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Implications du clientélisme politique dans la gestion du port autonome de Cotonou

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par Mathieu SAHGUI
Université d'Abomey-Calavi, Bénin - Maitrise de Socio-Anthropologie 2009
  

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Chapitre VI :

Les pratiques clientélaires et dynamiques des rapports sociaux entre acteurs du PAC

IV-1.Les cadres d'expression des pratiques clientélaires.

1..1-Les missions de travail : Stages de formations 

Les missions dans les services de l'administration du PAC sont des sujets très poignants parce qu'elles sont "typologisées". Il y a des missions effectuées à l'extérieur du pays et des missions à l'intérieur. Etant donné que les frais de mission dépendent du coût de vie dans les zones d'accueil, les missions à l'extérieur sont classées par zone. Quatre zones sont retenues dans la classification des missions à savoir : zone Afrique, zone Europe, zone Asie et enfin zone Amérique. Les missions en Afrique sont les plus recherchées parce qu'elles permettent d'obtenir un gain supplémentaire en termes de perdiems assez important par rapport aux autres. Les missions à l'extérieur sont jugées "juteuses". Comme le dit Marc A. (agent du PAC), un des enquêtés : « qui ne voudrait pas prendre l'avion, aller tout au moins en Europe, et surtout gagner beaucoup d'argent, des primes, bref des frais de mission. En fait, plus on va loin, plus la cagnotte est grande. ». Il n'en demeure pas moins que le coût de la vie sur les autres continents est trop élevé. Les missions sont classées selon qu'elles rapportent aux individus des bénéfices pécuniaires (c'est-à-dire des perdiems). Les missions constituent des canaux de redistribution par lesquels les fonds circulent abondamment. Car les frais de mission d'une semaine en Afrique peuvent faire quatre fois le salaire d'un cadre. Si en une semaine de mission un cadre peut gagner quatre fois son salaire, il a de quoi développer des pratiques corruptives telles que la marchandisation des missions qui est une des pratiques en vogue dans ce milieu. La perception qu'ont les acteurs des missions justifie leurs attitudes qui laissent percevoir une véritable lutte de classe d'intérêt5(*). C'est cette perception qui enrichie les différentes logiques qui sous-tendent les discours des uns et des autres. Effectuer une mission juteuse c'est avoir la chance de « se réaliser ». C'est en cela que Roger K. (agent du PAC) souligne: « plus tu vas en missions plus tu as la possibilité de "réaliser" ». En fait, c'est un discours récurrent. La quête de missions juteuses entraîne une "terrible guerre d'intérêt"6(*) qui se mène dans les couloirs, les coulisses. Un des atouts pour obtenir une mission, c'est appartenir à la même formation politique que le chef, étant donné que nul ne voudra « donner des armes à son ennemi » pour qu'il l'utilise contre soi. Offrir une mission « juteuse » à un rival politique, c'est lui donner l'argent et donc les moyens de renforcer son assise politique. Et pour éviter cela, les missions juteuses sont octroyées aux partisans du pouvoir en place. Tout laisse paraître une ligne de démarcation floue entre les critères d'octroi de missions. L'appartenance politique étant un des atouts, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas le seul critère. Les affinités régionales, religieuses, parentale, amicale, etc. sont autant de critères qui prédominent. Mais en plus, il y a des négociations qui se font. Il importe tout de même de signaler que ces négociations ne concernent que ceux qui ne sont pas dans l'opposition. Des agents négocient même ce qu'ils doivent rapporter à qui leur a donné la mission. L'octroi des missions aux agents n'est basé sur aucun critère objectivement vérifiable. Les agents du Port Autonome de Cotonou mènent une "terrible guerre sous-marine"6(*) pour obtenir des missions à l'étranger surtout. A en croire certains enquêtés, « il y a des missions fantaisistes et des missions de travail. Mais toujours est-il que ce ne sont pas les agents appropriés qui sont envoyés. On envoie souvent des gens qui ne pratiquent pas » (Albertily G., agent du PAC). Certaines missions sont justes des missions pour remercier les agents pour leur soutien à la "cause commune"7(*). Tout en signalant la complaisance dans l'envoie des agents en mission les enquêtés trouvent que le processus de désignation des agents devant aller en mission ne respecte aucun critère de choix objectif, suscitant ainsi jalousies et frustrations au niveau des collègues de service. Au fond, c'est toujours les mêmes qui vont en mission. Ainsi, du simple fait de la désignation des agents qui doivent aller en mission, l'autorité met à mal la productivité du Port à cause de la redéfinition des rapports de travail que cela crée.

Tableau IV: Classification des zones d'accueil en fonction du coût de vie et des perdiems 

Zone

Afrique

Europe

Asie

Amérique

Coût de vie

Moins élevé

Elevé

Assez élevé

Trop élevé

Hausse des reliquats du perdiem

Très Bien

Bien

Assez Bien

passable

Source : Données de l'enquête

1.2-Les séminaires de formation

Il n'y a pas toujours une grande différence quant aux processus de choix des agents à envoyer en mission. Mais une petite nuance s'avère indispensable. Il faut souligner qu'au niveau des séminaires, la fréquence n'est pas très forte. A la différence des missions, il arrive même qu'on envoie des agents par le fait du hasard, en ce sens que, lorsque l'agent sollicité n'est pas présent, le chef envoie seulement celui qui est présent. Ce cas ne se présente que pour des séminaires « non rentables »8(*). Mais, il y a à noter que certains séminaires sont des « séminaires de trop »9(*). Ceci s'explique par les témoignages des enquêtés. Mais l'un des enquêtés, cadre de l'Administration du PAC ira plus loin en disant :

«  Moi, je ne veux pas aller à ce séminaire, j'en ai tellement suivi, j'ai à mon compte trois séminaires sur le même thème, j'en ai suivi à l'extérieur, on vous envoie suivre les séminaires pour le plaisir de le faire, parce que la suite, je ne la connais pas, à peine un compte rendu et pratiquement cela ne vous sert jamais. Que les gens cessent de jeter de l'argent par la fenêtre. S'ils veulent donner l'argent à leurs amis, qu'ils le fassent sans nous gêner nous autres... ». (Jocelyne L., Agent du PAC)

Ces propos ont été recueillis dans la période où un cabinet privé organisait un séminaire de formation sur le marketing. Il a été demandé au PAC d'envoyer assez de participants. Mais le constat est que nombre de services ne se s'était pas sentis concerner par ledit séminaire, mais comme la correspondance venait du sommet de l'Etat, l'autorité portuaire l'avait transmise à la direction concernée. Cette dernière a saisi tous les services relevant de sa compétence. Alors, des agents ont été envoyés suivre la formation. La question qu'il importe de se poser est la suivante : pourquoi les agents se sont sentis contraints de suivre ce séminaire ? Est-ce parce qu'il n'y aura pas de perdiems ? Ou bien, est-ce que le PAC n'avait réellement plus besoin d'une telle formation ? En tout état de cause, la question de la gestion des cadres redéployés dans les différents services se pose. L'opportunité des formations et le profil des agents désignés pour suivre ses formations sont interrogés puisque certains cadres du PAC disent avoir suivi cette même formation plus de deux fois. IL se pose la question de la redistribution des sessions de formations. Certains affirment que ce sont les « vieux » qui sont souvent envoyés. Si Jocelyne n'est plus qu'à quelques mois de la retraite et que c'est elle qui est choisie pour suivre cette formation, il se pose le problème de la gestion efficiente des ressources humaines

1.3-Les commissions de travail : Du pareil au même

Les commissions n'ont pas une grande différence. Toujours est-il que le critère de choix ici est un peu plus pratique. Certaines fois, ce sont les chefs services qui y sont associés. Même si à ce niveau, il y a à dire, c'est intéressant que des chefs services soient associés mais la nuance, c'est que ce n'est pas forcément les services concernés. Ce qui pousse tout observateur attentif à dire que c'est du pareil au même. Même si l'on considère que les chefs services sont associés, puisque dans la commission :

 « On doit faire un travail donné, il est nécessaire d'associer ceux qui sont chargés de faire le boulot. L'exemple de la "SIGUCE" est là, on n'a pas associé ceux qui font le travail, on n'a pas associé les agents même. C'est les chefs qu'on a regroupés pour faire « ces choses là !10(*)». Les agents ne sont pas souvent associés, ce qui fait qu'on met en place le système et on constate que ça ne fonctionne pas. Au niveau du PAC, les commissions en grande partie c'est çà même.»(Gilles L., agents du PAC).

Il importe donc de se questionner, de rechercher les conséquences de telles attitudes, que cela concerne les missions, les séminaires ou les commissions. Ce qui importe en dehors des logiques qui peuvent sous-tendre cette façon de faire les choses, ce sont les conséquences qu'elles engendrent. Ces conséquences sont multiples et multiformes. Mais avant toute chose, il faut noter que le phénomène est décrié selon la position de l'agent du PAC. C'est dire que lorsque l'agent ne bénéficie pas de ces faveurs, il se plaint mais lorsqu'il en jouit, c'est que le système est le plus parfait qui soit. Toujours est-il que tout le monde ne peut jouir des retombés d'un système, il y a toujours d'une façon ou d'une autre des laisser-pour- comptes, et même des marginalisés. Mais la situation actuelle11(*) suscite d'énormes interrogations quant à l'avenir du Port Autonome de Cotonou en particulier et du Bénin en général.

2. Les nominations à des postes de responsabilité :

2.1-Le directeur Général du Port Autonome de Cotonou

Le Directeur Général du PAC est nommé en conseil des ministres comme la plupart des directeurs généraux des services ou sociétés d'Etat. Le PAC étant une société d'Etat, avec son statut particulier de poumon de l'économie nationale, il importe qu'une "personne de confiance" soit à sa tête. C'est en fait, ce qui justifie, les différentes nominations à la tête du PAC. La particularité de ce régime-ci, c'est son record dans l'instabilité des directeurs généraux du PAC. En deux (02) ans, soit de deux mille six (2006) à deux mille huit (2008), trois (03) directeurs généraux se sont succédé à la tête de cette structure. Tous les trois directeurs généraux ont des profils différents. Mais il importe de noter que le passage d'un directeur à un autre, d'un profil à un autre n'a pas permis à chacun de bien "amarrer son navire"12(*). Le premier directeur du PAC, a passé environ quinze (15) mois à la tête de la structure, le second en a fait sept (07) et le troisième est en fonction, après avoir été intérimaire pendant quelque mois. Le processus de nomination des directeurs généraux du PAC est surtout basé sur des affinités allant de l'appartenance politique, familiale, régionale, ethnique... à l'appartenance religieuse du cadre à promouvoir. Ce constat n'est pas spécifique au PAC c'est ce qu'a laissé entendre un des enquêtés lorsqu'il dit :

« De façon générale, dans le pays c'est ce qu'on constate, c'est quand l'on n'a pas dans son camp qu'on va chercher ailleurs. On ne laisse pas ses amis [...] Lorsqu'une personne est nommée dans ces conditions, elle peut aussi être « sautée » dans les mêmes conditions et d'ailleurs, elle doit s'attendre à ça. Un matin, vous êtes nommé ; un matin vous êtes « sauté » sans justification. Vous ne saurez vous plaindre, puisse que lorsque vous aviez été nommé, vous n'aviez pas protesté. Alors, vous ne pourriez pas protester une fois sauté. [...] Si vous ne faites plus plaisir au Chef, il vous « saute ». Grâce au pouvoir discrétionnaire dont il dispose, il fait de vous ce qu'il veut et quand il le veut ». (Rénald H., agent du PAC)

Cela implique qu'une fois nommé, le DG du Port Autonome de Cotonou doit dans un premier temps faire la politique du Gouvernement et surtout de son chef. Faire la politique du chef revient à mettre tout en oeuvre pour augmenter l'audience politique du chef. Ceci a justifié la candidature de l'ex-directeur Général du PAC aux élections municipales de 2008 sur la liste de la coalition de forces politiques qui soutiennent les actions du Président de la République. Mais après son échec auxdites élections, il fut tout simplement « sauté ». La veille de son limogeage, ledit ex-DG/PAC, laissa entendre en fon,  sur une chaîne de télévision de la place: « é zé gbo nù mè bo hin kan ù» ce qui donne en traduction littérale: «on vous confie un mouton et on tient la corde qui permet de le traîner». Ceci témoigne de ce que le DG n'est pas entièrement libre dans sa gestion. Dans ces conditions, bien qu'il soit le DG, « les décisions en matière de politique du personnel lui échappaient » (Crozier, Friedberg, 1977 :184). Il faut accepter faire la volonté du patron. Le DG n'est qu'un intermédiaire dans la relation au peuple. C'est aussi un poste qui permet l'accumulation redistributrice (Olivier de Sardan, 1997) pour renforcer des fins électoralistes. Une telle accumulation n'étant possible sans le développement de certaines pratiques telles que la corruption sous toutes ses formes (Olivier de Sardan, 2001). Pour réussir sa mission, le Directeur Général du PAC se doit de nommer ses collaborateurs.

Le tableau suivant récapitule les informations recueillies à ce sujet.

Tableau V : Profils des Trois directeurs nommés depuis 2006

Noms et Prénoms

Profil

Appartenance ethnique

Appartenance politique

Temps passé

Motifs de limogeage

AGUESSY Christophe

Financier

Fon

(Abomey)

FCBE

15 mois

Promotion

DANDJINOU

Jérôme

Qualiticien

Xlwa

(Kétonou)

FCBE

07 mois

Manquement à l'autorité

ATTI-MAMA

Cyriaque

Sociologue

Nago

FCBE

En Poste

En Poste

Source : Mathieu SAHGUI

2.2-La nomination des directeurs techniques et des chefs services.

Les directeurs techniques

Le directeur général a la prérogative de la nomination des directeurs techniques, des conseillers et des chefs services, bref, de ses collaborateurs. Mais ce qui importe c'est que les nominations ne sont pas toujours faites selon la volonté du Directeur Général. Il tient compte de certains critères dans son choix. Le directeur général jouit de son "pouvoir discrétionnaire" dans la nomination de ses collaborateurs, ce qui signifie qu'il n'y a pas des règles officielles qui régissent les nominations à des postes stratégiques. Son pouvoir discrétionnaire dépend de son ministre de tutelle ou des membres de son cabinet. Etant donné que ce sont les directeurs techniques qui ont la lourde responsabilité de veiller au bon fonctionnement de certains services à eux confiés, il s'avère nécessaire d'"avoir des hommes de confiance" à ces postes jugés stratégiques. Une faille à ce niveau aura une répercussion sur la direction générale. Mais toute nomination est soumise au ministre qui apprécie. Quand on parle déjà d'homme de confiance, il faut comprendre l'apparition des affinités précédemment développées.

Les chefs services

Comme les directeurs techniques, les chefs services sont nommés par le directeur général du PAC. A ce niveau aussi, il n'existe aucun critère objectivement vérifiable. Ces nominations ne dépendent pas entièrement du DG. Mais ici, seuls les agents du PAC peuvent être nommés. Les affinités interviennent aussi à ce niveau et beaucoup parce que c'est à ces niveaux de décision que tous les jeux se jouent. C'est ce qui fait dire à un des enquêtés parlant des nominations des chefs services : 

« C'est le DG, qui décide de la politique de gestion. Il doit travailler avec des gens qui ne vont pas lui mettre des bâtons dans les roues. Il doit travailler avec des gens qui doivent le soutenir et lui rester fidèle. Du moins dans sa vision ». Il poursuit en disant : «  Les nominations ont toujours une coloration politique et doivent avoir une coloration politique. Si dans mon camp, je ne trouve pas des "compétences" nécessaires, je peux aller chercher ailleurs même s'il est de l'opposition et qu'il peut faire le travail. Mais là on définit bien les règles. A priori, c'est quelqu'un qui ne doit pas faire du sabotage ». (Moustaphys A., agent du PAC)

Certains enquêtés ont trouvé que les dernières nominations faites au PAC ne sont pas politiques. Mais ceux qui ont la version contraire sont plus nombreux. Les nominations des chefs services ont un caractère purement politique, de nombreux acteurs y sont impliqués. Des membres du cabinet du ministère, aux différents responsables de la direction générale proche du DG et du ministre. Les acteurs portuaires déplorent la politisation à outrance des services publics en général et du Port Autonome de Cotonou en particulier. Il importe de noter que pour certains services, les chefs viennent d'autres services sous le prétexte qu'ils y ont servi et par conséquent ils connaissent mieux les services en dépit des nombreux cadres compétents présents dans lesdits services. Ce qui ne se passe pas sans heurts au sein des cadres desdits services.

3. Du clientélisme à ses formes excessives

3.1-Les processus d'embauches,

Le recrutement du personnel du Port Autonome de Cotonou ne se fait pas par concours organisés par le ministère en charge de la fonction publique mais. Mais depuis quelques années, surtout depuis trois ans, les recrutements sont confiés à un cabinet privé. Aux dires des enquêtés, le passage par le canal d'un cabinet n'est qu'une stratégie, c'est juste une formalité permettant de voiler les vraies réalités, comme en témoigne les propos d'un des enquêtés :

« Si vous venez en candidature spontanée, je ne pense pas que ça puisse marcher. Il ne faut pas se leurrer, les choses ne se passent pas comme ça. Moi, je suis passé par le cabinet mais si je ne connaissais pas quelqu'un au port qui ait pesé de tout "son poids" dans la balance, je ne serais pas ici. Il y a bel et bien "le qui tu connais" qui agit au Port. Les cabinets sont des structures qui cherchent de l'argent donc ils ne peuvent pas dire non lorsqu'on leur envoie des noms. Ils connaissent l'enjeu ». (Alimasth E., agent du PAC)

Les embauches s'effectuent de proche en proche c'est-à-dire qu'il faut avoir un proche au port ou dans les arcanes du pouvoir qui puisse influer sur les décisions ou qui soit en relation avec les autorités portuaires.

En fait c'est un réseau compact, il faut d'abord avoir accès à l'information. Or l'information étant "la source du pouvoir" seules les personnes bien placées la détiennent ; elle circule très peu dans l'enceinte portuaire. En dehors des recommandations, il y a une autre stratégie d'insertion qu'utilisent les agents portuaires. Des anciens stagiaires sont récupérés compte tenu des affinités qu'ils ont avec certains agents. Une fois récupérés ces stagiaires sont sensés aider lesdits agents dans l'accomplissement de leur travail. Ce qui est à souligner, c'est que ces stagiaires parviennent à obtenir des badges de stagiaires quand bien même ils ne le sont plus. Ils sont présents au vu et su de certaines autorités de la société portuaire. Mais ceci se passe dans un "silence de cimetière". Aucune opposition, l'argument favorite qui est avancé par ces agents : « Il y a un manque criard de personnel, alors, il faut qu'on se fasse aider ». Aux dires de ces agents, ces stagiaires ne sont pas à la charge du port, mais à leur charge personnelle. «  Qui travaille à l'hôtel, vit de l'hôtel ». C'est une façon d'embaucher progressivement ; c'est ce qui justifie d'ailleurs les pressions lors des recrutements où on entend des expressions comme : « ils nous ont toujours aidé contre zéro franc, et en plus ils connaissent parfaitement le travail ». Ainsi des embauches se font par procurations émanant de l'extérieur ou de l'intérieur, toujours est -il que c'est souvent des personnes qui jouissent d'une position stratégique de pouvoir.

Les embauches se font aussi pour rendre service à des collègues, encore que pour obtenir un stage au PAC, il faut faire intervenir des relations.

3.2-Les processus de sponsoring

Le sponsoring c'est l'une des activités du service Marketing. Elle consiste à octroyer des fonds à des personnes physiques ou morales qui sollicitent une aide financière au PAC. C'est dans le but d'organiser des événements sensés être d'intérêt pour le PAC que ces personnes sont sponsorisées. Le PAC passe par ce canal pour faire sa publicité. Plus l'évènement est d'envergure régionale ou internationale plus le PAC est enclin à le sponsoriser. C'est ce qui devrait être, mais la plupart des sponsorings sont nationaux avec la particularité que les dossiers le plus souvent sponsorisés sont des dossiers recommandés par les proches collaborateurs des autorités portuaires, du ministère de tutelle ou des ministères partenaires. En définitive, les dossiers de sponsoring ne connaissent pas une étude rigoureuse statuant par exemple sur leur pertinence. Il faut noter des pressions de toutes sortes, allant des pressions amicales, aux pressions des supérieurs. Un des enquêtés laisse entendre :

« Il y a des pression. C'est ainsi par exemple, qu'on vous fait des recommandations, c'est normal, c'est la relation humaine. Il y a des gens qui viennent avec des recommandations. On sponsorise le plus souvent des gens envoyés. Mais, il y a trop de recommandations.... Le monde n'est pas un monde d'anges ». (Philipe, agent du PAC)

Les sponsorings faits sont de l'ordre de cent mille francs à trois millions. Certaines personnes à qui ce traitement de faveur a été fait, reviennent parfois donner quelque chose en retour : la gratification (Olivier de Sardan, 2003a). Ce qui s'inscrit déjà dans l'ordre de la corruption marchande.

Mais après une observation attentive, il ressort que toute fonction implique un ensemble de privilèges, visibles et invisibles, qui sont au coeur de l'identité professionnelle. Les « avantages de fonction » (dont beaucoup sont informels, relevant de l'usage et non du droit, des situations acquises et non des conventions collectives) sont étendus autant que possible (et le plus souvent au détriment des « clients ») : usage privé et systématiquement abusif du téléphone, de climatisation, des véhicules de service, du matériel de bureau, des fournitures ... qui sont aussi des pratiques corruptives.

IV-2 Conséquences du clientélisme politique sur le PAC : dynamique des relations entre acteurs sociaux.

1- L'administration de l'impunité

L'une des révélations dans l'administration portuaire en particulier et dans l'administration publique en général, est la culture de l'impunité. En fait, elle s'est avérée être une des conséquences directes du clientélisme politique. De ce fait, toute tentative de réformes administratives en général et celles touchant à la lutte contre le clientélisme en particulier est bloquée par tous les moyens. Toute sanction, aussi petite soit-elle pose d'énormes problèmes, tout simplement parce que c'est tout un système assez solidement enraciné. Dans un tel système, le mot sanction est synonyme de « destruction » ce qui revient à dire que sanctionner une personne pour faute commise équivaut à détruire à jamais son image et donc porter atteinte à l'image du système. Ce qui revient à dire que le sanctionné étant à peu près inséré dans des réseaux clientélaires qui protègent, celui qui veut sanctionner se voit ainsi immédiatement « l'objet de multiples « interventions », voire de menaces, de la part de ses pairs ou des personnages plus haut placés. La plupart du temps, il est désavoué par sa propre hiérarchie, qui ordonne la relaxe de l'auteur de l'infraction ou la suspension de la peine. Cela constitue un facteur important de dissuasion quant à l'application normale des règlements. D'ailleurs, un sanctionné ne fait en général que ce que font toute une série d'autres personnes de ce réseau, et, en sanctionnant un individu, c'est tout le système qui est menacé. » (Olivier de Sardan, 2001 : 26)

"On se connaît tous, alors qui va punir qui ? Lorsque tu penses que tu es le tout puissant, sache que l'agent que tu veux punir a un parent ou une relation au sommet de la pyramide. "

(Propos d'un enquêté)

"Je n'en vois jamais, on ne sanctionne pas pour ce qu'il faut sanctionner. Pour ce que je connais, c'est par rapport au retard ; on se pointe un jour et on attend, et tous ceux qui viennent après l'heure sont sanctionnés, et comment encore ? D'ailleurs, on peut démotiver les gens en sanctionnant de cette façon.

En fait, en sanctionnant un agent, on met ça dans son dossier, ce qui ne l'arrange pas. Cette sanction peut agir à l'avenir sur sa promotion. " (Kalmar, agent du PAC)

« C'est pourquoi l'impunité est, de fait, la règle et la sanction l'exception. On peut alors se demander si la l'application exceptionnelle des textes et des règlements, allègrement bafoués au quotidien par chacun et par tous, ne relève pas le plus souvent de motivations qui n'ont rien à voir avec la justice ni avec la bonne marche des services : règlements de comptes, élimination de gêneurs, refus de passer à la caisse, de redistribuer ou de donner allégeance, etc.». (Olivier de Sardan, 2001 : 26)

2- L'instabilité à la tête du PAC

Depuis que l'institution portuaire a été créée les directeurs généraux nommés n'ont jamais dépassé cinq ans à l'exception de celui qui est actuellement devenu ministre de l'économie maritime et portuaire. Les acteurs portuaires font son éloge, en ce sens qu'ils disent que : « Si le port est aujourd'hui au niveau où il est, c'est grâce à lui ». Cette instabilité ne permet pas d'atteindre les objectifs de développement du Port. Il est dit que l'administration est une continuité mais ce n'est pas souvent le cas. « Chacun vient avec sa vision, il n'est pas facile de poursuivre les objectifs de l'autre » pensent les agents. Déjà que les agents déplorent cette instabilité, ils affirment même que si l'administration portuaire est « en rade » aujourd'hui, c'est en plus des autres sources de dysfonctionnement l'une des sources motrices. L'instabilité des directeurs généraux entraîne aussi une instabilité dans l'administration elle-même en ce sens que  lorsqu'un directeur général est nommé à la tête de l'administration du PAC, il choisit ses collaborateurs, ce qui signifie qu'un redéploiement stratégique est fait par lui. Or, tout changement de commandement entraîne de nouvelles normes de conduite. Certains agents sont promus au détriment d'autres, ce qui est d'une évidence. Le mode de choix de ces agents comme précédemment dit ne respectant aucun critère objectivement vérifiable, crée des malaises au sein de l'administration. Ainsi, le fonctionnement normal de l'administration se trouve mis à mal.

3- L'administration de malaise

Dès sa nomination, le DG reçoit une lettre de mission, une mission officielle, connue de tous, dot le but est de conduire les destinés du Port Autonome de Cotonou. Ainsi, il doit travailler avec les cadres portuaires. Pour la plupart du temps, les DG ne sont pas des portuaires. Donc, il leur faudra prendre connaissance des réalités de la structure. Et pour se faire, le nouveau DG doit se faire des partenaires sûrs sur lesquels il peut compter. Se faisant, il arrive que pour certains DG, la seule alternative soit le redéploiement des cadres, certains sont promus d'autres non. En fait, le problème ne se situe pas dans la promotion elle-même mais dans la manière de le faire. Comme notifier précédemment dans la procédure de nomination des chefs services et des directeurs techniques, les critères objectifs sont très peu mis à contribution. Ce qui génère des frustrations et donc des malaises internes.

Il importe de souligner que déjà la nomination d'un DG qui n'est pas portuaire est déjà source de frustrations au sein des cadres qualifiés et compétents qui savent que si l'on devrait respecter le critère de promotion interne, ils seraient promus au poste de directeur général. En fait, pour prétendre à une nomination au poste de DG du Port Autonome de Cotonou, il faut être le cadre le plus ancien et donc le plus expérimenté et sans oublier le plus diplômé. Vu que des cadres portuaires remplissant ces critères existent, il n'y avait plus aucune raison qui justifierait la nomination d'un cadre extérieur c'est-à-dire un cadre non portuaire. Mais pour des raisons de politisation à outrance de toute l'administration publique, on se retrouve dans des situations où les hommes ne sont pas nommés parce qu'ils sont compétents mais surtout pour la "seconde mission"13(*) dévouée au DG du Port Autonome de Cotonou. Comme dit précédemment, le Port est le poumon de l'économie béninoise, donc une véritable chasse gardée des partis au pouvoir. Le DG a entre autres pour mission de faciliter l'accumulation de ressources pour les futures conquêtes du pouvoir. C'est surtout dans le but de réussir cette mission surtout que le DG procède à des nominations stratégiques qui ne respectent pas pour la plupart des critères objectifs. En fait ce sont toutes ces pratiques qui créent le malaise au sein de l'administration portuaire. Le malaise se fait tellement sentir qu'une méfiance terrible s'instable et devient la règle qui régit les rapports sociaux de travail.

L'administration de la méfiance

L'administration portuaire est l'un des lieux par excellence où la méfiance s'est indubitablement installée. Il ne semble pas que les acteurs se soient mis dans cette situation seuls. Mais c'est en grande partie à l'action du fait politique sinon du climat politique qui règne dans les administrations. Aux dires de certains agents de l'entreprise, chaque jour est spécifique et chacun doit pouvoir profiter de ce qui s'offre à lui comme opportunités. Si dans certains services, la méfiance est des plus fortes, dans d'autres ce n'est pas le cas. Dans tous les cas entre les agents ce n'est pas la lune de miel.

* 5 Nous entendons par cette expression les différentes tractations qui se font entre acteurs. Ceux qui offrent les missions et ceux qui demandent les missions. Ceux qui offrent les missions veulent souvent le retour de "l'ascenseur". Donc, il y a des intérêts qui interagissent.

* 6 Pour ne pas dire lutte, conquête de place.

* 6.Ils se font des coups bas, ils se jouent de sales tours, etc., ils montent les enchères bref, c'est un des viviers de la corruption

* 7 La cause commune ici c'est soutenir « sans conditions disent-ils » les actions du Chef de l'Etat.

* 8 Rentabilité en termes de perdiem pour l'individu

* 9 Propos d'un enquêté sur la question

* 10 Il s'agit ici de la commission d'exécution du projet de mise en place de la « SIGUCE » (Système d'Information du Guichet Unique et du Commerce Extérieur)

* 11 Situation où après éjecter des milliards dans la réalisation des projet de modernisation, on en viennent à des conclusions telles que : le conseil des ministres en date du Juin 2009 stipule qu'il y a mauvaise gestion et mal gouvernance dans la réalisation du projet de réalisation du « SIGUCE ». Alors que dans le Conseil d'Administration du Port Autonome de Cotonou, plus de trois ministère représente le gouvernement. Donc de telles dérives pouvaient être évitées dès le départ. Si ce n'est politique, on laisse « bouffer » et après on constate puis on ne sanctionne pas.

* 12 Asseoir sa politique de développement, asseoir une base solide pour faire rayonner l'entreprise, asseoir sa vision.

* 13 Cette seconde mission dans le cas d'espèce est de contribuer à la réélection du Président de la république en 2011. Il n'existe même pas de doute, car lorsqu'il y a une marche de soutien,un meeting politique dans sa région d'origine, il ne se fait pas compter l'évènement.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein