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Problématique de la mise en oeuvre de la décentralisation financière en République Démocratique du Congo

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par Jacques Nkongolo Musungula
Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Maà®trise en Sciences Economiques (Economie et Finances Publiques) 2007
  

Disponible en mode multipage

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 2

CHAPITRE I : DECENTRALISATION FINANCIERE EN RDC,

UN PROCESSUS BOITEUX 15

Section 1 : CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL, INCOMPLETUDE

DES DISPOSITIONS LEGALES 15
Section 2 : PRATIQUES DE LA DECENTRALISATION, LE PROCESSUS

D'ENLISEMENT CONSACRE 31

CHAPITRE II : REDRESSEMENT DE LA DECENTRALISATION

FINANCIERE EN RDC, JUSTIFICATION ET ASPIRATIONS 59

Section 1 : CONTEXTE JUSTIFICATIF D'UNE NOUVELLE APPROCHE 59

Section 2 : STRATEGIES DE REDRESSEMENT, UNE NOUVELLE

TRANSVERSALE 63

CONCLUSION 81

INTRODUCTION

La décentralisation s'est imposée dans la majorité des pays du monde, en tant que réforme politique et institutionnelle, depuis les années 1980. Ceci à la suite des mutations socioéconomiques ayant marqué cette époque, notamment : la remise en cause du keynésianisme et de l'Etat-providence en faveur de l'orientation vers la logique du marché ; la fin des conflits internes et l'abandon des procédures autoritaires dans un grand nombre de pays du Sud ; ainsi que l'effondrement de l'Union soviétique1.

C'est dans ce contexte que la République Démocratique du Congo, RDC en sigle, s'engage formellement, dès 1982, dans son processus de décentralisation, lequel se trouve aujourd`hui conforté et relancé par la Constitution de 2006. Mais, en dépit de son institutionnalisation, la décentralisation en RDC demeure confrontée à de multiples problèmes, particulièrement ceux d'ordre financier.

En effet, les informations émises à Kinshasa sur la retenue à la source d'une partie des recettes du Trésor en faveur des provinces et des entités territoriales décentralisées ainsi que sur l'utilisation qu'en font les autorités locales, montrent en fait que l'impact socioéconomique de la décentralisation financière n'est pas perceptible sur terrain. De même, cet impact sur la fiscalité locale laisse apparaitre des écarts évidents et persistants entre les textes et la réalité, entre les promesses et les réalisations, entre la théorie et la pratique, alors que l'importance des finances publiques dans l'équation du développement local n'est pas à démontrer « tant elles sont le plus souvent considérées comme l'épine dorsale, la colonne vertébrale, le nerf, les poumons, le thermomètre, la toile de fond, la pierre angulaire ou mieux l'âme de la décentralisation » 2.

Ce constat ne nous laisse pas indifférent. Nous avons jugé opportun de contribuer à la réflexion y relative à travers le présent mémoire de Maîtrise dont le sujet est intitulé : « Problématique de mise en oeuvre de la décentralisation financière en République Démocratique du Congo ».

1 Cités et Gouvernements Locaux Unis, (2007), Premier Rapport Mondial sur la décentralisation et la démocratie locale , Groupement de recherches sur l'administration locale en Europe (Grale) ; le Grale est un réseau scientifique international attaché au CNRS (Paris)

2 Epee, G. et Otemikongo, M. (1992) ; « Entités territoriales décentralisées et financement public du développement local au Zaïre » ; Zaïre-Afrique ; N° 266. juin-juillet-août 1992 ; PP 347-355

Ainsi que le suggère cet intitulé, notre recherche portera sur le territoire de la RDC et se focalisera sur la période allant de 1982, année de la réforme décentralisatrice initiée sous la Deuxième République3, à 2009, année d'intensification des débats sur la décentralisation financière et le découpage territorial prévus dans la Constitution de la 3ème République4.

Cela étant, la revue de la littérature traitant des aspects financiers de la décentralisation en général et ceux relatifs à la RDC, en particulier, met en relief une problématique se présentant sous deux aspects complémentaires. Il s'agit, d'un côté, de la praticabilité du projet décentralisateur dans son ensemble et, de l'autre, du financement de la décentralisation.

Concernant la praticabilité du projet décentralisateur dans son ensemble, on a mobilisé les travaux de Watchter, Komlavi, Vunduawe, et Wendjo.

Les réflexions conduites par Wachter (1989) proposent, en partant du cas de la France, des éléments de réponse à la problématique d'efficacité du projet décentralisateur, problématique formulée en ces termes : «Cette politique gouvernementale a-t-elle atteint les objectifs qui lui étaient assignés ? En externalisant des charges de gestion du collectif au bénéfice des collectivités locales, l'Etat a-t-il amélioré le rendement des interventions publiques tout en assurant l'obtention d'un supplément de démocratie ? »5. Observant la morphologie des marchés nationaux et locaux d'interventions publiques pour appréhender les pouvoirs et les rôles exercés par les autorités centrales et locales et les interdépendances qui en découlent, lesdites réflexions arrivent à la conclusion que l'innovation majeure induite par la politique publique de décentralisation est la transformation des autorités décentralisatrices en autorités régulatrices. Dans ce cadre, des adaptations par la pratique sont réalisées pour permettre l'applicabilité des mesures édictées et ce, au fur et à mesure que des problèmes concrets de coordination entre les politiques nationales et les politiques locales émergent et appellent une solution ; telles que la délimitation plus rigoureuse des compétences des acteurs locaux, l'adaptation des transferts financiers décentralisés et le statut du personnel des collectivités territoriales.

3 La Deuxième République se confond avec le règne du Maréchal Mobutu en RDC, alors Zaïre, de 1965 à1997.

4 La Constitution de la 3ème République est celle qui régit la vie publique et institutionnelle en RDC depuis sa promulgation le 18 février 2006

5 Wachter, S. (1989) ; « Décentralisation et marchés d'interventions publiques », in Wachter et al ; Politiques Publiques et Territoires ; L'Harmattan ; PP 7-21

Ce qui permet, selon Wachter, à la politique publique de décentralisation d'assurer l'efficacité économique tout en privilégiant la stabilité6.

Komlavi (2002), qui s'est préoccupé du changement politique et social induit par la décentralisation au Niger, aborde la « gouvernance comme une confrontation des logiques d'acteurs autour d'enjeux locaux, plutôt que généraux ou globaux »7. Pour lui, le projet de décentralisation dans ce pays se confond avec un retrait de l'Etat qui semble laisser la porte ouverte à diverses formes d'appropriation et de dérives. C'est ainsi qu'il conclut que « face à des logiques d'appropriation et d'accaparement des biens collectifs, dans des situations de concurrence pour le pouvoir et le contrôle des ressources (matérielles, humaines et financières), et à des pratiques clientélistes et corruptrices, la main invisible d'Adam Smith ne fonctionne pas tel que l'entendent les initiateurs de la décentralisation »8.

C'est dans le cadre d'une tentative de réponse à la question de savoir « pourquoi et comment la décentralisation territoriale des responsabilités en RDC » 9 que Vunduawe (1992), après avoir exposé les motivations profondes à l'origine de la réforme décentralisatrice de 1982, la manière dont elle a été conduite et sa portée exacte, arrive à la conclusion que les conditions de réussite de la décentralisation en RDC se situent au triple plan des hommes, des ressources financières et du comportement du pouvoir central.

Sur le plan humain, estime-t-il, il faut des « hommes à l'esprit décentralisé pour conduire le programme de décentralisation ; des hommes compétents, crédibles et surtout politiquement engagés »10.

6 Wachter, S. (1989); op.cit. ; P.18

7 Komlavi, E. (2002) ; « La chefferie coutumière face au projet de décentralisation dans une localité de l'Ouest nigérien » ; Bulletin de l'Association Euro-Africaine pour l'Anthropologie du Changement Social et du Développement ; N° 23-24 ; Juin-Décembre 2002 ; PP 69-85.

8 Ibid ; P. 85

9 Vunduawe, T. (1982) ; « La décentralisation territoriale des responsabilités au Zaïre. Pourquoi et comment ? » ; Zaïre-Afrique ; N° 166 ; Août 1982 ; PP 327-343

10 Vunduawe, T. (1982); op.cit. ; P. 342

Sur le plan des ressources, préconise-t-il, les provinces et entités territoriales décentralisées devront faire preuve d'imagination pour générer leurs propres ressources tandis que l'Etat n'interviendra en leur faveur qu'à titre d'appoint sous forme d'interventions diverses. Concernant le comportement du pouvoir central, Vunduawe suggère que ce dernier puisse jouer correctement son « rôle de tutelle, de contrôleur, de modérateur et de régulateur » 11.

Wendjo (1994) qui analyse l'expérience de décentralisation sous la 2ème République en RDC, se pose en substance la question de savoir « comment relancer et améliorer le crédit territorial auprès de la population tant urbaine que rurale ». Estimant que la résignation et la méfiance qu'entretient la population vis-à-vis de la territoriale constitue un handicap sérieux à tout effort consistant à mobiliser les ressources disponibles, y compris les ressources financières, au service du développement, il insiste, pour conclure, sur l'implication et le rôle de trois groupes d'acteurs stratégiques ci-après : les territoriaux, les partis politiques et la société civile. En ce qui concerne la territoriale dont il épingle sept tares (ignorance, clientélisme, irresponsabilité, incompétence, corruption, égoïsme, mensonge), Wendjo estime que quatre axes prioritaires devraient constituer l'épine dorsale de tout effort de démocratisation de la gestion des entités territoriales décentralisées ou d'adoption d'une forme de gestion participative qui puisse rendre la territoriale efficace et opérationnelle à savoir : « réévaluer les objectifs de la territoriale ; déterminer les critères et les procédures

de choix des territoriaux ; développer la formation ; et, répartir équitablement l'appuilogistique et les compétences dans la gestion des ressources » 12. Les partis politiques selon le

même auteur, ont pour mission l'information et l'éducation des masses concernant le processus de démocratisation ; tandis que la contribution de la société civile s'avère incontournable devant la faillite, la démission ou la paralysie des structures étatiques.

Bien que la problématique d'ensemble portant sur le bien-fondé et les conditions d'application du projet décentralisateur ne néglige pas les aspects financiers, les travaux de Bouvier, Paulais, Yatta, Epee et Otemikongo, et Mabi se concentrent particulièrement sur ces derniers et sont instructifs à plus d'un titre.

11 Vunduawe, T. (1982); op.cit. ; P. 343

12 Wendjo, P. (1994), Pour un renouveau de l'effort de développement à la base, Noraf

Bouvier (1998), dans une vaste réflexion sur les finances locales en France, s'attache à la description et à la reformulation des procédures et techniques des finances locales telles qu'elles se trouvent placées au coeur du dispositif de changement et du nouveau processus de régulation qu'induisent les transformations de l'Etat dans le cadre de la décentralisation des collectivités territoriales. Après avoir démontré l'importance capitale et la montée en puissance des finances locales, lesquelles apparaissent comme un des éléments essentiels pour juger de l'accomplissement de la réforme décentralisatrice, et après avoir décrit les différentes ressources financières reconnues aux collectivités locales ( fiscalité locale, concours de l'Etat, emprunt, gestion du patrimoine et des services locaux), Bouvier arrive à la conclusion que l'approche technique et de gestion des finances locales, bien que nécessitée par le nouveau contexte n'est pas suffisante ; elle doit toujours s'accompagner d'un intérêt marqué vis-vis de la qualité du lien social, car « c'est bien la solidarité qui constitue depuis toujours la raison d'être des communautés locales » 13.

Paulais (2006) se demande, lui, comment vont être financés les besoins en investissements des villes africaines, le taux d'urbanisation de ces dernières devant dépasser les 50% d'ici 2030 ? Pour lui et en guise de réponse à cette problématique, le financement des investissements desdites villes devra être envisagé comme un marché potentiel pour les opérateurs financiers privés et les bailleurs de fonds qui pourront désormais intervenir directement en termes de prêts dits sous-souverains, étant donné que les Etats sont de plus en plus nombreux qui manifestent leur réticence à accorder leur garantie aux emprunts sollicités par les collectivités territoriales craignant d'alourdir la dette publique.

Concrètement, Paulais (2006) souhaite que, devant l'ampleur des besoins dans les décennies à venir, le processus de responsabilisation et d'autonomisation permette de relever les défis qui limitent l'implication des collectivités locales comme acteurs financiers directs. Aussi, suggère-t-il que « l'aide public au développement (APD) crée les conditions de l'action et donne aux collectivités locales les moyens de se financer plutôt que de les financer directement »14.

13Bouvier, M. (1998), Les finances locales, Librairie générale de droit et jurisprudence

14 Paulais, T. (2006) ; « Comment vont être financés les besoins en investissements des villes africaines » ; La Revue Africaine des Finances Locales ; N°9 ; Octobre 2006 ; PP 5-8

Pour répondre à cette préoccupation, il estime que la décentralisation fiscale se pose comme condition nécessaire à la mise en oeuvre par les collectivités locales des objectifs du millénaire pour le développement. C'est dans cette logique qu'il propose ce qui suit pour renforcer la décentralisation fiscale en Afrique, à savoir : assurer le contrôle des reversements aux collectivités locales effectués dans le cadre de la fiscalité partagée et la définition conséquente des voies de recours ; subordonner le bénéfice des concours et subventions de l'Etat aux performances réalisées dans la mobilisation des ressources ; revoir les politiques sectorielles et les territorialiser ; structurer le dialogue entre Etat et collectivités locales par des informations partagées sur les finances locales, le potentiel et le rendement fiscaux, le niveau de performance dans la mobilisation des ressources locales, etc. 15

Pour Epee et Otemikongo (1992), les entités territoriales décentralisées en RDC sont appelées
à faire preuve de créativité et d'esprit d'initiative et à cultiver une « mentalitéd'investissement » pour faire sortir les finances locales de l'impasse dans laquelle elles se

trouvent enfoncées16. Aux yeux de ces auteurs, la culture d'investissement dans le chef des collectivités locales est possible sous réserve de trois préalables suivants :

1° Que tous les contribuables consentent à payer à l'Etat son dû

2° Que les agents percepteurs ainsi que les services producteurs de recettes versent 'intégralité des recettes dans les caisses de l'Etat

3° Que les gestionnaires des crédits publics soient imbus du souci de développer les entités qu'ils administrent, en faisant un dosage savant entre le fonctionnement de celles-ci d'une part, et le financement des investissements ou du développement, d'autre part.

Pour Mabi (2006) qui, au regard de la Constitution de 2006, s'applique à actualiser la problématique de mobilisation des recettes par les provinces et entités territoriales décentralisées et des actions à entreprendre pour une gestion des finances publiques locales et territoriales de développement en RDC, la nécessité d'un aménagement ou d'une réforme du système fiscal s'impose.

15Yatta, F. (2006) ; « Ressources financières locales et atteinte des OMD »; La Revue Africaine des Finances Locales ; N°9 ; Octobre 2006 ; PP 30-37

16Epee, G. et Otemikongo, M. (1992) ; op.cit. ; P 355

Car, la décentralisation renforcée ayant élargi les compétences des entités territoriales décentralisées en allégeant celles du pouvoir central, il va de soi que leurs moyens d'action empruntent la même tendance.

Dans cet ordre d'idées, Mabi (2006) estime que les réformes à entreprendre devraient se traduire en termes d'impératifs liés à un apport supplémentaire en matière d'efficacité à insuffler au système de mobilisation des ressources plus qu'avant au profit aussi bien du pouvoir central que des provinces. Pour aboutir à cette conclusion, Mabi a analysé le système fiscal actuel des entités décentralisées, lequel repose, selon lui, sur la rétrocession et le fonds de péréquation17.

Toutes ces analyses nous confortent davantage à porter notre attention aussi bien sur la nature des difficultés que rencontre la décentralisation financière et qui l'empêchent de produire le maximum de résultats avec un minimum d'effort que sur la manière de les surmonter.

Aussi, allons-nous articuler la problématique de notre recherche autour d'une question principale et deux questions secondaires, à savoir:

- Comment peut-on dégager la mise en oeuvre de la décentralisation financière en RDC des entraves à son efficacité ?

- En quoi ces entraves consisteraient-elles pour que la décentralisation financière s'avère globalement inopérante ?

- Quelles stratégies faudra-t-il adopter pour les contourner et rendre la décentralisation financière plus à même d'atteindre les objectifs lui assignés ?

Afin de nous rassurer du même entendement de cette problématique et des développements y afférents, il sied d'en définir et opérationnaliser quelques concepts-clés, en l'occurrence : décentralisation financière ; politique budgétaire ; déconcentration ; autonomie locale ; viabilité financière; efficacité économique; stratégie et richesse.

Décentraliser signifie opérer un mouvement contraire à la centralisation, qui est un mode d'organisation des services publics qui consiste à confier leur gestion au pouvoir central de l'Etat. La décentralisation est ainsi une démarche seconde qui suppose une centralisation préalable18.

Selon le « Lexique des termes juridiques », elle est « un système d'administration consistant à permettre à une collectivité humaine (décentralisation territoriale) ou à un service (décentralisation technique) de s'administrer eux-mêmes sous le contrôle de l'Etat en les dotant de la personnalité juridique, d'autorités propres et de ressources »19.

Le 1er Rapport Mondial sur la Décentralisation et la Démocratie Locale précise cette définition lorsqu'il souligne que « l'une des finalités les plus importantes de la décentralisation est de permettre une réponse efficace et adaptée aux besoins des populations locales »20.

Dans cette optique, la décentralisation financière est appréhendée dans notre mémoire comme ce volet de la décentralisation territoriale recouvrant la répartition des ressources publiques et l'organisation des rapports financiers entre l'Etat et les collectivités locales, ainsi que les questions liées à l'allocation des ressources au niveau local pour la prise en charge du fonctionnement et la mise en oeuvre de la plupart des investissements et services publics.

Elle comprend ainsi la décentralisation fiscale et la décentralisation budgétaire.

Yatta (2006) mesure la décentralisation fiscale par les trois indicateurs suivants: le rapport recettes locales/budget de l'Etat ; le rapport recettes fiscales locales/recettes fiscales de l'Etat et le rapport recettes locales/nombre d'habitants par collectivité locale. La décentralisation budgétaire est beaucoup plus une notion juridique dans la mesure où elle repose sur la distinction entre finances du pouvoir central et finances des collectivités locales.

18 Toengaho Kokundo, F. (2009) ; « La décentralisation et la réforme de l'Etat congolais» ; communication ; Atelier de formation de formateurs sur la sensibilisation à la décentralisation ; Ministère de la Décentralisation ; novembre 2009 ; Kinshasa

19 Guinchard, S., Montagnier, G., Guillon, R. et Vincent, J. (2007), Lexique des termes juridiques ; Dalloz

20 Cités et Gouvernements Locaux Unis, (2007) ; op.cit. ; P. 35

La politique budgétaire étant définie comme « celle qui décide du montant des dépenses gouvernementales et des impôts » 21 ou encore comme étant la manipulation des recettes et dépenses publiques en vue d'influencer l'activité économique, la mise en oeuvre de la décentralisation financière ne peut qu'en être tributaire. Dans le même registre, la décentralisation financière peut être considérée comme un moyen de la politique financière de l'Etat dans la mesure où celle-ci est définie dans le sens d'une recherche de l'efficacité économique de l'Etat en mettant en évidence les préoccupations principales de ce dernier en matière économique et sociale22.

Ainsi comprises, la politique financière comme la politique budgétaire et, par ricochet, la décentralisation financière peuvent s'interpréter, dans notre travail, comme des pans entiers de la politique économique.

En tout état de cause, il est également utile de distinguer la décentralisation de la déconcentration. La différence entre les deux concepts voisins tient au statut des organes qui bénéficient de la redistribution du pouvoir. Contrairement à la décentralisation où ces organes ont leur identité propre et dispose d'une relative autonomie vis-à-vis de l'Etat, dans le cadre de la déconcentration, les organes qui bénéficient de certaines compétences ne sont que les agents locaux du pouvoir central.

L'autonomie locale, local self government en anglais, ou libre administration, signifie le « droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et gérer dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques »23. C'est en fait l'état d'effectivité et la résultante de la décentralisation territoriale. Mais, « la décentralisation effective et l'autonomie locale exigent une autonomie financière appropriée »24. Et, il y a autonomie financière lorsque « les ressources financières des autorités locales sont proportionnelles aux tâches et responsabilités qu'elles assument et leur assurent la viabilité financière...»25.

21 Mishkin, F. (2007), Monnaie, banque et marchés financiers, Nouveaux Horizons

22 Billy, J. (1991), La politique économique, PUF

23 Cités et Gouvernements Locaux Unis, (2007) ; op.cit. ; P 17 ; il s'agit ici d'un extrait de l'article 3 de la Partie 1 de la Charte Européenne de l'autonomie locale ; cette charte, adoptée en 1985 par le Conseil de l'Europe et ratifiée par une quarantaine de pays, est le premier document de portée juridique, sur le plan international, relatif au statut et aux droits des collectivités locales

24 Ibid. ; P 63

25 Ibid

L'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) (2002) définit la viabilité (pérennité ou durabilité) comme la continuation des bénéfices résultant d'une action de développement après la fin de l'intervention ; la probabilité d'obtenir des bénéfices sur le long terme ; ou une situation par laquelle les avantages nets sont susceptibles de résister aux risques26. C'est ce dernier sens que nous adoptons pour traiter de la santé financière des provinces et collectivités locales.

Ceci dit, selon le Petit Robert, l'efficacité se définit comme la capacité de rendement, l'efficience ou la capacité de produire le maximum de résultat avec un minimum d'effort. Cette définition comprend la notion d'économie qui se traduit par le non-gaspillage d'une ressource donnée et qui laisse entendre qu'une action est économique lorsque le coût d'utilisation des ressources rares se rapproche du minimum requis pour atteindre les objectifs prévus27.

L'efficacité économique ne fait sens que par rapport à un objectif défini au préalable et peut s'interpréter comme celle qui garantit les avantages globaux au coût le plus bas possible. C'est dans ce sens que nous utiliserons ce concept dans la suite du présent travail. Quant à la stratégie, le même Petit Robert la définit, elle, comme un ensemble d'actions coordonnées, de manoeuvres en vue d'une victoire.

Appliquée à notre problématique, ce concept voudrait renvoyer aux étapes à suivre, aux actions à mener, pour redresser le volet financier de la décentralisation en RDC et le rendre plus efficace.

Pour Gilder (1981), « la richesse est un ensemble d'actifs qui garantissent un flux ultérieur de revenus. Les revenus pétroliers (par exemple) ne deviennent des actifs stables qu'en prenant la forme d'un capital productif - industries, ponts, routes, écoles et technologie - qui assure à l'avenir un flux de revenus lorsque les réserves pétrolières s'épuiseront »28 .

C'est cet entendement que nous adopterons dans notre travail pour aborder, par rapport aux préoccupations de la décentralisation financière, ce que l'on a coutume d'appeler en RDC « richesses du sous-sol » (diamant, cobalt, or, cuivre, coltan, etc.).

26 Organisation de Coopération et de Développement Economique, OCDE (2002), Glossaire des principaux termes relatifs à l'évaluation et la gestion axée sur le résultat, Comité d'Aide au Développement

27 OCDE, (2002), op.cit P. 20

28 Gilder, G. (1981), Richesse et pauvreté, Albin Michel

Les concepts jugés indispensables pour l'exploration perspicace de notre objet d'étude, ayant été explicités, nous pouvons formuler les objectifs spécifiques poursuivis par notre étude.

Au demeurant, il s'agit, pour nous de :

1° Montrer en quoi consistent les entraves à la mise en oeuvre efficace de la décentralisation financière en RDC

2° Proposer des voies et moyens à même de relever les défis majeurs et améliorer l'impact socio-économique de la décentralisation financière en RDC.

Dans le développement de notre sujet de recherche, nous nous appliquerons à la vérification des hypothèses suivantes:

- Le non-respect chronique des textes de base et des procédures en vigueur en matière de gestion administrative et budgétaire, au niveau du pouvoir central, des provinces et entités territoriales décentralisées, entretiendrait le dysfonctionnement de la décentralisation financière, empêcherait l'atteinte des objectifs assignés à cette dernière et affecterait la réforme décentralisatrice dans sa substance ;

- Les faibles capacités de mobilisation des ressources budgétaires et de leur gestion constitueraient également un handicap de taille à l'efficacité économique de l'Etat par la décentralisation ;

- Pour redresser durablement la mise en oeuvre de la décentralisation financière en RDC, il conviendrait d'orienter le comportement des acteurs dans le sens du respect des règles et principes en vigueur ;

- En outre, pour remédier avec succès aux défaillances de mobilisation et de gestion des ressources budgétaires, il serait indiqué de mener des actions spécifiques de renforcement des capacités d'intervention financière de l'Etat, des provinces et des autorités locales.

Comme on peut le constater, l'actualité de notre sujet ainsi que sa portée socio-économique constituent les principales raisons qui fondent son choix.

En effet, cette actualité est particulièrement dominée par l'exacerbation des discussions entre les provinces et le gouvernement central sur le financement de la décentralisation ainsi que par des tensions récurrentes entre les exécutifs provinciaux et leurs organes délibérants respectifs sur la gouvernance locale.

La portée socio-économique du sujet est telle que les résultats positifs attendus de cette réflexion pourraient éclairer les décisions prises par l'Etat, les provinces, les entités territoriales décentralisées, les opérateurs économiques, la société civile et le citoyen congolais pour contribuer tant soit peu au redressement du volet financier du processus décentralisateur ainsi qu'à l'amélioration de l'offre locale des utilités publiques en perspective de l'atteinte des objectifs du millénaire pour le développement.

Par ailleurs, l'intérêt de notre sujet ne peut se limiter au seul territoire de la RDC, étant donné que ce pays entretient des rapports socio-économiques séculaires avec 9 pays voisins, dont la République du Congo qui abrite l'institution universitaire au sein de laquelle nous préparons ce mémoire, outre qu'elle fait partie de plus d'une communauté économique régionale (CEEAC, SADC, CEPGL, etc.) et coopère étroitement avec la communauté internationale (PNUD, Banque Mondiale, FMI, Union Européenne, etc.).

Les ressortissants des différents pays voisins ainsi que les partenaires régionaux et/ou internationaux au développement étant de loin ou de près concernés par la viabilité de toute réforme institutionnelle fondamentale en RDC, il va de soi qu'ils ne peuvent que s'intéresser d'une manière ou d'une autre aux résultats de la présente recherche.

Ainsi, avons-nous structuré notre travail en deux chapitres : il nous sera donné, dans un premier chapitre, de rendre compte des entraves à la mise en oeuvre réussie de la décentralisation financière en RDC. Dans un second chapitre, nous allons proposer quelques stratégies à même de garantir le relèvement et l'efficacité de la décentralisation financière dans ce pays. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les faits ainsi que sur la logique du raisonnement comme outils d'analyse ; tandis que la recherche et l'exploitation documentaires, l'analyse des données statistiques, et l'observation participante serviront comme moyens de collecte des données. Nous procéderons, dans le traitement de ces dernières, par comparaison, induction, déduction ou extrapolation pour vérifier nos différentes hypothèses.

En guise de conclusion, nous présenterons les résultats obtenus et les implications de politique économique qui en découlent en regard de la problématique énoncée et des hypothèses retenues, et, nous mettrons en évidence les limites actuelles de notre travail et les possibilités de son affinement.

CHAPITRE I : DECENTRALISATION FINANCIERE EN RDC, UN PROCESSUS BOITEUX

La décentralisation financière en RDC n'est ni une excroissance gouvernementale ni un épiphénomène : elle repose sur la décentralisation territoriale et se fonde, dans le cadre de cette dernière, sur des textes juridiques qui définissent les rapports entre le pouvoir central, les provinces et entités administrativement décentralisées, déterminent les compétences et ressources respectives de ces dernières et entraînent des implications pour les différents acteurs (Section 1).

Au cours de la période d'analyse, soit de 1982 à 2009, la décentralisation financière en RDC a été mise à mal par des défaillances fréquentes et persistantes, tant au niveau du pouvoir central qu'à celui des provinces et ETD, dans la prise en charge des tâches et responsabilités respectives en matière de mobilisation et de gestion des ressources budgétaires (Section II).

SECTION 1 : CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL,

INCOMPLETUDE DES DISPOSITIONS LEGALES

Les textes fondateurs de la décentralisation financière comprennent aussi bien les textes instituant la décentralisation dans son ensemble que ceux spécifiques aux finances locales. Deux blocs de lois dominent la réforme décentralisatrice en RDC au cours de la période sous revue. Il s'agit des lois « Vunduawe » de 1982 et des « lois sur la décentralisation » de 2008. Cet ordre juridique et institutionnel fixe implicitement des objectifs à atteindre et se trouve également chargé d'implications d'actions pour les acteurs du processus.

1.1. Textes de base de la décentralisation financière en RDC: des lois « Vunduawe »

de 1982 à l'ordre constitutionnel de 2006

Les textes fondateurs de la décentralisation de 1982 à 2009 s'apparentent sur plusieurs points, notamment la volonté politique d'apporter un changement profond à l'organisation territoriale et administrative du pays pour en améliorer le rendement. Mais, ils ne manquent pas de points de démarcation compte tenu des différences liées au contexte socio-politique et/ou à la garantie constitutionnelle de la réforme engagée.

1.1.1. Réforme décentralisatrice de 1982 et réajustements y relatifs

Bien que constituant le fondement juridique de la réforme décentralisatrice, les lois « Vunduawe » ont subi quelques modifications pour s'adapter à l'évolution de l'ordre constitutionnel qui a régi la RDC au cours de la période allant de 1982 à la veille de la Constitution du 18 février 2006. Comme l'indique le tableau I.1 ci-dessous, trois textes de référence forment ensemble la législation sur la décentralisation de 1982. Il s'agit des Ordonnances-lois n° 82-006, 82-007 et 82-008 du 25 février 1982 portant successivement organisation territoriale, politique et administrative de la RDC ; organisation des élections législatives, locales et municipales ; et, statut de la Ville de Kinshasa.

Tableau I.1 : Les lois de décentralisation de 1982

PERIODE

TEXTES DE BASE

ENTITES CONCERNEES

1982

Ordonnance-loi n° 82-006 portant

organisation territoriale, politique et

administrative de la République ;

Ordonnance-loi n° 82-007 portant

organisation des élections législatives, locales et municipales ; et, Ordonnance n° 82-008 portant statut de la Ville de Kinshasa, du 25 février 1982.

Région ; Ville ; Zone Rurale ; Zone Urbaine ; et, Collectivité

Source : Données reconstituées par nous-mêmes sur base des archives du Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire ; Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation

Les trois textes de 1982 ont été pris dans un contexte où, « il fallait pour éviter le risque de blocage des institutions du pays y remédier par la décentralisation territoriale courageuse. Il y avait nécessité de redonner un souffle nouveau au développement régional et partant à la relance de l'ensemble de l'économie nationale»29. Cinq entités sont décentralisées à la faveur de la réforme de 1982, en l'occurrence : la Région, la Ville, la Zone Rurale, la Zone Urbaine.

1.1.1.1. Modifications apportées aux « lois Vunduawe » en 1995

En 1995, le pouvoir législatif issu de la Conférence Nationale Souveraine, autrement appelé « Haut-Conseil de la République-Parlement de Transition», va édicter la Loi n° 95-005 du 20 décembre 1995.

29 Vunduawe, T. (2007), Traité de Droit Administratif, De Boeck et Larcier

« Le texte du Parlement de Transition ajoute la Collectivité à l'architecture territoriale de 1982, tandis que la Zone Rurale devient Territoire et la Zone Urbaine, Commune. La Déclaration de prise du pouvoir du Conseil Elargi de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL) du 17 mai 1997 sanctionne le changement de régime étant donné que les nouvelles autorités avaient affiché clairement la volonté de remplacer les institutions politiques et administratives en suspendant des institutions existantes »30.

1.1.1.2. Modifications apportées aux « lois Vunduawe » en 1998

Tel que l'illustre le tableau I.2, le Décret-loi du 2 juillet 1998 s'inscrit dans cette logique en suspendant le fonctionnement des assemblées régionales et en retenant comme entités territoriales décentralisées la Province (alors Région en 1982 et 1995), la Ville, le Territoire, et la Commune (uniquement pour la Ville de Kinshasa).

Tableau I.2 : Modifications des « lois Vunduawe » (1995-1998)

PERIODE

TEXTES DE BASE

ENTITES CONCERNEES

1995

Loi n° 95-005 du 20 décembre 1995

Région ; Ville ; Commune

(Zone Urbaine en 1982) ;

Territoire (Zone Rurale en
1982) ; et, Collectivité

1998

Décret du 2 juillet 1998

Province (Région de 1982 à

1995) ; Ville ; Territoire ; Commune (uniquement pour la Ville de Kinshasa)

Source : Données reconstituées par nous-mêmes sur base des archives du Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire ; Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation.

1.1.2. Réforme constitutionnelle de 2006 : régionalisme politique et décentralisation administrative

La Constitution du 18 février 2006 prévoit une nouvelle organisation de l'administration locale qui comprend à la fois une administration régionalisée au niveau provincial (constituée de la Ville de Kinshasa et des provinces), une administration décentralisée formée des entités décentralisées (Ville, Commune, Secteur, Chefferie) et la déconcentration qui, elle, s'applique aux territoires, quartiers, groupements, et villages.

30 Vunduawe, T. (2007), Traité de Droit Administratif, De Boeck et Larcier

Ces dernières entités ne rentrent pas directement dans notre champ d'étude, mais entretiennent un potentiel d'influence sur la santé financière des ETD dans la mesure où leur coût de gestion, lorsqu'il est exagéré, peut être interprété comme un réducteur de choix pour la libre administration locale.

C'est depuis 2008, comme l'indique le tableau I.3 ci-dessous, que des textes législatifs et réglementaires sont pris, en référence à l'ordre constitutionnel de 2006, pour réorganiser la décentralisation en RDC.

Tableau I.3 : Institutionnalisation de la décentralisation territoriale (2006-2008)

2006

Constitution du 18 février 2006

Province (Entité territoriale

régionalisée) ; Ville ; Commune ;

Secteur ; Chefferie

2008

Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ;

Loi organique n° 08/015 du 7 octobre 2008
portant modalités d'organisation et

fonctionnement de la Conférence des
Gouverneurs ;

Loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008
portant composition, organisation et

fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces ;

Décret n° 08/06 du 26 mars 2008 portant création d'un Conseil National de mise en oeuvre et de suivi du Processus de la Décentralisation ;

Arrêté Ministériel n° 033 du 25 juillet 2008 portant organisation et fonctionnement de la Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation.

 

Source : Données reconstituées par nous-mêmes sur base des archives du Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire ; Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation.

La répartition de compétences et de ressources entre le pouvoir central, la province et les entités territoriales décentralisées est l'élément central des textes organisant la décentralisation territoriale. Les matières faisant l'objet de répartition sont, soit de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces, soit de la compétence exclusive du pouvoir central, des provinces et/ou des entités territoriales décentralisées.

1.1.2.1. Charges et responsabilités incombant aux provinces et entités territoriales

décentralisées

Il est intéressant de noter, à la lumière de la Constitution de 2006, que les compétences reconnues à titre exclusif aux provinces ne sont pas des moindres, sachant que d'autres sont partagées avec le pouvoir central. Elles sont particulièrement prononcées dans les domaines aussi vitaux que la fonction publique provinciale, les finances publiques provinciales et locales, la santé, l'enseignement primaire, secondaire, professionnel et spécialisé y compris l'alphabétisation, et l'agriculture, pour ne citer que ceux-ci31.

Un tel volume de compétences de proximité ne peut être valablement envisagé sans ressources budgétaires correspondantes.

Le législateur confie à la ville des compétences importantes particulièrement prononcées dans les domaines vitaux suivants : la construction de la voirie et des équipements collectifs; la création et/ou la réhabilitation d'écoles; l'assistance sociale ; l'eau potable ; l'électricité ; et, l'assainissement32. Des compétences qui exigent également pour leur prise en charge efficace, outre les capacités humaines, des moyens financiers conséquents...

Le législateur reconnaît à la commune des compétences semblables à celles de la ville. Ces compétences portent essentiellement sur les équipements collectifs, la santé publique et l'enseignement primaire, secondaire et spécial. Elles suffisent, elles aussi, pour justifier l'attention égale que devrait requérir la satisfaction des besoins en ressources budgétaires de ces différentes entités et ce, au même titre que ceux de la province33.

Quoi qu'il en soit, le secteur et la chefferie, en tant qu'entités décentralisées ont aussi des compétences spécifiques qu'il conviendrait de rappeler ici. .

Le rôle assigné par le législateur au secteur et à la chefferie consiste en la responsabilisation de ces entités qui découle du principe de subsidiarité et fait d'elles de véritables centres d'impulsion et d'incitation du développement à la base.

31 Constitution du 18 février 2006, article 204

32 Loi organique n°08/016 du 7 octobre 2008, article 11

33 Ibid

En effet, des domaines de proximité comme les routes d'intérêt local, la lutte contre les épidémies, la construction et l'exploitation des mini-centrales d'électricité, l'énergie solaire et l'aménagement des sources et des puits d'eau 34, et nous en passons, constituent de lourdes charges socio-économiques qui ne peuvent être valablement assumées sans moyens suffisants et durables.

1.1.2.2. Ressources budgétaires reconnues aux provinces et entités territoriales

décentralisées

Après ce bref examen des compétences transférées aux provinces, villes, communes, secteurs et chefferies, il convient de dire un mot sur les ressources reconnues à ces entités par le législateur en tant qu'éléments déterminants de leur autonomie financière respective.

Comme d'aucuns ne l'ignorent, la Loi Financière n°83-003 du 23 février 1983 a été initiée et promulguée pour adapter la gestion des finances publiques au contexte de décentralisation consacré, à l'époque, par l'Ordonnance-loi n° 82-006 du 25 février 1982 portant organisation politique, territoriale et administrative de la RDC et les textes voisins.

Cette loi financière, outre qu' elle prévoit le mécanisme de péréquation pour tenir compte de la nécessaire solidarité nationale et garantir le développement équilibré des composantes territoriales du pays, définit les ressources reconnues à ces dernières pour leur permettre de faire face à leurs nouvelles charges nées de l'exercice des compétences transférées et stipule que les budgets des entités administratives décentralisées sont exécutés dans les mêmes formes que celui du pouvoir central et font partie du budget général de l'Etat.

Aujourd'hui encore, les finances publiques provinciales et locales sont des corollaires logiques de l'autonomie financière dont sont investies les provinces et les entités territoriales décentralisées en RDC en vertu des articles 3 et 171 de la Constitution du 18 février 2006. En effet, l'article 3 de la Constitution stipule en son alinéa 3 que les provinces et entités territoriales décentralisées «jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques »35.

34 Ibid., article 73

35 Constitution du 18 février 2006, articles 3 et 171

L'article 171 de la même Constitution, quant à lui, précise que les finances du pouvoir central et celles des provinces sont distinctes. A ce sujet, Vunduawe (2007) note que « pour concrétiser l'idée de la décentralisation politique au niveau des provinces et administrative à l'échelon des entités de base (Ville, Commune, Secteur, Chefferie), le constituant pose alors un certain nombre de principes au nombre desquels il y a :

- le principe de la distinction des finances du pouvoir central et celles des provinces ;

- le principe de la rétrocession d'une part des recettes à caractère national à allouer aux provinces. A cet effet, le taux de la rétrocession est constitutionnalisé et fixé à 40%. En outre, la rétrocession s'opère par retenue à la source ;

- et le principe d'une fiscalité locale devant comprendre notamment l'impôt foncier, l'impôt sur les revenus locatifs et l'impôt sur les véhicules automoteurs, en vue d'un système de prélèvements constitué des taxes et des droits provinciaux et locaux »36.

Cependant, il importe de relever que malgré l'autonomie de gestion des ressources économiques, humaines, financières et techniques reconnue aux entités territoriales, le Parlement reste néanmoins l'unique autorité budgétaire de l'Etat car le budget des recettes et des dépenses de l'Etat, à savoir celui du pouvoir central et des provinces, est arrêté chaque année par une loi.

C'est au même Parlement, d'ailleurs, qu'il revient « de fixer l'organisation et le fonctionnement de la caisse nationale de péréquation, (...) qui dispose justement d'un budget alimenté par le Trésor Public à concurrence de 10% de la totalité des recettes à caractère national revenant à l'Etat chaque année » 37.

36 Vunduawe, T. (2007), op.cit., P. 509

37 Ibid.

Les autres textes de base de la décentralisation, en l'occurrence la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ; la Loi organique n° 08/015 du 7 octobre 2008 portant modalités d'organisation et fonctionnement de la Conférence des Gouverneurs ; la Loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, précisent certains contours des ressources financières des provinces et des entités territoriales décentralisées en attendant l'élaboration, le vote et la promulgation d'une nouvelle loi financière.

Qu'à cela ne tienne, un bref rappel des ressources financières reconnues aux provinces et entités décentralisées s'avère nécessaire pour la suite de notre analyse.

Ces ressources se regroupent, pour chaque entité, en trois grandes catégories que sont : - Les ressources propres ;

- Les ressources provenant des recettes à caractère national et,

- Les ressources exceptionnelles.

Les ressources propres de la province comprennent les impôts, les taxes, les droits provinciaux et locaux ainsi que les recettes de participation38.

La part des recettes à caractère national allouée aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source. La retenue à la source s'effectue par un versement automatique de 40% dans le compte de la province et de 60% dans le compte général du Trésor. Ce mécanisme est effectué par la Banque Centrale du Congo conformément à la loi financière. Aux termes de la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, sont à caractère national, les recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation ; les recettes des douanes et accises ; ainsi que les recettes provenant des impôts recouvrés sur les grandes entreprises, des pétroliers producteurs ainsi que les autres impôts pouvant être perçus à leur lieu de réalisation.

38 République Démocratique du Congo et Organisation Internationale de la Francophonie, (2009), op.cit. P 114

La province peut bénéficier des ressources provenant de la caisse nationale de péréquation. Les ressources exceptionnelles des provinces sont constituées des emprunts intérieurs auxquels l'Etat peut recourir pour financer les investissements. La province peut également bénéficier pour ses besoins des emprunts extérieurs contractés et garantis par l'Etat conformément à la Constitution et à la loi financière. Elle peut bénéficier des dons et legs dans les conditions définies par la loi.

Les ressources propres d'une entité territoriale décentralisée comprennent l'impôt personnel minimum, les recettes de participation, les taxes et droits locaux. L'impôt personnel minimum est perçu au profit exclusif des communes, des secteurs ou des chefferies. La clé de répartition du produit des taxes d'intérêt commun entre les entités territoriales décentralisées est fixée par la législation qui institue lesdites taxes, après avis de la Conférence des Gouverneurs de province. Les ressources des entités territoriales décentralisées provenant des recettes à caractère national sont de l'ordre de 40% de la part desdites ressources reconnues aux provinces. L'Etat en détermine le mécanisme de répartition. La répartition de cette part des recettes entre les entités territoriales décentralisées est fonction des critères de capacité de production, de la superficie et de la population. Une entité territoriale décentralisée peut bénéficier des ressources provenant de la caisse nationale de péréquation. Elle peut recourir aux emprunts intérieurs pour financer ses investissements. Elle peut également bénéficier des dons et legs dans les conditions définies par la loi39.

Hormis l'impôt personnel minimum qui, lui, n'est pas reconnu à la ville, les entités territoriales décentralisées ont une fiscalité propre assise sur des ressources identiques...Les ressources reconnues à la province et aux entités territoriales décentralisées ayant été rappelées, il ne serait pas superflu de noter ici que « les comptes des provinces et ceux des différentes entités territoriales décentralisées sont soumis au contrôle de l'Inspection Générale des Finances et de la Cour des Comptes »40.

39 République Démocratique du Congo et Organisation Internationale de la Francophonie, (2009), op.cit. PP 165- 168

40 Ibid, P. 114

Cela étant, plusieurs débats politiques ont eu lieu au cours des 9 premiers mois de l'année 2007 au sujet des recettes à caractère national et ont débouché sur des arrangements qu'il conviendrait de signaler aussi dans ce travail. Il s'agit du consensus dégagé par le Forum National sur la Décentralisation qui, à l'initiative du Gouvernement et de la Société Civile, a eu lieu du 3 au 5 octobre 2007 et a réuni plus de 300 délégués représentant le Gouvernement Central, l'Assemblée Nationale, le Sénat, les Assemblées Provinciales, les Gouvernements Provinciaux, la Société Civile, les chefs coutumiers et les partenaires au développement.

En permettant l'approfondissement des analyses pour assurer le transfert de 40% des recettes aux provinces et promouvoir un système financier viable pour les entités territoriales décentralisées, ledit forum a, de manière consensuelle, arrêté ce qui suit :

1° Les recettes jugées attribuables et localisables, c'est-à-dire les recettes réalisées dans chaque province par la Direction Générale des Impôts (DGI) et la Direction Générale des Recettes Administratives, Domaniales et de Participation (DGRAD) seront, après déduction de la rétrocession au personnel de 5% pour la DGI et 10% pour la DGRAD, automatiquement retenues à la source ;

2° Les recettes non identifiables et pas localisables, c'est-à-dire les recettes réalisées par l'Office des Douanes et Accises (OFIDA) et la Direction des Grandes Entreprises (DGE) de la Direction Générale des Impôts, seront, quant à elles, réparties entre les provinces en fonction du poids démographique ;

3° Les recettes pétrolières, en ce qui les concerne, ne seront pas rétrocédées, mais serviront, sur l'insistance du Fonds Monétaire International (FMI) à l'allègement de la dette extérieure, au moins jusqu'à l'atteinte du point d'achèvement des mécanismes de l'initiative PPTE41.

Le consensus ainsi dégagé s'intègre désormais à l'ensemble des textes de base instituant les règles de conduite à suivre et à respecter pour la mise en oeuvre et la réussite de la décentralisation financière en RDC.

Cette régulation bienveillante sous-entend des objectifs à atteindre et des implications d'action pour les différents intervenants.

1.2. Textes de base et implications d'action pour les acteurs

Les implications d'actions qu'induisent les textes de base pour les acteurs de la décentralisation financière, sont liées aux objectifs de cette dernière ainsi qu'à certains préalables à réaliser.

1.2.1. Objectifs et préalables de la mise en oeuvre de la décentralisation financière

La décentralisation financière n'est pas envisagée pour rien : elle poursuit des objectifs bien déterminés et dont l'atteinte exige la réalisation de quelques préalables.

1.2.1.1. Objectifs de la décentralisation financière

Une croissance économique d'un niveau élevé et de grande durabilité étant souhaitable pour promouvoir le développement économique et plus précisément le développement industriel et permettre à la population locale d'accéder à un plus grand confort matériel et moral et de disposer davantage de temps pour s'adonner à des occupations favorites, c'est à son service que doit être mise en oeuvre la décentralisation territoriale 42.

Dans cette logique, l'objectif principal de la décentralisation financière n'est autre que la recherche de l'efficacité économique de l'Etat à partir des provinces et ETD.

Concrètement, la décentralisation financière doit permettre à l'Etat de mieux stimuler la croissance économique.

Bien qu'il ne soit pas aisé de connaître parfaitement les mécanismes de croissance économique ni les facteurs déterminants de cette croissance, nous pouvons nous référer aux travaux de Denison 43, pour nous faire une idée des objectifs spécifiques qui s'imposent à la décentralisation financière pour en garantir l'efficacité. Selon Denison, outre le degré d'ouverture de l'économie et les termes de l'échange, l'accroissement de la production dans un pays peut provenir des facteurs déterminants suivants : l'augmentation du capital physique ; la croissance du capital humain ; le progrès technologique ; et l'utilisation plus efficace des ressources.

42 Cités et Gouvernements Locaux Unis, (2007) ; op.cit. ; P. 35

43 Denison, F. (1974), Accounting for United States Economic Growth 1929-1969, Brookings Institutions; cité par Mountou (G) dans son cours de Politique financière de l'Etat, Faculté des Sciences Economiques, Université M. Ngouabi de Brazzaville, 2007, (inédit)

Dans cet ordre d'idées, l'efficacité économique de l'Etat par la décentralisation financière dépendrait de la mesure dans laquelle les dépenses publiques des provinces et ETD peuvent influencer chacun de ces facteurs44.

1.2.1.2. Quelques préalables indispensables à la mise en oeuvre de la décentralisation financière

L'analyse des concepts de base ainsi que l'examen sommaire du contenu du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation territoriale révèlent que la prise en charge par les populations locales de leurs propres affaires suppose la réalisation de certains préalables que l'on ne peut contourner sans porter atteinte à la substance de la réforme. Ces préalables sont, notamment : la mise en place des autorités locales ; le transfert officiel et effectif des compétences reconnues par les textes aux autorités locales démocratiquement élues ; l'attribution des moyens d'action conséquents aux provinces et ETD ; ainsi que la définition par les populations locales elles-mêmes des objectifs prioritaires à atteindre dans le cadre de leur propre plan de développement. Ce qui suppose, pour la réalisation de ces derniers, l'implication effective des acteurs du processus.

1.2.2. Implications d'actions pour les acteurs au processus

La décentralisation financière, nous venons de le voir, est tributaire de la mise en place de l'architecture territoriale et administrative de l'Etat dans son ensemble. Car, il ne peut y avoir décentralisation financière s'il n'y a pas de collectivité territoriale décentralisée et s'il n'existe pas d'affaires locales à financer. Ceci revient à dire que les acteurs de la décentralisation territoriale et sectorielle sont aussi acteurs de la décentralisation financière, leurs actions et leur rationalité, influant de loin ou de près sur les finances locales.

La réforme décentralisatrice étant du ressort de l'Etat, les implications d'actions pour les acteurs publics ne peuvent pas être traitées sur un même pied d'égalité que celles relatives aux acteurs non étatiques et/ou aux partenaires extérieurs.

44 Cités et Gouvernements Locaux Unis, (2007) ; op.cit ; P.63

1.2.2.1. Implications d'actions pour les acteurs étatiques

A la lumière des textes de base, les acteurs institutionnels de la mise en oeuvre de la décentralisation ne sont autres que l'Etat central, le Parlement, les provinces (Gouvernements et Assemblées provinciaux) et les entités territoriales décentralisées, ainsi que les entités et services déconcentrés de l'Etat et des provinces.

L'implication logique découlant du respect du cadre juridique de la décentralisation par ces différents acteurs n'est autre chose que leur appropriation du processus45.

Au regard de la Constitution du 18 février 2006, plusieurs lois organiques devraient normalement être élaborées et promulguées. Il s'agit, notamment, de la loi organique portant fixation des limites des provinces et de la Ville de Kinshasa ; de la loi organique portant subdivision à l'intérieur des provinces ; de la loi portant organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ; de la loi portant statut des chefs coutumiers ; du statut général des fonctionnaires et agents des services publics du pouvoir central, des provinces et des ETD, de la loi organisant le fonctionnement des services publics du Pouvoir Central, des Provinces, et des Entités Territoriales Décentralisées ; de la nouvelle loi financière ; de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Caisse Nationale de Péréquation ; de la loi portant nomenclature des recettes 46 et des dépenses pour tenir compte du changement de la structure des ressources et des charges que décline le transfert de compétences aux provinces et ETD.

La mise en application de ce paquet complémentaire des textes de base ne manque pas d'incidence sur le financement de la décentralisation.

45 Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire, (2009), Guide du Formateur sur la décentralisation sectorielle, Unité d'Appui à la Décentralisation Sectorielle

46 Commission Episcopale Justice et Paix, (2009) ; « A quels défis seront confrontées les futures provinces et les ETD ? » ; Ensemble pour un Etat de droit ; N° 29 ; Octobre 2009 ; P.3

En effet, la fixation des limites des provinces et à l'intérieur de ces dernières ou, en d'autres termes, la mise en oeuvre du découpage territorial et administratif, permettrait aux dirigeants provinciaux et locaux de prendre la mesure du champ spatial d'application de leurs fiscalités et de dresser en connaissance de cause la cartographie des besoins essentiels à intégrer dans leurs programmes d'action respectifs47.

La mise en place d'une commission électorale nationale indépendante conforterait la participation citoyenne et, par ricochet, le civisme fiscal, la population étant sensée choisir librement et en toute transparence les dirigeants qu'elle veut.

La définition claire du statut des chefs coutumiers éviterait toute confusion entre le patrimoine personnel ou familial du monarque local et celui de la Chefferie.

La décentralisation de la fonction publique devrait, quant à elle, donner lieu à une meilleure adéquation entre les missions et les ressources à engager en tenant compte des capacités financières réelles et disponibles avec pour impact une offre de services publics moins coûteuse48.

Les textes attendus sur les finances publiques et leur stricte application soutiendraient, eux, l'organisation financière décentralisée de l'Etat et guideraient ainsi la maximisation des recettes et la rationalisation des dépenses aux niveaux provincial et local.

L'implication qui s'ensuit pour le Parlement consiste, naturellement, en l'examen et l'adoption rapides des textes juridiques « manquants » de la décentralisation tout en assurant avec efficacité la double mission d'autorité budgétaire et de contrôleur de l'action gouvernementale, sachant que le budget de l'Etat comprend bien ceux des provinces et des ETD.

47Makala Nzengu, P. (2009) ; « La gestion du secteur agricole et rural dans le contexte de la décentralisation» ; communication ; Atelier de formation de formateurs sur la sensibilisation à la décentralisation ; Ministère de la Décentralisation ; 9-10 novembre 2009 ; Kinshasa

Concernant les provinces (y compris leurs organes délibérants) le respect, par elles, du corpus juridique de la décentralisation se traduirait par leur responsabilisation dans la conduite du développement provincial et leur coordination des actions de développement local avec les ETD sans exclure les représentants de la société civile et du secteur privé. L'incidence financière majeure d'une telle responsabilisation des provinces serait la montée en puissance des finances locales sans basculer dans la sous-optimalité, la résolution à l'interne des conflits de compétence en matière fiscale, le partage équitable et régulier des recettes à caractère national et/ou d'intérêt commun entre provinces et ETD ainsi que la cohérence dans la programmation et l'exécution des dépenses.

L'implication pour les ETD de la mise en application, par elles, des textes de base de la décentralisation se confondrait avec leur responsabilisation dans l'offre des services publics locaux de base ainsi que l'animation du développement local. « Elles seront le premier niveau de référence pour les populations locales en matière de services sociaux de base et des infrastructures marchandes. Elles joueront un rôle important dans la contribution à l'atteinte des OMD »49.

Les services et entités déconcentrés de l'Etat ou de la province sont apparemment des acteurs passifs de la décentralisation mais, en réalité, ils ont vocation à demeurer actifs dans la mesure où c'est parmi eux que se recrutent les services d'assiette ou poseurs d'actes en matière d'exécution des recettes administratives.

Par ailleurs, si le coût de gestion des services déconcentrés est exagéré, il peut se constituer en facteur réducteur de choix pour les provinces et entités territoriales décentralisées et handicaper la poursuite des objectifs assignés à la décentralisation.

Pour cette raison, l'implication de ces services et entités est indiquée et se justifie. Cette implication portera essentiellement sur l'adoption d'une logique d'intervention de nature à favoriser l'atteinte des objectifs de la décentralisation au moindre coût possible.

1.2.2.2. Implications d'actions et responsabilités pour les autres acteurs

Les organisations de la société civile et la presse jouent un rôle de contre-pouvoirs et d'institutions de surveillance externe dans le jeu démocratique50. L'incidence financière de leur implication dans la décentralisation se traduirait en termes de coûts évités grâce à la promotion de la culture de redevabilité, à la dénonciation des dérives dans le chef des gestionnaires (corruption, clientélisme, tribalisme, etc.) et au gain de transparence qui s'ensuivrait.

Les acteurs du secteur privé ne sauraient être marginalisés en dépit du fait qu'ils sont maximisateurs de leur propre intérêt.

En effet, en tant que producteurs de richesses marchandes, leur implication dans le processus influencerait la croissance économique, la responsabilisation des pouvoirs publics en matière de stabilisation du cadre macro-économique et fiscal, ainsi que la demande d'investissements publics à effet induit et d'un cadre institutionnel et juridique propice à la prospérité des affaires au niveau local.

Au surplus, le secteur privé pourrait soutenir, grâce à son épargne et à travers son volet bancaire et financier, le financement privé de la décentralisation ainsi que la sécurité des transactions financières.

Le soutien et l'engagement des partenaires extérieurs dans la mise en oeuvre de la décentralisation consisteraient en l'appui technique et financier à l'ensemble du processus. Cependant, l'appui extérieur ne peut être envisagé sans tenir compte de la souveraineté nationale en matière de prêts.

Dans le cas de la RDC, seul le pouvoir central peut contracter et garantir des emprunts extérieurs pour faire face aux besoins des provinces.

Après avoir ainsi élucidé le cadre légal et institutionnel et ses implications pour les différents acteurs, voyons maintenant comment se manifeste dans la pratique l'enlisement de la décentralisation financière en RDC.

SECTION II : PRATIQUES DE LA DECENTRALISATION,

L'ENLISEMENT CONSACRE

L'expérience de décentralisation financière en RDC de 1982 à 2009 est particulièrement dominée dans la pratique par le non-respect des textes légaux et réglementaires en vigueur ainsi que par des faiblesses fréquentes et persistantes de capacité en matière de mobilisation et de gestion des ressources nécessaires à la satisfaction des besoins des populations locales.

Dans cette seconde section, il sera essentiellement question d'administrer le témoignage de l'enlisement dont souffre la mise en oeuvre de la décentralisation financière en RDC.

2.1. Non-respect chronique des textes de base

Le non-respect des textes se traduit dans les faits par la mise en place incomplète de l'ordre juridique et institutionnel de la décentralisation et le déficit de collaboration financière entre l'Etat central et les provinces d'une part et, entre les provinces et les entités territoriales décentralisées, d'autre part.

2.1.1. Mise en place incomplète de l'ossature juridique et institutionnelle de la décentralisation

La mise en place incomplète de l'ordre juridique et institutionnel de la décentralisation se traduit aussi bien par la non-exécution du découpage territorial et de la décentralisation sectorielle que par la non-organisation des élections au sein des entités territoriales décentralisées.

2.1.1.1. Non-exécution du découpage territorial et de la décentralisation sectorielle

Il y a lieu de stigmatiser le caractère incomplet du dispositif juridique et institutionnel en vigueur par la non-exécution à ce jour du découpage territorial alors que le Constituant avait prévu un délai de 36 mois pour ce faire à compter de l'installation effective du Sénat.

L'absence persistante de la loi organique portant fixation des limites des provinces et de la ville de Kinshasa, de la loi organique portant subdivision à l'intérieur des provinces, de la loi portant statut des chefs coutumiers, ainsi que de la loi organisant le fonctionnement des services publics du Pouvoir Central, des provinces et des ETD, matérialise davantage le caractère incomplet de l'architecture territoriale de la décentralisation financière.

C'est en fait par le biais de cette dernière loi, pour ne revenir que sur ce cas, que les dépenses de rémunération des secteurs à compétence exclusive des provinces pourraient être aisément évaluées, engagées, liquidées, ordonnancées et payées. Il s'agit des dépenses de rémunération des professionnels de la Santé, de l'Agriculture, et Développement Rural, de l'Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel ainsi que celle des autorités coutumières51.

Epee et Otemikongo (1992) relevaient déjà en ces termes cette impasse, il ya 17 ans : « Les études consacrées à l'administration territoriale (...) ont eu à démonter que le démarrage effectif de la décentralisation se butte encore à nombre d'obstacles d'ordre institutionnel (qui) ne sont pas de nature à faciliter sa mise en route conformément à la réforme du 25 février 1982 »52.

2.1.1.2. Non-organisation des élections locales municipales et urbaines et perte

d'efficacité économique de l'Etat

Bien que l'élection des députés et la mise en place des exécutifs au niveau provincial ait déjà eu lieu entre 2006 et 2007 pour la première législature de la 3ème République, il n'en est pas encore le cas pour les entités territoriales décentralisées, à savoir : la ville, la commune, le secteur et la chefferie.

La non-organisation à ce jour des élections municipales et locales et le maintien dans leurs postes respectifs des autorités municipales et locales désignés par le Pouvoir Central ne cadrent guère avec l'esprit et la lettre de la décentralisation et renversent le sens de la redevabilité : les dirigeants en place ne se sentant pas concernés par l'obligation de rendre compte à un souverain primaire dont ils ne sont pas l'émanation.

Cette réalité est d'autant plus troublante qu'elle persiste ainsi depuis que la décentralisation a été formellement relancée en 1982 sous l'empire des lois « Vunduawe ».

51Mbusa, A. (2009), Rapport de Mission effectuée à Bukavu-Sud Kivu , Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire

52 Epee, G. et Otemikongo, M. (1992) ; op.cit. ; P. 355

Cela étant, en renvoyant à 2011 les élections locales et municipales lors de son discours du 7 décembre 2009 sur l'état de la Nation, le Chef de l'Etat n'a-t-il pas fait officiellement et honnêtement l'aveu du déficit institutionnel de la décentralisation et de son enlisement subséquent.

Toutes ces faiblesses et imperfections ont pour effet d'entretenir des coûts d'opportunité considérables dans le chef des autorités locales dans la mesure où la hiérarchie et le souverain primaire qui sont sensés les contrôler sont malheureusement beaucoup moins informés de la conduite des affaires locales que ne l'aurait pu être une assemblée locale élue et dédiée audit contrôle. En d'autres termes, en l'absence de tout dispositif de surveillance rapprochée pouvant limiter localement le comportement opportuniste du bureaucrate, le risque moral profitant à l'agent, c'est-à-dire à l'autorité locale non élue et non contrôlée localement, ne peut qu'avoir pour effets l'atrophie des capacités financières locales et l'inefficacité économique de l'Etat.

2.1.2. Déficit de solidarité financière entre l'Etat central et les provinces d'une part et, entre les provinces et les entités territoriales décentralisées

La solidarité financière qui doit marquer les rapports entre les échelons territoriaux du pouvoir étatique est largement déficitaire et contribue à l'enlisement de la décentralisation.

Ce déficit s'explique par la non-actualisation de la législation financière et le faible niveau de rétrocession en faveur des provinces, d'une part, et par l'absence de péréquation et l'exacerbation des déséquilibres économiques internes, d'autre part.

2.1.2.1. Non-actualisation de la législation financière et faible niveau de rétrocession

Nous pouvons, d'entrée de jeu, noter qu'en 1987 déjà, l'ordonnance n° 87/004 du 10 janvier 1987 modifiant et complétant la loi financière n°83/003 du 23 février 1983 stigmatisait dans son exposé des motifs la persistance des difficultés rencontrées dans l'élaboration de cette dernière. Il s'agit principalement de la non-répartition des compétences en matière financière alors qu'un délai légal de deux ans était accordé pour ce faire.

Aussi, le législateur va-t-il par cette ordonnance de 1987 « accorder un nouveau délai de deux ans au Conseil Exécutif (...) pour prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires (...) et allouer des subventions d'équilibre aux budgets des Entités Administratives Décentralisées (...) lorsqu'ils sont votés en déséquilibre (...) et que l'intervention du pouvoir central est sollicitée et dûment justifiée » 53.

En d'autres termes, un moratoire de 7 ans ayant pris effet à compter de 1982 venait d'être explicitement reconnu au Gouvernement pour ajuster l'ordre réglementaire à l'obligation d'autosuffisance financière à laquelle les entités décentralisées étaient soumises.

En 2009, soit 27 ans après l'entrée en vigueur de la réforme décentralisatrice, le même phénomène de non-respect du cadre légal et réglementaire se répète et persiste.

Pour preuve, la loi financière en vigueur en RDC est encore celle de 1983, alors que depuis 2006, il est constitutionnellement stipulé que les finances du pouvoir central et celles des provinces sont distinctes et qu'à ce titre un nouveau cadre légal suivi d'un dispositif réglementaire approprié devraient désormais organiser la conduite financière des provinces et des ETD ainsi que les rapports entre ces différentes entités et le pouvoir central.

En effet, la loi organique sur les finances publiques devrait permettre d'organiser les lois des finances, les budgets des provinces et des ETD en définissant les principes généraux de gestion des finances publiques et d'encadrement de la politique budgétaire. « Elle devrait permettre de tenir compte des dispositions de la Constitution en envisageant toutes les perspectives d'une gestion moderne des finances publiques » 54(54).

Cette inadéquation entre le cadre juridique et institutionnel et la réalité ne peut que favoriser l'opacité des rapports financiers entre le pouvoir central et les provinces et, en même temps, anéantir tout effort d'autonomisation financière des provinces et des ETD.

53 Exposé des motifs de la loi financière n°83/003 du 23 février 1983 telle que modifiée et complétée par l'ordonnance n° 87/004 du 10 janvier 1987

Une autre illustration du non-respect des textes en vigueur et/ou des arrangements institutionnels se trouve être la non-effectivité de la rétrocession de la quotité des recettes à caractère national reconnues aux provinces dans les conditions prévues par la loi.

Les informations que contiennent les tableaux II.1 et II.2 ci-dessous nous montrent qu'en dépit de la modicité des recettes de la fiscalité provinciale et locale, le pouvoir central n'a pas procédé à la rétrocession de la quote-part due aux provinces (ex-Régions) pendant plusieurs années et ce, en violation des textes instituant la décentralisation.

Tableau II.1 : Recettes budgétaires des Régions et de l'Etat (en Zaire-monnaie)

Année

Régions

Etat

% Régions

1

1987

2 481 243 076

106 000 000 000

2,34

2

1990

22 398 616 095

584 258 430 000

3,83

TOTAL

 

24 879 859 171

690 258 430 000

3,60

Accroissement

1990/1987 (%)

 

902,72

551,19

 

Source : Comité Central du MPR-Parti Etat ; données tirées de Epee (G) ; 1992 ; op.cit. ; P351 ; compte tenu de l'instabilité de la monnaie et de l'hyperinflation de l'époque, nous n'avons pas jugé indiqué de reconvertir en francs congolais ou en dollars américains les masses budgétaires de ce tableau, le plus important étant le rapport en % entre les recettes des Régions et celles du pouvoir central.

Ce tableau indique que les recettes propres aux provinces (ex-Régions) sont insignifiantes par rapport à celles du Pouvoir Central : elles n'en représentent que 2,34% en 1987 et 3,60% seulement en 1990 même si elles ont connu au cours de la même période un rythme de croissance plus rapide soit 902,72% pour elles contre 551,19% pour l'Etat.

Cette illustration d'un faible niveau de « décentralisation fiscale » 55(55) est profondément explicative de l'enlisement de la réforme décentralisatrice et de son inefficacité.

En outre, le tableau II.2 ci-dessous indique que les provinces n'ont pu bénéficier pendant plusieurs années de la quote-part leur reconnue par les textes en vigueur au titre de rétrocession, alors que ladite quote-part à rétrocéder n'atteignait même pas les 0,4% des recettes globales de l'Etat.

Tableau II.2 : Recettes perçues et recettes rétrocédées par le Pouvoir Central pour le compte des entités décentralisées de 1984 à 1987 (en Zaire-monnaie)

Année

Recettes totales

Quote-part revenant aux Régions

% Quote-part à

rétrocéder

Recettes rétrocédées

1984

24 857 663 480,00

47 471 320,00

0,19

0

1985

43 149 139 987,00

61 540 362,00

0,14

0

1986

49 716 146 674,00

178 947 328,00

0,36

0

1987

106 000 000 000,00

228 087 557,00

0,22

0

TOTAL

223 722 950 141,00

516 046 567,00

0,23

0

Source : Comité Central du MPR-parti Etat ; données tirées de Epee (G) et Otemikongo (M) ; 1992 ; op.cit. ; P351

L'instabilité politique et sécuritaire dans laquelle le pays a été plongé du début des années 1990 jusqu'à la veille des élections de 2006 nous porte à avoir la conviction que rien ne pouvait, au cours de cette période trouble, arrêter fondamentalement ce comportement répréhensible du pouvoir central.

55 Yatta, F. (2006), op.cit. ; PP 31-32

A ce sujet, le tableau II.3 ci-dessous nous renseigne, faute d'informations fiables sur la part des provinces dans les budgets 2006, 2007, 2008 et 2009, que les prévisions budgétaires pour 2010 portent à 6,84% seulement le niveau de décentralisation fiscale alors qu'en France, par exemple, ce rapport est de 40% même si celui de la RDC est légèrement supérieur à la moyenne des pays de l'UEMOA qui s'est située autour de 4,38% en moyenne de 1999 à 2004 avec comme points extrêmes 1,57% pour le Mali contre 6,10% pour le Sénégal 56(56).

Tableau II.3: Part des provinces dans les recettes budgétaires globales de l'Etat pour l'exercice 2010 (en milliards de FC)

ANNEE

BUDGET DE L'ETAT

PART DES PROVINCES

% PART PROVINCES

2010

4.488

307

6,84

Source : Allocation du Premier Ministre à l'occasion de la présentation du projet du budget de l'Etat pour l'exercice 2010 devant l'Assemblée Nationale, Kinshasa, octobre 2009.

Cette projection d'un bas niveau de décentralisation fiscale en 2010 n'est pas de nature à soutenir l'émancipation financière des provinces et entités territoriales décentralisées dans la mesure où elle contraste avec les gains projetés pour la même année dans le cadre de la revisitation des contrats miniers et de l'amélioration de la viabilité de la dette à travers l'atteinte du point d'achèvement.

Cette dernière pourrait permettre à la RDC d'« accéder (dès juin 2010) aux ressources additionnelles estimées à plus de 500 millions de dollars américains, en sus des économies qui seront générées par l'annulation de 90% du stock de la dette extérieure »57. Dans le même ordre d'idées, nous nous souviendrons qu'en octobre 2006 déjà, le Gouvernement de Transition avait décidé souverainement de soustraire les recettes de la Direction des Grandes Entreprises (DGE) du panier des recettes à rétrocéder aux provinces et ETD et ce, contrairement aux prescrits de la Constitution.

56 Yatta, F. (2006); op.cit. ; P. 32

57 Muzito, A. (2009), Allocution à l'occasion de la présentation du projet du budget de l'Etat pour l'exercice 2010 devant l'Assemblée Nationale; Kinshasa, octobre 2009

Même si cette mesure avait été prise en son temps pour venir en appui au Programme Relais de Consolidation visant le resserrement des dépenses et l'encadrement efficient des actions de recettes pour corriger les dérapages budgétaires constatés pendant toute l'année 2006, cela revenait à vider de son contenu l'idée de la rétrocession des recettes à caractère national étant donné que les recettes des grandes entreprises représentent les 70% des recettes de la Direction Générale des Impôts58. Par ailleurs, l'affectation par le pouvoir central des recettes des pétroliers producteurs au service de la dette réduit davantage les opportunités de financement du développement local à partir de la base.

En outre, bien que le budget de l'Etat pour l'exercice 2008 ait pris en compte la décentralisation financière sur base de la formule consensuelle du Forum National de la Décentralisation, « les données sur l'exécution dudit budget montrent qu'en réalité, la rétrocession totale n'a représenté que 10,5% des recettes nationales »59. De plus, le Gouvernement Central ayant opté pour un retour à l'ancienne pratique de la répartition de la rétrocession sur base des critères arbitraires, la situation de la décentralisation financière s'est même aggravée en 2009.

En effet, les interprétations contradictoires de la rétrocession dite « de 40% » aux provinces ne cessent de défrayer la chronique et alimentent davantage le doute sur les chances de son application effective alors qu'elle constitue la principale ressource financière de la décentralisation.

Les discussions les plus courantes aujourd'hui sont celles qui opposent les provinces les plus nanties (Bas-Congo, Katanga et Kinshasa), lesquelles tiennent à tout prix à une retenue à la source de « 40% » des recettes à caractère national, au reste de provinces qui, elles, estiment qu'il s'agit de 40% des recettes produites dans l'ensemble du pays et qu'il conviendrait de rétrocéder équitablement à toutes les provinces. Pour appuyer leur prise de position, ces provinces soutiennent, entre autres arguments, que les recettes à caractère national réalisées à Kinshasa ne sont pas la traduction exacte des performances économiques de la capitale qui fiscalise les diamants des deux Kasaï, le bois de l'Equateur et le pétrole du Bas-Congo...

58 Banque Mondiale, (2009), Note sur le Découpage, op.cit. P .29 59Ibid; P. 25

Une autre pomme de discorde concerne les transactions douanières dans la mesure où elles profiteraient plus aux provinces-portes d'entrée alors que ces dernières ne sont nécessairement ni uniques consommatrices finales des marchandises importées ni seules productrices des biens exportés60.

A ces difficultés non résolues s'ajoute l'absence de péréquation et l'exacerbation des déséquilibres entre provinces et à l'intérieur de ces dernières.

2.1.2.2. Absence de péréquation et exacerbation des déséquilibres économiques internes

L'enlisement de la décentralisation financière en RDC est également due à l'absence d'organisation et de fonctionnement de la caisse nationale de péréquation alors que les disparités socio-économiques entre les provinces et à l'intérieur de ces dernières ne font que se prononcer. Prévue pourtant dans la loi financière de 1983, loi encore en vigueur, et préconisée formellement dans la Constitution de 2006, la péréquation se fait toujours attendre et son absence laisse davantage se creuser les écarts entre provinces, le mécanisme de rétrocession à ces dernières de 40% de la part des recettes nationales tablant formellement sur le poids démographique et la capacité productive de chacune d'entre elles.

Les tableaux II.4, II.5 et II.6 ci-dessous montrent à suffisance que sans la correction prévue dans le cadre de la péréquation pour marquer la nécessaire solidarité nationale, la « rétrocession » financerait un développement déséquilibré du pays et neutraliserait de ce fait, l'efficacité économique de l'Etat attendue de la décentralisation.

Entretenue à l'époque par la politique économique dite des « pôles de développement », politique qui encourageait la concentration des investissements privés dans trois provinces polaires (Kinshasa, Province Orientale-ex-Haut-Zaire, et Katanga-ex-Shaba) avec l'espoir de voir se propager les effets induits dans les provinces voisines et de proche en proche sur toute l'étendue du pays, la diffusion inégale du pouvoir économique a provoqué des disparités énormes au plan financier.

Tableau II.4 : Recettes budgétaires des Régions en 1987 et 1990 ( en Zaire-monnaie)

REGIONS

BUDGET 1987 (en Zaîre)

 

% Total

Régions

BUDGET 1990 (en Zaîre)

 

% Total Régions

% Moyenne

1987-1990

1

Kinshasa

 

728

576

732,00

29,36

8

634

350

762,00

38,55

 

33,96

2

Bandundu

 

282

171

514,00

11,37

1

305

430

934,00

5,83

8,60

 

3

Bas-Zaire

 

78

160

335,00

3,15

 

651

424

550,00

2,91

3,03

 

4

Equateur

 

275

509

972,00

11,10

1

296

077

140,00

5,79

8,45

 

5

Haut-Zaire

 

258

066

882,00

10,40

2

159

910

287,00

9,64

 

10,02

6

Kasai Occidental

 

208

914

941,00

8,42

1

818

847

311,00

8,12

8,27

 

7

Kasai Oriental

 

117

719

893,00

4,74

 

840

070

088,00

3,75

4,25

 

8

Shaba

 

210

567

231,00

8,49

3

034

979

465,00

13,55

 

11,02

9

Kivu

 

321

555

576,00

12,96

 
 
 
 
 
 
 

10

Maniema

 
 
 
 

4,32

 

807

053

316,00

3,60

3,96

 

11

Nord-Kivu

 
 
 
 

4,32

1

016

415

100,00

4,54

4,43

 

12

Sud-Kivu

 
 
 
 

4,32

 

833

691

122,00

3,72

4,02

 
 

TOTAL

2

481

243

076,00

112,96

22

398

250

075,00

100,00

 

100,00

Source : Comité Central du MPR - Parti Etat ; données tirées de l'article du Professeur Epee Gambua (1992) ; op.cit. ; P 353

Le tableau II.4 montre que les recettes budgétaires des 3 provinces polaires sont de l'ordre de 48,25% de l'ensemble en 1987 et de 61,74% en 1990, soit en moyenne 54,99% pour les deux périodes, avec 33,96% pour la seule ville-province de Kinshasa contre 3,96% pour le Maniema, soit une tension de 1 à 8,5.

Le pays ayant été marqué par un environnement socio-économique caractérisé par une inflation à 3 chiffres, les pillages de 1991 et 1993, la guerre dite de « libération » de 1996- 1997, l'agression de 1998, et la transition de 2001 à 2006, ces déséquilibres doivent avoir persisté s'ils ne se sont pas aggravés.

C'est ce que nous donne, d'ailleurs, à penser le tableau ci-dessous.

Tableau II.5 : Etat de suivi budgétaire de la rétrocession aux provinces de 2006 à 2008 (en FC)

PROVINCES

2006

 
 
 

2007

 
 

2008

 
 
 

TOTAL

 
 

%

1

Kinshasa

16

085

542

511

8

321

288

456

14

861

358

981

39

268

189

948

18,90

2

Bas-Congo

7

353

130

647

7

559

965

880

21

021

504

963

35

934

601

490

17,29

3

Bandundu

 

306

611

654

2

501

184

530

7

144

685

133

9

952

481

317

4,79

4

Equateur

 

325

157

533

5

655

049

271

9

903

966

589

15

884

173

393

7,64

5

P. Orientale

 

710

841

095

2

593

986

226

12

313

031

018

15

617

858

339

7,52

6

Nord-Kivu

1

573

503

025

1

957

027

833

6

771

634

269

10

302

165

127

4,96

7

Maniema

 

401

451

307

1

441

216

519

5

772

101

529

7

614

769

355

3,66

8

Sud-Kivu

1

128

125

932

2

383

184

256

6

158

859

882

9

670

170

070

4,65

9

Katanga

5

691

153

571

8

683

753

516

21

111

902

426

35

486

809

513

17,08

10

Kasai Occidental

 

621

417

249

6

075

806

256

7

373

905

126

14

071

128

631

6,77

11

Kasai Oriental

 

663

921

335

2

822

816

993

10

519

569

286

14

006

307

614

6,74

 

TOTAL

34

860

855

859

 

49 995 279 736

122

952

519

202

 

207

808 654 797

100

Source : Données collectées auprès du Ministère du Budget, Chaîne de la Dépense, Direction de la préparation et du suivi budgétaire, août 2009, Kinshasa

Il ressort des données ci-haut que 3 provinces, à savoir : Kinshasa, Bas-Congo et Katanga, bénéficient à elles seules de 53,27% de l'enveloppe débloquée au titre de rétrocession effective aux provinces de 2006 à 2008 en RDC et ce, en entretenant un déséquilibre interprovincial caractérisé par une tension de 1 à 5,15.

Aujourd'hui, en 2009, la répartition entre les différentes provinces des « recettes à caractère national », telle que l'indique le tableau II.6, reflète le même déséquilibre économique interprovincial.

Tableau II.6 : Recettes à caractère national allouées aux provinces pour l'exercice 2009

PROVINCES

MONTANT ALLOUE en FC

% DU TOTAL

1

Kinshasa

107 248 243 404,00

19,09

2

Bas-Congo

70 915 887 505,00

12,63

3

Bandundu

64 497 860 215,00

11,48

4

Equateur

45 774 875 476,00

8,15

5

Province Orientale

43 535 998 361,00

7,75

6

Nord-Kivu

24 931 490 502,00

4,44

7

Maniema

19 476 333 541,00

3,47

8

Sud-Kivu

25 117 984 965,00

4,47

9

Katanga

84 425 037 435,00

15,03

10

Kasai Occidental

36 236 737 550,00

6,45

11

Kasai Oriental

39 506 805 713,00

7,03

 

TOTAL

561 667 254 667,00

100

Source : Ministère du Budget; données tirées de Kukatula (O) ; (2009) ; op.cit

Comme on peut le constater, la ville-province de Kinshasa, ses deux provinces voisines (Bas-Congo et Bandundu) ainsi que la province du Katanga absorbent à elles seules les 58,24% de l'ensemble de l'enveloppe de rétrocession prévue pour l'exercice 2009.

Kinshasa demeure en tête avec 19,09% suivie du Katanga avec 15,03%, tandis que la tension globale entre les provinces est cette fois-ci de l'ordre de 1 à 5,5. En d'autres termes, les provinces les plus nanties bénéficiant de la part la plus importante de la rétrocession, les déséquilibres ne peuvent qu'être exacerbés du fait d'une décentralisation financière qui s'avère inéquitable à cause de la non-application des textes en vigueur.

L'inquiétude face à cette situation est d'autant plus justifiée que même le Fonds de Promotion de l'Industrie (FPI), entreprise publique créée par ordonnance n°089-171 du 7 août 1989 pour soutenir financièrement l'essor du tissu industriel national, n'a pas contribué au cours de ses 20 ans d'existence, soit de 1989 à 2009, à la réduction des déséquilibres économiques prononcés entre provinces.

En effet, les interventions du FPI ont ajouté aux déséquilibres existants. Car, ce « fonds », dont la ressource principale est la taxe de promotion de l'industrie, a pu financer 688 projets depuis sa création pour un montant total de 175 244 294,99 $us dont les 52% pour la seule ville de Kinshasa61. Le graphique 1 ci-dessous nous renseigne comment ledit fonds est inégalement réparti entre les 11 provinces que compte la RDC.

Graphique 1 : Interventions du FPI entre les 11 provinces de la RDC de 1989 à 2009

Source : Fonds de Promotion de l'Industrie , (2009) ; Comité de Gestion.

Il se dégage de cette ventilation que les 3 provinces les plus nanties actuellement, en l'occurrence la ville de Kinshasa, le Bas-Congo et le Katanga, reçoivent la part du lion avec 72% des interventions du « Fonds » alors que la tension globale qu'elle entretient est de 1 à 52, la province du Maniema étant toujours la lanterne rouge.

Ces différentes illustrations de la disparité du potentiel économique entre les provinces concourent à la mise en évidence de la nécessité et d'une rétrocession plus équitable et du jeu de péréquation pour assurer un développement harmonieux des provinces et ETD. En termes clairs, l'absence de critères objectifs et équitables de rétrocession ainsi que le non-recours à la péréquation maintiennent bon nombre de provinces et entités territoriales décentralisées dans une trajectoire de développement inégal prononcé. Sans une rétrocession équitable et une péréquation effective et conséquente donc, on est en présence d'une situation où le financement inconsidéré de la décentralisation, par une rétrocession automatique et sans discernement, favoriserait énormément quelques provinces au détriment de la majorité d'entre elles.

Cette réalité ne peut que conforter l'enlisement de l'autonomisation financière des provinces prises dans leur ensemble.

Des faiblesses identifiées dans la mobilisation et la gestion de ressources budgétaires aggravent davantage cet état de choses.

2.2. Faiblesses fréquentes et persistantes en matière de mobilisation et de gestion des ressources

Il s'agit des faiblesses observées tant dans la mobilisation des ressources budgétaires que dans la gestion de ces dernières.

2.2.1. Faiblesses en matière de mobilisation des ressources budgétaires

Dans le domaine de mobilisation des ressources budgétaires, il est indiqué de relever, d'une part, l'insuffisance persistante des ressources budgétaires part rapport à la hauteur des tâches et responsabilités des provinces et entités décentralisées, et, d'autre part, l'extraversion prononcée du financement budgétaire de l'Etat.

2.2.1.1. Insuffisance persistante des ressources budgétaires par rapport à la hauteur des tâches et responsabilités des provinces et ETD

Comme nous le savons, le nombre de provinces devra passer de 11 à 26, dans le cadre du découpage territorial accompagnant le processus décentralisateur. L'installation, le fonctionnement et le développement des nouvelles provinces et ETD nécessiteront la mobilisation conséquente des ressources tant humaines, matérielles que financières.

Le tableau II.7 ci-dessous tente de donner une idée de ce que serait la hauteur de la charge financière qu'impliquerait ce découpage territorial pour les provinces et les ETD en RDC, en termes de rémunération des effectifs supplémentaires en personnel politique et agents d'appoint, de frais d'installation et de fonctionnement, avec l'élection d'au moins 6384 « députés provinciaux et locaux » auxquels il conviendra d'ajouter près de 2000 «chefs des exécutifs provinciaux et locaux» et plus de 3000 « ministres provinciaux et locaux », sans compter les membres des organes délibérants des communes, secteurs et chefferies62.

Tableau II.7 : Etendue des besoins supplémentaires suscités par le découpage territorial

Source : Ministère de l'Intérieur, Décentralisation et Sécurité, document-vidéo exposé le 12 mai 2007 à Kananga par le Général Kalume Numbi, alors Ministre d'Etat.

L'énorme étendue des besoins d'installation des nouvelles provinces et ETD dans le cadre de la décentralisation a fait dire en son temps au Général Denis Kalume Numbi, alors Ministre d'Etat en charge de l'Intérieur, qu'il faut « 1000 000 $us par entité territoriale décentralisée, chiffre à multiplier par 1015 entités ; même exercice pour les 26 provinces qui doivent bénéficier chacune de 50 000 000 $ comme frais d'installation»63. Nous pouvons, de ce qui précède, estimer à environ 2 315 000 000 $us l'enveloppe à mobiliser pour financer l'installation des nouvelles provinces et entités territoriales décentralisées.

Quand on sait que ce montant faramineux vaut plus de quatre fois le coût des élections de 2006, lesquelles ont été entièrement financées par l'extérieur, il y a lieu de douter de la capacité financière du pays à en supporter facilement la charge.

La faiblesse du niveau des ressources budgétaires mobilisées face aux potentialités dont regorge le pays et aux besoins de financement de la décentralisation est un véritable goulot d'étranglement pour cette dernière en RDC

Pour en convaincre le lecteur, nous allons rendre compte de quelques aspects de la vie financière du Pouvoir Central et des provinces, à savoir : le paradoxe fiscal actuel du secteur minier ; la pauvreté structurelle des ménages ; la faiblesse du taux de prélèvement sur les économies locales ainsi que la non-viabilité financière d'un bon nombre de provinces, et nous en passons...

Les ressources minières constituent la principale richesse de la RDC. Ce pays détient la moitié des réserves mondiales de cobalt et l'une des plus importantes réserves mondiales de cuivre. La RDC était d'ailleurs le premier producteur mondial de cobalt avec 6 100 t de minerai en 1996, deuxième pour les diamants en 1995 avec 20 millions de carats ; avant 1991, le cuivre était le produit d'exportation le plus lucratif. Les autres ressources minières sont l'étain, l'or, l'argent, le zinc, le manganèse, le tungstène, le coltan et le cadmium. Les gisements de pétrole en mer sont exploités depuis 197564.

63 Le Potentiel, (2007) ; « Cap sur la décentralisation » ; Edition du 25 octobre 2007

64 Elément tiré de Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2008 Microsoft Corporation sur la RDC

Mais aussi paradoxal que cela ne puisse paraître, aujourd'hui, le secteur minier est devenu au plan budgétaire l'ombre de lui-même à cause de la gestion prédatrice dont il n'a cessé de souffrir. Des décennies durant, l'opinion publique a cherché, en vain, à savoir ce que le gouvernement faisait du pétrole exploité sur le littoral à Moanda dans la province du Bas-Congo. Cinquante ans après, l'on est loin, très loin du compte. Le rapport Mutamba Dibue, diligenté par le Sénat, est venu encore renforcer ces appréhensions. Etabli sur la période de 2007-2008, ce document renseigne que « les services publics organisent eux-mêmes le maquillage des chiffres pour le compte de leurs responsables, minorant la hauteur des redevances, taxes et impôts annuels payés par les opérateurs miniers. L'Etat se retrouve toujours perdant »65.

La faiblesse relative des ressources financières publiques provenant du secteur minier est aussi le fait de la gestion prédatrice des entreprises publiques minières dont la plus grande du pays, à savoir la Gécamines, a vu sa production de cuivre passer de 465000 tonnes en 1990 à 19000 tonnes seulement en 2002. Cette gestion calamiteuse est particulièrement caractérisée par la multiplication des contrats dits « léonins » entre les années 1997 et 2006. C'est ce que nous donne à découvrir le tableau ci-dessous.

Tableau II.8 : Résultats de la revisitation des partenariats miniers entre 1997 et 2006

Contractant

Partenariats Conclus

Gré à gré

A base

d'appel d'offre

A résilier

A renégocier

Approuvé Sans

objection

1

ETAT

4

4

 

2

2

-

2

ENTREPRISES

 
 
 
 
 
 
 

MIBA

6

6

 
 

6

-

 

EMK-Mn

2

2

 

1

1

-

 

OKIMO

9

9

 

3

6

-

 

SAKIMA

5

5

 

4

1

-

 

SODIMICO

6

6

 

5

1

-

 

GECAMINES

29

28

1

9

20

-

 

TOTAL

61

60

1

24

37

-

Source : Ministère des Mines de la RDC, Rapport de la Commission de Revisistation des Contrats Miniers (Volumes 1 et 2), (2009), Editions Cepas.

65 Le Potentiel, (2010), « A haute voix. Opacité » ; PP1-2 ; N°4884 du 26 mars 2010.

En effet, il ressort de l'examen attentif de ces informations relatives à la revisitation des contrats miniers conclus par les pouvoirs et entreprises publics entre 1997 et 2006 que sur 61 contrats conclus, 60, soit les 98,36 %, l'ont été de gré à gré, donc entachés de suspicion légitime de corruption, 24 sont déclarés résiliables et 37, soit les 60,67%, devront être renégociés même s'il est déplorable de constater que « la Commission (de revisitation) n'a pas pu s'assurer auprès des services fiscaux et des autres régies financières que les entreprises amodiataires sont en règle vis-à-vis d'eux (et) qu'elle espère que lors des phases suivantes du processus de revisitation des contrats, le Gouvernement y veillera »66.

Un des points les plus saillants qui ait retenu notre attention dans ce rapport de revisitation réside dans le fait que les parties aux contrats bénéficiaient de la part de l'Etat des avantages fiscaux exorbitants.

Parmi ces avantages, on peut épingler « l'exonération jusqu'à la quinzième année d'exploitation de tous les impôts, taxes, droits, contributions et prélèvements de quelque nature que ce soit, directs ou indirects, fiscaux ou parafiscaux, nationaux ou locaux dus à l'Etat, aux collectivités locales ou territoriales, aux entités administratives existantes et à venir ; exonération étendue aux fournisseurs, contractants, sous-contractants et prestataires » 67 et ceci, même pour la production des métaux aussi précieux et au prix relativement stable que l'or, par exemple.

Le réalisateur belge du film « Katanga Business », Thierry Michel, livre en ses termes sa lecture de cette sous-fiscalisation du secteur minier congolais : « Le Congo a besoin d'argent (...), il n'est pas capable de financer quoi que ce soit, et est obligé de solder son empire minier »68.

Le gangstérisme qui a élu domicile dans certaines contrées minières du pays contribue, également, à l'exacerbation du contraste déroutant entre le potentiel fiscal des richesses exploitées et les faibles ressources budgétaires collectées par les pouvoirs publics.

66Ministère des Mines, (2009), Rapport des travaux, Commission de Revisitation des Contrats Miniers ; Cepas 67Ministère des Mines, (2009), op.cit. PP 7-226.

La pauvreté structurelle des ménages explique à son tour l'insuffisance des ressources budgétaires publiques. Selon le PNUD, si « l'on agrège l'ensemble des revenus d'activités des ménages, on obtient un revenu moyen par ménages de 84$ dans la ville-province de Kinshasa contre 42$ sur l'ensemble de la RDC69. Cette triste réalité était déjà reconnue par le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) dans sa version intérimaire lorsqu'il soulignait que : « En dépit de toutes (ses) immenses ressources humaines et de sous-sol, la RDC est classée parmi les pays les plus pauvres du monde (...). Près de 80% de sa population survivent à la limite de la dignité humaine, avec moins de 0,20 $us par personne et par jour »70. Cet état de choses entretient la pauvreté fiscale globale et perturbe la mise en oeuvre réussie de la décentralisation financière.

Le dernier exposé public du Premier Ministre sur la situation socio-économique du pays confirme que le PIB/habitatnt de la RDC, soit 200$us, est un des plus bas de l'Afrique subsaharienne. C'est ce qui est illustré ci-dessous.

Tableau II.9 : Situation économique et sociale de la RDC par rapport à quelques pays africains en 2009

Pays

PIB (en milliards de $us)

Population

(en millions

d'habitants)

PIB/Habitant (en $us)

Budget

(en milliards $us)

RD CONGO

12,5

62

200

2,5

R. CONGO

13,6

3

4250

3,8

ANGOLA

119,3

18

6630

27

ZAMBIE

14,3

13

1130

2,7

SOUDAN

41,0

18,3

2240

10,5

GABON

14,5

1,5

9700

4,6

RSA

277,2

49

5690

73,6

NIGERIA

214

140

1450

39,9

Source : Cabinet du Premier Ministre ; données tirées de Kisungu (K) ; (2010) ; « Le discours décrypté du Premier Ministre ; Muzito : le temps de l'inventaire » ; Africanews ; N° 423 ; 15-16 février 2010 ; PP 4-10

69Agence DIA, (2009) ; « RDC : Pauvreté structurelle des ménages à Kinshasa » ; juin 2009 70Ministère du Plan, (2004), Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté.

Ce tableau indique qu'en dépit de ses énormes potentialités, la RDC affiche en 2009 un PIB inférieur, tant en valeur absolue que par habitant, à celui de nombre de pays africains avec un écart de 1 à 33 entre ledit PIB et celui de l'Angola, par exemple, pays n'ayant obtenu son indépendance qu'en 1975, soit 15 ans après la RDC...

Graphique 2 : PIB/HAB du Congo Brazzaville en 2008 et évolution du PIB/HAB de la RD Congo de 2009 à 2040 ( en $us)

Source : Cabinet du Premier Ministre ; données tirées de Kisungu (K) ; (2010) ; « Le discours décrypté du Premier Ministre Muzito : le temps de l'inventaire » ; Africanews ; N° 423 ; 15-16 février 2010 ; PP 4-10

Le graphique 2 révèle que la RDC, avec un PIB per capita de 200$us et un taux de croissance de 13% à partir de 2009, doit mettre 30 ans pour atteindre le niveau actuel de son voisin, le Congo, qui, lui, est de 4250 $us actuellement.

La complexité du système fiscal opère aussi dans le même sens dans la mesure où elle est caractérisée par une multitude d'impôts et taxes supportées par une infime partie de la population : plus il y a d'entités territoriales décentralisées plus il y a des taxes locales à faible rendement.

La mobilité de la matière imposable en milieu rural, le bétail par exemple, rend difficile, elle aussi, l'évaluation des bases d'imposition et la perception des recettes y relatives et participe, de ce fait de la modicité des ressources financières.

Par ailleurs, les taux de recouvrement des ressources locales demeurent faibles du fait de la rareté des systèmes d'information, du mauvais état et/ou de l'inexistence des infrastructures et moyens de transport appropriés qui mettent à mal la mobilité des agents percepteurs.

En outre, « quelques failles, fréquemment enregistrées dans la phase d'encaissement (des recettes), telles que la délivrance de fausses preuves de paiement, l'existence de bordereaux parallèles de versement, la falsification et l'encaissement partiel des sommes dues »71, tout comme l'absence des services d'assiette et de recouvrement appropriés dans certaines contrées, le faible niveau de formation des agents locaux et un bas niveau ou l'absence de motivation, sont également stigmatisés parmi les facteurs qui favorisent de faibles performances budgétaires de l'administration fiscale en général et, plus particulièrement, des provinces et entités décentralisées72.

Les analyses de la Banque Mondiale sont sans appel à ce sujet, en ce qu'elles précisent que la faiblesse des performances fiscales s'explique partiellement par la défaillance des administrations fiscales, qui sont dotées d'un personnel qualitativement et quantitativement insuffisant et qui sont, en outre, sous-équipées73.

A cette autre difficulté d'instrumentation des ressources locales, il conviendrait d'ajouter la non-viabilité financière de la majorité des futures provinces. Selon la Banque Mondiale, l'évolution de la viabilité des futures provinces affiche une tendance à la baisse à partir de 2010 où elle sera de 74,3% contre 80% en 2009 pour se fixer en 2012 à moins de 50%, soit 49,4%. C'est ce qui ressort du tableau II.10.

Tableau II.10 : Evolution consolidée de la viabilité financière des futures provinces

DESIGNATION

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Recettes totales

164471059922

270655 358377

363949447623

499771080849

649315852275

840524898718

 

Dépenses totales

252638125803

339274927549

454808648499

672997867441

1044217385083

1701271601514

 

Ecart(R-D)

88167065881

68619569172

90859200876

173226786 592

394901532 808

860746702796

 

Taux de viabilité

65,1%

79,8%

80%

74,3%

62,2%

49,4%

 
 
 
 
 
 
 

Source : Banque Mondiale ; (2009) ; Note sur le Découpage; Division Réforme du Secteur Public et Renforcement des Capacités (AFTPR) Région Afrique ; op.cit. P .42

71Katalayi, K. (2009) ; « Les banques agrées impliquées dans la stratégie de maximisation des recettes » ; Bulletin de la DGRAD ; N° 03 ; juin-août 2009 ; P. 5

72Epee (G) et Otemikongo (M); (1992); op.cit. ; P. 351

73 Banque Mondiale, (2009), Note sur le Découpage, op.cit. P .45

Selon la même source, le tableau II.11 ci-dessous montre que sur les 21 nouvelles provinces
qui seront issues du découpage (parmi 26 au total), 17 sont jugées financièrement non-
viables, soit les 80,95%, 2 ont une viabilité mitigée tandis que 2 autres seulement sont viables.

Tableau II.11 : Viabilité financière spécifique des futures provinces de 2007 à 2012

PROVINCES

VIABLE

VIABILITE MITIGEE

NON -

VIABLE

1

Kwilu

 
 

X

2

Kwango

 
 

X

3

Mai-Ndombe

 
 

X

4

Tshilenge

 
 

X

5

Lomami

 
 

X

6

Sankuru

 
 

X

7

Haut-Katanga

X

 
 

8

Haut-Lomami

 
 

X

9

Lualaba

X

 
 

10

Tanganyika

 
 

X

11

Tshopo

 

X

 

12

Ituri

 

X

 

13

Haut-Uele

 
 

X

14

Bas-Uele

 
 

X

15

Kasai Central

 
 

X

16

Kasai

 
 

X

17

Nord-Ubangi

 
 

X

18

Sud-Ubangi

 
 

X

19

Mongala

 
 

X

20

Equateur

 
 

X

21

Tshuapa

 
 

X

 

TOTAL

2

2

17

Source : Banque Mondiale ; (2009) ; op.cit. ; PP 32-49

Cela étant, la faiblesse du niveau de prélèvement sur les économies tant nationales que locales est aussi entretenue et aggravée par l'incivisme fiscal qui se traduit par la remise en question de l'Etat et de sa principale prérogative qu'est l'impôt et ce, particulièrement dans la partie - Est du pays bien connue à la fois pour la crise sécuritaire qui y sévit ainsi que pour l'exploitation illicite de ses ressources naturelles dont elle souffre...

Nous ne pouvons, cependant, boucler cette section sans établir de rapport entre la crise financière internationale, conjoncturelle soit-elle, et la mise en oeuvre de la décentralisation financière.

A cause de la crise financière, les perspectives de croissance du PIB ont été largement revues à la baisse pour 2009 de 9% à 2,7%, après cinq années pendant lesquelles le taux de croissance du PIB a été en moyenne de 5,7%.

Ce repli du PIB a entraîné une baisse considérable des recettes de l'Etat au dernier trimestre 2008 et au premier trimestre 2009. Comparées à leur niveau du premier trimestre 2008, les recettes publiques ont fortement baissé au premier trimestre 2009. En termes réels, elles sont passées de 230 millions de dollars américains en mars 2008 à 176 millions en mars 2009, soit une baisse de 24 %74.

Dans un tel contexte, les moyens de l'Etat et ceux propres aux provinces et ETD se trouvent fortement réduits sous l'influence des chocs exogènes.

2.2.1.2. Extraversion prononcée du financement budgétaire de l'Etat

Le niveau relativement élevé de la part des recettes extérieures dans le budget de l'Etat contribue également à l'enlisement de la décentralisation financière.

74 Muzito, A. 2009; op.cit.

Tableau II.12 : Part des recettes extérieures dans le budget de l'Etat

EXERCICE BUDGETAIRE

RECETTES TOTALES

RECETTES EXTERIEURES

PART RECETTES

EXTERIEURES EN %

 

EN MILLIARDS DE $US

EN MILLIARDS DE $US

 

2006

2

1,008

50,4

2007

2,4

0,82

34,17

2008

3,5

1,3

37,14

 

EN MILLIARDS DE FC

EN MILLIARDS DE FC

 

2009

2629

1031

39,22

2010

4488

2233

49,76

Moyenne/5 exercices

 
 

42,14

 

Source : Programme du Gouvernement pour 2009 ; les prévisions de 2010 sont celles du projet de budget déposé pour adoption par l'Assemblée Nationale

Comme on peut le constater ci-haut, avec un budget dépendant de l'extérieur à hauteur de 42,14% en moyenne, les ressources attendues des prélèvements sur les économies nationale et locale ne peuvent servir qu'à faire face à près de la moitié des dépenses budgétaires.

Ce qui ne peut manquer de réduire la marge de manoeuvre du Gouvernement et de rendre la décentralisation financière aussi hypothétique que l'aide extérieure et ce, malgré la tendance haussière du budget.

La dette extérieure entretient elle aussi l'insuffisance des ressources budgétaires. Il ne faut pas un dessin pour comprendre que son service réduit davantage la liberté d'action budgétaire des pouvoirs publics et, mutatis mutandis, la régularité de la « rétrocession » due aux provinces et ETD. Ce constat fait par le Ministre congolais des Finances est édifiant à plus d'un titre : « le stock de la dette extérieure de la RDC représente environ 700% des recettes publiques et 90% du PIB, contre des seuils tolérables respectifs de 200% et 30%. La dette extérieure de la RDC est tout simplement non viable »75.

75 Matenda, A. (2008 ) ; « Les déclencheurs du point d'achèvement de l'initiative PPTE à l'examen à la CISP » ; Le Potentiel ; N° 4514 du 31 décembre 2008.

2.2.2. Défaillances en matière de gestion des ressources financières publiques

A côté des faiblesses tenant à la mobilisation de ressources, il y a aussi des imperfections liées à leur gestion. Dans ce cadre, nous pouvons stigmatiser la décapitalisation des entreprises publiques ainsi que les multiples cas d'allocation irrationnelle de ressources, de détournement de fonds publics et d'absence de sanctions appropriées.

2.2.2.1. Décapitalisation des entreprises du portefeuille de l'Etat

Concernant l'exécution des recettes budgétaires, la tendance à élargir l'assiette fiscale sans répondant proportionnel dans le secteur productif, est singulièrement prononcée en 2001 avec la fixation par l'Etat des sommes forfaitaires que les entreprises publiques devaient acquitter au titre de contributions spéciales au Trésor. Depuis 2002, les contributions spéciales se sont muées en avances sur dividendes. Sur les 19 entreprises ayant fait leur versement en 2002, 10 n'ont pas établi d'états financiers, 5 ont des états financiers indiquant que l'exercice s'est clôturé en perte alors que les avances sur dividendes ont été importantes, 4 entreprises disposant d'états financiers avec des résultats positifs ont payé des avances sans proportion avec les bénéfices76.

Pour preuve, Cohydro a des résultats positifs de 27,6 millions et a payé 122 millions à titre d'avances, Ogefrem a des résultats positifs de 7,8 millions et a payé 27,2 millions, ONT a des résultats positifs de 7,8 millions et a payé 0,8 millions. La Cour conclut que « le système des avances sur dividendes, tel qu'il est pratiqué, a un impact négatif sur le cadre macroéconomique du pays par l'opacité qu'il engendre, dans la mesure où la plupart de ces entreprises n'ont pas d'états financiers, et par la décapitalisation des entreprises publiques qu'il entraîne » 77.

En entamant ainsi la base productive globale par la décapitalisation des entreprises publiques, cette pratique a pour conséquence de restreindre à terme et sensiblement la portée économique des effets externes attendus desdites entreprises et de réduire, par ricochet, la richesse nationale ainsi que l'assiette fiscale de l'Etat et des entités décentralisées. Ce qui constitue un handicap sérieux à la mise en oeuvre réussie de la décentralisation financière.

76 De Saint Moulin, L. (2006) ; « Observations de la Cour des Comptes sur les comptes de l'Etat pour les exercices 1997, 1998, 2001, 2002 et 2003 » ; Congo-Afrique ; n° 401, janvier 2006 ; P 33.

77 De Saint Moulin, L. (2006) ; op.cit ; P 32

2.2.2.2. Imperfections en matière d'allocation des ressources et déficit de contrôle

Les observations de la Cour des Comptes sur les comptes de l'Etat pour quelques exercices budgétaires, indiquent que certains cas de dépassements budgétaires et de détournement des deniers publics retenus à titre exemplatif suffisent pour témoigner d'une certaine manière des difficultés de l'Etat à conduire les finances publiques en fonction de la décentralisation.

Dans l'exécution des dépenses courantes, la Cour des comptes constate pour l'exercice 2003 un niveau fort élevé de crédits restés disponibles et annulés (101,6 milliards) contrastant avec l'ampleur de l'exécution de dépenses non prévues au budget ou en dépassement sur les prévisions (100,5 milliards) sans qu'aucune modification ou rectification n'ait été apportée à, la loi budgétaire 2003.

La même Cour relève que « les paiements n'ayant pas fait l'objet d'ordonnancement de façon formelle représentent en 2003 41% du total des paiements, contre 53,2% en 2002 et 31% en 2001 », tandis que «14 projets non approuvés ont été exécutés 2003 à hauteur de 59,8% de l'ensemble des paiements faits au titre des dépenses en capital»78.

Comme si ces données ne suffisaient pas pour nous édifier sur la mégestion publique, la Direction de la Reddition des Comptes du Ministère des Finances a publié comme repris au tableau ci-dessous les chiffres sur le dépassement budgétaire imputé à l'espace présidentiel 79. Ce dépassement est de l'ordre de 115% en moyenne et se situe dans la fourchette de 36 à 242% des dépenses autorisées ...

78 Ibid; P 3

79 De Saint Moulin, L. (2006) ; op.cit ; P 35

Tableau II.13 : Etat des dépassements budgétaires de l'espace présidentiel pour l'exercice budgétaire 2006 (janvier à décembre)

COMPOSANTE

% DEPASSEMENT BUDGETAIRE

Présidence de la République

91%

Vice-Présidence en charge de la Politique, Défense et Sécurité

99%

Vice-Présidence en charge des Questions

Economiques et Financières

242%

Vice-Présidence en charge des Questions Socio-

culturelles

109%

Vice-Présidence en charge de la Reconstruction

36%

Source : Ministère des Finances ; Direction de la Reddition des Comptes ; données tirées de Obotela (N) ; (2006) ; « Afrique -actualités, novembre 2005 », Congo-Afrique, n° 401 ; janvier 2006 ; P. 62

Les détournements des deniers publics ont été légion au cours de la période sous-revue, alors qu'en contribuant à l'effritement des moyens d'intervention de l'Etat, ils réduisent les chances de réalisation effective de la décentralisation au plan financier. A titre illustratif, au cours d'un point de presse animé en date du 5 novembre 2005, le Président de la Cour des Comptes et l'Inspecteur Général des Finances ont fait part à l'opinion publique du détournement d'un montant de 28 millions de dollars américains à la Direction Générale de l'Impôt. Environ 2 semaines après, la presse a fait état du démantèlement du réseau de malfaiteurs ayant été à la base d'un détournement de 3 millions de dollars américains à la Banque Centrale80.

L'enlisement de la décentralisation financière est davantage exacerbé par le déficit de contrôle et de sanctions exemplaires en cas de dérapages. L'exemple des contrats léonins dans le secteur minier est éloquent à ce sujet.

En effet, le rapport de 2007 sur la revisitation des contrats miniers conclus par les pouvoirs publics et les entreprises entre 1997 et 2006 n'a jusqu'ici fait l'objet d'aucune sanction à l'endroit des décideurs publics ayant facilité de loin ou de prêt leur conclusion tandis que l'on ignore à ce jour la suite réservée aux résultats dudit rapport pour ce qui est des cas de résiliation (22,95%) ou de renégociation (77,05%), sachant que c'est à la faveur du contrôle et du suivi, seulement, que l'Etat peut valablement évaluer les pertes subies et proposer des réparations ou des compensations conséquentes81.

Par ailleurs, la rétention de l'information de la part de certains mandataires publics et de leurs partenaires82 devrait davantage justifier le besoin de contrôle et de suivi pour garantir les intérêts de l'Etat et, par ricochet, la capacité de ce dernier à procéder aux transferts financiers décentralisés en faveur des provinces et ETD.

Au regard de tout ce qui précède, il convient d'envisager des stratégies à même de favoriser le redressement et l'efficacité de la décentralisation financière en RDC.

81 Ministère des Mines, (2009), op.cit. PP 7-226 82Ibid ; P. 5

CHAPITRE II : REDRESSEMENT DE LA DECENTRALISATION FINANCIERE EN RDC, JUSTIFICATION ET ASPIRATIONS

Pour permettre aux provinces et ETD de se relever financièrement et de contribuer efficacement à la maximisation du surplus collectif en RDC, par « l'augmentation de l'accessibilité et de la qualité des services publics »83, il importe que des stratégies appropriées y soient mises en oeuvre. C'est dans ce cadre que nous proposons dans les lignes qui suivent une approche adaptée aux réalités de ce pays.

Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, justifier l'adoption de ladite approche (Section I) et, dans un deuxième temps, en formuler les stratégies en termes d'actions concrètes à mener (Section II).

SECTION I : CONTEXTE JUSTIFICATIF D'UNE NOUVELLE APPROCHE

L'expérience spécifique de la RDC ainsi que les enjeux de l'heure justifient le recours à une approche du redressement de la décentralisation financière fondée sur deux leviers complémentaires, à savoir : d'une part, le changement des mentalités84 dans le chef des acteurs et, d'autre part, la soutenabilité budgétaire de la réforme décentralisatrice.

1.1. Expérience-pays et justification de la nouvelle approche

Les leçons tirées au cours de la période sous-revue, témoignent à grand trait de la double nécessité du changement des mentalités et de l'adaptation des moyens d'action aux nouvelles tâches et responsabilités du Pouvoir Central, des provinces et des ETD, comme éléments catalyseurs de la réussite de la décentralisation financière en RDC.

1.1.1. Nécessité du changement des mentalités

Les analyses qui ont précédé nous ont suffisamment montré qu'il ne suffit pas d'élaborer de bonnes lois ou des règlements rigoureux ni de décréter leur respect, pour que le mot d'ordre soit suivi.

83Fumuzanza, J. (2009) ; « La bonne gouvernance en RDC : orientations et stratégies de la gouvernance » ; Communication ; Séminaire-atelier organisé par la Commission Interministérielle d'Audit et Bonne Gouvernance (CIABG)/; 16-17 juillet 2009 ; Kinshasa

Ces mêmes analyses nous ont aussi appris que l'allocation budgétaire d'un volume donné de ressources aux provinces et ETD n'entraîne pas toujours leur bénéfice par ces dernières ; tandis que lorsqu'elle est effective, cette allocation n'aboutit pas automatiquement à l'atteinte des objectifs assignés à la décentralisation. Ceci montre à suffisance « qu'il ne faut rien attendre des changements naturels, mais qu'il faut tout attendre des moyens artificiels susceptibles d'améliorer un ordre donné de choses »85. C'est-à-dire, en fait, que le redressement visé devrait porter sur le changement durable des pratiques, un « changement qui doit être ordonné, dirigé et stimulé artificiellement »86.

C'est bien à ce changement qu'invitait déjà Vunduawe (1982) en estimant qu'il faut des hommes à l'esprit décentralisé pour mener à bon port la réforme lancée alors en 1982.

Dans le même ordre d'idées, Epee et Otemikongo (1992), ont insisté sur la promotion de la culture d'investissement dans le chef des acteurs.

Les stratégies de mobilisation des citoyens autour des objectifs des programmes gouvernementaux mettent aussi au premier plan le changement des mentalités.

Sous la Deuxième République, la préoccupation du changement de comportement était bien perceptible dans le cadre de l'esprit du Salongo à travers des slogans tels que : « Retroussons les manches » ou « Moto na moto abongisa » (que chaque citoyen contribue à la construction d'une société meilleure où qu'il se trouve).

Pendant la Transition, il avait suffit que le gouvernement issu de la Conférence Nationale Souveraine, fasse de la lutte contre l'impunité son cheval de bataille, pour voir les dignitaires de l'époque retourner d'eux-mêmes les biens publics dont ils s'étaient accaparés87.

La législature actuelle a placé son programme d'action sous le signe de la « Tolérance Zéro » ou de la « Fin de la récréation ».

85 Toengaho Kokundo, F. (2009); op.cit. ; P. 4

86 Ibid

87Plusieurs véhicules et autres biens de valeur remis volontairement à l'Etat ont été exposés à l'époque devant le Palais du Peuple. De retour d'un séjour officiel à l'étranger, le Ministre de l'Agriculture de l'époque avait reversé au compte du Trésor le reliquat de ses frais de mission.

Ngoma-Binda (2007) est convaincu à ce sujet qu'il s'agit « d'opérer une révolution profonde des mentalités (...), un changement (...) de (l') attitude vis-à-vis du bien commun (...) et dans (la) perception de l'action publique »88.

C'est dans cette logique qu'il convient de circonscrire la mise sur pied, au niveau de la Primature, de la Commission Interministérielle d'Audit et Bonne Gouvernance, pour ne prendre que ce cas.

Le Forum National sur la Décentralisation, pour sa part, a eu, entre autres recommandations, à souligner la nécessité d'entreprendre une campagne de sensibilisation des acteurs impliqués en vue de l'appropriation par eux de la réforme décentralisatrice. Mais, la durabilité de cette réforme se trouve aussi subordonnée à la viabilité financière des provinces et entités décentralisées.

1.1.2. Nécessité de la soutenabilité budgétaire de la réforme décentralisatrice

Les données provenant de la Banque Mondiale et fournies dans les pages précédentes ont indiqué que sur l'ensemble de 21 nouvelles provinces que comptera la RDC à l'issue du découpage territorial, 17 sont jugées financièrement non viables. Cet état de chose suggère qu'il importe d'allouer aux provinces et ETD de la RDC des moyens d'action qui soient proportionnels à leurs nouvelles compétences, moyens qu'elles devront, à leur tour, gérer rationnellement.

En effet, si la majorité des 11 provinces actuelles ne sont pas en mesure de faire face aux dépenses engendrées par leurs nouvelles tâches et responsabilités, notamment celles liées à la prise en charge des rémunérations et du fonctionnement des secteurs de la santé, de l'enseignement primaire et secondaire et de l'agriculture, il est inimaginable que les 21 provinces attendues du découpage territorial puissent être, elles, plus viables financièrement.

Par conséquent, peut-on comprendre, il est nécessaire d'assurer la soutenabilité budgétaire de la réforme, si l'on veut réussir la décentralisation financière et ce, compte tenu des enjeux de l'heure.

1.2. Enjeux de l'heure et justification de la nouvelle approche

La démocratie et le développement sont les deux enjeux de l'heure qui justifient le recours à une approche appropriée de redressement de la décentralisation financière en RDC car, « le premier enjeu de la réforme décentralisatrice (y compris bien entendu la décentralisation financière) est le progrès de la démocratie (en RDC) ; le second enjeu est celui d'assurer un développement équilibré et harmonieux des (provinces) »89.

1.2.1. Gouvernance démocratique et nécessité du changement des pratiques

Le processus de démocratisation exige des acteurs de la décentralisation le changement de comportement en termes de bonne gouvernance.

En effet, la décentralisation est avant tout un état d'esprit, une volonté d'aller plus en avant dans l'approfondissement de la démocratie (...) Comme la démocratie a besoin des démocrates, la décentralisation a besoin des hommes à l'esprit décentralisé qui refusent de croire à la centralisation de l'Etat »90.

La bonne gouvernance, quant à elle, est «absolument essentielle pour atteindre un développement durable, une croissance économique soutenue et l'éradication de la pauvreté (tandis que) la trilogie bonne gouvernance-démocratie-respect des droits de l'homme, sont les piliers principaux de la gestion moderne de l'Etat et de la coopération entre les nations, servira comme socle »91.

1.2.2. Développement équilibré et harmonieux des provinces et nécessité de la solidarité nationale et de l'esprit d'initiative locale

La décentralisation ne peut aboutir au développement équilibré et harmonieux des provinces et ETD sans changement des mentalités dans le chef des acteurs en termes de promotion de l'esprit de solidarité devant se traduire par l'effectivité de la rétrocession tant verticale qu'horizontale et de la de la péréquation. Mais, l'esprit de solidarité ne dispense pas les provinves et ETD de l'esprit d'initiative, d'émulation et de compétitivité.

89Vunduawe, T. (1982) ; « L'évolution de l'administration locale au Zaire de 1885 à 1982 » ; Zaïre-Afrique ; N° 165 ; mai 1982 ; PP 261-273

90 Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire, (2009) ; op.cit. ; P. 13

91 Kabila, J. (2007) ; « Discours présidentiel d'investiture » ; Congo-Afrique ; N° 411 ; janvier 2007 ; P. 18

Notre approche de redressement de la décentralisation financière ayant été justifiée, voyons maintenant quelles actions stratégiques proposer pour la mettre en oeuvre.

SECTION II : STRATEGIES DE REDRESSEMENT, UNE NOUVELLE TRANSVERSALE

Ainsi que nous venons de le soutenir, nos stratégies de redressement de la décentralisation financière en RDC s'articulent autour d'une approche transversale à deux leviers complémentaires, à savoir : d'une part, l'action pour le changement durable des pratiques et, d'autre part, l'action pour la soutenabilité budgétaire du processus décentralisateur dans son ensemble.

2.1. Action sur les acteurs pour le changement durable des pratiques

Le Forum National sur la Décentralisation a initié une stratégie de sensibilisation en vue de l'appropriation du processus décentralisateur par les différents acteurs. Cette stratégie mérite d'être adoptée et enrichie dans le cadre de notre mémoire. A côté de cette stratégie, des mesures de surveillance et d'incitation méritent, également, d'être envisagées.

2.1.1. Adoption et enrichissement de la stratégie de communication sociale proposée par le Forum National sur la Décentralisation

Pour saisir le bien-fondé de cette stratégie, il importe d'en souligner l'intérêt pour la décentralisation financière et de mettre en évidence ses objectifs.

2.1.1.1. Bien-fondé de la stratégie du Forum National sur la Décentralisation

Le Gouvernement de la RDC a souscrit à cette démarche, par sa décision « de se doter d'une stratégie de communication sociale sur la décentralisation, en exécution des recommandations du Forum National sur la Décentralisation organisé à Kinshasa du 3 au 5 octobre 2007 , (laquelle stratégie) vise à changer les comportements et les attitudes de tous les acteurs de la décentralisation dans la perception de la gestion des affaires publiques au niveau du pouvoir central, dans les provinces et dans les ETD »92.

Cette stratégie tombe à point nommé dans la mesure où les objectifs qu'elle poursuit peuvent valablement servir les préoccupations de la décentralisation financière.

L'objectif général de la campagne de communication sociale sur la décentralisation est d'informer et de sensibiliser la population congolaise tant du milieu rural que du milieu urbain sur la réforme de l'organisation territoriale basée sur la responsabilisation des provinces et les entités territoriales décentralisées dans la gestion de leur développement. Il s'agira d'impliquer l'ensemble des acteurs dans le processus de mise en oeuvre de la décentralisation 93.

Privilégiant une approche partenariale entre l'Etat Central et les provinces, et entre le public et le privé, cette stratégie qui se veut transversale, est appelée à s'investir dans la durée étant donné que la décentralisation territoriale, sous ses différents aspects (sectoriel ou financier), demeure soumise au principe de progressivité.

Elle a pour thèmes, la vulgarisation de la réforme décentralisatrice et du Cadre Stratégique de Mise en OEuvre de la Décentralisation en RDC (CSMOD, en sigle)94. Les résultats attendus de cette campagne concourent tous à l'appropriation générale du processus dans le sens de la recherche de l'efficacité économique de l'Etat à partir des provinces et ETD.

Ainsi, avec des termes de référence aussi clairs que précis, il ne fait l'ombre d'aucun doute que cette stratégie gouvernementale bousculera les pratiques décriées. Aussi, pensons-nous qu'elle mérite d'être enrichie dans le cadre de notre recherche.

L'intégration des questions transversales mais pertinentes telles que la sécurité, la bonne gouvernance et la restitution normée de l'information ainsi que la valorisation de la thématique partenariale, peut permettre d'élargir le champ d'action ainsi que la portée socioéconomique de la campagne de sensibilisation déjà amorcée et favoriser davantage une appropriation des enjeux de la décentralisation par les différents intervenants ciblés.

93Ministère de la Décentralisation et A.T., (2009) op.cit; P.3

94 Ministère de la Décentralisation et A.T., (2009) ; op.cit; PP 6-7

2.1.1.2. Enrichissement de la stratégie du Forum National sur la Décentralisation

La réforme projetée du secteur sécuritaire (Armée, Police, Services de Renseignement, Justice), réforme fondée sur les critères de transparence, de l'Etat de droit et du renforcement de la sécurité humaine, confortera la gouvernance démocratique à tous les niveaux en garantissant le respect des textes légaux et réglementaires95.

Etant donné que, dans cette perspective, la réforme du secteur sécuritaire favorisera la relance des affaires et l'élargissement de la base imposable tant en province que dans les ETD, son appropriation par les acteurs de la décentralisation ne peut qu'être souhaitable.

Dans cette démarche d'éveil de conscience pour l'appropriation de la décentralisation, les recommandations du Séminaire-atelier sur la Gouvernance du Secteur Public en RDC qui a été organisé à Kinshasa du 16 au 17 juillet 2009 par la Commission Interministérielle d'Audit et de Bonne gouvernance (CIABG) et l'organisme international EISA méritent d'être également capitalisées pour soutenir le relèvement de la décentralisation financière.

Un Mémento pour la Bonne Gouvernance reprend 46 articles, expressions ou thèmes rappelant succinctement de faire ou de ne pas faire dans la conduite des affaires de l'Etat96.

L'appropriation par les acteurs de la décentralisation du bien-fondé ainsi que des exigences de la bonne gouvernance, aiderait à comprendre que cette dernière, dans un pays post-conflit comme la RDC, doit concerner tout le secteur public, c'est-à-dire que toutes les institutions doivent fonctionner normalement et que chaque entité doit refléter le bien-être de la population. A cette même occasion, il sera donné aux acteurs de la décentralisation d'avoir la maîtrise « des éléments constitutifs de la bonne gouvernance parmi lesquels le leadership responsable et de conviction, la participation populaire, le cadre institutionnel et le respect par les dirigeants des valeurs éthiques (...) »97.

95 Forum des Dirigeants Africains, OUA et ONU (1992) ; « Le Document de Kampala : Towards a Conference on Security, Stability, Development and Cooperation » ; Rapport de travaux ; P.9

96 Commission Interministérielle d'Audit et de Bonne Gouvernance, CIABG et EISA, (2009) ; « La gouvernance dans le secteur public en RDC » ; Rapport général du Séminaire-atelier ; 16-17 juillet 2009 ; Kinshasa

97 Ibid ; P..5

A côté de la réforme du secteur sécuritaire et de la bonne gouvernance, nous proposons d'intégrer dans le dispositif de communication sociale visant le changement de comportement des acteurs de la décentralisation financière en RDC, la restitution normée de l'information financière et/ou de son analyse en vue de véhiculer une vision claire et partagée du changement souhaité, par la structuration du débat sur la décentralisation financière autour de certains indicateurs dont la liste ne peut être exhaustive.

Nous pensons, à ce sujet et en toute modestie, que la communication sociale sur la vie financière des provinces et ETD, c'est-à-dire sur leur stabilité, leur évolution et leur viabilité financières, gagnerait en perspicacité et en efficacité si l'on mettait régulièrement en vedette le comportement des indicateurs spécifiquement élaborés et adaptés. Cette pratique est déjà de mise dans les pays de l'UEMOA (Benin, Mali, Burkina Faso, Sénégal, Côte d'Ivoire, Niger, Togo) où l'Observatoire des Finances Locales (OFL) produit régulièrement diverses publications sur les finances locales, au nombre desquelles « Les Collectivités Locales en Chiffres, le Regard sur les Finances Locales, la Revue Africaine des Finances Locales et l'Equilibre Financier » 98.

Dans ces différentes publications, il est souvent fait état du comportement des indicateurs suivants : le niveau de décentralisation fiscale (Recettes locales/Budget de l'Etat-Recettes fiscales locales/Recettes fiscales Etat), le niveau des ressources locales par habitant, la part des collectivités locales dans les dépenses publiques d'investissement, l'épargne nette locale, la capacité d'investissement, la capacité de financement, et le résultat de clôture.

Régulièrement organisée, une restitution normée de l'information financière provenant des provinces et ETD et destinée au Pouvoir Central, au Parlement, à la population, et à l'ensemble des partenaires nationaux et internationaux de la décentralisation, rendrait plus lisible et plus fiable l'analyse de la vie budgétaire. Elle encouragerait l'harmonisation des procédures aux niveaux national et/ou communautaire, faciliterait la prise des décisions, contribuerait à l'élévation du niveau du débat sur les finances locales, conforterait la comparaison des performances et susciterait la concurrence et l'émulation entre entités99.

98 Observatoire des Finances Locales, (2004) ; « Problématique de l'équilibre financier des collectivités locales des pays de l'UEMOA » ; L'Equilibre Financier ; 2004 ; P. 2

99 Observatoire des Finances Locales, (2004); «Pourquoi un regard sur les finances locales» ; Regard sur les Finances Locales dans les pays de l'UEMOA ; 2004 ; P. 2

Ce qui ne pourrait manquer d'influer à terme sur le suivi et les modes de gestion financière publique ainsi que sur les chances de réalisation des projets économiques et sociaux tant au niveau national qu'à ceux provincial et local.

L'information et la sensibilisation systématique des élus et de la population sur les termes de référence des différents programmes soutenus par les partenaires au développement et entretenant des rapports étroits avec la décentralisation, peut aussi venir en appui à la démarche du Forum.

La recherche de la viabilité financière des provinces et des ETD pourrait également être rendue possible grâce à l'appropriation par les différents acteurs des opportunités qu'offrent la coopération internationale et le partenariat public-privé. A titre exemplatif, dans le Programme-cadre de coopération avec la RDC pour le cycle 2008-2012, le PNUD concentre ses appuis autour de deux grands axes, à savoir : la gouvernance démocratique et la lutte contre la pauvreté100. Dans le cadre de l'exécution de ce programme, il est prévu des activités d'appui à la relance de l'économie (formation professionnelle, développement des filières et des micro-entreprises, meilleur accès au crédit, etc.) et au renforcement des capacités de bonne gouvernance locale (appui à l'élaboration des plans locaux de développement, formation des responsables gouvernementaux et de la société civile, renforcement des mécanismes participatifs et inclusifs, etc.).

En se proposant de soutenir la cohésion sociale et la gouvernance communautaire, le « relèvement communautaire » appuyé par le PNUD peut intégrer l'éducation au civisme fiscal et à l'esprit de la décentralisation et contribuer ainsi à l'élargissement de l'assiette de l'impôt. L'essor de la « microfinance », par l'intérêt et les espoirs qu'il suscite, peut faciliter la fiscalisation progressive du secteur informel. Cette fiscalisation est d'autant plus revendiquée que les membres de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) crient à l'injustice fiscale estimant qu'ils supportent à eux seuls les 70% des recettes fiscales de l'Etat alors que le secteur informel produit également des richesses mais demeure largement sousfiscalisé101.

100 PNUD, (2010) ; Avis de vacance de poste n°CDS/2010/022 ; www.mediacongo.net

101 Kudisala, F. (2010) ; « Doublement des recettes : sévère réquisitoire de la FEC » ; Le Potentiel ; N° 4889 du 23 mars 2010 ; P.2

Par ailleurs, la microfinance peut être mise à contribution pour sécuriser les flux financiers des provinces et des ETD là où le système bancaire traditionnel fait défaut.

Les élus provinciaux et/ou locaux pourront trouver à travers les interventions du PNUD dans les domaines de l'environnement et de lutte contre le Vih/Sida, domaines relevant également du champ des « affaires locales », des opportunités de renforcement des synergies d'action, de rationalisation de leurs propres interventions budgétaires dans le secteur (en considérant l'impact de l'apport extérieur) et, de réduction conséquente des risques de dispersion et/ou de double emploi des ressources mobilisées.

L'expertise du PNUD dans le cadre de son appui au DSCRP et à l'atteinte des OMD peut constituer pour les provinces et ETD avisées, une opportunité de renforcement de leurs capacités à se hisser à la hauteur des défis à relever.

Un autre exemple est celui du Programme d'Appui à la Redevabilité du Secteur de la Sécurité et la Réforme de la Police, programme de la Coopération Britannique qui sera amené, dans son volet « Redevabilité externe », à « (soutenir) les parlements provinciaux en vue d'améliorer leur capacité à contrôler l'exécutif y compris le suivi budgétaire (...) et à voter des lois (...) liées au secteur sécuritaire ; à travailler avec la société civile, les chercheurs, les médias, les personnes et organisations communautaires locales et les institutions locales de sécurité et justice, en vue de concrétiser leurs agendas de proposition et collaborer pour améliorer la sécurité locale par le biais du nouveau cadre de la police de quartier et de services de police répondant aux besoins locaux »102.

Si ce programme est approprié par les animateurs publics de la décentralisation, il pourrait permettre à ces derniers de rassurer à leur tour la population, plus particulièrement les opérateurs économiques-contribuables, sur l'effort et les modalités d'amélioration du climat sécuritaire des affaires.

Ce qui aurait pour impact de crédibiliser l'Etat, de créer un climat de partenariat public-privé plus serein et plus favorable à la maximisation des recettes budgétaires des provinces et des ETD et de tirer la croissance.

En intégrant donc l'information et la sensibilisation portant sur ces différents programmes et tant d'autres qui leur seraient semblables mais qui n'ont pas été cités ici, la stratégie globale de communication sociale destinée à promouvoir « l'esprit de la décentralisation » ne manquera pas d'apporter un plus à la mise en oeuvre de la décentralisation financière en RDC.

Sans prétendre à l'exhaustivité, une autre thématique non négligeable à exploiter dans le cadre de la communication sociale visant le changement de comportement se trouve être le partenariat public privé.

En effet, les besoins de financement de la RDC pour mettre en place une plate-forme minimale d'infrastructures nécessaires pour une croissance forte, créer les emplois et réduire la pauvreté sont estimés à 5 milliards de dollars américains l'an pendant les 10 prochaines années. Au cours des récentes années, la RDC a, bon an mal an, mobilisé environ 1 milliard de dollars américains pour les infrastructures103. Le pays fait donc face à un déficit de financement. Il est indiqué que les acteurs étatiques sachent pertinemment bien que les ressources de l'Etat étant limitées, il importe que ce dernier accélère la mobilisation des financements privés. Pour cela, il a besoin de mettre en place un cadre et un ensemble de règles et des procédures pour canaliser les interventions du secteur privé.

Des projets relevant du « partenariat public-privé » (PPPs) peuvent donc permettre à la RDC de réaliser de nouvelles infrastructures dont elle a besoin et qui font grandement défaut à son développement économique et social.

Ainsi donc, à la faveur de cette stratégie globale de communication sociale enrichie de notre modeste contribution, chaque intervenant devra jouer sa partition pour atteindre les objectifs escomptés.

Cela étant, l'orientation du comportement opportuniste des élus, des décideurs publics et/ou des fonctionnaires n'est pas à négliger.

103 Noumba, P. (2010) ; « Cinq questions à Paul Noumba » ; Le Poteniel ; N°4872 ; 12 mars 2010 ; P. 4

2.1.2. Orientation du comportement des acteurs par la surveillance et l'incitation

Si nous considérons, dans le cadre de la décentralisation, qu'il existe une relation principal-agent où les électeurs peuvent être assimilés au principal du fait de la délégation de pouvoir qu'ils donnent aux gouvernants, et où le politicien (la tutelle) agit comme principal lorsqu'il délègue des pouvoirs au fonctionnaire (bureaucrate) qui devient agent, il importe que des stratégies de limitation du comportement opportuniste et d'incitation de l'agent soient envisagées parce qu'il est impossible d'assurer à coût nul que l'agent prendra des décisions optimales du point de vue du principal104.

C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'à côté de la stratégie de communication sociale ciblant tous les intervenants au processus de décentralisation, que des mesures de surveillance et d'incitation des décideurs publics et des fonctionnaires soient rendues opérationnelles pour garantir que ces derniers évolueront dans le sens de l'intérêt général là où ils sont, par nature, maximisateurs de leur propre profit105.

2.1.2.1. Surveillance des décideurs publics et fonctionnaires

Même si des règles de prudence visant la surveillance et le contrôle de l'agent public existent en RDC et régentent formellement la conduite de la vie financière publique, nous l'avons vu plus haut, il n'en demeure pas moins que leur application souffre soit de l'absence de suivi soit du déficit de sanctions exemplaires en cas d'abus avérés.

C'est pourquoi, il importe de proposer des mesures adéquates pour y remédier. Ces mesures sont, notamment : l'observance de la politique dite de « Tolérance Zéro »106 et la transparence des transactions financières entre le pouvoir central, les provinces et les ETD.

Au niveau national, pour que la « Tolérance Zéro » ne soit pas l'ombre d'elle-même, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire doivent agir.

104 Gabrie, H. et Jacquier, J. (2001) ; Les théories modernes de l'entreprise : l'approche institutionnelle ; Economica

105 Jensen, M. et Meckling, W.(1976); Theory of the firm : managerial behavior, agency cost, and ownership structure ; Journal of Financial Economic

106 La tolérance zéro, qui rime avec la sanction systématique à la moindre infraction, désigne la politique d'impunité préconisée par la 1ère législature de la 3ème République.

Le parlement doit placer l'intérêt général au-dessus des intérêts partisans (OppositionMajorité) pour jouer effectivement le rôle de contrôleur de l'exécutif. A cet égard, les rapports de la Cour des Comptes seront exploités de manière optimale, sans complaisance et dans l'intérêt supérieur de la Nation.

Il est souhaitable, dans la perspective d'un suivi de proximité, que des chambres régionales des comptes et de discipline budgétaire soient également rendues opérationnelles au niveau des provinces au lieu de laisser la seule instance nationale de la Cour des Comptes se contenter des missions sporadiques de ses membres à l'intérieur du pays.

L'exécutif devrait veiller à la transparence et à l'obligation de rendre compte en réhabilitant l'Inspection Générale des Finances dans sa mission d'audit interne. Un système de suiviévaluation interne et périodique de l'action gouvernementale (dont la poursuite de la revisitation des contrats léonins, par exemple) est à recommander qui pourrait naturellement préparer le terrain aussi bien aux sanctions internes et rappels à l'ordre qu'aux interpellations parlementaires et aux revues éventuelles des partenaires extérieurs. Pour besoin de perspicacité, ce système s'appuiera sur des informations normées et vérifiables se traduisant en termes d'agrégats ou d'indicateurs de performance.

Le pouvoir judiciaire, quant à lui, a une part de responsabilité déterminante dans la mesure c'est lui qui doit sévir de manière exemplaire et en toute indépendance, tout cas d'abus des

biens sociaux dans le chef de tous les décideurs publics et fonctionnaires impliqués de loin ou de près dans la chaîne des recettes et des dépenses publiques. Le renforcement de la surveillance de l'agent public doit se traduire par la fin de l'impunité 107. Sans un tel dispositif, l'utilisation rationnelle et efficace des transferts décentralisés de pouvoirs et d'avoirs au niveau des provinces et ETD ne peut être garantie.

En ce qui concerne la traçabilité des transactions financières provinciales et locales, les mesures proposées au niveau national sont aussi valables, mutatis mutandis, pour les provinces et ETD. Néanmoins, la traçabilité des transactions financières provinciales et locales devrait être garantie par le recours systématique au circuit bancaire.

107Ngoma-Binda, P. (2007) ; op.cit. ; P. 28

Par ailleurs, la mise en place des autorités élues au niveau des ETD est indispensable non seulement pour crédibiliser le processus mais aussi, pour que les électeurs s'assurent, par le biais de l'organe délibérant, de la lisibilité des actes de gestion de la chose publique

2.1.2.2. Incitation des décideurs publics et fonctionnaires

Un système d'intéressement des décideurs publics et fonctionnaires est indispensable pour leur motivation et l'orientation de leur comportement dans le sens de la satisfaction de l'intérêt général108.

L'application effective des mesures existantes d'intéressement du personnel des administrations fiscales en RDC est à recommander vivement notamment le paiement à termes échus des avantages dus aux agents d'exécution du budget109, sans omettre l'adaptation des mesures d'incitation aux réalités provinciales et locales. Les mesures existantes mais non encore appliquées de manière satisfaisante sont : la rétrocession et la prime de performance (ou bonus) reconnus au personnel des régies financières de l'Etat. Des textes réglementaires organisent leurs modalités de paiement. Les dispositions en vigueur veulent que le personnel des régies financières bénéficie d'une rétrocession mensuelle à raison de 5% des réalisations pour la DGI ou l'OFIDA et 10% pour la DGRAD, dont la moitié doit revenir au personnel des services administratifs poseurs d'acte. En cas de dépassement des assignations, un bonus leur est accordé auquel il est déduit les déficits éventuels (contre-performances) des périodes antérieures110.

Pour minorer les pertes résiduelles ou coûts d'opportunité qu'elle subirait du fait de l'asymétrie d'information, et pour éviter des contre-performances budgétaires en cas de grève, la tutelle se doit de respecter les textes existants et, par conséquent, de payer à termes échus les avantages dus au personnel des régies financières111.

108Banque Mondiale , (2009), Note sur le Découpage, op.cit. P .45

109 Epee, G. et Otemikongo, M. (1992); op.cit. ; P. 351

110 Ministère des Finances, (2005) ; « Contrat de performance entre le Ministère des Finances et la DGRAD », article 5 ; le non-paiement de la rétrocession et du bonus à termes échus aboutit souvent à des grèves intempestives du personnel des régies financières en RDC

111Jensen, M. et Meckling, W. (1976) ; op.cit. ; P. 6 ; Dzaka-Kikouta, T. (2009), Microéconomie approfondie. Editions ICES, Corbeil-Essonnes Cedex

Cependant, nous estimons, pour notre part, que les exonérations, exceptionnelles soient-elles, ne devraient pas, contrairement à ce que prévoient lesdits textes, être intégrées au titre de réalisations dans le calcul de la rétrocession ou du bonus, car elles constituent une recette en moins pour le Trésor.

En outre, la plupart de provinces étant encore entrain de mettre en place leurs propres administrations fiscales, nous pensons que tout système de motivation concernant leur personnel devrait, pour être réaliste, tenir compte de leurs spécificités financières et ne pas copier servilement, dans ce domaine, des formules dont l'application stricte s'avère déjà difficile au niveau national.

Cela étant, il importe que le changement des mentalités impulse dans le chef des acteurs la poursuite inlassable de la soutenabilité budgétaire de la décentralisation.

2.2. Action pour la soutenabilité budgétaire de la décentralisation

Le renforcement des capacités budgétaires du pouvoir central, des provinces et ETD, tout en s'appuyant sur les stratégies de changement de comportement préconisées et exposées ci-haut, passe par le respect des textes de base en vigueur et/ou, selon les cas, leur adaptation aux contingences locales ainsi que par quelques remèdes aux faiblesses fréquentes et persistantes en matière de mobilisation et de gestion des ressources financières.

2.2.1. Application des textes de référence

L'application des textes de référence en vigueur permettra l'achèvement de l'architecture juridique et institutionnelle de la décentralisation et la résorption du déficit de solidarité financière entre le pouvoir central et les provinces, entre les provinces et entre ces dernières et les ETD.

2.2.1.1. Exécution du découpage territorial et organisation des élections locales

La question du découpage territorial demeure sans solution jusqu'à ce jour, alors qu'elle ne devrait pas être dramatisée. A notre avis, compte tenu de l'immense étendue du territoire national, la préoccupation du rapprochement entre gouvernants et gouvernés ainsi que l'amélioration subséquente des conditions de vie de la population sont à privilégier par rapport aux considérations d'ordre infrastructurel.

En effet, le territoire national demeurant le même en dépit de la transformation des anciens Districts en nouvelles Provinces, rien ne saurait retarder la mise en place de nouvelles entités territoriales si ce n'est que l'élaboration, la promulgation et l'application des textes d'application tel que prévu dans la Constitution de 2006.

A la faveur de ce double effort législatif et exécutif, le reste s'organiserait progressivement, à savoir : le transfert effectif de ressources et compétences appropriées, la régulation du pouvoir central et l'auto-prise en charge du processus de développement local. Soutenir une démarche qui subordonnerait le découpage territorial à la dotation préalable et non progressive des nouvelles provinces en nouvelles infrastructures administratives, reviendrait tout simplement à retarder le processus de démocratisation et à étouffer la recherche de l'efficacité économique de l'Etat à partir des provinces et ETD.

La révision du fichier électoral par la Commission Electorale Nationale Indépendante ayant été prévue pour le mois de juin 2010, il y a lieu d'encourager l'organisation dans les meilleurs délais des élections locales, municipales et urbaines pour faciliter, outre le transfert officiel des services et du patrimoine aux nouvelles entités territoriales, une organisation conséquente et plus responsable de la vie budgétaire locale.

2.2.1.2. Résorption du déficit de solidarité financière

Il y a lieu d'actualiser la législation financière, d'appliquer de manière correcte et consensuelle la rétrocession en faveur des provinces et de rendre opérationnelle la péréquation pour réduire les déséquilibres insoutenables entre provinces.

Une nouvelle loi financière devrait remplacer celle de 1983 pour intégrer les innovations apportées par la Constitution de 2006 ainsi que les lois induites sur la décentralisation de 2008.

Quant à la retenue à la source de 40%, la polémique défrayant la chronique sur son application perdrait d'intérêt par rapport au développement harmonieux de toute la nation si elle demeure quantitativiste et formaliste.

Car, appliquée sans préoccupations de solidarité nationale, de justice sociale et d'équité, la retenue à la source « des 40% » ne profiterait qu'aux provinces les plus nanties au détriment de toute la société et ne saurait résoudre le problème fondamental de recherche de l'optimum global à cause du déséquilibre économique interprovincial et de la non-viabilité financière de la plupart de futures provinces qu'elle approfondirait112.

Pour les provinces les moins nanties, la retenue à la source de leurs maigres recettes à caractère national équivaudrait à une formule de financement, à titre principal, de leur développement par leur propre misère et se traduirait, in fine, en une limitation insoutenable des capacités et perspectives d'autonomie locale.

C'est pourquoi, il conviendrait que la rétrocession tienne compte du consensus dégagé lors du Forum National sur la Décentralisation en ce qu'il permet une redistribution plus équitable des recettes pétrolières, des recettes douanières et des recettes de la Direction des Grandes Entreprises. Il importe, dans cette logique, que ce consensus du Forum soit formalisé en termes de loi ou de règlement pour en garantir une application qui s'imposerait à tous.

La solidarité financière entre le pouvoir central et les provinces se jouera aussi au niveau de la péréquation par le fonctionnement effectif de la caisse nationale de péréquation. Mais, cette solidarité signifie aussi que le pouvoir central devra revoir à la baisse son train de vie pour tenir compte de ses obligations de transfert et de régulation vis-à-vis des provinces.

La solidarité financière est aussi indispensable à la base, c'est-à-dire entre provinces et ETD.

Bien que nous n'ayons pas d'informations sur les rapports financiers entre provinces et ETD, nous jugeons vivement souhaitable que la rétrocession des recettes à caractère national des provinces vers les ETD fasse l'objet de suivi et de rapportage réguliers.

112 Http// fr.wikipedia.org/wiki/Jhon_Rawls ; http// www.simonwuhl.org/9.html ; à propos de l'équité, nous nous sommes sommairement inspiré de la Théorie de la Justice de Rawls où elle se définit de façon rigoureuse, en référence à l'application des principes et règles de justice : lorsque ces principes sont satisfaits, la répartition des avantages et des obligations de chacun s'établit de façon équitable ; car les inégalités ne pourraient être justifiées que si la société en tire elle-même un plus grand avantage, tandis que la justice est la première vertu des institutions sociales comme la vérité est celle des systèmes de pensée.

Outre, une contribution accrue des autorités provinciales et locales dans la maximisation des recettes à caractère national de leurs juridictions respectives par l'exercice d'un droit de regard sur les performances des régies financières, nous recommandons l'échange réciproque d'informations de base et une harmonisation fiscale régulière entre entités de même échelon pour épargner le contribuable du risque de double paiement d'une taxe de même nature sur l'étendue du pays pour un même exercice (cas de la vignette automobile, par exemple). Cette solidarité empêcherait toute tentative d'évasion fiscale et contribuerait à l'amélioration des recettes locales.

2.2.2. Amélioration de la gestion budgétaire

Les délégués au Sommet Africités qui s'est tenu du 18 au 24 septembre 2006 à Naïrobi au Kenya sur la réalisation effective des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) au sein des collectivités locales africaines, ont pris en considération la nécessité de relever le défi de la mobilisation optimale et de la gestion responsable des ressources financières.

En effet, lesdits délégués ont partagé clairement la conviction que « sans une amélioration significative des capacités financières des collectivités locales africaines et de la gestion des finances locales, il y a peu de chances que les collectivités locales jouent leur rôle dans la réalisation effective des OMD »113. C'est pourquoi, il est bon, d'une part, de niveler les capacités de mobilisation des ressources budgétaires à la hauteur des tâches et responsabilités des provinces et ETD et d'autre part, d'améliorer la gestion desdites ressources.

2.2.2.1. Mobilisation optimale des ressources budgétaires

Le nivellement des ressources budgétaires à la hauteur des charges des provinces et ETD peut être rendu possible grâce au renforcement des capacités financières locales, par l'élargissement de la base productive, l'atteinte du point d'achèvement, la réforme des entreprises publiques ainsi que les performances des administrations fiscales (exécution des recettes à un niveau au moins égal à celui des assignations; concordance entre la contribution au PIB d'un secteur donné de l'économie et sa part au budget ; progrès dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ; réduction de la dépendance financière vis-à-vis de l'Extérieur, etc.).

L'élargissement de la base productive, en termes de capacité d'attraction des investissements privés, nécessite l'amélioration de la fourniture des biens collectifs essentiels et l'essor d'une industrie compétitive et à forte valeur ajoutée locale basée sur le raffinage des matières premières. C'est dans un tel élan que des branches porteuses mais sous-exploitées, comme le tourisme, pourront être relancées. A propos du tourisme, « la RDC a réalisé en 1992 des entrées de 33.000 touristes seulement alors que pendant la même période, le Kenya et l'Afrique du Sud enregistrent respectivement 650.000 et 1.300.000 entrées des touristes internationaux (...). Les pouvoirs publics de la RDC (doivent) produire une onde de choc pour que le tourisme démarre effectivement, se développe et contribue au PIB dans une proportion à la mesure des potentialités du pays (...) »114.

Pour ce qui est de l'amélioration des ressources budgétaires dans le cadre du programme avec le FMI, il est souhaitable d'atteindre le fameux point d'achèvement dans les délais et accéder, ainsi, à des ressources additionnelles à même de profiter notablement à la décentralisation (libération des recettes pétrolières et réduction du service de la dette extérieure, notamment).

En effet, à l'atteinte du point d'achèvement, le stock de la dette extérieure passera entre 2009 et 2010 de 12,8 à 4,3 milliards de dollars américains115, tandis que les recettes des pétroliers producteurs pourront être intégrées dans la formule de rétrocession.

La réforme des entreprise publiques fait partie des objectifs intermédiaires assignés au pouvoir central dans le cadre de son programme avec les partenaires extérieurs. Mais, cette réforme ne peut être soutenable que dans la mesure où elle peut concilier la recherche de performance des secteurs concernés avec la poursuite par l'Etat de la maximisation de l'utilité sociale. Cette préoccupation est d'autant fondée que certains secteurs à forte demande sociale, comme le transport en commun dans la ville de Kinshasa (9 millions d'habitants) où le retrait de l'Etat est perceptible à l'oeil nu, ne permettent plus de répondre aux besoins de la population. De même, les transactions « public-privé » doivent le plus possible s'ouvrir à la concurrence pour en assurer la transparence et l'équité.

114 Sekana, J. (2009) ; « La RDC peut financer son économie rien qu'en maximisant ses recettes fiscales » ; Congo-Fiscalité Magazine; N° 004 ; année 2009 ; PP 24-25

115 Le Potentiel, (2009) ; « Accord FMI-RDC : le plus dur est à venir » ; Le Poteniel ; N°'4803; 14 décembre 2009 ; P. 2

Il serait aussi souhaitable que la pratique des avances aveugles sur dividendes soit formellement bannie au sein des entreprises publiques et que la revisitation des contrats jugés opaques soit poursuivie et élargie à tout le portefeuille de l'Etat. Pour s'assurer de bons résultats et insuffler une nouvelle philosophie au partenariat public-privé dans son ensemble, il est préférable que la revisitation des contrats y relatifs soit assurée par des personnes (physiques ou morales) reconnues intègres, expertes et distinctes de celles qui seraient de loin ou de prêt mêlées à la conclusion mise en cause.

L'amélioration des performances des administrations fiscales par une fiscalisation adéquate de l'activité informelle, des télécommunications et de l'environnement peut favoriser l'élargissement de la matière imposable.

Une analyse rigoureuse et régulière du rendement budgétaire de l'industrie extractive (bois, minerais et pétrole) mettant en relief le rapport, pour chaque branche, entre «sa contribution au PIB et sa part au budget de l'Etat sans recettes exceptionnelles», peut contribuer à éclairer la lanterne des citoyens et améliorer leurs capacités de participation, dans la mesure où ils ne cessent de s'interroger chaque jour sur l'inadéquation entre la pauvreté budgétaire de l'Etat (pays pauvre très endetté) et l'exploitation effrénée de ses immenses ressources naturelles116.

En ce qui concerne les télécommunications, il est en effet inconcevable que « sous d'autres cieux une licence de téléphonie mobile de troisième génération (Zain, Vodacom et autres) se négocie à 1.500.000.000 $us (cas de l'Arabie Saoudite) tandis qu'en RDC la même licence est bradée à 55.000.000 $us lesquels sont payés à tempérament pendant que l'opérateur est déjà opérationnel 117.

Pour ce qui est de l'environnement, d'aucuns pensent que la RDC devrait bénéficier d'une compensation monétaire du fait de la purification naturelle de l'air par sa forêt équatoriale et ce, en imposant une taxe internationale des puits carbone.

Selon cette opinion, ladite taxe devrait être supportée par tous les grands pollueurs du monde en faveur des pays qui, par la conservation de leurs forêts, filtrent le gaz à effet de serre.

116 Le Potentiel, (2010), « Ressources oubliées »; Le Poteniel ; N° 4849 du 13 février 2010 ; P.2

117 Sekana, J. (2009) ; op.cit. ; P. 25

Tout en reconnaissant la légitimité et le bien-fondé de cette démarche, nous considérons que la réflexion y relative devrait être davantage approfondie en ce qui concerne les modalités d'imposition et de recouvrement d'une telle taxe à l'échelle internationale.

La promotion du civisme fiscal par une éducation populaire tirant ses arguments des réalisations socio-économiques palpables et convaincantes peut sensiblement contribuer à la réduction des contre-performances dues à la fraude et à l'évasion fiscales.

Pour réduire progressivement la dépendance budgétaire vis-à-vis de l'Extérieur et ce, pour des raisons faciles à deviner, l'augmentation des recettes à caractère national de l'Etat, la remise d'une bonne partie de la dette publique et la montée en puissance de la fiscalité provinciale et locale s'avèrent indispensables.

Qu'à cela ne tienne, la gestion des ressources doit être également améliorée pour garantir davantage la soutenabilité budgétaire de la décentralisation.

2.2.2.2. Amélioration de la gestion des ressources mobilisées

La réforme de la dépense publique ainsi que le renforcement conséquent des capacités de ressources humaines constituent des stratégies à même de contribuer à l'amélioration de la gestion des ressources financières.

Il importe que la structure de la dépense publique traduise un nouveau train de vie de l'Etat qui soit dominé par l'esprit de la décentralisation et la ferme volonté de construire un Etat moderne au service de ses citoyens. Aussi, conseillons-nous la révision à la baisse des déficits publics par la suppression de toute dépense injustifiée et des avantages exorbitants (budget base zéro) pour favoriser les transferts destinés aux provinces et ETD ainsi que les investissements publics à même de tirer durablement la croissance économique.

En effet, il est inconcevable qu'à l'aube du Cinquantenaire de l'Indépendance et en plein 3ème Millénaire, la majeure partie du territoire national de la RDC, soit sans infrastructures routières fiables ni sources d'énergie électrique à usage industriel.

Il importe que ces dernières respectent la chaîne de la dépense, produisent régulièrement des états de suivi budgétaire et organisent des conseils des adjudications pour la passation des marchés publics118.

Car, les provinces et ETD sont sensées manipuler les 50% des recettes à caractère national (40% de rétrocession + 10% de péréquation) alors qu'elles courent, du fait de leur multiplicité119, le risque de voir leurs ressources s'émietter et se diluer dans des dépenses improductives. C'est pour réduire un tel risque et éviter les coûts et conséquences fâcheuses qu'il peut entrainer, que les provinces et leurs entités inférieures devraient organiser leur destin commun dans le cadre d'un plan de développement provincial offrant des opportunités de réalisation des projets inter-entités à effets induits mais ce, sans compromettre l'esprit de compétitivité et d'émulation.

Les provinces et ETD ont intérêt à être compétitives, étant donné que seules les plus performantes d'entre elles pourront être à même d'attirer le plus grand nombre possible d'investisseurs à l'intérieur de leurs limites géographiques respectives et de s'attirer les faveurs des institutions de financement et/ou de la coopération décentralisée. Dans le même ordre d'idées, les élus locaux ont intérêt à être efficaces pour bénéficier, le moment venu, du renouvellement de confiance de la part de leur base électorale.

Par ailleurs, la montée en puissance des finances provinciales et locales ainsi que la nécessaire adoption de nouvelles procédures et méthodes de travail, exigent l'adaptation et le renforcement conséquents des capacités des ressources humaines à tous les niveaux et ce, par des ateliers de formation, des missions d'études et/d'échange d'expériences, etc.

Néanmoins, cette mise à niveau des ressources humaines, qui se veut régulière, devra, pour être efficace, tenir compte des spécificités de chaque entité.

L'enlisement de la mise en oeuvre de la décentralisation financière en RDC ayant été décortiqué et diagnostiqué, quelques propositions de redressement ayant été formulées, le tout dans les limites bien comprises de nos capacités et moyens de recherche, nous pensons que le moment est venu de conclure notre modeste travail.

118 Mabi, M. (2006), op.cit. , PP. 113-123

119 Kalume Numbi, D. (2007), op.cit.

CONCLUSION

La question principale de notre étude était de savoir comment dégager la mise en oeuvre de la décentralisation financière en RDC des entraves à son efficacité.

Pour ce faire, il nous fallait trouver des éléments de réponse aux questions secondaires suivantes :

1°-En quoi ces entraves consisteraient-elles ?

2°-Quelles stratégies faudra-t-il adopter pour les contourner et rendre la décentralisation financière plus à même d'atteindre ses objectifs ?

En guise de réponse provisoire à ces préoccupations, nous avions considéré, comme principaux goulots d'étranglement à la mise en oeuvre réussie de la décentralisation financière en RDC, d'une part le non-respect chronique des textes de base et des procédures en la matière et, d'autre part, les faibles capacités de mobilisation et de gestion des ressources budgétaires tant au niveau national, en provinces que dans les ETD.

Nous avions également envisagé de proposer, comme remèdes à ces différents maux, le changement de comportement du pouvoir central, des provinces et des ETD dans le sens du respect des règles et principes en vigueur, d'un côté et, de l'autre, le renforcement de leurs capacités de mobilisation et de gestion des ressources budgétaires.

Pour vérifier ces différentes hypothèses, nous avons, dans le développement de l'objet de notre travail, montré comment la décentralisation en général et la décentralisation financière, en particulier, sont instituées et organisées en RDC au cours de la période d'analyse, soit de 1982 à 2009. Nous avons, à cet égard, identifié les compétences, les ressources et les missions reconnues par les textes légaux et réglementaires aux différents niveaux du pouvoir d'Etat (Pouvoir Central, provinces et ETD).

Par la suite, nous avons, à la lumière de ce cadre de référence, analysé la manière dont le secteur financier du pouvoir central et des provinces et ETD était conduit. Nous avons cherché à savoir d'où venaient l'enlisement et l'inefficacité de la mise en oeuvre de la décentralisation financière en RDC. Les goulots d'étranglement alors identifiés en exploitant les données vérifiables en notre possession, nous avons pu proposer, en connaissance de cause, quelques voies à emprunter pour y remédier.

Cet exercice nous a permis d'aboutir aux résultats que nous nous empressons de présenter cidessous.

En général, il ressort clairement de notre travail que toutes nos hypothèses ont été vérifiées. Dans bien de cas, elles ont été significativement enrichies.

L'hypothèse du non-respect chronique des textes de base et des procédures en vigueur a été vérifiée en référence à quelques faits et phénomènes majeurs ayant marqué le processus décentralisateur au cours de la période d'analyse.

Il s'agit, notamment, de la mise en place incomplète de l'ossature juridique et institutionnelle de la décentralisation ainsi que du déficit de solidarité financière entre l'Etat central et les provinces et, entre les provinces et les entités territoriales décentralisées.

En effet, nonobstant la volonté politique clairement exprimée à travers les principaux textes fondateurs de la décentralisation, à savoir les lois « Vunduawe » de 1982, la Constitution de 2006 ainsi que les lois de décentralisation de 2008, le caractère incomplet de l'exécution juridique et institutionnelle de la décentralisation en RDC se manifeste par la non-exécution du découpage territorial, lequel fixerait les limites des nouvelles provinces et ETD; la nonexécution de la décentralisation sectorielle, laquelle assurerait le transfert officiel des compétences et responsabilités à ces dernières; et, la non-organisation des élections locales municipales et urbaines, lesquelles garantiraient l'exercice démocratique du pouvoir d'Etat à la base.

Le déficit de solidarité financière, quant à lui, s'explique par la non-actualisation de la législation financière ; l'indiscipline budgétaire ; un très faible niveau de rétrocession des recettes à caractère national reconnues aux provinces par rapport au niveau prévu dans la Constitution, soit en moyenne 10,5% en 2008 au lieu de 40% ; ainsi que par l'absence de péréquation alors que le déséquilibre économique interprovincial est tel que la tension extrême entre les recettes des provinces est de l'ordre 1 à 8,5.

Ce premier résultat entraîne naturellement, comme implication de politique économique, le rétablissement de l'équilibre financier des provinces et entités territoriales décentralisées par la consolidation du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation et de la vie financière nationale et provinciale, ainsi que par l'application effective des principaux mécanismes de financement de la décentralisation, à savoir la rétrocession et la péréquation.

Néanmoins, la présente étude a eu à révéler que le contexte économique de la RDC étant caractérisé par un déséquilibre prononcé entre le potentiel des différentes provinces, toute exécution automatique de la rétrocession par la retenue à la source de 40% des recettes à caractère national pourrait s'avérer néfaste dans la mesure où elle peut davantage creuser les écarts entre ces dernières. Cette nouvelle donne souligne le rôle déterminant que doivent jouer la péréquation ainsi que le consensus dégagé lors du Forum National sur la Décentralisation pour corriger progressivement les disparités.

L'implication de politique économique que suscite ce résultat inattendu consisterait à coupler la rétrocession et avec la péréquation de 10% des recettes à caractère national et avec l'application de la formule consensuelle dudit Forum.

L'hypothèse des faiblesses fréquentes et persistantes de capacité du pouvoir d'Etat dans la mobilisation et la gestion des ressources budgétaires, a été principalement vérifiée par l'insuffisance des ressources budgétaires des provinces et ETD par rapport à la hauteur des tâches et responsabilités de ces dernières.

Cette insuffisance a été appréhendée à travers l'inadéquation insoutenable entre le potentiel fiscal des richesses du sol et du sous-sol et les maigres ressources budgétaires extraites pour le compte des pouvoirs publics ; la chute de la production minière telle que symbolisée par le déclin de la Gécamines, la plus grande entreprise minière du pays, qui a vu sa production de cuivre passer de 465000 tonnes en 1990 à 19000 tonnes en 2002 ; et, par la conclusion inconsidérée des contrats dits « léonins » dans le secteur minier entre 1997 et 2006.

La pauvreté fiscale globale traduite par un PIB/habitant de 200$us en 2009, soit plus de vingt fois moins que celui du congolais du Congo-Brazzaville (4250$us), un taux de décentralisation fiscale de 6,84% seulement projeté pour 2010, un stock de la dette extérieure représentant 700% des recettes budgétaires et 90% du PIB, une administration fiscale non performante ainsi que la non-viabilité financière de la majorité des provinces (80,95%), constituent autant d'éléments concluants qui ont également permis d'établir ladite insuffisance de ressources budgétaires.

La même hypothèse de faiblesses en termes de capacité de mobilisation et de gestion des ressources budgétaires, a été davantage vérifiée en référence à l'extraversion prononcée du financement budgétaire de l'Etat, avec un de taux de financement extérieur du budget de 42,14% en moyenne pour la période de 2005 à 2010 ; à la décapitalisation des entreprises du portefeuille de l'Etat ; à des dépassements budgétaires extravagants au sommet de l'Etat, soit 115% de moyenne en 2006 dans une fourchette de 36 à 242% des dépenses autorisées; à quelques cas notables de détournement intempestif des deniers publics ; et, à l'absence relative de contrôle des agents d'exécution du budget.

En mettant en relief l'interdépendance entre la double question de mobilisation et d'allocation des ressources budgétaires au niveau national et celle de la viabilité financière des provinces et ETD, ce modeste résultat suggère que la recherche de l'efficacité économique de l'Etat à partir des provinces et ETD serve de dénominateur commun à la politique financière de ces dernières et celle de l'Etat.

Dans cette perspective, les préoccupations sans cesse exprimées par la population au sujet de la visibilité fiscale des secteurs productifs prépondérants, comme celui de l'industrie extractive (minerais, pétrole, bois), cesseront d'être un tabou pour s'inscrire de façon légitime au centre des thématiques financières prioritaires et transversales ouvertes à toutes les parties prenantes (pouvoir central, provinces, ETD, Société Civile et partenaires extérieurs).

Les hypothèses relatives aux voies et moyens de redressement ont été, quant à elles, validées et intégrées dans le cadre d'une approche transversale s'appuyant sur deux leviers du redressement de la décentralisation financière, à savoir : l'action sur les acteurs en vue du changement des mentalités, d'une part, et l'action pour la soutenabilité budgétaire de la décentralisation, d'autre part.

Ainsi donc, l'hypothèse du changement de comportement du pouvoir central, des provinces et des ETD dans le sens du respect des règles et principes en vigueur s'en trouve validée et jugée fondamentale à travers ladite approche.

En effet, notre travail de recherche nous a permis de comprendre, en référence à l'expérience socio-politique propre à la RDC et aux enjeux de l'heure que sont la démocratie et le développement équilibré et harmonieux de toute la nation, que l'un des problèmes majeurs de la mise en oeuvre de la décentralisation financière demeure celui de l'état d'esprit des différents acteurs et décideurs face à la réforme décentralisatrice.

La justesse de ce résultat est particulièrement illustrée par la stratégie de communication sociale proposée en octobre 2007 par le Forum National sur la Décentralisation et mise en oeuvre depuis le début de l'année 2009 par le Ministère de la Décentralisation.

Aussi, nos recherches ont-elles enrichi cette stratégie en proposant d'y intégrer, comme thèmes transversaux à la décentralisation, la sécurité, la bonne gouvernance et la culture de restitution normée de l'information financière.

Dans le même registre, nous avons proposé que le partenariat public-privé et la coopération internationale soient également insérés dans la thématique de la campagne de sensibilisation des acteurs de la décentralisation.

Par ailleurs, en traitant les rapports électeur-gouvernant et politicien-fonctionnaire comme des relations de type « principal - agent » en théorie de l'agence, notre travail a permis de justifier la même hypothèse en proposant que des mesures de surveillance et d'incitation des décideurs publics et des fonctionnaires soient rendues opérationnelles pour garantir que ces derniers évolueront dans le sens de l'intérêt général là où ils sont, par nature, maximisateurs de leur propre profit.

Ce résultat implique que la stratégie de communication sociale pour le changement de comportement, bien qu'étant transversale, soit accompagnée à la fois par des mesures de limitation du comportement opportuniste des acteurs de la décentralisation ainsi que par celles d'orientation de ces derniers dans le sens de la maximisation du bien-être collectif.

L'hypothèse du renforcement des capacités financières du pouvoir central et des provinces a été, quant à elle, largement validée par les multiples faiblesses identifiées en matière de mobilisation et d'utilisation des ressources budgétaires tant au niveau national qu'à celui des provinces et ETD.

Pour y remédier, notre recherche a proposé les stratégies suivantes, à savoir : la poursuite de la mise en place de l'ossature juridique et institutionnelle de la décentralisation ; l'actualisation de la législation financière et la formalisation conséquente du consensus dégagé lors du Forum National sur la Décentralisation en ce qui concerne les modalités de répartition équitable des recettes à caractère national ; l'effectivité du jeu de péréquation ; la mobilisation des ressources budgétaires à la hauteur des tâches et responsabilités des autorités élues et des attentes de la population ; la réduction progressive de la dépendance vis-à-vis de l'extérieur dans le cadre du financement budgétaire de l'Etat ; la réforme de la dépense à tous les niveaux pour assurer au coût le plus bas possible les transferts destinés aux provinces et ETD, le fonctionnement de ces dernières ainsi que les investissements publics à même de tirer durablement la croissance économique ; et, le renforcement conséquent des capacités des ressources humaines. Ce résultat a pour implication, la nécessité pour la politique budgétaire de la décentralisation de s'appuyer sur des indicateurs de performance construits à partir des solutions stratégiques adaptées aux réalités de terrain.

Cela étant, les limites de notre modeste réflexion sont vite apparues, comme d'aucuns pourraient s'en apercevoir, lorsqu'il fallait traiter de la vie financière des provinces et ETD.

La raison, nous semble-t-il, en est simple : il s'agit de l'absence d'informations fiables et normées sur la gestion budgétaire des provinces pour la période sous-revue. Il s'agit aussi du manque de données crédibles sur la contribution de chaque province au PIB, sur la structure du budget de l'Etat, ainsi que sur la répartition sectorielle et territoriale tant du financement extérieur que des investissements publics et leur impact respectif sur les économies provinciales et locales.

De ce qui précède, les pistes de recherche qui s'ouvrent à nous pour cette étude sont, au plan pratique, celles d'une meilleure évaluation d'impact de la politique financière de l'Etat en matière de décentralisation en RDC, grâce à l'élargissement de la collecte et de l'analyse des données aux transactions financières publiques, provinciales et locales et ce, en tenant compte des évolutions cruciales qui s'annoncent à l'horizon, notamment : l'atteinte du point d'achèvement de l'Initiative PPTE en juin 2010, le découpage territorial, l'organisation des élections locales, l'exécution du contrat de doublement des recettes qui lie depuis belle lurette le Ministère des Finances aux régies financières, la poursuite de la fameuse revisitation des contrats léonins dans le secteur minier, et pourquoi pas l'instauration, on en parle déjà au Parlement, de la TVA en RDC.

Cet approfondissement de notre recherche pourrait nous permettre, au plan théorique, de débattre de la méthodologie d'intégration de l'Etat dont devrait s'inspirer la RDC, comme fondement de son intervention économique, pour assurer le financement efficace de la décentralisation, sachant d'une part, que ce pays post-conflit, fragile et pauvre a besoin d'un pouvoir d'Etat actif et des moyens colossaux pour sa reconstruction et, d'autre part, que les principes et dogmes néo-classiques de neutralisation économique de l'Etat qui ont contribué à la remise en cause du keynésianisme et de l'Etat-providence en faveur de l'orientation vers la logique du marché, sont encore dominants aujourd'hui et servent de sous-bassement aux politiques d'appui extérieur conduites par les partenaires traditionnels.

Dans un tel cadre d'analyse, nous pourrons, entre autres thématiques, être en mesure d'émettre un avis critique et motivé aussi bien sur la pertinence de la formule des «contrats chinois» (minerais contre infrastructures) actuellement mise en vedette dans le cadre du programme dit des « Cinq chantiers de la République » que sur l'intérêt qu'il y a ou non à améliorer et renforcer le cadre de coopération en vigueur avec les partenaires traditionnels (prêts conditionnés par la capacité d'absorption déterminée selon les critères du bailleur ; initiative PPTE ; etc.), pour assurer le financement public extérieur des provinces et ETD à un coût qui soit le plus bas possible pour les générations futures.

En attendant d'engager notre recherche dans une trajectoire, nous nous permettons de noter, au stade actuel de nos investigations, que la mise en oeuvre fructueuse de la décentralisation financière en RDC demeure largement tributaire du changement des mentalités dans le chef des acteurs, lequel changement devrait se traduire dans la pratique, ainsi que nous l'avons recommandé, par la complétude et l'application sans faille du cadre juridique et institutionnel ainsi que par la soutenabilité budgétaire de la réforme décentralisatrice dans son ensemble.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

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2. Bouvier, M. (1998), Les finances locales, Librairie Générale de Droit et Jurisprudence, Paris

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2. Jensen, M. et Meckling, W. (1976) ; Theory of the firm : managerial behavior, agency cost, and ownership structure ; Journal of Financial Economic

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10. Observatoire des Finances Locales, (2004) ; « Problématique de l'équilibre financier des collectivités locales des pays de l'UEMOA » ; L'Equilibre Financier ; 2004 ; P. 2

11. Observatoire des Finances Locales, (2004) ; « Pourquoi un regard sur les finances locales » ; Regard sur les Finances Locales dans les pays de l'UEMOA ; 2004 ; P. 2

12. Paulais, T. (2006) ; « Comment vont être financés les besoins en investissements des villes africaines » ;La Revue Africaine des Finances Locales ; N°9 ; Octobre 2006; PP 5-8

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14. Vunduawe, T. (1982) ; « L'évolution de l'administration locale au Zaïre de 1885 à 1982 » ; Zaïre-Afrique ; N° 165 ; mai 1982 ; PP 261-273

15. Yatta, F. (2006) ; « Ressources financières locales et atteinte des OMD »; La Revue Africaine des Finances Locales ; N°9 ; Octobre 2006 ; PP 30-37

COMMUNICATIONS :

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2. Makala Nzengu, P. (2009) ; « La gestion du secteur agricole et rural dans le contexte de la décentralisation» ; communication ; Atelier de formation de formateurs sur la sensibilisation à la décentralisation ; Ministère de la Décentralisation ; 9-10 novembre 2009 ; Kananga

3. Kalume Numbi, D. (2007) ; « Suivi et évaluation du contrat-programme avec le peuple congolais (...) » ; conférence-débat ; Ministère d'Etat chargé de l'Intérieur ; mai 2007 ; Kananga

4. Kukatula, O. (2009) ; « Transfert des ressources financières aux provinces et ETD » ; Communication, Atelier sur le cadre stratégique de mise en oeuvre de la décentralisation ; Ministère de la Décentralisation et PNUD ; juin 2009 ; Kinshasa

5. Toengaho Kokundo, F. (2009) ; « La décentralisation et la réforme de l'Etat congolais» ; Communication ; Atelier de formation de formateurs sur la sensibilisation à la décentralisation ; Ministère de la Décentralisation ; novembre 2009 ; Kinshasa

RAPPORTS :

1. Banque Mondiale, (2009), Note sur le Découpage , Division Réforme du Secteur Public et Renforcement des Capacités (AFTPR) Région Afrique

2. Banque Mondiale, (2009), Aide-mémoire ; mission du 15 au 26 avril 2009 ; Projet de Renforcement des Capacités en Gouvernance

3. Cités et Gouvernements Locaux Unis, (2007), Premier Rapport Mondial sur la décentralisation et la démocratie locale , Groupement de Recherches sur l'Administration Locale en Europe (GRALE)

4. Commission Interministérielle d'Audit et de Bonne Gouvernance (CIABG) et EISA, (2009) ; « La gouvernance dans le secteur public en RDC » ; Rapport général du Séminaire-atelier ; 16-17 juillet 2009 ; Kinshasa

5. Forum des Dirigeants Africains, OUA et ONU, (1992) ; « Le Document de Kampala : Towards a Conference on Security, Stability, Development and Cooperation » ; Rapport de travaux ; Forum des Dirigeants Africains, OUA et ONU

6. Ministère des Mines, (2009), Rapport de travaux, Commission de Revisitation des Contrats Miniers.

7. PNUD/RDC, (2009), Rapport National sur le Développement Humain 2008 : Restauration de la paix et reconstruction, PNUD

DOCUMENTS OFFICIELS

1. Fonds de Promotion de l'Industrie, (2009), 1989-2009, 20 ans d'existence, Bilan et Perspectives, Comité de Gestion

2. Gouvernement de la République Démocratique du Congo, (2008), Programme du Gouvernement pour l'exercice 2009, Cabinet du Premier Ministre

3. Loi financière n°83/003 du 23 février 1983 telle que modifiée et complétée par l'ordonnance n° 87/004 du 10 janvier 1987

4. Mbusa, A. (2009), Rapport de Mission effectuée à Bukavu-Sud Kivu, Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire

5. Ministère du Budget, (2009), Etat de suivi budgétaire de la rétrocession aux provinces de 2006 à 2008, Chaîne de la Dépense, Direction de la préparation et du suivi budgétaire, août 2009, Kinshasa

6. Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire , (2009), Cadre Stratégique de Mise en OEuvre de la Décentralisation, Cellule Technique d'Appui à la
Décentralisation

7. Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire, (2009), Guide du Formateur sur la décentralisation sectorielle, Unité d'Appui à la Décentralisation Sectorielle

8. Ministère de la Décentralisation et A.T., (2009), Stratégie de Communication Sociale sur la Décentralisation en RDC, Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation

9. Ministère du Plan, (2004), Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté , DSRP

10. Muzito, A. (2009), Allocution à l'occasion de la présentation du projet du budget de l'Etat pour l'exercice 2010 devant l'Assemblée Nationale, Cabinet du Premier Ministre , octobre 2009 , Kinshasa

11. Muzito, A (2008), Discours de politique générale du Gouvernement devant l'Assemblée Nationale, Cabinet du Premier Ministre, 31 octobre 2008 ; Kinshasa

12. Présidence de la République Démocratique du Congo ,(2009) ; Constitution de la République Démocratique du Congo ; Journal Officiel

13. République Démocratique du Congo et Organisation Internationale de la Francophonie , (2009) ; Recueil des textes légaux et réglementaires sur la décentralisation en RDC ; Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire /Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation

AUTRES DOCUMENTS

1. Agence DIA, (2009) ; « RDC : Pauvreté structurelle des ménages à Kinshasa »; juin 2009 ; Kinshasa

2. Commission Episcopale Justice et Paix, (2009) ; « A quels défis seront confrontées les futures provinces et les ETD ? » ; Ensemble pour un Etat de droit ; N° 29 ; Octobre 2009 ; P.3

3. Elongo, O. (2004) ; « La lettre du Directeur Général » ; Bulletin de la DGRAD, N°04 ; Juin-Août 2009 ; P.1

4. Http// fr.wikipedia.org/wiki/Jhon_Rawls ; http// www.simonwuhl.org/9.html

5. Katalayi, K. (2009) ; « Les banques agrées impliquées dans la stratégie de maximisation des recettes » ; Bulletin de la DGRAD ; N° 03 ; juin-août 2009 ; P. 5

6. Kisungu, K. (2010) ; « Le discours décrypté du Premier Ministre ; Muzito : le temps de l'inventaire » ; Africanews ; N° 423 ; 15-16 février 2010 ; PP 4-10

7. Kudisala, F. (2010) ; « Doublement des recettes : sévère réquisitoire de la FEC » ; Le Potentiel ; N° 4889 du 23 mars 2010 ; P.2

8. Le Potentiel, (2007) ; « Cap sur la décentralisation » ; Le Potentiel; Edition du 25 octobre 2007 ; Kinshasa

9. Le Potentiel, (2009) ; « Accord FMI-RDC : le plus dur est à venir » ; Le Poteniel ; N°'4803 ; 14 décembre 2009 ; P. 2

10. Le Potentiel, (2010) ; « Les années des Nationalistes au pouvoir en chiffres » ; Le Poteniel ; N°4847 du 11 février 2010 ; PP 7 et 14.

11. Le Potentiel, (2010); « Ressources oubliées »; Le Poteniel ; N° 4849 du 13 février 2010

12. Matenda, A. (2008) ; « Les déclencheurs du point d'achèvement de l'initiative PPTE à l'examen à la Commission Interministérielle du Suivi des Programmes conclus avec les institutions financières internationales » ; Le Potentiel ; N° 4514 du 31 décembre 2008.

13. Mbadu Siku, J. (2009) ; « Opportunités, avantages et faiblesses du découpage territorial de la RDC » ; Revue Française d'Informations d'Afrique Centrale ; N° 31 ; janvier-févriermars 2009 ; PP 30-34

14. Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2008 ; République Démocratique du Congo ; Microsoft Corporation

15. Noumba, P. (2010) ; « Cinq questions à Paul Noumba » ;Le Poteniel ; N°4872 ; 12 mars 2010 ; P. 4

16. Pirsoul, E. (2009) ; « Les enjeux et les protagonistes des richesses souterraines de la RD Congo » ; Dimension 3, journal de la Coopération Belge ; n° 3 mai-juin-juillet 2009 P. 24

17. PNUD (2010) ; Avis de vacance de poste n°CDS/2010/022 ; www.mediacongo.net

18. Programme d'Appui à la Redevabilité du Secteur Sécuritaire et Réforme de la Police (2010) ; Avis de recrutement ; www.mediacongo.net

19. Sekana, J. (2009) ; « La RDC peut financer son économie rien qu'en maximisant ses recettes fiscales » ; Congo-Fiscalité Magazine ; N° 004 ; année 2009 ; PP 24-25






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