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Une action éducative dans le quotidien et en projet : un exemple de prise en charge de l'anorexie mentale de l'adolescente en milieu hospitalier psychiatrique

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par Audrey Marie-France GERARD
Institut Jean-Pierre Lallemand - Graduat Educateur Spécialisé 2011
  

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D. L'AM : Histoire de douleurs, d'Amour... de Vie

Entretiens avec Mademoiselle R. O., jeune femme anciennement atteinte d'AM, réalisés en décembre 2009.

1. Quel est votre âge, métier, le type d'Anorexie Mentale vécu (classique ou mixte), votre stade de guérison ?

J'ai 28 ans. Je suis artiste (illustratrice, auteur, peintre et sculpteur) et professeur d'arts dans une école secondaire, en option "arts d'expression". J'ai souffert de l'anorexie restrictive puis anorexie-boulimie depuis l'âge de mes 15 ans et je n'en suis pas totalement sortie. Comment puis-je définir mon "stade de guérison" ? Ce n'est pas aussi "quantifiable" !!...

- Pourquoi le stade de guérison n'est-il pas « quantifiable » ?

Parce qu'il faut d'abord donner une définition exacte de la guérison. Si c'est retrouver un état alimentaire « classique » (comme tout le monde), alors - pour moi en tout cas - jamais. Ma définition de la guérison serait de sentir ce qui est bon pour moi ou non. De savoir jusqu'où j'ai faim ou non, et de le respecter. De refuser de manger ceci ou cela si je sens que ça ne me convient pas, sans culpabilité. De pouvoir faire des écarts à mes « règles » personnelles, sans culpabilité. De pouvoir aller à un repas chez d'autres sans angoisses. A retrouver un lien HARMONIEUX et paisible avec mon corps. Cette guérison n'est donc pas quantifiable, car c'est un perpétuel travail sur soi, et il m'est impossible de dire si j'en suis loin ou non. Je sais ce que j'ai déjà parcouru pour aller vers cela. Par contre, je ne sais pas ce qui me reste à parcourir pour y arriver. Je sais juste que je dois continuer à avancer, parce que je n'y suis pas encore.

Je voulais encore rajouter, qu'il est important de prendre en compte le retour des règles. Pas nécessairement du cycle régulier, mais des règles qui reviennent naturellement. Ceci me semble être un critère clair d'une guérison déjà bien là : le corps qui reprend ses droits, qui se "laisse aller" à sa féminité et à son lien à la terre. Cela a quelque chose de très beau (même si très déstabilisant et "maladroit", vu que je ne les ai eues que de mes 14 à mes 15 ans ! Et puis, plus jamais depuis, si ce n'est à un moment où j'avais commencé la pilule. Mais pas très longtemps). Pour ma part, même si cela fait maintenant +/- 2,5 ans que j'ai un poids plus "normal" pour ma taille, mes règles ne sont revenues pour la première fois qu'il y a 3 mois. Elles ne sont absolument pas régulières, mais je sens que mon corps a fait un "grand pas" en me "rendant" cette part de moi. Ou, vice versa, que ma "tête" a enfin "adopté" mon corps comme faisant partie intégrante de moi. Ce n'est plus : moi, et puis mon corps. C'est : mon corps, c'est moi ! Et donc ma tête laisse enfin mon corps vivre ses cycles et son rythme. Bref, tête et corps sont en train de se ré-UNIR en moi !

2. En vue de soigner l'AM, avez- vous été hospitalisée, accompagnée par des psychologues ou éducateurs ?

J'ai eu la chance de ne pas être hospitalisée, même si vu l'état dans lequel j'étais - cela aurait été logique que je le sois. Heureusement, j'ai toujours été accompagnée par des personnes qui ont cru en moi et en ma force de Vie. J'ai trouvé de l'aide auprès d'un tas de thérapeutes différents, qui m'ont tous permis d'aborder cette problématique tellement douloureuse sous diverses facettes. Pour n'en citer que quelques uns (et dans le désordre) : kinésithérapeute, hypnothérapeute, ostéopathe, psychologue avec travail des rêves, étiomédecin, réflexologue, psychanalyste, kinésiologue, diététicienne, acuponcteur, chaman, psychologue classique, astrologue, microkiné, etc.

- Pourquoi est-ce une « chance de ne pas être hospitalisée » ?

Parce que (dans ce que je vois de l'hospitalisation en général), on se focalise beaucoup trop sur le symptôme plutôt que sur l'Âme. De plus, ne pas être hospitalisée m'a obligée à trouver toujours et encore les ressources en moi. Et ainsi donc, à décupler énormément cette puissante énergie de Vie qui m'anime plus et plus. Enfin, cela m'a permis de rester « dans » la vie, dans le mouvement, dans l'action, dans le combat. Cela ne m'aurait pas du tout convenu de « m'extraire » de la Vie pour me concentrer uniquement sur mon problème ! Je crois plus à « l'élargissement de la part saine en soi », plutôt qu'à la « focalisation sur la zone malade » ! Continuer à voir des gens « normaux », des amis, des relations, des désirs, des confrontations, des peurs, de la créativité, etc. : tout ça, c'est la Vie. L'anorexie nous retire déjà bien assez de la vie ! Pas besoin de le faire encore plus !

Mais, bien sûr, une expérience n'est pas l'autre. Et j'ai la chance d'avoir un corps extrêmement robuste, résistant et fort.

- Pouvez-vous préciser ce que signifie croire en la «  force de Vie » ?

Être en contact avec « plus Grand que soi » et s'y accrocher coûte que coûte, même désespérément. Avoir Foi, Confiance, Amour en la Vie au-delà de tout. Croire encore et encore que le Soleil continue de briller, même derrière les nuages. Croire que la Vie vaut vraiment la peine d'être vécue. Que le chemin est plus important que le but. Et que la Vie reste Vie quels que soient nos états d'être ou de faire. Bref, avancer seule humainement, mais tellement accompagnée « divinement ».

3. Avez-vous participé à des activités artistiques en vue de guérir de l'AM ?

Mes études et mon métier étant artistiques, c'est évident que l'art m'a énormément aidée à mettre toujours plus de Vie dans ma vie. Dessin, puis sculpture ont été très thérapeutiques. L'écriture également. Je le fais de façon personnelle, comme "écho" à tout le travail fait en thérapie. Cela "prolonge" le soin.

4. Pouvez-vous donner une courte définition personnelle de l'AM ?

Être l'esclave et le bourreau de soi-même. Être le témoin et le meurtrier de sa propre mort. Être sous l'emprise d'une tête qui veut prendre le contrôle de tout (du corps), mais se perdant dans son propre jeu se fait toujours plus tyrannique. Vivre avec la mort dans chaque bouchée...

5. Pouvez-vous précisez les conséquences de l'AM sur votre vie ?

n Conséquences psychologiques :

Haine, déni de soi, culpabilité énorme d'Être...

n Conséquences physiques :

- maigreur extrême,

- décalcification,

- cheveux, ongles, dents plus fragiles,

- grosses joues (si vomissements),

- aménorrhée,

- corps (muscles) perpétuellement tendu,

- épuisement.

n Conséquences comportementales :

- Sautes d'humeur, pleurs, angoisses incompréhensibles et insurmontables par la seule force de la « volonté ».

n Conséquences sociales :

- Évitement maximal des « retrouvailles » autour d'un repas.

- Isolement systématique pour manger (dans le cas des pauses-lunch, par exemple).

- Stress immense (et donc évitement autant que possible) en cas de voyages, excursions, sorties diverses avec d'autres (parce que perte de contrôle et de repères sur la nourriture et les repas).

- Problème qui se répercute entièrement sur l'entourage proche : difficultés familiales (avec les parents, surtout) et plus tard dans le couple (c'est la souffrance majeure de mon couple, car cela nous est insupportable à tous les deux, que c'est entièrement moi qui suis « responsable » de cela, et pourtant ma seule « volonté » ne suffit absolument pas à améliorer la situation).

6. Pouvez-vous décrire le processus d'un épisode de crise de boulimie ?

Faim physique ou émotionnelle et peur-panique d'oser manger. Mais envie énorme de manger quand même. Donc, manger un peu, puis de plus en plus, jusqu'à enfin en éclater pour pouvoir vomir et se SOULAGER !!... Se soulager de toutes les tensions, fatigues, contraintes vécues durant la journée. Personnellement, ça commence presque toujours par des fruits, de la soupe, du fromage, puis du pain ou des galettes de riz, du chocolat, des yaourts.

7. Peut-on parler de conduites addictives ?

Oh oui ! Par rapport à la drogue ou à l'alcool, le problème de la conduite addictive vis-à-vis de la nourriture, c'est qu'on ne peut pas s'arrêter de manger ! C'est bien ce que l'on voudrait faire, dans l'anorexie ! Donc, oui il y a conduite addictive, mais le problème, c'est qu'on ne peut pas "fuir" ad vitam aeternam la relation conflictuelle à la nourriture, puisqu'il est vital de manger ! D'où vie et mort tellement mélangés, dans les troubles alimentaires. Que ce soit dans l'anorexie ou la boulimie, il y a ce désir d'échapper à la contrainte alimentaire, mais désir impossible à réaliser, puisque la solution n'est pas dans la fuite, mais dans la nouvelle "ré-appropriation/ré-harmonisation« avec la nourriture, la Vie et donc avec Soi-même.

8. Peut-on établir un parallèle entre l'AM et la religion (chrétienne plus précisément) par rapport à cette façon de se détacher du monde matériel (du corps) par la force de l'esprit, cette rupture par le jeûne ?

Je trouve cette question par rapport à la religion et à la foi tout à fait pertinente. Pour ma part, sans pouvoir simplifier les choses en disant que la religion m'a "poussée" dans l'anorexie, c'est sûr que l'aspect "janséniste" (encore trop souvent transmis) de l'éducation chrétienne m'a été très peu profitable, au contraire... Je viens en effet d'une famille très chrétienne pour laquelle la foi fait vraiment partie du quotidien.

De mon côté, j'associe "l'entrée en anorexie" avec mon "appropriation personnelle" de la foi. Dans le sens que, oui, j'avais toujours cru en Dieu, et qu'Il avait toujours eu de l'importance dans ma vie, mais jusque là, c'était encore la foi de "mes parents". Par ce chemin d'ermite que j'ai traversé avec l'anorexie, Dieu (et Jésus plus particulièrement) a pris une dimension toute nouvelle dans ma vie, et parfaitement "personnelle". Une relation totalement nouvelle entre moi et Dieu s'est établie. Relation qui a énormément évolué au fil des années. En effet, même si j'ai grandi plusieurs années avec l'enseignement "chrétien" comme référence (celui des communautés nouvelles, c'est-à-dire du "renouveau charismatique" et non pas dans l'enseignement "classique" et plus ancien de la religion chrétienne), aujourd'hui, les choses sont très différentes. La religion catholique est devenue beaucoup trop "limitante" pour ce que je vis avec Dieu. Ma relation à la Vie s'est considérablement élargie en quelques années, et les "vieilles pierres" de l'Eglise sentent (pour moi) trop le "pourri". La Vie, l'Amour sont des réalités tellement plus tangibles et tellement loin de tout l'enseignement parfois culpabilisant et restrictif de la religion chrétienne. Je ne renie pas du tout l'Eglise, car Elle m'a énormément apporté. Je ne renie pas du tout non plus les sacrements, et certainement pas Jésus. Mais je ne peux plus adhérer à l'enseignement de l'Eglise catholique, tel qu'il est encore donné aujourd'hui. La Liberté d'Amour est mon "gouvernail". "Aime et fais ce que Tu veux", disait Saint-Augustin. C'est nettement plus ma conception de la Vie et de l'Amour "Juste". Mais bien Plus qu'avant, je peux dire que je suis une part de Dieu. Comme tout ce qui est fragmentaire (une goutte d'eau, même si elle n'est pas l'océan, contient exactement tout l'océan en elle, de par sa composition), je suis - Oui - une part de Dieu : Dieu est Pleinement en moi et en tout Être. Ma "spiritualité" d'aujourd'hui n'est certainement plus de me détacher de mon corps. Au contraire, je perçois à quel point nous sommes pleinement Dieu, pleinement Homme. Jésus est pour moi cet Être parfaitement réalisé : Celui qui a su mêler avec tant de justesse ces deux réalités non pas opposées, mais complémentaires. Je sais (et sens) que la "Vraie" Vie est dans cette incarnation profonde de notre divinité. La spiritualité, ce n'est pas une fuite (même si ça l'a clairement été durant toutes ces années de ma vie, durant la longue période d'anorexie restrictive, plus particulièrement). C'est un chemin au quotidien qui ouvre à Être ici et maintenant. Et le corps est un magnifique indicateur et une superbe "aide" pour Être ici et maintenant dans nos sensations, ressentis, perceptions, etc. Ce corps qui dit tant.... Ces fameuses "mal-a-dit" du corps que l'on écoute trop peu, ou pas suffisamment à temps... C'est du moins là où j'en suis aujourd'hui.

9. Pensez-vous qu'une guérison totale soit possible ?

Selon ma définition de la guérison, oui. Même s'il est évident qu'une blessure (en plus si profonde) laisse toujours une cicatrice.

10. Pouvez- vous citez quelques appuis à la guérison ?

- Amour et MANIFESTATIONS d'amour de la part des autres.

- Objectif(s) de vie et d'accomplissement.

- Thérapeutes à l'écoute, ouverts, et qui n'ont pas « d'a priori » sur ce que l'on est, et comment l'on fonctionne.

- Passion personnelle quelconque.

- Entourage porteur pour aider à la liberté, le soutien, l'autonomie, la compréhension, l'encouragement et le réconfort.

- Reconnaître le mal dont on souffre, et reconnaître que cela n'est pas « soi ».

- Se prendre en main.

- Agir un maximum dans les « petites » choses pour prendre soin de soi (massages, vêtements, crèmes, bains, tisanes, repos, etc.) : être une bonne mère, bienveillante et aimante, pour soi-même.

11. Le coût des soins est-il un obstacle ?

Oui, c'est quelque chose qui n'est pas évident. Mais cela me semble plus que vital de mettre cette dépense en priorité par rapport au reste. Sinon, on entretient le système de « culpabilité de vivre, d'exister, de dépenser ». Même cette contrainte n'est pas insurmontable.

12. Peut-on utiliser l'art comme outils d' « écho » au soin ?

Personnellement, j'ai toujours utilisé l'art (dessin et sculpture) comme « retranscription » de mon vécu intérieur, que ce vécu se soit « fait » dans le cadre d'une thérapie ou simplement de moi à moi. C'est une façon de témoigner, mais surtout de transcender la douleur vécue. De rendre beau, palpable, visible quelque chose qui n'est qu'émotions, perceptions, sensations. Cela permet de dire « oui, j'existe ! Ce que je vis existe aussi ! Regardez ! » Et ce « Regardez » est au départ : « Moi, regarde-moi ! », puis devient : « Et vous ! Regardez ma réalité en face ! » C'est ce que je perçois.

13. Quels sont selon vous les techniques et thèmes pertinents ou à éviter ?

Je pense que l'écriture régulière (quotidienne) personnelle est indispensable à la guérison. En tout cas, ça l'a été et l'est toujours pour moi. Un travail au niveau du corps me paraît inévitable et surtout indispensable. Ou en tous cas, toutes techniques qui mettent la « tête » en stand by. Je pense qu'il est important d'aller explorer (au rythme de la personne, bien sûr), toutes les relations aux deux parents. Je crois qu'un travail au niveau de la période prénatale est important aussi. Important aussi de travailler la sexualité, en plus du rapport au corps. La sexualité, mais aussi la « pénétration », car la sensation d'abus sexuel est très présente dans les troubles alimentaires.

Au niveau de choses à éviter, je crois que cela dépend très fort d'une personne à l'autre. Idem, tout ce que je viens de citer plus haut. Tout ça me semble tellement être du cas par cas : il y a autant d'anorexies qu'il y a de personnes qui souffrent d'anorexie.

14. Commentaires :

C'est un long combat, mais si c'était à refaire, je le referais (mais heureusement que je ne savais pas combien ce serait difficile au départ, sinon je ne m'y serais jamais engagée !!).

En effet, en quelques années, j'en ai bien plus appris sur moi-même que ce que je n'aurais pu faire durant toute une vie sans une telle problématique. C'est une souffrance tellement incontournable que je suis bien obligée de la prendre en compte et de remuer ciel et terre si nécessaire pour évoluer, me découvrir, chercher, comprendre, me dépasser. Grâce à l'anorexie, j'ai fait des bonds de géants dans la connaissance, compréhension et Amour de « Qui Je Suis ». Et je continue de le faire. Attention cependant ; je ne dis pas non plus qu'il est NÉCESSAIRE d'être confronté à pareille problématique pour évoluer. Disons que c'est une occasion qui m'a été donnée, et dont j'ai tiré parti. Occasion que je remercie de s'être mise sur ma route.

C'est chouette de pouvoir écrire tout cela, même si c'est difficile aussi.

Voilà. J'aurais encore des tas de choses à rajouter, certainement, mais pour le moment, je crois que j'ai dit l'essence-ciel.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"