH Mme Lwanga, du SRSG M. Okello, du président Kabbah et Peter Penfold, Haut-commissaire de la Grande-Bretagne pour la Sierra Leone, d'un côté, et le groupe formé par le CICR et les ONG européennes, de l'autre. La réalité des opérations était plus complexe, cependant. Un certain nombre d'ONG américaines, comme World Vision et Catholic Relief Services (CRS), avaient établi leur base à Conakry tout en continuant à gérer leurs opérations à l'intérieur de la Sierra Leone, avec du personnel local et certains employés qui finissaient par faire le trajet de Conakry à Freetown pour aller au travail.

Les agents d'ECHO sur le terrain faisaient régulièrement des visites en Sierra Leone, alors que leurs homologues de l'OFDA et tous les autres membres du personnel du gouvernement américain restaient en Guinée. Même certaines agences de l'ONU comme UNICEF réussissaient à maintenir un certain niveau d'activité opérationnelle en Sierra Leone, alors que le personnel international était interdit de séjour dans le pays. Les membres de ce groupe « intermédiaire, qui comprenait la majorité de la communauté de l'aide internationale, étaient tiraillés entre les deux pôles de plus éloignés que formaient les deux principaux groupes.

Dès le départ, les membres de ces deux principaux groupes ont perçu de façon radicalement différente le problème fondamental du danger pour les opérations humanitaires. Les membres du contingent du CICR et des ONG européennes basées en Sierra Leone soulignaient l'excellent niveau de sécurité dans les régions rurales et disaient que leur capacité d'apporter de l'aide humanitaire dans les zones extérieures à la capitale était meilleure qu'elle l'avait jamais été depuis le début du conflit en 1993-1994. Ils disaient que c'était dû au déplacement des forces du FRU vers la capitale, alors que, auparavant, elles faisaient leurs patrouilles dans les forêts de l'intérieur des terres. Le personnel international des ONG basées à Conakry qui se déplaçait en Sierra Leone était, de façon générale, en accord avec ce point de vue.

Bon nombre d'organismes établis à Conakry, cependant, avaient un point de vue différent. Les responsables des agences de l »'ONU, certains articles dans la presse, le gouvernement en exil, les responsables de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de son groupe de contrôle (ECOMOG), ainsi que d'autres encore soutenaient que la Sierra Leone était trop dangereuse pour les opérations de secours. Ils concentraient leur attention non pas sur les régions rurales, mais sur Freetown, où la junte était basée. Bon nombre d'entre eux soutenaient également les sanctions imposées aux dirigeants de la junte par la communauté internationale.

Au bout du compte, le président en exil et ses défenseurs sont devenus hostiles aux ONG européennes et au CICR, qui n'étaient jamais partis de la Sierra Leone. De leur point de vue, l'offre de service d'aide à l'intérieur du pays soutenait la junte. Pourtant, Kabbah et ses défenseurs ne condamnaient pas toutes les agences offrant de l'aide à l'intérieur de la Sierra Leone. Ils ne dénonçaient que celles qui avaient maintenu leurs quartiers généraux en Sierra Leone ( c'est- dire le CICR et les ONG européennes), qui étaient pour eux les « ONG de la junte ». Les ONG comme les CRS, World Vision et Care ne faisaient pas l'objet de telles critiques.

La politique a pris le pas sur l'humanitaire à Conakry. Après la signature des accords de Conakry par les dirigeants du FRU et du CFRA et par le gouvernement de Kabbah à l'automne 1997, la CEDEAO étaient censée superviser un plan de paix par étapes de six mois. Même si la CEDEAO avait invoqué des sanctions à l'encontre de la junte pendant cette période (avec le soutien de l'ONU), ce plan de paix exigeait également un mécanisme visant à faciliter l'offre de l'aide humanitaire » en Sierra Leone. Ce mécanisme a vu le jour sous la forme du Comité des exemptions humanitaires.

Ce comité comprenait des représentants des agences de l'ONU et des ONG internationales, ainsi que des observateurs de la CEDEAO et des gouvernements de la Guinée et de la Sierra Leone. Sa tâche consistait à étudier les demandes d'exemption de certains services humanitaires par rapport aux sanctions imposées par la CEDEAO et de faciliter l'offre de ces services en Sierra Leone. La CEDEAO, le GCAH et SRSG étaient considérés comme étant les principaux acteurs au sein de ce

comité, ainsi que Mme Lwanga a indiqué, par la suite, que le comité avait approuvé toutes les quatre demandes d'exemption qu'il avait reçues et ce fait est généralement accepté par tous. Le conflit qui a fait surface portait sur ceux qui empêchaient les secours humanitaires de traverser la frontière et d'entrer en Sierra Leone.

Certains responsables de l'ONU ont accusé la CEDEAO. Elle aurait empêché la livraison des services, selon l'un d'entre eux. (( La CEDEAO plaçait des contrôleurs a, la frontière, qui étaient chargés de donner l'autorisation d'importer les biens expédiées - mais elle avait peu de personnel pour remplir cette tâche. » Les efforts faits par le GCAH pour payer les salaires des contrôleurs, afin d'accélérer les procédures de contrôle a la frontière, n'ont jamais pu passer la frontière et entrer en Sierra Leone. Pour ses nombreux détracteurs, l'échec du Comité des exemptions humanitaires en matière de coordination des secours était délibéré et avait des motivations politiques. De leur point de vue, le fait des bloquer l'arrivée de l'aide dans le pays, qui était alors sous la domination du FRU et du CFRA, venait a l'appui de l'opinion du président Kabbah, selon qui on utilisait le riz en Sierra Leone comme ` arme de guerre' ». La livraison de la nourriture était censée attendre le retour de Kabbah, même si cela voulait dire qu'il y aurait des civils qui mourraient de faim en attendant - ce qui semble effectivement avoir été le cas pour des milliers de Sierra Léonais.

L'échec du comité a eu un impact prolongé sur les efforts de coordination. Vers la fin 1998, a Freetown, un an après la formation du Comité des exemptions humanitaires, la simple mention de ce comité suffisait encore a susciter des débats virulents sur ce qui était arrivé et sur l'identité des responsables. L'un des nombreux responsables de l'aide humanitaire sévèrement critiques a l'égard de la position adoptée collectivement par le SRSG, le président Kabbah et Mme Lwanga sur cette question s'exprimait ainsi : (( Leur stratégie a marché : le fait d'empêcher l'aide humanitaire d'entrer dans le pays a contribué a ramener Kabbah en Sierra Leone. » Ce processus a fait beaucoup de tort, cependant, l'ONU sur le plan de sa crédibilité en tant que leader au sein du Comité des exemptions humanitaires. Les Nations Unies se sont ainsi mises dans une position où elles (( bloquait leurs propres opérations [humanitaires et] empêchaient l'aide humanitaire de franchir la frontière ». Mme Lwanga et d'autres ont certes contestés cette version des évènements, mais le soutien apporté par le PNUD et le SRSG au régime de Kabbah, tant a Conakry qu'après le retour de Kabbah a Freetown au début 1998, a confirmé les soupçons concernant, le poids plus important accordé aux objectifs politiques qu'aux buts de l'aide humanitaire.

A l'opposé de la confrontation, on trouvait le CICR et les nombreuses ONG qui considéraient que leur but ultime était d'offrir une assistance humanitaire a tous les civils affectés par la guerre. (( Nous essayons non pas tant d'être neutres, déclarait un responsable d'ONG, que d'être impartiaux. Comment faire pour atteindre les gens qui se trouvent dans le camp adverse ? Il faut être aussi impartial que possible. » Un responsable du CICR déclarait quant lui que son organisation cherchait a adopter une position neutre, qu'il définissait comme étant une (( position de soutien a ceux qui souffrent. ». Même si soutenir ceux qui souffraient derrière les lignes de combat du FRU était devenu quasiment impossible une fois que la guerre avait repris en 1998, ce responsable du CICR soutenait, de concert avec les responsables des ONG européennes, que (( si un des groupes [humanitaires] est perçu comme ayant pris parti pour le gouvernement, alors on n'a aucune chance d'arriver a aider les gens qui souffrent dans les territoires détenus par les rebelles. ». De leur point de vue, les politiques favorables au gouvernement du PNUD et des autres agences de la même mouvance donnaient l'impression que toute forme d'aide humanitaire avait des motivations politiques et était contre le FRU - et cela avait pour conséquence de bloquer les efforts faits en vue d'aider les civils du côté des rebelles.

Alors que le CICR et certaines ONG s'efforçaient d'être perçus comme étant neutres ou impartiaux, ce n'était pas le cas des autres agences humanitaires. Le principal objectif de ce deuxième groupe était de soutenir un gouvernement démocratiquement élu contre le FRU, qui avait commis des atrocités en matière de droits de l'homme. Comme l'observait le responsable d'une ONG, la question était (( simple comme noir et blanc. Certains [soldats du FRU] commettent des violations des droits de l'homme et les [soldats de la CEDEAO et du gouvernement] n'en commettent pas. Il s'agit d'une opposition entre un gouvernement démocratiquement élu et les auteurs de violations des droits de l'homme. » Un responsable de l'ONU est même allé plus loin, en exprimant le point des vue que (( le refus [des autres acteurs de l'aide humanitaire] de prendre parti, de reconnaître qui a raison et qui a tort, va perpétuer la crise ». Les responsables du CICR et des ONG européennes ont répondu a cela en disant que certains soldats du gouvernement avaient eux aussi commis des atrocités, même si c'était a un degré nettement moins élevé que le cas du FRU. Leur point de vue, leur fidélité au principe humanitaire de base qu'est la neutralité a été interprétée, a tort, comme une certaine sympathie pour la cause du FRU, parce que l'offre de l'aide humanitaire était devenu extrêmement politisée.

Ce phénomène de politisation est quelque chose qu'on retrouve souvent lors de la mise en application de sanctions et de l'offre d'une aide internationale au cours des guerres civiles. Dans cette opposition, cependant, les deux côtés avaient une conviction en commun : ils étaient convaincus que leurs opposants rendaient leur travail beaucoup plus difficile. L'imbroglio du Comité des exemptions humanitaires avait exposé à ciel ouvert le débat entre démocratie et impartialité/neutralité et endommagé de façon irréversible les relations entre les agences. Malgré cela, cependant, les agences humanitaires les plus politisées -- c'est-à-dire le PNU et la MONUSIL -- n'étaient généralement pas impliquées directement dans les activités au niveau des différents secteurs et l'aide aux civils derrière la ligne de front est restée plus un but qu'une réalité. Ceci a eu pour conséquence que les différences d'ordre philosophique, si prononcées qu'elles soient, sont restées limites à la communauté de l'aide humanitaire et que le travail d'aide aux civils s'est quand même poursuivi.

Le point de vue des organismes donateurs

En dépit de tous ces désaccords marqués faisant intervenir quasiment toute la communauté de l'aide humanitaire internationale en Sierra Leone, les deux principaux organismes donateurs - c'est-à-dire l'OFDA et ECHO - ont réussi à continuer de coordonner la plupart de leurs activités l'un avec l'autre. Cette réussite était liée à un certain nombre d'éléments importants. Tout d'abord, les deux organismes étaient de l'opinion qu'ils < obtiendrai [en]t de meilleurs résultats des deux côtés s[`ils] coordonnai[en]t bien [leur] travail ». La coordination entre l'OFDA et ECHO était une réussite, d'après eux, < parce qu[`ils faisaient] en sorte qu'elle marche ». Deuxièmement, leur choix de préserver le caractère informel des liens de coordination entre l'OFDA et ECHOP a aidé. Comme le disait un responsable de l'OFDA, < la coordination, ça marche [en Sierra Leone] parce que personne n'en fait une montagne ».

Le troisième facteur était l'expérience. Les représentants de l'OFDA et ECHO sur le terrain étaient arrivés à leur poste avec une certaine expérience professionnelle dans la région et entretenaient de bonnes relations avec leurs supérieurs dans leurs agences respectives. Quatrièmement, ils ont effectué, en collaboration avec leurs collègues des délégations des gouvernements de l'Union européenne et des Etats-Unis résidant en Afrique de l'Ouest, des études sur le terrain qui ont souvent débouché sur un financement conjoint pour certaines ONG. Cinquièmement, les représentants d'ECHO et de l'OFDA mettaient régulièrement en commun leurs informations sur les ONG et sur la situation générale en Sierra Leone, afin d'éviter de faire double emploi et de renforcer leurs connaissances concernant l'efficacité des

opérations et du programme des ONG. Cette collaboration réussie entre l'OFDA et ECHO a également été aidée par le fait que leurs gouvernements donateurs respectifs avaient des politiques globalement compatibles vis-à-vis de la Sierra Leone, qui était, selon les termes d'un responsable d'ECHO, < un petit endroit oublié » où les représentants de l'OFDA et d'ECHO pouvaient < faire ce qu'[ils] voulai[en]t » sans trop d'interférence de la part de leurs instances dirigeantes.

Le fait que les deux plus grands organismes donateurs de l'aide humanitaire puissent travailler en collaboration harmonieuse dans un tel contexte de discorde était remarquable. Les responsables d'OFDA et d'ECHO étaient, de façon générale, compréhensifs vis-à-vis des principes des droits de l'homme et de l'aide humanitaire qui divisaient la communauté et parvenaient à maintenir d'assez bonnes relations avez presque tous les acteurs de l'aide humanitaire. Dans le même temps, leur évaluation des capacités de gestion du gouvernement du pays était généralement très négative et le soutien fort qu'ils apportaient aux ONG exacerbait le conflit entre les ONG et les autorités de la Sierra Leone. Les deux organismes étaient tout particulièrement critiques vis-à-vis de ce qu'ils considéraient comme l'échec de l'ONU sur le plan de la coordinations, dont ils rejetaient la responsabilité sur la MONUSIL et le PNUD. L'OFDA et ECHO différaient, cependant, sur le plan de leur appui aux agences de l'ONU. ECHO était réticent à l'idée de les financer et était parfois extrêmement critique vis-à-vis de leurs opérations, tandis que l'OFDA finançait certaines des agences de l'ONU et en particulier le GCAH, tout en évitant d'autres.

Est-ce qu'il aurait fallu considérer la guerre civile en Sierra Leone comme un conflit une démocratie en émergence et une opposition impopulaire coupable de grave violations des droits de l'homme ? S'il y a une leçon à tirer du cas de la Sierra Leone, c'est que même si les principes de neutralité et d'impartialité de l'aide humanitaire ont souffert en raison de la politisation de la situation, les activités humanitaires se sont malgré tout poursuivies. L'urgence qu'il y avait à apporter des secours a régulièrement pris le dessus sur le soutien à la démocratie. Les organismes donateurs occidentaux faisaient partie de ceux qui étaient réticents à l'idée de faire au gouvernement, même s'il s'agissait d'un gouvernement élu démocratiquement dont on avait l'impression qu'il luttait contre une racaille de sadiques.

Comme le disait le responsable d'un organisme donateur, la raison de l'intervention n'avait rien à voir avec des principes.

Le problème central était un problème pratique : le temps. < Le développement, c'est un

investissement pour l'avenir, expliquait-il. L'idée humanitaire, c'est fait pour sauver des vies aujourd'hui. » Pour conclure, il ajoutait : « soutenir le développement pour l'avenir, ça n'a pas de sens quand il y a des gens qui sont en train de mourir. »

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