WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les mécanismes d 'affectation du douanier au poste stratégique

( Télécharger le fichier original )
par Vicky MUDEKUZA CIHARA
Université de Lubumbashi école de criminologie - Licence 2009
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

EPIGRAPHE

La politique « Tolérance zéro » prônée par le Président Joseph KABILA, est-elle un mythe ou une réalité ? Qui sont les cibles ? Les riches ou les pauvres ?, Les gouvernants ou les gouvernés ?

Vicky MUDEKUZA

DEDICACE

A mon père, feu Edouard MUSHOZA BISIMWA,

A ma mère Veronica FATUMA,

A mes frères et soeurs,

A mon épouse Nicole ILUNGA KYUNGU et mes chers enfants : Gloria - veronica MUDEKUZA FATUMA, Denise MUDEKUZA MUKALAY, Exaucé MUDEKUZA MUSHOZA, Junior Victoire MUDEKUZA,

Au philosophe Abbé Vincent MULAGO, à papa MUDAHAMA Z., au feu BOJI Dieudonné.

A toute ma belle famille,

Je dédie ce travail.

REMERCIEMENTS

Les études en criminologie sont très jeunes dans notre pays, la République Démocratique du Congo, car il s'agit d'une première Ecole de Criminologie en Afrique centrale.

La rédaction du mémoire dans ce domaine a ses exigences propres auxquelles il faut se conformer. Il n'est donc pas aisé d'y parvenir sans difficulté. Pour ce faire, nous avons bénéficié d'un encadrement de tout le personnel tant administratif qu'enseignant de l'école.

Nous remercions la coopération belge à travers le professeur émérite Françoise DIGNEFFE pour avoir doté à notre Pays cette école et les professeurs comme Christophe ADAM, Philippe MARY, Jacques FIERENS, Dan KAMINSKI, Sara LIWERANT ... afin de dispenser des enseignements dans diverses disciplines constituant notre formation.

Nous remercions de tout coeur le professeur Sara LIWERANT et le Docteur NGOIE MWENZE pour avoir accepté malgré leurs occupations diverses de diriger et co-diriger ce travail.

Les discussions pertinentes avec Albert MUTOMBO ont été d'un apport déterminant ; sans oublier les cadres et agents de la douane pour leur disponibilité et leur encadrement aux différents sites de notre stage de recherche.

Nous remercions les collègues de promotion pour leur soutien non de moindre. Il s'agit de : Didier KYONDWA et Victor KAPUMBA, et aux familles des aînés et amis KITOPI KIMPINDE, Capitaine MUHAMONO, Colonel Henri BASHIZI, Freddy DIAMBOMBA, Freddy KAJEJE, Jacques CIRHUZA, Moreau MWAMBU.

Nous pensons également aux différents chefs de notre organisation : notre directeur général François BEYA KASONGA et tout son cabinet, au Directeur Général honoraire KAMB TSHIJIK, aux Directeurs Consul NUMBI KALALA, Roland KASHWANTALE, Papy WABENGA, Jacques IKWA, Bernard NDALA, aux Chefs de division BUSHIRI, IBANDA, enfin aux collègues de la D.G.M KATANGA : Toussaint NKOY, Thiery MUKALAY, Charles SOKE, Claude MABRUKI, Warnand SABWE, Deo SHINDANO, Eddy MWAMBA, Grégoire KACHELEWA, Eric YUMA, Eva TSHISWAKA, Claudine MULIMBI, Bernard SHUKU, Robert SADI, Alexis MUKAZ.

INTRODUCTION GENERALE

La présente dissertation que nous avons l'opportunité de présenter, analyse les différents mécanismes non réglementaires présidant à l'affectation du douanier au poste stratégique.

Il a été constaté après une longue observation dans le milieu douanier que quelques-uns menaient une vie différente de leurs collègues lorsqu'on regarde leur manière de vivre ; se traduisant souvent par la possession de biens meubles et immeubles qui font parler d'eux dans la ville de Lubumbashi.

Par ailleurs, l'occupation du poste joue déterminant dans la facilité de gain à la douane. C'est dans cette optique que nous avons compris qu'il y a quelques postes au sein de la douane Katanga qui offrent l'opportunité à l'occupant de gagner beaucoup d'argent par rapport aux autres. Ce sont de postes dits stratégiques ou juteux. Ceux n'offrant pas cette opportunité à l'occupant sont dits, postes garages.

C'est dans ce contexte alors que nous nous sommes posé cette question devant constituer le fil conducteur de cette étude : « Que fait un douanier pour occuper un poste stratégique ? ».

Pour éclairer l'objet de cette recherche, nous avons mobilisé la théorie sociologique de l'organisation, complétée par celle d'acteur stratégique dans l'optique de Crozier (1977).

Elles nous ont permis de comprendre la douane en tant qu'organisation et les acteurs (douaniers) ayant une marge de liberté qui leur permet d'interpréter et de discerner les normes régissant le fonctionnement de la douane qu'ils adaptent à leur propre profit présent ou à venir selon le projet. La partie réservée à l'instrumentalisation de la loi par le douanier pour avoir de l'argent soutient notre théorie.

En vue de saisir notre objet d'étude, nous nous sommes servi de l'observation directe dite aussi observation in situ à travers le stage de recherche. Celle-ci a été enrichie par les entretiens directs et par les entretiens semi-directifs.

Concernant le traitement des données, nous avons recouru à l'analyse thématique sous ses deux aspects, vertical et horizontal.

L'approche mobilisée étant inductive, elle nous a permis de construire directement les hypothèses à partir des données empiriques dans le corpus de cette étude.

Quant au canevas sommaire, la recherche s'articule autour de trois chapitres que voici :

- Le premier cerne le cadre théorique,

- Le second présente les dispositifs méthodologiques, le site de recherche et le cadre réglementaire de l'Office de Douane et Accises en sigle,

- Enfin le troisième jette le regard criminologique sur les mécanismes d'affectation du douanier au poste stratégique. Il présente le résultat de cette étude qui se termine par une conclusion générale suivie d'une bibliographie.

CHAPITRE I. : CADRE THEORIQUE

Ce chapitre comprend trois volets, à savoir :

- le premier est centré sur l'objet de recherche ;

- le deuxième fixe la problématique et étaye les questions de recherche en précisant le tracé ;

- le troisième présente la mise en contexte de l'objet.

1.1.OBJET DE RECHERCHE

Cette partie du travail est focalisée sur la construction de l'objet (1), fixe la question de recherche (2), présente l'état de la question (3), détermine les visées de la recherche (4) et délimite le contour de la recherche sur le plan spatial, temporel et conceptuel (5).

1.1.1. Construction de l'objet d'étude.

La République Démocratique du Congo, notre pays, a connu plusieurs mutations politiques depuis l'indépendance jusqu'à ce jour. Ces mutations ont dégradé le tissu économique et social du pays. Il s'agit à titre d'exemple la zaïrianisation (1973), les diverses reformes monétaires, l'institutionnalisation du parti unique le Mouvement Populaire de la Révolution(MPR), etc.

Parlant de la zaïrianisation, Ngoie Mwenze (2009 : 120) écrit :

« C'est dans cette perspective qu'il faut interpréter l'une des mesures les plus spectaculaires, les plus controversées du régime, la zaïrianisation, qui vit, en 1973, les entreprises appartenant à des étrangers distribuées à des citoyens zaïrois ».

Les pillages multiples et le non paiement des fonctionnaires de l'Etat pour ne citer que ceux-ci, ont eu de conséquences considérables sur la vie de tout un chacun. Le même auteur ci-haut cité renchérit en ceci :

« de 1991 à 1993, les grandes villes du pays sont secouées par des pillages (des magasins, des boucheries, des fermes ...) orchestrés par les forces armées zaïroises (2009 : 121) ».

Ce faisant, travailleurs ou chômeurs congolais ont cherché la nouvelle manière de se débrouiller pour répondre aux devoirs et obligations qui les attendent.

Le parent devant nourrir sa famille, scolariser les enfants, sécuriser la famille par un logement et par une activité lucrative a recouru à d'autres manières pour se débrouiller dans un domaine bien déterminé. C'est pour cette raison que les femmes cessent d'être de ménagères tout court, elles deviennent aussi participantes aux activités productrices afin d'aider leur mari à la survie de la famille. De ces activités exercées par la femme, nous pouvons citer à titre d'exemple, la vente au domicile de la bière, le commerce ambulant de légumes, des arachides, des poissons, etc.

A ce propos Khonde et Rémon écrivent ce qui suit (2006 : 47) :

« pour ce qui est de la population active , celle-ci donne l'impression d'avoir augmenté , c'est -à - dire de 13,8% en 1973 à 15,72% en 2002 . Ceci reste une impression puisque la catégorie purement ménagère a beaucoup diminuée (6,3% à 4,91%). Cette catégorie de la population n'est plus restée celle qui ne s'occupe que de travaux ménagers, il s'agit maintenant d'une activité à part entière, au même titre que les activités de débrouille nécessaires pour suppléer au revenu salarial qui s'est totalement effrité. »

C'est pendant ce temps que naquit dans les avenues et les rues de notre pays, l'article 15 d'une « constitution officieuse » qui stipulait : «débrouillez - vous».

Cet article a été renforcé par le discours politique du Feu Président de la République M'zee Laurent Désiré KABILA lorsqu'il dit : « Prenez - vous en charge, nous devons nous organiser chacun là où il est... »

Dans ses adresses politiques et administratives, le Président Laurent Désiré Kabila demandait au peuple congolais de travailler durement pour reconstruire le pays. Chacun devait apporter sa pierre à l'édifice.

Cette citation tirée du discours du Président de la République, avait suscité diverses interprétations selon le sentiment de celui qui interprétait.

Les travailleurs congolais en général et les douaniers en particulier se sont sentis interpellés par ce discours pour se prendre en charge eux-mêmes au moment où le pays était en pleine guerre avec ses voisins de l'Est.

Ce discours avait renforcé chez le fonctionnaire un sentiment d'insécurité, un désespoir alors qu'il voyait en M'zee KABILA, un vrai libérateur, reflétant un Etat Providence.

Pour ce faire, le douanier cherche les mécanismes pouvant lui permettre de se prendre en charge, lesquels mécanismes sont orientés vers ses relations pour être affecté à un poste rentable ou stratégique, c'est-à-dire celui qui offre les opportunités d'avoir beaucoup d'argent dans un temps record.

Par ailleurs, un mécanisme est à comprendre selon Petit Larousse illustré : (2005 : 675) comme : « combinaison de pièces disposées de façon à obtenir un résultat déterminé ; mode de fonctionnement d'un ensemble dépendants les uns des autres ». Nous considérons le mot « mécanisme » dans sa première acception.

Nous pouvons le dire en passant que les relations du douanier deviennent de plus en plus complexes avec le système politique mis en place en RDC par les institutions internationales en vue de résoudre les conflits armés ayant embrasés le pays.

Le système politique de « 1 + 4 » un président de la république avec quatre vice - présidents, issu de l'accord global et inclusif de Sun city en République Sud Africaine en avril 2002, avait déterminé le partage du pouvoir entre les différents acteurs politiques et ce, à tous les niveaux, notamment dans les institutions politiques, dans les services de sécurité, dans le porte feuille de l'Etat et dans l'administration.

1 + 4 signifie un prédisent de la République avec quatre vice-présidents dont deux sont issus de deux factions rebelles, un de l'opposition démocratique et le dernier de la composante gouvernementale.

Ainsi, la vie du douanier au Katanga attire le regard de toutes les catégories sociales de la ville de Lubumbashi. Après observation sur terrain, nous avons compris que même entre les douaniers, il y a des écarts de standing de vie qui font qu'il y a parmi eux ceux qui attirent l'attention des autres, attention manifestée par l'envie d'être comme eux, se procurer notamment les villas, les beaux véhicules, etc.

Philippe Robert cité par Kaminski (2006 : 85), parlant de l'intérêt écrit : « les biens de consommation semi -durables - les voitures, l'électro-domestique, les vêtements à la mode - sont très liés aux styles de vie : il est difficile d'échapper à la relégation spatiale, surtout si l'on habite une zone mal desservie en transports en commun ; difficile donc de présenter l'image prestigieuse d'un individu mobile, difficile même souvent d'accéder aux emplois et aux distractions.

Sa possession constitue l'un des symboles les plus facilement accessibles de qualification sociale. Le long de sa gamme qui va de simplement utilitaire jusqu'au véhicule de prestige, peut donc facilement se nouer une lutte de distinction ».

Les douaniers se battent pour être affectés dans des postes stratégiques et rentables comme receveurs, inspecteurs et l'affectation à Kasumbalesa, porte d'entrée de toutes les marchandises destinées à la province du Katanga et aux deux provinces du Kasaï. Ces postes offrent des opportunités d'avoir beaucoup d'argent facilement et vite pour se sécuriser. Dans cette optique l'occupation de poste joue un rôle important dans la facilité de gain. En effet, il y a les postes qui présentent la facilité de capitaliser plus par rapport à d'autres. Ceux qui offrent plus d'opportunité de capitalisation sont dites stratégiques et d'autres sont considérés comme de postes « garage »

Ceci peut être affirmé avec Kienge Kienge Intudi, cité par Lupitshi Wa Numbi, (2006: 6) lorsqu'il souligne que : « le fait pour un objet d'étude d'être trop visible et d'attirer plusieurs observateurs, est un élément positivable car dit-il ; cela ne fait qu'accroître l'intérêt pour le chercheur travaillant sur pareil objet d'expliciter la manière dont il le construit, pour en fait créer une rupture avec d'autres interprétations possibles »

Chez le douanier le profit est celui de se faire de « Cretch »(1(*)) en vue soit d'occuper un poste stratégique, soit de se maintenir à ce dernier et soit enfin accéder à une promotion en grade ou en fonction.

C'est dans ce cadre précis que le mémoire du doctorant Mazwan K.(2006 : 12) nous sera utile lorsque nous devons associer le comportement du douanier au phénomène laboratoire, qualifié par le juridique d'acte de fraude documentaire, soit acte de falsification des documents douaniers et commerciaux en vue notamment d'éluder partiellement ou totalement les droits et taxes à l'importation.

Ce phénomène laboratoire est considéré dans le cadre de cette recherche comme une stratégie montée par le déclarant avec la complicité du douanier pour avoir de l'argent ou « Cretch » pour nourrir le parrain, en terme de rapport avec pour conséquence d'être maintenu au poste stratégique ou bénéficier d'une promotion à un poste plus stratégique que celui occupé.

Ainsi, l'objet de cette recherche est l'étude des différents mécanismes non réglementaires présidant à l'affectation du douanier à un poste stratégique.

1.1.2. Mise en contexte de l'objet d'étude

La présente recherche s'inscrit dans une perspective qualitative et compréhensive considérant le contexte comme élément capital et incontournable pour la compréhension des phénomènes à étudier.

C'est sous cet angle que la mise en contexte de l'objet permet d'opérer une rupture entre l'objet et le chercheur en vue d'éviter le jugement de valeur en tant que registre moral et normatif.

Il est donc utile pour nous, en vue de comprendre les différents mécanismes qui se greffent autour de l'affectation du douanier à un poste stratégique, de les placer dans le contexte où ils se produisent, de cerner les circonstances qui les accompagnent du point de vue politique, économique et socioculturel.

1.1.2.1. Du point de vue politique

Pendant le régime du feu président Mobutu, les affectations et les engagements à la douane étaient dictés par l'appartenance à la mouvance politique. Il fallait chanter et danser les chants révolutionnaires pour occuper un poste important dans la fonction publique. Autrement dit, il fallait s'impliquer dans les activités de mobilisation, Propagande et Animation Politique (MOPAP).

Ainsi, les recettes générées par ces services de l'Etat étaient destinées à sécuriser le pouvoir du président et d'entretenir ses militants, piliers du pouvoir.

Le pouvoir politique a entretenu le clivage ethnique. Ce qui a fait que la direction de telle entreprise de l'Etat était confiée dans les mains de tel dirigeant. A son tour, celui-ci ne privilégiait que les siens en les confiant des postes susceptibles de produire beaucoup d'argent.

La politique de diviser pour régner a fait que le clivage Kasaïen - Katangais a abouti à un bain de sang ainsi que le remplacement des ceux-là étiquetés comme dominateurs et dominants, par les Katangais s'estimant dominés dans le cadre de l'accès à l'emploi et, plus particulièrement à la Gécamines (la Générale des Carrières et des Mines) société d'Etat implantée dans la province du Katanga.

Dans leur lutte contre l'hégémonie Kasaïenne pendant la période de la transition démocratique, Dibwe Diamwembu (20052 : 51) précise : « les originaires du Katanga mirent au point plusieurs stratégies dans le domaine économique, ils s'efforcèrent de décourager les opérateurs économiques d'origine Kasaïenne » (2002 : 51).

Si pendant la deuxième République, l'emploi et l'affectation étaient dictées par la mouvance présidentielle ainsi que l'appartenance ethnico-tribalo-régionaliste au chef de l'Etat ou à la personne du chef d'entreprise, la même situation a survenu pendant la période de turbulence politique avant les élections. C'est la période de « un + quatre ». Elle a été marquée par non seulement l'émergence de l'appartenance au parti politique, mais également l'appartenance ethnique dans le domaine de l'emploi et de l'affectation à des postes stratégiques. Ce phénomène s'est manifesté également dans l'armée et la police en dépit du fait que ces deux institutions sont considérées apolitiques.

Aujourd'hui, pendant cette période dite démocratique, au début, les acteurs étaient hésitants, avec le temps, les anciennes habitudes ont émergées pour se manifester dans la vie courante à travers les services de l'Etat.

Celui qui est nommé à un poste stratégique fait un effort pour le conserver pendant longtemps tout en se faisant vassal du « nominateur ou recommandant».

1.1.2.2 du point de vue économique

La politique et l'économique marchent de pair. Depuis l'époque coloniale, les agents de l'Etat ou leurs femmes recourraient à des activités non réglementaires. Celles-ci étaient sous la direction de l'Etat. Après l'indépendance pendant la période de Mobutu, celui-ci a mis l'économie du pays dans le chaos à travers sa politique de nationalisation ou Zaïrianisation. Sans aucune formation de gestion, les « acquéreurs » ont géré les biens acquis comme leurs propriétés privés. C'est ainsi que même dans l'administration, celui qui dirigeait l'entreprise, pouvait gonfler des effectifs en recrutant les membres de son ethnie ou de sa région, aujourd'hui province.

Dans le constat, les étrangers à l'ethnie ou à la province du chef, sont marginalisés. Ils ne peuvent pas occuper de postes stratégiques ni recevoir une mission politique. Pour accéder au poste stratégique, il fallait verser un pot de vin ou soit se faire vassal du chef. La même perdure jusqu'à ce jour. Aujourd'hui, la recommandation joue encore un rôle très important pour avoir l'emploi ou occuper un poste stratégique.

1.1.2.3. Du point de vue socio-culturel

La solidarité traditionnelle avait cédé le pas à la solidarité urbaine. Celle-ci est fondée non pas sur les relations de voisinage, mais plutôt sur le critère d'appartenance ethnique. Cela se démontre par la présence des associations culturelles et mutuelles dans les villes, par exemple BALUBAKAT pour les Baluba du Katanga, DIVAR pour le Rund du Katanga , ALIBA pour les Bangala de l'Equateur ,etc.

Devient déterminant l'appartenance à la même famille, au même village, à la collectivité, au même territoire et à la même province. La langue est le critère à la fois d'union et de séparation. Elle unit ceux qui parlent une langue commune et séparent ceux qui ne la partagent pas.

La solidarité ethnique a joué encore un rôle important concernant l'emploi et l'affectation à des postes stratégiques. Pendant la période de Mobutu, c'est le bloc Ouest ou les « bangalaphones » qui occupaient les postes stratégiques. Beaucoup d'acteurs ont dû changer leurs noms pour adopter ceux de bangala pour cette fin.

L'éthno-centrisme professionnel a été aussi un facteur important ayant présidé au conflit Kasaïen - Katangais. Ceux-ci avaient occupé plusieurs postes de responsabilité. C'est ce qui a fait qu'ils engageaient les leurs au détriment des autochtones (Katangais ). Cette hégémonie a été mal digérée par les Katangais et a entraîné le conflit. C'est presque la même situation qui a fait générée le phénomène « bundu dia kongo » au Bas Kongo où d'autres ethnies étaient visées pour qu'elles laissent la place aux originaires.

Ainsi, le contexte socioculturel montre comment l'ethnie est utilisée à la fois comme stratégie et moyen pour soit obtenir l'emploi, soit occuper un poste stratégique.

1.2.QUESTION DE RECHERCHE

La formulation de la question sous examen dans la présente dissertation n'a pas été chose facile pour nous. Il a fallu des interventions tant de condisciples que des enseignants notamment le professeur Digneffe pour arriver à analyser le fonctionnement de la douane en vue d'en dégager une question définitive. Simone Dreyfus et Laurence Nicolas Vullierne (1983 : 130), parlant de la prospection : « une étape qui consiste essentiellement dans une recherche très superficielle tendant à circonscrire de façon sommaire le domaine sur lequel portera le mémoire ou la thèse. Il ne s'agit pas encore de définir la portée ni le contenu précis du sujet, mais seulement de chercher à en situer le thème général.

L'obligation méthodologique de toujours prendre distance par rapport à nos préjugés et les évidences nous a aidé à focaliser notre attention sur les affectations du douanier au poste stratégique en essayant d'analyser les moyens que celui-ci utilise pour être affecté au poste stratégique.

Nous sommes partis de l'idée selon laquelle la plupart de jeunes universitaires congolais cherchent à être embauchés à la douane pour gagner leur vie facilement car, à la douane il y a plus d'opportunités d'avoir beaucoup d'argent facilement, issu des moyens obscurs.

En tant que responsable du service de migration respectivement à la frontière de Kasumbalesa et à celui de Sakania, nous avons observé dans le milieu du douanier que quelques - uns bien que évoluant ensemble, avaient beaucoup d'argent par rapport à leurs collègues et, par conséquent, l'on observe un standing de vie différent des uns et des autres.

En nous intéressant au douanier, nous avions l'image d'un corrompu à cause du standing de vie de celui-ci qui fait parler de lui dans la ville de Lubumbashi. C'est alors que nous nous posions la question suivante : « Pourquoi les douaniers se font-ils corrompre ? » Cette question, étant étiologique et répondant au code institutionnel, a été rejetée au profit de la manière dont les affectations du personnel sont faites au sein de l'administration douanière.

D'où, la question suivante :

- Quels sont les mécanismes autour de l'affectation du douanier dans un poste stratégique ? ».

Pour rendre cette question claire, nous l'avons reformulée en ces termes : « Que fait un douanier pour occuper un poste stratégique ? ».

Nous pensons que cette question est essentiellement criminologique et répond aux critères d'une bonne question à savoir : la pertinence, la faisabilité et la clarté. D'autres sous questions permettent d'élargir la compréhension de cette question de départ :

1. Quels sont les postes dits stratégiques à la douane Katanga et en quoi ils sont stratégiques ?

2. Que font les douaniers pour occuper des postes stratégiques ?

3. Qui affecte les douaniers en province dans les différents postes ?

4. Quelles sont les pratiques des acteurs ?

5. Quelles sont les logiques des acteurs ?

I.3. ETAT DE LA QUESTION

Nous ne sommes pas le premier à pouvoir aborder une recherche sur la douane. La probité, la recherche de la pertinence et surtout de l'originalité nous ont obligé de procéder au recensement de la littéraire des ouvrages ayant trait à notre objet de recherche en vue non seulement de fixer et de préciser la question centrale, mais aussi et surtout de nous démarquer de nos prédécesseurs par la production d'un savoir nouveau.

Ce faisant, ce domaine n'est jamais épuisé parce que chaque chercheur a tendance à saisir tel ou tel aspect de la réalité sociale. Nous pouvons l'affirmer aussi avec Adam (2008) qui, se référant à Karl Popper dit : « la connaissance de la réalité est sélective .Nous ne pouvons pas prendre la totalité, car elle nous échappe, elle est complexe », (...) : « la connaissance est partielle et partiale parce qu'elle est faite selon les valeurs, selon les sensibilités, en fonction des caractéristiques ». Simone Dreyfus et Laurence Nicolas Vullierne (1983 : 131), renchérissent en disant : « il n'est pas nécessaire, bien entendu, que nul n'ait jamais abordé la question. Mais il faut qu'elle n'ait pas été épuisée à une date récente et qu'il reste encore quelque chose à apporter en en approfondissant l'étude ».

Parmi les études menées sur la douane, nous avons retenu les suivantes

1. Mazwan (2008) analyse le phénomène laboratoire à l'OFIDA. A travers cette étude, l'auteur montre comment le douanier et leurs partenaires recourent au phénomène laboratoire pour avoir de « Cretch » (argent) en vue de faire face à l'insécurité de la vie.

2. Musatula (2008) étudie contrôle douanier dans la ville de Lubumbashi, entre quête de sécurité et privatisation de la douane. Il se dégage de sa recherche les pratiques visant à contourner ou à éviter le contrôle douanier. Les acteurs douaniers développent la logique de capitalisation du pouvoir de l'Etat tandis que les commerçants et les déclarants misent sur la stratégie de privatisation de la douane. Et tous se réduisent à la logique de quête de sécurité et de profit.

3. Nkunku et Rémon (2002) évoquent les stratégies de survie à Lubumbashi (RD Congo). Bien que cet ouvrage ne traite pas la question de la douane, néanmoins, il nous permet de comprendre le cadre contextuel dans lequel vit le douanier qui recourt à l'informel comme stratégie pour avoir de l'argent en vue d'un standing de vie meilleur et de le maintenir.

4. Queloz , Borgh et Cesoni (2006) analysent le processus de corruption en Suisse.

Leur ouvrage, bien que n'abordant pas une étude sur la douane, permet cependant de comprendre la manière dont les nominations et les promotions sont réalisées dans les cantons de Valois et celui de Genève. En plus, il nous montre comme les relations informelles influentes sur l'octroi de marché d'exécution des travaux de réhabilitation de routes en Suisse.

Comme à la manière de la douane, les relations informelles jouent un rôle déterminant pour être promu et gagner un marché. Ces relations sont aussi exploitées comme stratégie pour s'enrichir.

5. Lupitshi Wa Numbi, (2006) examine les pratiques non règlementaires dans le réseau automobile des transports en commun à Lubumbashi. Ce mémoire bien qu'ayant traité un sujet concernant le fonctionnement de la police, à travers les pratiques non règlementaires qui constituent une stratégie de capitalisation du poste par le policier, permet de comprendre comment les situations- problèmes observées par le policier constituent une ressource de revenu pour lui et qui doit faire apporter un « rapport » à sa hiérarchie. Cette stratégie de capitalisation du poste est pareille aussi à la douane.

6. Numbi Kabange (2007) intitule son travail en ces mots : « le régime douanier du Code minier : Analyse critique et difficultés rencontrées dans l'application » du code minier.

L'auteur montre comment le douanier exploite à son profit le code minier de la RDC promulgué en 2002.Cet acteur profite du manque de clarté ou des zones d'ombres de ce code pour l'interpréter à son gré et pour ses intérêts. C'est en fait, une situation-problème posée par la loi que le douanier mobilise comme une stratégie pour avoir de l'argent « Cretch ».

Il ressort de cette recension de la littérature le constat selon lequel ces études abordent soit les pratiques informelles, soit le travail du douanier sans parler du poste stratégique à la douane et des mécanismes pour y accéder.

Notre contribution en élaborant cette recherche consiste à examiner les mécanismes autour de l'affectation du douanier à un poste dit « stratégique ». Il s'agit de comprendre comment le douanier recourt au cadre non réglementaire (ses relations) pour être affecté au poste stratégique. Ce cadre non réglementaire a supplanté celui réglementaire dans le fonctionnement de la douane.

1.4. VISEES DE LA RECHERCHE

La présente recherche a pour finalité la compréhension des différents mécanismes autour de l'affectation du douanier à un poste stratégique.

Elle est essentiellement théorique dans ce sens qu'elle vise l'accumulation du savoir criminologique sur la question sous examen, c'est-à-dire le fonctionnement non réglementaire de la douane est une situation - problème qui intéresse le criminologue.

Outre cette préoccupation, cette étude recherche également la cohérence logique des faits. C'est dans cette optique qu'elle analyse les affectations à travers l'organisation douanière en mettant en relief les règles d'innovation qui structurent les relations sociales. Elle montre comment la solidarité ethnique, les affinités amicales et le phénomène « feed-back » ou « rapport » président à l'affectation des agents au poste stratégique.

Les affectations étant mues par les critères subjectifs, un lien de vassalité se crée entre l'intervenant (parrain ou recommandant), l'affectant (le chef) et l'affecté (agent ou parrainé). Cette vassalité induit les différentes pratiques de capitalisation qui sont essentielles à la pérennisation au poste. D'où le dicton suivant : « j'y suis et j'y reste », se traduisant en quelque sorte : le système de parapluie.

Une autre visée que s'assigne cette étude est la recherche des contradictions. Il s'agira de stigmatiser comment le modèle non réglementaire entre en lutte contre celui dit réglementaire. De cette lutte de contradiction, la sphère non réglementaire ou informelle tend à se cimenter au détriment de celle dite formelle. Tout ceci pour montrer que la sphère organisationnelle est une construction. En tant que telle, elle est imparfaite et inadaptée. C'est dans cette logique que les acteurs la modèle à leur façon.

Les visées étant fixées, il y a lieu maintenant de circonscrire notre champ d'analyse.

1.5. CHAMP D'ANALYSE

Selon Albarello (2004 : 28), le champ d'analyse est une notion qui se conçoit comme : « une fonction tout à fait centrale dans le processus d'élaboration de l'objet de recherche. Elle est décisive parce qu'elle permet de chercher et particulièrement au praticien - chercheur, d'effectuer ce premier travail qui consiste à circonscrire l'espace social sur lequel son regard se portera » (2004 : 28).

Dans l'espace, nous avons ciblé les deux entrepôts publics concédés à Lubumbashi par deux politiciens originaires de la province du Katanga, la sous-direction de la douane / Kasumbalesa et enfin la barrière de Kisanga, constituant la porte d'entrée et de sortie de la marchandise à Lubumbashi.

Les différents bureaux indiqués ci-haut ont constitué les lieux de notre stage de recherche.

Dans le temps, la présente recherche couvre la période de stage allant du 2 février au 21 avril 2008.

Cependant, pour mieux comprendre le phénomène, il est sincère de dire, qu'il est enraciné avec le début de la transition politique (2002) dans notre pays, la République Démocratique du Congo, pour la seule raison que chaque composante des institutions politiques du pays, tenait à tout prix à positionner ses militants pour s'enrichir et par conséquent, se constituer de grands donateurs du parti.

Ceci sera élucidé dans les pages réservées au cadre pratique de notre sujet quant à la compréhension de logiques des acteurs recourant aux phénomènes pour s'enrichir vite et facilement.

Le même auteur précise au regard du champ d'analyse ce qui suit : «Le concept du champ implique une dimension dynamique et il conduit le chercheur à repérer les multiples acteurs qui le constituent » (2008 : 28).

Evoluant dans son sillage, les acteurs qui concernent cette recherche sont les cadres et les agents de la douane au Katanga, situés à de niveaux différents dans l'organigramme de la douane. Il s'agit du directeur, des sous-directeurs, des inspecteurs, des contrôleurs, des vérificateurs et les agents de la brigade douanière.

Le champ étant défini, Albarello (2004 : 28) dit, « un phénomène humain quel qu'il soit peut être étudié sur les points de vue disciplinaires variés »

Parlant des systèmes thérapeutiques dans le cours de criminologie psychologique, Adam (2007 - 2008) précise ceci : « En criminologie lorsqu'on veut analyser un phénomène, on s'inscrit à un niveau d'interprétation.

A ce propos, cette recherche présente un intérêt essentiellement criminologique dans ce sens que les acteurs recourent à des pratiques non réglementaires dans l'optique d'avoir une affectation à un poste stratégique ou rentable à l'antipode de la voie formelle de l'administration douanière.

Elle (la recherche) cerne les mécanismes d'affectation du douanier au poste où cet acteur a des opportunités de s'enrichir.

Elle vise l'explication de ce phénomène en épinglant quelques pratiques qui s'en dégagent, les stratégies et les ressources que les acteurs mobilisent à cette fin.

Parlant des pratiques, la recherche va analyser quelques - unes observées pendant le moment de stage, d'autres entendues dans le langage (jargon) des douaniers.

- Le phénomène laboratoire,

- Le phénomène « leisa mpunda po mpunda aleisa yo » ou « kolya na mokonzi »

Traduction : (nourris le cheval afin que celui-ci te nourrisse)

- « le feed-back » ou « le rapport »,

- L'airways ou non arrivée

- la frappe,

- La grille, le TPP, le cretch, le per diem

- Les relations formelles et informelles personnelles du douanier,

- Le kinduguisme

Ces deux dernières sont des stratégies et ressources que mobilise le douanier pour occuper un poste stratégique.

1.6. PROBLEMATIQUE & QUESTION DE RECHERCHE

Pour Quivy et Campenhoudt(1995 :85), « la problématique est l'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par les questions de départ. Elle est une manière d'interroger les phénomènes étudiés. Elle constitue une étape charnière de la recherche entre la rupture et la construction ».

La question sous examen soulève les problèmes liés à l'administration du personnel à la douane dans la province du Katanga. Ces problèmes sont notamment les affectations à de postes dits « stratégiques ».

A cet effet, cette administration douanière n'obéit pas à la logique administrative. D'autres critères internes ou externes à la douane entrent en ligne de compte concernant les affectations.

A travers ce constat, nous avons posé le problème lié l'affectation du personnel douanier. A ce propos, un problème peut être appréhendé de plusieurs manières selon l'orientation que l'on adopte pour l'aborder. A ce sujet(Adam 2008), cite Debuyst : « nous apercevons toujours la réalité en fonction d'une grille de lecture préalable qui nous est propre.

De ce qui précède, quelle est la grille de lecture que nous pouvons mobiliser pour éclairer le problème sous étude ?

L'approche organisationnelle a été mobilisée comme la grille d'entrer en la matière. L'organisation est un construit que nous devons déconstruire pour en comprendre son fonctionnement.

L'administration douanière fonctionne avec deux sphères dont l'une est visible et l'autre invisible. Il s'agit de l'organisation formelle ou réglementaire et l'autre informelle ou non réglementaire. Cette dernière est puissante et soutient celle réglementaire. Les acteurs douaniers mobilisent celle non réglementaire pour arracher l'affectation au poste stratégique.

Cette approche organisationnelle bénéficiera l'apport de l'acteur stratégique tel que perçu par Crozier et Friedberg (1977).

Les douaniers ne sont pas des automates mais plutôt des acteurs stratégiques et rationnels. L'organisation est un construit et pose le problème de l'adaptation, c'est ainsi que les douaniers entant qu'acteurs ont une marge de liberté qui leurs permet d'interpréter, de jauger, de discerner les normes d'organisation en les adaptant et en créant aussi d'autres. En tant qu'acteur stratégique, ils font tout pour tirer les ficelles de leur côté, parfois visant les intérêts qui vont à l'encontre de l'organisation.

En recourant à Kamniski (2005 : 24), dit : « établir la problématique, revient à définir trois éléments ce que l'on cherche à expliquer, ce avec quoi on veut le mettre en relation et le type de relation entre les deux premiers éléments ».

Ainsi, la variable indépendante de cette recherche renvoie aux mécanismes autour de l'affectation du douanier au poste stratégique, tandis que, la variable dépendante cerne le douanier en terme d'acteur stratégique et rationnel à travers les relations informelles ; la rationalité est à saisir en rapport avec ses objectifs qui peuvent parfois être en contradiction avec ceux de la douane comme organisation ; le schème d'intelligibilité de cette recherche est processuel.

Ce cadre théorique nous a permis de construire l'objet de cette recherche qui n'est autre que les mécanismes d'affectation du douanier au poste stratégique. L'approche théorique reste la sociologie de l'organisation alimentée par l'approche stratégique de Crozier et Friedberg (1977).

Le cadre théorique étant fixé, quels sont les dispositifs méthodologiques à mettre en oeuvre pour récolter et traiter les données ? Qu'en est - il du site de recherche et du cadre réglementaire ? Les réponses à ces questions font l'objet du chapitre suivant.

CHAPITRE II : DISPOSITIF METHODOLOGIQUE, SITE DE LA RECHERCHE ET CADRE REGLEMENTAIRE DE L'OFIDA

Ce chapitre épingle les dispositifs méthodologiques de notre recherche et présente l'office des douanes et accises, OFIDA en sigle.

2.I. DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES

Cette partie de la recherche fixe le choix méthodologique (1), détermine le type d'échantillon (2), présente les techniques de recueil de données ciblés (3), l'immersion sur terrain du chercheur (4), la manière dont les données ont été traitées (5) et ainsi que les considérations éthiques, les facilités et les difficultés rencontrées (6).

2.1.1. Choix Méthodologique

Ce point répond à la préoccupation de savoir quelles sont les méthodes qui semblent mieux adaptées à l'objet de la présente recherche afin d'aboutir à des résultats escomptés.

N'étant pas agent de la douane, nous menons une étude de l'extérieur. Pour avoir accès aux données, ce n'est pas une chose aisée. A notre avis, la méthode qui convient pour appréhender l'objet en étude, c'est l'observation participante. Nous la prenons dans l'optique de Muchielli (2004 : 213) qui la considère comme ethnographique. « Elle consiste pour le chercheur étranger à la communauté de mener un long séjour dans ce milieu aux fins de l'observation. Ce long séjour est une nécessité pour que le chercheur puisse apprendre la langue des acteurs participants. En plus, il doit chercher à s'intégrer dans le groupe pour y occuper une place et participer aux activités du groupe dans le but de saisir ce dont il a besoin. »

Concrètement, cette méthode de l'observation participante a été utile pour notre immersion sur terrain. Elle nous a permis par l'entremise de notre stage à nous intégrer sur terrain tout en jouant notre rôle de stagiaire, à cibler les acteurs pertinents et à observer les faits relatifs à notre objet.

Le choix méthodologique étant fixé, il nous faut un regard sur l'échantillonnage.

2.1.2. Echantillonnage

Nous avons porté notre choix sur l'échantillonnage de type qualitatif à cas multiples. Cet échantillonnage part d'une population regorgeant toutes les catégories du personnel douanier à savoir les sous-directeurs, les inspecteurs, les contrôleurs, les vérificateurs, les commis. Ceci répond à la classification d'emplois telle que le précise la convention collective. ((*)1)

Le souci est de recueillir les avis et opinions diverses sur les différents mécanismes mis en place par les acteurs pour occuper le poste stratégique.

Tableau 1 :

Sites

Sous-diecteurs

Inspecteurs

Contrôleurs

Vérificateurs

Vérificateurs assistants

Commis princ

Total

Kasumbalesa

1

3

3

6

4

2

19

Barrière Kisanga

--

1

2

4

2

1

10

EPC Trade service

--

1

3

2

1

3

10

Total

1

5

8

12

7

6

39

Ce tableau indique que nous avons eu les entretiens avec 39 cadres et agents de la douane et ce, dans les trois sites de notre recherche.

Pour ce qui est de l'échantillonnage, nous avons retenu dix (10) cadres et agents en tenant compte du sexe, la fonction, le grade, l'ancienneté et le lieu d'affectation.

Cet échantillon a été construit au regard de la maquette de l'univers d'enquête. Notre technique a consisté à prendre deux acteurs dans chaque catégorie du personnel de la douane pour une analyse aisée. C'est un total de dix(10) constitué de cadres et agents de la douane.

Il ne s'agit pas ici d'une représentation quantitative mais plutôt qualitative, c'est-à-dire que nous avons tenu compte de la diversité des acteurs et de la saturation.

L'échantillon qualitatif invite le chercheur de tenir compte de la diversité des acteurs et de la saturation.

La diversité étant déjà présentée, nous pensons avoir atteint la saturation théorique en interviewant les diverses personnes ciblées ainsi que l'observation faite dans les trois sites en vue de trianguler les données.

Ces sites sont : la sous-direction de la douane KASUMBALESA constituant le site principal de notre recherche, la barrière kisanga où oeuvre la brigade douanière et d'autres services spécialisés, enfin l'entrepôt public concédé « trade service ».

Concernant la saturation empirique, elle a été axée uniquement sur l'observation menée dans les sites ci-haut explicités. Nous avons pu l'atteindre lorsque nous avons constaté que les nouvelles observations n'étaient que de répétition et par conséquent, elles ne fournissent plus de nouvelles connaissances utiles à notre objet de recherche.

Notre échantillon étant limité selon la maquette de l'univers d'enquête, nous avons mené des entretiens profonds avec le receveur de Kasumbalesa à son domicile de Lubumbashi en vue d'enrichir les données récoltées dans les différents sites. Le receveur dont il est question, est un ancien douanier qui maîtrise les rouages du fonctionnement de la douane.

Apres avoir présenté l'échantillon, nous devons fixer le lecteur sur les techniques de récolte de données.

2.1.3. Techniques de recueil des données

Pour recueillir les données, nous avons recouru à trois techniques à savoir :

- l'observation directe, l'interview et la consultation des documents administratifs de la douane.

2.1.1.1. L'observation directe sous sa forme dite in situ. En qualité de chercheur participant, nous l'avons utilisée pour observer les gestes, le discours en termes de jargon douanier et les attitudes des acteurs de terrain.

Cette technique a permis de récolter les données et plus précisément les discours des acteurs qui cadrent avec notre objet de recherche au moment de leur production. Mais, il n'est pas aisé d'observer les faits liés à notre objet tant qu'il relève de la discrétion des acteurs.

Néanmoins, nous avons fourni un effort pour saisir certains dont nous allons analyser le sens. En plus, il y a certains messages codés puisque relevant du jargon douanier, nous traduisant les stratégies des acteurs cherchant à se maintenir ou à être promu au poste stratégique. A titre illustratif, nous en présentons quelques-uns,

- « Il faut KOLYA NA MOKONZI, il faut NA TINDA BITOYO, il faut na luka cretch », traduction : (il faut manger avec le chef, il me faut envoyer de poisons salés, il me faut chercher de l'argent).

- « toyaki pamba, tokozonga pamba te » :(Nous sommes venus sans rien mais nous n'allons pas rentrer mains bredouilles) ;

- « tika Kolanda mutu wana, aza f.p., asi asala ba frappes ebele, nani akolande ye, aza fp, mutu ya makasi », Traduction : (ne poursuit pas cet homme, il est de la famille présidentielle, il a déjà fait beaucoup de fraudes, qui va le sanctionner, il est de la famille présidentielle, l'homme fort) ;

« J'ai beaucoup traîné au secrétariat où il n'y a rien parce que je n'ai pas de parapluie ».

2.1.1.2. l'interview, appelé aussi entretien sous sa forme semi directive.

Elle a été mobilisée pour enrichir et compléter certaines données ayant échappées à notre observation. Elle nous a permis de dégager les différents points de vue, les expériences et les stratégies mobilisées par les acteurs (douaniers) dans le cadre de l'affectation au poste stratégique.

C'est de cette manière que nous avons eu à récolter les données du terrain ou regard de l'observation.

Comme la stratégie du chercheur nous oblige d'avoir sur nous notre carnet de bord, chaque fois qu'un discours se produisait, nous le retenions d'abord pour le transcrire après et ce, à l'abri des observateurs. Certains ont été transcrits directement au moment où ils se produisaient dans notre bureau de stage. Ce cadre là nous permettait de les transcrire sans inquiétude.

Pour éviter les suspicions, la transcription du discours produit à KASUMBALESA se traduisait au moment où le chef (contrôleur, vérificateur), sortait pour la vérification physique de container dans le parking. A la barrière KISANGA, c'est après qu'on est libéré les marchandises, nous nous retirions dans le bureau pour écrire, alors que le chef d'équipe de la brigade et ses agents prenaient leur bière dans un petit « NGANDA » (Buvette).

Comme d'aucuns peuvent le constater, l'observation in situ est limitée parce que ne permettant pas de saisir tous les faits liés à l'objet, par exemple, les différentes stratégies des acteurs qui ne sont pas toutes facilement observables.

C'est dans ce cadre que nous avons recouru à l'étude de quelques cas vécus pour les acteurs en vue d'analyser la manière dont ils ont été promus et occupent actuellement de poste stratégique. Il s'agissait aussi de connaître les personnes de l'intérieur ou de l'extérieur qui interviennent dans ce mécanisme d'affection au poste stratégique, les ressources mobilisées par les acteurs et les stratégies y afférentes.

2.1.1.3. Consultation des documents administratifs

La consultation des documents douaniers tels que les déclarations de la marchandise, la législation douanière, la convention collective de la douane, le tarif douanier a été utile pour comprendre comment les douaniers falsifient les documents, produisent les fausses dénominations de la marchandise, ou la sous-évaluation de la marchandise. Ils exploitent la loi en vue de capitaliser le poste occupé. Le chef promeut et affecte les siens aux postes stratégiques. C'est le recours au « phénomène laboratoire » comme il a été analysé par Mazwan Kelunga (2008).

Par ailleurs, nous avons lu la convention collective qui détermine les conditions de promotion des agents et cadres de la douane. Ce contexte professionnel sera développé lorsque nous allons aborder le cadre réglementaire du fonctionnement de la douane.

Disposant des techniques, il est opportun de montrer comment nous nous sommes insérés sur terrain pour les mettre en pratique.

2.1.3.4. L'entretien

Avant de procéder aux entretiens, nous avons construit notre guide d'entretien en formulant notre consigne (j'aimerais que vous me parliez de votre travail) alimentée des les questions de recherche sous forme de thèmes :

- - Conditions de recrutement

- Conditions de promotion

- Conditions d'affectation

- Poste stratégique

- Comment occuper le poste stratégique

- Les pratiques liées au poste stratégique

- Les postes non stratégiques

- Logiques liées aux différentes pratiques.

Lors de notre stage dans les différents bureaux, nous avons fourni un effort pour amplifier la familiarité et la mise en confiance des acteurs. Ayant ciblés quelques uns devant constituer notre échantillon, nous avons pris rendez- vous avec chacun au regard de notre calendrier.

Ainsi nous nous sommes entretenus avec le sous-directeur Chuyi dans un lieu discret (Cercle privé appartenant à une société minière de la ville) de la commune KAMPEMBA. C'est à sa charge que nous avions pris un verre tout en nous entretenant sur l'objet en transcrivant directement ses propos dans un cahier registre acheté pour cette fin.

Avec le receveur principal Simba qui m'avait invité chez lui le dimanche après le culte et nous nous sommes entretenus autour de sa piscine, téléphones fermés. En voyant les conditions de vie et le nombre des gens qui venaient demander de l'argent et que sa femme s'en occupait, le nombre de véhicules dans la parcelle, sa villa, nous avons vite associé son être au poste occupé à KASUMBALESA.

Le douanier Sandoa lui m'a demandé de lui payer une bouteille d'alcool connu à Lubumbashi sous l'appellation « Bols ». C'est autour de cette bouteille qu'a eu l'entretien au cercle tennis de la Société Nationale de Chemin de fer du Congo (SNCC) où notre interlocuteur devait attendre un opérateur économique de la ville qui lui, avait promis de l'argent pour payer les frais d'études de son fils étudiant à l'Université de Lubumbashi. Un fait particulier relevé dans son discours et ses gestes traduisait le regret de son état professionnel.

« Sina ndugu njoo pale niko ivi, sipandake grade, sipatake affectation ya bien » Traduction : (je n'ai pas de frère, c'est pourquoi je suis comme ça, je ne monte pas de grade je n'obtiens pas une bonne affectation).

La douanière Kikuni avait semblé ne pas vouloir nous recevoir. Pour elle, elle reçoit beaucoup d'étudiants stagiaires qui lui font parler, ils épuisent son souffle pour rien au lieu de recevoir les gens qui vont voir de directeur et qu'à leur sortie, ils lui laissent quelques billets de banque.

Pour réussir à nous entretenir avec elle, nous avons rappelé le jour qu'elle devait aller en Zambie.

A la frontière de kasumbalesa l'immigration Zambienne l'avait compliquée pour l'obtention du visa pour motif qu'elle n'était pas douanière de kasumbalesa. le chef local de la douane kasumbalesa, actuellement au grade de sous-directeur, l'avait envoyée à notre bureau alors que nous assumions les fonctions de chef de poste adjoint de la Direction Générale de Migration à la même frontière. Sa situation fut décantée par un simple coût de téléphone destiné à mon collègue zambien.

C'est dans ce cadre qu'elle s'exclama :

« Papa Vicky ni weye kumbe ivi weye tuendeni mu bureau yaku pembeni, collègue wangu wa biro apokeleye wageni wa chef » Traduction : (Papa Vicky, c'est vous comme c'est vous, allons au bureau d'à côté, comme ça mon collègue du bureau va continuer à recevoir les visiteurs du chef).

C'est dans ce bureau qu'elle me parle de son expérience à la douane (19 ans) et la manière dont les affectations se font étant donné qu'aucun document ne peut entrer ou sortir chez le directeur sans qu'elle l'enregistre et lui attribue un numéro. La confiance étant gagnée, elle me livre le secret sur les affectations, et les promotions et les comportements des douaniers tant au service qu'en dehors de celui-ci.

Voilà au moins la manière dont nous avons procédé pour récolter les données d'entretien dont la durée moyenne variait entre 45 et 60 minutes pour chaque personne interviewée. C'est en procédant ainsi que nous avons ciblé toutes les personnes citées jusqu'à atteindre la saturation.

La mise en oeuvre étant élaborée, il nous reste à présenter la manière dont les données ont été analysées.

2.1.4 L'Immersion sur terrain et gestion de la position du chercheur

2.1.4.1. L'immersion sur terrain

Notre immersion sur terrain s'est réalisée grâce à la lettre de recommandation de stage délivrée par l'Ecole de Criminologie de l'Université de Lubumbashi. L'immersion sur terrain comme le dit Mazwan Kelunga (2008 : 60), «est une épreuve difficile particulièrement pour un chercheur extérieur puisqu'elle pose des attitudes à prendre ».

A ce propos Kienge Kienge (2005 102-110), « explicite en montrant qu'elle rend compte de son expérience vécue et des attitudes prises dont le programmatisme (stratégie de la langue, celle du coca) et la flexibilité dans l'emploi du temps ». (2005 :102-110)

En ce qui nous concerne, notre intégration dans le milieu a été facilitée par notre statut d'agent de l'Etat (migration) à travers bien sur les différentes fonctions de responsabilité assumées à la frontière de Kasumbalesa, à la frontière de Sakania et dans la ville de Lubumbashi.

En tant que client de la douane dans le cadre de dédouanement des véhicules ; nous avons été en contact avec le partenaire de la douane (le déclarant) maîtrisant bien le jargon et le rouage de la douane tant de Kasumbalesa que celle de Lubumbashi. Comment avons-nous géré notre position de chercheur ?

2.1.4.2. Gestion de la position du chercheur

Ici nous voulons montrer l'attitude prise sur terrain en notre qualité de chercheur

a) Chercheur participant :

En nous insérant dans le milieu, le stage nous a permis de nous intégrer dans le milieu professionnel où nous avons joué le rôle du stagiaire. Ce statut nous permettait de participer au travail du douanier à travers diverses tâches, comme l'assistance au déchargement de la marchandise chez le client, l'interpellation à kisanga de containers communément appelés kapiri, nom du lieu où sont fabriqués ces containers, etc.

A titre d'information, ces containers sont ceux fabriqués à kapiri en tanzanie et attendent les marchandises en provenance de l'Asie mais qui sont déchargés en Tanzanie pour être recharger au même lieu à la destination de kasumbalesa. Il s'agit des containers ne répondant pas aux normes internationales (codification et numérotation) et qui, par conséquent, constituent une ressource financière pour le douanier qui estime au vu de la marchandise le taux du tarif douanier à appliquer.

En conséquence, ceci donne lieu à une négociation entre le douanier et le propriétaire (physique ou moral) de la marchandise.

La position du chercheur participant a été pour nous un atout qui nous a facilité la mise en oeuvre de l'observation.

b) Chercheur observant et observé

En qualité de stagiaire connu, nous avons d'abord été observant et à même temps observé. Cette situation nous a amené à gérer notre position de chercheur pour transcrire en cachette les données de l'observation pour ne pas éveiller l'attention des observés.

Signalons aussi que pendant cette période de stage, nous avions fournis un effort pour gagner la confiance de cadres et agents de la douane.

La confiance étant gagnée dans ceux qui nous ont connu tant à kasumbalesa qu'à sakania, nous les avons facilité leurs sorties de notre pays par l'octroie d'un laissez-passer gratis destinés aux fonctionnaires de l'Etat, aussi pour n'avoir pas donné le vrai projet de notre mémoire.

Toutefois, ceci a été révélé plus tard dans les entretiens menés en dehors des heures de services, car un contrôleur m'invitant à partager un repas avec lui m'a dit ceci : « En science, il n'y a pas de tabou, et surtout que vous êtes étudiant d'un de mes meilleurs professeurs de l'Université de kinshasa en la personne de Raoul Kienge Kienge ».

Il sied de signaler que la langue de communication avec les acteurs a été essentiellement le français auquel s'est greffé le Swahili qui est la langue principale de la province du katanga et un peu de lingala pour les douaniers venant fraîchement de kinshasa et du Bas - Congo.

1.5. Analyse des données

A titre de rappel, l'objet de cette recherche porte sur le mécanisme d'affectation du douanier au poste stratégique. Étant donné que ce mécanisme a un sens à découvrir dans l'esprit des acteurs qui interviennent dans l'affectation du douanier au poste stratégique, la méthode d'analyse du contenu sous sa forme dite thématique nous a semblé la mieux indiquée pour comprendre et interpréter les données de l'observation et de l'entretien recueillis en terme de discours.

Selon Berthelot sous la plume d'Ankouni et Ansaert (1999 :19), « l'analyse thématique consiste à découper le corpus empirique en ensemble fini de thèmes et de sous thèmes à partir du noyau de sens ». Cette tâche a été facilitée grâce à l'analyse à mi-chemin qui consiste à classer les données sur base de convergences et de divergences tout en tentant de donner quelques interprétations.

Pour ce faire, nous avons observé les recommandants d'Albarello et le duo Blanchet et Gotman. Albarello (2004 : 79), écrit à propos d'analyse scientifique ce qui suit :

« le chercheur ne peut se contenter de reproduire les données qu'il a précédemment recueillies auprès de sujets, lors d'entretiens qualitatifs. Il importe une fois encore de pouvoir rompre avec les sens commun, d'opérer les ruptures nécessaires et d'aller au delà du discours et de l'opinion exprimée pour interpréter et reconstruire scientifiquement la réalité. En quelque sorte, il va falloir passer ces multiples avis, opinions et représentations recueillies auprès des acteurs à travers des filtres de lecture.

Il s'agit de traiter les données récoltées. Cette opération s'effectue principalement grâce à ce qu'il est convenu d'appeler l'analyse de contenu »

A ce propos, Blanchet et Gotman (2001 : 91-98) ajoutent, « l'objectif de l'analyse du contenu est double : stabiliser le mode d'extraction du sens et produire de résultats répondant aux objectifs de la recherche ». Se référant à Bardin, ils expliquent l'analyse thématique comme celle qui défait la singularité du discours et découpe transversalement ce qui, d`un entretien à l'autre, se réfère au même thème. Elle ignore ainsi la cohérence singulière de l'entretien, et cherche une cohérence thématique inter - entretiens. La manipulation thématique consiste ainsi, (...) à jeter l'ensemble des éléments signifiants dans une sorte de sac à thèmes qui détruit définitivement l'architecture cognitive et affective des personnes singulières. L'analyse thématique est donc cohérente avec la mise en oeuvre de modèles explicatifs de pratiques ou de représentations, et non pas de l'action ».

Concrètement, l'analyse a consisté à traiter les données de l'observation et de l'entretien, une par une pour en extraire le noyau de sens, en déterminant la catégorie conceptuelle sous forme de thèmes et de sous - thèmes. Il s'agit de l'analyse verticale.

Quant à l'analyse horizontale, elle a consisté à chercher le lien entre les différents thèmes de l'analyse verticale.

C'est en cela qu'elle est (analyse) transversale : elle procède au recoupement de toutes les données. En traitant les données, il faut garantir la fiabilité des résultats, ce qui nous ressort à ce fait ci - après :

2.1.6. Considérations éthiques, facilités et difficultés rencontrées

2.1.6.1. Considérations éthiques

Il sied de remarquer que la recherche de terrain soulève le problème d'ordre éthique dont il faudra prendre en compte pour la validité de notre recherche.

Tablant sur ces considérations éthiques, nous avions fournis d'efforts considérables en recourant à plusieurs stratégies pour que les acteurs ciblés acceptent, participent librement et volontairement à notre démarche liée à l'entretien.

Pour raison de discrétion et d'éthique, nous avons recouru à l'usage de l'anonymat afin que les acteurs participent sans crainte aux entretiens réalisés sur base des rendez - vous fixés d'un commun accord.

2.1.6.2. Facilités dans la recherche

Ayant oeuvré dans les différentes frontières de la province du Katanga dans le cadre du service de migration, nous avons été en contact avec les différentes catégories de douaniers que nous avons rencontrés dans les différents bureaux ayant constitué notre lieu de stage. Ces douaniers, familiers à nous ont même facilité notre prise de contact avec d'autres douaniers nouveaux qui s'exprimaient pour la plupart en Lingala.

Ainsi, l'entretien a été très enrichi par cette confiance placée en nous en tant que fonctionnaire de l'Etat congolais et donc n'échappant pas aux mêmes conditions officielles de travail. Malgré cette facilité, nous avons aussi éprouvées certaines difficultés que nous vous présentons ci- dessous.

2.1.6.3. Difficultés rencontrées dans la recherche

Certaines difficultés en rapport avec la mise en oeuvre de techniques de récoltes de données ont été soulevées ; nous avons aussi montré comment nous les avons contournées.

Pour raison de commodité, en voici quelques - unes :

Alors que l'Ecole de Criminologie est en train de se faire connaître dans la ville de Lubumbashi à travers différentes manifestations (conférences), le directeur de la douane que nous avons rencontré avec le secrétaire académique de l'école et la Coopérante belge du centre de formation en criminologie, et droits humains, le Directeur Bundu Dia Kongo s'exclama :

« Vous voulez passer votre stage à la douane parce qu'il y a de crimes ? ».

Il a fallu de longues explications pour comprendre notre démarche et cela en ne révélant pas notre vrai sujet de projet de mémoire.

Malgré, la familiarité, quelques - uns n'ont pas respecté le rendez - vous dans le but avons-nous compris de nous décourager.

Pour contourner cette difficulté, nous avons ciblé d'autres acteurs qui ont accepté et cela pour respecter un de principes d'éthique qui consiste à respecter la participation volontaire. Aussi, les douaniers venant de Kinshasa et la province du Bas-Congo s'exprimaient dans un lingala difficile. Il a fallu consulter d'autres douaniers pour la traduction.

N'étant pas douanier, il était difficile de comprendre la position et la tarification douanières qui demandent des connaissances approfondies. Ceci révèle donc que nous ne pouvons pas nous habitué aux pratiques douanières.

Le dispositif méthodologique étant cerné, qu'en est-il du site de recherche et du cadre réglementaire de l'Office de Douanes et Accises, OFIDA en sigle.

2.2. SITES DE RECHERCHE & CADRE REGLEMLENTAIRE DE LA DOUANE.

2.2.1. SITES DE RECHERCHES

A titre de rappel, notre recherche, dans une perspective de triangulation de données, s'est réalisée sur trois sites dont KASUMBALESA en constitue le principal et les deux autres secondaires (Entrepôt Trade Service et la barrière Kisanga).

2.2.1.1. Site de KASUMBALESA

kasumbalesa est une cité dirigée par un chef de cité. Il constitue un poste frontalier où sont affectés les différents services de l'Etat. La douane qui a été notre lieu de stage figure en première position en tant que poste principal d'entrée et de sortie de diverses marchandises de la province du Katanga.

Il constitue un lieu de transit par excellence des échanges commerciaux entre Etats. Cette position justifie la présence des commissionnaires en douane à travers leurs bureaux de représentation greffés à celui des douanes et de la Direction Générale de Migration, DGM en sigle. Aussi il y a de déclarants debout, c'est-à-dire ceux n'ayant pas de bureaux mais qui louent les cachets des commissionnaires agrées.

A la sortie de Lubumbashi, il y a des entrepôts construits sur la route, à 8 Km du bureau de la frontière. Cela que devront s'effectuer l'opération de déchargement de toutes les marchandises importées. Le service de l'Office Congolais de Contrôle y a aussi érigé son bureau technique.

Une multitude des containers quittant le Congo pour la plupart transportant de minerais attendent devant le bar Makutano en attendant que les formalités de sorties soient remplies à la douane, ceci compte tenu de la petitesse de la route et le manque de parking approprié.

Lorsque vous venez de Lubumbashi, il y a deux voies de sortie de véhicules, l'une pour les trucks, l'autre pour les petits véhicules. Le bureau du sous-directeur est situé à gauche de la petite voie de sortie de véhicules. Dans le même bâtiment fonctionne le service de l'immigration (DGM).

Trois services forment la sous-direction de la douane kasumbalesa, à savoir :

1°) Le bureau du sous-directeur et son secrétariat. Il donne accès aussi au bureau du receveur principal et au bureau de l'informatique et au bureau de la vérification.

La sous-direction de la douane kasumbalesa est située à la frontière entre la République Démocratique du Congo et la République de Zambie. Entre elles s'élargit un espace neutre où l'on trouve une multitude de véhicules transportant des marchandises destinées à la République Démocratique du Congo.

Les trucks avec les marchandises destinées à l'exportation sont garés loin de la frontière du coté congolais à cause de la petitesse de la route et le manque d'un parking officiel. L'exportation des minerais figure en première position.

Les commissionnaires en douanes et les déclarants remplissent les formalités aux services préposés à la frontière, une fois fixés, c'est alors au vu de document, que ces camions viennent à la frontière pour leur sortie.

Le bureau du receveur principal est situé à côté de la voie de petits véhicules, il est constitué de plusieurs bureaux dont, le bureau d'acceptation, celui de transfert, un autre de statistiques, ...

2°) Le bureau de vérification est dirigé par un inspecteur assisté de contrôleur et plusieurs vérificateurs et vérificateurs assistants,

3°) Le bureau de la brigade est dirigé par un inspecteur assisté de deux contrôleurs chargé respectivement de l'import et de l'export. Sans distinction de grade, les agents de la brigade sont appelés « commandants ».

Les différents bureaux sont collés ensemble compte tenu de la petitesse du bâtiment abritant à même temps le service de la douane et celui de la Direction Générale de Migration.

2.2.1.2. L'entrepôt TRADE SERVICE

Celui - ci est un entrepôt public concédé dont le concessionnaire est un homme influant dans la politique nationale de notre pays, a son bureau technique dans la commune Kampemba au croisement des avenues shangungu et industrielle, tandis que son bureau administratif est situé sur l'avenue Moero de la commune de Lubumbashi.

C'est le premier entrepôt de la ville qui reçoit beaucoup de containers. Les véhicules parquent le long de deux avenues ci- haut cités.

Ce bureau de la douane est dirigé par un inspecteur chef local. Ce bureau technique (entrepôt) est dans la commune kampemba, tandis que le bureau administratif est situé dans la commune de Lubumbashi.

2.2.1.3. La barrière KISANGA

La barrière kisanga est située sur la route qui mène vers KASUBMALESA après la bifurcation entre celle-ci est celle allant à KIPUSHI en passant par la Commune Annexe.

C'est à cette barrière qu'il y a le pont bascule où toutes les marchandises qui entrent ou qui sortent de la ville sont pesées.

Plusieurs services techniques comme l'office congolais de contrôle, la police de mines, quelques laboratoires privés, etc. y ont leurs représentations ou antennes.

A la barrière Kisanga la brigade douanière vérifie les documents de toutes les marchandises qui entrent ou qui sortent de Lubumbashi. Elle a le pouvoir d'arrêter les marchandises dont les documents de transfert ne sont pas fiables ou lorsqu'il y a doute. C'est alors que la marchandise est escortée par un brigadier jusqu'à l'entrepôt public de la douane, OFIDA Ville.

Pour nous rendre compte des différents mécanismes d'affectation au poste stratégique, il est mieux de fixer le lecteur sur le cadre réglementaire auquel sont soumis les douaniers.

2.2.2. Cadre réglementaire de L' OFIDA

Pour mieux saisir les mécanismes autour de l'affectation du douanier au poste stratégique, mis en oeuvre par les différents acteurs de la douane, nous avons trouvé mieux de présenter le cadre réglementaire auquel sont soumis les douaniers, l'objectif étant de cerner les écarts à ce cadre.

Il s'agira de cerner la catégorie d'emploi (1), l'engagement (2), les obligations réciproques (3), l'intérim (4), le commissionnement en grade (5), la promotion (6), la mutation ainsi que le détachement (7).

Il faudra signaler que ce cadre réglementaire qui est lié à l'objet de notre recherche a été étoffé sur base de la convention collective en vigueur à l'Office des Douanes et Accises.

En tant que structure, la douane fonctionne selon une hiérarchie qui détermine les rôles de son personnel par une description des tâches.

La convention collective de la douane nous a servi de source pour présenter le fonctionnement de l'OFIDA.

2.2.2.1. Catégorie d'emploi

Les emplois auxquels sont affectés les agents se subdivisent en trois catégories : commandement, collaboration et exécution.

1° Par emplois de commandement, il faut entendre les postes correspondants aux grades ci-après : directeurs, sous-directeurs, inspecteurs.

2° Par emplois de collaboration, il faut entendre les postes correspondants aux grades ci-après : vérificateur, vérificateur assistant et rédacteur principal.

3° Par emplois d'exécution, il faut entendre les postes correspondantes aux grades de rédacteur, commis principal, commis et huissier.

2.2.2.2. Conditions d'engagement

a) Engagement sur concours

Tout candidat doit satisfaire aux conditions suivantes :

- Etre de nationalité congolaise,

- Etre de bonne moralité et jouir de ses droits civiques - Etre âgé de 35 ans au plus, sauf décision contraire du comité de gestion ou du conseil d'administration.

- Etre reconnu physiquement apte à l'emploi postulé,

- Etre porteur selon le cas :

· Du diplôme du niveau supérieur, universitaire ou d'un titre équivalent,

· Du diplôme d'état ou d'un titre équivalent, Certificat requis pour l'exercice de l'emploi et/ou avoir éventuellement une expérience suffisante attestée par l'ancien employeur ;

· Avoir subi, avec succès, l'épreuve d'admission.

b) Engagement sur titre

L'engagement sur titre est décidé, selon le cas, par le Président Délégué Général, le Comité de Gestion ou le Conseil d'Administration. Aucun engagement sur titre ne peut se faire au grade de commandement sauf dérogation expresse du Conseil d'Administration. L'expérience joue aussi un rôle important lors de recrutement. L'expérience acquise dans l'administration publique, dans les entreprises publiques ou dans le secteur privé est à prendre en considération lors de l'engagement, dans la mesure où elle est profitable à l'office.

- Vacance et priorité d'engagement

En cas de vacance d'emploi et dans la mesure où les candidats répondent au profil requis et aux critères d'embauche, l'office accorde priorité :

- Aux agents licenciés de l'office, par suite de suppression d'emploi, pour des raisons d'organisation des services ou pour des raisons économiques, dans la mesure où ils disposent des aptitudes professionnelles requises pour l'occupation de cette fonction.

- Aux enfants de travailleurs décédés, pensionnés, reformés ou en activités et aux conjoints survivants.

La priorité d'embauche est accordée dans le respect de l'ordre ainsi établi. Toute vacance doit faire l'objet d'une publicité affichée aux valves et communiqué à la délégation syndicale. Comme tout emploi exige un contrat, nous allons en analyser la forme pratique au sein de l' OFIDA.

- Forme de contrat

Tout engagement est constaté par écrit.

Tout contrat de travail doit faire référence aux dispositions de l'article 187 du code de travail et à la présente convention collective.

A l'engagement, l'argent est situé à l'échelon de sa catégorie :

- Période de l'essai

L'engagement définitif d'un agent intervient : pour les emplois relevant de la catégorie d'exécution, à l'issue d'une période d'essaie ne dépassant pas un mois. Pour les emplois de la catégorie de commandement, cette période ne dépasse pas 6 mois.

A l'expiration de la période d'essai si celui - ci n'est pas déclaré non concluant, le contrat est réputé pour une durée indéterminée, c'est-à-dire, le candidat doit être engagé d'office conformément au contrat à durée indéterminée.

Le contrat étant cerné, qu'en est - il des obligations ?

2.2.2.3. Les obligations entre les parties

A. Obligations de l'agent

Le travailleur a l'obligation notamment de :

- Exécuter personnellement son travail, dans les conditions, au temps et au lieu convenus ;

- Agir conformément aux ordres qui lui sont donnés par l'employeur ou son préposé, en vue de l'exécution du contrat ;

- Respecter le règlement établi pour l'office, l'atelier ou le lieu dans lequel il doit exécuter son travail ;

- S'abstenir de tous ce qui pourrait nuire soit à sa propre sécurité, soit à celle de ses compagnons ou des tiers ;

- Respecter les convenances et les bonnes moeurs pendant l'exécution du contrat et traiter avec équité les travailleurs placés sous ses ordres ;

- Utiliser en bon père de famille et restituer en bon état à l'employeur les marchandises, produits, espèces, et, d'une façon générale, tout ce qui lui a été confié ;

- Il n'est tenu pour responsable ni des détériorations ni de l'usure dues à l'usage normal de la chose, ni de la perte fortuite ;

- Garder les secrets professionnels même après expiration du contrat ;

- Veiller à la sauvegarde des intérêts de l'office ;

- Fournir les renseignements nécessaires aux usagers de la douane. Il est tenu à la plus grande politesse dans ses rapports avec ses supérieurs, collègues de travail ou inférieurs et le public.

B. Obligations de l'employeur

- L'employeur a l'obligation de :

- Assurer aux agents en exercice de leur fonctions et ce conformément aux dispositions légales et réglementaires, une protection conséquente contre les intimidations, menaces, vexations, injures, diffamations, attaques corporelles ainsi que toute arrestation arbitraire dont ils peuvent faire l'objet ;

- Obtenir, par toute voie de droit, une juste réparation de tout préjudice subi ;

- Veiller à l'esprit d'entraide dans les services et éviter tout ce qui pourrait rapporter atteinte à la confiance du public ou compromettre la dignité de l'office ;

- Eviter tout propos tendant à entretenir ou à favoriser toute forme de discrimination clanique, tribale, provinciale ou raciale au sein de l'office.

- S'abstenir de donner des ordres incompatibles aux lois du pays ainsi qu'aux règlements en vigueur au sein de l'office.

- Les obligations étant cernées, nous trouvons opportun d'aborder l'affectation dans le cadre de l'intérim.

2.2.2.4. L'Intérim

- l'intérim est l'affectation d'un agent à un emploi temporairement vacant égal ou immédiatement supérieur au sien.

- L'agent, désigné par écrit pour occuper temporairement un emploi supérieur à celui qu'il occupe, bénéficie d'une prime d'intérim au prorata des jours prestés.

- Le montant de cette prime est égal à la différence entre son salaire de base au moment où il est chargé de l'intérim et celui de l'emploi qu'il occupe y compris les autres avantages sociaux liés à la fonction considérée. Toutefois, si l'agent jouit d'un salaire égal à celui du poste intérimé, il conserve son salaire majoré de 10%.

- - La durée de l'intérim ne peut dépasser 6 mois. Un mois avant l'expiration de ce délai, un rapport circonstancié de l'intérim doit être adressé à l'autorité compétente par le service utilisateur. Si ce rapport est favorable, l'agent est confirmé à ce poste ; au cas contraire, il est réintégré dans ses fonctions antérieures. Le poste intérimé est ainsi déclaré définitivement vacant et la procédure de commissionnement est actionnée.

- Tout intérim doit être porté à la connaissance de la division du personnel.

- L'intérim est accordé par le Président Délégué Général pour les fonctions de directeur, et par le Directeur Divisionnaire ou Provincial pour les autres fonctions

- L'intérim nous renvoie au commissionnaire. Cet aspect est abordé dans les lignes qui suivent.

2.2.2.5. Commissionnement

Le commissionnement est l'affectation d'un agent à un emploi immédiatement supérieur définitivement vacant.

Pour être commissionné, l'agent doit avoir occupé le poste immédiatement inférieur et être proposé par le service utilisateur, en tenant compte des capacités intellectuelles et professionnelles de l'agent.

Le commissionnement ne peut pas être avant l'expiration d'un mois à dater de la survenance des faits ayant occasionné la vacance définitive du poste à pourvoir.

La durée du commissionnement constitue une période probatoire pour la promotion de l'agent au grade immédiatement supérieur. Elle est de :

- 2 mois pour les agents d'exécution et de collaboration ;

- 3 mois pour les agents de commandement.

Dans les 10 jours francs qui précèdent l'expiration de la période de commissionnement, un rapport circonstancié est adressé à l'autorité compétente par le service utilisateur. En l'absence d'un rapport de service, passé ce délai, l'agent est confirmé dans ses nouvelles fonctions.

L'agent qui ne donne pas satisfaction prenant cette période reçoit une notification écrite de la décision de l'autorité et est réintégré dans ses fonctions antérieures. S'il s'estime lésé par cette décision, il a 5 jours francs pour introduire un recours auprès de l'autorité qui a pris la décision.

L'agent commissionné bénéficie pendant la durée du commissionnement, d'une prime de commissionnement qui est égale à la différence entre le salaire de base dont il jouit au moment où il est commissionné et celui de base de la fonction qu'il va exercer, y compris les autres avantages sociaux liés à la fonction.

Aucun agent ne peut faire l'objet de deux commissionnements au cours d'une même année. Le commissionnement est décidé par le Président Délégué Général.

Si le commissionnement est une promotion particulière, qu'en est il de la promotion en général au sein de la douane ?

2.2.2.6. Promotion

La promotion est la nomination de l'agent à un grade ou à un échelon supérieur. L'on distingue une promotion verticale d'une promotion horizontale.

2.2.2.6.1. Promotion verticale

La promotion verticale est la nomination de l'agent à un grade supérieur au sien.

Elle ne peut avoir pour objet que de pouvoir à la vacance d'un emploi budgétairement prévu dans le cadre organique, hormis le cas de production d'un titre scolaire, académique ou équivalent et sanctionnant des études, effectuées dans l'intérêt du service au sens du point 3.5 (de la convention collective de la douane) des modalités d'application et donnant accès à un grade supérieur.

L'agent y accède :

- soit après une période de commissionnement

- soit sur décision du Président Délégué Général, du Comité de Gestion ou de conseil d'administration, selon le cas ;

- soit après obtention d'un titre scolaire ou académique donnant accès à un grade supérieur dans les conditions définies ci-dessous

- soit après réussite à un cycle de formation de perfectionnement professionnel dont la valeur est officiellement reconnue par l'office et donnant accès au grade supérieur ;

- soit après réussite à un concours d'aptitude professionnelle pour les grades d'exécution et de collaboration. Pour être admis à ce concours, l'agent doit avoir accompli au moins trois ans d'ancienneté dans le grade immédiatement inférieur au grade de promotion et avoir obtenu l'appréciation « bon » au cours de trois dernières années. Ce délai peut être réduit à deux ans à la condition que l'agent bénéficie d'une cote « très bon » au cours de deux derniers années. En cas d'égalité des points au concours d'aptitude professionnelle, l'agent ayant le meilleur signalement a priorité. Si l'égalité persiste, l'ancienneté départage les candidats.

2.2.2.6.2. Promotion horizontale

La promotion horizontale est la nomination d'un agent à un échelon supérieur du même grade. Elle s'applique aux agents exerçant la carrière plane, c'est-à-dire le régime de la carrière plane s'applique notamment aux fonctions ci-après :

- Secrétaire de direction ;

- Secrétaire dactylographe ;

- Infirmier ;

- Laborantin, - Chauffeur,

- Encodeuse - Sentinelle

- Balayeur - Mécanicien

- Menuisier - Opérateur

- Hôtesse - Charpentier

- Maçon - Peintre

- Tôlier

Les règles particulières régissant les échelons sont définies dans les modalités d'application.

2.2.2.7. Mutation et détachement

2.2.2.7.1. Mutation

La mutation est l'affectation d'un agent d'une province douanière à une autre ou d'une localité à une autre à l'intérieur d'une même province douanière. Elle peut être décidée pour raison de service, de santé ou pour convenance personnelle, dans le strict respect de l'article 24 de la loi n°78-002 du 8 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises publiques telle que modifiée et complétée à ce jour.

2.2.2.7.2. Détachement

Le détachement est la position de l'agent qui est autorisé à interrompre provisoirement ses fonctions pour :

2. Exercer un mandat politique ;

3. Exercer une fonction auprès d'un service public ou une entreprise publique ;

4. Servir sous les drapeaux en cas d'appel ou de rappel sous les armes ;

5. Exercer un mandat syndical auprès d'une organisation syndicale reconnue représentative ;

6. OEuvrer auprès des organismes internationaux dont la République Démocratique du Congo est membre.

Le détachement est prononcé par le Président Délégué Général à la demande de l'agent ou de l'organisme utilisateur. Le détachement a une durée égale à celle du mandat ou des fonctions à exercer. Il rend définitivement vacant l'emploi occupé par l'agent.

Cette recherche étant essentiellement qualitative, ce chapitre nous a permis de mobiliser l'observation participante comme voie d'accès aux données. Le recueil de données a été réalisé par l'observation in situ, l'entretien semi-directif et la consultation des documents administratifs.

L'analyse du contenu sous sa version thématique à la fois verticale et horizontale nous a permis de traiter les données. Pour raison de triangulation, nous avons ciblé trois sites dans la logique de saisir les effets en amont et en aval. Il s'agit des sites ci-après : la sous-direction de Kasumbalesa, l'entrepôt public concédé Trade Service et la barrière Kisanga.

L'organisation formelle de l'Office des Douanes et Accises nous a amené à épingler le cadre réglementaire en misant sur les aspects ayant trait à notre objet de recherche. La mise en oeuvre de dispositifs de recueil de données étant circonscrites, les sites décrits et le cadre règlementaire cerné ; qu'en est - il résultat de cette recherche ?

La réponse sera donnée fait l'objet du chapitre qui suit.

CHAPITRE III : REGARD CRIMINOLOGIQUE SUR LES MECANISMES D'AFFECTATION DU DOUANIER AU POSTE STRATEGIQUE

Ce chapitre est essentiellement empirique, il cerne quatre points. Le premier présente les critères non réglementaires qui président au recrutement, à la promotion au sein de la douane et les représentations des acteurs des postes stratégiques, le deuxième montre les différentes stratégies d'occupation des postes stratégiques, le troisième cerne les différentes pratiques qui sous-tendent l'affectation et le maintien au poste stratégique,

Le quatrième, présente les différentes logiques d'action qui expliquent les mécanismes d'affectation au poste stratégique.

3.I. CRITERES NON REGLEMENTAIRES DE RECRUTEMENT, DE PROMOTION ET REPRESENTATIONS DU POSTE STRATEGIQUE

3.1.1 Critères non réglementaires de recrutement et de promotion à la douane

La Douane est une entreprise publique, ses pratiques nous poussent à l'appréhender dans le sens de Degenne et Forsé (2004 : 37), qui définissent l'entreprise comme : « une organisation dont l'organigramme, qui définit les liens formels entres les acteurs, se double d'un réseau de relations informelles (le sociogramme) ». Dans cette optique, le recrutement et la promotion à la douane ne recourent pas aux critères légaux établis par la convention collective, par le droit de travail et autres textes légaux, ni à la méritocratie pour parler essentiellement de la promotion.

Ce faisant, il est opportun de jeter un regard sur les critères subjectifs rencontrés à la douane pendant notre stage de recherche. De ces critères, nous avons retenu l'intervention d'un directeur, le stage d'une longue durée et les recommandations.

3.1.1.1. L'intervention personnelle d'un directeur

Actuellement la douane n'engage pas facilement. Autrement dit, il n'ya plus offre d'emploi. La plupart de douaniers sont ceux qui ont étudié pendant trois ans à l'Ecole Nationale des Finances en sigle E.N.F. basée à Kinshasa.

Ce passage à cette école reste la voie légale pour être engagé à la douane en priorité par apport aux autres candidats provenant des autres institutions universitaires. Cependant, lorsque l'on a de relation particulière avec les personnalités comme le Directeur Provincial ou celui de la Direction Générale basée à Kinshasa, celui - ci peut s'investir dans le dossier pour faciliter l'engagement et ou la promotion.

A ce propos, Monsieur Sandoa, un vérificateur préposé à la brigade de la barrière Kisanga nous relate ce qui suit à la question de savoir ce qu'il a fait pour que son dossier d'engagement soit décanté :

« Vous me demandez cette question, il y a un directeur malheureusement décédé, il y a trois mois, qui s'était investi dans notre dossier. Nous étions à sept sous son parrainage, il avait arraché notre engagement et nos affectations ici même à Lubumbashi ».

Le douanier Sungura reporte ce qui suit :

« Aujourd'hui chaque chef amène son frère pour un stage permanent à la douane. Entre-temps il mène les démarches d'engagement à Kinshasa. Il donne beaucoup d'argents à cet effet. Ce fut mon cas, aujourd'hui j'aide aussi ma famille et la sienne ».

Ces deux extraits montrent que pour être engagé à la douane et être affecté à un poste stratégique, on peut recouvrir à un haut cadre de la Direction Générale plutôt que d'étudier à l'Ecole Nationale des Finances en sigle E.N.F.

1.1.2. Le stage

Pour être engagé à la douane, beaucoup commencent par le stage de plusieurs mois voir des années selon l'influence ou le statut du haut cadre de la douane qui parraine le dossier. Tout part du stage, une activité formelle. Mais sa durée dépasse les normes requises. La continuité de cette activité scolaire dépend des influences de celui qui patronne le dossier du candidat. Ce stage se change en engagement qui reste à être formalisé.

3.1.1.3. Les recommandations

Le partage du pouvoir politique entre les différentes composantes du gouvernement de transition a fait que chacune de ces composantes cherche à positionner ses membres effectifs qui pourront financer les activités du Parti par les cotisations. Les recommandations sont à appréhender à deux niveaux :

- Au niveau Provincial pour dire que les recommandations en province passent obligatoirement par un stage. Ainsi le Directeur Provincial dans son rapport mensuel et/ou annuel, à la rubrique réservée à l'administration du personnel, il fait mention du nombre de stagiaires permanents, c'est-à-dire, ceux à l'attente de l'engagement.

- Au niveau national, la recommandation est adressée directement au président délégué général de la douane ou au comité de gestion de la douane. Ceci lorsqu'il s'agit d'un enfant d'une autorité politico-administrative bien connue et dont la position actuelle convainc les membres du comité de gestion qu'il faut agir vite avec une logique non apparente de sauvegarder aussi son poste ou que dans les prochaines nominations qu'il ne perde pas son poste, ou enfin qu'il soit nommé quelque part.

Ainsi, on passe directement à l'engagement du recommandé sans passer par le stage par souci aussi de sécuriser le poste de celui qui doit recommander.

A ce propos le douanier Sungura s'exprime en ces mots :

« Il faut avoir un parapluie. Tu connais toi - même le Congo, il y a d'autres qui vont à Kinshasa pour le suivi, mais leurs dossiers sont toujours rejetés quand ils n'ont pas de parrains forts à la douane ou en dehors de celle - ci pour une recommandation ».

En dehors de ces critères exploités ci- haut, il y a d'autres critères et non les moindres qui entrent aussi en ligne de compte. C'est notamment, les affinités tribales, claniques et provinciales, la remise de l'argent (qualifiée de corruption), les relations et les connaissances informelles tant à la douane qu'en dehors de celle - ci.

Ce que nous venons d'évoquer au regard du recrutement vaut aussi pour les affectations.

Les critères non réglementaires de recrutement étant cernés, qu'en est - il de la perception des postes stratégiques par les acteurs ?

3.1.2. Représentation des acteurs du poste stratégique

Dans l'entendement général, le poste stratégique est celui où l'on peut avoir beaucoup d'argent dans un temps record. Dans le jargon douanier, l'argent signifie « cretch » ainsi donc le poste stratégique est lié à la facilité d'avoir de « cretch». Les postes stratégiques sont aussi appelés postes juteux.

Pour le douanier, le rendement du travail est d'abord pour soi, lorsqu'il est affecté à un poste où l'on trouve facilement de l'agent.

Le douanier dans ses tâches quotidiennes utilise le Code Minier promulgué en 2002, lors des exportations de substances minérales par les personnes physiques et/ou morales. Le douanier tire les ficelles de son côté, profitant du Code Minier et de l'ignorance des usagers.

Chuyi un contrôleur de la douane perçoit la notion de poste stratégique en ces termes :

« Le poste stratégique est lié à la connaissance et la maîtrise du travail. Connaître le travail, c'est connaître comme trouver de l'argent, c'est-à-dire, c'est savoir prendre pendant que la déclaration (les marchandises passent) ou un autre document important passe dans votre bureaux ».

Selon l'empirie, le douanier perçoit un poste stratégique comme celui où il peut avoir de l'argent assez vite, assez facilement et une somme d'argent assez importante.

A cet effet, le contrôleur Matadi nous dit ce qui suit :

« le poste stratégique, c'est un poste ou l'on est affecté pour trouver facilement de l'argent et dans un temps record. C'est comme le poste de Kasumbalesa qui est notre voie d'entrée et de sortie de la marchandise pour la Province du Katanga »

Le douanier, étant acteur stratège, mobilise la largesse de la loi pour tirer son propre profit. A ce propos Numbi Kabange (2007 : 6-7), précise ce qui suit au regard de l'ignorance de la loi :

« Le Code Minier qui s'est voulu incitateur et attractif des investissements dans notre pays ne l'est pas aussi sans difficultés dans son application qu'on ne le croirait. L'auteur révèle notamment : l'interprétation du concept à vocation strictement minier. Ce concept est d'une importance capitale dans la mesure où il conditionne l'accessibilité aux avantages du code. La considération de la date à partir de laquelle l'exploitation est sensée être effective. La connaissance de cette date de commencement effectif de l'exploitation permet de déterminer quel taux d'imposition appliqué pour le paiement des droits de douane ».

Par ailleurs, les postes non-stratégiques sont ceux où on gagne difficilement l'argent. Il s'agit de postes à caractère bureaucratique qui exigent la tête bien faite. Ces bureaux sont souvent occupés par les temporaires (stagiaires) plutôt que les mécanisés. C'est comme le secrétariat. Ce bureau n'intéresse pas les engagés.

A titre illustratif, un douanier Monsieur Kabwa nous dit ce qui suit :

« La direction provinciale ne nous intéresse pas pour y travailler parce qu'il n'est pas un bureau stratégique. D'ailleurs le secrétariat provincial n'a qu'un seul agent ».

Cet extrait montre comment le douanier ne préfère pas travailler dans le bureau administratif qui n'est pas stratégique.

Ainsi, les temporaires qui occupent de tels bureaux, les désertent une fois engagés. Il sied de souligner que ceux qui ont été formés à l'Ecole Nationale de Finances ont de difficultés de prester dans l'administration par manque des connaissances préalables dans ce domaine. C'est dans ce contexte qu'ils font tout pour être affectés au service de vérification, recettes et à la brigade douanière où ils se « retrouvent » facilement par rapport à leur formation.

Il ressort des données empiriques que l'inspection de contentieux représente aussi pour beaucoup d'acteurs un poste non stratégique puisqu'elle exige des compétences particulières. En plus, le contentieux en douane est un phénomène rare. Seul le rapport adressé au chef, permet à celui-ci de décider de l'opportunité de poursuite d'une infraction. Plusieurs situations-problèmes qui se manifestent en matière douanière sont réglées par l'arrangement ou la négociation entre le douanier et les usagers. Beaucoup de problèmes se règlent au niveau du contrôleur et du vérificateur.

Ce qui est intéressant dans cette inspection, c'est le gain occasionnel d'une grande somme d'argent permettant aux acteurs de se sécuriser. C'est dans cette optique que la notion de poste stratégique devient poreuse puisque ce qui est perçu comme stratégique pour les uns, ne l'est pas forcément pour les autres. Un douanier affecté dans cette inspection rapporte ce qui suit :

« Cette inspection est pour moi un poste stratégique dans ce sens qu'il m'assure la sécurité financière et un standing de vie acceptable. Les dossiers y sont rares, mais dès que mous recevons un dossier, il nous rapporte de millions des dollars »

Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons aux postes stratégiques liés à la logique de gain facile, régulier et dans un temps record. Dans ce sens, l'inspection du contentieux est considérée dans cette étude comme un poste non stratégique pour le douanier. Ce poste est en effet, un garage et beaucoup d'acteurs évitent d'y être affectés.

Selon les douaniers interviewés, ciblent les postes ci-après comme stratégiques :

1°) La frontière douanière de Kasumbalesa qui occupe la première position en termes de mobilisation individuelle des ressources financières. (1(*))

2°) La barrière de Kisanga, porte d'entrée et de sortie des marchandises dans la ville de Lubumbashi. (2(*))

3°) Le poste frontalier de Kalemie, qui par sa position géographique, sert de porte d'entrée et de sortie entre la province du Katanga et les pays de l'Est tels que la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi y compris la Zambie qui est un pays austral. Si le poste de Kasumbalesa est une voie routière, celui de Kalemie est lacustre et alimente les provinces de deux Kasaï et le Maniema en bien importés.

4°) L'entrepôt public concède « Trade Service » ayant constitué un de bureau de notre stage, est un poste stratégique dans la mesure où les influences politiques du concessionnaire bénéficient largement aux opérateurs économiques. Ainsi ces opérateurs économiques souhaitent y dédouaner leurs marchandises parce qu'ils se sentent plus sécurisés par la position de ce concessionnaire et là il y a des opportunités d'arrangement, bénéfique à la fois aux commerçants et aux douaniers qui y sont affectés.

Le douanier Sungura nous dit à ce propos :

« Kama mvula ina nyesha njoo pa kujikoyoleya », Traduction : c'est quand on est mouillé par la pluie, qu'il faut piser dans ses habits, car personne ne découvrira que vous avez pisé. On dira que vous êtes mouillé.

Logiquement, c'est le moment de faire le cretch, profitant des arrangements qui font ici sous la couverture du politicien propriétaire de cet entrepôt. C'est pourquoi au regard des camions qui inondent cet entrepôt parqués sur deux avenues du quartier industriel, on peut dire qu'il y a un appât (service) qui les attirent.

Cet entrepôt constitue donc un poste stratégique où chaque douanier cherche à être affecté.

5°) L'aéroport international de Lubumbashi. Cet aéroport réceptionne plusieurs marchandises communément appelées « divers » qui arrivent par cargo en provenance de l'Asie ou de l'Europe et dont les importateurs sont les « Grands » de la ville de Lubumbashi ; les Chinois amènent les téléphones dans les sacs qui sont taxés au taux négocié ou par le parrainage d'un douanier qui prend les sacs du chinois pour les faire sortir de l'aéroport.

Les entreprises de communication y font passer leurs matériels destinés au montage des antennes dans les villages de la province.

Après avoir présenté les modalités non réglementaires de recrutement et de promotion, ainsi que les représentations des postes stratégiques par les acteurs, il y a lieu dans les lignes qui suivent de cerner les stratégies mises en place par les douaniers pour occuper les postes stratégiques.

3.2. STRATEGIES D'OCCUPATION DE POSTES STRATEGIQUES

Dans le cadre de cette étude, pour occuper un poste stratégique, les douaniers mobilisent les relations contractées au niveau interne ou externe de l'Office de Douane et Accises en sigle OFIDA.

3.2.1. Les relations stratégiques internes

Ce sont les relations qui se réalisent au sein de la douane. C'est le cas par exemple, d'un agent bien apprécié par son chef et qui l'adopte. C'est le cas aussi d'encadrement des épouses, des enfants dont les maris ou parents sont décédés ou encore retraités. Comme on le constate, ces relations sont bâties sur les réseaux affinitaires au bénéfice de soutien des uns aux autres. Lemieux (1999 :57), dit :

« Même si les réseaux de soutien supposent généralement des affinités entre les participants le propre de ces réseaux ne réside pas principalement dans l'attribution des ressources relationnelles ou statutaires d'un acteur à l'autre. Il s'agit plutôt de transmettre des ressources matérielles ou informationnelles, portées par des ressources relationnelles, au bénéfice de personnes qui en ont besoin. C'est la propagation de ces ressources, en direction des personnes à soutenir, qui caractérise les réseaux de soutien ».

Au sein des relations stratégiques internes, on peut aussi identifier le cas d'un « bon élève » et d'un « héritage du poste ».

3.2.1.1. « Un élève appliqué » ou « un bon élève »

Il s'agit d'un agent qui s'est tissé de bonnes relations avec son (ses) chef(s) le long de son travail. Celui - ci respecte les consignes tant formelles qu'informelles de son chef. Celui - ci fait de bon rapport à son chef. Ce dernier, une fois associé ou revêtu d'un pouvoir d'affecter les agents, il place ce bon élève au poste stratégique afin que celui-ci lui envoie régulièrement de l'argent, les biens matériels ou transmettre les informations.

- Concernant les informations, le chef place ses agents qui ont pour mission de lui informer sur tout ce qui se passe au poste. Ceci lui permet de vérifier le rapport officiel lui transmit par le chef local du bureau douanier concerné.

- Un douanier à Kasumbalesa nous dit ce qui suit :

« Douane ya Kasumbalesa ekoma service ya sécurité. ata soki chef aza absent na Kasumbalesa, mais makombo nyoso aza au courant. Aza miso bipanyi nyozo », Traduction : la douane de Kasumbalesa est devenue un service de sécurité. Même si le chef est absent de Kasumbalesa, mais il est au courant de tout ce qui se passe. Il a des yeux partout.

Cet extrait d'entretien montre comment le douanier affecte certains agents au poste stratégique comme antenne privée qui lui fourni des informations en vue de les recouper avec les informations officielles. Le but est d'assurer un contrôle sur tous les dossiers qui transitent à ce poste.

- la remise d'argent : un bon élève n'est pas toujours dans le cadre de cette étude celui qui réalise de bon service à la douane. C'est ce lui qui sait conjuguer le verbe manger et savoir le conjuguer à la première personne du pluriel (nous mangeons). Cette métaphore traduit l'idée selon laquelle, un bon élève à la douane, est le douanier qui partage avec son chef ou ses chefs. C'est ce que les autres ont appelé « rapport » dans le cadre de la police. Lupitshi Wa Numbi (2006 : 48, Bolaa Ewala (2008 :62...). A la douane cette stratégie est nommée « feed-back » ou « opération retour ». Le chef ayant lancé ou le recommandant ayant lancé l'opération pour l'obtention de l'affectation au poste stratégique attend de cet agent le rapport tel que décrit dans les pages précédentes.

- Il sied de constater que dans la société traditionnelle lorsqu'on parle du chef, on voit sa puissance et sa richesse. C'est lui qui donnait d'abord le premier. Il recevait tout le monde et savait partager. Ensuite les sujets lui amenaient aussi, en terme de contre don les produits de la chasse, de la pêche, de la cueillette et de l'agriculture. Mais à la douane c'est le contraire, le chef attend à recevoir le « feed-back » de la part de ses subalternes. Comme c'est lui qui nomme et affecte, il profite de sa position pour capitaliser à travers le poste occupé. L'initiative peut venir du chef et dans ce cas, il donne de consignes à l'agent affecté. Cette initiative peut partir de l'agent qui cherche à gagner la confiance du chef avec vision d'être promu ou affecté au poste plus stratégique que celui occupé actuellement. Sans cela, on aboutit à l'affectation au poste dit « garage ». Le poste garage veut dire un poste où l'on ne voit pas la déclaration passée ou tout autre document de la douane ayant trait à la marchandise. C'est le lieu de méditation pour l'agent qui s'est pas bien appliqué ou n'a pas respecté les consignes du chef.

Un douanier Simba nous relate ce qui suit :

« Je suis affecté comme contrôleur du personnel pour manger du papier, écrire les lettres de congés, les enterrements des agents ; ici pour avoir l'argent, c'est impossible je manque même du carburant. Le standing de vie à changer. Il y a de petites choses aux quelles on ne croyait plus revenir, par exemple, le paiement de frais d'études de mes enfants... »

En parlant de l'initiative du chef, si l'agent affecté respecte les consignes, cela renforce la confiance du chef dans l'agent, avec pour conséquence positive d'affecter ou de promouvoir l'agent à un poste plus stratégique.

En parlant de l'initiative de l'agent qui aborde lui-même le chef par une remise quelconque, il s'en dégage une relation d'interdépendance qui fragilise le pouvoir du chef.

- La remise de biens matériels, dans les relations du chef et du bon élève, il s'en dégage aussi la remise de biens matériels en termes de don.

Un douanier nous dit à propos ce qui suit :

« tata po ozala receveur principal Kasumbalesa, il faut obanda kotinda bongo, jeeps na makayabo na bakonzi », Traduction : pour être receveur principal à Kasumbalesa il faut toujours envoyer de l'argent, les véhicules jeeps et les poissons salés aux autorités.

Cette pratique est aussi appelée « rapport » qui peut se confondre avec le « feed-back » dans la mesure où toutes les deux pratiques recourent aux mêmes acteurs, situés à des positions sociales différentes. Le feed-back concerne le douanier qui fait « rapport » à son parrain douanier ou des informations au recommandant qui est hors la douane. Ce « feed-back » autant que le « rapport » est la remise de l'argent au parrain. Le parrain attend effectivement ce rapport comme s'il était stimulé par son fiel, entendez ici l'agent pour qui, il est intervenu pour avoir l'affectation au poste stratégique. Le parrain, dans ce cas, est considéré comme le stimulus, par la recommandation faite pour l'agent est que l'agent est le corps devant réagir au stimulus par le rapport.

Dans le cas contraire, surtout lorsque l'agent ne réagissait pas au stimulus, il sera placé dans les conditions où il n'aura pas un sous. Il devient un corps inerte. C'est ce que nous avons essayé d'épingler dans ce présent travail en terme de phénomène « garage ».

Terminons cette partie avec ce paragraphe de Lemieux (1999 :67), «Nous avons dit des réseaux de soutien qu'ils avaient pour finalité spécifique d'apporter de l'aide matérielle, informationnelle ou relationnelle à des personnes qui en ont besoin. L'échange dans les réseaux de soutien peut être restreint, la personne aidée rétribuant directement la personne aidante ».

Après avoir explicité les relations internes par la thématique de « l'élève appliqué », il nous revient de cerner les relations internes que nous regorgeons dans la thématique de « l'héritage du poste ».

3.2.1.2.. L'Héritage du poste

Comme nous l'avons dit dans l'introduction de cette partie du travail, l'héritage de poste est sous - tendu que les relations en guise de reconnaissance, de compassion du chef envers le défunt ou retraitée douanier dont l'épouse ou l'enfant a été engagé à la douane conformément à la convention collective.

Cette reconnaissance ou compassion du chef se matérialise par le placement de l'épouse ou de l'enfant engagé au poste stratégique, parfois en remplacement au poste occupé par le défunt ou le retraité.

A titre illustratif, le vérificateur Moba à Kasumbalesa s'exprime en ces termes :

« J'ai dix ans à Kasumbalesa je peux vous dire pourquoi ? Mon feu papa était inspecteur chef local ici à Kasumbalesa après qu'il ait fait la ronde de toutes les provinces. Croyez - vous que ces douaniers avec lesquels il avait travaillé peuvent abandonner la famille de leur collègue ? Et surtout que tous retrouvent son nom par mon nom. Beaucoup d'entre eux à la première arrivée au Katanga, ils demandent si je suis réellement fils de celui -la qu'ils ont connu dans une ou l'autre province du pays. Un d'eux m'a demandé de m'occuper de la famille correctement. C'est pourquoi, il me place non seulement à Kasumbalesa mais aussi il vient donner l'argent à ma mère chaque moi ».

A ce propos, Degenne et Forsé (2004 :39), parlant de relations affinitaires, ils écrivent ceci : « De facto, on admet aujourd'hui que les solidarités peuvent se faire et se défaire, que les liens entre affins peuvent se succéder, qu'on peut, pour reprendre le vocabulaire mythologique, substituer un « jumeau » à un autre ».

Les stratégies liées aux relations internes étant cernées, il est opportun d'analyser celles dites externes ou extra professionnelles.

3.2.2. RELATIONS EXTERNES

Ce sont de relations naturelles, amicales clanico-régionales, politiques, etc. que le douanier entretient hors de l'organisation douanière. Les relations constituent une stratégie à laquelle recourt le douanier pour occuper un poste stratégique. Ces relations sont multiformes. Elles sont naturelles, amicales, ethno-régionales, idéologiques ou politiques.

3.2.2.1. Les relations naturelles

Par ces relations, il faut entendre celles liées aux systèmes de parenté au sens large du mot et surtout les replacer dans le contexte africain. Il s'agit de relations qui sont liées au sang. Il s'agit des relations qui unissent les membres de la famille large. C'est par exemple, les oncles, les tantes, les cousins, les nièces, les membres de la belle famille, etc.

Comme dit précédemment, chaque cadre de la douane a tendance à caser les siens et les placer au poste stratégique. Le cas du douanier Simba est frappant :

« Mon grand frère était Administrateur Délégué Général de la douane congolaise. J'en ai profité pour me positionner et avoir de biens. J'ai chômé pendant trois ans après mes études en sociologie. Mais quand mon frère a été nommé, directement il m'a engagé avec quelques autres membres de la grande famille. Il est connu pour ça à la douane. Aujourd'hui il y a cinq ans, il n'est plus mais presque nous tous, nous avons une bonne position. Après ma formation (stage), j'ai été affecté aux produits pétroliers, puis à Kasumbalesa, j'ai fait l'essentiel pour ma famille et moi - même. Les maisons, les véhicules, l'épargne. Je suis bien. Avant son départ de la douane, il m'avait promu et quelques - uns de mes neveux au grade de contrôleur ».

Cet extrait illustre comment les relations familiales sont aussi utilisées comme stratégie d'affectation et d'occupation de poste stratégique. Ces relations informelles sont puissantes et influent sur celles dites réglementaires. Elles constituent, par ailleurs, des ressources qu'un douanier peut mobiliser, exploiter pour occuper un poste un poste stratégique.

3.2.2.2. Les relations amicales

Il s'agit des affinités amicales qui sont exploitées aussi pour être affecté à un poste stratégique. Il a été constaté actuellement que dès qu'un individu occupe un poste de responsabilité, il fait tout pour caser ses amis, ses collègues,... en vue de former une équipe très forte pour s'entraider en cas de problème. C'est ce que nous rencontrons dans les mutualités reconnues dans la ville, comme les anciens de Don Bosco, les anciens de Saint Boniface, les anciens de Lycée Lubusha, ...

Il en est de même à la douane. Certains ont trouvé de l'emploi, et/ou de l'affectation aux postes stratégiques grâce aux affinités amicales. Tel est le cas de Mme Kivu qui nous relate ce qui suit à propos de sa promotion :

« Mon grand-frère est proche de l'Administrateur Délégué Général actuel. Il fallait promouvoir les femmes à la douane dans le cadre de genre c'est-à-dire tenir compte de la représentativité de la femme au sein de la douane Katanga. Mon grand frère vient d'arracher ma promotion au grade d'inspecteur. Nous sommes actuellement trois femmes chef d'un bureau local de la douane, ce qui n'a jamais existé ».

L'amitié est aussi utilisée comme stratégie pour avoir de l'emploi et pour être affecté au poste stratégique.

3.2.2.3. Les relations ethnico - régionales

A ce point, il s'agit de relations qui vont au-délà du système de parenté et des affinités amicales. Il s'agit de relations qui existent par l'appartenance à un même clan, à une même ethnie, à une même région (province).

Ainsi, l'on constate qu'il y a des associations socio-culturelles dans la ville de Lubumbashi qui sont formées sur base de l'appartenance à une même l'ethnie, clan, région. C'est le cas de Balubakat (regroupant les Baluba du Katanga), Divar (regroupant les Lunda du Katanga), Sempya (regroupant les Bemba), Asorema (Association de Ressortissants de Maniema), Coreband Comite des Ressortissant du Bandundu), Muha (Mutuelle Havu regroupant les Bahavu du territoire de Kalehe et du territoire d' Id'jwi), etc. Autant que ces différentes associations sont utilisées pour soutenir la candidature d'un de leurs membres pour un mandat quelconque, autant, elles sont utilisées pour le douanier pour être promu et placé à un poste stratégique.

Voici ce que nous dit Simba, un vérificateur de la douane à ce propos :

« On a procédé aux promotions de sous - directeurs à la douane au Katanga pour le bureau de Kasumbalesa, Kalemie, Lubumbashi -Ville ceux qui ont été promus sont de Candidats de leurs associations soutenus par un de leur membre politicien à Kinshasa ou au Katanga ».

Lemieux (1999 :46), parlant des réseaux d'affinité, dit ceci : « par réseaux d'affinité, nous entendons ceux qui relient les amis et des proches qui, sans être apparenté, ont entre eux des relations positives dans l'ordre de l'appartenance »

3.2.2.4. Les relations idéologiques ou politiques

Il s'agit de relations avec les autorités politiques, militaires ou membres du gouvernement qui peuvent par leur statut recommander le douanier pour être affecté à un poste stratégique.

Le système de transition en République Démocratique du Congo mis en place par la Communauté Internationale pour mettre fin à dix ans de guerre en est une preuve palpable.

Au partage du pouvoir dans toutes les institutions, chaque composante tenait à positionner les siens pour diverses raisons comme pour avoir de l'information, avoir de l'argent pour le Parti, etc.

Dans ce cadre, nous pouvons illustrer quelques cas vécus sur terrain pendant notre stage de recherche. Parlant de la fraude, un commandant de la douane préposé à Kisanga, Monsieur Sandoa rapporte ce qui suit :

« Ma dossiers ya chef wa kasumbalesa inapita, angalia na weye alakini congo hiyi mpaka uko na parapluie nani ata mugusa, iko wa famille présidentielle. Ule bwana attention naye aneweza ku kubambisha ao anakutoshesha kazi, ni antenne ya sécurité ya présidence, ni ancien militaire iko wa PPRD (parti du peuple pour la démocratie et la reconstruction ». Traduction : (Les dossiers du sous-directeur de la douane Kasumbalesa dépassent les limites, jette aussi un coup d'oeil sur les papiers de la marchandise. Mais au Congo pour occuper un poste stratégique il faut avoir un parapluie, un parrain donc. Qui peut l'arrêter ? Il est de la famille présidentielle. Ce Monsieur, il faut faire attention avec lui, il peut te faire arrêter ou te faire révoquer. Lui c'est une antenne de la sécurité présidentielle. C'est un ancien militaire, membre du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie, P.P.R.D. en sigle.

Cet extrait montre que pour occuper un poste stratégique, certains acteurs sont soutenus au niveau de la présidence comme institution. Ils deviennent l'oeil et l'oreille de cette institution et par conséquent ils deviennent intouchables.

C'est ici où nous puisons la pensée de Queloz et Al. (2000 : 118-119), lorsqu'ils explicitent le « trafic de postes de travail » attribués par copinage en ces termes :

« Ces pratiques peuvent avoir simplement pour but de favoriser un proche (parents, amis...) mais aussi celui, plus stratégique à long terme, de placer à des postes clefs des personnes de confiance, afin de garder les rênes de responsabilité et du pouvoir »

Cette pratique ne date pas d'aujourd'hui, certains acteurs ayant occupé de postes stratégiques ont été vus positionnés par le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), Parti Etat. C'est le même système qui continue à présent malgré le multipartisme.

Le contrôleur Simba, un autre douanier à Kasumbalesa dit ce qui suit :

« Tu vois le politicien Kouakoua revenir aux affaires. Il a semé. La plupart des gens qu'il avait positionnés aux services d'impôts, à la douane et à l'Office Congolaise de Contrôle ont bénéficiés de grades et sont devenus hauts cadres dans ces différents services. Nous avions fait sa campagne dans notre club des amis de Kouakoua. Chacun a donné quelque chose, l'argent, véhicule, cartes unités de communication, etc. pour faire sa compagne de député national pour la ville de Lubumbashi ; il vient de créer un parti politique. Nous nous organisons pour payer les loyers du siège du parti et les manifestations, il a investi. »

Ainsi, le positionnement des individus n'est pas un fruit hasardeux mais tributaire de connexion au système de connivence, d'arrangement et de soutien dans les affaires volontaires. Les mêmes auteurs Queloz, Borghi et Cesoni (2000 :209) précisent :

« La corruption réside plutôt dans l'importance des relation et des réseaux... si on n'est pas dans les bons réseaux, on est systématiquement écarté ou même cassé. ».

Ainsi, nous référant à Degenne et Forsé (2004 :70), « les relations du douanier et ses partenaires ne pouvaient se comprendre que dans un cercle social au sens de Perter Blau (1984) qui utilise ce terme pour désigner tous les groupes résultant de l'interaction des individus, les cercles devant de ce fait être considérées comme le cadre pertinent d'analyse de la production des comportements. »

Au niveau de la douane, l'affectation au poste stratégique est liée à des critères extra-professionnels à travers les relations très complexes ou multi complexes. Bayart (2006 : 271) aboutit au même constat en parlant de la façon d'accéder au pouvoir au Nigeria :

«... Il se servait également des liens familiaux, des classes d'âge, des camaraderies d'école et excellait dans les relations rituelles de plaisanteries qui associent traditionnellement les ressortissants de diverses communautés de la région... »

Ainsi, retenons - nous que les relations du douanier sont complexes car provenant du plusieurs origines comme la famille, le clan, le village, la province, les églises, les partis politiques, les coopératives, les associations socio - culturelles, les clubs sportifs, l'appartenance au même syndicat, les anciens élèves de..., et les anciens étudiants de... et plusieurs corporations regroupant les disciplines scientifiques ou des métiers : c'est le cas de juristes, les économistes, les médecins, les ingénieurs, etc.

Pour conclure la partie de cette section, il y a lieu de retenir que si certaines douaniers occupent les postes stratégiques par l'héritage du métier, la remise de l'argent, ou en se faisant un bon élève c'est-à-dire en tissant de bonnes relations avec son chef hiérarchique ; d'autres par contre, mobilisent ou instrumentalisent les relations amicales, naturelles (biologiques), clanico - ethnico - régionales, idéologiques et/ou politiques. Une fois le poste occupé les douaniers mobilisent certaines stratégies pratiques pour se maintenir au poste.

3.3. Les différentes pratiques qui sous - tendent l'affectation et le maintien au poste stratégique

Sur base des données de terrain, nous avons repéré des pratiques utilisées aussi comme stratégique pour se maintenir au poste. Une fois, le poste occupé, le douanier, dans ses tâches quotidiennes, découvre de pratiques utiles à son maintien au poste, grâce à l'interaction avec ses partenaires.

3.3.1. Instrumentalisation de la loi

Avant d'entrer dans le vif de ce point de notre dissertation, Musatula (2007 : 44) rappelle ceci :

« l'histoire de la douane en République Démocratique du Congo s'étale sur trois points forts à savoir : le temps précolonial, le temps colonial et le temps post colonial. »

Parlant de l'inefficacité de la législation douanière, le même auteur (2007 :47-48) écrit : « la législation douanière, quant à elle, à l'époque très lourde, devrait être assouplie. Dans le souci de coordonner et de réviser tous les droits et taxes douaniers, ainsi que la taxe de consommation récemment créée, un décret sera signé le 29 janvier 1949 et complété pour l'ordonnance n°33/09 du 06 janvier 1950 portant mesure d'exécution du décret précité.

Dès lors, les deux instruments juridiques cités ci-haut gouvernèrent l'activité douanière du Congo Belge...jusqu'à ce jour. »

Au regard de ce qui précède, force est de constater que le droit douanier n'a pas évolué jusqu'à ce jour alors que la société est dynamique, aussi l'évolution de l'économie et de la technologie offrent des nouvelles données dans le travail du douanier, enfin c'est un droit définit par et pour les intérêts de la métropole en méconnaissance de praticiens et ou des bénéficiaires.

Rouland (1999 :88) aborde la question de l'acculturation juridique et se réfère à Montesquieu : « elles (les lois) doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites que c'est un grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir à une autre ».

Nous appréhendons ce concept d'instrumentalisation de la loi au sens que lui attribue Freitag cité par Kaminski (2006 : 33) :

« Un deuxième concept d'instrumentalisation dénotant la disparition, dans les déterminants de la production de la société, de la référence à des normes communes. L'auteur pense que nous sommes entrés dans une société dont « le fonctionnement ne se réfère plus lui -même à la reconnaissance des normes communes (...) mais (opère) seulement sur base d'une gestion directe de la réalité, à caractère pragmatique, circonstanciel. L'instrumentalisation est la transformation des objets, que ces objets soient humains ou non en « matière première ».

Par conséquent, dans l'exercice de ses tâches quotidiennes, le douanier découvre les différentes marges que la loi lui offre en termes d'opportunité pour avoir de l'argent ou « cretch ». L'exploitation de la loi constitue donc une ressource pour se faire de « crecth » au vu de différents documents accompagnants la marchandise devant sortir ou entrer en République Démocratique du Congo par la Province du Katanga.

Cette opportunité ouvre un cadre de négociation avec le commissionnaire ou le déclarant, représentant le client. A ce propos, Mazwan (2007 : 26), écrit ce qui suit :

« Le douanier applique la loi à la tête de l'opérateur économique importateur selon que celui - ci est « coopérant »ou non. Ce « deux poids deux mesures » créent une inégalité de traitement des usagers vis-à-vis de la douane »

Rouland (1990 :37), l'exprime aussi en ces mots :

« La plupart des sociétés traditionnelles raisonnent par rapport à des comportements concrets et non en faisant référence à des corpus de règles. Par ailleurs, même dans les sociétés centralisées ou occidentales, l'analyse normative souffre de graves déficientes »

Différentes pratiques émergent de ces manoeuvres des acteurs de mobiliser la loi douanière pour avoir de l'argent et accéder à la promotion. Ces pratiques en tant qu'action ou manière de faire peuvent être individuelles ou collectives. C'est que nous nommons instrumentalisation de la loi aux fins de capitalisation.

3.3.1.1.1. Le Trop peu perçu (TPP)

Nous nous référons à la description faite par Musatula (2006 : 88-89), pour comprendre cette pratique et son corollaire qui est le « cretch ». Cette description rencontre celle des acteurs interviewés dans les différents sites de recherche.

« Le T.P.P. est une abréviation voulant dire « Trop peu perçu ». Elle découle d'une pratique légale du contrôle douanier. En tant que pratique légale, le T.P.P. consiste en un redressement fiscal effectué par les acteurs (agent du fisc), qui normalement a pour finalité la récupération pour le compte de trésor public du montant de manque à gagner des droits et taxes constatés lors du déroulement du contrôle douanier. Ce montant de manque à gagner est appelé « trop peu perçu », comme pour l'opposer à son éventuel contraire qui est le « trop perçu » (une somme payée en trop au trésor public)

La pratique du « TPP » devient problématique lorsqu'elle est détournée de son objectif, c'est-à-dire, il ne s'agit pas de récupérer pour le compte du trésor public, le montant des droits et taxes constatés à titre de manque à gagner, mais de s'en approprier directement par l'acteur ou les acteurs qui en ont fait la découverte »

A ce sujet, le receveur Luhozi dit ce qui suit :

« Lorsque je contre vérifie, je découvre le manque à gagner dû au trésor public, j'en fais mon affaire avec le client. C'est-à-dire ceci : dans la pratique nous nous arrangeons sinon on peut quitter la douane sans rien. Nous ne sommes pas de prêtres à la douane ».

Musatula (2006 :89) reprend un extrait du discours d'entretien avec Madame Sécheresse, une commerçante, en ces termes :

« Personnellement je ne vois pas du tout le mauvais côté de cette pratique, elle permet à tout le monde de se retrouver, que ça soit l'Etat, les douaniers, les déclarants ou nous les commerçants ; voir même la population, tous nous nous retrouvons dans le T.P.P. n'est - ce pas qu'en vous affectant dans un (poste juteux), avec mauvais salaire, sans infrastructure adéquate, ni fonds de fonctionnement, l'Etat vous autorise implicitement de recourir à l'article 15. C'est ça le T.P.P. »

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de dire que le « T.P.P. » est une pratique légale mais détourné pour l'intérêt particulier des acteurs (douaniers, déclarants en douane et/ou les clients). Le « T.P.P. » est la conséquence de la technicité du douanier qui découvre ce que le juridique qualifierait d'infraction à l'endroit du déclarant ou du client qui tente d'évader les paiements exacts de l'impôt, droits et taxes de l'Etat.

L'on peut aussi dire que le bon climat entre les acteurs peut faciliter ,la création du « T.P.P. » pour servir leurs intérêts personnels.

Par ailleurs, le partage du cretch obéit à une logique de hiérarchisation. Il se fait selon les grades. Les douaniers se partagent horizontalement le cretch sur terrain et verticalement ils donnent un « rapport » ou « opération retour » ou « feed-back » à leurs chefs hiérarchiques.

En dehors de T.T.P. comme pratique de capitalisation du cretch, nous devons aussi enregistrer les exonérations.

3.3.1.2. Les exonérations

Les exonérations sont de faveur que l'Etat accorde à des personnes physiques ou morales pour ne pas payer l'impôt (les droits et taxes des marchandises à l'Etat). Dans la pratique, ces exonérations ne répondent plus aux buts ayant motivés l'autorité publique à les accorder.

Les bénéficiaires dressent la liste des biens à importer annuellement. Cette liste doit être quantifiée et doit avoir une valeur estimative. A chaque importation, le receveur doit apurer la liste et à la distribution, le douanier doit être sur terrain pour confirmer la raison pour laquelle ces biens ont été importés.

Cependant comme le montre cet extrait du vérificateur Kapuku, il se glisse une pratique de capitalisation :

« Les Organisations Non Gouvernementales, les Associations Sans But Lucratif, les sociétés minières vont au delà de leurs listes. Nous nous arrangeons avec eux pour avoir notre part. Aussi pour construire, nous faisons passer les ciments à leurs noms, les Jeeps que tu vois avec les douaniers passent par eux ».

Encore une fois, le douanier se sert de la catégorie officielle pour capitaliser derrière elle.

3.3.1.3. Tarif douanier et position tarifaire

3.3.1.3.1. Tarif douanier

Celui-ci est un document qui reprend toutes les marchandises qui font l'objet du commerce international.

Il s'agit d'un langage du commerce international pour faciliter la prise en charge des marchandises par les douaniers.

Le tarif congolais est divisé en 21 sections et chaque section est divisée en chapitres et chaque chapitre comprend de positions et chaque position en sous - positions. Le tarif douanier est une loi, car il est voté par le parlement. Il renseigne le taux à appliquer sur la marchandise. Il s'agit d'appliquer à la valeur de la marchandise une quotité définie par le tarif douanier.

3.3.1.3.2. La position tarifaire

La position tarifaire est la position de la marchandise dans le tarif au regard de différents chapitres de ce tarif.

Pour clore ces deux sous - points relatifs à l'instrumentalisation de la loi, il est judicieux de dire que les acteurs se retrouvent en changeant la position de la marchandise que le juridique qualifie de « glissement tarifaire.»

A ce propos, un douanier déclare ceci :

« Comment allons-nous vivre si on ne fait pas ça mon frère. Tu es aussi congolais non, nous changeons la position tarifaire de la marchandise c'est vrai. Tout ça c'est pour nous retrouver. Nous avons aussi droit à la vie comme les politiciens. Nous passons donc d'un taux élevé à un taux faible pour que la marchandise paie moins et le reste nous nous partageons »

Par rapport au tarif douanier et à la position tarifaire, il se développe diverses pratiques de capitalisation du douanier. C'est notamment la fausse dénomination qui implique la sous-évaluation de la marchandise. Ce sont : le per diem, le paiement par relevé et les enlèvements d'urgence, l'airways ou non arrivée, la frappe douanière, le phénomène laboratoire.

La fausse dénomination est la conséquence directe du changement de la position tarifaire de la marchandise. C'est donc un glissement tarifaire.

En effet, elle est appréhendée comme « pratique douanière » qui consiste à placer la marchandise à une position affectée d'une quotité inférieure à celle de la position normale (quantité supérieure ou maximale).

Cette pratique a pour conséquence, la sous-évaluation de la marchandise.

Dans la législation douanière de la République Démocratique du Congo, l'impôt douanier se calcule à partir de la valeur. Il s'agit donc d'appliquer à la valeur de la marchandise une quotité définie par le tarif douanier. La sous- évaluation est une pratique douanière qui consiste donc à diminuer la valeur de la marchandise.

Ce faisant, lorsqu'on diminue la valeur on qualifie la marchandise autrement. Simba, Receveur d'un des bureaux de la douane nous dit ce qui suit :

« Il n'y a pas longtemps on a eu de missionnaires venus de Kinshasa pour le dossier du sel importé. La Direction Générale de la Douane a constaté qu'il y a beaucoup de déclarations du sel au Katanga. Le sucre est devenu le sel. Tous les bureaux avaient accepté cette nouvelle qualification du sucre. La mission, arrivée en Namibie où l'on produit le sel dont il était question dans les documents douaniers, a constaté que la province du Katanga à elle seule avait importé beaucoup du sel que la quantité produite par la compagnie Namibienne alors que cette dernière approvisionne beaucoup de pays. »

Au regard de cet extrait, l'on comprend que la valeur en douane du sel est inférieure à celle du sucre et les acteurs intervenant dans le travail du dédouanement avaient consenti pour dire que le sucre devenait sel en vue de se partager l'écart de la valeur en douane de la falsification du sucre.

3.3.1.4. Le Per diem

C'est une pratique observée dans le travail quotidien du douanier à la quête de l'argent ou « cretch »

En effet, le per diem à la douane Katanga est la somme d'argent que l'importateur ou exportateur remet au bureau de la douane ou à l'agent désigné pour assister au chargement ou au déchargement de la marchandise. Cette somme varie selon les grades que ça soit pour les agents désignés ou dans le bureau de la douane.

La législation douanière prévoit le paiement de ce per diem lorsque le client fait travailler le douanier aux heures, allant au delà des heures normales du travail. A ce moment, on parle de travaux extra ordinaires. (T.E)

A la question de savoir si le per diem est un droit, une corruption ou un don ? le vérificateur Nkuku nous dit ce qui suit :

« Le per diem est dans le sang tant du douanier que ses partenaires c'est-à-dire, que nous tous nous l'avons accepté pour bien fonctionner sinon sans per diem le douanier ne fait pas le travail. Le client l'accepte parce que le douanier peut le bloquer et par conséquent, il part perdant car, c'est sur le temps que le commerçant travaille, nous nous fondons sur l'adage anglais qui dit ceci : « time is momey » (le temps c'est de l'argent), pour le coincer ».

Après avoir cerné le Per diem, il est opportun d'analyser les pratiques de capitalisation liée au payement par relevé et les enlèvements d'urgence.

3.3.1.5. Le paiement par relevé et les enlèvements d'urgence

Selon la législation douanière,

- le paiement par relevé s'effectue moyennant une garantie, c'est-à-dire une somme d'argent consigné à la banque et à chaque importation, le receveur apure dans le registre qu'il dispose.

- les enlèvements d'urgence, eux, concernent beaucoup les marchandises périssables ou ceux présentant un danger comme les poissons frais, les viandes, le carburant, les explosifs etc. Selon la procédure, le paiement doit intervenir trois jours après.

Ce sont les conditions particulières dont la régularisation se fait à Kinshasa à la division douane. Le vérificateur Sandoa dit :

« Les marchandises de grands commerçants de la ville sont devenus de marchandises périssables, les piles, et les diverses marchandises. Le chef de Kinshasa (Bakonzi) nous donne des ordres pour qu'on libère la marchandise vite et le paiement entre eux. »

Cet extrait montre qu'autant un agent de la douane situé a un niveau de l'organigramme de la douane, recourt à quelque pratiques pour avoir de « cretch» dans la logique de capitalisation de poste ; autant le cadre supérieur de la douane recourt à ces deux pratiques en donnant injections aux exécutent pour laisser passer la marchandise de ces grands commerçants de la ville de Lubumbashi à son compte.

C'est ici où nous rejoignons l'approche théorique de réseau pour montrer comment les acteurs douaniers se connectent aux différents réseaux avec les opérateurs économiques, les commissionnaires en douane, des politiciens, etc.

C'est dans ce contexte que ces acteurs recouvrent à la pratique non réglementaire dénommé « frappe » il s'agit de « frapper l'Etat » pour que les auteurs puissent se retrouver c'est-à-dire gagner le « cretch ».

3.3.1.6. La frappe douanière

Lors de notre étude sur terrain, nous avons repéré deux pratiques qui cadrent avec la frappe. C'est la pratique « d'airways « ou « non arrivée » et le phénomène laboratoire. La motivation de ces pratiques est d'éviter le paiement des droits et taxes dus à l'Etat congolais.

3.3.1.6.1. L'Airways ou non arrivée

Ce phénomène tire son origine en se référant à la ligne aérienne et par conséquent assimilé à l'avion. Normalement toutes les marchandises provenant de l'étranger doivent être déchargées dans l'entrepôt où le client (importateur) après toutes les formalités auprès des services de l'Etat récupère ses marchandises

Cette pratique qui commence à Kasumbalesa pour se clôturer chez le client il est facilité au moment de la sortie des trucks pour lesquels le déclarant a fini les formalités afin de se rendre à Lubumbashi dans un des entrepôts de la ville

A la sortie de ces trucks, le douanier préposé à ce poste facilite aussi la sortie d'autres trucks n'ayant pas rempli les formalité exigé pour aller directement chez le client avec la complicité des autres douaniers tant de la ville que de Kasumbalesa qui font la couverture de déchargement comme si ces trucks venaient de l'entrepôt.

Le « non arrivée » est corollaire de l'Airways dans ce sens que toutes les marchandises provenant de la frontière doivent obligatoirement transiter par l'entrepôt public ou concédé avant d'aller chez le client. D'où le « non arrivée » par rapport à l'entrepôt, lieu légal de transit de toute marchandise avant d'aller chez l'importateur.

Parlant des pratiques qui visent le contournement ou l'évitement du contrôle douanier Musatula (2006 :96), aborde à ce sujet cite l'inspecteur Chaleur de la douane qui dit ceci à ce propos : « tu as commis l'erreur en laissant ton transporteur arriver jusqu'à l'entrepôt de douane avec ces containers des marchandises, tu aurais dû l'intercepter en mi-chemin et le conduire directement dans vos dépôts de déchargement [...] maintenant là, nous ne saurions rien faire, comme la marchandise sera déchargée et dénombrée en entrepôt, tout le monde sait voir qu'il s'agit de cartons des piles et non des ouvrages en plastiques. [...] prochainement il faut me contacter avant [...] »

Les propos ci-haut de l'inspecteur Chaleur englobent presque toutes les pratiques abordées dans les précédentes pages.

3.3.1.6.2. Le phénomène laboratoire1(*)

Ce phénomène constitue une stratégie de capitalisation de poste en vue d'avoir beaucoup de « cretch » par les acteurs.

Il consiste à la falsification des documents ou le trafic de faux documents par l'importateur ou son commissionnaire en douane qui s'arrange soit avec la compagnie ayant fourni la marchandise ou le service de douane des pays où transite la marchandise. Ce phénomène s'opère en réseau et cadre avec ce que nous avons analysé concernant la position tarifaire notamment les sous - évaluations et la fausse dénomination.

Nous tenons à préciser que nous nous sommes limités à présenter l'essentiel de cette pratique.

3.3.2. Instrumentalisation de la loi au regard de la promotion et de l'engagement

Sans pour autant entrer dans le détail de cette partie, nous prenons juste la loi dans son aspect relatif aux promotions et aux engagements à la douane.

3.3.2.1. « Privatisation de la douane », douane yetu

Il y a lieu de dire que la convention collective a force d'une loi d'autant plus que c'est un accord conclu légalement entre les parties (l'employeur et la délégation syndicale). C'est pourquoi, dans les engagements à la douane, la priorité aux membres de la famille douane (les enfants, les veufs des douaniers, etc....)

Le contrôleur Simaba interrogé à ce sujet, dit ceci :

« Douane ni yetu, angalia pouvoir ku Amérique ni mpaka ma famille ya ba marehemu président a oba président ba zamani, angalia mu Gabon, mu Togo, hapa kwetu Congo, njoo pale watoto wetu wa na pashwa na siye ku tugombola », Traduction : la douane nous appartient, regarde le pouvoir aux états - unis d'Amérique, ce sont toujours les familles des défunts présidents ou des anciens présidents de la République, qui gouvernent, regarde au Gabon, au Togo, ici chez nous. C'est pourquoi, nous aussi nos enfants doivent nous remplacer ».

Cet extrait affirme l'héritage du travail à la douane par les proches du douanier vivant ou décédé. C'est par ce remplacement légal au regard de la convention collective que les responsables de la douane trouvent une brèche afin d'engager les leurs.

3.3.2.2. « légitimation de la parité »

Au nom de la parité prévue par une disposition constitutionnelle, les promotions de femmes n'obéissent pas aux critères objectifs prévus par la convention collective de la douane. A ce sujet, le receveur Luhozi dresse ce constat :

« Le patron de la douane a au nom de la parité distribuer de grades à ses copines et aux femmes membres de sa famille (biologique ou politique, etc.), aux femmes des ses connaissances sans que les heureuses bénéficiaires ne remplissent les critères pour être promue ».

Cet extrait montre comment les acteurs sont des stratèges et mobilisent la loi pour placer les leurs ou leurs connaissances. C'est dans ce contexte que le recrutement et la promotion se réalisent au sein de la douane.

3.4. Les logiques liées à l'affectation et au maintien au poste stratégique

Après l'analyse transversale, nous avons cerné trois catégories des logiques, à savoir :

1° La logique du parrain

2° La logique du parrainé

3° Enfin, la logique qui cadre avec la légitimation des pratiques

3.4.1. La logique du parrainage

3.4.1.1. Intérêt du parrain

L'intérêt du parrainage est beaucoup guidé par la capitalisation de l'argent ou de la relation pour les jours à venir selon l'adage « personne ne connaît demain ». Le parrain pourrait être comparé à un : « homme politique qui veut asseoir son pouvoir en général et/ou son enrichissement personnel ». (Borghi et al., 1995 :95).

3.4.1.2. Positionnement des siens

Ceci correspond à la « privatisation de la douane » ou « douane yetu » c'est ce que nous avons stigmatisé à travers cette étude en parlant de l'héritage du travail à la douane. C'est dans cette logique que les enfants douaniers constituent en quelque sorte une stratégie de classe qui tente de cimenter l'organisation de la douane par une bourgeoisie bureaucratique dont a besoin le parrain pour atteindre un objectif quelconque comme la facilité dans le dédouanement ou se constituer un électorat.

Pour ce faire, les mutuels recommandant leurs frères pour occuper un poste stratégique ont chacun un objectif à la fois égoïste et partagé. C'est-à-dire que le recommandé tente d'abord de satisfaire ses besoins et/ou récupérer le montant perdu (pot de vin) dans la sensibilisation des membres pour être d'abord accepter par l'association et enfin pour être promu ou placé au poste stratégique de la douane Katanga. Objectif altruiste ou partagé parce que de par la fonction assumée, il peut placer les autres membres de l'association par les engagements, soit proposé leur promotion en grade dans le but de pérenniser la position de leur association au sein de la douane.

3.4.1.3. Logique de contrôle

Dans le cadre de son travail, le chef qui place un douanier (agent) au poste stratégique est motivé doublement. Le bénéficiaire de l'affectation pourra,

- donner le rapport en terme de « cretch »,

- livrer certaines informations dont a grandement besoin le parrain pour bien faire son travail. Ici l'agent devient une antenne du chef au poste où il est affecté. C'est ce qu'on appelle à la douane « ba petit ya confiance, petit mukonfia», Traduction : petit de confiance. C'est comme ça que fonctionne le poste frontalier de Kasumbalesa, le plus envié par les agents de la douane.

Le vérificateur Sandoa répond à la question de savoir à quand il est en contact avec son parrain (recommandant) :

« Mon directeur me pose trois types de questions ; l'une relative au «cretch » en terme de rapport, l'autre en rapport avec les gros poissons miniers (grandes sociétés minières) qui exportent journalièrement, enfin, l'autre relative aux gros poissons importateurs (les sociétés pétrolières, les grandes sociétés minières, les grands commerçants de la ville, etc.) des biens. Tout ça c'est pour lui donner la situation des camions entrés ou sorties de la République Démocratique du Congo au compte de grands hommes d'affaires ».

Cet extrait montre que le chef a besoin des informations dans le cadre professionnel à travers son antenne (agent) affecté à Kasumbalesa.

3.4.2. Logique du parrainé ou Fiel

3.4.2.1. Logique de sa propre sécurité

Nous tenons à préciser que chaque acteur concerné dans la présente dissertation n'est pas un automate dirigé pour les intérêts d'autrui.

La sécurité du douanier ayant été circonscrite dans les précédents pages, nous disons que l'agir quotidien de celui - ci est motivé d'abord par l'intérêt personnel et, en second lieu par celui de parrain.

Cette sécurité se résume à l'acquisition des moyens financiers et matériels.

En faisant un bon rapport (financier, administratif à son chef ou recommandant), le douanier sécurise son poste ou prétend occuper un autre poste plus stratégique que celui - occupé présentement.

Schématiquement :

Cours de grands

Affectation

PS

POSTE STRATEGIQUE

P

Parrain

R + (Rapport)

Affectation (stimulus)

BE

Parrainé

PS

Poste stratégique

R-(rapport)

ME

Affectation

p'p

Poste pardon

R+

Poste garage

P'g

Affectation

Parrainé - parrain

EE

Feed back

EXPLICATION

P : parrain ou le recommandant

ps : parrainé au poste stratégique

p'g : poste garage, mauvais élève (ME)

R+ : Bon rapport, bon élève (BE), Celui-ci reste au poste occupé ou promu en grade ou en fonction (PS)

R- : mauvais rapport, pas de rapport. Mauvais élève, poste garage

A : affectation ou stimulus

EE : Excellent Elève

p'p : Poste pardon. Le mauvais élève ayant demandé pardon au parrain.

Ce dernier lui accorde les dernières chances ou les relations externes du parrainé ont pesé sur le parrain pour une nouvelle affectation.

PS : Poste plus stratégique que celui occupé. Excellent élève au poste stratégique. Hier parrainé, il devient aussi parrain. Il est entré dans la cour de grands (circuit). Pérennisation de la bourgeoisie bureaucratique par l'excellent élève (EE)

Les deux flèches à l'extérieur indiquent que l'élève excellent devient aussi parrain par son entrée dans la cour de grands.

3.4.2.2. Logique de recherche de parapluie

Le douanier ayant acquis beaucoup de biens, devient un homme important dans la société auprès de qui on peut recourir pour résoudre certains problèmes de la vie. Il devient sponsor de clubs de sport, il parraine les mariages, etc. Tout ceci au regard de ce statut d'un homme riche qui lui confère la capacité d'entrer dans le milieu des hommes ayant une certaine influence dans la société Lushoise en particulier et congolaise en général. Les musiciens le sollicitent pour le chanter dans leurs albums moyennant paiement. C'est ce que les kinois appellent « kobwaka mabanga ».

C'est ce que l'on appelle l'entrée dans le cercle d'hommes forts ou la cour de grands. C'est-à-dire les hommes influents dans la société et auprès desquels on peut recourir en cas de problème. C'est donc de protecteurs capables de taire ou de jouer dans à la non-application d'une décision tant politique qu'administrative.

A la question relative aux révocations de hauts cadres à la douane, Madame Etoile, douanière réagit comme suit :

« On a révoqué les faibles, les gens sans soutien, sans parapluie tu comprends. Les grands frappeurs mangent avec les grands de la cour (pouvoir), ils sont là sans inquiétude. Qui ne connaît pas leurs dégâts. Ce sont les fous du chef, ils faut les respecter, car ils sont forts »

Dans le cadre des partisans congolais, Bayart (2006 : 285), dit :

« Dans les organisations politiques, l'administration etc. on pratique la lutte de l'influence soit pour accéder ou se maintenir à des postes de responsabilités soit pour instaurer et consolider son pouvoir personnel »,

C'est pourquoi, au regard du rapport financier, celui - ci (le douanier) utilise dans son jargon le phénomène « leisa mpunda po mpunda a leisa yo » développé comme stratégie à la fois pour se maintenir au poste stratégique (juteux) et se faire protéger contre les éventuelles menaces de sa hiérarchie ou de tout détenant d'un pouvoir quelconque, qui peut nuire le douanier.

3.4.3. Logique de légitimation des pratiques

Nous avons parlé dans les pages précédentes des pratiques qui sont liées à la recherche d'une affectation au poste stratégique avec comme corollaire de se sécuriser. Nkambo Bulamatari, un douanier, dit ce qui suit :

« Biso na douane to yibaka te, tozuaka ndambo totikeli leta ndambo soki tolie te mosala ekotambola te, Traduction : nous à la douane nous ne volons pas, nous prenons peu d'argent et nous laissons peu à l'Etat. Si nous ne mangeons pas, le travail ne pourra pas évoluer.

Paraphrasant Mazwan (2007 : 92), un douanier dit ceci : « l'Etat doit prendre ses responsabilités en mettant les gens à l'abri des besoins élémentaires. [...] Comment voulez-vous que les gens se comportent lorsque l'ascenseur monte avec les recettes et descend vide ? Qu'est-ce que l'Etat fait avec les recettes que la douane réalise ? (...) C'est la duplicité de l'Etat qui d'un côté exige la maximisation des recettes et de l'autre ne fait rien pour améliorer les conditions sociales de la population » ; « Notre Etat n'a rien à nous demander parce qu'il ne nous a rien donné. C'est lui qui favorise la fraude parce qu'il ne prend pas ses responsabilités. Il est lui-même fraudeur parce qu'il nous demande ce qu'il n'est pas capable de nous donner ». Cet extrait montre que le douanier est conscient des ses actes sous la permission implicite de l'Etat.

3.4.3. Logique de réciprocité

Cette logique met en exergue la présence de deux parties. Dans le cadre de cette dissertation, il s'agit d'une part du douanier appelé employé et de l'Etat congolais, appelé employeur, d'autre part. Par conséquent, chacun a des obligations vis-à-vis de l'autre.

Les actions du douanier visent sa sécurité que devait assumer son employeur.

Abordant le trop peut perçu (TPP), Musatula (2006 :89) reprend les paroles de Monsieur Toro qui déclare ce qui suit : « le T.P.P. ne constitue pas pour moi un vol moins encore un détournement, car l'Etat a déjà eu sa part. Le constat que je fais avec ma propre intelligence et technicité me permet de [REAJUSTER] NON [SIDA] c'est-à-dire salaire insuffisant difficilement acquis. »

Comme d'aucuns peuvent le constater, le douanier trouve l'Etat congolais irresponsable, car ne remplissant pas son obligation de lui donner un salaire décent et régulier.

La logique de réciprocité se traduit par la pratique de feed-back ou la remise. L'octroi d'un poste stratégique est pourvu d'intérêts réciproques. Pour le parrainé, il bénéficie à la fois la couverture protectrice du parrain et la promotion ou l'affectation au poste stratégique. Pour le parrain, il profite s'il est au sein de la douane, non pas seulement le Cretch par la remise, mais également un homme de confiance qui peut lui faire un bon rapport. En d'autres termes, le parrainé constitue les yeux et les oreilles du parrain dans le cadre du contrôle informel ou non réglementaire.

Cette logique de réciprocité se traduit aussi par le phénomène : « leisa punda, mpe punda a leisa ya », Traduction : nourri le cheval pour que celui-ci vous nourrisse.

Le cheval ici c'est le parrain qu'il faut nourrir pour que celui -ci vous « nourrisse » davantage, nous défendre en cas de problème. Il veille aussi à la promotion et à l'affectation de son parrainé au poste stratégique.

3.4.3.2. Logique de substitution à l'institution

La logique d'institutionnalité est une logique liée à l'instrumentation de la douane. A cet effet, il ressort de l'empirie que les acteurs douaniers instrumentalisent la douane en la privatisant par une bourgeoisie bureautique.

Ils ont les objectifs souvent différents de celles de l'institution. Cette logique d'institutionnalité est le fait que l'Etat n'assure pas un salaire au douanier. Ce dernier s'institue à l'Etat pour se payer lui-même sur base des pratiques de capitalisation évoquées dans cette étude. C'est dans cette optique les acteurs disent que la douane c'est « nous ». Elle est la « nôtre »

Le douanier s'institue et s'érige en une force. Par la grève, il contraint l'Etat à trouver solution à ses préoccupations. A ce propos, le contrôleur Simba dit ceci :

« Nous sommes entrés en grève pour trois jours, réclamant notre bonus. Le gouvernement a autorisé notre A.D.G. de chercher l'argent sinon le gouvernement sera bloqué et les autres pays vont agir car, les transporteurs étrangers vont saisir leurs Ambassades à Kinshasa du préjudice leurs causé par notre pays qui laisse les douaniers entrés en grève. »

Aussi, bien que légal, l'héritage du travail limite les chances aux autres jeunes congolais d'être embauchés dans cette régie financière, car la priorité est réservée aux enfants, femmes des douaniers et d'autres parrainés. Ceci explique l'absence de l'offre d'emploi qui jadis s'organisait par le test d'embauche.

Que faut-il retenir de ce chapitre ?

Ce chapitre a présenté des critères non réglementaires au regard du recrutement, de l'affectation et de la promotion à la douane ainsi que les manières dont les acteurs perçoivent les postes stratégiques. Il a aussi consisté à analyser les différents mécanismes mis en place par les acteurs dans le cadre d'occupation des postes stratégiques.

A ces mécanismes se rattachent aussi les différentes pratiques de capitalisation des postes pour avoir de l'argent (cretch), utile dans l'occupation et le maintien aux dits postes. S'y ajoute également l'instrumentalisation de la loi dans les engagements, les affectations et les promotions à la douane.

Enfin, à travers l'analyse transversale, il a été dégagé trois catégories de logiques à savoir : la logique du parrain ou recommandant, la logique du parrainé (fiel ou recommandé) et la logique de légitimation des pratiques.

CONCLUSION GENERALE

L'objet de cette recherche est l'examen de différents mécanismes non réglementaires présidant à l'affectation du douanier à un poste stratégique. Notre fil conducteur retenu pour cette étude se présente comme suit : « que fait un douanier pour occuper un poste stratégique ».

Cette étude se fonde sur l'approche organisationnelle et la grille de l'acteur stratégique retenu dans la perspective de Crozier et de Friedberg (1977). L'articulation de ces deux outils réside dans le fait que l'organisation est un construit et pose le problème d'adaptation qui fait que les acteurs, ayant une marge de liberté interprètent les normes en les adaptant, les remodelant et en créant d'autres.

C'est en se comportant en acteurs stratégiques que les douaniers tirent les ficelles de leur côté visant les intérêts qui sont souvent à l'encontre de l'organisation Douane. Aussi, recourent - ils aux différentes relations dont ils disposent en termes de réseaux ou circuits.

Quant au dispositif méthodologique, nous avons mobilisé l'observation directe sous sa forme dite in situ, l'interview semi-directif, et la consultation des documents officiels. Quant au traitement des données, nous avons recouru à l'analyse thématique.

Les résultats de la présente étude peuvent s'articuler autour de quatre points essentiels :

- l'investissement d'un directeur de la douane, la recommandation d'un homme influant au sein de la société congolaise ou les affinités tribales, claniques, régionales auxquelles se greffent la remise de l'argent sont les paramètres qui président au recrutement, à la promotion au sein de la douane ainsi qu'aux représentations des postes stratégiques par les acteurs.

Pour les acteurs de terrain, les postes stratégiques sont ceux liés à la logique de gain facile, vite et régulier. Concrètement, il s'agit des postes frontaliers de Kasumbalesa, de la barrière Kisanga, de l'aéroport international de Lubumbashi, le poste frontalier de Kalemie et enfin le poste de receveur tant dans les différents entrepôts publics ou concédés que dans tous les postes frontaliers.

L'antipode des postes stratégiques ce sont des postes garages. Ces derniers sont ceux qui n'offrent pas des opportunités de capitaliser de par leurs tâches. C'est là où la déclaration de la marchandise ne passe pas. Il s'agit, à titre d'exemple, le bureau contentieux, l'inspection du personnel, etc.

Les acteurs mobilisent différentes stratégies mises pour occuper les postes stratégiques.

Ce sont les relations stratégiques internes et les relations externes dont les relations naturelles (relations liées au sang), les relations amicales, les relations éthnico-clanico-régionales (mutuelles), les relations idéologiques ou politiques (l'appartenance aux mêmes partis politiques).

S'agissant différentes pratiques qui sous - tendent l'affectation et le maintien au poste stratégique, ce travail analyse celles qui cadrent avec l'instrumentalisation de la loi au regard de la capitalisation, notamment le Trop peu perçu (le T.P.P), les exonérations, le tarif douanier et la position tarifaire (fausse dénomination de la marchandise, la sous - évaluation de la valeur de la marchandise, le per diem) et de la même l'instrumentalisation de la loi au regard de la promotion et de l'engagement. Dans ce cadre, nous avons observé la pratique de la privatisation de la douane (douane yetu) et celle dite de légitimation de la parité qui consiste pour un chef d'engager et de promouvoir ses concubines, amis et frères au nom de la parité.

Une autre pratique de capitalisation est intitulée la frappe douanière qui se réalise par la pratique « d'Airways » ou « non arrivée » ainsi que par le phénomène laboratoire. Il ressort de cette étude que ces différentes pratiques sont mobilisées par les acteurs pour l'affectation et le maintien au poste stratégique. Une fois promu en grade selon qu'on a été un « excellent élève », on accède au poste stratégique supérieur et rentable.

Si la promotion n'obéit pas à cette logique d'accéder au poste stratégique correspondant au nouveau grade ou celui proposé, le douanier bénéficiaire de la promotion la rejette, selon l'expression courant utilisée dans le milieu de la douane et empruntée aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) : « fonction eleki grade », Traduction : mieux vaut une « bonne fonction » c'est-à-dire rentable qu'un grade supérieur.

Par ailleurs, cette étude cerne les logiques liées à l'affectation et au maintien à un poste stratégique. Trois types de logique se dégagent dans cette étude : Le premier cadre avec le parrainage. Celui - ci se fonde sur l'intérêt matériel et financier du parrain. Le parrain se constitue une ressource financière par le rapport, le feed-back ou opération retour attendu du fiel ou du parrainé. Il se fonde également sur le positionnement des siens ainsi que l'instauration d'un système de contrôle informel lorsque le parrain est un douanier à travers ce « petit mukonfia », « mutu na ngayi », Traduction : petit de confiance, ma personne.

Le deuxième concerne le parrainé ou fiel ou le recommandé. Nous avons enregistré pour celui - ci la logique de sa propre sécurité (avoir beaucoup d'argent, acquisition de beaucoup de biens, un bon standing de vie, etc. Cette logique permet la quête du parapluie, d'un protectorat.

En troisième lieu, la logique de légitimation des pratiques s'appuie sur le principe de réciprocité (leisa mpunda po mpunda aleisa yo), et l'instrumentalisation de la douane. A travers cette dernière, les acteurs s'instituent et se substituent à l'Etat pour ce prendre en charge « l'Etat asitulipe, tuko na kabula naye recette », Traduction : l'Etat ne nous paye pas, nous nous partageons les recettes.

Loin de généraliser notre étude à l'ensemble de services de l'administration congolaise, les résultats ainsi dégagés peuvent aider à comprendre la toile de fond du disfonctionnement et de l'effondrement de l'administration avec comme conséquence d'envisager dans le cadre de la politique criminelle, les reformes au sein de l'administration et des entreprises du portefeuille de l'Etat.

Voilà au moins d'une manière condensée l'essentiel de résultats de cette étude qui souffrent des limites à la fois méthodologique et celles liées à l'oeuvre humaine.

BIBLIOGRAPHIE

I. OUVRAGES

1. QUIVY, R. & VAN CAMPENHOUDT, L. (1995), Méthodes de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod.

2. CROZIER, M. et FRIEDBERG, E. (1977), L'acteur et le système, Paris, Seuil.

3. MUCHELLI, A. (dir) (2004), Dictionnaire des méthodes qualitatives en Sciences Humaines, 2e éd. Paris, Armand Colin.

4. ANKOUNI, A. et ANSERT, P. (1999), Dictionnaire de sociologie, Paris Seuil.

5. ALBARELLO, L. (2004), Apprendre à chercher, l'acteur social et la recherche scientifique, Bruxelles De Boeck.

6. BLANCHET, A. et GOTMAN, A. (2003), L'enquête et ses méthodes : l'entretien, Paris, Claire Hennaut.

7. DREYFUS, S. et VULLIERME, L.N. (2000), La thèse de doctorat et le mémoire Etude méthodologique, Paris, 3e éd CUJAS.

8. QUELOZ, N. BORGHI, M., CESONI, M. (2000) : Processus de corruption en Suisse Vol I, Fribourg.

9. ROULAND, N. (1990) : L'anthropologie juridique, Paris, PUF.

10. BORGHI, M., P. BISCH, M. (1995) : la corruption, l'envers des droits de l'homme, Suisse, Fribourg.

11. NKUKU KHONDE C, et REMON M. (2006) : Stratégies de survie à Lubumbashi (RD Congo), enquêtes sur 14.000 ménages urbains, Paris, l'Harmattan.

12. DEGENNE, A. et FORSE M. (2004) : Les réseaux sociaux, Paris, 2è éd. Armand Colin.

13. LEMIEUX, V. (1999) : Les réseaux d'acteurs sociaux, Paris, PUF.

14. BAYARD, J.F. (2006) : L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris Fayard.

15. DIBWE DIA MWEBU (2002) : « Processus d'informalisation et trajectoires sociales /le cas de la ville de Lubumbashi », in DE VILLERS ,G (dir), Manières de vivre. Economie de la « débrouille »dans les villes du Congo/Zaïre, Paris, l'Harmattan.

16. KABANGE NUMBI, Y. (2007) : Le régime douanier du code minier (analyse critique et difficultés rencontrées dans l'application), Lubumbashi, Salama.

II. COURS

1. ADAM, C. (2008), Criminologie psychologique, L2 ECOCRIM, UNILU, Lubumbashi.

2. KAMNISKI, D. (2005), Méthodologie de la recherche en criminologie, L1 ECOCRIM, UNILU Lubumbashi

3. KAMINSKI, D. (2006), Théories contemporaines en criminologie (1ère partie) contrôle social et réaction sociale, L2 ECOCRIM, UNILU, Lubumbashi.

4. LIWERANT, S. (2008) : Anthropologie du Droit, ECOCRIM L1 UNILU.

III. MEMOIRE

1. 1. MUSATULA MUKAMBU, F. (2007), le contrôle douanier dans la ville de Lubumbashi. Entre quête de sécurité et privatisation de la douane, ECOCRIM, UNILU.

2. MAZWAN KELUNGA, H. (2007), Le phénomène laboratoire dans le processus dédouanement des marchandises importées. Une modalité de la « quête de sécurité» pour les acteurs, Ecocrim UNILU

3. LUPITSHI WA NUMBI, N. (2006), Les pratiques non réglementaires dans les réseaux automobiles des transports en commun de Lubumbashi, ECOCRIM UNILU.

4. KIENGE KIENGE INTUDI, R. (2005), Le contrôle policier de la « délinquance »des jeunes de Kinshasa. Une approche ethnographique en criminologie, IIIe partie, UCL, Bruxelles.

5. NGOIE MWENZE, H. (2009), La co-production de la sécurité à l'épreuve de l'observation. Polices publiques et privées dans les usines Gécamines de Shituru à Likasi (Katanga/RDC).

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES I

EPIGRAPHE V

DEDICACE VII

REMERCIEMENTS VIII

CHAPITRE I. : CADRE THEORIQUE 1

1.1 Objet de recherche 1

1.1.1. Construction de l'objet d'étude. 1

I.2. Etat de la question 7

1.3. Visées de la recherche 10

1.5. Champ d'analyse 11

1.6 PROBLEMATIQUE & QUESTION DE RECHERCHE 13

13

2.2. Questions de recherche 16

1.1.2 MISE EN CONTEXTE DE L'OBJET D'ETUDE 17

1.1.2.1du point de vue politique 18

..1.1.2.2 du pointde vue économique 19

1.1.2.3du point de vue socio-culturel 20

CHAP II : DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES, SITE DE RECHERCHE ET CADRE REGLEMENTAIRE DE L'OFIDA 22

I. Dispositifs méthodologiques de recueil et de traitement des données. 22

1. Le choix Méthodologique 22

1.1. L'échantillonnage 23

1.2. Choix de techniques de recueil des données 25

1.3 L'Immersion sur terrain et gestion de la position du chercheur 26

1.3.1 L'immersion sur terrain 26

1.3.2. Gestion de la position du chercheur 27

1.4. Mise en oeuvre de techniques de recueil des données 28

1.4.2 L'entretien 30

1.5. Analyse des données 33

1.6. Considérations éthiques, facilités et difficultés rencontrées 34

II. SITES DE RECHERCHE & CADRE REGLEMLENTAIRE DE LA DOUANE. 36

2.1. SITES DE RECHERCHES 36

2.1.1. Site de KASUMBALESA 36

2.1.2. L'entrepôt TRADE SERVICE 38

2.1.3. La barrière KISANGA 38

2.2. CADRE REGLEMENTAIRE 39

2.2.1. Catégorie d'emploi 40

2.2.2. Engagement 40

2.2.2.1. Les conditions 40

a) Engagement sur concours 40

b) Engagement sur titre 41

2.2.2.2. Expérience acquise 41

2.2.2.3. Vacance et priorité d'engagement 41

2.2.2.2.4. Forme de contrat 42

2.2.3. Les obligations entre les parties 42

2.2.3.1. Obligations de l'agent 42

2.2.3.2. Obligations de l'employeur 43

2.2.4. Intérim 44

2.2.5. Commissionnement 44

2.2.6. Promotion 46

2.2.6.1. Promotion verticale 46

2.2.6.2. Promotion horizontale 47

2.2.7. Mutation et détachement 48

2.2.7.1. Mutation 48

2.2.7.2. Détachement 48

CHAP III : REGARD CRIMINOLOGIQUE SUR LES MECANISMES D'AFFECTATION DU DOUANIER AU POSTE STRATEGIQUE 50

I. CRITERES NON REGLEMENTAIRES DE RECRUTEMENT ET DE PERCEPTION DE POSTES STRATEGIQUES 50

1.1 Critères non réglementaires de recrutement et de promotion à la douane 50

1.1.1. L'investissement d'un Directeur 51

1.1.2. Le stage 51

1.1.3. Les recommandations 52

1.2. Perception du poste stratégique 53

II. STRATEGIE D'OCCUPATION DE POSTE STRATEGIQUE 57

II.1. Les relations stratégiques internes 57

II.2 « un élève appliqué » ou « un bon élève » 58

II.3. L'Héritage du poste 61

2.2. RELATIONS EXTERNES 62

2.2.1. Les relations naturelles 63

2.2.2. Les relations amicales 64

2.2.3. Les relations ethnico - régionales 64

2.2.4.Les relations idéologiques ou politiques 65

III. Les différentes pratiques qui sous - tendent l'affectation et le maintien au poste stratégique 68

3.1. Instrumentalisation de la loi 68

3.1.1. Instrumentalisation de la loi au regard de la capitalisation 70

3.1.1.1. Le Trop peu perçu (TPP) 70

3.1.1.2. Les Exonérations 72

3.1.1.3. Tarif douanier et position tarifaire 72

3.1.1.3.1. Tarif douanier 72

3.1.1.3.2. La position tarifaire 73

3.1.1.3.1. La Fausse Dénomination 73

3.1.1.3.4. La Sous - évaluation 74

3.1.1.3.5. Le Perdiem 74

3.1.1.3.4. Le paiement par relevé et les enlèvements d'urgence 75

3.1.1.4. La frappe douanière 76

3.1.1.4.1. L'Airways ou non arrivée 77

3.1.1.4.2. Le phénomène laboratoire 78

3.1.2. Instrumentalisation de la loi au regard de la promotion et de l'engagement 78

3.1.2.1. « privatisation de la douane », douane yetu 78

3.1.2.2. « légitimation de la parité » 79

IV. Les logiques liées à l'affectation et au maintien au poste stratégique 80

4.1. La logique du parrainage 80

4.1.1. Intérêt du parrain 80

4.1.2. Positionnement des siens 80

4.1.3. Logique de contrôle 81

4.2. Logique du parrainé ou Fiel 81

4.2.1. Logique de sa propre sécurité 81

4.2.2. Logique de recherche de parapluie 83

4.2.3. Logique de légitimation des pratiques 84

4.2.3.1. Logique de réciprocité 84

4.2.3.2. Logique d'institutionnalité 85

CONCLUSION GENERALE 87

BIBLIOGRAPHIE 92

* 1 CRETCH : Argent

* (1) Convention collective de l'office de douanes et accises 3ème édition 1597

* 1 Quelques mois d'affection à ce poste, permettent au douanier nouvellement recruté de se positionner sur le plan économique. En d'autres termes, il peut s'assurer facilement et dans un temps record la sécurité alimentaire, vestimentaire, transport personnel, le logement, la scolarité des enfants, le loisir...

* 2 La capitalisation financière à la barrière Kisanga est facile et se déroule d'une manière régulière. A cet effet, la position géographique de ce poste, en amont du poste de Kasumbalesa concernant la sortie des marchandises et en aval concernant leurs entrées, est un facteur facilitateur de gain rapide et dans un temps record.

* 1 Pour connaître les étapes et le processus du phénomène laboratoire, nous renvoyons le lecteur à l'étude de Mazwan (2006 :62-77) intitulé, Le phénomène laboratoire dans le processus dédouanement des marchandises importées. Une modalité de la « quête de sécurité»






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984