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Sciences et Politiques institutionnelles au Burkina Faso: élaboration et réformes de la Constitution de la IVème République

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par G. Jean Luc ZONGO
Université Ouaga II Burkina Faso - DEA sciences politiques 2011
  

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Chapitre II : Interprétation des rapports entre sciences et politiques dans le domaine des politiques institutionnelles étudiées.

Au terme de l'analyse des faits constitutifs des rapports entre sciences et politiques institutionnelles d'élaboration et de réforme de la constitution, il devient possible d'en donner une interprétation scientifique. Celle-ci consistera d'une part, à dévoiler la nature et les enjeux de la production et de la mobilisation des savoirs (Section I) et d'autre part, a cerner les paradigmes politico-scientifiques qui s'en dégagent (Section II).

Section I : Nature et enjeux des relations entre scientifiques et décideurs politiques

Qu'il intervienne sous la forme de l'expert collectif (matérialisé par les instances permanentes ou ad hoc) ou sous celle de l'intellectuel engagé (spécifique ou collectif), le scientifique montre la volonté de rendre le service qu'on lui demande ou qu'il croit devoir à la société dans le domaine des politiques institutionnelles étudiées (§I). En revanche, le pouvoir politique a tendance, dans les politiques en question, à instrumentaliser plutôt le recours à ce que Max Weber a appelé l'inestimable service de la science (§II).

§1: La volonté d'être au service d'une démocratique libérale.

L'élaboration et les réformes de la constitution de la IV e République ont constitué des problématiques pour lesquelles les spécialistes des disciplines liées à ces questions ne sont pas restés silencieux. Ainsi, aussi bien la détermination d'une constitution conforme à l'idéal démocratique que le diagnostic des imperfections et des problèmes qui peuvent l'achopper dans sa réalisation ont mobilisé nombre d'entre eux. Si certains ont été officiellement mandatés à cet effet, d'autres se sont engagés individuellement ou dans des cadres associatifs divers. Dans les deux cas, le discours produit est généralement un discours que, dans un langage bourdieusien, l'on peut qualifier de « transgresseur » ou d' « hérétique335(*) ». En effet, il se détache de la propagande politique pour tenter de produire une description objective de la démocratie libérale et de l'ingénierie institutionnelle qu'elle nécessite, des techniques par lesquelles on peut la consolider et enfin dans le cas concret du Burkina Faso, des remèdes qui peuvent éradiquer ses tares et permettre son perfectionnement.

Ainsi, dans la politique constitutionnelle de 1990, les intellectuels des associations (société civile, partis politiques) ont réussi à se rallier les représentants des « structures techniques » que beaucoup d'observateurs avaient pressenties comme les porte-paroles du Front Populaire. En dépit des mises en garde et des pressions multiformes perpétrées par les tenants du régime, ils sont parvenus, grâce aux méditations constitutionnelles menées au sein des différents organes de réflexion et aux contributions écrites produites au cours du processus constitutionnel, à faire échouer le projet de constitutionnalisation de la Révolution Démocratique et Populaire (RDP) entrepris par les putschistes de 1987.

De même, dans la phase de mise en oeuvre effective des institutions, les structures de production d'expertise telle que l'Institut International pour la Démocratie et l'Assistance Électorale (IDEA), le Collège de Sages, la Commission de concertation sur les réformes politiques, la Chambre des représentants, le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs ont fait preuve d'assez d'indépendance d'esprit à l'égard du pouvoir politique dans leur analyse. Ils ont produit un discours objectif en déphasage avec la doxa des tenants du pouvoir. C'est la preuve d'une volonté de contribuer effectivement et efficacement au développement démocratique dans une société qui a opté pour ce mode de gouvernement. Dans leur diagnostic du politique burkinabé et dans la recherche des moyens susceptibles de l'améliorer et de le relancer sur la voie de la consolidation démocratique, non seulement les analyses sont complémentaires quand les unes relèvent des aspects non perçus par les autres, mais aussi l'unanimité s'est faite sur la nature du régime et presqu'autant sur les remèdes qu'il faut lui administrer. Les seules divergences que l'on puisse relever s'observent entre International IDEA et le collège des sages, le collège de sages et la commission des réformes politiques, la commission des réformes politiques et la Chambre des représentants, et enfin la Chambre des représentants d'un côté et de l'autre, le MAEP et la commission chargée des réformes politiques.

Alors que le rapport d'International IDEA critiquait la procédure de la révision constitutionnelle de 1997, le Collège de sages faisait remarquer que cette procédure était conforme à la constitution avant d'argumenter dans le même sens que l'Institut et recommander entre autres le rétablissement de la clause limitative du nombre de mandats présidentiels. En ce qui concerne le rôle de la défunte Chambre des représentants dans le processus législatif, la commission chargée des réformes politiques a préféré, à l'opposé du collège de sages, que l'on maintienne son caractère consultatif et que l'on édicte l'obligation de recours à ses avis dans certaines matières. Quant à la commission des réformes politiques et la Chambre des représentants, la divergence a porté sur la question de la suppléance des députés, la première préférant une autre solution que celle inspirée de la IIIe République. Enfin, celle que l'on retrouve entre la Chambre des représentants et le MAEP est relative à la question de la reparlementarisation de l'Assemblée nationale. Tandis que la Chambre des représentants dans son rapport d'avis de 2000 sur la révision constitutionnelle, considère que pour des raisons pratiques et pour permettre au gouvernement d'exécuter prioritairement son programme, les dispositions actuelles sur cette question doivent être préservées, la commission des réformes politiques et le MAEP estiment que l'Assemblée nationale devrait plutôt avoir la maîtrise de son ordre du jour. (Il y a le respect d'une certaine distance, l'autonomie, caractéristique de la procédure de conquête de l'objectivité scientifique).

La volonté de servir, d'apporter une contribution à la consolidation démocratique est encore plus marquée au niveau des acteurs du militantisme démocratique. Ces derniers, à l'opposé des structures ad hoc et intégrées, ne sont liés à l'État par aucun mandat. Contre tous les risques, « y compris les risques physiques336(*) », ils s'engagent dans un combat dont le but est de pousser davantage le régime politique burkinabé vers les pinacles de l'idéal démocratique. La stratégie au coeur de leur action est par conséquent, entre autres, de « mettre en cause les qualifications, c'est-à-dire la relation entre les formes symboliques et les états de choses337(*) ». Un tel militantisme anime les associations que nous avons étudiées, les think tanks de la démocratie et de la bonne gouvernance et les intellectuels engagés. Ces différents univers d'action politique ne sont d'ailleurs pas étanchement cloisonnés. Leur porosité permet à ceux qui les animent de passer d'un univers à un autre ou d'intervenir dans plusieurs univers à la fois. Ils s'adressent aussi bien aux gouvernants qu'à la société dans son ensemble. Conférence publique, conférence de presse, atelier de restitution de travaux de recherche, dialogues démocratiques, publications et remise de rapports aux autorités publiques, sont autant de moyens par lesquels ils essaient de diffuser les savoirs critiques qu'ils produisent. La pratique de la recherche-action par le CGD est la preuve de cette volonté de contribuer efficacement au processus de consolidation démocratique. Mais les dirigeants politiques auxquels ils destinent aussi leur production des savoirs scientifiques semblent avoir le regard tourné ailleurs.

* 335 P. Bourdieu, Décrire et prescrire, In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 38, mai 1981. pp. 69-73. doi : 10.3406/arss.1981.2120 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1981_num_38_1_2120

* 336 Comme le dit L. Boltanski en parlant de ces intellectuels qui ne se laissent pas facilement mettre « le licou », cf. Le pouvoir est de plus en plus savant, op. cit.

* 337 Ibid.

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