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Genre et lutte contre la pauvreté dans la ville de Lubumbashi. Essai d'analyse des manifestations de l'autonomisation de la femme Lushoise à  travers le microcrédit.

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par Modeste DIKASA ENGONDO
Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

1. Présentation du sujet

La condition de la femme ainsi que le rôle qui peut être le sien dans la société contemporaine pose un problème général suscité par des conditions constamment changeantes de la vie moderne et des espoirs nouveaux y correspondant.

Cet état des choses ou mieux cette condition de la femme est très souvent abordé à travers de nombreuses littératures sous l'angle de comparaison soit dans le temps (traditionnelle et moderne) soit dans l'espace (rurale et urbaine, africaine ou européenne, etc.) soit encore par rapport à l'homme. La condition de la femme ne constitue réellement un problème de société qu'à partir d'une comparaison faite de ce que sont les femmes avec le sort apparemment ou objectivement privilégié que se réservent les hommes dans une société. D'où la nécessité, pour nous, d'aborder cette étude sous l'aspect genre pour éviter de soulever les susceptibilités liées aux problèmes d'égalité ou de supériorité entre les sexes.

La femme congolaise en général et lushoise en particulier, soumise à l'accélération vertigineuse de la mondialisation de l'histoire humaine et de l'évolution des idées et de leur diffusion instantanée à travers le monde est encore contrariée par une vision traditionnelle rétrograde d'écartèlement, d'exclusion qui paralyse ses efforts. Elle charrie ainsi une conscience erronée d'incapacité, d'irresponsabilité par rapport à l'homme.

La question fondamentale que soulève ce mémoire est aussi bien celle de la position sociale de la femme, pour qui la préoccupation doit être de savoir comment concilier avec plus ou moins de bonheur sa spécificité constitutionnelle ou biologique de mère, créatrice de vie, d'épouse et ce que doit être désormais son rôle dans la nouvelle société congolaise en général et lushoise en particulier, afin de participer activement et véritablement au développement économique et social de son pays.

Considérée dans le cadre de collaboration pour l'édification de notre pays, la femme congolaise se trouve en retard dans la marche du progrès. Comparativement à l'homme, elle doit être pourtant un agent indispensable de l'évolution de la communauté humaine. Elle ne pourrait alors être tenue pour longtemps à l'écart de la production sociale, ou ravalée indéfiniment au rang de simple et passive consommatrice de la nouvelle civilisation interplanétaire.

En abordant la question du Genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi, nous tenons à faire reconnaître et à dénoncer le fait que la femme lushoise ait vécu depuis longtemps par et pour les autres seulement. Elle doit donc maintenant se voir donner, au même titre que son partenaire homme, les mêmes chances au départ de survie et de réussite personnelle. C'est à cette condition seulement que nous pensons qu'en ayant les mêmes conditions d'accès aux microcrédits, elle pourra être vraiment à la hauteur de ses tâches domestiques et familiales habituelles, et aussi lutter contre la pauvreté en explorant ses capacités encore en friche en réduisant les écarts qui la séparent encore de l'homme.

Cependant, il nous semble que, tant à travers le langage que dans la plupart des écrits sur la condition de la femme dans la société contemporaine, les gens discutent et argumentent le plus souvent sur base des préjugés. Dès lors, il y a une colossale mystification qui sous-tend subrepticement mais solidement les superstructures religieuses, juridiques, sociales, politiques, économiques et culturelles, lesquelles superstructures constituent à leur tour autant d'alibis tendant à donner à l'homme, en tant qu'etre du sexe masculin, la bonne conscience, qui est en fait une pseudo justification rationnelle ou logique de son attitude et de son comportement cavaliers à l'égard de la femme, qui se traduit par un rapport exagérément inégal et discriminatoire entre l'homme et la femme. Ce rapport, se répercutant sur l'institution familiale et comme celle-ci est elle-même à la base de la société, se traduit sur le plan social sous forme d'une conscience sociale, difficile à ébranler.

Sans pour autant s'attarder sur la prétendue supériorité naturelle de l'homme, comme d'ailleurs l'a si bien fait KITENGE Ya(1), nous nous emploierons à montrer que l'autonomisation de la femme lushoise à travers le microcrédit doit viser l'amélioration de la condition des femmes à partir du respect des hommes envers elles jusqu'à la reconnaissance de celles-ci en tant que membres apportant une contribution au développement de leur société.

2. Choix et intérêt du Sujet

Le choix et l'intérêt du sujet sont la première des choses que doit faire quiconque veut s'engager dans une recherche en sociologie. Le choix du sujet, ses délimitations ainsi que l'intérêt qu'il présente pour le chercheur conditionnent le déroulement de l'étude et sa réussite finale.(2)

Il convient donc de noter qu'aucun hasard ne nous a soumis l'étude du « genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi ; une contribution à l'analyse praxéologique des manifestations de l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit ». Il revient néanmoins de préciser que le choix et l'intérêt portés à cette question sociale s'inscrivent dans la perspective de la sociologie du développement et relèvent d'un triple souci qu'au départ il convient de légitimer.

1. Intérêt personnel

En tant qu'homme épris de paix et de justice, nous avons cherché à apporter notre pierre à l'approche genre et développement. En effet, même si les femmes sont les plus nombreuses en République démocratique du Congo en général et à Lubumbashi en particulier, la majorité d'entre elles demeurent très pauvres et travaillent dans des conditions nettement inférieures à celles des hommes. Cette

(1) Lire à ce sujet KITENGE Ya, le rôle de la femme zaïroise dans la société contemporaine. Aspects épistémologiques et analyse qualitative de la condition féminine, Thèse de doctorat en sociologie, Lubumbashi, UNAZA-FSSPA, 1977, p 49-65.

(2) MULUMBATI NGASHA, Manuel de sociologie générale, Ed. Africa, L?shi, 1980, p.20

vulnérabilité du genre qui frise la discrimination et l'exclusion de la femme dans les processus du développement s'est accrue, d'autant que les femmes ont une triple charge d'encadrement quotidien des enfants, l'entretien de la maison et des activités de subsistance. On les retrouve seules au front de cette lutte caractérisée surtout par leur isolement et par l'absence du soutien du conjoint lui aussi noyé dans la débrouillardise dictée par la périphérisation de l'économie mondiale. Afin de compléter les revenus familiaux, là où ils existent, la femme est appelée à travailler durement pour refuser de mourir, elle et les siens.

Au moment où la femme commence à se déterminer et à se débarrasser d'anciennes considérations autour de sa personne, il nous paraît vraiment impérieux de nous pencher sur le rôle et la place à elle réservés pour le développement de notre société. D'autres éléments confrontent autant le choix de ce sujet : la femme est appelée à revendiquer ses droits et à gravir aussi les hiérarchies professionnelles, son apport au travail productif devient visible à tous les niveaux de la vie (pays, ville, foyer). Combattre ainsi les positions anachroniques sur les droits de la femme, restituer à cette dernière ses droits en tant qu'etre humain appelé à s'épanouir, voila autant d'éléments qui justifient le choix de ce sujet.

2. Intérêt sociétal

A travers cette étude, nous voudrions aider la femme à comprendre que la quête d'égalité entre l'homme et la femme doit intégrer la reconnaissance selon laquelle l'égalité va de pair avec et ne menace pas ni moins encore ne contredit la reconnaissance de la différence et de la complémentarité qui existent entre l'homme et la femme. Car sans cette reconnaissance, la lutte pour l'égalité ne serait pas non seulement authentique mais se caractériserait par une approche antagoniste mettant en exergue les oppositions entre les hommes et les femmes. De la sorte, la femme se dresserait davantage contre l'homme et vice-versa, et toute quete d'identité se baserait sur la négation de l'autre. L'approche genre et de l'autonomisation de la femme conduit

cependant à la reconnaissance réciproque de l'identité et du rôle de l'un à l'égard de l'autre.

La tendance consiste à réduire, ou même à nier totalement les différences artificielles entre les hommes et les femmes afin d'éviter la domination d'un sexe sur l'autre, leurs différences sont à considérer comme de simples conséquences de conditionnements historiques et culturels. La différence physique est sous estimée, tandis que la dimension purement culturelle est exacerbée et considérée comme primordiale. Ce flou qui existe actuellement dans les différences a des conséquences sur la stabilité de la société et des familles, mais également sur la qualité des relations entre les hommes et les femmes.

L'adoption de l'approche genre, dans cette étude, montre qu'il y a une différence dans les besoins spécifiques des hommes et des femmes et permet aussi d'évaluer les incidences, à la faveur des femmes comme des hommes dans la lutte contre la pauvreté.

3. Intérêt scientifique

Les rapports nationaux sur le développement humain durable soulèvent aujourd'hui une question d'actualité qui est celle du genre et de la lutte contre la pauvreté. Les préoccupations affichées par les organisations internationales et nationales sur les discriminations et les inégalités de sexe pèsent sur la croissance d'un pays. Il faut donc aider les femmes à contribuer au développement. Car bien qu'étant les plus pauvres, surtout les plus vulnérables et les plus défavorisées, les femmes utilisent davantage leurs ressources pour le bien-être de la famille : dépenses alimentaires, d'éducation ou de santé, alors que les hommes sont souvent accusés de gaspiller leurs revenus en consommation non productive.

étude sur le Genre et la lutte contre la pauvreté tente de mettre en lumière les différentes théories relatives à l'intégration de l'approche genre dans le processus du développement, notamment dans la réalisation de l'un des objectifs de développement du millénaire qui vise la réduction de la pauvreté. Il s'agit ici de comprendre la capacité du microcrédit à améliorer durablement le niveau de vie des populations.

En analysant les manifestations de l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit, cette étude se propose de montrer comment le microcrédit permet d'offrir des produits financiers et des crédits à celles qui sont exclues du système financier classique pour les aider à conduire des activités productives et génératrices de revenus lesquels leur permettent ainsi de développer des petites entreprises. Enfin ce mémoire explique l'intérêt que nous attachons en tant que scientifique et sociologue aux rôles des rapports de genre sur le développement humain durable.

3.Délimitation du sujet

Toute recherche scientifique doit être délimitée dans le temps et dans l'espace. Dans le temps, cette étude portera sur la période allant de 2007 à 2010, soit une période de quatre ans. Dans l'espace, notre étude sur le genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi aura comme cadre d'enquete la ville de Lubumbashi. Et pour analyser les manifestations de l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit, nous avons organisé une enquête auprès de quelques hommes et femmes ayant bénéficié des microcrédits auprès des institutions de la Microfinance installées dans la ville de Lubumbashi.

4.Etat de la question

L'état de la question sert à dégager l'originalité et la spécificité du sujet de la recherche par rapport aux travaux précédents. En d'autres termes, l'état de la question permet de pénétrer les pensées de chercheurs précédents, d'apprécier les difficultés qu'ils ont rencontrées et les moyens qu'ils ont utilisés pour les surmonter, de saisir l'originalité de leurs contributions et les lacunes dont une autre recherche devra

tenir compte. Elle permet, en outre, d'utiliser les résultats déjà acquis pour que la recherche à entreprendre soit mieux faite et plus utile.

La question du genre où même de la lutte contre la pauvreté étant d'actualité, nous n'avons pas la prétention de croire que nous sommes le premier à l'aborder. Plusieurs études ont été menées et semblent même étouffer toute nouvelle tentative d'explication sur la question. Mais qu'à cela ne tienne, nous allons essayer de procéder par une analyse critique des travaux antérieurs et préciser l'originalité de notre démarche.

Elisabeth HOFMAN et Marius GNANOU, dans leur article sur « L'approche genre dans la lutte contre la pauvreté : l'exemple de la microfinance »(1) , se sont placés dans un contexte où la lutte contre la pauvreté est prioritaire et le microcrédit en vogue. Ils se sont posé la question de savoir si l'intégration du concept de genre permet à la microfinance de mieux atteindre ses objectifs, à savoir la réduction de la pauvreté des bénéficiaires.

Pour mieux cerner l'incidence de ce concept sur l'efficacité de lutte contre la pauvreté, ils rappellent les évolutions des concepts en matière de pauvreté, de prise en compte des inégalités entre hommes et femmes et de microfinance. Ils constatent sur base des études qui ont été menées dans plusieurs pays, notamment au Bangladesh et en Inde que les femmes démunies ne peuvent sortir durablement de la pauvreté sans une réduction des inégalités de genre.

Cette étude a eu le mérite d'avoir bien fixé l'historique de l'approche du genre et de la pauvreté, ainsi que la prise en compte de microfinance dans la lutte contre la pauvreté. Bien que prenant partie à cette approche, nous pensons qu'il convient de préciser que la démarche vers l'autonomisation de la femme doit d'abord s'inscrire dans le cadre de la complémentarité entre les hommes et les femmes. Si au

départ, les valeurs intrinsèques à l'homme et à la femme ne sont pas prises en compte pour bien dégager le champ de leur complémentarité, il y aura risque certain de raviver l'opposition entre l'homme et la femme. Et si, l'enquête de terrain relève ce défi en montrant comment le microcrédit contribue à l'autonomisation de la femme lushoise.

Dans une étude presque similaire, consacrée à un autre maillon faible de la société, Anaïs HAMELIN, a examiné Les limites du microcrédit dans la lutte contre la pauvreté : l'exemple du travail des enfants(1). A travers cette étude, l'auteur analyse le rôle que la microfinance peut jouer dans l'enrayement du travail des enfants. Au travers d'une revue de la littérature théorique et empirique, il dégage les principes déterminants du travail des enfants. Il montre que le travail des enfants résulte avant tout de la pauvreté et de la vulnérabilité des ménages.

L'approfondissement du concept de vulnérabilité a permis de comprendre comment le travail des enfants peut constituer un outil dans la stratégie de gestion des risques par le ménage. Il s'interroge alors sur la potentialité du microcrédit à se substituer efficacement au travail des enfants, en tant qu'amortisseur des tensions conjoncturelles. Il constate que l'utilisation du microcrédit peut être efficace dans ce cadre, en permettant au ménage de lisser sa consommation.

Quoiqu'important et soulevant une question d'actualité, ce travail, devrait cependant rester prudent dans ses conclusions. L'auteur ne circonscrit pas le cadre particulier et le type de travail des enfants. Pour nous, nous pensons aborder l'apport de microcrédit dans l'autonomisation de la femme en démontrant comment cette autonomisation a pu accroître la force sociale et économique de la femme tant sur le plan individuel que collectif afin d'éliminer des obstacles qui la pénalisent et l'empêchent d'être pleinement intégrée dans les divers secteurs de la société. Ce qui place concrètement la femme dans la position d'affronter les pratiques discriminatoires qui excluent les femmes des processus du développement.

Jeanne BISILLIAT et Christine VERSCHUUR, ont écrit Le genre : un outil nécessaire(1) . Les deux auteurs ont voulu, par ce livre, créer un espace de connaissance autour de thématiques genre et développement, apporter aux femmes francophones et aux hommes bien évidemment des outils de réflexion, et cela dans un esprit d'ouverture envers leurs devanciers anglais, américains et latino-américains. Elles ont repris des concepts féministes ou en ont forgé des nouveaux pour les adapter aux situations spécifiques créées par les politiques et les projets de développement. Ils se présentent comme des repères intellectuels pour toutes celles et tous ceux qui cherchent, avec bonne volonté, à comprendre la formidable complexité du développement afin que leur action soit plus efficace, plus complète, et non plus source de distorsions socioéconomiques préjudiciables à tous, ou pire, source de détresses matérielles et psychologiques.

Ce livre de Jeanne BISILLIAT et Christine VERSCHUUR a l'avantage d'être un outil conceptuel sur la question du genre et développement. Nous pensons, à travers notre étude, être beaucoup plus pragmatique en traitant l'approche du genre dans la lutte contre la pauvreté et surtout en analysant les manifestations de l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit à Lubumbashi.

5. Problématique

D'après Marcel MERLES, la problématique est l'ensemble d'interrogations que pose une discipline ou que pose un chercheur autour d'un problème donné en vue de comprendre ou d'expliquer un phénomène(2).

Selon Raymond QUILVY et Luc COMPENHOLD, la problématique est une approche ou perspective théorique que l'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ(3) .

(1) BISILLIAT, J. et VERACHUUR, C., Le genre : un outil nécessaire, Paris, L?Harmattan, 2000

(2) MERLES, M., Sociologie des relations internationales, Paris, PUF, 1980, p.35

(3) QUILVY, R. et COMPENHOLD, L. Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Ed. Du Nord, 1998, p 17.

Pour nous, la problématique constitue une série de questions qu'un chercheur se pose sur un sujet de recherche donné afin de découvrir la vérité.

D'aucuns pensent que, le Vingt- unième siècle va marquer une jonction critique dans la promotion et la protection d'une culture de droits humains en Afrique. Comme le monde devient de plus en plus interdépendant, les systèmes régionaux de coopération jouent un rôle de plus en plus important dans la promotion d'un ordre positif de droits humains et de la promotion de la personne humaine. Les Etats africains se sont engagés dans différents documents de politiques internationale et régionale à la promotion de droits humains.

Les mécanismes internationaux sur le genre les plus significatifs sont la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard de la femme (CEDAW) de 1979, et la Plateforme d'Action de Beijing (PFA) de 1995, la Charte Africaine des Droits Humains et des Peuples (CADHP), la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (ICPDPOA), la Déclaration Solennelle sur l'Egalité des Genres, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD), les Objectifs de Développement du Millénaire (ODM), l'Acte Constitutif de l'Union Africaine (UA), le Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté (CSLP). Toutes ces conventions et cadre de politiques engagent le Gouvernement Congolais à aborder la question du Genre, de la lutte contre la pauvreté et de l'autonomisation de la femme.

Lorsqu'on passe en revue tous ces accords et documents, il y a lieu de noter que l'Afrique a enregistré un certain progrès aux niveaux national, régional et sous régional. Car la plupart des pays ont également élaboré des mécanismes et politiques du genre. Néanmoins, il y a toujours des défis majeurs dans tous les domaines, dans la mesure où la majorité des stratégies restent non encore mises en oeuvre.

Dans les Objectifs de Développement du Millénaire, 191 gouvernements se sont résolus à promouvoir l'égalité des genres et l'autonomisation de la femme en tant que des moyens efficaces pour combattre la pauvreté, la faim, les maladies et pour

stimuler le développement durable. Cependant en dépit de cet engagement, la femme congolaise en général et lushoise en particulier n'est aucunement dans une meilleure situation qu'auparavant. On peut même dire que les promesses ne sont parvenues qu'à faire monter la pointure des souliers si jamais elles ont fait quelque chose. La stagnation dans certains aspects et la détérioration dans d'autres suscitent plutôt des préoccupations.

Ceci est d'autant plus vrai que depuis quelques années, on ne parle plus que de la lutte contre la pauvreté en Afrique. Le terme développement est rarement utilisé par les dirigeants africains et leurs tuteurs que sont les institutions financières internationales. Ainsi donc, il semble bien qu'une bonne partie de l'Afrique, dont la République Démocratique du Congo, ait abdiqué face aux énormes défis du développement au profit des politiques sectorielles à court terme visant plus à ralentir la progression de la pauvreté qu'à réduire celle-ci comme le prétendent les discours officiels.

Dans ces conditions, genre et lutte contre la pauvreté se trouvent théoriquement confrontés aux problèmes situationnels liés non seulement à la condition de la femme dans la société mais aussi et surtout institutionnels. Car toutes les questions que soulève l'approche genre ou encore l'autonomie de la femme dans la lutte contre la pauvreté tendent à dégager l'importance des phénomènes sociaux qui proviendrait, comme l'a dit Duverger, de la réalité matérielle de ceux-ci mais aussi de l'idée qu'on s'en fait (les représentations collectives, les idées, les croyances, les systèmes de valeurs qui se développent autour d'eux. Peu importe que ces représentations collectives correspondent ou non à la réalité, qu'elles soient illusoires ou non : l'essentiel, c'est l'adhésion que leur apporte le groupe social. Aussi, toute institution est à la fois un modèle structural et un ensemble de représentations collectives plus ou moins valorisées. C'est-à-dire que toute institution se réfère plus ou moins directement à un système de valeur, c'est-à-dire à une conception du bien et du mal, du juste et l'injustice, impliquant une prise de position pour ou contre(1). C'est dans

(1) DUVERGER, (M), Sociologie politique, Paris, PUF, 1968, pp 104-105

ce cadre qu'il conviendra de poser notre problématique en ces termes : Est-ce que l'approche genre peut réellement contribuer à la lutte contre la pauvreté? Quels sont les changements importants intervenus chez la femme lushoise par suite de mutations historico- culturelles, plus précisément de son autonomisation à travers le microcrédit ? En d'autres termes, quel est l'apport du microcrédit dans la mise en oeuvre des programmes d'autonomisation de la femme lushoise ?

Telles sont quelques unes des interrogations qui méritent d'être élucidées et que nous nous proposons d'analyser dans ce mémoire.

6. Hypothèse opératoire

Il ne suffit pas, dans une étude scientifique, de bien poser la question. Mais faut-il encore tenter d'y répondre. Pierrette RONGERE définit l'hypothèse comme étant la proposition de réponse aux questions que l'on pose à propos de l'objet de la recherche, formulée en des termes tels que l'observation et l'analyse puissent fournir une réponse (1).

La quête légitime d'égalité entre les hommes et les femmes tout comme de l'autonomie de la femme a enregistré certes des résultants positifs dans le domaine de l'égalité des droits, comme en témoignent des nombreux documents et actes déjà évoqués dans ce travail. Mais nous pensons que l'approche genre dans la lutte contre la pauvreté ne peut être atteinte que lorsque les différences entre les sexes seront reconnues et considérées comme complémentaires et que l'élément culturel du genre sera compris dans son contexte spécifique.

Pour ce qui est de l'attitude des hommes à l'égard du problème de l'autonomisation de la femme, il semblerait qu'en principe les hommes qui exercent une profession à carrière plane ayant peu d'impact salarial, de même que les économiquement faibles sont dans leur grande majorité, réticents, voire hostile à toute

(1) RONGERE, P., Méthodes des Sciences sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.20

évolution féminine véritable, singulièrement celle de leurs propres femmes, car ils y voient souvent une menace à leur autorité maritale et un défi à l'ordre naturel. Cette catégorie d'hommes est donc pour le maintien du statu quo et tiennent à considérer la femme que suivant sa dimension biologique. Cependant, s'il advient que le rôle de la femme n'est plus étroitement conditionné par des faits d'ordre biologique, lorsqu' évoluent en même temps les aspects démographiques et économiques qui dictaient impérativement ce rôle, les hommes s'évertuent alors à définir celui-ci sur le plan moral. Aussi, la justification du rôle de la femme prend plus ou moins un aspect sacral. De là toute tentative tendant à modifier ce rôle engendre un débat idéologique. Ce qui d'ailleurs rend toute prise de position pour ou contre très difficile.

L'autonomisation de la femme signifie l'accroissement de sa force sociale, politique, économique et spirituelle, tant sur le plan individuel que collectif, ainsi que l'élimination des obstacles qui pénalisent la femme et l'empêchent d'être pleinement intégrées dans les divers secteurs de la société. Concrètement, cela signifie qu'il faut affronter les pratiques discriminatoires qui excluent la femme dans des processus de prise des décisions et du développement. Car, il ne peut y avoir dans notre pays de véritable développement économique tant qu'il ne sera pas suffisamment tenu compte d'abord du facteur humain, des ressources humaines existantes. Autrement dit, toute politique économique réaliste implique, en Afrique noire surtout, en même temps une politique familiale en profondeur tout aussi réaliste, en ayant présentes à l'esprit les possibilités réelles du pays, les idées et les valeurs culturelles essentielles spécifiques aussi bien qu'universelles. Or le mariage ainsi que la famille qui en découle aliènent encore la dignité de la femme. D'où la nécessité de réforme du droit matrimonial et familiale dans notre pays.

L'autonomisation de la femme à travers le microcrédit s'inscrit donc dans le cadre des programmes d'amélioration de la condition de la femme, qui va du respect accru de la part des hommes à la reconnaissance en tant que membres apportant une contribution importante à la société ; d'une meilleure santé familiale à une conscience accrue de la valeur de l'éducation ; d'une plus grande estime de soi à un rôle

prédominant dans la réduction de la pauvreté. Le microcrédit encourage les microprojets au niveau local et induit des mutations à la base. Ces effets positifs et multiplicateurs de l'autonomisation de la femme montrent que le microcrédit doit être vigoureusement soutenu en faveur de la femme lushoise en particulier et Congolaise en général.

Les bénéfices de l'autonomisation produits par le microcrédit doivent aller de pair avec le besoin d'éducation et de prise de conscience, en particulier au niveau des communautés locales. L'éducation des femmes en particulier demeure l'instrument le plus important dans la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et dans l'autonomisation des femmes en vue de contribuer pleinement dans la lutte contre la pauvreté. Surtout lorsqu'on sait que les femmes ont été éduquées de façon à croire à tout moment que leur position de subordination par rapport aux hommes est normale et naturelle, qu'elle procède de l'ordre social, voire même divin. Une socialisation ainsi acceptée sans discussion conduit la majorité des femmes congolaises en général et lushoises en particulier à approuver leur subordination et à y contribuer.

Même si certains néo- féministes assimilent la situation de la femme à celle du colonisé, voire du prolétaire, force nous est de considérer, à titre provisoire tout au moins, la femme comme faisant partie d'une vaste catégorie sociale aux contours encore non précisés, celle des opprimés de la société contemporaine, qui pendant une période relativement récente, mais en petit nombre cependant, se voie progressivement accepter dans des secteurs de la vie jusque- là exclusivement réservés à l'homme. Seule donc la démarche qualitative de sa condition est à même de nous faire toucher du doigt cette dernière et nous faire saisir la portée des changements intervenus dans le processus de son autonomisation et de la lutte contre la pauvreté. Voilà pourquoi nous pensons que cette étude aidera les hommes et les femmes à se dépouiller des coutumes rétrogrades et avilissantes afin de s'engager résolument dans la lutte contre la pauvreté.

7. Méthodologie de la recherche

7.1. Méthode de recherche

La recherche revêt une importance capitale dans le processus de production des connaissances. C'est pourquoi, nous avons recouru à une méthode qui nous a aidé à traiter les données que nous avons recueillies auprès des institutions de microfinance de Lubumbashi sur les microcrédits ainsi qu'auprès des quelques associations féminines bénéficiaires de ces microcrédits.

La méthode est définie par Pinto RONGERE et Madeleine GRAWITZ comme étant la démarche rationnelle de l'entreprise pour arriver à la vérité. C'est un ensemble d'opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontre et les vérifie(1). Maurice DUVERGER, quant à lui, soutient que la méthode est toute démarche scientifique qui est un mode de raisonnement théorique et qui aide le chercheur à étudier un sujet donné.(2) Nous avons opté, dans le cadre de cette étude sur le genre et la lutte contre la pauvreté pour la méthode dialectique qui, comme on le sait, opère à travers quatre principes ci après :

1. Le Principe de contradiction

Il stipule que la réalité sociale se conçoit en termes d'éléments opposés qui sont en lutte : c'est la lutte des contraires. Concrètement il apparaît des contradictions dans l'approche genre et lutte contre la pauvreté. En effet, la République Démocratique du Congo est un pays pauvre très endetté. Comment concevoir que celui qui est pauvre lutte contre la pauvreté et s'engage à payer sa dette, dans une conjoncture d'austérité budgétaire ? Comment concevoir aussi que la femme qui a été depuis longtemps éduquée de façon à se contenter d'une position de subordonnée au sein de la société et par rapport à l'homme puisse se débarrasser de ses coutumes

(1) RONGERE, P. et GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences Sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.289.

(2) DUVERGER, M., Méthodes des Sciences Sociales, Paris, PUF, 1961, p.40

sociales et s'engage dans la lutte contre la pauvreté tout en revendiquant son autonomie ? C'est là quelques arguments qui justifient ce principe de contradiction.

2. Le principe d'action réciproque ou d'unité des contraires

Ce principe suppose que les oppositions énoncées au premier principe agissent les unes sur leurs opposées et vice versa : c'est là l'action réciproque. Par ailleurs, les éléments de la totalité finissent par leur unité plutôt que par la destruction de l'un par l'autre. C'est dans ce cadre que nous soutenons que le Genre et l'autonomisation de la femme ne tiennent pas à réduire ou à nier totalement les différences entre les hommes et les femmes. Mais à reconnaître les différences entre les sexes tout en considérant comme complémentaires leurs efforts dans la lutte contre la pauvreté.

3. Le Principe du changement dialectique

Il stipule que le non respect de l'égalité des droits sociaux des hommes et des femmes n'a toujours pas connu la même ampleur dans toutes les sociétés humaines en général et en République Démocratique du Congo en particulier, depuis de temps immémoriaux. Il a évolué à travers le temps et l'espace. Il y a peu, l'approche genre et lutte contre la pauvreté n'était pas une préoccupation majeure qu'il ne l'est aujourd'hui. Elle attire désormais l'attention non seulement des dirigeants, mais aussi celle des mécanismes et instruments de protection et de propagation du capitalisme international, ainsi que celle de nombreux chercheurs.

4. Le principe du changement quantitatif en changement qualificatif

Ce principe sous entend l'idée que la réalité sociale peut naturellement se présenter comme étant bonne ou mauvaise. Dans un monde où les coutumes et l'argent condamnent la femme à l'exclusion et à la résignation, penser au genre dans la lutte contre la pauvreté est un défi à la tradition et pourquoi pas à l'ordre divin. Dès lors que

le système financier n'a plus aucun sens : l'argent ne profite qu'à ceux qui en ont déjà beaucoup. Ceux qui en ont vraiment besoin se heurtent toujours à des refus, sous prétexte qu'ils n'ont pas de travail, alors qu'on ne leur donne pas les moyens d'exercer leurs compétences! La solution humaine consiste à donner à ces personnes démunies les conditions qui leur permettent de s'accomplir en tant qu'etre humain. On n'est pas obligé de travailler pour quelqu'un d'autre pour acquérir la dignité. Nul d'entre nous ne connaît vraiment son potentiel, ses limites, parce que la société nous impose une foule de restrictions de toutes natures. Comme ceux qui sont exclus du système bancaire traditionnel tout simplement parce qu'ils sont pauvres ; celles qui sont exclus du débat et de la lutte contre la pauvreté parce qu'elles sont femmes et pauvres. C'est donc cela que nous pensons être un changement de quantité en changement de qualité.

7.2. Techniques de recherche

Par technique, nous entendons l'ensemble des procédés de recherche se situant au niveau de la collecte de l'information, autrement dit ce sont les moyens utilisés afin de concrétiser une méthode quelconque. Pour BRIMO, la technique est un procédé pour collecter les faits qui apparaissent les mieux adaptés à l'objet de la recherche(1).

En ce qui concerne le présent mémoire, nous avons fait usage des techniques ci-après :

7.2.1. L'observation indirecte ou documentaire

Celle-ci nous a permis d'éplucher certaines informations qui ont servi à élaborer théoriquement et pratiquement ce mémoire. Nous avons lu différents écrits qui nous ont aidé à récolter les données ayant servi a l'élaboration des théories tant sur le genre, sur la pauvreté que sur l'autonomisation et le microcrédit. Pratiquement, nous

(1) BRIMO, A., Méthode de Sciences Sociales, Paris, Ed. Mont Chrétien, Paris, 1972, p. 207

nous sommes servis dans le cadre de l'observation documentaire des ouvrages, archives, rapports et articles pour rédiger la majeure partie de ce mémoire.

7.2.2. L'Interview

L'interview est selon Albert BRIMO, une technique qui a pour but d'organiser un rapport de communication verbale entre deux personnes à savoir l'enqueteur et l'enqueté, afin de permettre à l'enqueteur de recueillir certaines informations de l'enquete concernant un objet précis.(1)

Spécialement dans le cadre de ce travail nous nous sommes servis de l'interview directe et de l'interview structurée.

L'interview directe nous a permis de savoir directement par jeu des questions et réponses ce que les sujets enquêtés pensent, ressentent, désirent, savent, font ou sont. Pendant que l'interview structurée est celle à travers laquelle l'enqueté répond à une série de questions dont le nombre, l'ordre et l'énoncé ont été fixés à l'avance dans le protocole d'interview.

Ainsi une enquête a été organisée par nous-mêmes entre novembre 2010 et janvier 2011 auprès de certaines institutions de microfinance de la ville de Lubumbashi ainsi qu'auprès de quelques bénéficiaires de microcrédits. Cette enquête avait pour cible les hommes et les femmes habitant la ville de Lubumbashi et ayant bénéficié au moins une fois d'un microcrédit. Elle a porté sur 32 bénéficiaires de microcrédits auprès de FINCA, TMB et TUJENGE. La méthodologie d'échantillonnage non probabiliste (non aléatoire) en boule de neige a été utilisée pour constituer l'échantillon. Le choix de cette méthodologie de sondage s'est justifié par l'inexistence d'une liste exhaustive des bénéficiaires des microcrédits. En effet, il s'agit d'une méthodologie de sondage qui permet d'atteindre les autres personnes à enqueter, grace

(1) BRIMO, A., Op. Cit., p. 207

aux renseignements fournis par les premiers enquêtés (c'est-à-dire les unités enquêtées servent comme source d'identification d'échantillonnage additionnelles).

Ainsi, pour constituer notre échantillon, nous sommes partis d'un groupe constituer autour de maman Clémentine TSHIKUNG qui bénéficie des microcrédits auprès de FINCA. C'est à partir de ce groupe que nous avons pu atteindre les autres hommes et femmes qui ont déjà bénéficiés des microcrédits. L'aide de ce groupe nous a donc été vraiment précieuse.

8. Difficultés rencontrées

Au cours de la recherche et des enquêtes sur terrain, nous avons été butés à beaucoup de difficultés. Celles-ci ont été d'abord d'ordre administratif : comme le note si bien Thierry LAMBERT qu'en raison du secret administratif et de l'obligation de réserve auxquels sont tenus les fonctionnaires, l'utilisation des documents administratifs n'est pas toujours aisée(1). Ainsi, compte tenu du caractère sécuritaire et discrétionnaire que revêt la question de revenus et d'épargne, l'accès aux informations sur la pauvreté et aux microcrédits n'a pas été facile. Les documents administratifs auprès des institutions de microfinances et des bénéficiaires eux-mêmes sont très confidentiels. A cela s'ajoute la rareté des données statistiques sur la microfinance en République démocratique du Congo.

Enfin, nous avions souhaité faire une étude plus ou moins complète orientée vers les associations féminines en vue de bien pénétrer la dimension du genre dans la lutte contre la pauvreté et aussi celle de l'autonomisation de la femme lushoise à travers les microcrédits mais cela n'a pas été tout afin possible à cause du sentiment de méfiance et de réserve qu'a affiché ces associations et les institutions de microfinance au cours de nos enquetes. C'est ainsi que nous avons ouvert notre enquête vers les hommes et des femmes qui ont bénéficié au moins d'un microcrédit et

(1) LAMBERT, (T), Vérification fiscale personnelle, Paris, Economica, 1984, p.4.

intégré leurs opinions sur le genre et la lutte contre la pauvreté et aussi sur les microcrédits. Car la question du genre ne peut pas être réduite seulement à la femme. Nonobstant ces difficultés, nous avions usé de notre expérience scientifique et de notre savoir faire pour recueillir les informations nécessaires pour la réalisation de ce mémoire.

9. Subdivision du mémoire

Tout travail scientifique se veut une subdivision en parties, en chapitres et en sections, afin d'éclairer l'enchaînement logique de la pensée ou de son contenu.

Le présent mémoire, outre l'introduction et la conclusion générale, est subdivisé en cinq chapitres.

Le premier chapitre, porte sur les généralités concepto- théoriques. Au cours de ce chapitre, l'accent sera mis sur les généralités, sur les concepts de base et connexes. Le deuxième chapitre dégage l'importance socio-économique du microcrédit et ou de la microfinance. Le troisième chapitre s'attèle à montrer les manifestations de la pauvreté de la femme lushoise. Le quatrième chapitre porte sur la politique de l'autonomisation de la femme en République Démocratique du Congo et à Lubumbashi. Enfin, le cinquième chapitre portera sur l'analyse des manifestations de l'autonomisation de la femme lushoise à travers le microcrédit. Ce dernier chapitre sera purement pratique, il comprend deux sections. La première section présente le milieu d'investigation à savoir la ville de Lubumbashi. La seconde section met l'accent sur la présentation et l'interprétation des données récoltées sur terrain au moyen de l'enquete sociologique, puis un essai de théorisation a posteriori. Une conclusion générale clôturera ce mémoire.

CHAPITRE I : GENERALITES CONCEPTO- THEORIQUES

1.1. Introduction

Citant Georges Gurvitch, le professeur BUSHABU PIEME KUETE dans sa thèse sur la famille et urbanité à Lubumbashi note que l'adéquation du langage scientifique au réel n'est pas une question qui se situe en dehors de l'histoire, mais qui épouse une évolution dialectique variant selon le milieu de culture(1). C'est que les concepts, les mots que, nous scientifiques, utilisons doivent être non seulement saisis dans leur évolution, mais aussi peuvent avoir plusieurs significations suivant les milieux et suivant les cultures. C'est ainsi qu'ils doivent être soigneusement interprétés en tant qu'outils et produits sociaux.

Pour sa part, Gaspàr Fajth, Chef de l'Unité d'analyse économique et de Politique Sociale à l'UNICEF dit que la façon de définir un concept détermine comment nous allons l'aborder ; le concept détermine l'action, la façon dont un canon va projeter la balle en direction de sa cible. La conceptualisation est essentielle à l'élaboration des politiques. Les concepts, en effet, définissent la façon dont les données sont compilées et/ou analysées, et posent les principes directeurs de l'action et du débat sur la politique sociale, mais aussi de la promotion, du contrôle et du suivi des politiques(2).

Voila pourquoi nous pensons qu'avant d'aborder cette étude sur le genre et lutte contre la pauvreté, il est nécessaire de commencer par restituer aux concepts principaux de notre sujet leurs significations premières, donc par la définition des concepts de base. Toutefois, comme pour beaucoup d'autres concepts sociologiques qui sont encore loin de gagner l'unanimité des chercheurs en sciences sociales, nous n'avons pas ici la prétention de croire que celles que nous donnons rencontrent déjà la

(1) BUSHABU PIEMA KUETE, Famille et urbanité à Lubumbashi, Thèse de doctorat en Sociologie, Lubumbashi, UNILU, 1994, p, 32.

(2) Gaspàr Fajth, La pauvreté des enfants en perspective, http://www.unicef- cdc.org/publications/pdf/repcard1e.pdf

préoccupation de tous. Néanmoins elles nous chemineront vers l'atteinte de nos objectifs de recherche tant sur le plan conceptuel que sur le plan empirique.

1.2. L'approche conceptuelle et théorique du genre

D'après le rapport de la Banque Mondiale sur les politiques de développements Genre et développement économique, le concept genre fait référence à des manières d'être particulières, à des comportements imposés par la société ainsi qu'à des attentes spécifiques associées à chaque sexe. Les hommes et les femmes sont différents sur le plan biologique. Les femmes peuvent donner naissance à des enfants et les nourrir au sein, ce que les hommes ne peuvent pas faire. Pris donc dans ce sens, le concept Genre prend une dimension sociale qui établit dans une large mesure l'harmonisation, la complémentarité, la chance, l'intégration, la participation et la valorisation d'un individu dans la société.

La notion du genre se réfère à l'interprétation socioculturelle de l'identité masculine et féminine. Elle recherche l'équilibre et l'harmonie des rapports sociaux entre l'homme et la femme dans la société. Donc il ne s'agit pas des différences biologiques, mais des différences établies par la société. Les professions exercées par les hommes et les femmes, la répartition des tâches ménagères, les rôles assumés par les hommes et les femmes, les comportements qu'on attend d'eux. Ceci dénote qu'il existe entre les hommes et les femmes des différences de deux natures : Biologique et Sociale.

Le sexe se réfère aux différences biologiques qui sont universelles tandis que le genre fait référence aux différences sociales qui sont acquises et qui varient dans le temps et dans l'espace.

Les femmes sont certes seules à mettre au monde les enfants, mais la biologie ne détermine pas qui élèvera les enfants. De ce fait, la femme qui donne naissance aux enfants, est une donnée biologique, mais que ce soit alors elle qui reste

à la maison pour soigner un enfant malade, garder la maison, préparer la nourriture, faire la lessive, etc, est un comportement imposé par la société.

Les activités de la femme qui contribuent dans une large mesure au bon fonctionnement de la communauté sont la plupart invisibles et ne sont guère valorisées, voire complètement méconnues : le rôle des femmes dans l'éducation des enfants ; les soins prodigués aux enfants et aux vieux, l'approvisionnement en eau, en énergie et en nourriture, leur participation à la vie sociale et culturelle. Cette immense contribution n'est pas prise en compte dans le calcul du produit national brut mais est considérée comme un réservoir inépuisable, acquis une fois pour toutes.

Le but de l'approche genre est de contribuer au changement des rapports de force entre l'homme et la femme. Pour cela, la femme doit acquérir davantage de pouvoir au niveau tant économique que social et politique, et tant comme individu que comme groupe afin d'avoir plus de contrôle sur sa propre vie et sur la vie quotidienne de la communauté et de la société. Le genre se rapporte à un fait social et culturel susceptible de changement, influencés par certains facteurs comme l'âge, les us et coutumes, la religion, le statut économique, la classe, etc.

L'analyse de relation selon le genre dans une société montre ainsi qu'il y a une différence dans les besoins spécifiques de l'homme et de la femme et que la femme représente un groupe discriminé et défavorisé par rapport aux hommes. L'adoption de l'approche genre exprime la volonté de concrétiser l'égalité entre l'homme et la femme. L'intégration de cette approche permet d'évaluer les incidences, à la faveur de la femme comme de l'homme, de toute action envisagée, notamment la législation, les politiques ou les programmes, et dans tous les secteurs et à tous les niveaux.

Il s'agit d'une stratégie visant à incorporer les préoccupations et les expériences tant chez les femmes que chez les hommes dans l'élaboration, la mise en oeuvre, la surveillance et l'évaluation des politiques et des programmes dans tous les domaines (politique, économique et social) de manière à ce que les femmes et les

hommes bénéficient d'avantages égaux et que l'inégalité ne puisse se perpétuer. L'objectif visé est d'atteindre l'égalité entre les sexes, des profits, des tâches et des responsabilités : les hommes et la société dans son ensemble aussi.

Joan SCOTT dans « Genre: une catégorie utile d'analyse historique » publié dans le premier cahier Genre et développement, intitulé « Genre, un outil nécessaire, introduction à une problématique » écrivait que ceux qui se proposent de codifier les sens des mots luttent pour une cause perdue car les mots, comme les idées et les choses, sont faits pour signifier, ont une histoire. Ni les professeurs d'Oxford ni l'Académie française n'ont été entièrement capables d'endiguer le flot, de capter et fixer des sens dégagés du jeu de l'invention et de l'imagination humaine.(1) Notre objectif, dans cette section est loin de s'attarder sur la signification du concept genre mais de chercher à découvrir l'étendue des rôles sexuels et du symbolisme sexuel dans différentes sociétés et périodes, de trouver quel était leur sens et comment ils fonctionnaient pour maintenir l'ordre social et pour le changer. L'usage du genre dans beaucoup de littératures scientifiques d'aujourd'hui implique un éventail aussi bien de positions théoriques que de références descriptives des rapports entre les sexes. Mais dans leur majorité, les tentatives de théorisation du genre ne sont pas sorties des cadres traditionnels des sciences sociales : elles utilisent des formulations éprouvées qui proposent des explications causales universelles. Ces théories eurent, dans le meilleur des cas, un caractère limité parce qu'elles ont tendance à inclure des généralisations réductrices ou trop simples ; celles-ci minent non seulement la complexité du sens que propose l'histoire, comme discipline, de la causalité sociale, mais aussi l'engagement féministe dans l'élaboration des analyses qui mènent au changement.

Les approches utilisées par la plupart des historiens se divisent en deux catégories distinctes. La première est essentiellement descriptive ; c'est-à-dire qu'elle se réfère à l'existence des phénomènes ou des réalités sans interpréter, expliquer ou

(1) Joan SCOTT, Genre: une catégorie utile d?analyse historique in Genre, un outil nécessaire, introduction à une problématique , Paris, L?Harmattan, 2000, p 41

attribuer une causalité. Le deuxième usage est d'ordre causal ; il élabore des théories sur la nature des phénomènes et des réalités, en cherchant à comprendre comment et pourquoi ceux-ci prennent les formes qu'ils ont.

Dans son usage récent le plus simple, « Genre » est synonyme de « femmes ». De livres et articles de toutes sortes qui avaient comme sujet l'histoire des femmes ont, pendant les dernières années, substituées dans leurs titres le terme de « genre » à celui de « femmes ». Dans certains cas, même si cet usage se réfère vaguement à certains concepts, il vise en fait à faire reconnaître ce champ de recherches. Dans ces circonstances, l'usage du terme de « genre » vise à indiquer l'érudition et le sérieux d'un travail, car le « genre » a une connotation plus objective et neutre que « femmes ».

Le « genre » semble s'intégrer dans la terminologie scientifique des Sciences Sociales et donc, se dissocier de la politique prétendue tapageuse du féminisme. Dans cet usage, le terme de « genre » n'implique pas nécessairement une prise de position sur l'inégalité ou le pouvoir, pas plus qu'il ne désigne la partie lésée et jusqu'à présent invisible. Alors que le terme « histoire des femmes » révèle sa position politique en affirmant que les femmes sont des sujets historiques valables, le « genre » inclut les femmes, sans les nommer, et paraît ainsi ne pas constituer de menace critique. Cet usage de « genre » est un aspect de ce qu'on pourrait appeler la recherche d'une légitimité institutionnelle par les études féministes, dans les années 1980.

Mais ce n'est qu'un aspect. « Genre » en tant que substitut pour « femmes » est également utilisé pour suggérer que l'information au sujet des femmes est nécessairement information sur les hommes, que l'un implique l'étude de l'autre. Cet usage insiste sur le fait que le monde des femmes fait partie du monde des hommes, qu'il est créé dans et par ce monde. Cet usage rejette la validité interprétative de l'idée des sphères séparées et soutient qu'étudier les femmes de manière isolée perpétue le mythe qu'une sphère, l'expérience d'un sexe, n'a que très peu ou rien à faire avec l'autre sexe. De plus, le genre est également utilisé pour désigner des rapports sociaux

entre les sexes. Son usage rejette explicitement des explications biologiques, comme celles qui trouvent un dénominateur commun, pour diverses formes de subordination, dans le fait que les femmes ont des enfants et que les hommes ont une force musculaire supérieure. Le genre devient plutôt une manière d'indiquer des « constructions sociales » - la création entièrement sociale des idées sur les rôles propres aux hommes et aux femmes. C'est une manière de se référer aux origines exclusivement sociales des identités subjectives des hommes et des femmes. Le genre est selon cette définition une catégorie sociale imposée sur un corps sexué. Avec la prolifération des études des sexes et de la sexualité, le genre est devenu un mot particulièrement utile, car il offre un moyen de distinguer la pratique sexuelle des rôles sexuels assignés aux femmes et aux hommes. Bien que les chercheurs reconnaissent le rapport entre le sexe et ce que les sociologues de la famille ont appelé les « rôles sexuels » ; ces chercheurs ne posent pas entre les deux un lien simple ou direct. L'usage de « genre » met l'accent sur tout un système de relations qui peut inclure le sexe, mais il n'est pas directement déterminé par le sexe ni ne détermine directement la sexualité. C'est dans ce sens que nous reconnaissons avec Jeanne Bisililliat et Christine Verschuur que le « Genre » s'inscrit dans une analyse des rapports sociaux et reconnait que les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes au sein des différentes instances de la société sont responsable d'une distribution inégale des ressources, des responsabilités et du pouvoir entre femme et homme.(1)

Dans l'analyse des théories sur le genre, on se retrouve moins embarrassé par la fixation exclusive sur des questions relatives au sujet et par la tendance à réifier, comme la dimension principale du genre, l'antagonisme subjectivement produit entre hommes et femmes. Qui plus est si la manière dont le sujet est construit reste ouverte, la théorie tend à universaliser les catégories et le rapport entre féminin et masculin. En fait le problème de l'antagonisme sexuel, qui tend à confondre le genre à une lutte de classe plutôt que celui de la redéfinition des rapports sociaux est souvent envisagé sur deux aspects essentiels : - premièrement, le genre projette une certaine dimension

(1) Jeanne BISILLIAT et Christine VERSCHUUR, Le Genre : un outil nécessaire, introduction à une Problématique, Paris, L?Harmattan, 2000, p.9

éternelle, même quand elle est bien historicisée, comme chez Sally Alexander, qui soutient que l'antagonisme entre les sexes est un aspect inévitable de l'acquisition de l'identité sexuelle~Si l'antagonisme est toujours latent, il est possible que l'histoire ne puisse pas offrir une solution, mais seulement la reformulation et réorganisation permanente de la symbolisation de la différence, de la division sexuelle du travail.(1)

Quoi qu'il en soit, la formulation de Sally Alexander contribue à fixer l'opposition binaire masculin-féminin comme le seul rapport possible et comme un aspect permanent de la condition humaine. Elle perpétue, plutôt qu'elle ne met en cause ce à quoi Denise Riley se réfère comme à l'insupportable allure d'éternité de la polarité sexuelle. Celle-ci indique que le caractère historiquement construit de l'opposition (entre le masculin et le féminin) produit comme un de ses effets cet air justement invariable et monotone d'opposition hommes/femmes(2) . C'est précisément cette opposition, dans tout son ennui et toute sa monotonie, qui est mise en avant par le travail de Carol Gilligan. Il a expliqué les différents modes de développement moral des garçons et des filles, en termes de différences d'expériences, de réalité vécue. Il n'est pas surprenant que des historiens des femmes aient repris ses idées et les aient utilisées pour expliquer les « voix différentes » que leur travail leur avait permis d'entendre.(3)

Le problème que pose cet aspect de la théorie du genre est le glissement qui s'opère souvent dans l'attribution de la causalité : l'argumentation commence par une affirmation du type l'expérience des femmes les amène à faire des choix moraux qui dépendent des contextes et des relations pour arriver à dire que les femmes pensent et choisissent ce chemin parce qu'elles sont femmes. Cette façon de voir les choses s'inscrit en opposition flagrante avec la conception plus complexe et historicisée du genre. Car en insistant toujours sur des différences fixées l'on renforcerait le type de pensée que nous combattons dans ce travail.

(1) Alexander, S, «Women, class and sexual difference, p.135» in Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, p. 53

(2) Denise Riley, cité dans Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, p.53

(3) Carol Gilligan, cité dans Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, P. 53

- Deuxièmement, le genre rejette l'idée du caractère fixé et permanent de l'opposition binaire, d'une historisation et d'une déconstruction authentiques des termes de la différence sexuelle. Car nous devons devenir plus attentifs aux distinctions entre notre vocabulaire d'analyse et le matériel que nous voulons analyser. Nous devons trouver des moyens de soumettre sans cesse nos catégories à la critique, nos analyses à l'autocritique. Ce qui signifie qu'analyser dans son contexte la manière dont opère toute opposition binaire, renversant et déplaçant sa construction hiérarchique au lieu de l'accepter comme réelle, comme allant de soi ou comme étant dans la nature des choses. L'histoire de la pensée émancipatrice de la femme est une histoire du refus de la construction hiérarchique entre masculin et féminin, ce qui fut compris comme une tentative de renversement ou de déplacer ses fonctions.

Les préoccupations théoriques du genre comme catégorie d'analyse n'ont émergé qu'à la fin du 20e siècle. Elles sont absentes de la majeure partie des théories sociales formulées depuis le 17e jusqu'au début du 20e siècle. En fait, certaines de ces théories ont bâti leur logique sur des analogies avec l'opposition masculin/féminin, d'autres ont reconnu une question féminine, d'autres encore se sont préoccupées de la formation de l'identité sexuelle subjective, mais sans avoir pensé à envisager le genre comme système de rapports sociaux. Le genre doit faire partie d'une tentative entreprise par les féministes contemporaines pour revendiquer un certain terrain de définition, pour insister sur l'inaptitude des théories existantes à expliquer les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes. C'est ainsi que le genre prend la forme d'une évolution, des modèles scientifiques ou de débats théoriques comme le soulignent l'anthropologue Clifford Geertz. Donc au lieu de chercher des origines uniques, pour expliquer comment le changement a lieu dans le cadre des rapports sociaux, nous devons par contre concevoir des processus tellement liés entre eux qu'ils ne sauraient être séparés. Que nous choisissions des problèmes concrets à étudier, et ces problèmes constituent des débuts, ou des prises sur des processus complexes. Ce sont les processus qu'il faut sans cesse avoir en tête. Il faut nous demander plus souvent comment les choses se sont passées pour découvrir pourquoi elles se sont passées ; selon la formulation de Michelle Rosaldo, nous devons rechercher non pas

une causalité générale et universelle, mais une explication significative : je vois maintenant que la place de la femme dans la vie sociale humaine n'est pas directement le produit de ce qu'elle fait, mais du sens qu'acquièrent ses activités à travers l'interaction sociale concrète.(1) Pour faire surgir le sens, nous avons besoin de traiter le sujet individuel aussi bien que l'organisation sociale et d'articuler la nature de leur interrelation, car tous deux ont une importance cruciale pour comprendre comment fonctionne le genre, comment survient le changement. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'analyse du genre dans la lutte contre la pauvreté par l'autonomisation de la femme katangaise à travers le microcrédit.

La théorisation du genre dans cet aspect de l'autonomisation de la femme soulève les rapports de pouvoir. Ce serait même mieux de dire que le genre est un champ au sein duquel ou par le moyen duquel le pouvoir est articulé. Le genre n'est pas le seul champ, mais semble avoir constitué un moyen persistant et récurrent de rendre efficace la signification du pouvoir. Le sociologue français Pierre Bourdieu a écrit sur la manière dont la division du monde, fondée sur des références à des différences biologiques, celles qui se référent à la division sexuelle du travail, de la procréation et de la reproduction opère comme la plus fondée des illusions collectives. Etablis comme un ensemble objectif de références, les concepts de genre structurent la perception et l'organisation concrète et symbolique de toute la vie sociale.(2) Dans la mesure où ces références établissent les distributions de pouvoir, contrôle ou confère un accès différentiel aux ressources matérielles et symboliques, le genre devient impliqué dans la conception et la construction du pouvoir lui-même. L'anthropologue français Maurice Godeber l'a formulé en ces termes : ce n'est pas la sexualité qui fantasme dans la société mais plutôt la société qui fantasme dans la sexualité, le corps. Les différences entre les corps qui naissent de leur sexe, sont constamment sollicitées de témoigner

(1) Michel Zimbalist Rosaldo, «The uses and abuses of Anthropology: Reflections on Feminism and Cross Cultural Understanding », Signs, 5(Spring 1980), P400, Cité par Joan Scott, «Le Genre de l?histoire» in Cahiers du GRIF, Paris, Printemps 1988, pp 125-153.

(2) Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Ed. De Minuit, 1980, p.246-247

des rapports sociaux et de réalités qui n'ont rien à voir avec la sexualité. Non seulement témoigner pour - c'est-à-dire légitimer.(1)

La fonction de légitimation du genre fonctionne de plusieurs manières, et dans toutes les sociétés. Bourdieu, par exemple, a montré comment, dans certaines cultures, l'exploitation agricole était organisée selon des concepts de temps et de saison qui reposaient sur des définitions de l'opposition entre masculin et féminin. Nathalie Davis a, pour sa part, montré comment des concepts du masculin et du féminin étaient liés à des perceptions et des critiques des règles de l'ordre social dans la première période de la France moderne.(2) Nous tâcherons de ne pas baser notre analyse sur les interprétations fondées sur l'idée que les langages conceptuels emploient la différenciation pour établir le sens ou sur le fait de croire que la différenciation sexuelle est une façon principale de signifier la différenciation, mais surtout d'envisager le genre comme un moyen de décoder le sens et de comprendre les rapports complexes entre diverses formes d'interaction humaine dans la lutte contre la pauvreté.

1.3. L'approche conceptuelle et théorique de la pauvreté

La pauvreté se définit selon Larousse comme l'état d'une personne ou d'une chose pauvre. Alors que le pauvre désigne celui qui a peu de ressources, peu de biens, donc dépourvu de biens, de ressources.

En effet, comme le souligne Gaspar Fajth, la pauvreté - qui s'entend très souvent comme le manque grave de ressources - est un concept chargé de connotations négatives. C'est une question que bien des gouvernements, notamment les régimes autoritaires indétrônables, tendent à éluder le plus possible et n'ont guère envie d'évoquer et pourtant elle est un miroir, elle nous renvoie l'image des sociétés telles qu'elles sont et non pas telles qu'elles se prétendent être grace à des discours

(1) Maurice Godeber, « Les rapports hommes /femmes : le problème de la domination masculine », in La Condition Féminine, Paris, Ed. Sociales, 1978, P.17

(2) Nathalie Zemon Davis, «Women on top», in Society in early modern France, Standford, Calif, 1975, p124-151, cité dans Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, P. 59

idéologiques et politiques(1). Il cite pour référence les anciens régimes communistes d'Europe orientale qui bien ayant un revenu national modeste, considéraient la pauvreté comme un sujet tabou et disaient officiellement qu'ils avaient éradiqué au moyen d'une stratégie combinant plein emploi et les services sociaux accessibles à tous.

L'analyse de la pauvreté est un bon moyen pour apprécier l'ampleur de la crise que traverse l'économie mondiale. Les approches de la pauvreté couvrent tout un éventail de concepts, des droits de l'homme au droit à la charité et à l'assistance sociale. Dans ces conditions, certaines de ces approches sont accusées de faire plus de mal que de bien en ouvrant la porte à des conceptions détournées du bien-être, ou en renforçant l'exclusion sociale parce que ciblées sur un trop étroit segment de la société et par conséquent ces programmes d'aide deviennent comme des filets de sécurité réservés aux individus se trouvant dans l'incapacité de s'en sortir par leurs propres moyens. C'est ainsi que dans le cadre de cette étude notre intérêt sera porté non seulement à la définition ou encore moins sa mesure mais à évaluer les projets et les politiques de lutte contre la pauvreté.

La difficulté essentielle que l'on rencontre dans la définition de la pauvreté provient du fait qu'elle présente deux caractéristiques fondamentales difficiles à formaliser : sa relativité dans l'espace et dans le temps ; son double niveau de responsabilité (individuel ou social). Ce qui poussera à parler de l'approche culturelle de la pauvreté afin de mieux aborder le phénomène et pose tout l'enjeu de l'efficacité des politiques de sa lutte.

Jean Jacques GOUGUET, maître de conférences en Sciences économiques à l'Université de Limoges, soutient que toutes les approches définitionnelles commencent très souvent par une présentation des critères utilisés pour définir et mesurer la pauvreté. La première tentative consiste à effectuer des estimations

(1) Gaspar Fajth, Op. Cit, http://www.unicef- cdc.org/publications/pdf/repcard1e.pdf

monétaires de besoins jugés comme essentiels : les seuils de pauvreté(1). Devant les insuffisances d'une telle définition en termes de flux, des estimations en termes de stock de capital humain ont été proposées. Nous montrerons le réductionnisme de ces analyses traditionnelles pour appréhender la pauvreté dans toute sa complexité, et nous présenterons la nécessité d'une approche culturelle qui posera tout l'enjeu de la gouvernance face à la pauvreté.

La définition de la pauvreté en termes de flux, du minimum physiologique et minimum social. Tout homme quel qu'il soit et où qu'il se trouve a besoin de manger et de boire pour vivre. C'est de cette notion élémentaire de minimum physiologique que sont partis les premiers chercheurs pour définir la pauvreté. On retenait ainsi comme critère de pauvreté le revenu monétaire correspondant à la satisfaction des besoins vitaux indispensables à la survie (essentiellement la nourriture). Cette conception de la pauvreté absolue étant néanmoins trop étroite, le concept de minimum physiologique au sens strict s'est peu à peu élargi pour inclure d'autres éléments que la seule nourriture : logement, habillement~.ce qui posait de nouveaux problèmes, pour savoir jusqu'où aller dans le nombre et le niveau de satisfaction des nouveaux besoins.

En effet, le minimum physiologique avait eu la faveur des premiers auteurs au début du 20ième siècle (comme Booth et Rowntree cités par Gouguet(2)) car on pouvait ainsi définir scientifiquement la pauvreté sur les bases de la science nutritionnelle. Or, la pauvreté contemporaine ne pouvant plus se limiter aux besoins vitaux, elle doit se définir par rapport aux normes couramment admises dans une société donnée à un moment donné. C'est ainsi que les chercheurs ont tenté de définir la notion de minimum social par opposition à la notion de minimum physiologique : quantité minimale de biens et services considérée comme normale par la société et dont devrait disposer n'importe lequel de ses membres. La difficulté est toujours de déterminer ensuite le revenu correspondant nécessaire pour couvrir ces besoins, ce que montre la très grande diversité des montants proposés traduisant une ambiguïté :

(1) Jean Jacques GOUGUET, Réflexions méthodologiques sur la connaissance de la pauvreté, Thèse d?Etat- Université de Bordeaux 1, 1978. p.118

(2) Jean Jacques GOUGUET, Op. Cit, p 118

· Dans la conception des besoins minima qui varient selon les instances qui calculent ces seuils,

· Dans le fait de savoir si les individus disposant d'un tel montant d'argent peuvent effectivement satisfaire les besoins précédents.

On peut s'interroger ainsi sur le seuil des 1$ ou 2$ par jour utilisé par la Banque Mondiale ou le PNUD. Si cela donne une image de la répartition géographique de la pauvreté la plus extreme et de son ampleur globale, un tel seuil n'est guère opérationnel.

Les seuils fixes de pauvreté présentent l'énorme inconvénient de ne pas refléter le caractère essentiel de relativité de la pauvreté. Voilà pourquoi des propositions ont été faites pour définir la pauvreté selon une base relative et non plus absolue. On prend par exemple (Union Européenne) un pourcentage (40% ou 50%) du revenu moyen disponible dans un Etat comme critère du montant dont devrait disposer tout individu pour s'intégrer normalement dans la société.

On voit donc ici commencer à se dessiner tous les débats qui auront lieu sur les inégalités de revenus. Le problème est de déterminer la dose d'inégalité qu'une société est prête à tolérer en son sein : quel écart est considéré comme acceptable entre les pauvres (ceux au bas de l'échelle des revenus) et les autres groupes sociaux, ou, à l'inverse, quel écart maximum entre les plus pauvres et les plus riches est tolérable pour correspondre à une certaine idée de la justice sociale ?

Il faut bien reconnaître à l'heure actuelle que l'ampleur des inégalités de richesse à l'intérieur des pays du Sud ou entre le Nord et le Sud est indécente (PNUD. 1998).Ce dernier rapport note par exemple que les trois personnes les plus riches du monde ont une fortune supérieure au PIB total des 48 pays en développement les plus pauvres de la planète ! Là encore, des indicateurs plus ou moins sophistiqués et composites sont utilisés pour dresser un état des lieux de la pauvreté planétaire et pour faire comprendre que ces inégalités sont structurelles. Néanmoins, pour comprendre l'origine même de la pauvreté et agir efficacement, d'autres indicateurs sont

nécessaires. En effet, étudier la pauvreté selon la seule référence monétaire revient à se priver de l'explication de l'origine de ces flux qui est déterminante dans l'élaboration d'une politique de lutte efficace.

C'est dans ce cadre que s'inscrivent les études sur l'égalité des chances des individus dans le processus de lutte contre la pauvreté. Il s'agit donc de déterminer le stock de capital humain (éducation, santé, qualification...) dont tout individu a besoin pour s'intégrer dans la société. Comme le souligne encore une fois J.J.GOUGUET, pour respecter la justice sociale, il suffirait ensuite d'améliorer la dotation en capital humain des plus démunis. C'est le sens profond du deuxième principe de la justice de J.Rawls : une société est juste si elle permet l'amélioration des aspirations de ceux qui sont au bas de l'échelle sociale. Lutter contre la pauvreté revient ainsi à promouvoir une politique d'égalité des chances, ce qui implique la connaissance de la relation entre capital humain et pauvreté : la pauvreté d'être ou de devenir pauvre dépend du fait de posséder ou non certaines caractéristiques sociodémographiques : sexe, age, localisation géographique, éducation....La corrélation établie entre ces caractéristiques et la pauvreté donne une mesure du risque de pauvreté et permet d'établir des profils de pauvres(1).

Ce genre de calcul peut être intéressant comme première approche mais la première critique qui peut être adressée à ce critère concerne le fait que les variables retenues (santé, éducation..) avaient une dimension individuelle. Cela présente l'avantage de personnaliser la pauvreté, de descendre au niveau microéconomique mais, à l'inverse, cela a l'inconvénient de masquer l'aspect macroéconomique de la pauvreté. Si le risque de pauvreté évite de considérer le pauvre comme véritablement responsable de sa situation, on en reste quand même aux causes individuelles de pauvreté, les facteurs extérieurs à l'individu sont négligés. Il est donc nécessaire de remonter aux causes macroéconomiques de la pauvreté : un individu peut être au chômage et cela va entraîner pour lui un risque de pauvreté mais le vrai problème est de savoir pourquoi il est au chômage, et de même qu'il existe un chômage involontaire,

(1) J .J. GOUGUET, Réflexions méthodologiques sur la connaissance de la pauvreté, Op. Cit. , p.120

il y a aussi une pauvreté involontaire. Une telle analyse macroéconomique se fera à travers l'étude des poches de pauvreté.

Le concept Poches de pauvreté que développe Jean-Jacques GOUGUET est né du constat que le risque de pauvreté varie dans l'espace : les individus qui naissent et vivent dans certaines zones ont un risque élevé de devenir pauvres. D'une certaine façon, leur pauvreté devient involontaire. A partir de cette constatation, on a pu définir les poches de pauvreté : ce sont les zones où le niveau de vie est particulièrement bas, où les possibilités d'emploi sont limitées, l'éducation précaire, les logements insalubres~C'est un véritable risque de pauvreté au niveau régional ou local.

Néanmoins, ce n'est pas la localisation géographique en soi de la pauvreté qui est importante. Il s'agit en fait d'analyser la relation entre certaines caractéristiques concentrées géographiquement (emploi, santé, éducation, logement...) et les caractéristiques personnelles correspondantes. Bien sûr il faut dépasser ce seul constat de la concentration géographique des pauvres en analysant la structure économique de ces zones ainsi repérées. En caractérisant les principales insuffisances en services de base (santé, éducation, logement, emploi...), le concept de poche de pauvreté acquiert une certaine opérationnalité. Néanmoins, une question importante se pose : l'efficacité du concept dépendra de la capacité à analyser la relation qui existe entre chaque élément de la structure économique de la zone et la pauvreté des individus qui y résident. Il faut connaître les relations particulières emploi - pauvreté, éducation - pauvreté~c'est-à-dire connaître les différents risques de pauvreté et leur cumul.

Dans cette perspective, il se pose généralement le problème de la hiérarchisation des objectifs à l'intérieur d'une poche de pauvreté, c'est-à-dire de savoir quel facteur vaut-il mieux privilégier :


· Une politique de création d'emploi peut s'avérer inefficace si les individus ne sont pas formés,


· Une politique d'éducation et de formation peut échouer si les débouchés n'existent pas.

Une telle analyse pose en fait la nécessité d'une approche globale, intégrée et dynamique de la pauvreté qui remet en cause les politiques sociales traditionnelles pensées sectoriellement. C'est dans ce cadre que nous aborderons l'autonomisation de la femme katangaise à travers le microcrédit comme mécanisme de lutte contre la pauvreté.

On évitera donc de procéder par une conception réductrice qui repose sur l'ignorance des populations étudiées en tant qu'acteurs, au profit d'une approche qui considère uniquement les pauvres comme objet d'étude. C'est dans la culture de pauvreté qu'il s'agit de pénétrer si l'on veut avoir quelque espoir de modifier les tendances actuelles de l'exclusion, notamment de la femme. Comment sortir la femme lushoise, frappée des préjugés idéologiques et culturels, de la misère, de la pauvreté. Nous allons constater que la culture de pauvreté remet ainsi en cause la plupart des politiques sociales contemporaines.

Dans le débat autour de la culture de pauvreté, on note que le risque de pauvreté ne faisait que constater froidement une certaine probabilité de devenir pauvre à un moment donné. Or, on peut penser a priori que ce risque est d'autant plus fort que l'on naît dans un milieu pauvre et qu'il y a transmission de la pauvreté de génération en génération. C'est ce qu'on a appelé la culture de pauvreté. Ce concept a soulevé de nombreuses polémiques puisque l'on suppose que le pauvre hérite de sa pauvreté et la transmet à ses propres enfants. Il y aurait un cercle vicieux dont on ne pourrait sortir, ce qui a heurté nombre de chercheurs et praticiens en sciences sociales. Nous disons pour notre part que la prise en compte de la pauvreté selon ses poches comme présentée par Jean Jacques GOUGUET est une négation d'une réalité sociale, combien de gens sont devenus riches à Lubumbashi parce que leurs parents étaient riches ? Combien d'enfants des pauvres et issue des milieux très pauvres et ayant étudiés dans les conditions les plus difficiles sont devenus riches ? Peut on alors croire que tous les

grands directeurs de sociétés, tous les grands commerçants de Lubumbashi ou d'ailleurs sont nécessairement les enfants des riches ? Non, croire à une telle théorie c'est vouloir plaquer des clichés à une société, c'est penser que la société n'évolue pas, elle stagnante, donc sans histoire.

C'est certainement Lewis (O) qui doit être considéré comme l'inventeur du concept : « réaction et adaptation des pauvres à leur situation marginale »(1). Latouche (S) dirait plus simplement que la culture est une réponse que les groupes humains apportent au problème de leur existence sociale(2). Mais le point intéressant chez Lewis est la tentative de généralisation qu'il a essayé de faire en comparant les pauvres de pays différents pour aboutir à la conclusion qu'ils se comportaient de la même façon, que l'on soit dans un bidonville de Mexico ou un ghetto de New York. La culture de pauvreté transcenderait les frontières pour caractériser la nature profonde d'un système économique qui ne prévoit rien pour les perdants dans la compétition. De façon générale cette théorie a été fortement contestée sur la base de deux éléments : son degré d'intériorisation par les individus ; le fait de savoir si l'on acquiert cette culture par héritage ou par basculement.

Pour le degré d'intériorisation, Il s'agit de savoir avec quelle intensité certaines normes de conduite persisteraient si certaines opportunités économiques se présentaient. L'approche de l'exclusion par la culture de pauvreté revient à essayer de découvrir :

· La rapidité avec laquelle les pauvres vont changer leur conduite si on leur offre de nouvelles opportunités économiques ;

· Le type d'opportunités qu'il faudrait éventuellement proposer pour que les pauvres, compte tenu de leur culture, puissent en profiter.

Dans le premier cas, on suppose que le degré d'intériorisation de la culture de pauvreté
n'est pas trop élevé et qu'il existe des possibilités réelles d'insertion sociale. Dans le
second cas, on suppose que les valeurs des plus pauvres ne sont pas modifiables à

(1) LEWIS (O), La vida, Paris, Gallimard, 1969, p.87

(2) LATOUCHE (S), La déraison de la raison économique, Du délire d?efficacité au principe de précaution, Paris, Albin Michel, 2001, cité par J.J GOUGUET, L?éradication de la pauvreté : de la nécessité d?une alternative, Op. Cit. Page 121

court terme. Il serait donc plus facile d'adapter des opportunités économiques à cette culture, ce qui n'est pas véritablement envisageable dans une société productiviste où chaque facteur de production doit être rentable.

Pour l'héritage ou basculement, il n'est pas simple de répondre à une telle question : pourquoi des individus sortent-ils de la pauvreté alors que d'autres n'y arrivent pas ? Voilà pourquoi la culture de pauvreté a soulevé de vives controverses dans la mesure où la thèse de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté condamnait le pauvre à être exclu à tout jamais de la société. A l'inverse, les études en Europe sur les « nouveaux pauvres » soutenaient la thèse du basculement : des individus bien intégrés dans la société basculaient dans la pauvreté à la suite d'un événement personnel malheureux (perte d'emploi, divorce, mauvais placement des fonds...).

Il est difficile de trancher entre les deux thèses mais nous mentionnons cependant les conclusions du rapport WRESINSKI qui rappelait que la pauvreté ne frappait pas au hasard. Il apparaît clairement que, quand on remonte dans la lignée familiale des plus pauvres, on arrive à trouver des éléments de fragilisation sociale qui permettent de douter de la thèse du basculement. Cela ne veut pas dire que cette explication est dénuée de tout sens mais que, en règle générale, les éléments constitutifs de l'histoire des individus sont déterminants pour comprendre leur trajectoire sociale(1). Il souligne également que les politiques d'appui au secteur informel, dans les pays en voies de développement, rencontrent les difficultés liées au non respect des valeurs culturelles spécifiques, c'est-à-dire qu'il est toujours hasardeux de vouloir faire le bonheur des gens malgré eux, par rapport à des normes qui leur sont extérieures et étrangères. N'est-ce pas là que s'inscrit l'ambition de bon nombre d'organisations internationales de relire le phénomène de la pauvreté au travers du concept de gouvernance pour montrer l'inefficacité des politiques menées et la nécessité de les repenser en tenant compte des multiples acteurs concernés (institutions, ONG, ~et les pauvres eux - mêmes !). Cela impliquerait en particulier l'invention de nouvelles formes

de négociation collective pour éviter d'imposer des modèles inadaptés au contexte local. Nous y reviendrons.

1.4. Approche conceptuelle et théorique de la lutte

La lutte signifie combat, affrontement entre deux personnes ou deux groupes. C'est dans ce cadre qu'elle est souvent associée à la théorie de la lutte des classes. Elle désigne également un combat, un antagonisme.

La lutte des classes est une théorie qui explique les enjeux et les tensions dans une société divisée en classes sociales, chacune luttant pour sa situation sociale et économique. Ce concept est apparu au XIXe siècle chez les historiens français de la Restauration, François Guizot, l'initiateur, Augustin Thierry, Adolphe Thiers et François-Auguste Mignet, auxquels Karl Marx l'a emprunté. A ce sujet Karl Marx écrivait en 1852 : « Ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert ni l'existence des classes dans la société moderne, ni leur lutte entre elles. Bien longtemps avant moi, des historiens bourgeois avaient décrit l'évolution historique de cette lutte des classes, et des économistes bourgeois en avaient analysé l'anatomie économique »(1)

La lutte des classes est un concept majeur de la philosophie politique marxiste, qui cherche à rendre compte des enjeux historiques et des tensions économiques au sein d'une société divisée en classes sociales antagonistes. Pour Karl Marx et Friedrich Engels, qui ont assuré la diffusion internationale de cette notion, la lutte des classes est un moteur des transformations des sociétés et de l'histoire moderne. La classe dominante de la société capitaliste est identifiée à la bourgeoisie (ou classe capitaliste) ; elle domine ce qu'ils appellent le prolétariat. Cette théorie a été adoptée par de nombreux courants syndicalistes, socialistes, communistes, révolutionnaires ou réformistes, aux XIXe siècle, XXe siècle et XXIe siècle, et a fourni un cadre théorique aux luttes pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs.

(1) KARL Marx, Sociologie critique, Paris, Payot, 1852, p.85 (traduit par Maximilien Rubel et publier aux éditions Payot et Rivages, Paris, 2008

Cette analyse, qui a acquis une autonomie vis-à-vis du cadre marxiste, a été utilisée par de nombreux sociologues, philosophes, et théoriciens politiques, notamment Jean Jaurès, Rosa Luxemburg, Herbert Marcuse, Guy Debord, etc.

Le modèle de société organisée en classes concurrentes, donc comparables, s'oppose à celui de société polysegmentaire ou de société de castes dans lesquelles des groupes différenciés occupent des fonctions séparées et prédéfinies, à l'exemple des activités militaires et religieuses. Des sociétés de classes apparaissent sous l'Antiquité, à Rome entre autres, et dans les sociétés urbaines modernes avec l'émergence de la Bourgeoisie.

On trouve les notions de classes et de lutte des classes employées dans des contextes historiques très variés:

· lutte entre les esclaves et les maîtres dans les sociétés esclavagistes ou métèques et esclaves des sociétés antiques,

· lutte entre plèbe et propriétaires terriens, illustrée par les Gracques

· lutte entre le Tiers état et la noblesse à la veille de la Révolution française,

· lutte entre les salariés et leurs employeurs dans la société capitaliste moderne,

· séparation entre colons et indigènes dans les colonies,

· dichotomie marquée entre pays du Nord et pays du Sud,

· ségrégations raciales et/ou socioculturelles dans les métropoles,

· lutte entre hommes et femmes dans les sociétés patriarcales, où l'exploitation domestique est le nerf de la hiérarchie sociale1, etc.

Cependant la notion de classe est essentiellement économique, et l'appartenance à une classe n'est pas toujours facile à déterminer par des critères légaux objectifs. L'homogénéité d'une classe est assurée par un fonctionnement de la société où les réseaux sont indispensables et où les inégalités sont durables (on naît dans une famille riche ou pauvre), ainsi que par des mécanisme sociaux subtils,

1 Christine DELPHY, L?ennemi principal, l?économie politique du Patriarcat, Tome 2, Penser du genre, Paris, Ed. Syllepse, 2001, p.52

conscients ou inconscients (critique de l'idéologie), et non par des contraintes légales explicites, comme l'étaient les états de l'Ancien Régime.

La lutte des classes n'a pas toujours lieu entre la classe dominante et la classe dominée, mais peut avoir lieu entre deux classes dominantes pour asseoir leur suprématie sur les classes dominées. C'est pourquoi Marx qualifie la Révolution française de révolution bourgeoise, considérant que c'est le moment historique où la bourgeoisie a évincé la noblesse et le clergé pour asseoir son oppression sur les classes populaires. Cette analyse, qui délégitime la bourgeoisie parvenue au pouvoir à la faveur de ce coup de force, a été remplacée par la version la plus courante aujourd'hui, celle d'une révolution démocratique faite par le peuple pour le peuple.

Le concept de « lutte des classes » apparaît chez François Guizot dans son cours d'histoire moderne sur l'Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l'empire romain jusqu'à la Révolution française donné à la Sorbonne en 1828, ouvrage dans lequel il explique que « Le troisième grand résultat de l'affranchissement des communes, c'est la lutte des classes, lutte qui remplit l'histoire moderne. L'Europe moderne est née de la lutte des diverses classes de la société(1). » Dans son esprit, la lutte des classes est un phénomène qui tire son origine de la conquête franque Ve siècle, opposant deux peuples ou, selon la formulation du temps, deux races, c'est-à-dire un tiers état d'origine gallo-romaine, assimilé à la bourgeoisie, et une noblesse d'origine franque depuis le mouvement communal du XIIe siècle jusqu'aux révolutions de 1789 et de 1830. On le retrouve chez la plupart des historiens français de la Restauration, en particulier Augustin Thierry, auteur notamment d'un Essai sur l'histoire de la formation et des progrès du tiers état (1853), Adolphe Thiers et FrançoisAuguste Mignet(2).

Les auteurs français de cette théorie libérale de la lutte des classes sont inspirés par Jean-Baptiste Say ou Antoine-Louis Destutt de Tracy. Cependant, cette

(1) GUIZOT (F), Cours d?histoire moderne : histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l?empire romaine jusqu?à la Révolution française, Paris, Pichon et Didier, 1828, P. 29

(2) WALCH (J), Les Maîtres de l?histoire, 1515- 1850 : Augustin Thierry, Mignet, Guizot, Thiers ...,Slakine, 1986

théorie reprend des thèmes que l'on retrouve dans des mouvements plus anciens comme celui de combat pour l'égalité des Levellers anglais au XVIIe siècle ou dans celui d'exploitation des écrits de Turgot et de Jeremy Bentham qui se sont intéressés à la « recherche de rente ». Dans la lignée de ces travaux, et des premiers théoriciens de la lutte des classes, des penseurs comme Charles Comte ou Charles Dunoyer présentèrent l'État comme le siège de la recherche de rentes financées par l'impôt. Par conséquent, ils distinguèrent deux grandes classes dans la société industrielle : les producteurs de richesses qui acquittent l'impôt (tiers état) et les consommateurs d'impôts (la noblesse)(1). Leurs intérêts de classe sont clairement antagonistes, puisque les premiers désirent être moins taxés alors que les seconds sont en faveur d'une augmentation de l'imposition.

Le marxisme a développé une théorie complexe à propos de la lutte des classes et de son évolution historique, à laquelle le Manifeste du Parti communiste fournit une introduction. Cette théorie a connu un engouement majeur pendant le XXe siècle et a influencé le destin d'un grand nombre de pays.

S'inspirant de nombreux auteurs philosophes, économistes ou historiens, Marx et Engels mettent en relation différents concepts afin de comprendre au mieux la société et ses structures. Le concept de lutte des classes des libéraux, associé à une critique de certains aspects de la pensée de Hegel ainsi qu'à une conception matérialiste de l'histoire constituent des éléments contribuant à expliquer les mouvements historiques. Le marxisme envisage que la classe exploitée (le prolétariat) s'émancipera en renversant la domination de la classe exploiteuse (la bourgeoisie) pour atteindre l'égalité (la société sans classe).

Selon la perspective marxiste, l'histoire de la société jusqu'à nos jours reflète la division de la société en classes sociales (« homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés ») qui s'opposent dans une lutte ininterrompue, tantôt déclarée, tantôt larvée,

(1) COMTE (Charles), De l?organisation sociale, vol 2, Paris, CNRS, 1977, p 13

pacifique ou non. La société capitaliste moderne, en renversant les divisions en ordres de la société féodale n'a pas aboli les antagonismes de classe, mais les a remplacés par des nouveaux. Elle les a également simplifiés, et de nos jours, la « société se divise de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat ».

Marx distingue toujours au moins deux classes fondamentales :

· les capitalistes ou bourgeois, classe dominante qui possède le capital et dispose ainsi des moyens de faire travailler autrui à son profit en pesant sur le cours d'achat de la force de travail ;

· le prolétariat, regroupant les personnes qui n'ont pas de capital et sont contraintes de vendre leur force de travail pour subsister. Il s'agit de la classe salariée.

Outre qu'il distingue parfois des sous-classes (opposant par exemple la bourgeoisie industrielle et financière...) à ces deux classes fondamentales s'ajoute une classe intermédiaire, comme flottante au niveau de ses intentions d'émancipation :

· la petite bourgeoisie, regroupant les personnes qui possèdent leurs propres moyens de subsistance (petits commerçants, professions libérales, etc.), ce qui leur confère une autonomie précaire par rapport aux capitalistes. Ils n'ont pas besoin de se salarier mais ne sont pas eux-mêmes patrons, et doivent travailler pour vivre.

Toutefois, selon lui, seule la bourgeoisie et le prolétariat peuvent avoir une politique réellement indépendante, les diverses couches de la petite bourgeoisie étant soit attirée par le prolétariat, au point d'y confondre parfois ses intérêts, soit au contraire respectant et enviant les grands capitalistes, confondant ainsi sa vision politique avec celle du grand patronat.

Cette lutte embrasserait tous les domaines de la vie sociale, économique, politique et idéologique et serait un moteur à l'évolution sociale, et donc de l'histoire. Le capitalisme exercerait une pression pour diminuer la part de la production destinée aux

prolétaires, conduisant à accroître l'exploitation des travailleurs et leur paupérisation, et augmentant le capital, masse de richesses qui sont consommées dans la lutte (ou concurrence) qui oppose les capitalistes entre eux. Le mouvement ouvrier (notamment la lutte syndicale), force opposée, tend à augmenter la part des richesses recueillies par la classe laborieuse, tout en établissant leurs revendications dans le strict cadre du salaire. Les acquis sociaux représentent la part que le capital alloue au prolétariat pour préserver la stabilité de la paix de la société (qui lui est toujours favorable), souvent après des bouleversements majeurs tels que la grève générale spontanée de 1936. La petite bourgeoisie serait, de son côté, condamnée à régresser (à se prolétariser) en raison de son incapacité à soutenir la concurrence avec les capitalistes.

Pour les marxistes, à l'exception notable des maoïstes, la lutte des classes donne un sens à l'histoire et explique la dynamique qui mue les sociétés, « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes » (Karl Marx). Elle s'arrêtera lorsqu'une révolution prolétarienne mondiale conduira à une société où, après un temps où la classe dominante serait également la classe laborieuse (« dictature du prolétariat »), les différences de classes seront définitivement abolies, conduisant ainsi à une « société sans classe » et donc à l'Égalité. Selon cette perspective, si l'organisation sociale elle-même encourage la cohésion du prolétariat, alors les richesses produites pourront être employées de manière optimale pour améliorer le sort de l'humanité ; la production pourra répondre exclusivement à une demande (et non à un besoin de conquérir des marchés), et le pouvoir politique ne sera plus un instrument au service des capitalistes mais l'expression véritable d'une démocratie. La révolution communiste permettrait donc de faire cesser la division de la société en classes.

Pour atteindre cet objectif, les marxistes considèrent que le prolétariat doit acquérir une conscience de classe (c'est-à-dire doit prendre conscience de ce qu'il est, tel que le conçoit la théorie marxiste, dans le cadre général de la société), et prendre confiance dans sa capacité à organiser la société de manière solidaire, sans plus se soumettre à la classe capitaliste. Cela se serait produit à plusieurs reprises au cours de l'histoire, notamment pendant la Commune de Paris (1871) et la révolution russe en

1917 (même si, sur ce dernier événement, les avis sont très divisés entre les différents courants marxistes).

Aujourd'hui, la lutte des classes se manifeste formellement par les mouvements sociaux comme les grèves ou les manifestations. Les principaux motifs des grèves sont : pour exiger du patronat des augmentations de salaires ; pour empêcher des licenciements ; contre les conditions pénibles de travail.

Au cours du XXe siècle, ont été mis en place de nombreux mécanismes ou organismes paritaires , reposant sur la dichotomie employeurs/employés. Il s'agit, au niveau de l'entreprise du comité d'entreprise, ou au niveau national d'organismes de formation professionnelle, de convention collective, du conseil de prud'hommes, etc. Ces mécanismes offrent un cadre légal et institutionnel aux relations entre classes. Ils peuvent donc rentrer dans le cadre de la collaboration entre classes.

Pour Raymond Aron, le fait décisif de l'évolution sociale est l'élévation du revenu global, qui diminue la rivalité des classes en intensité et en violence de sorte que la lutte des classes laisse la place à la « satisfaction querelleuse(1) ». Aron a indiqué que cette évolution historique démentait des prédictions de Marx même si elle pouvait s'expliquer par son système. En effet, pour Karl Marx, les lois de la production capitaliste conduisent à la paupérisation des masses, rendant crédible la perspective d'une révolution. Partant du constat de l'élévation du niveau de vie, Aron dégage les tendances de la lutte pour la répartition du revenu national qui sont la réduction de la passivité, l'intensification des revendications et l'affaiblissement des mouvements révolutionnaires et de la propension à utiliser la violence. Cependant, pour le trotskyste Ernest Mandel, « la théorie de la paupérisation absolue du prolétariat ne se trouve pas dans l'oeuvre de Marx » mais lui a été attribuée par ses adversaires politiques. Il estime que cette idée, formulée par Malthus, correspond à la loi d'airain de Lassalle, qui a été

(1) RAYMOND Aron, La lutte de classes, nouvelles leçons sur les sociétés industrielles, Paris, Gallimard, 1967, p.214 et 226

combattue par Marx. Marx préfère parler de paupérisation relative. Marx défend par ailleurs l'idée que:

· les progrès du capitalisme, de la grande industrie et du grand commerce transforment en prolétaires une partie des membres d'autres classes (paysans, artisans, petits commerçants) et les privant parfois de toute ressource

· une partie du prolétariat est éjectée du processus de production et subit une paupérisation absolue (chômeurs, vieillards, mutilés, invalides, etc.) et constituant l'armée industrielle de réserve.

Par ailleurs, les crises économiques peuvent appauvrir pour un temps la société entière: « dans ces crises, une grande partie, non seulement des produits déjà créés, mais encore des forces productives existantes est livrée à la destruction. Une épidémie sociale éclate, qui, dans toute autre époque, eut semblé absurde : l'épidémie de la surproduction. Brusquement, la société se voit rejetée un état de barbarie momentanée : on dirait qu'une famine, une guerre de destruction universelle qui ont coupé les vivres ; l'industrie, le commerce semblent anéantis »(1).

De tout ce qui précède, d'aucuns se demandent si cette étude sur le genre et la lutte contre la pauvreté soutend l'idée de lutte de classes ou tout simplement d'une lutte pour la vie qu'attend mener ou que mènent les femmes lushoises à travers les microcrédits.

Nous pouvons dire avec SYLVIA PANKHUST que pour les marxistes la racine de toutes les formes d'oppression justifie la division de la société en classes. Et pour de nombreux féministes, l'oppression des femmes s'enracinerait dans la nature des hommes. Ce serait un phénomène, non pas social, mais biologique. C'est là une conception du genre humain complètement statique, non scientifique et non dialectique(2). Cette vision anhistorique de la condition humaine tient à des conditions profondément pessimistes : supériorité de l'homme par rapport à la femme, l'oppression

(1) Lire Le manifeste du parti communiste

(2) Sylvia Pankhurst, Cité par Alan Woods, « La lutte des classes et l?émancipation des femmes », in La Riposte du 19 juillet 2001.

de l'homme sur la femme, etc. Donc l'idée d'oppression, de discrimination ou d'exclusion de la femme par l'homme renvoie à celle de conflit entre l'homme et la femme.

Tout en reconnaissant que l'histoire monte, que la question des classes est déterminante et qu'il y a toujours eu une lutte intense dans le processus révolutionnaire où certains ont utilisé la question de l'oppression des femmes pour promouvoir leur propres objectifs égoïstes et aussi qu'à chaque étape cette différence de classe s'est manifestée de façon très nette, exemple au 17e siècle lorsque les femmes commencèrent à défendre des revendications pour leur émancipation sociale et politique, la révolution anglaise a vu une large implication des femmes dans la lutte contre la monarchie, pour la démocratie et l'égalité des droits (voir la pétition des femmes de Londres en 1649 dans NOT IN GOD'S IMAGE de J. O FOALAIN et L. MARTINES, ou encore dans la révolution française, lire George RUDE, la femme dans la révolution française) ; les femmes pauvres ne concevaient pas la lutte comme une lutte des femmes contre les hommes, mais plutôt comme une lutte de toute la classe des pauvres, des exploités contre les riches oppresseurs. C'est dans ce cadre que nous adoptons le concept Genre, « Gender » .

Dans le processus de lutte contre la pauvreté, les hommes et les femmes doivent collaborer pour leur propre transformation et pour la transformation de la société, car pour parvenir à une véritable autonomisation, la femme lushoise en particulier et congolaise en général doit renoncer à la lutte pour le renversement des préjugés sociaux qui tendent à réduire ses actions à la lutte contre les hommes. Ces cicatrices psychologiques de la barbarie de classe, de l'égoïsme calculateur et de la cupidité masculine ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Dans la lutte contre la pauvreté, le genre doit nous amener à la lutte pour l'amélioration des rapports sociaux nouveaux, libres et véritablement humains. Nous y reviendrons.

1.5. La modélisation: genre et lutte contre la pauvreté

Afin de mieux cerner l'incidence du concept de genre sur l'efficacité de la lutte contre la pauvreté, il nous semble utile, dans un premier temps, de rappeler brièvement les évolutions des concepts concernant la pauvreté et la manière dont l'on considère la femme dans la lutte contre la pauvreté.

Pendant de très nombreuses années, à l'instar des institutions de Bretton Woods, l'approche de la pauvreté est surtout restée monétaire et se basait essentiellement sur le critère du revenu : était pauvre celui qui avait un revenu inférieur à un dollar américain par jour (en valeur de 1985). Si cette approximation peut avoir une certaine utilité, notamment pour des comparaisons internationales, elle s'avérait toutefois trop réductrice pour capter les multiples dimensions de la réalité des vies des êtres humains concernés.

Avec le Rapport Mondial sur le Développement Humain du PNUD en 1990, le concept de développement humain a eu très rapidement des répercussions sur l'approche de la pauvreté. Celle-ci se caractérise non plus uniquement par le faible niveau de revenu ou de consommation, mais également par un faible niveau d'instruction, par une santé précaire et un vieillissement précoce. L'édition de 1997 de ce rapport introduit en outre le concept de "pauvreté humaine", tout en soulignant que l'indicateur élaboré à cette occasion(1) ne saisit pas la totalité des aspects de ce concept. La pauvreté y est alors désormais considérée comme "la négation des opportunités et des possibilités de choix les plus essentielles au développement humain - longévité, santé, créativité, mais aussi conditions de vie décentes, dignité, respect de soi-même et des autres, accès à tout ce qui donne sa valeur à la vie" (PNUD, 1998).

L'économiste Armatya SEN est l'un des penseurs qui a le plus fortement influencé cette évolution du concept. Selon lui, la pauvreté est avant tout une privation des capacités élémentaires même si "cette définition ne vise en aucune manière à nier

(1) L'IPH ou Indicateur de Pauvreté Humaine.

l'évidence : un revenu faible constitue bien une des causes essentielles de la pauvreté, pour la raison, au moins, que l'absence de ressources est la principale source de privation des capacités d'un individu" (SEN, 2000). Ce théoricien de la pauvreté a également développé le concept de capital social qu'il envisage comme un phénomène inhérent aux interactions sociales, c'est-à-dire à la structure des relations entre les personnes, qu'il s'agisse de relations intragroupes, intergroupes ou environnementales. Le capital social d'un agent (de l'individu à l'Etat) apparaît ainsi comme une ressource sociale dont la faiblesse est l'une des caractéristiques de la pauvreté. Il est issu des interactions culturelles et/ou structurelles, avec d'autres agents capables de générer des externalités durables qui changent leur situation économique. On retrouve ici le principe des économies d'échelle, qui induit des diminutions des coüts individuels et donc un gain d'efficience.

L'autre évolution remarquable du concept de pauvreté a été le passage vers une vision plus dynamique du phénomène. Un tel élargissement peut être illustré à travers l'exemple de la pauvreté monétaire. Les ménages ou les individus considérés comme "pauvres" ne se situent désormais plus simplement à un niveau stable, en dessous du seuil de la pauvreté, et la lutte contre la pauvreté ne peut plus se réduire à l'idée de rehausser ce niveau au-dessus de ce seuil. Des analyses plus fines ont en effet démontré que le revenu est sujet à des fluctuations importantes et que la pauvreté se traduit aussi par une incapacité de maintenir un niveau de bien-être spécifié. C'est en effet l'absence de stabilité qui caractérise ces situations de pauvreté et qui rend les individus ou les ménages très vulnérables.

Cette complexité du concept de pauvreté a récemment été confirmée par une large enquête menée par la Banque Mondiale et destinée à montrer la pauvreté telle que la ressentent les plus démunis. Les statistiques obtenues expriment ainsi des facettes multiples de la pauvreté ayant surtout trait à des formes d'impuissance et de

mal-être. Un des aspects évoqués par les femmes concerne par exemple les relations conflictuelles et inégales avec l'autre sexe(1).

De 1975 à 1985, la "Décennie de la Femme" a eu le mérite de focaliser l'attention de l'ensemble des pays sur la condition féminine. En témoigne la forte augmentation du nombre d'analyses, d'études et de publications sur les femmes du tiers monde, concernant notamment la division sexuelle du travail et l'impact des projets de développement sur les femmes. Les résultats de ces études et leurs répercussions ont alors sorti les femmes des "niches sociales" du développement en leur reconnaissant un rôle productif.

Cette période a ainsi vu naître l'approche Intégration des Femmes dans le Développement (IFD) qui tentait d'intégrer les femmes dans le processus de développement existant, afin de le rendre plus efficient et efficace. A travers des projets pour femmes, ou des projets intégrants des volets "femmes", cette approche visait à accroître la productivité et le revenu des femmes. On essayait donc de surmonter la pauvreté en agissant sur la faiblesse des ressources et des compétences, sans pour autant s'adresser aux causes de cette faiblesse. Cette approche a été remise en question progressivement, principalement pour deux raisons : en premier lieu, parce que les tentatives de considérer les femmes d'une manière isolée se sont avérées finalement peu opérationnelles, en deuxième lieu, parce que ce type d'approche n'a pas pu surmonter le fait que le modèle de développement ne reconnaissait pas aux femmes de place égale avec les hommes.

L'approche "genre" qui succède à l'approche IFD vers les années 1990, tente de pallier cette dernière lacune. Elle met ainsi l'accent sur les relations inégales de pouvoir comme facteur majeur conditionnant la situation des femmes. Le terme "genre" fait ici désormais référence à la construction sociale des rôles féminins ou masculins qui ne sont donc pas seulement définis par le caractère biologique du sexe mais comme le résultat des conditions de production et de reproduction propres à chaque société et en

(1) NARAYAN, D, « Silence et impuissance : le lot des pauvres », in Finances et Développement, FMI, Washington, vol. 37, n° 4, 2000

constante évolution. "Les genres ont une base culturelle ; ils sont définis par la société qui en détermine les activités, les statuts, les caractéristiques psychologiques, culturelles et démographiques, dont le point de départ est la différence sexuelle, mais qui ne peuvent pas se résumer ou se justifier par cette seule différence sexuelle"(1).

De plus en plus fréquemment, les chercheurs intègrent cet aspect genre dans l'analyse de la pauvreté(2). Le cadre d'analyse se complexifie et construit une vision plus large des causes. A titre d'exemple, on peut citer la distinction entre intérêts pratiques et intérêts stratégiques des femmes(3). Alors que les intérêts pratiques concernent surtout la satisfaction des besoins fondamentaux et l'accès à une source de revenu stable, les intérêts stratégiques remettent en question la position de la femme dans la société. En effet, des analyses selon le genre montrent que des aspects tels que le contrôle masculin de la force de travail des femmes ou encore leur accès limité au pouvoir politique et à des ressources à forte valeur sociale et économique sont à l'origine de leur accès limité à une source de revenu. Ces résultats ont de toute évidence des répercussions sur les politiques de lutte contre la pauvreté. D'un point de vue opérationnel, il s'agit d'identifier en même temps les besoins pratiques et les intérêts stratégiques des femmes afin qu'elles puissent sortir durablement de leur condition de pauvreté.

Les enjeux stratégiques se retrouvent ainsi dans le concept d'autonomisation de la femme que certains auteurs comme JACQUET(4) désignent par l'empowerment. L'autonomisation correspond à l'acquisition d'un droit à la parole et à la reconnaissance sociale. Ce concept fait ainsi référence à la nature des structures décisionnelles dans des contextes particuliers : qui prend les décisions ? Par quels processus sont-elles prises ? Comment ce processus peut-il être modifié ? Le terme

(1) HOFMANN, E et cie, L?approche genre dans la lutte contre la pauvreté ; l?exemple de la microfinance , Paris, Presses Universitaires de Bordeaux III, 2003, P .4

(2) LACHAUD, J.P, Pauvreté, ménages et genre en Afrique subsaharienne, CED, Série de recherche 3, Université Montesquieu, Bordeaux IV, 1999, p.56

(3) HOFMANN, Op. Cit, P.4

(4) JACQUET, I, Développement au masculin, féminin -- le genre, outil d?un nouveau concept, Paris, L?Harmattan, 1995, p.75

autonomisation ou empowerment décrit donc un processus vers l'égalité entre les hommes et les femmes.

Les acteurs de la mondialisation, notamment la Banque Mondiale et les organismes liés à l'ONU, font de plus en plus référence au concept de genre. Ils insistent sur la contribution nécessaire des programmes de développement à l'autonomisation des femmes, comme le prouve le dernier rapport de l'UNIFEM(1). Plus précisément, l'intégration des rapports de genre dans des programmes ou projets de développement signifie que ces derniers visent une modification des rapports de genre en faveur des femmes ; en d'autres termes, ils ont l'objectif de contribuer à l'autonomisation de celles-ci, par l'amélioration du bien être : accès plus large à la microfinance permet aux femmes d'augmenter le bien être de leur foyer et par cela d'améliorer leur statut au sein du ménage et de la communauté. Ceci leur donne une plus grande confiance en elles, une part plus grande dans les dépenses de consommation, on suppose que l'autonomisation des femmes et la réduction de la pauvreté se renforcent mutuellement et de façon inévitable.

Ce n'est pas un hasard si l'évolution des approches par rapport aux femmes dans le contexte du développement s'est produite parallèlement à l'évolution du concept de la pauvreté. SEN a en effet fortement insisté sur l'importance de la fonction d'agent ("agency") des femmes, en ces termes : "Elles ne sont plus les destinataires passives d'une réforme affectant leur statut, mais les actrices du changement, les initiatrices dynamiques de transformations sociales, visant à modifier l'existence des hommes aussi bien que la leur"(2). DUBOIS applique son cadre d'analyse de la pauvreté à dimensions multiples pour vérifier si les politiques de lutte contre la pauvreté prennent en compte les "inégalités sexuées"(3). Quant aux diverses formes d'impuissance qui caractérisent la pauvreté, il est évident qu'elles ne concernent pas uniquement les conditions de vie des femmes pauvres. Or, en plus des discriminations ou des

(1) UNIFEM, The progress of women, empowerment and economic, 2000

(2) SEN, A, Un nouveau modèle économique : développement, justice, liberté, Paris, Ed. Odile Jacob, 2000, p.87

(3) DUBOIS, J-L ; Comment les politiques de lutte contre la pauvreté peuvent-elles prendre en compte les inégalités sexuées ? In Rapports de genre et questions de population, dossiers et recherches, n°85, INED, Paris, 2000

conditions défavorables qui touchent également les hommes (dues à l'ethnie, l'age, la classe, la caste, etc.), les femmes pâtissent des relations inégales avec les hommes.

Le concept autonomisation, associé à cette étude, ne prétend pas pour autant que les femmes forment un groupe homogène face aux rapports de genre. Les différences restent énormes entre la condition de femmes de différentes classes à l'intérieur d'une seule société, aussi bien qu'entre femmes de différentes cultures. Il s'agit plutôt d'analyser dans chaque contexte culturel ce que l'autonomisation peut signifier pour un groupe donné. Ceci est crucial dans le domaine de la lutte contre la pauvreté : l'augmentation durable des revenus contrôlés par les femmes peut représenter un indicateur d'autonomisation (parmi d'autres), si elle est la manifestation visible d'une série de changements plus fondamentaux et structurels. Ces derniers se trouvent aux niveaux de l'accès et du contrôle des ressources ainsi que du partage des responsabilités et ils se situent au coeur des rapports de genre.

1.6. Conclusion partielle

Fixées comme objectif du millénaire pour le développement, la réduction de la pauvreté et l'égalité entre les genres acquièrent depuis plus d'un demi-quart de siècle une place de choix dans les débats politiques et scientifiques. La définition de la pauvreté a au fil de cette évolution changée : autrefois assimilée à la seule pauvreté de revenus, elle est maintenant conçue d'une manière multidimensionnelle. Aujourd'hui, la pauvreté est envisagée dans ses dimensions humaines aussi bien que dans ses causes structurelles. De même, la conception du genre a également évolué, mais de manière plus lente et plus inégale. L'inégalité homme-femme est maintenue et légitimée par des clichées sur la différence et l'inégalité qui ne font qu'exprimer des convictions et des valeurs plus générales et plus profondes entourant la nature de la masculinité et de la féminité. En circonscrivant le permis et l'interdit, ces convictions et ces valeurs généralisées ont fini par déterminer le comportement humain et dans la sphère économique influencer la répartition du travail productif et reproductif entre les sexes.

Le concept de genre s'intéresse aux rapports sociaux entre les sexes, à leurs interactions, et met en évidence la construction sociale des rôles féminins et masculins ainsi que la hiérarchie qui marque cette forme de relations. Les inégalités dont sont victimes les femmes ne sont pas immuables, elles peuvent être modifiées. Car ce ne sont pas les différences biologiques qui justifient les inégalités entre les hommes et les femmes mais bien la manière dont chaque société définit leurs rôles sociaux respectifs. D'où le genre doit être considéré comme un principe organisateur majeur de la répartition du travail, de la propriété et des autres ressources que la société valorise.

C'est dans cadre que nous nous proposons, dans ce travail, de voir si les femmes des ménages pauvres de Lubumbashi jouent un rôle crucial dans les activités génératrices de revenus et de réduction de la pauvreté. En d'autres termes, il s'agit de dégager le lien entre la pauvreté des ménages et l'activité rémunérée des femmes à la suite des crises économiques et des facteurs qui poussent celles-ci sur le marché du travail afin de lutter contre la pauvreté à travers l'amélioration d'accès aux possibilités économiques.

CHAPITRE II : L'IMPORTANCE SOCIO-ECONOMIQUE DU MICROCREDIT

2.1. Introduction

Depuis maintenant trois décennies, le microcrédit connaît un

développement important au regard du nombre de personnes touchées par la microfinance qui est passé de 7,5 millions en 1997 à 113 millions en 2005, sous l'influence de l'année 2005 décrétée l'année du microcrédit.(1) Mais si l'engouement pour le microcrédit occupe aujourd'hui l'avant scène dans la lutte contre la pauvreté et comme instrument de développement majeur, il reste cependant à savoir si cet instrument n'a pas d'effets pervers.

Ainsi pour mieux cerner l'incidence du microcrédit sur la vie socioéconomique de la population bénéficiaire et surtout sur son efficacité dans la lutte contre la pauvreté, nous avons jugé utile de fixer et rappeler dans un premier temps l'évolution de ce concept en matière de la lutte contre la pauvreté et de la prise en compte des inégalités entre les hommes et les femmes.

L'objectif de ce chapitre est donc d'apporter quelques éléments de réponse aux questions de savoir si le microcrédit a réellement un impact sur la lutte contre la pauvreté, sur les femmes pauvres et si l'efficacité de ce programme de réduction de la pauvreté se trouve augmentée par l'intégration de considérations liées aux genres.

2.2. Définition de la microfinance et du microcrédit

Selon Marc Labie (1999), on appelle microfinance, l`octroi de services financiers (généralement du crédit et/ou de l`épargne), à des personnes développant une activité économique productive, le plus souvent de l`artisanat ou du commerce, et

n`ayant pas accès aux institutions financières commerciales en raison de leur profil socio-économique (il s`agit des pauvres, sans revenus fixes, qui n`offrent aucune des garanties en vigueur dans les institutions bancaires commerciales)(1).

L`aspect le plus connu de la microfinance est le microcrédit. Il consiste le plus souvent à octroyer des prêts à cours terme, soit pour permettre la constitution du fonds de roulement, soit pour réaliser de petits investissements (par exemple une machine à coudre pour un artisan, achat des semences pour les maraîchers, etc.). Les prêts sont ainsi octroyés à des individus ou à des groupes appelés « groupes solidaires » en raison de l`obligation faite à leurs membres de se couvrir les uns les autres (si un membre du groupe ne remplit pas ses obligation en matière de remboursement, les autres doivent les assumer). Les taux d`intérêts appliqués sur ces prêts sont au moins égaux, voire supérieurs, à ceux du système bancaire traditionnel. Quant aux garanties, elles peuvent être réelles ou morales mais elles reposent avant tout sur des mécanismes de pression sociale (groupe solidaire ou chef du village) et sur la motivation de se préserver un accès à des services financiers (notamment à des crédits dont les montants peuvent aller croissant). Ici, il faut noter que les mécanismes de pression sociale souvent utilisés comme garantie semblent de plus en plus critiqués car tendant à restreindre les libertés individuelles. En effet, très généralement dès qu`un membre d`un groupe est en retard, les autres membres se rabattent sur sa famille pour le remboursement.

Reste à mentionner une caractéristique méthodologique essentielle : le concept de proximité. En effet, quelles que soient les mesures envisagées, un point commun à l`ensemble des programmes et institutions de microfinance est constitué par la proximité avec les clients micro-entreprenneurs, proximité à la fois géographique, mais aussi sociale. Cette caractéristique directement inspirée de la finance informelle est une condition indispensable pour établir une relation fiable entre le micro-

(1) LABIE , ( M), La microfinance en question. Limites et choix organisationnels, Bruxelles, Editions LUC PIRE, 1999, pp 116

entreprenneur et le prêteur. Elle est, dans une large mesure, à l`origine des succès rencontrés par les organisations actives en microfinance.

Dans ce travail il est plus question, bien entendu, du microcrédit qui est la forme la plus pratiquée de la microfinance à travers le monde, notamment en République Démocratique du Congo et à Lubumbashi en particulier.

En abordant le genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi, nous voulons donc savoir si le microcrédit qu'accordent les institutions de la microfinance aux femmes lushoises leur a permis d'améliorer leurs situations socio-économiques et de lutter contre la pauvreté.

2.3. Typologie des Systèmes financiers décentralisés en République Démocratique du Congo

Les Institutions du Système de Financement Décentralisé (SFD) en RDC peuvent être structurées en deux catégories, à savoir les coopératives d`épargne et de crédit et les Institutions de Microfinance au sens strict.

Quantitativement, les Coopératives d`Epargne et de Crédit (COOPEC) représentent le premier secteur de financement de proximité en RDC. Elles procèdent à la collecte de l`épargne de ses membres avant de leur consentir du crédit.

Le secteur coopératif congolais est organisé en trois niveaux. Par ailleurs, deux structures faîtières de 3ème niveau, Union des Coopératives Centrales d`Epargne et de Crédit (UCCEC) et la Confédération Nationale des Coopératives d`Epargne et de Crédit (CONACEC), encadrent au total 15 centrales.

Cependant, il y a lieu de retenir qu`à côté de ces regroupements se sont développées également des coopératives indépendantes qui fonctionnent tant à Kinshasa qu`à l`intérieur du pays.

Trois types d`Institutions de microfinance sont retenus dans l`instruction réglementaire édictée par la Banque Centrale du Congo. Il s`agit de la caisse de Micro Finance, de la société de Microfinance et de l`entreprise de Micro finance.

a. Les caisses de microfinance sont celles qui collectent l`épargne de leurs membres pour l`affecter à des opérations de microcrédit à leur profit.

b. Les sociétés de microfinance sont celles qui collectent l`épargne du public et lui octroient des micro-crédits.

c. Les entreprises de microcrédit sont celles qui accordent des microcrédits aux tiers.

Les Coopératives financières (CFs) en microfinance sont les plus répandues en Afrique Subsaharienne. Le développement de cette structure dans cette région du monde a été facilité par la présence des tontines. Les tontines sont composées de membres volontaires qui épargnent une somme égale à période fixée. La somme réunie est alors remise aux membres à tour de rôle. L'avantage majeur des coopératives financières en microfinance, c'est leur capacité à joindre un grand nombre de déposants (les pauvres et moins pauvres). De ce fait, elles utilisent ces épargnes pour offrir un service diversifié à leurs membres. Elles se démarquent également par leur capacité à s'organiser en fédération.

Les membres des coopératives financières en microfinance ont souvent une identité de groupe. Il y a une forme d'homogénéité des intérêts, ce qui est facteur crucial pour la dynamique sociale et la performance de la coopérative financière. La communauté d'intérêt et d'esprit est très forte. Les coopératives financières en microfinace arrivent à joindre des populations qui autrement seraient exclues du système financier formel.

2.4. Approche méthodologique de la microfinance

En microfinance, la méthodologie de crédit repose plus sur le profil de l`emprunteur (l`évaluation des crédits est centrée sur la volonté et la capacité des clients à rembourser), que sur les actifs pouvant être saisis en cas de non-remboursement.

Même si certaines institutions de microfinance prennent des garanties matérielles en dépôt, ces dernières constituent rarement le fondement de leurs décisions d`octroi de crédit.

Les méthodologies de crédit peuvent être classées en deux grands groupes (Nsabimana, 2005)(1) : les modèles de crédits individuels et les modèles de crédit de groupe.

Les modèles de crédits individuels recourent, lorsque c`est possible, à des garanties matérielles, comme le nantissement des actifs, terrains et constructions, etc. Cependant, la légalité et la pratique de ce type de mesures de garanties sont souvent remises en cause. Dans la pratique, la plus part des institutions de microfinance adoptent des techniques de sélection fondées sur une évaluation sur base du profil individuel.

Les modèles de crédit de groupe recourent à des groupes solidaires, constitués généralement de quatre à six membres, qui sont voisins, ou qui exercent des métiers dans le même quartier ou dans le même secteur d`activité. Le système de sélection mutuelle qui est à l`origine de la constitution de tels groupes renforce la confiance de l`institution envers le groupe.

Dans la méthodologie de crédit aux groupes, et plus particulièrement dans le cas de groupes de grande taille, les agents de crédit ont tendance à mener une analyse minimale des caractéristiques individuelles du client ou de son activité. Cette analyse est plutôt implicitement déléguée aux autres membres du groupe, qui ont une connaissance les uns des autres plus complète que celle des agents de crédit.

(1) NSABIMANA A., « Microfinance : outil de lutte contre la pauvreté ? », L`Africain n° 218, 2005

Cautionnement solidaire

Le cautionnement solidaire est le type de garantie qui a été développée par l`expérience de la Grameen Bank, lorsque M. Yunnus, dans le début des années 70, octroya un crédit à 2 personnes d`un groupe de 5, puis aux deux suivantes, puis à la dernière. Les 5 membres de ce groupe de caution solidaire étant solidairement responsables du remboursement du crédit. Cette expérience a montré les conditions de fonctionnement et les avantages de ces groupes solidaires : la sélection des emprunteurs, la discussion sur l`objet du crédit (rendant plus sûr le succès de l`activité de finance), la facilité dans la gestion et le remboursement. Les ressorts sociaux mis en jeu par le cautionnement solidaire sont davantage la pression sociale ou le sens de l`honneur qu`une véritable solidarité.

Depuis lors, le principe de cautionnement solidaire a été largement utilisé et adapté aux situations locales sous formes variées. Il n`est, aujourd`hui, pas rare de trouver des IMF qui associent l`épargne individuelle préalable, le crédit individuel et le cautionnement solidaire.

Limites de la caution solidaire

La caution solidaire traite en égaux chacun des membres du groupe (même montant d`où même responsabilités dans les remboursements). Pourtant, lorsque les membres ont reçu plusieurs prêts, leurs opportunités et volonté d`investir peuvent être différenciées, et certains peuvent rechercher des prêts dont les montants plus élevés ne sont plus compatibles avec une responsabilité commune dans le remboursement. Le principe de la caution solidaire peut donc limiter l`accès à des prêts de montants élevés ce qui peut être préjudiciable pour les clients (pas de réponse à leurs besoins) et à l`institution (pas d`économies d`échelle, mauvaise fidélisation des bons clients).

En l`absence de garanties matérielles, l`incitation à rembourser pour les membres du groupe solidaire repose sur la promesse d`accès à un prêt futur (généralement d`un montant plus élevé que le précédent). Or ce système ne peut fonctionner que s`il n`y a pas de système financier concurrent sur la zone qui puisse aussi offrir un service identique (risque de concurrence) ou différencié (risque de contradictions dû aux règles différentes) aux mêmes clients (Lapenu C. et al, 2002)(1).

Malgré les critiques et les difficultés soulignées ci-dessus, l`analyse approfondie des alternatives possibles montrent souvent que la caution solidaire reste un outil nécessaire au regard des objectifs et des publics-cibles des Institutions de microfinance (IMF) qui l`utilisent, mais il demande une gestion rigoureuse, et souvent des mesures complémentaires de gestion et de garanties.

La caution solidaire, ne peut être supprimée car elle n`a pas d`alternative crédible par rapport aux contraintes des populations ciblées ; par ailleurs, son principe n`est généralement pas mis en cause par les emprunteurs. Ce qui est important c`est son contexte d`insertion au sein des groupes (qualité de la gestion interne), et la mise en oeuvre de moyens pour la renforcer ou la sanctionner.

Lien commun

Le lien commun est celui qui unit les bénéficiaires-clients au sein d`une IMF. Il est le ciment de la cohésion du groupe et renforce le caractère identitaire et participatif de ceux-ci à l`institution. Le lien commun peut être de nature géographique ou territoriale (exemple : les membres de l`IMF appartiennent à tel village, communauté rurale, quartier, zone, région,...) ou professionnel ou sectoriel (exemple : les artisans, les pêcheurs, les agriculteurs, les maraîchers,...). Il peut également s`appuyer sur un genre exclusif (exemple : les femmes d`un quartier donné). Un « lien commun » fort facilite la constitution des groupes de « caution femmes d`un quartier donné). Un « lien commun

(1) LAPENU C., CERISE, FOURNIER Y., ICHANJU P., Potentialités et limites de la caution solidaire, Fiche d`approfondissement du séminaire de Dakar n° 8, 2002

» fort facilite la constitution des groupes de « caution solidaire ». Toutefois, une trop grande homogénéité des membres d`une IMF, en particulier dans le type d`activité économique, peut présenter un risque systémique accru pour l`institution en cas de mauvaise (ou absence de) récolte par exemple ou d`autres types de calamités. Une couverture géographique suffisante pour assurer la diversité des risques et des activités sera à cet égard recherchée (Tollenaere, 2002)(1).

2.5. Rôle socio économique du microcrédit

Les réussites de la microfinance et des microcrédits sont importantes. La microfiannce a démontré que les pauvres sont aussi des clients viables et fiables. Lors du sommet de 2004, le G8 a adopté les Principes clés de la microfinance mis en place par le CGAP (voir les Principes Clés de la Microfinance). Ces principes portent entre autres sur la mise en place et l'accès des services financiers pour tous, la lutte contre la pauvreté, le taux d'intérêt, la divulgation de l'information, etc. Ces principes ont contribué à faire de la microfinance un outil de développement social et économique.

La microfinance est un outil majeur de développement socio économique. En effet, le crédit est utilisé pour des activités nécessaires au développement et à la lutte contre la pauvreté de l'individu et de sa communauté: payer les frais de scolarité des enfants, les frais de santé, l'acquisition d'un terrain pour construire sa maison, etc. La microfinance crée plusieurs possibilités pour la personne d'améliorer son bien-être et son savoir-faire. Cela s'aligne avec la théorie du «Développement comme Liberté» de l'économiste et gagnant d'un prix Nobel Amartya Sen. Cette théorie de Sen explore cinq types de libertés instrumentales: les facilités économiques, les libertés politiques, les dispositions sociales, les garanties de transparence et la sécurité protectrice. Toujours d'après Amartya Sen, ces cinq libertés sont interconnectées, ce qui fait en sorte que l'amélioration d'un aspect affectera positivement les autres. Il les définit ainsi: « Par libertés politiques, au sens le plus général, incluant donc les droits civiques, tout l'éventail des droits politiques que l'on associe au fonctionnement démocratique ... Par

facilités économiques, j'entends les opportunités, offertes aux individus, d'utiliser les ressources économiques à des fins de consommation, de production ou d'échanges. L'accès au financement exerce une influence prépondérante sur les facilités que les agents économiques sont capables de s'assurer. Cela vaut aussi bien pour les grandes entreprises (employant des centaines de milliers de salariés) que pour les sociétés unipersonnelles fonctionnant au moyen de microcrédits ... Par opportunités sociales, j'entends les dispositions prises par une société en faveur de l'éducation, de la santé ou d'autres postes et qui accroissent la liberté substantielle qu'ont les personnes de vivre mieux. La notion de garanties de transparence prend en compte l'exigence de nonduplicité, présupposée dans les relations sociales. Ces garanties jouent un rôle instrumental dans la prévention de la corruption, de l'irresponsabilité financière et des ententes illicites. La sécurité protectrice doit servir à fournir aux couches de populations vulnérables un filet de protection sociale, afin qu'elles ne se trouvent en aucun cas, réduites à la misère, voire, dans des situations extrêmes, à la famine ou à la mort. »(1).

La microfinance est un élément de facilité économique, de par l'interconnexion entre les cinq libertés, elle affectera positivement les autres, et ainsi amène le développement. De plus, elle s'insère pleinement dans l'approche des capacités développée par Audas: «The major constituents of the capacity approach are functions and capabilities. Functions are the being and doing of a person whereas a person's capability is the various combinations of functionings that a person can achieve. »(2) C'est à dire selon Audas, les fonctions représentent les opportunités et les limites des capacités d'un individu. En donnant la possibilité aux consommateurs d'apprendre sur le fonctionnement du système financier et d'avoir accès aux services financiers, les Institutions de Microfinance améliorent les fonctions de la personne, ce qui aboutira à l'augmentation de ses capacités. Donc, cette amélioration de la capacité individuelle contribue largement à son développement.

(1) Sen, Amartya, un nouveau modèle économique. Développement, Justice, Liberté, Paris, Editions Odile Jacob, 1999, p.59-61

(2) Audas, michelle Lynn, Evaluating microfinance. Economic developpement redefined reevaluated, New Brunswick, The University of New brunswick, 2002, p.19

Afin de comprendre comment les Institutions de microfinance ont une connaissance intime des conditions locales qui leurs permettent d'absorber une grande quantité de petites économies et de lutter contre la pauvreté par une approche participative, qui soutend d'ailleurs le rôle socio-économique du microcrédit, nous présentons ici les principes de base de la microfinance.

Les Principes Clés de la Microfinance

l. Les pauvres ont besoin de toute une gamme de services financiers et non pas seulement de prêts. Les pauvres ont comme tout le monde, besoin d'une gamme de services financiers pratiques, souples et d'un prix raisonnable. Selon la situation dans laquelle ils se trouvent, les pauvres peuvent avoir besoin non seulement de crédit, mais aussi d'instruments d'épargne, de service de transfert de fonds et d'assurance.

2. La microfinance est un instrument puissant de lutte contre la pauvreté. L'accès à des services financiers viables permet aux pauvres d'accroître leurs revenus, de se doter d'actifs et de se protéger dans une certaine mesure des chocs extérieurs. La microfinance permet aux ménages pauvres de ne plus avoir à lutter au quotidien pour simplement survivre mais de faire des plans pour l'avenir et d'intervenir afin d'améliorer leur nutrition, leurs conditions de vie et la santé et l'éducation de leurs enfants.

3. La microfinance est le moyen de mettre des systèmes financiers au service des pauvres. Les pauvres constituent la vaste majorité de la population dans la plupart des pays en développement. Or un nombre considérable d'entre eux n'ont toujours pas accès à des services financiers de base. Dans beaucoup de pays, la microfinance continue d'être considérée comme un secteur marginal et relever essentiellement des activités de développement des bailleurs de fonds, des pouvoirs publics, et d'investissements soucieux des intérêts de la collectivité. Pour qu'elle puisse réaliser pleinement son potentiel en desservant un grand nombre de pauvres, il faudrait que la microfinance devienne une partie intégrante du secteur financier.

4. Il est nécessaire d'assurer la viabilité financière des opérations pour pouvoir couvrir un grand nombre de pauvres. La plupart des pauvres ne sont pas en mesure d'avoir accès à des services financiers en raison de l'absence d'intermédiaires financiers solides offrant des services de détail. La mise en place d'institutions financièrement viables n'est pas une fin en soi. C'est la seule façon d'accroître l'envergure et l'impact des opérations de manière à porter leur volume à un niveau supérieur à ce que peuvent offrir les bailleurs de fonds. La viabilité s'étend de la capacité d'une entité fournissant des microfinancements à couvrir l'intégralité de ses coüts. Elle permet d'assurer la poursuite des opérations de l'entité en question et de la fourniture de services financiers aux pauvres. La viabilité financière passe par la réduction des coüts de transaction. L'offre de meilleurs produits et services répondant aux besoins des clients, et l'adoption de nouveaux moyens de servir les pauvres qui n'ont pas accès aux services bancaires.

5. La microfinance implique la mise en place d'institutions financières locales permanentes. Pour créer des systèmes financiers destinés aux pauvres, il faut mettre en place des intermédiaires financiers intérieurs solides en mesure de fournir en permanence des services financiers à ceux-ci. Ces institutions doivent pouvoir mobiliser et réinjecter l'épargne intérieure dans l'économie, accorder des crédits et fournir toute une gamme de services. La mesure dont elles dépendent des financements des bailleurs de fonds et de pouvoirs publics y compris les banques de développement financées au niveau des Etats diminuera progressivement à mesure qu'elles et les marchés des capitaux privés se développeront.

6. Le microcrédit n'est pas toujours la solution. L'octroi de microcrédits n'est pas nécessairement une solution adéquate pour tout le monde ou dans toutes les situations. Les indigents et ceux qui souffrent de la faim qui n'ont ni revenus ni moyens de rembourser un emprunt doivent recevoir d'autres formes de soutien avant de pouvoir emprunter. Souvent, il vaut mieux faire de petits dons améliorer les infrastructures, mettre en place des programmes d'emploi et de formation et fournir d'autres services non financiers pour lutter contre la pauvreté. Dans toute la mesure

du possible, ces services non financiers doivent aller de pair avec la constitution d'une épargne.

7. Le plafonnement des taux d'intérêt peut nuire à l'accès des pauvres aux services financiers. Il est beaucoup plus onéreux un grand nombre de petit prêts qu'un petit nombre de prêts de montant élevé. A moins que les fournisseurs de microfinancement ne puissent demander de taux d'intérêt nettement supérieurs aux taux moyens des prêts bancaires, ils ne seront pas en mesure de couvrir leurs coûts de sorte que leur croissance et leur visibilité soient tributaires d'une offre très limitée et incertaine de financements à des taux bonifiés. Lorsque les pouvoirs publics réglementent le taux d'intérêt, ils fixent généralement ces derniers à des niveaux trop bas pour que les opérations de microfinancement puissent être viables. Toutefois, il importe aussi que les fournisseurs de microfinancement ne répercutent pas les coûts que pourraient entraîner des inefficacités dans leurs opérations sur leurs clients en fixant leurs prix (taux d'intérêt et autres commissions) à des niveaux nettement supérieurs à ce qu'ils devraient être.

8. Les pouvoirs publics doivent faciliter la prestation de services financiers mais non les fournir directement. Les autorités nationales jouent un rôle important en menant une action favorable au développement des services financiers tout en protégeant l'épargne des pauvres. Les mesures les plus favorables au microfinancement qu'un gouvernement peut prendre consistent à assurer la stabilité macroéconomique, à ne pas plafonner les taux d'intérêt et à éviter d'introduire sur le marché les distorsions qu'engendrerait la poursuite de programme de prêts bonifiés non viables et sources d'arriérés considérables. Les autorités peuvent aussi appuyer les services financiers destinés aux pauvres en améliorant le climat des affaires en luttant contre la corruption et en améliorant l'accès aux marchés et à l'infrastructure. Dans certains cas en l'absence d'autres financements, l'Etat peut avoir de bonnes raisons de financer des institutions de microfinancement indépendantes et solides lorsqu'il n'existe pas d'autres financements.

9. Les financements bonifiés des bailleurs de fonds doivent compléter les capitaux du secteur privé, ils ne doivent pas les remplacer. Il importe que les bailleurs de fonds utilisent, pendant un temps des instruments appropriés de don, de prêt et de participation pour renforcer les capacités institutionnelles des prestataires de services financiers. Développent l'infrastructure nécessaire (agence de notation, agence d'évaluation du crédit, capacités d'audit etc..), et appuient des services et produits innovants. Dans certains cas, il leur faudra peut-être fournir plus longtemps des financements bonifiés pour pouvoir atteindre des groupes de population qui sont difficiles à toucher parce qu'ils vivent dans des régions faiblement peuplées ou pour d'autres raisons. Pour que leur appui financier soit efficace, les bailleurs de fonds doivent chercher à intégrer les services financiers axés sur les pauvres dans les opérations des marchés financiers locaux, faire appel à des compétences spécialisées pour la conception et la mise en oeuvre des projets : exiger que les institutions financières et les autres partenaires respectent des normes de performance minimales pour continuer à bénéficier d'un appui ; et planifier dès le début leur stratégie de désengagement.

10. Le manque des capacités institutionnelles et humaines constitue le principal obstacle. La microfinance est un domaine spécialisé qui astreint les services bancaires à des objectifs sociaux. Un renforcement des capacités est nécessaire à tous les niveaux, des institutions financières aux instances de réglementation et de contrôle aux systèmes d'information, jusqu'aux organismes de développement de l'Etat et aux bailleurs de fonds. La majeure partie des investissements, publics et privés, effectués à ce titre devrait viser le renforcement des capacités.

11. L'importance de la transparence des activités financières et des services d'information. Il est indispensable de disposer d'informations exactes, comparables et présentées selon un format standard sur les résultats financiers et la performance sociale des institutions financières qui fournissent des services aux pauvres. Les organes de contrôle et de réglementation des banques. Les bailleurs de fonds, les investisseurs et, surtout, les pauvres, qui sont les clients des services de

microfinancement, doivent avoir accès à ces informations pour bien évaluer les risques et les avantages de leurs opérations.

Source: CGAP. 2004. Les principes clés de la microfinance. Washington

2.6. Expériences du microcrédit

2.6.1. Dans le monde

L'expérience du microcrédit peut être mieux conçue à la suite d'une brève explication du dualisme du système de financement(1) et de son histoire. Ce dualisme résulte de la constatation de l'objet du secteur financier consistant à mettre en relation les agents à excédents de capitaux avec les agents à besoin de capitaux. Les banques et le marché financier jouent parfaitement ce rôle. Selon la logique marchande un certain nombre d'agents économiques sont exclus d'office du système qui ne s'intéresse pas à eux. Exclus du système de financement formel, ils recourent donc dans la majorité des cas à un autre système de financement coûteux(2) dit « informel ». Dans ces deux systèmes de financement, les choses ne se passent pas de la même façon.

Le secteur formel est normalement financé par les banques. Les banques, qui font commerce de l'argent et qui sont donc en quête de rentabilité, peuvent parfaitement refuser le crédit en raison de l'absence du droit au crédit. Les emprunteurs dont la situation financière est très modeste et qui ne peuvent pas répondre aux critères de sélection des banques, n'ont pas d'accès au financement. Pendant ce temps, les populations locales manquent d'argent pour développer des activités qui sont souvent informelles, certes, mais qui sont génératrices de revenus. Exclues du financement classique, elles sont tributaires du secteur de financement informel.

(1) OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du micro crédit dans le financement du développement, Thèse de doctorat à l?Université de Nice, 15/12/2004, p.27 et 60-80

(2) E. LITTLEFIELD et R. ROSENBERG, « Une démarcation de plus en plus réduite entre la microfinance et secteur financier formel », in Le Rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p. 139-149.

Force est de constater le rôle limité des banques. Soit elles sont peu présentes dans les campagnes, soit elles sont peu sollicitées parce que leurs services ne sont pas adaptés aux besoins des populations locales. Le secteur informel facilite alors l'accès au crédit, mais du point de vue du financement, ne fonctionne pas selon les normes et les mécanismes du secteur formel. A côté de l'usurier proprement dit, on peut emprunter à la famille ou à des amis. On peut aussi se regrouper pour se prêter et s'emprunter les uns aux autres, le «Likelemba » ou « kinkurimba » dans le contexte congolais. Le développement du secteur informel est dû à l'impossibilité des banques d'étendre leurs activités au segment de la clientèle visée par le secteur informel. Il s'agit bien d'un secteur de financement puisqu'il permet aux personnes exclues du système bancaire classique d'avoir accès au crédit. Il est informel du fait qu'il n'est pas soumis au cadre juridique. Ce secteur informel n'existe qu'en marge du secteur formel qu'il ne prétend pas remplacer. Il est par ailleurs complémentaire à ce dernier. Malgré cette constatation, on trouve que dans des pays en voie de développement, tels que le Cambodge, le secteur informel de financement est plus étendu que le secteur classique des banques. Il a été très pratiqué parce qu'il s'inscrit naturellement dans la vie de tous les jours.

Dans le secteur informel, les relations entre les débiteurs et les créanciers sont des relations personnelles résultant du lien de proximité, ce qui conditionne sa plus grande efficacité. Comme les personnes se connaissent bien, l'information sur la solvabilité des unes et l'insolvabilité des autres est suffisante. Il y a peu de risque de non remboursement. Bien qu'il présente cet aspect positif, le secteur informel de financement comporte, par ailleurs, des inconvénients pour l'emprunteur qui doit payer des coûts de crédit très élevés. Conscients de ce problème, les gouvernements et les Organisations non gouvernementales (ONG) ont mis en place des programmes de crédit rural. Mais le résultat était décevant notamment en ce qui concerne l'offre très limitée de crédit aux pauvres. C'est dans cette optique que l'idée de microcrédit a été accueillie avec enthousiasme. Il s'agit d'une innovation importante qui a transformé la manière d'envisager l'octroi du crédit.

La logique financière tient les personnes démunies à l'écart du circuit bancaire parce qu'elles sont fragiles. Les besoins de ces populations ne sont pas couverts par le circuit classique. Cette exclusion financière constitue un obstacle important pour les personnes désireuses de créer leurs activités indépendantes et donc de trouver leur citoyenneté économique. C'est précisément cet obstacle et le souhait de faire de ces personnes des acteurs économiques comme les autres que le microcrédit se propose de surmonter. La compréhension du développement du concept de microcrédit réside dans son histoire.

On a l'impression que tout a commencé en février 1997 quand s'est tenu à Washington le premier Sommet mondial du microcrédit, sous le patronage de l'exPrésident Bill Clinton, qui a eut pour objectif d'atteindre cent millions de familles parmi les plus pauvres de la terre de là à 2005. En réalité, même si on ne parle du microcrédit que depuis ces dernières années, il s'inscrit, en revanche, dans une histoire un peu plus longue. L'histoire de microcrédit remonte aux années 1 840(1). F. W. Raiffeisen lança en 1848(2), en Rhénanie, la première coopérative de crédit pour lutter contre l'usure qui surchargeait les paysans contrairement aux Monts-de-Piété(3) remontant au Moyen-âge en 1462. La première raison de cette coopérative était la prise en compte des pratiques usuraires. Ici comme ailleurs, les paysans empruntent, en argent ou en nature, surtout dans les mois qui précèdent la récolte, d'un commerçant, d'un prêteur professionnel, à des taux exorbitants pouvant atteindre 50 à 100% pour une durée qui n'importe pas mais qui est toujours courte. La coopérative avait pour premier but d'offrir des cautions mutuelles aux banques afin que ses membres puissent évoluer vers la collecte de l'épargne pour pouvoir prêter directement à leurs membres. Elles furent à l'origine de toutes les banques mutualistes d'Europe.

(1) Jaques ATTALI, « La micro-finance, aujourd'hui », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, Paris, 2006, p. 153

(2) Laurent LHERIAU, Précis de réglementation de la micro-finance, tome I : le droit financier et la micro finance, Paris, AFD, 2005, p. 19-22.

(3) Pour une histoire des Monts-de-Piété et du Crédit Municipal, voir le site Internet du Crédit Municipal de

Paris : http://www.creditmunicipal.fr/.

Cent ans après la première coopérative d'épargne-crédit initiée par Raiffeisen, le monde redécouvert dans les années 1970. Il est donc difficile d'en accorder la paternité au professeur Yunus.

La conception du microcrédit ainsi redécouverte s'est manifestée avec la création de la Grameen Bank(1), une banque rurale bénéficiant d'un statut spécial, au Bangladesh en 1976. Après une terrible famine, un professeur d'Université, Mohamed Yunus, a eu l'idée d'accorder de petits crédits à quelques groupes de femmes pauvres pour les aider à développer une activité qui leur procure un modeste revenu. Accordé pour un an au taux de 20%, le crédit commence à être remboursé dès la deuxième semaine par celle qui a emprunté. Ces femmes travaillent en groupes de cinq personnes « comme les cinq doigts de la main » avec la caution solidaire de tous les membres. Si l'une des femmes ne rembourse pas à l'échéance, le groupe doit le faire à sa place. Sinon, elle est privée de tout autre crédit postérieur. Lorsque le premier crédit sera remboursé, une autre femme pourra emprunter à son tour, et ainsi de suite. Quand toutes auront emprunté et remboursé, elles pourront emprunter un peu plus. Cette formule est basée sur un groupe dont les membres se connaissent bien.

La méthode de Grameen Bank s'adaptait parfaitement à la situation des zones rurales du Bangladesh. Il montre donc que les pauvres et notamment les femmes de paysans sans terre sont « un bon risque bancaire », c'est-à-dire que les pauvres, n'ayant pas d'autres alternatives, font tout pour rembourser correctement leur crédit, si on sait s'adapter à leurs conditions (petits crédits avec des montants progressant régulièrement si le remboursement s'effectue intégralement, etc.). Cette façon de faire le crédit a été reprise aussi bien dans beaucoup de pays du Sud que dans des pays du Nord. Le microcrédit se développe rapidement et constitue désormais l'une des préoccupations de la communauté internationale qui proclame la mise en place d'un « système financier ouvert à tous ». Il fait aussi partie de la politique de l'Union européenne qui a, à travers la Commission européenne, adopté des mesures politiques pour promouvoir l'utilisation du microcrédit en Europe à des fins d'inclusion sociale. En

(1) Le site officiel de la Grameen Bank (en anglais) : www.grameen-info.org.

2003, un réseau européen de microfinance qui regroupe à ce jour 28 institutions les plus diverses s'intéresse particulièrement au microcrédit.

Grâce à son immense succès, le modèle Grameen Bank a été imité par plusieurs pays. Aujourd'hui, l'idée de microcrédit est une préoccupation internationale et s'est étendue dans d'autres pays en Europe notamment en France. Contrairement aux pays du sud, cette adoption a été très lente.

Le microcrédit appliqué au Bangladesh a été reproduit aussi bien en France qu'au Cambodge. Il est très important de remarquer que reproduire la Grameen Bank ne consiste pas à reprendre in extenso le modèle, à tenir compte des caractéristiques du milieu et de l'adapter au contexte du pays. Il s'agit tout simplement de revenir à son essence, à son objectif, à son formidable esprit d'initiative et d'innovation. Le cas de France illustre cette observation, le microcrédit est importé en France dans un contexte de chômage, d'exclusion financière, alors qu'il est importé au Cambodge dans un contexte de pauvreté et surtout dans le cadre du programme de développement.

Si la France est un pays fortement bancarisé, 80% des ménages français ont recours pour tout paiement supérieur à 100 euros à des moyens de paiement, une partie de la population, estimée à près de cinq millions d'habitants(1), reste en situation d'exclusion bancaire. Une partie importante de la population n'a pas accès au crédit. Or, l'accès au crédit est un moyen déterminant de la citoyenneté économique. Le marché français de microcrédit est jugé sous-dimensionné par rapport aux besoins. Désormais, le microcrédit piétine en France. La crise dans les banlieues de novembre 2005 a suscité l'implication du gouvernement dans le projet d'exclusion financière. En outre, le prix Nobel de la paix attribué au M. Yunus constitue un nouvel élan de lutte contre l'exclusion financière.

La dynamique française du microcrédit qui conjugue la mise à la disposition d'un financement et d'un accompagnement personnalisé a déjà prouvé son

(1) Maria NOWAK, on ne prête pas (que) aux riches, Paris, JC Lattès, 2005, p. 142

efficacité à travers des structures comme l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE)(1), France Active, France Initiative Réseau et le Réseau Entreprendre(2). En France, avant la création de l'Association pour le droit à l'initiative économique, il n'y avait aucune association de microcrédit ou de lutte contre l'exclusion financière. Au début, l'ADIE travaillait en partenariat avec les établissements de crédit en partageant avec ces derniers les risques du crédit à hauteur de 70%. En cas de défaillance du débiteur, l'ADIE s'engage à racheter la part du risque supporté par les banques. Cette forme de partenariat est toujours encouragée du fait qu'il procure des avantages incontestables. De nouvelles formes de mécénat ont été mises en place(3). Avec l'amendement de l'article 11 de la loi bancaire de 1984, elle peut désormais emprunter pour reprêter à ses clients directement. Cet amendement encourage le développement du microcrédit.

En raison de la montée en puissance du microcrédit en France, le gouvernement veut bâtir une politique publique pour lutter contre l'exclusion financière et mobiliser les grandes banques. Le lancement du Fonds de cohésion sociale (FCS) créé par la loi Borloo du 18 janvier 2005 à l'occasion de la Semaine du microcrédit montre bien cette politique. Cette loi crée une nouvelle typologie du microcrédit, dite microcrédit social. La naissance en France du microcrédit social, appelé par certains, des « prêts à la consommation sociaux(4)» est une avancée, modeste mais incontestable dans la lutte contre l'exclusion financière. Toutefois, le débat sur le surendettement des particuliers ne manque pas puisque les particuliers, bénéficiaires de ces crédits sociaux, sont déjà, par définition, en situation financière très difficile. Cette invention suppose en plus de revoir la définition du microcrédit. Le lancement de la

(1) L'Association pour le droit à l'initiative économique est une association qui a été créée suivant le modèle de la loi de 1901. Son rôle est exercé conformément à la disposition dérogatoire au monopole bancaire en matière d'opérations de crédit. Il s'agit d'un principal acteur du microcrédit, créé en 1989 à l'initiative de madame Maria NOWAK. Elle a accordé 6740 crédits en 2005, en hausse de 20% mais ne répondant qu'à environ 10% des demandes.

(2) Ces organismes sont des organismes de finance solidaire. La finance solidaire désigne l'ensemble des dispositifs de financement destinés à soutenir la création ou le développement d'activités socialement utiles, à partir des instruments de l'épargne et de l'investissement solidaires. Ces opérateurs de la finance solidaire mettent en fait à la disposition des créateurs des quasi-fonds propres destinés à servir de levier au crédit bancaire. V. Sylvain ALLEMAND, La microfinance n'est plus une utopie, Paris, édition Autrement, 2007, p.192.

(3) Patrick SAPY, « Réseaux bancaires et microcrédit : vers de nouvelles formes de mécénat », Banque, juin 2005, p. 27-28.

(4) Anne MICHEL, « Naissance en France des prêts à la consommation sociaux », in Le monde, 6 janvier 2006

Semaine du microcrédit en avril 2005 constitue bien une promotion du microcrédit en France.

Le même souci de lutter contre l'exclusion financière a été expérimenté au Cambodge. En effet, le système bancaire cambodgien a été réduit à néant à l'époque des Khmers rouges (1975-1979). 90% de la population n'a pas accès au prêt classique(1). Aucune banque de développement n'existait à la sortie du régime Khmer rouge. Ainsi, dans les années 90 après les Accords de Paris en 1991, les ONG ont commencé à proposer des services de microcrédit aux populations démunies des zones rurales, dans le cadre du programme de développement. La plus importante ONG spécialisée dans le financement de proximité est l'Association des agences de développement économique local, mieux connue sous l'acronyme anglais ACLEDA(2), qui a été créée en 1993 avec le soutien du PNUD (Programme des Nations Unies de développement). Elle est devenue une banque spécialisée en 2000. Il est à noter que le microcrédit mené par les ONG dans les années 90 n'était pas réglementé puisqu'il était appliqué avant l'adoption même de la loi sur les institutions bancaires et financières du 18 novembre 1999. Aujourd'hui, le microcrédit est affiché comme une priorité du gouvernement.

2.6.2. En Afrique

Dans le passé et encore aujourd'hui dans certaines parties de l'Afrique, le microcrédit a souvent été lié à l'usure. Les marchands, dans le Sud comme dans le Nord, qui accordent de petits crédits à ceux qui ne peuvent joindre les deux bouts ont été les premiers à prêter de petites sommes aux villageois qui n'avaient pas l'argent pour payer les médicaments ou les frais de scolarité des enfants. Malgré les taux d'intérêt très élevés, souvent camouflés en remboursements en nature au moment de la récolte, les usuriers avaient du succès et s'étaient enrichis car étant proches des besoins des populations parmi lesquelles ils vivaient. Cette proximité et cette intégration du prêteur dans le milieu culturel des emprunteurs sont importantes car cette connaissance réciproque était le moyen de la couverture du risque. Mais peu à peu, ces

(1) « Micro finance of Cambodia », National Bank of Cambodia, 2006.

(2) Pour en savoir plus : www.gdrc.orf/icm/country/acleda-base.html (page sur ACLEDA).

prêteurs furent contestés à cause d'intérêts trop importants qu'ils demandaient. Ce furent alors dans certaines régions les églises et les prêtres qui prirent l'initiative d'organiser le petit crédit local. Le premier objectif de ces initiatives fut de rassembler l'épargne des populations. Le curé de la paroisse fut souvent le trésorier assurant la garantie que l'argent épargné était bien en sécurité. Mais l'épargne, dans ces caisses locales servait souvent à des dépenses de consommation. Ce n'est que plus tard que l'épargne globale de ces caisses devenant importante, furent créées de petites banques qui commencèrent à prêter pour promouvoir des entreprises locales et soutenir des activités économiques.

En Afrique existaient déjà depuis plusieurs siècles les tontines qui étaient des associations de personnes qui, unies par des liens familiaux, d'amitié, de profession, de clan ou de région, se retrouvaient à des périodes d'intervalles plus ou moins variables afin de mettre en commun leur épargne pour résoudre des problèmes particuliers ou collectifs. En effet, les Africains se sont depuis longtemps groupés pour travailler ensemble successivement dans le champ de chacun d'eux ou construire chaque maison l'une après l'autre dans le village. Ils constituaient de cette façon une tontine de travail qui pouvait servir par exemple à creuser les tombes, ou alors une tontine en nature pour acheter des tuiles ou organiser une fête. Ce n'est que plus récemment, quand la monnaie a commencé à circuler, qu'ils ont constitué des tontines d'argent. Il n'y a que peu de temps que des écrits mentionnant l'existence de tontines en Afrique sont apparus. En 1952, W.R. Bascom parle de l'esusu au Nigéria et dans les pays voisins où il est couramment pratiqué par les musulmans yorubas. L'esusu serait apparu en réalité vers le milieu du 19ème siècle(1).

Au cours de ces dernières années, les gestionnaires du microcrédit se sont développés et diversifiés face à la demande, ce qui nous permet de les classer de la manière suivante :

(1) Ernest HARSCH, le microcrédit progresse en Afrique, ses partisans préconisent qu?on lui accorde davantage d?attention dans la région, dans le site www.ceformad.org

1. Les caisses locales d'épargne et de crédit et les tontines, esusu, likelemba, kinkurimba...

Il existe de nombreux clubs de crédit qui selon les pays s'appellent tontines, esusu, likelemba, kinkurimba etc. Ces derniers existent depuis plusieurs décennies et sont la forme traditionnelle la plus efficace de l'épargne et du petit crédit. Tout comme les caisses locales et mutuelles, ils ne sont pas reliés à de grandes organisations et à des banques. Ils agissent de façon autonome pour un groupe de villages ou un quartier urbain. Ils reçoivent l'épargne de leurs membres, fixent euxmêmes les taux d'intérêt sans tenir compte des lois et du marché financier. Ils sont par conséquent informels. Les membres se prêtent entre eux l'argent épargné et ils font donc rarement appel au marché financier et à l'aide extérieure. Ils répondent parfaitement aux besoins locaux et les remboursements sont excellents car tout le monde se connaît. Tous ces groupes ne visent cependant pas en priorité les plus pauvres, mais leur présence dans certains des villages les plus petits et les plus reculés, la souplesse de leurs procédures et le fait qu'ils soient disposés à prêter en tenant compte de garanties à caractère social plutôt que de la possession de biens fonciers, permettent aux petits emprunteurs de s'adresser à eux bien plus facilement qu'aux grandes banques. Au Nigéria par exemple, 30 à 50 % de la population adulte fait partie d'un esusu.

2 Les syst~mes nationaux et internationaux d'épargne et de crédit.

De nombreuses caisses locales d'épargne et de crédit se sont organisées en Afrique pour obtenir davantage de crédit que les possibilités créées par leur épargne et répondre ainsi à la demande locale ou pour placer l'épargne non prêtée. Elles ont donc constitué des unions et fédérations, quelquefois puissantes comme l'Association Africaine de crédit agricole. Au niveau national, prenons l'exemple de l'Afrique de l'Ouest où des organisations telles que Nyesigiso et Kafo Jiginew au Mali, l'ACEP au Sénégal, la FECECAM au Bénin rassemblent des dizaines de milliers de membres épargnants et/ou emprunteurs. Ce sont de plus des partenaires efficaces et incontournables de l'attribution du crédit au monde paysan ou aux artisans du secteur

non formel urbain. Ces unions et fédérations sont bien organisées, les taux d'intérêt utilisés pour rétribuer l'épargne ou prêter aux paysans, aux commerçantes ou aux femmes entrepreneurs varient selon les cas mais sont souvent en-dessous des prix du marché. Il n'est pas rare de constater que ces caisses ne s'autofinancent pas, principalement à cause des frais engendrés par leurs efforts de formation.

3 Les fondations et ONG, gestionnaires de microcrédits.

Depuis une vingtaine d'années, de très nombreuses fondations ou ONG se sont créées pour distribuer et gérer le microcrédit en Afrique. Ces organisations agissent comme des intermédiaires entre les « financeurs » (agences de coopération, ONG du Nord, banques, etc.) et les demandeurs de crédit, isolés ou organisés en petits groupes professionnels. C'est ainsi que dans l'optique de répondre aux besoins exprimés par les producteurs locaux, se sont créés l'APEM à Madagascar, Start Up Fund en Afrique du Sud... Des millions de petits producteurs ou commerçants dépendent de leur action. Le problème de ces organisations est que leur coût d'intervention étant élevé, elles doivent facturer leurs services au prix coütant, ce qui entraîne une forte augmentation des taux d'intérêt.

4 Les Banques de microcrédit.

Depuis quelques années, entraînées par l'expérience de la Grameen Bank du Bangladesh, de grandes Fondations et ONG du microcrédit de plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne ont leur propre banque. Limitées dans leur financement et souvent par des règles administratives nationales, ces organisations, face à la demande considérable de crédit émanant des petits producteurs et commerçants du milieu informel mais aussi des petites et moyennes entreprises naissantes ou en développement, ont instauré des instruments financiers qui ont évolué vers la création d'institutions financières formelles et de banques, spécialisées dans le financement du microcrédit. A titre d'exemple la Banque K-REP et la JAMII BORA du Kenya qui gèrent chacun un portefeuille de microcrédit supérieur à 10 millions de dollars américains et qui figurent sur la liste des institutions financières de proximité, avant-gardistes et

résolument engagées dans la lutte contre la pauvreté(1) . Par ailleurs, les professionnels du microcrédit se sont dotés des instruments financiers et des banques nécessaires pour bénéficier des lignes de crédit accordées par les Banques internationales de développement ou les Agences bilatérales de coopération.

Une étude menée dans 17 pays d'Afrique subsahariens par le PNUD et la Banque mondiale a permis d'identifier 98 établissements de micro financement et de financement rural. La moitié des entités ainsi recensées sont des organisations non gouvernementales qui fournissent des services financiers de petite échelle, un tiers sont des associations d'épargne et de crédit, le reste se compose de banques et autres institutions financières qui octroient de petits prêts. Par ailleurs, d'après un document d'information sur les associations de crédit africaines récemment publié par Afrique Relance, le nombre officiel de membres des mutuelles affiliées à l'Association des coopératives d'épargne et de crédit d'Afrique ( ACECA ) est passé de 1,6 million en 1984 à 5,6 en 1994. Le Kenya en compte à lui seul 1,3 million, dont l'épargne atteint au total presque 338 millions de dollars.

Mais pour favoriser l'essor du microcrédit en Afrique, il est nécessaire de mieux encadrer ce système. En effet suite au sommet du microcrédit de Washington de 1997, les représentants africains ont déploré que ce dernier se soit surtout intéressé au succès du Microcrédit en Asie et en Amérique Latine. La représentante de la « Women`s world Banking du Ghana » avait alors déclaré : « On n'a pas du tout prêté attention à l'Afrique ». Dans le but par conséquent de pallier à ce manque d'intérêt de la communauté internationale et d'améliorer la gestion de la microfinance sur le continent africain, divers forums se sont mis en place et aujourd'hui le système de microcrédit africain semble susciter un intérêt certain de la part de l'Occident. Ainsi, le rapport 2006 sur la campagne du microcrédit fait état des résultats atteints par la communauté internationale. En date du 31 décembre 2005, 31333 institutions de microcrédit ont par exemple affirmé desservir 113 261 390 clients ayant un prêt en cours, dont 81 949 036

(1) Lambert MIMPIYA Akan, « la microfinance éradique- t- elle la pauvreté ? » In Congo Afrique n°428 octobre 2008, p 666

étaient considérés comme faisant partie des plus pauvres lorsqu'ils ont contracté leur premier emprunt. Selon ce rapport, depuis 1997 le microcrédit a connu une évolution indéniable, et cela est notamment valable pour l'Afrique sub-saharienne. En effet, étant donné que l'Afrique est la seule région du monde où l'on prévoit une aggravation de la pauvreté, il y a là une solide raison d'accorder une attention particulière aux familles les plus démunies de ce continent. Cependant dans ce contexte il est aussi essentiel d'analyser le rôle des gouvernements africains dans le développement du microcrédit.

C'est à titre d'exemple dans cette optique que le 8 avril 2005 les dirigeants de 20 pays africains se sont rassemblés à Cotonou pour discuter des défis posés par le microcrédit en Afrique. Ministres des finances et gouverneurs de Banques centrales ont donc examiné avec les responsables des institutions de microfinance, partenaires au développement et investisseurs privés, les conditions qui permettront au continent africain, à travers son secteur de la microfinance, de réaliser les objectifs assignés par les Nations-Unies pour l'édification d'ici 2015 d'un secteur financier accessible au plus grand nombre. Les gouvernements africains commencent donc à s'intéresser aux opportunités de développement qu'offre le microcrédit. Prenons l'exemple du gouvernement burkinabé qui à Ouagadougou a décidé de mettre en place une stratégie avec les partenaires techniques et financiers permettant de généraliser l'accès des burkinabés (surtout les plus démunis) à un système financier ouvert. Ce plan d'action de la stratégie nationale de microfinance est à hauteur de 12, 555 milliards de nos francs et s'articule autour de cinq axes principaux : il s'agit d'aménager le cadre légal, réglementaire et fiscal ; renforcer les capacités de gestion des institutions de microfinance ; développer et diversifier les services financiers ; et enfin professionnaliser les institutions et améliorer leur système d'information et de communication en vue de favoriser l'intégration du secteur au système global. Il y a ainsi une réelle volonté de ce gouvernement de faire de la microfinance « un puissant système alternatif d'intermédiation financière capable de toucher les plus défavorisés ». Selon le Directeur Général du Trésor Public et de la Comptabilité, Lucien Marie Noël Bembamba, le plan d'action vise à lever les contraintes auxquelles fait face le secteur. Il s'agit de pallier au faible taux de couverture et de gouvernance au sein de ces institutions et ce, pour

permettre à la microfinance de jouer pleinement son rôle d'outil de lutte contre la pauvreté.

2.6.3. En RDC

D'après MPANZU Balomba1 l`histoire de la microfinance en République Démocratique du Congo se subdivise en trois périodes, à savoir :

· De la période coloniale à 1970 ;

· De 1970 à 1990 ;

· De 1990 à nos jours

De la période coloniale à 1970

Par le décret du 24 mars 1956, le législateur a organisé la création et le fonctionnement des « sociétés coopératives indigènes » dont l`objet social était de promouvoir, par la mise en oeuvre des principes de la coopération, les intérêts économiques et sociaux de leurs membres exclusivement.

Toutes les sociétés de type coopératif, y compris les coopératives d`épargne et de crédit ou COOPEC, étaient assujetties à cette loi et placées sous la tutelle du Gouverneur de province. A cette période, aucune structure financière de proximité formelle d`initiative privée n`a été agréée. Par contre, le pouvoir colonial a créé la Caisse d`Epargne du Congo (CADECO), Institution de droit public, afin de collecter les petites épargnes.

Après l`indépendance, en 1969 précisément, la première COOPEC congolaise, « la Caisse Populaire Coopérative » fut créée à Mbuji-Mayi (Province du Kassaï Oriental) mais son expérience ne fût pas concluante faute de cadres compétents.

1 MPANZU Balomba, Microfinance en République Démocratique du Congo : cas du site maraicher de Ndjili/ CECOMAF à Kinshasa, DES en Economie et Sociologie rurale de la Faculté Universitaire de Gembloux (FUSAGx) et UCL, 2004-2005, P 23-24.

De 1970 a 1990

Cette période est caractérisée par l`émergence des coopératives d`épargne et de crédit (COOPEC), en raison notamment de l`accessibilité des services offerts aux membres et de leur implantation dans les milieux les plus reculés du pays dépourvus de banques. Toutefois, faute d`un cadre légal spécifique, ces dernières continueront à se conformer aux dispositions du décret de 1956 et de ce fait seront désormais placées sous la tutelle du Ministère du Développement Rural.

Le mouvement coopératif congolais se développa donc autour de trois foyers principaux notamment Bansankusu (Equateur) en 1970, Bukavu (Kivu) et Kinshasa en 1971 avec la création du réseau « Fédération des Caisses Populaires de Crédit LUYMAS/CBCO ». Dès ce moment, le mouvement s`est répandu sur tout le territoire national et plus sensiblement à Kinshasa, dans les provinces du Bas-Congo, du Bandundu et du Kivu.

La structure des COOPEC congolaises est caractérisée par une organisation à trois niveaux, le niveau primaire (COOPEC), le niveau secondaire (Centrale) et le niveau tertiaire (Union ou Fédération).

Les COOPEC se chargent de la mobilisation et de l`octroi des crédits aux membres. Les centrales regroupent plusieurs COOPEC dont elles assurent entre autres la cohésion. L`Union a plusieurs missions dont celle de représentation et de coordination des activités du réseau.

En 1987, les coopératives détenaient l`équivalent de 7% de l`épargne du secteur bancaire. Elles étaient pour la plupart affiliées à des centrales provinciales regroupées à leur tour au niveau national en une Union des Coopératives Centrales d`Epargne et de Crédit « UCCEC ». En 1989, l`UCCEC supervisait cinq réseaux

provinciaux totalisant 145 coopératives primaires, 274.389 membres et 4,9 millions de dollars américains d`épargne (Lebughe M. et al, 2003)(1).

De 1990 a nos jours

Depuis 1991, le contexte socio-économique et politique difficile caractérisé notamment par les pillages, l`hyperinflation, la prise des mesures monétaires incohérentes et l`instabilité politique, a contribué à fragiliser le système financier en RDC et particulièrement les COOPEC.

Ainsi, les coopératives ont perdu, entre 1991 et 1993, près de 80 % de leur clientèle et 66 % des fonds placés dans les banques de dépôt, justifiant ainsi le climat de méfiance des membres envers ce mouvement (Lebughe M. et al, 2003)(2).

La plupart des COOPEC se sont regroupées en 15 centrales et ont adhéré à des structures faîtières de 3ème niveau, à savoir l`Union des Coopératives Centrales d`Epargne et de Crédit (UCCEC) et la Confédération Nationale des Coopératives d`Epargne et de Crédit (CONACEC).

Les Institutions de microfinance autres que les COOPEC, se sont développées en RDC dans les années 1990, dans le secteur informel. Elles sont l`oeuvre, dans la quasi majorité des cas, des Organisations Non Gouvernementales « ONG » et des initiatives locales de Développement.

Avec la crise économique qui sévit en République Démocratique du Congo depuis plus d`une décennie et qui a laissé des séquelles sur le système financier (caractérisé par - la faillite des banques commerciales contrôlées par l`Etat et l`essoufflement de celles à capitaux privés ; - la réduction significative des activités des institutions financières non bancaires ; - le ralentissement sensible de l`activité des

(1) LEBUGH N., NDOBA E. et GERE K, Systèmes financiers décentralisés en Afrique de l`Est. Cas de la RDC cité par MPANZU BALOMBA, Op. Cit, p.24, 2003

(2) MPANZU BALOMBA, Op. Cit, p.24, 2003

COOPEC en matière de collecte de l`épargne et de distribution de crédit), la nécessité de promouvoir des structures alternatives de financement capables d`assurer la mobilisation de la petite épargne, d`octroyer du crédit en milieu rural et milieux urbains défavorisés, et de créer des conditions d`une insertion progressive du secteur informel de l`économie moderne se fit sentir.

En plus, de nombreux ménages, confrontés au problème de pauvreté, ont entrepris des activités nouvelles capables de générer des revenus et à concevoir des microprojets en quête de micro financements. En réponse à ces attentes, on a assisté à l`éclosion d`une catégorie d`institutions chargées de mobiliser des ressources tant internes qu`externes et capable d`octroyer des microcrédits. Elles ont donc commencé à offrir des services financiers, de crédit et/ou d`épargne, aux personnes les plus démunies ne pouvant accéder aux avantages du système bancaire classique.

C'est ainsi que la Banque Centrale du Congo (BCC) se verra confié par l'état congolais la tache d'encadrement institutionnel des institutions de microfinance. En effet, le secteur de la microfinance étant devenu un outil d`émancipation économique et sociale, une Sous-Direction chargée de la microfinance a été mise en place au mois de septembre 2000 au sein de la BCC. Ainsi, les missions ci-après ont été assignées à cette Sous- Direction :

> dresser le diagnostic du secteur et constituer une base de données fiables et actualisées ;

> vérifier et contrôler la conformité des opérations aux instructions réglementaires y relatives;

> s`assurer de la régularité de la gestion interne et de la conformité des activités des organismes de microfinance aux dispositions légales en la matière.

2.7. Conclusion partielle

À travers ce chapitre, nous avons effectué une revue de littérature sur le microcrédit et aussi sur la microfinance grâce aux théories qui selon Robinson cité par Koveos et Cie., ont contribué au développement, et à la croissance de la microfinance à

savoir: l'asymétrie d'information et la théorie d'agence, les coûts de transaction, le système de gouvernance préconisé par le Comité d'Echanges, de Réflexion et d'Information sur les Systèmes d'Epargne- Crédit (CERISE).

En somme du slogan énoncé à l'occasion du Sommet mondial du microcrédit en février 1997 à Washington, l'importance et la reconnaissance du microcrédit comme étant une nouvelle forme innovante s'accroissent jour en jour. Son objectif, nous l'avons déjà souligné, est de permettre à des personnes exclues du système bancaire d'accéder à un crédit afin d'entreprendre une activité génératrice de revenus et de réduire, par conséquent, la pauvreté. Cette reconnaissance a été doublement remarquée, d'une part, par l'adoption de l'année 2005 comme l'Année internationale du microcrédit et par le Sommet global du microcrédit en 2006 à Halifax(1), et d'autre part, par l'attribution du 13 octobre 2006 du prix Nobel de la paix au professeur Mohamad Yunus(2) et à sa banque, la Grameen Bank.

Mais cet engouement suscité par le sommet de Washington soulève encore aujourd'hui beaucoup de réflexions sur la réalité de l'efficacité du microcrédit quant au rôle qui lui est confié. Ce mémoire de DEA en Sociologie à l'Université de Lubumbashi, s'inscrit dans ce cadre. Car bien que économiquement et socialement utile et séduisant, le microcrédit dans le contexte de genre et de lutte contre la pauvreté doit nous amener à vérifier si les prêts (microcrédits) accordés aux femmes lushoise leur ont permis de modifier positivement leurs situations socio-économiques.

(1) Ce Sommet s'est tenu du 12 au 15 novembre 2006 à Halifax, Nouvelle-Écosse, au Canada.

(2) Professeur d'économie à l'université Chittagong et fonctionnaire à la Banque Mondiale et au FMI. Il a fait ses études de doctorat et son PHD aux Etats-Unis et a commencé à enseigner l'économie à l'Université de Chittagong en 1972. Le prix Nobel de la paix lui a été attribué et à sa Banque, le 13 octobre 2006. Le président du comité Nobel, Ole Danbolt Mjoes, a déclaré que « une paix durable ne peut pas être obtenue sans qu'une partie importante de la population trouve les moyens de sortir de la pauvreté ». Ce prix contribue à la reconnaissance internationale du microcrédit comme outil de lutte contre la pauvreté.

CHAPITRE III : LES MANIFESTATIONS DE LA PAUVRETE DE LA FEMME LUSHOISE

3.1. Introduction

Dans ce chapitre, nous allons faire un aperçu général sur la pauvreté, c'est-à-dire nous aborderons les approches conceptuelles ainsi que les méthodes d'analyse de la pauvreté avant de préciser celle que nous utiliserons dans ce mémoire.

En effet, s'inscrivant dans le cadre de genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi, ce travail voudrait montrer que la pauvreté affecte aussi bien les ménages dirigés par des hommes que ceux dépendant économiquement d'une femme, en dépit de la discrimination sociale que subissent, en général, ces dernières en matière de revenus et d'emplois.

Ce chapitre montre également qu'au delà de sexe du chef de ménage, traité dans le sous point : « la répartition sexospécifique du travail à Lubumbashi », le manque d'actifs sur le marché du travail est un facteur déterminant de la pauvreté des ménages. Voilà pourquoi le travail des femmes, bien que secondaire pour les uns, constitue l'une des articulations majeures des stratégies de survie, en particulier dans les ménages dont le chef est un homme ; une majeure stratégie de lutte contre la pauvreté. C'est dans ce cadre que nous aborderons la question du travail des femmes et la survie des ménages.

3.2. Cadre d'analyse et de calcul de la pauvreté

Si tout le monde prétend avoir une idée de ce qu'est la pauvreté, notons cependant que cette notion fait encore l'objet depuis des années de plusieurs réflexions et de plusieurs approches. Dans ce cadre Mitonga souligne, Si dans le sens le plus large chacun s'accorde à considéré la pauvreté comme un état individuel où le

niveau de bien être est insuffisant et socialement inacceptable, il n'en va pas de même en ce qui concerne les modalités de son identification et de sa mesure(1).

L'analyse de la pauvreté est un bon moyen pour apprécier l'ampleur de la crise que traverse l'économie mondiale, car elle est un miroir qui nous renvoie l'image des sociétés telles qu'elles sont et non telles qu'elles se prétendent être grace à des discours idéologiques. Jean Jacques GOUGUET dit même qu'on ne triche pas avec la pauvreté, car au delà de tous les discours sur la capacité de nos sociétés modernes à réaliser le bonheur du plus grand nombre, il faut bien se rendre à l'évidence : la pauvreté subsiste au niveau mondial, y compris dans le pays riches qui ont pourtant largement les moyens de l'éliminer(2). Voila pourquoi nous pensons qu'il faut relire le phénomène de la pauvreté en tenant compte des acteurs locaux, c'est-à-dire des ONG et les pauvres eux-mêmes.

La réduction de la pauvreté est un objectif majeur, mais l'influence d'un processus de croissance sur la résorption de la pauvreté dépend aussi bien de l'accroissement des revenus que de la distribution des revenus, autrement dit de l'ampleur des inégalités.

On distingue généralement deux options méthodologiques de la pauvreté. La première qualifiée d'approche « selon les capacité », privilégie les aspects non monétaires de la pauvreté, qu'elle envisage comme une privation de droits. C'est l'optique retenue par les Nations-Unies dans le rapport mondial sur le développement humain (PNUD 2000). Les individus sont appréhendés comme les détenteurs des droits élémentaires reflétés par leur caractéristiques individuelles, tels que leur niveau de revenu, leur état de santé général, leur niveau d'éducation, etc. Ces droits caractérisent l'espace des capacités individuelles, c'est-à-dire les facultés de chacun à accéder à un certain niveau de bien être mais également à augmenter les champs de possibilités.

(1) MITONGA Kabwebwe H, La pauvreté- déterminant majeur et conséquence de l?épidémie du VIH/SIDA dans une contrée frontalière en Afrique australe, cas de la frontière de Kasumbalesa (RDC-Zambie), thèse de doctorat en santéPublique, UNILU, 2009-2010, P.75

(2) GOUGUET J. J., L?éradication de la pauvreté... Op Cit, P.116

Dans une telle perspective, la pauvreté peut alors se mesurer directement par l'estimation des « fonctions de capacités » de chaque individu (Ravalions, 1998)(1).

En fait, cette première approche a été aussi développée par Amartya Sen(2) et a amélioré la compréhension du phénomène de pauvreté et celui de vulnérabilité. Selon cette approche, la pauvreté se caractérise par « l'absence des capacités fondamentales pour fonctionner », pour « être et faire ». Cette approche sur les capacités réconcilie les notions de pauvreté absolue et relative, puisque un manque relatif de revenus et de biens peut conduire à un manque absolu des capacités minimales. Le concept de « pauvreté humaine » qui a été introduit par le PNUD dans son Rapport sur le développement humain de 1997, ainsi que le concept de « développement humain soutenable », sont basés sur cette approche des « capacités » d'Amartya sen. Distincte de la « pauvreté de revenu », mais néanmoins liée, la « pauvreté humaine » fait référence à la dénégation des opportunités et des choix pour accéder à une vie tolérable. La pauvreté est vue comme multidimensionnelle. De plus, la pauvreté est un phénomène relatif : même dans un pays riche où la pauvreté monétaire est moins fréquente, la pauvreté monétaire relative peut engendrer une pauvreté absolue dans certaine dimensions du développement humain telles que l'estime de soi ou la capacité à trouver un emploi décent. Les causes de la pauvreté et pas simplement ses symptômes.

Un index de pauvreté humain (IPH) a été construit par le PNUD afin de mesurer la privation de développement humain élémentaire, à travers l'absence de capacités, comme une faible espérance de vie, le manque d'éducation de base, le manque d'accès à l'eau potable et aux soins de santé. Malgré les difficultés inhérentes à une telle mesure, le développement de ce nouvel indicateur sur la pauvreté est très utile pour évaluer la situation actuelle et son évolution, mais il est regrettable que l'IPH ne soit sexué.

(1) MITONGA Kabwebwe H, op Cit, p76

(2) SEN, A, un nouveau modèle économique : développement, justice, liberté, Paris, Ed. Odile Jacob, 2000, p.112

La seconde approche méthodologique peut être qualifiée d'approche « par l'utilité » (Banque Mondiale 2000). La pauvreté y est considérée essentiellement sous son aspect monétaire et, face à l'impossibilité d'évaluer directement l'utilité des agents, c'est le niveau des dépenses de consommation qui est choisi pour mesurer le bien être individuel. Cette approche suppose en fait implicitement que chaque individu adopte un comportement maximisateur et que les biens consommés sont les arguments principaux de leur fonction de-bien-être (Banque Mondial, 2000).

A ce sujet, parlant de l'Aggravation de la pauvreté en République Démocratique du Congo, MPANZU Balomba, souligne que sont considérés comme pauvres dans le pays les ménages qui consacrent plus de 50% du budget de consommation à l'alimentation. Sur cette base, une enquête budgets-ménages effectuée dans les grandes villes en 1995 indique que la pauvreté frappe un peu plus de 80% des populations urbaines en République Démocratique du Congo. Par ailleurs, le PIB par habitant est passé de 96,8 dollars US en 1997 à 68,3 dollars en 2000, soit 0,19 $ par jour et par personne. Ce qui est loin du seuil de 1 $ par jour préconisé au niveau international (Ministère du Plan et de la reconstruction, 2002).

Le même rapport du Ministère du Plan et de la Reconstruction affirme que les dépenses de santé sont tombées de 0,8% du PNB en 1990 à 0,02% en 1998 contre une moyenne de 1,8% du PNB pour l'Afrique sub-saharienne. Elles ont représenté 0,3% des dépenses totales en 1998 contre 3,9% en 1990. En conséquence, toutes les maladies jadis éradiquées ont resurgi (trypanosomiase, lèpre, peste, etc.). S'agissant des dépenses de l'éducation, elles se sont maintenues à environ 0,1% du PNB entre 1990 et 1998, contre des moyennes sub-saharienne et des pays en développement se chiffrant respectivement à un peu moins de 5,0% et 3,0% du PNB en 1998. Le taux de scolarisation (tous niveaux confondus) évalué à 39% en 1997 est inférieur à la moyenne des pays en développement (59%) et de l'Afrique sub-saharienne (44%). Malgré l'intervention des ONG's, des confessions religieuses ainsi que la contribution croissante

des parents pour soutenir ce secteur, le système éducatif connaît encore d'énorme difficultés (Ministère du Plan et de la reconstruction, 2002).

La structure de consommation des ménages indique, selon une enquête urbaine de l`INS en 1985 que la pauvreté frappe indistinctement et à des degrés divers, toutes les classes sociales. Près de 74% de ménages des cadres et plus de 80% de ménages des employés sont pauvres. Toutes les deux catégories sociales frisent l`indigence. Ces proportions, très élevées, caractérisent bien la pauvreté en RDC, qui en fait est un véritable phénomène de masse. Elle frappe tout le territoire national aussi bien le milieu urbain que le milieu rural (DSRP, 2002)(1).

Le concept de pauvreté de revenu ne permet pas d'approfondir la relation entre le genre et la pauvreté : les mesures quantitatives basées sur ce concept considèrent le ménage comme une entité homogène, et supposent une répartition équitable entre ses membres. Les promoteurs de la croissance pour lutter contre la pauvreté veulent faire croire que les bénéfices de la croissance se répandent automatiquement sur les ménages les plus pauvres, ce qui est largement démenti par les faits. De même, le concept de pauvreté de revenu laisse supposer que le bénéfice d'un revenu est réparti également entre les membres du ménage. C'est ignoré les conflits, inégalités et relations de pouvoir bien réelles à l'intérieur des ménages. Partout la loi, la tradition ou la religion désigne l'homme comme chef de famille et lui attribue le pouvoir de décision sur l'ensemble des biens et décisions concernant le ménage. Mais, non seulement l'homme dispose le plus souvent de la décision sur l'utilisation des ressources. Il ne les utilise pas de la même manière : des études ont mis en évidence les différences suivant que c'est l'homme ou la femme qui dispose des ressources : contrairement à l'homme, la femme consacre la plus grande part de ses ressources à la santé des enfants et à une meilleure nutrition(2). Le concept de pauvreté de revenu reproduit donc les carences des théories économiques classiques qui assimilent le ménage à une unité indivisible, avec une répartition égalitaire des ressources et des

(1) MPANZU Balomba, Op. Cit, p.12-13

(2) UNICEF, rapport sur le progrès des femmes, 2000

capacités ; il est inapte à fournir une analyse et une mesure de féminisation de la pauvreté.

Le concept de pauvreté de revenu ne permet pas d'approfondir la relation entre le genre et la pauvreté : les mesures quantitatives basées sur ce concept considèrent le ménage comme une entité homogène, et supposent une répartition équitable entre ses membres. Les promoteurs de la croissance pour lutter contre la pauvreté veulent faire croire que les bénéfices de la croissance se répandent automatiquement sur les ménages les plus pauvres, ce qui est largement démenti par les faits. De même, le concept de pauvreté de revenu laisse supposer que le bénéfice d'un revenu est réparti également entre les membres du ménage. C'est ignoré les conflits, inégalités et relations de pouvoir bien réelles à l'intérieur des ménages. Partout la loi, la tradition ou la religion désigne l'homme comme chef de famille et lui attribue le pouvoir de décision sur l'ensemble des biens et décisions concernant le ménage. Mais, non seulement l'homme dispose le plus souvent de la décision sur l'utilisation des ressources. Il ne les utilise pas de la même manière : des études ont mis en évidence les différences suivant que c'est l'homme ou la femme qui dispose des ressources : contrairement à l'homme, la femme consacre la plus grande part de ses ressources à la santé des enfants et à une meilleure nutrition(1). Le concept de pauvreté de revenu reproduit donc les carences des théories économiques classiques qui assimilent le ménage à une unité indivisible, avec une répartition égalitaire des ressources et des capacités, il est inapte à fournir une analyse et une mesure de féminisation de la pauvreté.

Le concept de pauvreté humaine permet d'éclairer la relation entre le genre et la pauvreté. Le ménage reste une unité très importante pour l'analyse de la pauvreté, mais il est décomposé pour permettre d'évaluer la pauvreté et le bien être relatif de chacun de ses membres. Cette approche met en évidence les inégalités entre les hommes et les femmes concernant la privation d'éducation de base, l'accès aux soins de santé, l'espérance de vie, ainsi que les contraintes sociales pesant sur les

femmes, que ce soit dans le cadre, mais aussi hors du cadre du ménage, les contraintes sur les castes les plus basses, les minorités, etc.

A la question de savoir si les femmes sont plus pauvres que les hommes, l'approche selon la perspective de la pauvreté humaine et des capacités : d'une part permet de répondre, d'autre part montre que les femmes sont effectivement plus pauvres dans la plupart des sociétés, et dans la plupart des dimensions constituées par les différentes capacités comme l'éducation et la santé.

Les femmes et les filles, on l'a dit, sont très souvent pénalisées dans l'allocation des ressources à l'intérieur des ménages à cause du système patriarcal, hérité de la tradition Judéo- chrétienne. Il est plus difficile pour elles de transformer leurs capacités en revenus ou bien-être. Dans toutes les cultures et quel que soit le niveau de développement, les femmes assument le travail non rémunéré de reproduction et de soins. Partout, leur temps total d'activités payées et non payées est plus important que celui des hommes(1). En moyenne, les femmes travaillent plus. Malgré de grandes difficultés d'accès aux crédits et à la formation, elles travaillent le plus souvent dans le secteur informel, ces activités leur permettent de combiner leur travail payé et celui non payé de reproduction. Le secteur informel signifie aussi absence de protection sociale, d'assurance maladie et de droit à la retraite. Les normes sociales peuvent les empêcher de prendre un travail payé, ou les contraindre à une mobilité réduite, les conséquences des guerres font que les femmes et les enfants constituent la grande majorité dont des réfugiés. Enfin les violences envers les femmes sont une réalité dont on mesure de plus en plus l'ampleur à l'échelle mondiale : le problème de la violence constitue un handicap très lourd à l'autonomie et à la dignité des femmes. Pour toutes ces raisons, les femmes voient leurs capacités restreintes, et elles sont à la fois plus pauvres et plus vulnérables à la pauvreté chronique.

La nouvelle conceptualisation de la pauvreté basée sur les capacités permet donc de mettre en évidence pourquoi et en quoi les femmes sont plus pauvres. Etant multidimensionnelle, cette approche de la pauvreté est essentiellement une

méthode qualitative et montre comment les méthodes strictement quantitatives reproduisent les liens sexistes ( cfr. la répartition des ressources dans le ménage). L'analyse quantitative, toujours nécessaire, doit être menée dans le cadre de cette approche qualitative, et en référence avec ses différentes dimensions.

Ainsi l'examen des statistiques qui existent permet d'appréhender la situation comparée des hommes et des femmes concernant différents aspects de la pauvreté. Même si elles sont encore insuffisantes, des données sexuées existent dans beaucoup de pays, elles concernent les capacités reconnues indispensables pour vaincre la pauvreté, comme l'alphabétisation, l'accès à la scolarisation (primaire, secondaire, supérieur), les salaires (à défaut de statistiques exactes sur les revenus), l'espérance de vie, la santé, la mortalité maternelle, l'anémie des femmes enceintes, la malnutrition des enfants de moins de 5 ans, ~

Ces données sont éloquentes : les filles représentent les 2/3 de l'ensemble des enfants non scolarisés dans le monde, et les femmes 70% des adultes analphabètes (Cependant, dans certains pays d'Europe et d'Amérique du Sud, la scolarisation des filles est équivalente à celle des garçons dans l'enseignement primaire et secondaire même plus forte dans l'enseignement supérieur).

Les salaires des femmes varient suivant les pays entre 44 et 84% de ceux des hommes. 80 à 90% des familles sont des ménages avec des femmes seules et des enfants (familles monoparentales). L'espérance de vie est la seule dimension où les femmes bénéficient normalement d'un avantage analysé comme biologique et estimé à environ 5 ans. Mais dans la plupart des pays, l'avantage réel est inférieur à 5 ans, ce qui traduit le fait que les femmes n'ont pas accès aux soins au même titre que les hommes. Dans certaines sociétés, l'espérance de vie des femmes est même inférieure à celles des hommes(1): - à cause d'une forte mortalité due à la maternité - à chaque minute une femme meurt en accouches par manque de soins ; - à cause de la malnutrition et du

manque de soins accordés aux filles et aux femmes, - à cause de l'infanticide des filles, - et de la progression du Sida qui touche de plus en plus les femmes.

Néanmoins, au vu des données disponibles, et avec les réserves qui ont été présentées, on comprend les sources de l'évaluation usuelle de 70% pour la féminisation de la pauvreté : elle reprend les statistiques concernant la non scolarisation des filles, l'analphabétisme des femmes, leur manque d'accès aux ressources et aux soins, leur handicap vis-à-vis des salaires, leur prépondérance dans les ménages monoparentaux frappés par la pauvreté. Compte tenu de ces diverses dimensions, l'évaluation de 70% représente un ordre de grandeur cohérent.

Si l'on peut placer un mot sur l'évolution de la pauvreté et la part des femmes dans la pauvreté, disons que globalement à l'échelle mondiale, la pauvreté a à peine évolué au cours de la dernière décennie : 1,28 milliard de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour en 1990, on est passé à 1,15 milliard en 1999(1). Où sont les bienfaits annoncés de la mondialisation financière et du libre échange ? Si la situation s'est améliorée en Asie de l'Est, ou est restée à peu près stable en Amérique latine et Caraïbes (sauf dans la dernière année où elle s'est dégradée en Argentine), elle a subi une forte régression en Afrique et en Europe centrale et orientale. La question de la dette et les plans d'ajustement structurels imposés à ces pays ont pesé lourd dans l'aggravation de leur situation à travers les restrictions des dépenses publiques de santé, d'éducation et de protection sociale. L'impact de ces politiques a particulièrement touché les femmes : lorsque l'éducation est devenue payante, on a observé dans de nombreux pays un recul de la scolarisation des petites filles qui est considérée comme moins importante que celle des garçons. L'aggravation des conditions de vie des femmes dans des régions comme l'Afrique et l'Europe de l'Est, directement liée à la mondialisation libérale, est une des causes du développement de la traite des femmes et de leur prostitution. Les inégalités entre les hommes et les femmes dans la vie économique et le manque de participation des femmes aux décisions constituent une des causes de la pauvreté chronique de tous les membres d'un ménage. La pauvreté

(1) Chiffres PNUD, 2002

mondiale ne reculera que si on associe étroitement la lutte contre les inégalités de genre à la lutte contre la mondialisation libérale. L'objectif d'égalité entre les sexes est une condition préalable à l'élimination de la pauvreté mondiale.

L'analyse sur la pauvreté recouvre deux dimensions essentielles. D'une part, elle suggère que l'on identifie le bien-être des individus ou des ménages afin de déterminer qui est pauvre. D'autre part, elle se rapporte à la façon d'appréhender et d'évaluer l'importance relative de la pauvreté au sein d'une population donnée. A cet égard, dans les pays en développement, la méthode des coûts des besoins de base est généralement utilisée pour déterminer un niveau de vie de référence, appelé seuil de pauvreté. Par ailleurs, l'identification du bien- être des ménages implique que l'on ait recours à des outils d'analyse permettant d'effectuer des ajustements liés à leur taille et à leur composition.

En pratique le seuil minimal en deçà duquel un individu peut être identifié comme pauvre ou non pauvre est signifié par un panier pondéré des biens, valorisé selon le système des prix en vigueur, et qualifié selon des lignes de pauvreté.

La ligne de pauvreté peut être absolue lorsqu'elle repose sur des critères universels tels que le besoin nutritionnel minimum des individus, ou relative lorsqu'elle tient compte des régularités de distribution au sein de la société considérée, comme par exemple seuil de deux tiers de la consommation moyenne par tête ajustée des ménages. Parfois, un deuxième seuil correspondant à une ligne dite « d'extrême pauvreté », est fixé au tiers de cette consommation moyenne par tête ajustée. (Jean- Marc Montaud, CDE).

Les données individuelles exhaustives sur des populations sont rares, c'est pourquoi des indices composites de « pauvreté » ou de défaveur sociale » ont été construits à partir des différentes unités géographiques. Leur intérêt a été largement démontré comme mesure de pauvreté / précarité, ainsi que pour leur relation avec les

phénomènes de santé ou encore avec la mortalité, les plus utilisés étant les indices développés par Carstairs (Carstairs, 2000) et Townsend (Townsend, 1987).

Les mesures territoriales de la pauvreté ou de la précarité peuvent être construites, soit à partir des méthodes additives (somme pondérée des variables) (carstairs, 2000 Townsend, 1991), soit par une approche multidimensionnelle de données (analyse en composante principale), comme par exemple l'indice de « défavorisation » développé par Pampalon et al. (Pampalon2000). Certains de ces indices sont utilisés comme outil pour la planification des accès aux soins et pour des phénomènes de santé (Pampalon ,2000 ; Laurent, 2000).

La pauvreté est un phénomène complexe à appréhender, nécessitant ainsi différentes approches. Il est cependant devenu classique de distinguer trois principales écoles de pensées sur la mesure de la pauvreté : l'école Welfarist, l'école des besoins de base et l'école des capacités. Ces trois écoles semblent être au moins d'accord sur le points suivant (Asselin et dauphin, 2000) : est considéré comme pauvre, toute personne qui n'atteint pas un minimum de satisfaction raisonnable ». Ce qui le distingue, cependant, c'est la nature et le niveau de ce minimum de satisfaction. Voyons brièvement l'argumentaire de chacune de ces trois approches.

a) I 'éFRlI-IJIZ I-lI.tJ(frt

Selon welfarist la « chose » en question est bien être économique.

Le concept du bien-être est approché à celui de l'utilité. Il est définit comme le degré de satisfaction atteint par l'individu par rapport au bien-être, ainsi que les décisions relatives à l'action publique qui sont fondées uniquement sur les préférences des individus. Le classement de ces préférences pour les biens est présenté par une fonction d'utilité dont la valeur est censée résumer statistiquement le bien-être d'une personne. Ainsi considérées, les utilités forment alors la base des préférences sociales y compris des comparaisons de pauvreté.

La théorie du bien-être sert de référence à l'analyse de la pauvreté monétaire. Du fait de l'impossibilité de mesurer les utilités, elle s'appuie sur l'utilisation du revenu(ou de la consommation) comme mesure du bien-être. En d'autres termes, si les individus partagent les mêmes préférences et donc ont la même fonction d'utilité non observable et s'ils font face au même système de prix, le classement par revenu sera le même que le classement par utilités à travers un des pré-ordres identiques (S. Marniesse, 1999).

L'école Welfarist souligne l'importance d'un accroissement des revenus, à travers une augmentation de productivité et de l'emploi comme stratégie de lutte contre la pauvreté.

b) IJ,FRl-IJG-s besoins de base

Pour l'approche des besoins de base, la « chose manquante » dans la vie des pauvres est un sous-ensemble de biens et services spécifiquement identifiés et perçus comme universels, communs aux hommes de différentes cultures et civilisations. Cette pauvreté des « conditions de vie » ou « pauvreté d'existence », traduit une situation de manque dans le domaine relatif à l'alimentation, à la santé, à l'éducation, au logement, etc. Cette approche de la pauvreté réclame d'une vision humaniste qui dépasse l'économie pour en appeler à la morale et à un développement de l'homme dans toutes ses dimensions (Destremau et Salama,2002).

Un des principaux problèmes auxquels est confrontée cette approche, est la détermination de ces besoins essentiels qui peuvent varier d'un individu à l'autre selon l'age et le sexe. Cette approche privilégie les politiques orientées vers la satisfaction des besoins essentiels dans la lutte contre la pauvreté.

b) L'école des capacités

Pour cette école, la chose qui manque n'est ni l'utilité ni la satisfaction des besoins de base, mais des habilités ou capacités humaines. Cette approche qui découle des travaux de Sen, prix Nobel d'économie en 1988 (prix Nobel des pauvres selon la presse britannique), se démarque en termes des besoins fondamentaux et s'inscrit dans le champ d'une réflexion sur la justice sociale, l'égalité et les inégalités. Les trois principales composantes de cette approche sont « les commodités », les « fonctionnements » et les « capabilités ».

Les commodités correspondent à l'ensemble des biens et services et possèdent la caractéristique de rendre possibles les « fonctionnements ». Ces derniers prennent en compte les accomplissements des individus, c'est-à-dire ce qu'ils « sont » et ce qu'ils « font » avec leurs ressources. La «capabilité» corresponde à l'ensemble des opportunités qui se présentent à une personne et parmi lesquelles elle peut choisir : ce sont les diverses combinaisons de fonctionnement qu'une personne peut réaliser. Ainsi, cette approche permet d'aborder la pauvreté en la considérant comme le résultat d'une incapacité à saisir les opportunités qui se présentent en raison d'un manque de capacité résultant d'une santé déficiente, d'une éducation insuffisante, de déséquilibres nutritionnels, etc.

La stratégie de lutte contre la pauvreté étudiée dans ce travail porterait évidemment ici sur le renforcement des capacités humaines de la femme lushoise.

On utilise, pour évaluer la pauvreté, l'indice de pauvreté qui rapporte le nombre de pauvres à l'ensemble de la population, et l'indice volumétrique de pauvreté, qui se mesure par le transfert de ressources qu'il faudrait opérer pour la même, disparaitre la pauvreté.

forme d'une capacité monétaire de consommation. Il s'agit de déterminer quel est le niveau monétaire de consommation qui puisse être considéré comme minimale ou, plus exactement, quelle est la limite du pouvoir d'achat qui permet de satisfaire les besoins élémentaires de l'homme.

L'étude de Ravallion (1998) fait le point sur la notion de la pauvreté absolue, au sens étroit en fonction des besoins nutritionnels. Pour chaque individu, les capacités d'activité sont fonction de la consommation alimentaire et de caractéristiques de l'individu (age, emploi...), étant entendu que les emplois requièrent plus au moins d'énergie selon qu'il s'agit de taches physiques ou de bureau.

Le seuil de la pauvreté est défini comme la consommation qui permet de maintenir un état de santé correct et d'exécuter les taches professionnelles.

Les travaux empiriques s'accordent sur la nature de la relation suivante : la consommation des calories est une fonction croissante non linaire (concave) de la dépense alimentaire. On peut estimer au moyen d'une régression cette relation ou, plus simplement considérer des ensembles homogènes de ménage (même activité, même système de prix) et les classer selon la dépense alimentaire et la consommation de calories par adulte.

En fonction d'une consommation minimale donnée des calories, on en déduit la valeur monétaire de la consommation qui garantit la satisfaction des besoins nutritionnels de base. Comme les enquêtes sur les budgets indiquent à la fois la consommation alimentaire et la consommation totale on connait en même temps la dépense totale correspondant au seuil de pauvreté.

Pour appliquer cette définition de seuil de pauvreté, il faut estimer empiriquement la relation entre dépense alimentaire(ou dépense totale) et consommation de calories. Si l'on fixe un seuil minimal de calorie (2450 calories par adulte, par exemple chiffre retenu selon la norme OSM) et dès lors, connaissant la

relation entre dépense alimentaire et consommation de calories, on en déduit le montant de dépense alimentaire de calories « food-energy initake » est connue depuis longtemps (avec Dandekar et Rath, 1971) et a été appliquée à de nombreux pays singulièrement en Afrique.

Plusieurs avantages justifient cette méthode. D'abord, d'après les nutritionnistes, toute personne qui consomme un certain nombre de calories par jour est quasiment assurée que ses besoins en protéines, vitamines et autres nutritifs figurent parmi les données assez fiables que l'on collecte dans les enquetes sur budgets des familles.

La méthode de détermination du seuil de pauvreté appliquée dans cette analyse part toujours du principe du besoin minimum de consommation énergétique dont la norme a été fixée par l'OMS à 2450 kcal/j/tête.

Le calcul du seuil de pauvreté se fonde sur, d'une part, la norme de l'OMS, qui fixe à 2450 Kilocalories le besoin énergétique journal d'un individu d'age adulte bien portant et d'autre part, la consommation en équivalent riz( 3500 Kilocalories par Kg) qui peut lui apporter une telle énergie. La valeur monétaire de la consommation minimale nécessaire est majorée de sa moitié pour tenir compte de l'ensemble des consommations non alimentaires.

Ainsi la dépense minimale (Dm) annuelle par tête qui est le niveau du seuil de pauvreté est obtenu par la formule :

Dm= 1,5X(2450/3500) X P X 7 jours] X 52 semaines

(Où P est le prix annuel moyen du kg de riz).

Cette formule peut aussi s'écrire comme ci-dessous : Seuil=1,5(

Quelle que soit la méthode d'estimation du seuil, celui-ci est à son tour utilisé dans la construction d'un ensemble d'indicateurs de mesure de pauvreté, suivant la formule générale (Foster-Greer-Thorbecke [1984]) :

Où :

S est le seuil de pauvreté

N est la population totale

n est le nombre de pauvres

a est le degré d'aversion pour la pauvreté, a

 

Le seuil de pauvreté représente le niveau de consommation au-dessous duquel nous considérons que les individus sont pauvres. Le seuil est exprimé sous la forme d'une capacité monétaire de consommation. Pour cette raison toutes les consommations des individus ont été valorisées ; il s'agit de déterminer le niveau monétaire de consommation qui puisse être considéré comme minimal ou, plus exactement, quelle est la limite du pouvoir d'achat qui permet de satisfaire les besoins élémentaires de l'homme. Une telle définition, pour absolue qu'elle puisse paraître, se révèle relative à l'usage.

Il est en effet possible de déterminer avec assez de précision pour un individu donné, ses besoins nutritionnels tirés sous forme de calories consommées quotidiennement et des divers nutriments essentiels tirés de son alimentation.

La conversion de ces besoins sous forme monétaire s'avère plus délicate. Quant à déterminer l'équivalent monétaire de l'apport minimal d'éducation ou de santé nécessaire à chaque être humain, cela nous amènerait à poser de savantes équations qui devraient intégrer des composantes culturelles, les apports de l'Etat, les consommations, les capacités individuelles et beaucoup d'autres variables encore.

Tableau: indicateur et mesure de la pauvreté

 

P

Indicateur

Mesure

0

 

Incidence de pauvreté

La proportion de pauvres

1

 

Profondeur de la
pauvreté

La distance au seuil de

pauvreté. Le revenu supplémentaire par pauvre pour atteindre le seuil de pauvreté sera PIS. Le pauvre dispose de (1-P1) S

 

2

Sévérité de la pauvreté

La moyenne des carrés

des écarts des pauvretés,
écarts exprimés en

proportion du seuil de
pauvreté.

Source: Foster-Greer-Thorbecke (1984), A class of decomposable poverty measures. Econometrica, Vol 52. Pp 761-766

L'indice Sen (M-F Jarret, F-R Mathieu (1998) est un indicateur composite de ces Po (Po et P1) plus l»indice Ginl de distribution des bas revenus (G) ;

Sen = Po (P1 + G(1-P1))=Po(P1+G-P1G)

On a donc choisi de s'appuyer sur un critère objectif pour déterminer le seuil de pauvreté. Pour cela on a déterminé le niveau de dépense au-dessus duquel la population ne satisfait pas ses besoins alimentaires, soit 2450 kcal.

Pour satisfaire ces besoins alimentaires, MITONGA a choisi du riz comme aliment pour constituer les 2450 Kcal requises pour une consommation journalière. Il a justifié ce choix par une double préoccupation : refléter et tenir compte des données d'indices de prix à sa disposition.

Au-delà de toutes ces considérations théoriques, force nous est de retenir ici que, la pauvreté est une notion toute relative et assez complexe. Alors que dans l`Union Européenne, on définit comme pauvre, toute personne dont le revenu est inférieur à la moitié du revenu moyen de l`ensemble de la population du pays considéré, beaucoup d`organisations internationales de développement se basent sur la notion de pauvreté

absolue, laquelle définit le pauvre comme étant toute personne dont le revenu journalier ne dépasse pas un dollar américain.

Se basant sur les déclarations des pauvres, la Banque Mondiale (2000) propose la définition synthétique suivante : « la pauvreté est un profond dénuement, un manque aigu de bien-être. Etre pauvre, c`est avoir faim, ne pas avoir un toit, ne pas avoir des vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir se faire soigner ; c`est être illettré et sans instruction. Les personnes démunies sont particulièrement exposées à des événements extérieurs qui échappent à leur contrôle : maltraitées par les institutions et la société, n`ont les moyens de se faire entendre, ni d`exercer une influence quelconque »

En nous basant sur un des quatre niveaux de pauvreté définis par l`OCDE, nous pouvons nous résumer en considérant comme pauvre une personne privée de certains cinq capitaux suivants: Le capital naturel (l`eau, la terre, les ressources environnementales), le capital social (les liens de solidarités entre membres d`un groupe social, l`accès aux institutions, ...), le capital humain (les connaissances, l`aptitude au travail, la santé,...), le capital physique (le patrimoine, l`accès aux infrastructures de base, les moyens de productions,...) et le capital financier (l`épargne, l`accès au crédit, assurances).

C`est donc de ces pauvres, des femmes de Lubumbashi, que la microfinance tente de s`occuper dans le but les faire sortir de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent.

3.3. La répartition sexospécifique du travail à Lubumbashi

Dans les régions de patriarcat strict d'Afrique et de la République Démocratique du Congo, en général, et de Lubumbashi en particulier, le confinement des femmes induit généralement un faible taux d'activités féminines. L'emploi dans la sphère publique représente un discrédit social pour la femme comme pour sa famille,

surtout s'il s'agit d'un travail salarié fourni pour autrui, « mwanamuke kani wa kwenda ku wayawaya na kutumikiya wengine inje ya jamaa yake ». Dans ce même cadre, elle est considérée, par des mentalités et pratiques culturelles traditionnelles qui l'avilissent et l'infériorisent toujours, comme une chèvre devant brouter l'herbe à coté de la maison « mwanamuke iko sawa buzi anapasha kula mayani karibu na nyumba». Ce qui revient à dire qu'elle ne peut pas travailler hors du toit conjugal.

La femme congolaise joue un rôle très important dans l'économie du pays, plus de 70% des femmes vivant surtout en milieu rural travaillent dans le secteur agricole. Elles participent à tous les travaux allant du nettoyage des champs jusqu'à la récolte en passant par le labour, le semis et le sarclage, alors que les hommes se limitent seulement à l'abattage de gros arbres. Ce sont encore les femmes qui assurent elles-mêmes le transport des récoltes, leur commercialisation ou leur transformation. La commercialisation des produits agro- alimentaires est assurée à 80% par les femmes(1). C'est grace à la femme rurale que les centres urbains, comme Lubumbashi, sont approvisionnés en produits agricoles. En ville, la pauvreté contraint souvent les femmes à travailler à l'extérieur de leur domicile, mais toute augmentation des ressources du ménage les incite ensuite à se retirer du marché de la main d'oeuvre. Le travail dans le secteur public de l'économie représente une exception à cette règle en ceci qu'il constitue une source d'emploi acceptable pour les femmes instruites. Par ailleurs, le rôle que jouent les femmes dans l'activité économique réalisée à domicile, même dans les ménages les mieux nantis, reste le plus souvent invisible et moins valorisé, autant socialement que statistiquement. Il est considéré comme un prolongement des taches domestiques féminines, ce qui a deux conséquences. Premièrement, le taux d'activités des femmes est extrêmement faible quand on le calcule selon la définition restrictive de l'organisation internationale du travail (OIT), car cette définition ne tient compte que des activités effectuées en contrepartie d'une rémunération ou d'un profit. Deuxièmement, le travail rémunéré des femmes et la pauvreté des ménages sont fortement corrélés.

(1) Programme national de promotion de la femme congolaise, septembre 1999, p.10

L'analyse de quelques statistiques de la République Démocratique du Congo nous permettra d'illustrer cette corrélation et de souligner certaines contraintes qui limitent la contribution des femmes, selon le principe d'égalité entre les hommes et les femmes. L'article 14 de la constitution de la République démocratique du Congo stipule ; ( la femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L'Etat garantit la mise en oeuvre progressive de la parité homme-femme dans lesdites institutions ». A l'occasion de la journée internationale de la femme le 8 mars 2010, l'observatoire de la parité a dressé un bilan à travers un rapport biennal de l'état de la mise en oeuvre progressive de la parité homme-femme dans les institutions nationales, provinciales et locales. Ce triste bilan se présente de la manière suivante : - pouvoir exécutif national, le pourcentage de la femme dans le premier gouvernement national issu des élections générales de 2006 était de 10,9%, ce qui est évidemment un score très faible. Le remaniement ministériel de fin février 2010 n'a malheureusement pas amélioré la situation puisque s'il a réduit le nombre de ministres de 54 à 43, il a également fait passer le nombre déjà faible de 6 femmes ministres et vice-ministres à 5. Au pouvoir législatif, 8,6% des femmes députés et 5,5% de femmes au sénat. Dans l'exécutif provincial, aucune femme Gouverneur, aucune femme vice-gouverneur de province. Au niveau des gouvernements Provinciaux 20 femmes ministres sur 110, pour l'ensemble de provinces, au Katanga 10%. Au niveau des assemblées provinciales, le pourcentage de la représentation des femmes est encore très faible, Maniema 0%, Kinshasa 18,7%, nord Kivu 2,3%, Equateur 2,7%, Katanga 14,7%.(1) Au niveau de l'administration territoriale au Katanga, la présence de femmes désignées dans les fonctions de responsabilité en tant que Maire 50%, Commissaire de district 50%, Bourgmestre 15,4%, Administrateur du territoire 0%, Chefs de Division provinciale 2,27% et responsables d'entreprises publiques 16,67%. Au niveau de l'armée et de la police au Katanga du Général au Colonel 0% des femmes, Lieutenants colonels 20%, Majors 5%, Capitaines 29,4%, Lieutenants 40%.(2)

(1) Observateur Kongo en ligne

(2) Division Provinciale Genre, femme et enfant, 3 novembre 2008 (table ronde sur la politique Genre au Katanga

Dans le même ordre d'idée, Ernest WAMBA DIA WAMBA écrit, « aujourd'hui, on ne voit pas que la politique de l'Etat de la 3e République s'inscrit dans la promotion de l'égalité ou encore moins de la parité entre homme et femme. Sur 60 membres du gouvernement, il n'y a que 10 femmes et sur 608 membres du parlement, il y a au moins 43 femmes.(1) Pour sa part Christine KAMBA MUKUNDI, analysant les retombées du dialogue inter congolais à travers les institutions de la transition, note que sur 35 ministres, 5 sont des femmes et sur 25 vice-ministres, une seule est une femme ; sur 4 vice-présidents, aucune femme ; sur 114 sénateurs, 5 sont femmes. Ce qui amène à une moyenne de 9,5% de la représentation des femmes au gouvernement de transition. Elle est finalement arrivée à la conclusion qu'en RD Congo, un homme vaut 9 femmes, en d'autres termes il faut 9 femmes pour réaliser ce que ferait un homme(2). Un raisonnement certes très dur mais qui traduit quand même une conception discriminatoire à l'égard de la femme. « Hakili ya bibi iko sawa ya mutoto kidogo », en comparant l'intelligence de la femme à celle d'un petit enfant, on n'est pas en train de vouloir soutenir que la femme est 9 fois moins que l'homme ? « Kolia na mwasi kolia na doki » qui signifie manger avec une femme c'est manger avec un sorcier, ne dénote --il pas le refus de l'homme d'associer la femme aux affaires ?

En plus de restrictions préalablement mentionnées qui entravent la plupart des femmes, un autre facteur explique la corrélation très forte que l'on constate entre la pauvreté des ménages et le travail féminin : les femmes pauvres sont encore plus mal payées que les hommes pauvres. Leurs gains servent à combler certains des besoins fondamentaux de la famille mais ne suffisent pas pour la faire sortir de la pauvreté, surtout quand elle ne compte aucun homme gagnant un revenu.

En général, les recherches effectuées dans les zones urbaines de l'Afrique subsaharienne montrent que les femmes travaillent plutôt dans l'économie informelle que dans l'économie formelle et, dans cette sphère informelle, plutôt comme travailleuses autonomes que comme employées. A l'inverse, des hommes sont plus

(1) Ernest WAMBA DIA WAMBA, La parité homme-Femme, en RDC, comme spécificité de la 3e République, Kinshasa, le 28 juillet 2007, p.31

(2) htt://www.missions africaines.net 09/11/2010

susceptibles d'occuper des postes dans le secteur public et des emplois salariés dans le secteur formel, mais aussi informel.

Dans la plupart des régions de cette partie du monde, l'instruction détermine en grande partie l'accès aux emplois non agricoles mieux rémunérés. Elle s'avère encore plus déterminante dans le secteur formel que dans le secteur informel, et plus dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Pour les hommes comme pour les femmes, elle accroit les chances d'accéder aux emplois du secteur public. Cependant, des études réalisées dans plusieurs pays (Cote d'ivoire, Ghana, Guinée, Ouganda) montrent que, à niveau d'instruction égal et quel que soit ce niveau les hommes ont plus de chances d'obtenir un emploi dans le secteur public que les femmes- et ils sont généralement mieux rémunérés qu'elles. C'est dans le travail autonome, un secteur qui regroupe la plupart des femmes, que l'impact de l'instruction est moins flagrant. Non seulement les femmes ont moins de chances que les hommes d'accéder aux emplois du secteur public dans ces régions mais, de plus elles sont très nombreuses à avoir été licenciées lors des vagues de suppressions de postes pratiquées dans le secteur public dans la foulée des politiques d'ajustement structurel (PAS). Car elles occupaient pour la plupart des postes peu qualifiés et mal rémunérés, précisément le type d'emploi le plus visé par ces compressions. Toutefois, il est probable que cette observation s'applique uniquement dans le secteur formel car, beaucoup d'analystes pensent que l'économie informelle urbaine africaine rassemblait ceux et celles qui n'avaient pas réussi à trouver un emploi formel mieux rémunéré et offrant de meilleures possibilités d'avancement(1). C'est ainsi que les hommes et les femmes des ménages pauvres, qui n'ont ni qualification, ni instruction, ni capital, sont présents depuis toujours dans l'économie informelle. Ils y accomplissent des taches très diverses en contrepartie d'un revenu. Cette économie informelle non seulement confère assez d'autonomie pour les femmes mais aussi leur procurent une certaine flexibilité par rapport à leurs responsabilités domestiques.

Les programmes de microcrédit s'adressant aux femmes des ménages pauvres visent cette économie informelle de façon à promouvoir les activités destinées au marché, à accroître l'autonomie de celles-ci et à contribuer à l'augmentation de leurs revenus pour lutter contre la pauvreté.

3.4. Le travail des femmes et la survie des ménages

Malgré ses immenses ressources naturelles, la République Démocratique du Congo est l'un des pays les plus pauvres du Monde. Les populations vivent dans des conditions économiques et sanitaires déplorables. Près de 80% de la population congolaise survivent à la limite de la dignité humaine, avec moins de 1$ par personne par jour, moins de 20% ont accès régulier à l'électricité(1) . La pauvreté se manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50% des femmes et des enfants. Au total, 1,6 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire(2) .

Sur le marché du travail, la situation de chômage ou d'emploi précaire touchait la majorité de la population active en 2004. La part du travail informel est en constante augmentation et les salaires sont dérisoires. Aux termes des négociations de février 2004, un nouveau barème avait été fixé à 208$ le traitement mensuel du dernier fonctionnaire de l'Etat et à 2080$ celui du secrétaire général de l'administration publique. Cependant, cette grille n'est toujours pas appliquée(3). Un huissier touche 31.000 francs congolais (environ 34,4$).

L'étude portant sur le comportement des ménages en temps de crise peut nous aider à comprendre le lien entre la pauvreté des ménages et le travail des femmes. L'enquete menée en Tanzanie en 1998, à une époque de crise et de réforme économique montre que ces deux phénomènes conjugués ont provoqué une forte baisse des salaires réels dans le secteur formel et ont incité la population, surtout les

(1) Daniel MUKOKO SAMBA, Conflits armés en RDC. Le rôle des facteurs économiques et leçons pour la reconstruction, PNUD, Kinshasa, 2004, P. 11

(2) BAFD/OCDE, Perspectives économiques en Afrique, 2005, p. 209

(3) idem, p. 245

femmes, à se tourner vers les activités du secteur informel pour gagner un revenu ou compléter leurs revenus existants. Cette étude a constaté que 80% des femmes avaient mis sur pied leur entreprise dans les cinq ans précédant l'étude, contre 50% des hommes. Cet écart prouve que l'accroissement de la part des femmes dans le revenu constituait bien une réponse à la situation de crise. Par ailleurs, le nombre des travailleurs autonomes vivant en ville a augmenté, passant de 7% dans les années 1970 à plus de 60% au moment de l'enquete. Souvent, le capital de démarrage leur était fourni par leur mari. Dans toute la mesure du possible, les ménages maintenaient leurs liens avec le secteur formel du marché de l'emploi, mais plutôt pour la sécurité des revenus ainsi générés que pour leur montant. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de cumuler plusieurs types d'activités, le plus souvent la gestion d'une petite entreprise et l'agriculture urbaine (généralement pratiquée dans des lopins situés dans les zones périphériques).

Dans une étude menée précédemment par nous-mêmes (DIKASA Engondo) sur « la dépréciation continue du zaïre monnaie et l'effritement de pouvoir d'achat du fonctionnaire zaïrois. Cas de l'enseignant de l'université », nous avons eu a démontrer que face à une situation de crise due à l'effritement du pouvoir d'achat à cause des dépréciations continues de zaïre monnaie une situation de défense ou de refus de mourir à amener les fonctionnaires et leurs familles à multiplier les initiatives pour vivre et palier à l'insuffisance de revenus. Dans cet article, on peut lire : . . .le salaire du fonctionnaire congolais (ex Zairois) était et est encore, jusqu'à nouvel ordre, bien en-deçà du cout de la vie et envenime ses conditions sociales. Le fonctionnaire congolais s'épuise dans ses travaux et ses diverses initiatives sans pour autant parvenir vraiment à se prendre en charge. D'où le climat d'angoisse et d'inquiétude dans lequel il vit au jour le jour quant à l'obtention du minimum vital avec le pouvoir d'achat précaire(1) . Pour être beaucoup plus précis sur la position de la femme du fonctionnaire dans ce combat pour la survie, DIKASA écrit encore, « - perplexe et impuissant dans le combat pour la survie qu'il mène chaque jour, le fonctionnaire zaïrois (congolais) confronté à

(1) DIKASA Engondo, la dépréciation continue du zaïre monnaie et l?effritement du pouvoir d?achat du fonctionnaire Zaïrois. Cas de l?enseignant de l?université. Essai d?analyse des indices de décembre 1995 à mars 1997, In Les Annales de l?Institut Supáieur de Statistique, N°6, Aout 1999, p 67.

l'insuffisance de son salaire et l'amenuisement de son pouvoir d'achat, se voit obligé de combiner plus d'un emploi. Conséquences directes de ce cumul des fonctions : la détérioration de la qualité du travail et de sa santé, l'absentéisme, sinon les retards et les départs du service avant l'heure et l'éducation des enfants au rabais au sein des foyers où l'homme et la femme, en détresse, s'adonnent pour la survie à des activités économiques désordonnées ; - On assiste à la maximisation des activités des spéculation où, pour vivre, tout le monde devient commerçant. Pour la subsistance du foyer, le fonctionnaire pratique des activités commerciales contrairement aux statuts qui le régissent. En réalité, l'importance voire même la recrudescence du secteur informel est essentiellement due à cet état des choses. »(1)

En tout état de cause, le travail des femmes constitue de toute évidence un facteur incontournable de la survie et de la sécurité des ménages pauvres. Il s'avère en outre indispensable pour que la famille puisse espérer sortir de la pauvreté. Les femmes des ménages pauvres se consacrent à toutes sortes d'activités qui génèrent des revenus ou réduisent les dépenses. Dans certains cas, elles complètent l'apport masculin ; dans d'autres, elles assument l'essentiel ou l'intégralité des moyens d'existence du ménage.

Cependant, les liens entre le travail rémunéré des femmes et la pauvreté ne sont pas uniformes. Ils dépendent notamment des particularismes économiques locaux et du degré de patriarcat des structures sociales. Dans les régions qui pratiquent la réclusion féminine, le fait qu'une femme occupe un emploi rémunéré à l'extérieur de son domicile peut constituer en soi un indice révélateur de la pauvreté qui sévit dans son ménage. Dans d'autres régions, ce n'est pas le fait que les femmes travaillent qui témoigne de la pauvreté, mais plutôt le type de travail qu'elles (mais aussi les hommes) accomplissent. La pauvreté féminine n'induit pas toujours et partout aux mêmes types d'activités et d'emplois.

3.5. Conclusion partielle

Pour lutter contre la pauvreté à Lubumbashi, en République Démocratique du Congo et dans le monde, il est indispensable d'améliorer les possibilités économiques des femmes mais aussi le rendement de leur travail. Les stratégies de croissance économique reposant sur des projets à forte intensité de maind'oeuvre et même d'accroissement des revenus ne peuvent pas, à elles seules, concrétiser cet objectif. Si la croissance économique ne s'accompagne pas de mesures concrètes pour atténuer les contraintes qui restreignent les rendements du travail féminin, les femmes des ménages à faible revenu resteront dans l'incapacité de tirer profit des nouvelles possibilités d'actions économiques suscitées par cette croissance. Pour qu'elles aient accès à ces possibilités nouvelles, il faut aussi diminuer leur charge de travail dans la sphère domestique. Pour cela, il est nécessaire aussi de les appuyer dans l'éducation et les soins des enfants et de promouvoir l'adoption de techniques d'allègement du travail humain et des tâches domestiques routinières. Il convient aussi de lutter contre la tendance à croire que l'amélioration du bien-être du ménage passe par l'accroissement de la capacité salariale du principal pourvoyeur, à savoir l'homme chef de famille, car cette hypothèse de l'homme principal pourvoyeur nuit depuis toujours à l'efficacité des politiques de développement, y compris les mesures visant précisément à réduire la pauvreté.

L'égalisation hommes-femmes des possibilités économiques ainsi que l'accroissement des capacités d'actions économiques et des capacités salariales des femmes qui en résulterait constitueraient un moyen efficace pour lutter contre la pauvreté et d'accroître les capacités humaines des hommes et des femmes.

CHAPITRE IV : LA POLITIQUE DE L'AUTONOMISATION DE LA FEMME A LUBUMBASHI

4.1. Introduction

La pauvreté se manifeste, on l'a déjà souligné, par un dénuement matériel, mais ses causes s'enracinent dans les relations de pouvoir qui déterminent la répartition des ressources matérielles, financières et symboliques les plus valorisées dans la société. Ces relations placent les hommes, les femmes et les enfants pauvres en position de subordination et de dépendance par rapport à ceux ou celles qui possèdent un accès privilégié à ces ressources. En plus de subir un dénuement matériel, les femmes lushoises sont aussi dépourvues de pouvoir à cause des contraintes socio culturelles et économiques qui restreignent les rendements du travail féminin et même rendent difficile la transformation de leurs capacités en revenus ou en bien-être. C'est pourquoi, en tant que stratégie de lutte contre la pauvreté, l'autonomisation des pauvres en général doit évidemment accorder une place importante à l'autonomisation des femmes pauvres.

Ce chapitre s'articule, outre l'introduction et la conclusion, en trois points : - l'Approche conceptuelle et théorique de l'autonomisation de la femme ;

- l'évolution des politiques d'autonomisation de la femme dans le monde, en République Démocratique du Congo et au Katanga ; et

- La modélisation de l'autonomie de la femme lushoise.

4.2. Approche conceptuelle et théorique de l'autonomisation de la femme

De prime abord, il convient de clarifier le sens du terme « autonomisation » tel que nous l'entendons ici. Le pouvoir peut être défini comme étant la capacité de choisir(1). Pour sa part Jan PRONK définit l'autonomisation comme le pouvoir de

(1) Naila KABEER, Op.Cit, p.212

contrôler sa propre vie, c'est-à-dire une sorte de force et de confiance intérieures permettant d'affronter la vie, le droit de faire des choix dans sa vie et d'influencer le changement social(1). S'appuyant sur la notion de pauvreté humaine pour introduire l'indicateur du développement humain (IDH), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) souligne que la pauvreté humaine ne se définit pas par ce que l'on possède ou ne possède pas, mais par les choix auxquels on a, ou non, accès. L'IDH, par conséquent, n'est pas une mesure de la prospérité, du bien-être ou du bonheur, mais une mesure de l'autonomisation. Plusieurs termes décrivent le contraire de l'autonomisation : l'assujettissement à une subordination, à une dépendance. Dans tous les cas, ils renvoient à une privation de choix. A l'inverse, l'autonomisation désigne les processus qui confèrent la capacité de choix à des personnes qui en étaient privées jusque-là. Autrement dit, l'autonomisation suppose une évolution, un changement. Les personnes qui bénéficient de nombreuses possibilités de choix peuvent en retirer une grande puissance. On ne peut cependant pas dire qu'elles ont suivi un parcours d'autonomisation si elles n'ont jamais été privées de la capacité de choisir.

La notion de choix repose sur deux réalités :

1. Choisir une voie, cela suppose que l'on puisse en choisir une autre, agir autrement. La pauvreté et le manque d'autonomie vont par conséquent de pair. En effet, l'incapacité de combler ses propres besoins fondamentaux entraîne la subordination par rapport à des personnes possédant le pouvoir de les satisfaire. Elle élimine donc la possibilité d'un véritable choix. Or, cette absence de choix ne touche pas les hommes et les femmes de la même façon, car les inégalités sexospécifiques aggravent en général les impacts de la pauvreté.

2. Pour choisir véritablement, il faut donc disposer de plusieurs possibilités d'action. Mais il faut aussi avoir conscience de ces différentes possibilités d'action. Les relations de pouvoir sont plus efficaces quand elles ne sont pas perçues comme telles. Les prérogatives des hommes et des femmes, respectivement, reposent souvent sur l'acceptation pleine et entière des relations de pouvoir telles qu'elles

sont. Par exemple, les femmes peuvent accepter sans protester la violence de leurs maris ou la répartition inéquitable des ressources dans leur ménage parce que tout autre attitude est inconcevable pour elles, impossible à entrevoir. Les comportements de ce type peuvent être considérés comme des choix. En réalité, ils témoignent au contraire d'une absence de choix.

Toutes les possibilités de choix ne possèdent pas une pertinence égale par rapport au pouvoir. En particulier, certaines ont un impact plus grand que d'autres sur la vie quotidienne. Plusieurs choix stratégiques jalonnent l'existence : où habiter ? Se marier ou rester célibataire ? Le cas échéant, qui épouse ? Ne pas avoir d'enfants ou fonder une famille ? Le cas échéant, combien d'enfants avoir ? Qui sera chargé de les éduquer ? Quelles activités entreprendre pour sa survie ? Quelle liberté de mouvement et d'association maintenir ? Quelle liberté maintenir dans l'affectation de ses propres ressources ? Ces choix stratégiques induisent d'autres décisions qui peuvent influencer sur la qualité de la vie, mais qui n'en fixent pas les paramètres déterminants.

L'autonomie peut être analysée sous trois angles connexes: les capacités réelles d'action ; les ressources et les réalisations. Les capacités réelles d'action conditionnent la mise en oeuvre des choix. A ce titre, elles constituent l'un des pivots du processus d'autonomisation. Les ressources sont les outils qui permettent d'exercer les capacités réelles d'action, pendant que les réalisations sont les produits des capacités réelles d'action telles qu'elles ont été mises en oeuvre. Nous allons brièvement analyser chacune de ces trois dimensions et les relations qu'elles entretiennent entre elles dans le contexte de l'autonomisation.

Capacités réelles d'action

Les capacités réelles d'action ou capacités d'action recouvrent les actes observables dans l'exercice d'un choix (prise de décision, protestations, négociations) ainsi que les motivations, significations et intentions dont la personne investit son action. Or, ces motivations et significations dépendent en grande partie de la manière dont

cette personne est perçue par son entourage et par la société dans laquelle elle vit. La notion de capacité réelle d'action peut être teintée d'une connotation positive ou négative.

· Dans le sens positif, la capacité d'action correspond au pouvoir personnel d'agir, de définir sa propre vie y compris contre l'avis d'autrui.

· Dans son sens négatif, la capacité d'action correspond à l'emprise que certains acteurs peuvent avoir sur d'autres et qui leur permet de court-circuiter leur volonté d'agir, par exemple par l'autorité, la violence ou autre forme de coercition.

Ainsi que nous l'avons mentionné, le pouvoir est plus efficace quand il élimine les possibilités de choix (et donc, les capacités d'action) sans que les personnes sur lesquelles il exerce en soient conscientes. Les institutions peuvent ainsi restreindre les choix stratégiques des gens en éliminant certaines possibilités d'action. Les normes culturelles ou idéologiques peuvent nier l'existence des inégalités de pouvoir ou nier qu'elles sont injustes. S'ils n'entrevoient pas d'autres possibilités d'actions ou si celles-ci leur semblent assorties d'un coût personnel ou social trop élevé, les groupes subordonnés ont généralement tendance à accepter le sort que la société leur réserve, voire à y adhérer.

Dans l'optique de l'autonomisation, les capacités réelles d'action consistent non seulement à choisir activement, mais à choisir d'une manière qui remette en cause les relations de pouvoir. Comme les croyances, les convictions et les valeurs jouent un rôle central dans la légitimation de l'inégalité, le processus d'autonomisation est généralement centrifuge : il part de l'intérieur de l'individu pour gagner graduellement son environnement. Pour qu'il advienne, il faut d'abord que les personnes concernées posent un regard différent sur elles-mêmes (leur estime de soi) et sur leurs possibilités d'action.

Ressources

Les capacités réelles d'action ne s'exercent pas dans l'abstrait : elles nécessitent la mobilisation de ressources- les outils du pouvoir. La répartition de ces ressources est déterminée par les institutions et par les relations qui sous-tendent la société. Or, ainsi que nous l'avons vu au chapitre 3, les institutions sont rarement égalitaires. Certains acteurs bénéficient d'une position privilégiée dans l'interprétation des normes, des conventions et des règles institutionnelles mais aussi dans leur mise en application. Grâce à la position qu'ils occupent, les chefs de famille, chefs de tribu, directeurs d'entreprises, dirigeants d'organisations et autres élites de la collectivité possèdent tous une autorité décisionnelle dans certaines institutions. La répartition des ressources dépend par conséquent de l'influence respective des différents acteurs dans la définition des priorités et dans le traitement des revendications.

Dans le processus d'autonomisation, les modalités d'accès aux ressources sont tout aussi importantes que les ressources elles-mêmes. Si l'accès au travail rémunéré peut accroître les capacités d'action des femmes dans la sphère familiale, c'est parce qu'il leur assure une source indépendante de revenus et donc, qu'il leur procure une position de repli stratégique plus favorable lors des négociations. Toutes les conditions de ce travail rémunéré ont également leur importance. Plus l'emploi est visible, plus ses rendements sont élevés et plus il s'exerce en dehors des structures familiales d'autorité - plus il est susceptible de renforcer la position de repli stratégique de la femme.

Réalisations

Les ressources et les capacités réelles d'action définissent les possibilités des gens, le potentiel dont ils disposent pour mener l'existence à laquelle ils aspirent. Leurs réalisations mesurent le degré de concrétisation de ce potentiel. Elles constituent donc les fruits de leurs efforts. En ce qui concerne l'autonomisation, les réalisations doivent être examinées à l'aune des capacités d'action mises en oeuvre mais aussi des conséquences de ces actions. Par exemple, les OMD considèrent l'emploi salarié

comme un marqueur de l'autonomisation des femmes. Pour que cette autonomisation soit réelle, il faut toutefois que la femme ait accepté l'emploi salarié pour bénéficier de possibilités d'action nouvelles ou pour stimuler son propre développement et sa propre indépendance. Si elle entre sur le marché du travail uniquement parce qu'elle a besoin d'argent de toute urgence, il n'est pas sür que cet emploi témoigne d'une véritable autonomisation. Par ailleurs, l'emploi salarié contribue à l'autonomisation des femmes s'il leur permet d'atténuer ou d'éliminer les liens de subordination qui les assujettissent à leur entourage, pas s'il leur fournit simplement les moyens de survie au jour le jour.

Les relations entre les capacités d'action, les ressources et réalisations

Il faut donc établir une distinction nette et claire entre les capacités d'action passive, qui s'exercent alors que la personne n'a guère de choix, et les capacités d'action dynamique ou active qui renvoient à un comportement délibéré. L'accès aux ressources peut très souvent accroître les capacités d'action dynamique des femmes. Il convient néanmoins de distinguer l'efficacité des capacités d'action et leur pouvoir de transformation. L'efficacité des capacités d'action renvoie aux résultats que la femme est susceptible d'obtenir dans ses rôles et responsabilités actuels. Le pouvoir de transformation des capacités d'action renvoie aux possibilités qui s'offrent aux femmes de repenser ces rôles et ces responsabilités, de les remettre en cause et, le cas échéant, de les changer. Par exemple, nous avons constaté que l'alphabétisation des femmes en Inde entraîne souvent une réduction de la mortalité infantile et enfantine. Ce recul de la mortalité résulte d'une augmentation de l'efficacité des capacités d'action des femmes. Par contre, la corrélation que nous avons constatée entre l'alphabétisation des femmes et leur taux d'activité, d'une part, et l'atténuation des disparités sexospécifiques dans le taux de mortalité des enfants de 0 à 5 ans, d'autre part, constitue plutôt un exemple du pouvoir transformateur des capacités d'action féminine. Dans ce cas, en effet, l'accroissement de leurs capacités a permis aux femmes d'aller à contre- courant des valeurs patriarcales traditionnelles.

Le présent chapitre cherche essentiellement à montrer le pouvoir transformateur des capacités d'action à travers le microcrédit et les réalisations qui témoignent d'un accroissement de la capacité des femmes pauvres lushoises à analyser, contester et contrecarrer les structures patriarcales qui contraignent leur existence et à lutter contre la pauvreté.

4.3. Evolution des politiques d'autonomisation de la femme dans le monde, en RDC et au Katanga

L'analyse de la situation du genre en République Démocratique Du Congo semble de nos jours faire ressortir la persistance des inégalités et iniquités dans la perception, la répartition, le contrôle et la gestion des ressources entre les hommes et les femmes. Ces disparités se reconnaissent aussi dans l'analyse des différences entre les sexes et les méthodes d'établissement de cartes de risques et de vulnérabilités au niveau de la conception de tous les programmes et projets de développement concernés afin d'améliorer l'efficacité de la gestion des risques liés aux catastrophes, en faisant appel à la participation des femmes et des hommes sur un pied d'égalité.

Ces disparités apparaissent également dans les traitements que notre société réserve aux filles et aux garçons, notamment dans l'accès à l'école surtout en milieu rural, la représentation des hommes et des femmes dans les instances décisionnelles. En effet, les inégalités entre les hommes et les femmes constituent un frein à la promotion des droits humains, à la réduction de la pauvreté, à la croissance économique et au développement social durable alors que la réalisation des objectifs de développement durable exige la participation effective et égalitaire des hommes et des femmes et ce, à tous les niveaux du processus de la création et de la redistribution des richesses.

C'est pourquoi, la RDC qui a souscrit à la déclaration Universelle des Droits de l'homme, à la charte relative aux droits humains ainsi qu'à l'ensemble des engagements internationaux qui visent à promouvoir une plus grande justice sociale et l'égalité entre les hommes et les femmes partout et qui reste très attachée à la

promotion et à la défense des droits humains et à la lutte contre toutes formes de discriminations se doit de faire de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes une de ses préoccupations telle que relevée dans la constitution de la République Démocratique du Congo en son article 14 en rapport avec la mise en oeuvre du principe de la parité Homme Femme.

A cet effet, la prise en compte des questions de genre constituerait l'outil opérationnel pour la mise en oeuvre effective de la stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté ainsi que pour soutenir efficacement la réalisation de l'atteinte des Objectifs Millénaires du Développement (OMD).

L'élaboration, donc, du document de la Politique Nationale Genre (PNG) a visé non seulement à opérationnaliser les principes constitutionnels d'équité et d'égalité entre les hommes et les femmes et de respect des droits humains mais aussi à traduire dans les faits les engagements nationaux et internationaux de l'Etat congolais en faveur de la promotion de genre.

Plusieurs conférences régionales et mondiales ont été organisées avec comme objectif de remodeler la vision sur les conditions de vie des femmes, les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes et le respect équitable des droits humains dont les droits des femmes sont une partie intégrante. Ces assises ont permis de reconnaître le rôle crucial des femmes dans le développement et la nécessité de leur participation effective et équitable à la prise des décisions pour asseoir un développement durable.

La charte des Nations Unies est devenue le premier instrument international à instaurer le principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Ces droits ont commencé en 1945 par l'octroi aux femmes de la possibilité de voter et d'être élues. En 1960, la convention concernant la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'enseignement pose les jalons de l'égalité de chance pour les femmes et les filles dans l'enseignement ; En 1974, la déclaration sur la protection des femmes et des enfants en

période d'urgence et des conflits armés confirme la nécessité de l'égalité entre les hommes et les femmes ; En 1975, l'Assemblée Générale des Nations Unies proclame l'année internationale de la femme et convoque la première conférence mondiale sur la femme à Mexico. En 1979, la convention sur l'élimination de toutes formes des discriminations à l'égard de la femme (CEDEF) dont la force exécutoire à réclamer l'égalité de la femme aussi bien dans les législations que dans les faits est adoptée. En juillet 1985, s'est tenue à Nairobi au Kenya, la conférence mondiale pour évaluer les résultats de la première décennie de la femme décidée à Mexico en 1975 où il a été adopté les stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme ; En 1995, la conférence de Beijing sur l'évaluation de la 2e décennie a abouti à l'élaboration du Plan d'Action en 12 domaines prioritaires ; les évaluations périodiques de Beijing +5 en 2000, de la CIPD+10 en 2004 et de Beijing +10 ont constaté le bilan mitigé obtenu en matière d'équité et d'égalité des sexes en raison notamment de l'inadéquation des mécanismes nationaux mis en place et de l'insuffisance des ressources allouées par les Etats et les donateurs au profit de l'équité et de l'égalité de genre ; En 2000, l'adoption des Objectifs du Millénaires pour le développement (OMD) dont le 3e Objectif consacré à la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes est la preuve de la détermination des dirigeants du monde à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes ; la Résolution 1325 du Conseil des Nations Unies incorpore une démarches sexospécifiques dans toutes les opérations de maintien de la paix et prévoit la, participation des femmes aux institutions clés et aux organes de décision.

Au niveau régional, la mise au point du Nouveau partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) a été l'occasion pour les chefs d'Etat et de Gouvernement de considérer l'égalité entre hommes et femmes et l'habilitation de ces dernières comme des facteurs essentiels de l'éradication de la pauvreté et du développement durable. Au niveau de la charte de l'Union africaine, il est clairement stipulé qu'il revient à l'Etat de veiller à l'élimination de toute discrimination contre la femme et d'assurer la protection des droits de la femme et de l'enfant tel qu'énoncés dans les déclarations et conventions internationales ; Au sommet de Maputo, tenu en

juillet 2003, les Chefs d'Etat ont introduit la parité homme et femme dans le conseil de l'union et ont adopté le protocole à la charte Africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme. Le protocole en question traite de manière spécifique les mesures à prendre pour combattre effectivement la discrimination à l'égard des femmes sous toutes ses formes. Cet engagement de l'Union Africaine confirmé à la conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de 2004 a adopté une déclaration solennelle en faveur de l'égalité entre hommes et femmes dans les instances de décision et au niveau des postes électifs.

En somme, le contexte mondial et Africain offre à la République

Démocratique du Congo de réelles opportunités pour réaliser l'équité, l'égalité et la promotion des hommes et des femmes.

Avec une superficie de 2,4 millions de km2 et une population estimée à près de 60 millions d'habitants, la RDC est l'un des pays les plus peuplés d'Afrique avec un taux d'accroissement démographique de 3,2% et dont près de 80% de la population survivent avec moins de un dollar (1$US) par jour et par personne(1). Ce contexte de pauvreté massive a été aggravé par divers mécanismes et conflits armés. Face à la persistance de la pauvreté, le gouvernement de la République démocratique du Congo a élaboré en 2006, avec la participation des différents acteurs de la vie politique, économique et sociale, un premier document de Stratégie Nationale de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP). Plusieurs politiques et programmes sectoriels sont aussi élaborés et mis en oeuvre pour soutenir l'exécution du DSCRP. On note par exemple, le Programme d'Actions prioritaires (PAP) du gouvernement et la réalisation des cinq chantiers de la République et la politique nationale du genre.

Le programme national du Genre se réfère à la vision du développement à moyen et à long terme de la RDC telle que définit dans le DSCRP et s'attelle à bâtir, avec tous les acteurs, une société, sans discrimination, où les hommes et les femmes, filles et garçons ont les mêmes chances et droits de participer à son développement et

(1) Politique Nationale de Genre, Kinshasa, juillet 2009, P.10

de jouir des bénéfices de sa croissance. Le PNG a pour finalité de contribuer à la réalisation de l'équité et de l'égal accès des hommes et des femmes, des garçons et des filles aux ressources de la société. Il s'assigne deux objectifs globaux, à savoir :

1) Instaurer un environnement institutionnel, socioculturel, juridique et économique favorable à la réalisation de l'équité de genre et de l'égal accès des hommes et des femmes, des garçons et des filles aux ressources de la société.

2) Assurer l'intégration effective du genre en tant que variable à toutes les étapes des processus d'études et de recherches sur les conditions socio-économiques des populations, d'analyse, de planification, de mise en oeuvre, de suivi et d'évaluation des projets, politiques et programmes de développement.

Il s'appuie sur quatre axes stratégiques, à savoir :

1) La promotion équitable de la situation et de la position sociale de la femme autant que l'homme au sein de la famille et dans la communauté ;

2) La promotion équitable du potentiel et de position de la femme autant que de l'homme au sein de l'économie du ménage et dans l'économie de marché ;

3) La promotion de l'exercice équitable des droits et devoirs des femmes et des hommes et le renforcement de l'accès et de la position des femmes au niveau des sphères de décision ;

4) L'amélioration de l'impact des interventions en faveur de l'équité de genre et de l'égal accès des hommes et des femmes.

Chaque axe stratégique est décliné en objectifs spécifiques et stratégies d'intervention en vue de réduire les inégalités de genre.

Dans le cadre de ce travail, nous nous intéressons particulièrement à la stratégie relative à la promotion équitable du potentiel et de la position de la femme autant que de l'homme au sein de l'économie du ménage et dans l'économie du marché.

Cette stratégie vise l'accroissement de la productivité, de la capacité de production des femmes et l'amélioration de leur niveau de revenu à travers les objectifs suivants :

- Réduire le temps et la corvée des tâches domestiques ;

- Accroître les rendements, la productivité et la qualité des productions réalisés par les femmes ;

- Promouvoir le pouvoir économique des femmes ;

- Améliorer la visibilité des contributions des femmes à l'économie domestique et de marché.

Pour atteindre les objectifs ainsi fixés, les principales stratégies développées concernent :

1) Le développement de technologies réduisant le temps consacré aux activités domestiques ;

2) Le renforcement de l'accès et de l'accessibilité des femmes aux services énergétiques et d'assainissement notamment l'eau, l'électricité et les énergies nouvelles et renouvelables ;

3) Le renforcement de la participation effective des femmes dans tous les secteurs d'activité notamment dans les secteurs porteurs de croissance retenus par le DSCRP ;

4) Le renforcement de l'accès des femmes aux moyens de production, aux opportunités économiques et aux nouvelles technologies internationales de communications (NTIC)

5) L'intégration du genre dans les processus de collecte et d'analyse des données, de recherche et d'évaluation économique ;

6) La mise en oeuvre des mesures pertinentes susceptibles de favoriser des initiatives féminines et une participation équitable du genre dans la microfinance.

En tant que structure d'exécution des programmes nationaux en faveur du genre, femme et enfant, la Division provinciale a organisé le 17 juin 2008 un atelier sur l'analyse contextuelle de la problématique genre. Cet atelier devrait faire des analyses

profondes et exhaustives de façon à dégager les stratégies d'intégration du genre en République démocratique du Congo.

Du 30 octobre au 2 novembre 2008, la Division provinciale a organisé un atelier sur le renforcement des capacités des leaders des associations et mouvements coopératifs. Cet atelier avait pour objectif d'amener les femmes à maîtriser les éléments de base de la vie associative afin d'améliorer leur compréhension sur les principaux éléments de base d'une association et aussi comprendre le processus d'agrément des associations par les autorités.

Du 3 au 4 novembre 2008, il s'est tenu à Lubumbashi, sous la supervision de la division provinciale du Genre, Femme et enfant un atelier sur l'élaboration de la stratégie provinciale sur le Genre. Avec l'appui du PNUD, cet atelier avait comme objectif majeur d'impliquer tout le monde dans l'intégration de l'approche Genre dans le processus de développement de la province quant à la répartition des rôles et responsabilités entre les hommes et les femmes.

En fin, du 23 au 25 février 2009, en collaboration avec l'espace femme, un atelier de formation sur le leadership féminin s'est tenu à Lubumbashi. Cet atelier visait le renforcement des capacités des leaders des réseaux féminins membres de l'espace femme, qu'elles soient en mesure de créer un leadership capable de redynamiser leurs réseaux. Parmi les recommandations de cet atelier on note aussi celle relative à la nécessité de coordonner des programmes d'appui au financement et d'accès au crédit et aux micro-finances pour soutenir les activités des ONGs et associations et réseaux des femmes, en vue de leur permettre d'être plus performants.

4.4. La modélisation de l'autonomisation de la femme lushoise

Dans les rapports du conseil consultatif de 1985 et 1986, l'autonomie se présente comme une stratégie pertinente proposée par les mouvements de femmes du Tiers Monde à la place d'une intégration reposant sur l'égalité. De plus l'autonomie est

considérée comme une nécessaire exigence pour réussir une intégration complète(1). L'autonomie qui fait appel aux idées d'autorité, de liberté, d'égalité des chances pour tous, doit alors se comprendre dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et l'inégalité au niveau des classes, du genre et des races. En définissant l'autonomie comme le contrôle sur sa propre vie et son propre corps, il y a lieu de dégager quatre domaines d'application :

- Du point de vue physique : l'autonomie sous entend le contrôle total de sa sexualité et de sa fécondité ;

- Du point de vue économique : elle évoque l'égalité d'accès et le contrôle sur les moyens de production ;

- Du point de vue politique : le droit de déterminer ses choix politiques et la création d'une base de pouvoir librement choisir ;

- Du point de vue socioculturel : elle se réfère au droit d'avoir sa propre identité, le sens de sa valeur et le respect de soi.

Ces quatre éléments ne peuvent s'envisager ou s'appliquer séparément, comme dans bien des modèles de développement, car la signification de ces quatre éléments s'enrichit justement dans leurs interrelations.

L'autonomie peut s'utiliser comme un outil d'analyse permettant de comprendre cette relation complexe et ces éléments constituent un cadre d'analyse dans lequel on peut situer la position des femmes. D'un coté ce cadre est suffisamment ouvert pour tenir compte des grandes diversités entre pays, classes, cultures et catégories des femmes, alors que de l'autre coté il offre une base de comparaison et d'action rendant l'amélioration possible. Chaque angle d'approche, physique, économique, politique et socioculturel fournit des données, certaines étant mesurables et quantifiables alors que d'autres sont d'ordre qualitatif. Pour nous, l'analyse fournit par l'angle économique servira d'indicateur pour évaluer le degré d'autonomie de la femme Lushoise.

(1) Rapport Consultatif n°86, 1986, p. 58

Le livre blanc, un monde de différences, utilise également le concept d'autonomie dans un sens stratégique et ce, de deux façons : - un sens idéal enraciné dans une vision de la société. Il est donc considéré comme un objectif à long terme ou comme un moyen pour changer la société dans son ensemble : « la coopération au développement fondée sur le principe d'autonomie des femmes signifie que l'on adopte un schéma de partage des pouvoirs dans toutes ses manifestations ». Le deuxième sens, stratégique, est plus opérationnel et agit notamment comme une pierre de touche permettant de choisir les actions à entreprendre à partir de l'analyse(1). Donc, le fait que le concept d'autonomie oscille entre l'analyse et les stratégies à court et long terme est, à notre avis, un avantage important dans l'évaluation non seulement du Genre mais aussi du microcrédit dans la lutte contre la pauvreté à Lubumbashi.

Certaines personnes s'inquiètent de l'écart existant très souvent entre la pratique et l'application des politiques en faveur de la femme voire du développement. Elles ont raison, car c'est à l'usage que l'on peut juger de la qualité d'une chose. Il y a beaucoup à faire pour que soit structurellement appliqué le programme de développement en faveur de la femme afin de respecter les exigences opérationnelles d'autonomie. Il faudra mettre en oeuvre des mesures méthodiques et fonctionnelles importantes pour combler l'écart entre la politique et la mise en oeuvre et parvenir ainsi à une véritable réalisation opérationnelle de la politique d'autonomie de la femme lushoise à travers le microcrédit.

Voici alors les cinq axes dans lesquels nous envisageons l'autonomisation de la femme lushoise :

1. Le renforcement de la position économique des femmes du point de vue du contrôle de leurs revenus et de leurs moyens de production sans augmentation substantielle de la charge de travail ;

2. Le renforcement de la position politique et organisationnelle des femmes dans la participation ou le contrôle des aménagements organisationnels et indépendants

(1) Jan PRONK, Op Cit, p.89

dans la structure du projet. De même pour l'organisation dans le district, la zone ou le village, ainsi qu'au niveau régional et national ;

3. L'autonomie de la femme doit viser le renforcement de l'image que la femme se fait d'elle-même, ou que les autres (les hommes) ont d'elle, et combattre les principaux préjugés à l'encontre de la femme.

4. Le renforcement de l'autonomie physique des femmes, c'est-à-dire que les femmes gagneront en maîtrise de leur propre corps, contrôleront leur fécondité, leur sexualité et l'on reconnaîtra ou portera attention à leur problème de santé

5. Le renforcement de l'expertise des femmes dans la gestion de micro- entreprises.

Toutefois, quelle que soit la nature des activités entreprises par les femmes dans le cadre de l'autonomisation, la femme lushoise doit être attentive aux pièges potentiels et se distancer si possible - de l'attrait de projets trop ambitieux qui absorberaient les énergies et qui à la longue se révéleraient indéfendables, - de la tentation à recourir à tout moment aux subventions financières qui signifieraient une entorse aux principes de renforcement de sa position économique eu égard au contrôle des revenus, - et des promesses de technologies aux apparences trompeuses qui le dépouilleraient de son patrimoine culturel.

A mesure que la femme lushoise développera davantage ses capacités et son pouvoir latent, toute la société et partant les hommes en viendront à la considérer comme capable de participer au développement intégral de la communauté et de lutter contre la pauvreté.

L'évaluation de ce modèle d'autonomisation de la femme lushoise doit montrer que la situation des femmes à Lubumbashi a été renforcée sur au moins un des cinq critères cités ci-haut, sans que les autres soient affaiblis.

4.5. Conclusion partielle

Ce chapitre montre en particulier que l'accessibilité des ressources sociales, économiques et politiques détermine les capacités réelles d'action des femmes dans la négociation de leurs rôles productifs mais aussi reproductifs, et donc, d'une manière plus générale, dans la renégociation de l'ordre social.

Comme toutes relations sociales, les relations hommes- femmes comportent de nombreuses dimensions : elles reposent sur des idées, des valeurs et des identités qu'elles contribuent par ailleurs à redéfinir constamment ; elles déterminent la répartition du travail entre les tâches et entre les différents secteurs de l'activité humaine ; elles définissent la répartition des ressources ; elles régissent aussi l'octroi de l'autorité, des capacités d'action et du pouvoir décisionnel. En d'autres termes, les inégalités sexospécifiques sont multidimensionnelles et ne peuvent pas être réduites à la simple question de la contrainte matérielle ou idéologique. De plus, ces relations ne sont pas toujours cohérentes en elles-mêmes : elles sont porteuses de déséquilibres et de contradictions, en particulier quand l'environnement socioéconomique général évolue. En définitive, toute modification de l'un des aspects des relations sociales est susceptible d'enclencher une série d'ajustements aux conséquences imprévisibles.

Certains de ces changements laissent intacte la structure du pouvoir qui sous-tend les relations sociales. D'autres peuvent avoir d'impacts, intentionnels ou non, ouvrant la voie à une transformation. Par exemple, l'entrée des femmes dans l'emploi rémunéré a eu des conséquences très diverses selon le contexte et la nature du travail considéré. - alourdissement de la charge de travail des femmes jusqu'à des niveaux extrêmes d'épuisement ; - une certaine réorganisation de la division du travail dans la sphère familiale, la répartition des responsabilités familiales, les hommes réduisant leur part des dépenses du ménage laissant un fardeau financier sans cesse grandissant aux femmes.

Somme toute, nous sommes persuadé que l'autonomie de la femme servira de tremplin à un changement social durable. Ce chapitre a souligné l'importance de l'action collective en faveur de la promotion de l'égalité des genres.

CHAPITRE V : L'AUTONOMISATION DE LA FEMME LUSHOISE PAR LE MICROCREDIT

5.1. Présentation du milieu d'enquête

La yille de Lubumbashi

Lubumbashi est la deuxième ville la plus peuplée de la République Démocratique du Congo (RDC), après la ville de Kinshasa du point de vue de la superficie et de l'infrastructure. Sa population avoisinerait deux millions d'habitants d'après les dernières estimations.

Elle est située dans la partie australe de la République Démocratique du Congo dans la province du Katanga. La ville de Lubumbashi est désignée comme la capitale cuprifère à cause de la grande production du cuivre.

La ville de Lubumbashi, jadis Elisabethville, doit son origine et son développement à la découverte d'important gisement de cuivre en 1892 par le géologue Jules CORNET et leur mise en valeur par l'Union Minière du Haut- Katanga (U.M.H.K) appelée aujourd'hui la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines), créée en 1906. Cette grande société minière décida de préparer l'exploitation de la mine de l'Etoile pour deux raisons : - d'abord, parce que cette dernière (la mine de l'Etoile) contenait des minerais sulfurés dont la métallurgie était bien connue ; - ensuite et surtout, parce qu'un accord entre le Roi LEOPOLD II et Cecil Rhodes prévoyait de faire passer la fameuse voie ferrée « Le cap- Le Caire » par le Katanga(1).

C'est à partir de 1907 que le comité spécial du Katanga (CSK) qui agissait au nom de l'Etat indépendant du Congo, se rendra compte du progrès de l'industrie

(1) MALOBA Kale Katyetye, La prévention de la criminalité dans la ville de Lubumbashi, une contribution à la théorie sociologique du crime, Mémoire de DEA en sociologie, UNILU, 2009-2010, p.64

cuprifère de l'U.M.H.K et de la nécessité de l'existence d'un centre administratif et commercial à proximité des mines décidant du transfert du siège du Comité Spécial du Katanga de Lukonzolua (Lac Moero) aux environs de la mine de l'étoile (Kalukuluku) à Lubumbashi.

Pour l'établissement de ce centre administratif et commercial à coté des activités minières menées par l'Union Minières du Haut Katanga (U.M.H.K) qui venait d'ailleurs d'installer sa fonderie près des chutes de la rivière Lubumbashi, le Major Emile Wangermée, représentant du Comité Spécial du Katanga, qui connaissait très bien le pays se verra confier la mission de créer la nouvelle ville. Il choisit l'endroit près de la mine de l'étoile et près de l'Union Minière du Haut Katanga. Il est considéré comme le fondateur de la ville(1).

En 1909, la ville est créée sur papier avec un quadrilatère de vingt kilomètres carrés de forêts. Il faudra alors défricher, raser des termitières avec les moyens de bord. C'est un plateau caractérisé par une savane infinie, dominé par des miteux à la terre ocre et à la maigre végétation : savane verte en saison de pluie et rouge en saison sèche(2).

L'actuelle ville de Lubumbashi est donc fondée en 1910 par les Belges sous le nom d'Elisabethville (du nom de la reine Elisabeth de Bavière, épouse du Roi Albert 1er des Belges). Elle eut son statut de ville en 1941 par l'ordonnance N° 298/Aimo du 25 juin 1941(3).

A l'occasion de la politique et philosophie de recours à l'authenticité prônée par le Président MOBUTU SESE SEKO, la ville jadis Elisabethville prit le nom

(1) Anonyme, Elisabethville (1911-1961), mémorial réalisé à l?occasion de la Foire Internationale d?Elisabethville en juillet 1961, Bruxelles, Ed. Cuypers, 1961.

(2) Naissance de la ville ( http://users.skynet.be/fa331911/divers/cadre0.htm)

(3) Bulletin Officiel du Congo Belge du 15 janvier 1955, p.221

de Lubumbashi depuis le 3 octobre 1966. Lubumbashi tire son origine du nom de la rivière au bord de laquelle elle avait été créée(1).

Située au sud de la province du Katanga, la ville de Lubumbashi se trouve à 1230 mètres d'altitude, et s'étend sur une superficie de 747 kilomètres carrés. Elle est constituée d'un plateau légèrement vallonnée et limitée entre 11° 30' de latitude Nord et 11° 42' de latitude Sud, longitude entre 27° 10' Est et 27° 30' de longitude Quest.

Du nord au nord ouest vers le Sud-Est, la ville de Lubumbashi est traversée par deux grandes rivières : Kafubu et Lubumbashi. Son bassin hydrographique comprend les cours d'eau principaux suivants : katuba, Kimililo, kiashi, naviundu, kampemba, karavia, luano et rwashi.

Le relief de la ville de Lubumbashi est caractérisé par le plateau incliné du Nord vers le Sud-Est avec plusieurs vallons où sont implantés des fermes agropastorales et un sol alluvionnaire et sablo-argileux.

Elle est sous un climat sec avec deux saisons qui sont : - la saison de pluie allant de fin octobre à mi avril, avec une pluviométrie de 1228 mm d'eau ; - la saison sèche allant de fin avril à mi octobre. Il faut cependant noter qu'il y a une forte chaleur pendant les mois d'aout, de septembre et d'octobre, alors qu'il fait froid au mois de juin et de juillet. Températures : moyenne 20°C - les plus basses : 14,8°C en moyenne, mais pouvant descendre jusqu'à 10° C au mois de juillet ; - les plus hautes 22,5° C en moyenne pouvant monter à 39° C en octobre(2).

Sur le plan administratif, la ville de Lubumbashi est subdivisée en sept communes dont une rurale :

· Commune Annexe (Rurale)

· Kamalondo

(1) D?où vient le nom de la ville ? ( http://users, skynet.be/fa331911/divers/cadre0.htm)

(2) Bureau de la Mairie de Lubumbashi, Rapport annuel des Affaires intérieures, 1998, p.21


· Kampemba

· Katuba

· Kenya

· Lubumbashi

· Rwashi

La ville de Lubumbashi est limitée au Nord et au sud comme à l'Est et à l'Ouest par le territoire de Kipushi dans le District du Haut- Katanga de la manière suivante :

- Au Nord : par la localité Kawama, à 15 km, sur la route Likasi ;

- Au sud : par la mission catholique salésienne à Kafubu, à 20 km du centre-ville, et,

- A l'Ouest : par le lac Kipopo, à 25 Km de la ville.

Elle compte cinq institutions de microfinance à savoir :

· ESPERANCE, située sur l'avenue Kasaï

· FINCA, situé sur l'avenue Maman YEMO

· GALA LETU, situé sur l'avenue Likasi N°2

· TMB, située sur l'avenue Lomami à coté de DEX GCM

· TUJENGE, située sur l'avenue Kasaï.

5.2. Présentation et interprétation des données

5.2.1. Présentation des données

L'enquete que nous avons menée a concerné 32 bénéficiaires des microcrédits. Les modalités de tirage de l'échantillon ont été déjà présentées dans la partie introductive de ce mémoire, plus précisément dans la méthodologie de recherche. Le but ici est de voir si l'approche genre a réellement contribué à la lutte contre la pauvreté ; comment atteindre l'autonomisation de la femme lushoise par le microcrédit. Il s'agit en d'autres termes de déceler les implications éventuelles de la microfinance sur la situation socio-économique des bénéficiaires.

A l'issu de l'enquete, une base de données sous SPSS a été conçue pour la centralisation des informations recueillies en vue d'un traitement. Le traitement des données a été effectué avec les logiciels de statistiques SPSS et Excel. Ces logiciels nous ont permis de classer les observations et d'analyser les données recueillies. Les résultats de l'enquete sont exprimés sous formes des tableaux de fréquences statistiques.

LEGENDE DU TABLEAU DE PRESENTATION DES RESULTATS

1. Commune: 1. Lubumbashi, 2 Kamalondo, 3 Kampemba, 4 Kenya, 5 Katuba, 6 Ruashi, 7 Annexe

2. Individu ou groupe: 1. Individu , 2 groupe solidaire

3. Genre/sexe: 1 Masculin 2 féminin

4. Age: 1. 20-30 ans; 2. 30-40 ans, 3. 40-50 ans; 4. 50-60 ans; 5. 60 et +

5. Etudes faites : 1. Primaire; 2. Secondaire; 3. Universitaire.

6. Etat-civil : 1. Marié; 2. Veuf(ve); 3. Divorcé(e); 4. Célibataire.

7. Revenu: 1. Moins de 10$; 2. 10-20$; 3. 20-40$; 4. 40-70 $; 5. 100$ et plus.

8. Effectif des membres de l'association

9. Raison groupe : 1. Avoir une activité; 2. Résider dans le même quartier; 3. Avoir de bonne relation avec au moins un membre, 4.Avoir une épargne minimum en compte bloqué; 5. Autres.

10. IMF: 1. FINCA; 2. TMB; 3. TUJENGE.

11. Etat occupation : 1. Propriétaire avec titre; 2. Propriétaire sans titres; 3. Locataire; 4. Logé par les parents; 5. Loger par l'employeur.

12. Type de mur: 1. Béton armé; 2. Bloc de ciment; 3. Brique cuite; 4. Brique adobe.

13. Type de toiture: 1. En tuile, 2. En tôles galvanisés, 3. en tôles de récupération,

4. en chaume

14. Type pavement : 1. en bois 2. Carrelage 3. Ciment 4. Terre battues.

15. Type toilette: 1. Intérieur privé avec chasse eau; 2. Extérieur privé avec chasse eau; 3. Extérieur commun avec plusieurs ménages; 4. Pas de toilettes.

16. Nombre de pièce dans la maison: 1. une pièce, 2. deux pièces, 3. Trois pièces,

4. quatre pièces, 5. plus de 4 pièces

17. Source d'eau : 1. Robinet; 2. Forage; 3. Borne fontaine; 4. Puits protégés.

18. Source d'énergie: 1. Electricité; 2. Groupe électrogène; 3. Pétrole; 4. Bougie; 5. Autres.

19. Distance par rapport au point de santé : 1. - 1 Km; 2. 1-5 Km; 3. 5 Km et plus.

20. Nombre de repas: 1. 1 seul; 2. 2 repas; 3. 3 repas; 4. Difficile à déterminer.

21. Avoir reçu crédit: 1. Oui; 2. Non.

22. Ordre de crédit (montant) : 1. 100-250 $; 2. 250-500 $; 3. 500-1000$; 4. +1000 $.

23. Type de crédit: 1. AGR; 2. Construction; 3. Consommation.

24. Taux d'intérêt : 1. moins de 10$; 2. 10%; 3. 10-30%.

25. Échéance de remboursement : 1. Hebdomadaire; 2. Mensuel; 3. Bimensuel;

4. Trimestriel; 5. Semestriel;

6. Annuel

26. Garantie: 1. Oui; 2. Non.

27. Type de garantie: 1. Hypothèque; 2. Garantie personnelle; 3. Parrainage; 4. Notarié; 5. Autres.

28. Cycle de crédit: 1. 1er; 2. 2e; 3. 3e; 4. 4e; 5. 5e; 6. plus de 5.

29. Activité menée: 1. Petit commerce; 2. Elévage; 3. Agriculture; 4. Artisanal;

5. Service; 6. Autres.

30. Pénalité : 1. Oui; 2. Non.

31. Ordre de pénalité : 1. 2$; 2. 5$; 3. 10$; 4. plus de 10$.

32. Refus d'accès aux crédits: 1. Oui; 2. Non.

33. Raison non accès : 1. Manque garantie; 2. Manque parrain; 3. Pas emploi stable;

4. Manque épargne suffisante.

34. Remboursement à temps : 1. Oui; 2. Non.

35. Raison remboursement à temps : 1. Augmenter la crédibilité; 2. Eviter pénalité.

36. Appréciation taux d'intérêt: 1. Abordable; 2. Elevé; 3. Trop élevé.

37. Epargnez-vous : 1. Oui; 2. Non.

38. Source d'épargne : 1. AGR; 2. Autre activité; 3. Autres.

39. Origine d'épargne : 1. AGR; 2. Tontine; 3. Autres.

40. Fréquence d'épargne : 1. Journalière; 2. Hebdomadaire ; 3. Mensuel;

4. Occasionnel; 5. Annuel.

41. Autres formes d'épargne: 1. Bijoux; 2. Marchandise; 3. Tontine; 4. Thésaurisation; 5. Autres.

42. Impact Biens avant : 1. Terrain; 2. Maison; 3. TV; 4. Téléphone; 5. Réchaud;

6. Vélo; 7. Moto; 8. Voiture; 9. Autres

43. Biens après : 1. Terrain; 2. Maison; 3. TV; 4. Téléphone; 5. Réchaud; 6. Vélo;

7. Moto; 8. Voiture; 9. Autres; 10. Aucun

44. Valeur en dollar

45. Année d'acquisition

46. Amélioration : 1. Oui; 2. Non.

47. Pourquoi non améliorer : 1. Les affaires n'évoluent pas tellement; 2. Prix élevé

de marchandises; 3. Conjoncture économique ;

4. On est encore au début.

48. Crédit obtenu a permis : 1. Payer les soins de santé; 2. Payer les études enfants.

49. Confiance à l' IMF : 1. Oui; 2. Non.

50. Pourquoi cette confiance: 1. Accorde facilement crédit; 2.Travail bien;

3. Organisée.

51. Difficulté accès service IMF : 1. Formalité administrative trop longue; 2. Manque d'objectivité dans la sélection

de demande; 3. Manque de confiance; 4. Forte discrimination.

52. Discrimination : 1. Oui; 2. Non.

53. Les plus privilégiés: 1. Les Hommes; 2. Les Femmes; 3. Les Veuves;

4. Femme seule; 5. Femme mariée;
6. Groupe Solidaire; 7. Autre.

54. Difficultés dans l'exercice des activités: 1. manque d'un capital suffisant,

2. bénéfice très faible, 3.Perte, 4. Taxe élevée,

5. crise économique, 6. charge sociale élevée, 7. Approvisionnement en marchandise, 8. perturbation éclectique

55. proposition pour cette difficulté: 1. renforcement de réseaux électriques, 2. augmentation du capital, 3. stabilisation des prix des marchandises 4. contrôle régulier de sa gestion

56. Accompagner par l'IMF: 1. Oui; 2. Non.

57. Pourquoi non accompagnement: 1. Ne suit pas l'évolution de nos affaires, 2. Ne voit que le remboursement

58. Formation : 1. Oui; 2. Non.

59. Type de formation reçue : 1. Comptabilité; 2. Gestion des entreprises; 3. Agriculture; 4. Gestion épargne; 5. Management; 6. Apprentissage métier; 7. Autre.

60. Difficultés rencontrées en tant que femme : 1. Oui; 2. Non.

61. Quelle difficulté: 1. Perte ou escroquerie, 2. Méfiance

62. Attitude de membres de la famille : 1. Positive; 2. Négative.

63. Que faire pour lutter contre la pauvreté : 1. Travailler; 2. Apprendre à se débrouiller.

64. Que faire pour l'autonomisation de la femme: 1. Travailler en se disant qu'on a la même chance de réussite que l'homme, 2. Compter sur l'effort du mari

65. Problème résolu?: 1. pas du tout 2. Partiellement

66. Personne en charge

5.2.2. Interprétation des résultats

I. Profil du bénéficiaire du microcrédit

Dans cette rubrique, nous présentons le profil du microcrédit sur base des données issues de notre enquête de terrain organisée de novembre 2010 à janvier 2011 à Lubumbashi. Nous avons pour ce faire les éléments suivants : le genre, l'age ; le niveau d'études, l'état civil, la taille de ménage. Etant donné que l'octroi du microcrédit est basé aussi sur le profil individuel des demandeurs, ces éléments sont importants à relever.

a) Genre des bénéficiaires

Tableau N°1 Genre des bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Genre

Fréquence

%

Masculin

21

65,6

Féminin

11

34,4

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Contrairement à certaines allégations qui considèrent la femme comme une chèvre appelée à brouter l?herbe à côté de la case de son maître, la femme s?engage désormais dans les microcrédits. En effet, ce tableau montre bien que 34,4% des bénéficiaires enquêtés sont des femmes, contre 65,6% des hommes. Bien qu?il soit trop tôt pour tirer une conclusion, nous pensons que cela peut s?expliquer par la prise de risque plus élevé chez les hommes et le fait que les femmes se réfèrent souvent à leurs maris pour de tels engagements.

b) Age des bénéficiaires

Tableau N°2 Ages des bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Age

Fréquence

%

20- 30 ans

4

12,5

30- 40 ans

3

9,4

40- 50 ans

8

25,0

50- 60 ans

9

28,1

60 ans et +

8

25,0

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Au regard de ce tableau, il ressort que les personnes de plus de 40 ans constituent 78,1% des bénéficiaires de microcrédits interrogés. Le critère d?age semble donc être utilisé par les institutions de microfinance pour l?octroi de crédit. En effet, parmi les conditions d?octroi de crédit il y a entre autres, les gages, l?épargne (une caution). Or la plupart des jeunes n?ont pas souvent des biens à mettre en gage et surtout n?ont pas encore la notion d?épargne. Ce qui explique par conséquent l?exclusion de la jeunesse du système de microfinance.

c) Niveau d'études des bénéficiaires

Tableau N°3 Niveau d'études des bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Niveau d'études

Fréquence

%

Primaire

6

18,8

Secondaire

11

34,4

Universitaire

15

46,9

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Il ressort de ce tableau que la majorité des bénéficiaires a reçu une instruction de base suffisante pouvant leur permettre de gérer les formalités inhérentes à la demande et au bénéfice d?un microcrédit. En effet, 81,2% des bénéficiaires ont effectué au moins les études secondaires. Ce qui est d?ailleurs un avantage car très souvent, les programmes de microfinance sont associés à des modules de formation à la gestion des petites affaires et autres. Ces formations nécessitent quand même une certaine capacité intellectuelle.

d) Etat-civil ou statut matrimonial des bénéficiaires

Tableau N°4 Etat-civil ou statut matrimonial des bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Etat-civil

Fréquence

%

Marié(e)

22

68,8

Veuf (ve)

2

6,3

Divorcé(e)

5

15,6

Célibataire

3

9,4

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

La plupart des bénéficiaires interrogés sont des personnes mariées, soit 68,8%. Alors que les célibataires ne représentent que 9,4%. Ce pourcentage élevé des mariés est sans doute lié à l?idée généralement répandue selon laquelle, les mariés sont plus responsables et plus sérieux que les personnes seules. Toutefois il faut souligner ici le fait qu?être marié ou divorcé et avoir des enfants en charge renforce davantage pour le demandeur du microcrédit la fongibilité des crédits octroyés, car dans ce cas les dépenses du ménage sont plus diversifiées.

e) Commune de résidence des bénéficiaires

Tableau N°5 Commune de résidence des bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Commune

Fréquence

%

Annexe

1

3,1

Kampemba

7

21,9

Katuba

1

3,1

Kenya

3

9,4

Kamalondo

0

0,0

Ruashi

2

6,3

Lubumbashi

18

56,3

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Plus de la moitié des bénéficiaires interrogés résident dans la commune de Lubumbashi, soit 56,3%. La raison peut être la proximité avec les anciens bénéficiaires et avec les sièges des institutions de microfinance. Donc une bonne circulation d?information. 21,9% des bénéficiaires interrogés sont de la commune de Kampemba, 9,4% de la Kenya, 3,1% de la Katuba, 6,3% de la Ruashi. Le choix de la méthodologie de sondage « boule de neige » pourrait aussi justifier ce tableau. Car avec cette méthodologie on atteignait les autres personnes à enquêter grâce aux renseignements fournis par les premiers enquêtés.

f) Institution de microfinance d'affiliation des bénéficiaires

Tableau N°6 Institution de microfinance d'affiliation des bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Institution

Fréquence

%

FINCA

18

56,3

TMB

12

37,5

TUJENGE

2

6,3

Total

32

100

Il ressort de ce tableau que 56,3% des bénéficiaires interrogés sont affiliés chez FINCA, contre 37,5% chez TMB et 6,3% chez TUJENGE. Si les deux premières institutions citées ont débuté leurs activités des microfinances en 2008 dans la ville de Lubumbashi, TUJENGE n?a oeuvré comme institution de microfinance qu?en 2010.

Source: résultats de nos enquêtes

II. Caractéristiques socio-économique des bénéficiaires

Les données regroupées dans cette rubrique nous permettent de nous faire une idée sur les conditions socio-économiques de personnes interrogées afin de vérifier si réellement les microcrédits ont permis d'améliorer leurs conditions de vie, c'est-à-dire que savoir si les personnes interrogées sont des pauvres et que l'accès aux microcrédits leur a permis de lutter contre la pauvreté et d'avoir une certaine autonomie. Figurent donc, dans cette rubrique : le revenu journalier des bénéficiaires, le statut d'occupation de la maison, type d'habitation, type de toilettes utilisées, source

d'approvisionnement en eau et le nombre de repas par jour. Ainsi pour une bonne interprétation des caractéristiques socioéconomiques de nos enquêtés nous avons procédé à l'analyse factorielle.

Tableau N°7 Caractéristiques socio-économique des bénéficiaires

la zone de exte de la ciation.]

Commentaires et interprétations

En analysant ce tableau on constate que nos enquêtés se retrouvent presque tous dans les conditions de pauvreté avec un revenu qui oscille entre moins de 10 et 40 dollars; ils sont très souvent des locataires ou logés par l'employeur, dans des maisons en brique adobe ou en brique cuite, utilisant une toilette extérieure commune à plusieurs ménages ou rarement extérieure privée. Ils s'approvisionnement en eau soit au robinet ou borne fontaine et même dans un puits protégé. Du côté études faites, ils sont soit universitaires ou ayant terminé l'école secondaire. Ils sont mariés ou célibataires, leur âge varie entre 30 à 50 ans, contre un pourcentage vraiment faible de veufs et de divorcés dont l'age est plus de 60 ans et pour la plupart du sexe féminin. Ils ne mangent

pas plus de deux fois par jour. Beaucoup sont de sexe masculin. D'où la nécessité pour eux de trouver un moyen pour sortir de cette situation de pauvreté. Le microcrédit parait être une aubaine pour eux.

III. CREDIT ET EPARGNE

Tableau N°8 Ordre (Montant) du microcrédit obtenu par les bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Montant

Fréquence

%

100 à 250$

7

21,9

250 à 500$

13

40,6

500 à 1000$

6

18,8

Plus de

1000$

6

18,8

Total

32

100

Le montant de microcrédit octroyé par les Institutions de Microfinance oeuvrant à Lubumbashi oscille entre 100 et plus de 1000 dollars US. Toutefois le montant le plus déclaré par les bénéficiaires est moins de 500$, soit 61,5%. Ce montant est loin d?être suffisant pour mener convenablement une activité génératrice de revenus. Il doit par conséquent chercher à investir dans des activités plus rentables pour devenir autonome.

Source: résultats de nos enquêtes

Tableau N°9 Affectation (type) du microcrédit obtenu par les bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Affectation (type)

Fréquence

%

AGR

30

93,8

Consommation

1

3,1

Construction

1

3,1

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Tableau N°10 Autres affectations du

microcrédit

Autres affectation

Fréquence

%

Soins médicaux

9

28,1

Scolarité des

enfants

7

21,9

Autres

16

50,0

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Presque tous les bénéficiaires interrogés déclarent affecter principalement le microcrédit reçu dans les activités génératrices de revenus (AGR), soit 93,8%. Toutefois bon nombre d?entre eux soit 3,1% ont affecté leur microcrédit à la construction et 3,1% autres dans la consommation pour les besoins ménagers ou soins de santé.

Un bon nombre d?entre eux reconnaissent avoir affecté, au moins une fois, le microcrédit reçu à une autre activité que les AGR. Il s?agit entre autres de soins médicaux, de frais de scolarisation des enfants mais aussi pour répondre à une situation d?urgence dans le ménage. La prise en compte de ces phénomènes nous conduit à parler de fongibilité du microcrédit. Il s?agit donc de la dilution du microcrédit dans divers postes d?activités productives et de consommation au point de ne plus savoir distinguer la destination finale.

L?absence de la délimitation claire entre l?exploitation des AGR et les besoins familiaux renforce cet effet de dilution et rend difficile l?étude d?impact de l?intervention des IMF.

Tableau N°11 Nombre (cycle) du microcrédit obtenu par les bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Nombre(cycle)

Fréquence

%

1er cycle

2

6,3

2e cycle

10

31,3

3e cycle

5

15,6

4e cycle

9

28,1

5e cycle

5

15,6

Plus de 5

1

3,1

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

En ce qui concerne le nombre de microcrédits, environ 37,6% déclarent avoir reçu de microcrédits au moins deux fois. 62,4% ont obtenu au moins trois fois. Nous pensons que l?octroi des nouveaux crédits aux anciens bénéficiaires consolide les acquis des crédits passés et aide à devenir autonome avec le temps et à lutter contre la pauvreté. Il est aussi évident que l?octroi du nouveau crédit sera conditionné par des bons résultats du premier reçu. Ceci ne signifie pas qu?il faut ignorer les nouveaux demandeurs, au contraire avec le succès des premiers bénéficiaires les IMF peuvent élargir leur portefeuille de crédit, notamment grace à l?épargne et être en mesure de servir des nouveaux clients.

Tableau N°12 Echéances de remboursement du microcrédit par les bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Echéances

Fréquence

%

Hebdomadaire

1

3,1

Mensuel

23

71,9

Bimensuel

2

6,3

Trimestriel

1

3,1

Semestriel

4

12,5

Annuel

1

3,1

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Le tableau ci-contre indique que dans
71,9% des cas, les bénéficiaires

remboursent le microcrédit reçu mensuellement. Ce système bien qu?à l?avantage des institutions préteuses (IMF), n?accorde pas le temps pour le développement des activités génératrices de revenus pour lesquelles le crédit a été sollicité, au point que l?on peut commencer à rembourser avec l?argent emprunté sans avoir débuté une quelconque activité ou sans que cette dernière commence à produire.

Tableau N°13 Remboursement à temps du microcrédit par les bénéficiaires

Commentaires et interprétations

Rembourseme nt à temps

Fréquence

%

Oui

30

93,8

Non

2

6,3

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

La majorité des personnes interrogées nous ont déclaré qu?elles remboursent à temps le microcrédit reçu, soit 93,8%. En remboursant à temps, elles veulent à tout prix gagner la confiance des IMF afin de bénéfier des nouveaux crédits. Par contre 6,3% reconnaissent n?avoir pas remboursé à l?échéance les crédits obtenus à cause des difficultés socioéconomiques et des échéances jugées trop courtes. Dans cette rubrique, nous avons essayé de voir aussi le lien qui existe entre les variables remboursement à l?échéance et le genre. Tous ceux qui n?ont pas remboursé à l?échéance sont des hommes. Ce constat rencontre les considérations généralement admises en RDC, selon lesquelles les femmes remboursent mieux que des hommes. Ce qui justifie la spécialisation de certaines IMF en octroi des crédits aux seules femmes. Mais le problème c?est de comprendre pourquoi les hommes sont plus concernés par le non remboursement à l?échéance ? A cette question la réponse n?est pas évidente, est-ce un problème de charge familiale ou simplement un problème de la nature des hommes qui seraient moins effrayés que les femmes aux menaces éventuelles ? Rien à ce stade ne nous permet d?affirmer toutes ces réflexions. Il faut peut être une étude précise sur la corrélation genre et remboursement de microcrédit.

Tableau N°14 Source (Origine d'épargne) des moyens financiers utilisés pour le remboursement Commentaires et interprétations

Source

Fréquence

%

AGR

21

65,6

Tontines

9

28,1

Autres

2

6,3

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

S?il est vrai pour les bénéficiaires que les recettes de leurs activités génératrices des revenus contribuent toujours au remboursement du microcrédit. Il faut noter que plusieurs autres sources sont autant utilisées pour le même objectif. 34,4% des bénéficiaires déclarent utiliser aussi d?autres sources que les AGR pour rembourser le microcrédit contacté. Il s?agit généralement de revenus provenant des tontines et des autres membres de famille. L?on peut ainsi dire que l?emploi initial d?un microcrédit peut ne pas avoir des relations avec la source du remboursement futur.

III. IMPACT DU MICROCREDIT

Tableau N°15 Biens acquis grâce à la microfinance

Commentaires et interprétations

Bien qu?il soit difficile de dégager l?impact réel de la microfinance chez tous les bénéficiaires à cause de l?effet de fongibilité que nous avons déjà évoqué, nous voyons au regard de ce tableau que 53,1% ont acquis au moins un terrain, 9,4% ont acquis un téléphone portable, 6,3% une voiture et 3,1% une moto.

Ce tableau montre l?impact positif de la microfinance sur la vie des bénéficiaires. Elle assure une amélioration des conditions socioéconomiques des bénéficiaires en les sortant tant soit peu de la situation de pauvreté dans laquelle ils se retrouvaient avant d?accéder à la microfinance.

Biens

 

Fréquence

%

Terrain

17

53,1

Téléphone p

3

9,4

Moto

1

3,1

Voiture

2

6,3

Autres

4

12,5

Aucun

5

15,6

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Tableau N°16 Amélioration de niveau de vie

Commentaires et interprétations

Amélioration

Fréquence

%

Oui

25

78,1

Non

7

21,9

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Il ressort de ce tableau que 78,1% des bénéficiaires de microcrédit reconnaissent que leur niveau de vie s?est amélioré depuis qu?ils sont entrés dans la microfinance. Dans la mesure où les ménages ou les individus considérés comme "pauvres" ne se situent désormais plus simplement à un niveau stable, endessous du seuil de la pauvreté, mais ont rehaussé ce niveau au-dessus de ce seuil. ils affirment aussi manger deux fois ou trois fois par jour.

IV. APPRECIATION DU SYSTEME DU MICROFINANCE

Tableau N°17 Appréciation du système de la microfinance

Commentaires et interprétations

Appréciation

Fréquence

%

Oui

30

93,8

Non

2

6,3

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

93,8% des bénéficiaires de microcrédit déclarent être satisfaits de la manière dont le système de microfinance fonctionne, contre 6,3% qui se disent ne pas être satisfait. Parmi les raisons évoquées par ceux qui ne sont pas satisfait figurent la petitesse du montant octroyé et les échéances de remboursement qui sont jugées trop courtes.

V. CONTRAINTES

Tableau N°18 Discrimination dans l'accès au système de la microfinance

Commentaires et interprétations

Discrimination

Fréquence

%

Oui

4

12,5

Non

28

87,5

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Contrairement à ce que d?aucuns pensent aujourd?hui, 87,5% des bénéficiaires reconnaissent qu?il n?y a aucune discrimination dans l?accès au système de la microfinance. Donc il y a égale accès à ce système entre homme et femme. Toutefois 12,5% soutiennent qu?il y a discrimination et que les plus privilégiés sont des femmes et des groupes solidaires.

Tableau N°19 Difficultés rencontrées dans l'exercice de ses activités

Commentaires et interprétations

Tous reconnaissent rencontrer des difficultés dans l?exercice de leurs activités liées à la microfinance. Lesquelles difficultés retardent un tout petit peu la progression de leurs activités. Par ordre décroissant, ces difficultés sont dues au manque d?un capital suffisant ce qui revient sur la modicité de microcrédit déjà évoquée (28,1%), Faible bénéfice (28,1%), approvisionnement en marchandises et perte (12,5%), charge sociale et perturbation électrique dans l?ordre de 6,3% et taxe élevée et crise économique 3,1% . Pour résoudre ces difficultés, les bénéficiaires de microcrédit proposent l?augmentation du capital par l?octroi des crédits suffisants, l?amélioration du climat des affaires, le renforcement des réseaux électriques et le renforcement des capacités de gestion de la part des bénéficiaires de microcrédit. Pour arriver à ce résultat, des modules de formation en faveur des bénéficiaires de microcrédit sont essentiels de manière à renforcer leur capacité de gestion.

Difficultés

 

Fréquence

%

Manque d?un capital suffisant

9

28,1

Bénéfice très faible

9

28,1

Perte

4

12,5

Taxe élevée

1

3,1

Crise économique

1

3,1

Charge sociale

2

6,3

Approvisionnement en marchandises

4

12,5

Perturbation électrique

2

6,3

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

Tableau N°20 Formations reçues

Formation

Fréquence

%

Comptabilité

3

9,4

Gestion des entreprises

3

9,4

Gestion des épargnes

9

8,1

Apprentissage d?un métier

4

2,5

Autres

3

9,4

Aucune formation

10

1,2

Total

32

100

Source: résultats de nos enquêtes

VI. QUESTIONS DESTINEES AUX FEMMES UNIQUEMENT

Tableau N°21 Difficultés rencontrées dans l'accès au système de la microfinance en tant que femme

Commentaires et interprétations

Difficulté

Fréquence

%

Oui

2

18,2

Non

9

81,8

Total

11

100

Source: résultats de nos enquêtes

18,2% des Femmes bénéficiaires de Microcrédits affirment avoir rencontré des difficultés dans l?accès au système de la microfinance et que cette difficulté est souvent due à la résistance de maris de voir leurs femmes prendre des engagements avec des tierces personnes. Cependant 81,8% balayent du revers de la main cette difficulté prétextant que les choses ont tellement évolué et que l?homme et la femme doivent travailler pour le bonheur de leur foyer.

Tableau N°22 Attitude des membres de la famille depuis l'accès au système de la microfinance

Commentaires et interprétations

Attitude

Fréquence

%

Positive

10

90,9

Négative

1

9,1

Total

11

100

Source: résultats de nos enquêtes

90,9% des Femmes bénéficiaires de Microcrédits ont jugé postive l?attitude des membres de leurs familles depuis leur accès au système de la microfinance. Cette situation témoigne un changement positif du comportement de lushois vis-à-vis de certains préjugés à l?endroit de la femme, alors que 9,1% rencontrent encore une attitude négative. Cette position peut être due à notre avis aux croyances traditionnelles encore présentes même en milieux urbains congolais, sans oublier le niveau d?instruction bas du conjoint.

Tableau N°23 Que faire pour lutter contre la pauvreté ?

Commentaires et interprétations

Que faire ?

Fréquence

%

Travailler

6

54,5

Apprendre à

se débrouiller

5

45,5

Total

11

100

Source: résultats de nos enquêtes

La plupart des bénéficiaires femmes disent qu?il faut travailler pour lutter contre la pauvreté. La femme doit cesser de penser que son bonheur passe nécessairement par l?époux. Elle doit participer au bien-être de sa famille par son travail. C?est cela que certaines femmes parlent de savoir se débrouiller, car elles ne considèrent pas le commerce comme un travail.

Tableau N°24 Que faire pour l'autonomisation de la femme ?

Commentaires et interprétations

Pour atteindre l?autonomie72,7% des femmes interrogées pensent qu?il faut que la femme travaille en se disant qu?elle a la méme chance de réussite que l?homme. Et qu?elle peut apporter quelque chose pour le développement de son foyer et de sa société.

Que faire ?

 

Fréquence

%

Travailler en se disant
qu'on a la même

chance de réussite
que l'homme

8

72,7

Compter sur l'effort du mari

3

27,3

Total

11

100

5.3. Essai de théorisation a posteriori

Pour une reconstruction théorique, le chercheur peut partir, dans une explication scientifique, des connaissances théoriques existantes pour évaluer ou tester les hypothèses opératoires formulées au début de la recherche en passant par l'analyse des faits sur terrain, ou bien partir de la réalité observée sur terrain pour dégager une théorie explicative spécifique.

En effet, les théories explicatives du genre et lutte contre la pauvreté que nous avons présentées a priori aux points 1.2 et 1.3 voire au point 1.5 du premier chapitre de ce mémoire ont porté chacune sur quelques aspects particuliers, soit du phénomène « genre », soit de la « pauvreté ». Mais aucune d'elles ne peut donc prétendre à l'exclusivité, c'est-à-dire à la vérité.

Les théories sur le genre se trouvent le plus souvent embarrassées par la fixation exclusive sur des questions relatives au sujet et par la tendance à réduire la dimension du genre à l'antagonisme subjectif entre l'homme et la femme. C'est le cas chez Sally Alexander, Denise Riley et Carol Gilligan. Pour eux, l'antagonisme entre les sexes est un aspect inévitable de l'acquisition de l'identité sexuelle. Cet antagonisme est, d'après eux, toujours latent et l'histoire ne peut pas lui offrir une solution mais peut seulement procéder à la reformulation et à la réorganisation de la symbolisation de la

différence et de la division sexuelle du travail. Le problème dans cet aspect de la théorie du genre, c'est le glissement dans l'attribution de la causalité. En d'autres mots, il importe d'arriver à croire que les femmes pensent, choisissent et font certaines choses tout simplement parce qu'elles sont femmes.

Cette façon de voir est en opposition flagrante avec la conception plus complexe et historicisée du genre soutenue par Michelle Rosaldo, Pierre Bourdieu et Maurice Godeber. Pour ce groupe, on doit rechercher non pas une causalité générale et universelle, mais une explication significative. Ils soutiennent que la place de la femme dans la vie sociale n'est pas directement le produit de ce qu'elle fait, mais du sens qu'acquièrent ses activités à travers l'interaction sociale concrète. C'est donc dans ce sens que nous avons envisagé et analysé le genre comme moyen de décoder le sens et de comprendre les rapports complexes entre diverses formes d'interaction féminine dans la lutte contre la pauvreté.

Pour ce qui concerne la pauvreté, nous avons retenu que les théories traditionnelles ont focalisé leur étude sur le minimum physiologique ou minimum social, comme chez Booth et Rowntree. Or, la pauvreté moderne ne peut plus se limiter simplement aux besoins vitaux, elle doit se définir par rapport aux normes couramment admises dans une société donnée et au moment donné. C'est dans ce cadre que se fixe, par exemple, le seuil de pauvreté à 1 ou 2$ par la Banque Mondiale ou le PNUD. Le seuil fixe ou relatif de pauvreté, nous l'avons déjà dit, a fini par soulever le débat autour des inégalités de revenus et celui de détermination de la dose d'inégalité qu'une société est prête à tolérer en son sein, c'est-à-dire de l'écart considéré comme acceptable entre les pauvres et les riches pour une certaine justice sociale.

Et dans ce cadre, s'inscrivent les études de J.J GOUGUET et de J. RAWLS qui abordent la question de l'égalité des chances des individus dans le processus de lutte contre la pauvreté et déterminent ce qu'ils appellent le capital humain. Ils soutiennent, sur ce, qu'une société est juste si elle permet l'amélioration des aspirations de ceux qui sont au bas de l'échelle sociale. Donc pour eux, lutter contre la

pauvreté revient à promouvoir une politique d'égalité des chances, ce qui implique la connaissance de la relation entre le capital humain et la pauvreté. Ils établissent ainsi une corrélation entre certaines caractéristiques sociodémographiques et économiques (sexe, age, localisation géographique, éducation, santé, l'accès aux ressources, etc) et les risques de la pauvreté. Ce que notre étude n'a pas justement oublié d'analyser aussi. Nous avons voulu voir, sur base de notre enquête et au moyen de ces caractéristiques, si les personnes interrogées se retrouvent dans le rang de ceux qui sont considérés comme pauvres afin de voir comment elles sont en train de lutter pour sortir de la pauvreté.

LEWIS, O et LATOUCHE, S ont établi une relation entre la culture et la pauvreté et parlent de la réaction et de l'adaptation des pauvres à leur situation marginale. Partant de la définition de la culture comme une réponse que les groupes humains apportent au problème de leur existence sociale, ils montrent que la culture de pauvreté transcende les frontières et caractérise la nature d'un système économique qui ne prévoit rien pour ce qu'ils appellent les perdants de la compétition sociale, donc les pauvres. Cette théorie de LEWIS et LATOUCHE fut critiquée sur base de deux éléments : son degré d'intériorisation par l'individu et le fait de savoir si l'on acquiert cette culture par héritage ou par basculement.

Parmi les critiques, nous avons retenu, celle de WRESINSKI qui soutient l'idée de l'héritage et rejette celle de basculement. Il dit que la pauvreté ne frappe pas au hasard, car quand on remonte la lignée familiale des pauvres, on finit toujours par trouver des éléments de fragilisation sociale. Là est peut être la question qui hante aujourd'hui plus d'un congolais en général et d'un lushois en particulier qui pense qu'il est pauvre parce qu'il est né pauvre sorti d'une famille pauvre, ou encore que la femme est faible par rapport à l'homme parce qu'elle est femme, ou même qu'elle doit rester à la maison garder les enfants et ne pas travailler parce qu'elle est femme (Buzi anapasha kula mayani karibu na nyumba).

Armatya SEN montre que la pauvreté est avant tout une privation des capacités élémentaires. Et pour lui, un revenu faible constitue bien une des causes essentielles de la pauvreté. L'absence des ressources est la principale source de privation des capacités d'un individu. C'est à ce niveau que le théoricien rejoint ceux qui ont parlé du capital social et envisage les interactions sociales.

L'approche genre que nous avons considérée dans ce mémoire fait référence justement à la construction sociale du rôle féminin et masculin qui doit être entendu non pas par le caractère biologique et statique du sexe ou en termes d'opposition homme- femme, mais comme le résultat des conditions de production et de reproduction propres à chaque société dans son évolution. Il a été donc question de montrer des besoins pratiques et les intérêts stratégiques pour que la femme lushoise puisse, par le microcrédit, sortir de la condition de pauvreté dans laquelle elle se trouve, c'est ce que nous avons appelé l'autonomisation.

L'accès plus large de la femme lushoise à la microfinance lui permettra d'augmenter le bien-être de son foyer et partant l'amélioration de son statut au sein du ménage et de sa communauté. Ceci a été démontré par la confiance qu'elle a envers le système de microfinance et envers elle-même, car elle croit désormais qu'elle a les mêmes chances de réussite que son compatriote homme. Ici les conclusions de nos enquêtes ont rejoint celles de SEN et DUBOIS. Ils pensent que les femmes ne sont plus des destinataires passives d'une reforme affectant leur statut, mais plutôt les actrices du changement, les initiatrices dynamiques de transformations sociales visant à modifier l'existence des hommes et des femmes.

Enfin, la femme lushoise doit être prudente et comprendre l'approche genre que nous soutenons dans ce mémoire, et envisager cette autonomisation non pas par opposition ou par comparaison à l'homme, mais par rapport à elle-même, car l'opposition et la comparaison risque de susciter chez l'homme une réaction de défense et de rejet qui bloquerait toute tentative de son développement intégrale dans la mondialisation.

5.4. Conclusion partielle

Ce dernier chapitre du mémoire a consisté à l'analyse de l'autonomisation de la femme lushoise. Dans sa recherche des voies et moyens pour lutter contre la pauvreté, les femmes de Lubumbashi comme leurs compatriotes hommes recourent à la microfinance. Après nos investigations et interprétations sociologiques des réponses de nos enquêtés, le microcrédit semble donc être une arme efficace et importante en matière de progrès social. Il permet aussi de réduire des inégalités sociales non seulement entre les hommes et les femmes mais aussi entre le monde rural et urbain. D'où l'importance que nous lui avons accordée dans ce mémoire qui traite de la question du genre dans la lutte contre la pauvreté.

L'amélioration du niveau de vie de nombreuses femmes et de beaucoup hommes à Lubumbashi grâce aux microcrédits dénote de l'impact positif du système de microfinance. Cependant, nous avons aussi noté que sans l'autonomisation ou « l'empowerment », les femmes démunies ne peuvent sortir durablement de la pauvreté. L'autonomisation économique individuelle des femmes bénéficiaires de microcrédit est très importante, mais son degré dépend du niveau de contrôle qu'elles exercent réellement sur l'utilisation de ces crédits et sur les revenus qui en découlent. Le manque d'autonomisation économique et socioculturelle voire intellectuelle est très souvent lié au phénomène de « fongibilité » du microcrédit. En effet, comme les résultats de nos enquetes l'on montré, la consommation du microcrédit se répercute et se dilue dans divers postes d'activités productives et de consommation, à tel enseigne qu'on ne parvient plus à identifier sa destination finale. D'où l'absence d'une délimitation claire entre l'exploitation des activités génératrices des revenus et les besoins familiaux qui renforce cet effet de dilution et prolonge la pauvreté.

CONCLUSION GENERALE

La ville de Lubumbashi comme d'ailleurs les autres villes de la République Démocratique du Congo connaît un sérieux problème de survie des ménages à cause de l'ampleur de la crise que traverse son économie nationale. La présente étude a porté sur « Genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi. Une contribution à l'analyse de l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit ». En réalisant cette étude, nos préoccupations ont tourné autour des questions suivantes :

1. Est-ce que l'approche genre peut réellement contribuer à la lutte contre la pauvreté?

2. Quels sont les changements importants intervenus chez la femme lushoise par suite de mutations historico- culturelles, plus précisément de son autonomisation à travers le microcrédit ? En d'autres termes, quel est l'apport du microcrédit dans la mise en oeuvre des programmes d'autonomisation de la femme lushoise ?

Pour répondre a priori à ces interrogations, nous avions pensé que la quête légitime d'égalité entre les hommes et les femmes tout comme de l'autonomie de la femme a enregistré certes des résultats positifs dans le domaine de l'égalité des droits. Mais que l'approche genre dans la lutte contre la pauvreté ne peut être atteinte que lorsque les différences entre les sexes seront reconnues et considérées comme complémentaires et que l'élément culturel du genre sera compris dans son contexte spécifique. L'autonomisation de la femme a été envisagée comme l'accroissement de sa force sociale, politique, économique et spirituelle, tant sur le plan individuel que collectif, ainsi que l'élimination des obstacles qui pénalisent la femme, l'empêchant d'être pleinement intégrée dans les divers secteurs de la société. Concrètement, cela signifie qu'il faut affronter les pratiques discriminatoires qui excluent la femme dans des processus de prise des décisions et du développement. Donc l'autonomisation de la femme lushoise à travers le microcrédit s'inscrit donc dans le cadre des programmes d'amélioration de la condition de la femme. Ces programmes devraient viser le respect de la femme de la part des hommes et sa reconnaissance en tant que membre apportant une contribution importante à la société et une plus grande estime envers celle-ci dans son rôle prédominant dans la réduction de la pauvreté. Le microcrédit

encourage les microprojets au niveau local et induit des mutations à la base. Ces effets positifs et multiplicateurs de l'autonomisation de la femme montrent que le microcrédit doit être vigoureusement soutenu en faveur de la femme lushoise en particulier et Congolaise en général.

Les bénéfices de l'autonomisation produits par le microcrédit doivent aller de pair avec le besoin d'éducation et de prise de conscience, en particulier au niveau des communautés locales. L'éducation des femmes demeure particulièrement l'instrument le plus important dans la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et dans l'autonomisation des femmes en vue de pleinement contribuer à la lutte contre la pauvreté. Surtout lorsqu'on sait que les femmes ont été éduquées de façon à croire à tout moment que leur position de subordination par rapport aux hommes est normale et naturelle, qu'elle procède de l'ordre social, voire divin.

Outre l'introduction générale et la conclusion générale, ce mémoire a été subdivisé en cinq chapitres. Dans l'introduction générale, nous avons, en premier lieu, présenté l'objet de notre étude et justifié les raisons qui nous ont motivé pour le choix de ce sujet. Par la suite, nous avons indiqué la délimitation de l'étude. Après, nous avons fait la révision des études antérieures pour bien dégager l'originalité de notre étude. Nous avons ainsi posé notre problématique et formulé nos hypothèses opératoires. Nous avons également indiqué notre méthode ainsi que les techniques de la recherche. Enfin nous avons présenté les difficultés rencontrées au cours de la recherche.

Le premier chapitre a porté sur les généralités concepto-théoriques. Dans ce chapitre, nous avons précisé le contour sémantique et théorique des concepts de notre étude, notamment le genre, la pauvreté et la lutte. Par la suite nous avons revu la modélisation du genre et lutte contre la pauvreté. Le second chapitre a consisté à dégager l'importance socio-économique du microcrédit et de la microfinance. Ce chapitre nous a permis de fixer les contours du microcrédit et de la microfinance avant d'en aborder la typologie et la méthodologie. Enfin nous avons dégagé le rôle socioéconomique du microcrédit et présenté son expérimentation à travers le monde. Le

troisième chapitre a été consacré aux manifestations de la pauvreté de la femme lushoise. Ce chapitre nous a conduit à montrer comment la pauvreté est vue par les pauvres eux-mêmes et aussi à montrer la répartition sexo-spécifique du travail à Lubumbashi. Ce qui a justifié l'importance des lignes accordées au travail des femmes et à la survie des ménages. Ce chapitre a été d'un apport non négligeable dans la mesure où nous nous sommes donné comme tâche de cerner le concept même de « pauvre » et de pénétrer les modalités de calcul de pauvreté. Se basant sur les déclarations des pauvres, la banque Mondiale (2000) a proposé la définition synthétique suivante : « la pauvreté est un profond dénuement, un manque aigu de bien-être. Etre pauvre, c`est avoir faim, ne pas avoir un toit, ne pas avoir des vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir se faire soigner ; c`est être illettré et sans instruction. Les personnes démunies sont particulièrement exposées à des événements extérieurs qui échappent à leur contrôle : maltraitées par les institutions et la société, n`ont les moyens de se faire entendre, ni d`exercer une influence quelconque »

Malgré ses immenses ressources naturelles, la République Démocratique du Congo est l'un des pays les plus pauvres du Monde. Les populations vivent dans des conditions économiques et sanitaires déplorables. Près de 80% de la population congolaise survivent à la limite de la dignité humaine, avec moins de 1$ par personne par jour, moins de 20% ont accès régulier à l'électricité. La pauvreté se manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50% des femmes et des enfants. Au total, 1,6 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire. Sur le marché du travail, la situation de chômage ou d'emploi précaire touchait la majorité de la population active en 2004. La part du travail informel est en constante augmentation et les salaires sont dérisoires. C`est donc dans ces conditions que vit la femme lushoise. Cette pauvre qui tente de sortir avec peine de la situation de précarité dans laquelle elle se trouve.

Ensuite, le quatrième chapitre a analysé la politique de l'autonomisation de la femme à Lubumbashi. A cette occasion, nous avons d'abord montré l'approche conceptuelle et théorique de l'autonomisation de la femme. Nous avons ensuite

présenté l'évolution des politiques d'autonomisation de la femme à Lubumbashi avant de terminer par la modélisation de la femme Lushoise.

Enfin, le cinquième chapitre a été consacré à l'autonomisation de la femme lushoise par le microcrédit. Ce chapitre a été subdivisé en deux sections. La première section nous a permis de présenter le milieu d'enquete qui est la ville de Lubumbashi. La deuxième section a présenté les données d'enquete, leur interprétation.

Pour atteindre les objectifs de cette recherche et vérifier nos hypothèses opératoires, notre méthode a été fondamentalement dialectique. Cette méthode a été appuyée par les techniques d'analyse documentaire, d'observation directe et d'interview.

Au terme des nos analyses et interprétations sociologiques enrichies par des débats avec nos enquetés, nous sommes parvenu à constater l'importance de la question du genre dans la lutte contre la pauvreté. En effet, parmi les obstacles qui empêchent la femme de participer au développement de sa société figurent les pratiques socio culturelles et économiques discriminatoires qui l'excluent dans le processus de prise des décisions et du développement. Se trouvant dans un contexte de crise prolongée touchant l'ensemble des couches moyennes et inférieures, - où l'expérience la plus commune est l'insuffisance de revenus monétaires et la cherté de la vie, - la femme lushoise adopte une démarche nouvelle pour l'amélioration de ses conditions socioculturelles. Pour pallier à tous ces problèmes, nous avons proposé l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit.

Cependant, la survalorisation de la microfinance risque de défavoriser les autres outils de réduction de la pauvreté. La récupération politique de cette stratégie de lutte contre la pauvreté peut donner des prétextes pour réduire encore plus d'autres programmes sociaux comme l'alphabétisation, la nutrition, l'éducation ou la santé. Pourtant l'intérêt accordé à la microfinance comme faisant partie de stratégies de lutte contre la pauvreté ne doit faire oublier d'autres programmes complémentaires des

secteurs d'éducation, de santé, ou encore de l'infrastructure. Disons seulement que si le microcrédit permet un certain développement, cela ne signifie pas qu'il faille ainsi oublier l'importance des autres acteurs. Encore l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit dépend aussi de l'accompagnement et du soutien des institutions de la microfinance avec la collaboration d'autres intervenants.

Nous n'avons aucune prétention à une étude exhaustive. Certains aspects socio-ontologiques ( la culture, le développement technologique et économique) ne sont pas approfondis ici, alors qu'ils interfèrent sur la lutte contre la pauvreté et sur la question du genre. Nous avons néanmoins élaboré une ébauche sue laquelle porteraient des études à venir pour saisir les différents aspects de la lutte contre la pauvreté et partant, de l'amélioration des conditions de vie de la femme lushoise.

Nous pensons à juste titre que notre modestie dans la présentation des données ne cache pas cependant la portée réelle de notre contribution à la théorie du genre et développement.

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II. ARTICLES

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7. PRONK, Jan « Femmes dans le développement: le chemin vers l'autonomie », in Cahiers genre et développement N°1,2000

8. VINCENT, F., Le système du microcrédit permet-il le développement ?, In Problèmes Economiques, n° 2666

III. THESES ET MEMOIRES

1. BUSHABU PIEMA KUETE, Famille et urbanité à Lubumbashi, Thèse de doctorat en Sociologie, Lubumbashi, UNILU, 1994

2. KITENGE Ya, le rôle de la femme zaïroise dans la société contemporaine. Aspects épistémologiques et analyse qualitative de la condition

féminine, Thèse de doctorat en sociologie, Lubumbashi, UNAZAFSSPA, 1977

3. MALOBA Kale Katyetye, La prévention de la criminalité dans la ville de Lubumbashi, une contribution à la théorie sociologique du crime, Mémoire de DEA en sociologie, UNILU, 2009-2010

4. MITONGA Kabwebwe H, La pauvreté- déterminant majeur et conséquence de l'épidémie du VIH/SIDA dans une contrée frontalière en Afrique australe, cas de la frontière de Kasumbalesa (RDC-Zambie), thèse de doctorat en santé Publique, UNILU, 2009-2010

5. MPANZU Balomba, Microfinance en République Démocratique du Congo : cas du site maraicher de Ndjili/CECOMAF à Kinshasa, DES en Economie et Sociologie rurale de la Faculté Universitaire de Gembloux (FUSAGx) et UCL, 2004-2005

6. OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du microcrédit dans le financement du développement, Thèse de doctorat à l'Université de Nice, 2004

7. PALIER, J., Les pratiques urbaines de la microfinance indienne : de l'efficacité à la pérennité, Mémoire de DEA d'Economie, Université de Lyon, 2001

8. Serres (DE), Andrée, « L'allocation de capitaux aux projets innovateurs : étude des pratiques émergentes dans le domaine des infrastructures publiques ».Thèse de doctorat, Montréal, école des sciences de la Gestion, Université du Québec à Montréal, 1999

IV. Sites internet

1. Réseau IMPACT Appui aux politiques publiques de réduction de la pauvreté et des inégalités www.reseau-impact.org

2. http://www.famafrique.org

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE 1

1. Présentation du sujet 1

2. Choix et intérêt du Sujet 3

3. Délimitation du sujet 6

4. Etat de la question 6

5. Problématique 9

6. Hypothèse opératoire 12

7. Méthodologie de la recherche 15

7.1. Méthode de recherche 15

7.2. Techniques de recherche 17

8. Difficultés rencontrées 19

9. Subdivision du mémoire 20

CHAPITRE I : GENERALITES CONCEPTO- THEORIQUES 21

1.1. Introduction 21

1.2. L'approche conceptuelle et théorique du genre 22

1.3. L'approche conceptuelle et théorique de la pauvreté 30

1.4. Approche conceptuelle et théorique de la lutte 39

1.5. La modélisation: genre et lutte contre la pauvreté 48

1.6. Conclusion partielle 53

CHAPITRE II : L'IMPORTANCE SOCIO-ECONOMIQUE DU MICROCREDIT 55

2.1. Introduction 55

2.2. Définition de la microfinance et du microcrédit 55

2.3. Typologie des Systèmes financiers décentralisés en République Démocratique du

Congo 57

2.4. Approche méthodologique de la microfinance 58

2.5. Rôle socio économique du microcrédit 62

2.6. Expériences du microcrédit 68

2.6.1. Dans le monde 68

2.6.2. En Afrique 74

2.6.3. En RDC 80

2.7. Conclusion partielle 83

CHAPITRE III : LES MANIFESTATIONS DE LA PAUVRETE DE LA FEMME LUSHOISE

85

3.1. Introduction 85

3.2. Cadre d'analyse et de calcul de la pauvreté 85

3.3. La répartition sexospécifique du travail à Lubumbashi 102

3.4. Le travail des femmes et la survie des ménages 107

3.5. Conclusion partielle 110

CHAPITRE IV : LA POLITIQUE DE L'AUTONOMISATION DE LA FEMME A

LUBUMBASHI 111

4.1. Introduction 111

4.2. Approche conceptuelle et théorique de l'autonomisation de la femme 111

4.3. Evolution des politiques d'autonomisation de la femme dans le monde, en RDC et

au Katanga 117

4.4. La modélisation de l'autonomisation de la femme lushoise 123

4.5. Conclusion partielle 127

CHAPITRE V : L'AUTONOMISATION DE LA FEMME LUSHOISE PAR LE

MICROCREDIT 129

5.1. Présentation du milieu d'enquete 129

5.2. Présentation et interprétation des données 132

5.2.1. Présentation des données 132

5.2.2. Interprétation des résultats 140

5.3. Essai de théorisation à posteriori 150

5.4. Conclusion partielle 154

CONCLUSION GENERALE 155

BIBLIOGRAPHIE 160

TABLE DES MATIERES 165






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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King