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L'union africaine et la crise du darfour

( Télécharger le fichier original )
par Saà¯dou Baldé
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) - Master de Recherche en Science Politqiue 2009
  

Disponible en mode multipage

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MEMOIRE DE MASTER EN SCIENCE POLITIQUE,

PREPARE ET SOUTENU PAR MONSIEUR SAIDOU

BALDE, AU MOIS DE FEVRIER 2009 A LA

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET

POLITIQUES DE L'Université Cheikh Anta Diop de

Dakar (L'UCAD) SENAGAL.

CONTACT : baldseydou@yahoo.fr

« L'UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

(UCAD) n'entend donner aucune approbation ni

improbation aux opinions émises dans les mémoires ;

ces opinions doivent être considérées comme propres à

leurs auteurs ».

.............................................................

A tout le personnel du Ministère des Affaires Etrangères pour leur contribution au succès de ce travail.

A Monsieur Moustapha Thioune du Ministère de l'Intérieur

Des Remerciements particuliers :

Au Professeur Saïdou Nourou TALL, pour la rigueur de l'encadrement, la disponibilité et la compréhension dont il a fait preuve durant tout au long de la recherche.

Aux autres Membres du Jury qui ont bien voulu accepter d'évaluer ce modeste travail.

A tous les Enseignants de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'UCAD qui m'ont initié au Droit et aux Sciences Politiques.

A la mémoire de mon Frère et Père adoptif Mamadou Aliou Baldé, décédé al'hôpital Régional de Ziguinchor, le vendredi 05 octobre 2007 (les mots me manquent pour expliquer notre complicité).

A son épouse (Raby), ses enfants.

A tous mes autre frères et soeurs de la famille Baldé et Tall (Ousmane, Raya et Sékou)

Particulièrement :

A Ibrahima Tall (Solo), pour sa compréhension et sa contribution al'aboutissement de ce travail.

A Fatou Thiam, pour ses conseils permanents.

A Omar Tall, pour l'affection qu'il porte sur ma personne.

A Mamadou Lamine Diémé, un ami sincère et fidèle.

A Ma Tante Khadissa Coly, pour m'avoir accepté sans arrière pensée.

A Mamadou Korka Bâ, mon voisin de chambre.

A Moussa Diédhiou, mon ami de tous les temps.

SIGLES ET ABREVIATIONS.

ALS : Armée de Libération du Soudan

AMIS : African Mission in Soudan

CMCA : Commission de Médiation, de Conciliation et d'Arbitrage

APD : Accord de Paix pour le Darfour

APG : Accord de Paix Global

APLS : Armée Populaire de Libération du Soudan.

BONUCA : Bureau des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix en République Centrafricaine.

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale

CPI : Cour Pénale Internationale

CPS : Conseil de Paix et de Sécurité

CS : Conseil de Sécurité

EUFOR : Mission de L'Union Européenne au Tchad et en République Centrafricaine

FOMUC : Force Multinationale en Centrafrique

FPR : Front Patriotique Rwandais

GNOM : Groupe Neutre d'Observateurs militaires

IGAD : Autorité Intergouvernementale pour le Développement

M/ ALS : Mouvement Armée de Libération du Soudan

MINUAD : Mission Conjointe des Nations Unies et de L'Union Africaine au DARFOUR

MJE : Mouvement pour la Justice et L'Egalité

MIAB : Mission Africaine au Burundi

MINUS : Mission des Nations Unies au Soudan

MINURCA : Mission des Nations Unies en République Centrafricaine

MINURCAT : Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad

MIPROBU : Mission de Protection de Rétablissement de la Confiance au Burundi

MIOB : Mission internationale d'observation au Burundi

MISAB: Mission Interafricaine de Surveillance des Accords de Bangui

OMIC : Mission d'Observation au Comores

MUAS : Mission de L'Union Africaine au Soudan

ONU : Organisation des Nations Unies

U.A : Union Africaine

UE : Union Européenne

SOMMAIRE.

INTRODUCTION...............................................................................p. 10

PREMIERE PARTIE : LES OBSTACLES AUX EFFORTS DE L'U.A DANS LE REGLEMENT DE LA CRISE DU

DARFOUR................................................................................. p. 21

CHAPITRE I : LES OBSTACLES EXTERNES A L'U.A............ p. 23

SECTION I : UNE CRISE AUX ORIGINES LOINTAINES......................p. 25

PARAGRAPHE I : LE SOUDAN : UN PAYS INSTABLE DEPUIS SON INDEPENDANCE.............................................................................................p. 25

PARAGRAPHE II : LA CRISE DU DARFOUR : UNE CONSEQUENCE DE LA FRAGILITE DU SYSTEME POLITIQUE SOUDANAIS.....................................p. 30

SECTION II : L'ENJEU DE LA CRISE DU DARFOUR.........................p. 36

PARAGRAPHE I : LES REVENDICATIONS DE LA PROVINCE DU

DARFOUR........................................................................................ ... p. 36

PARAGRAPHE II : l'ENJEU EXTERIEUR DE LA CRISE...........................p. 39

CHAPITRE II : LES OBSTACLES INTERNES A L'U.A........................p. 45

SETION I : LA MUAS : UNE MISSION VOUEE A L'ECHEC................p. 47

PARAGRAPHE I : UN MANQUE D'EXPERIENCE DANS LE DOMAINE DU MAINTIEN DE LA PAIX...........................................................................p. 47

PARAGRAPHE II : UNE TENDANCE NEGLIGENTE DE LA SITUATION AU

DEPART................................................................................................p.51

SECTION II : LES INSUFFISANCES DE LA MUAS...............................p. 55 PARAGRAPHE I : L'INSUFFISANCE DES RESSOURCES... ............. p. 55 PARAGRAPHE II : LES AUTRES LIMITES DE LA MUAS.............................p. 59

DEUXIEME PARTIE : LES PERSPECTIVES D'UNE PAIX

AUDARFOUR.........................................................................................p. 64

CHAPITRE I : LES CONDITIONS PREALABLES A REMPLIR PAR LES ACTEURS DE LA CRISE..............................................................................p.66

SECTION I : LES PREALABLES POUR UN SUCCES DE LA

MINUAD............................................................................................. p. 68

PARAGRAPHE I : DES PREALABLES FONDES SUR LES ACQUIS DE

L'U.A......................................................................................................... p. 68

PARAGRAPHE II : UNE NECESSAIRE OUVERTURE DE LA MINUAD AUX AUTRES MISSIONS.................................................................................p. 72

SECTION II : LES OBLIGATIONS DES DIFFERENTES PARTIES SOUDANAISES..............................................................................................p. 76

PARAGRAPHE I : UN NECESSAIRE ASSOUPLISSEMENT DE LA POSITION DE
KHARTOUM..........................................................................................p. 77

PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE DES MOUVEMENTS REBELLES DANS LA RECHERCHE DE LA PAIX..........................................................p. 81

CHAPITRE II : L'AVENIR DE LA PAIX AU SOUDAN...........................p. 86

SECTION I : DES MODIFICATIONS SUR LES FONDEMENTS DE LA NATION p.88

PARAGRAPHE I : L'INSTAURATION D'UN SYSTEME LAÏC AU

SOUDAN..........................................................................................................p. 88

PARAGRAPHE II : UNE NECESSAIRE OUVERTURE POUR L'ACCES AUX INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE.............................................................p. 92

SECTION II : DES MODIFICATIONS SUR LES ELEMENTS

CONSOLIDANT DE L'ETAT......................................................................p. 96

PARAGRAPHE I : LA TENUE D'ELECTIONS LIBRES ET DEMOCRATIQUES...........................................................................................p. 96

PARAGRAPHE II : DES REFORMES SUR LE DOMAINE ECONOMIQUE.............................................................................................p. 100

CONCLUSION.......................................................................................p.105

INTRODUCTION.

La chute du mur de Berlin en 1989 qui allait provoquer la fin de la guerre froide était célébrée partout comme le début d'un nouvel ordre mondial basé sur la paix, la stabilité et la démocratie. En effet la disparition des deux blocs s'est accompagnée d'un relâchement des grandes luttes entre puissances rivales et tout espoir était permis que l'humanité, allait enfin connaître un monde différend de celui qu'elle a connu. « Cependant non seulement les conflits n'ont pas disparus, mais ils ont changé de nature et sont devenus plus complexes »1. Les guerres entre Etats sont devenues l'exception alors que les guerres civiles et autres formes d'antagonisme de toutes sortes deviennent la règle.

Cette tendance qui s'est dessinée au niveau global a trouvé sa réelle application dans le continent africain. En effet si l'on observe de très près le continent noir, l'on se rend compte qu'à l'exception de quelques conflits ; notamment le conflit entre le Cameroun et le Nigeria et entre l'Ethiopie et l'Erythrée, toutes les autres formes de conflits sont des guerres intra étatiques. Face à cette situation fallait- il continuer à se fier à l'organisation classique de règlement des conflits ou fallait --il se doter d'une nouvelle organisation?

Les dirigeants africains optent pour la création d'une nouvelle organisation pour prendre à bras le corps de leurs conflits qui ont changé de nature. Ainsi comme le dirait Charles Zorbibe à l'ère de la guerre froide, les conflits africains étaient les reflets de l'ingérence des superpuissances ; aujourd'hui, leurs racines sont

1 P E BAKONG et M GAZIBO in Jocelyn COULON Guide du Maintien de la Paix 2005 Athéna édition 2004/ CEPES p. 99

plus souvent locales : la recherche de solutions africaines s'impose autant2. Sur cette lancée, l'ancienne OUA est remplacée par une organisation qui a pour objectif de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité du continent. Il s'agit de l'Union Africaine (UA). Cependant dès sa création cette organisation fera face à de nombreux conflits dont le plus important aujourd'hui est sans nul doute le conflit du Darfour. En effet depuis 2003 l'Union Africaine tente de régler cette crise qui reste notamment l'une des plus farouches de ce début du XXIème siècle que certains n'hésitent même pas à qualifier de génocide à l'image du gouvernement américain qui « dénonce un génocide au Darfour »3.

Cependant si l'on retrace l'historique du maintien de la paix en Afrique, l'on se rend compte que depuis les indépendances l'idée de trouver des solutions africaines aux problèmes africains n'était pas absente dans l'esprit des africains. En effet l'article 3 de l'ancienne OUA posait déjà le principe du « règlement pacifique des différends »et « les Etats membres s'engageaient à régler leurs différends par des voies pacifiques ». Pour ce faire l'article 7 de la Charte avait doté à l'organisation d'un cadre de résolution des conflits exclusivement africains. Il s'agissait de la Commission de Médiation, de Conciliation et d'Arbitrage (CMCA). Cette commission avait comme objectif de rechercher « le règlement pacifique des différends par voies de négociation, de médiation, de conciliation et d'arbitrage ». Dans cette perspective, l'OUA avait, pour régler la crise qui sévissait au Tchad au début des années « 1980 » crée une mission de maintien de la paix. Cette mission qui fut la première dans l'histoire de l'organisation se situe entre 1979 et 1982 et était composée de plus de 3000 soldats nigérians, zaïrois et sénégalais emmenée par le Nigeria. Elle était chargée d'assurer la défense et la sécurité du pays dans l'attente de l'intégration des forces gouvernementales et de contribuer à la restauration de l'intégrité

2 C Zorbibe, Pour une charte africaine de la diplomatie préventive et du maintien de la paix, in Dominique Bangoura, L'Union africaine face aux enjeux de paix, de sécurité et de défense, actes des conférences de l'observatoire politique et stratégique de l'Afrique (OPSA), Paris, Harmattan les 18 et 19 décembres 2002

3 Cf. Article de Wikipédia : Guerre Civile au Darfour ; www.wikipedia.og

territoriale et de l'autorité du gouvernement légitime. Toutefois, cette opération préfigurait déjà les difficultés que connaîtraient les futures opérations de paix qui seront entreprises par les africains. En effet elle s'était notamment caractérisée par un mandat qui ne brillait pas par sa clarté et par les difficultés d'ordre financier et technique auxquelles fut confrontée l'O.U.A pour financer cette force ainsi que pour recevoir des pays africains les troupes nécessaires pour remplir son mandat. C'est ainsi que cette mission s'acheva sans grand succès4.

A partir de cet instant il devenait impératif pour les africains de changer dans la façon d'appréhender les conflits. En effet non seulement, les guerres civiles se multipliaient sur le continent, mais encore les africains semblaient abandonnés à leur propre sort. Ainsi en témoigne le discours du Président américain Bill CLINTON prononcé en octobre 1993 à la Tribune de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Discours dans lequel il déclarait : « les N.U se devaient d'apprendre à dire non lorsque solliciter pour des opérations de maintien de la paix qui n'étaient pas faisables »5.

Malgré ces insistants appels à la diplomatie du « non » et à la politique du « retrait » ; la réalité (tragique) de la violence armée sur le continent allait cependant continuer, imperturbable et impitoyable, d'interpeller la conscience universelle : quelque chose devait être fait. C'est dans ce contexte de trouble que va également commencer à être évoquer la nécessité d'un « renforcement des capacités africaines du maintien de la paix »6. Car, si de manière fort compréhensible les étrangers refusaient désormais d'envoyer leurs soldats mourir dans les « enfers africains », les africains eux- même se devaient d'être prêts à payer le nécessaire prix pour ramener la paix sur leur terre.

4 William Assanvo, l'Afrique à l'épreuve du maintien de la paix, Multipol dimanche 13 mai 2007, www.multipol.org

5 Anatole Ayissi, Coopération pour la paix en Afrique de l'ouest Agenda pour le xxème siècle : Institut des N.U pour la recherche sur le désarmement, Genève Suisse (UNIDIR/2001/9) p. 8

6 Anatole Ayissi. Ibid

C'est sur cette lancée que les chefs d'Etats et de Gouvernements de l'O.U.A se réunissant au Caire en Egypte du 28 au 30 juin 1993 décidèrent de créer un organe chargé de remplacer la Commission de Médiation, de Conciliation et d'Arbitrage. Il s'agit du Mécanisme pour la Prévention, la Gestion et le Règlement des Conflits. Ce nouveau mécanisme dont l'objectif était de permettre à l'O.U.A de se doter des moyens de réduire les crises et les conflits sur le Continent, sera renforcé en 1996 par la mise en place d'un Centre de Gestion des Conflits au siège de l'O.U.A, doté d'un bureau d'alerte rapide et d'une salle de suivi des opérations7.

Le Mécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des Conflits a permis à l'O.U.A tant bien que mal de prendre des initiatives pour la résolution de certains conflits africains. Ainsi en illustrent les différentes missions qui furent créées.

La première intervention du mécanisme fut la décision de l'O.U.A du 19 novembre 1993 d'envoyer une Mission de Protection de Rétablissement de la Confiance au Burundi dénommée (MIPROBU). Cette mission avait été initiée après que de sanglants affrontements ont commencé à opposer Hutus et Tutsis, à la suite de putsch au Burundi au cours duquel le Président Melchior Ndadaye avait été assassiné. Cependant faute de ressources financières et humanitaires, cette mission va arrivée au Burundi en février 1995 sous le nom d'une simple « Mission Internationale d'Observation » (MIOB).

La deuxième fut la mission déployée aux Comores par l'O.U.A avec vingt sept observateurs dans le cadre de la Mission d'Observation aux Comores (OMIC) entre 1997 et 1999 après la décision de l'Ile d'Anjouan de faire sécession. Elle s'acheva en 2002.

La troisième intervention du mécanisme est ce rôle joué par l'O.U.A dans le
cadre de la coopération interafricaine, et en coopération avec l'O.N.U, avec la

77 Pour plus de détails sur ce nouveau mécanisme cf. à M C D Wembou, L'OUA : A l'aube du XXIème siècle Bilan- Diagnostiques et Perspectives, Paris LGDJ 1995, pp. 244- 260

MISAB (Mission Interafricaine de Surveillance des Accords de Bangui) en Centrafrique de février 1997 à avril 1998. Cette Mission sera remplacée par la MINURCA (Mission des Nations Unies en République Centrafricaine) le 15 avril 1998.

A la suite de ces quelques interventions de l'O.U.A dans les conflits africains, le constat général qui se dégageait est que cette organisation n'avait pas les moyens juridiques et financiers requis pour résoudre ces conflit. Ainsi des innovations profondes s'imposaient.

C'est dans cette perspective qu'en 1999 lors du sommet de Syrte en Libye la volonté de remplacer l'O.U.A par une autre organisation est émise. Après plusieurs discussions cette nouvelle organisation dénommée Union Africaine (U.A) est créée. Son Acte Constitutif est adopté à Lomé au mois de juillet 2000. Aujourd'hui l'un des objectifs clairement explicités dans l'Acte Constitutif de l'U.A est la « promotion de la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent », « le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des Etats Membres ». Tout en posant le « droit de l'union d'intervenir dans un Etat Membre sur décision de la conférence dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l'humanité ».

Lors du lancement de l'U.A à Durban en Afrique du Sud le 09 juillet 2002, est adopté en même temps le Protocole portant création du Conseil de Paix et de Sécurité (C.P.S). Ce conseil élaboré selon le modèle du Conseil de Sécurité de l'O.N.U permet à l'union d'intervenir directement dans les pays africains en crise.

Le C.P.S, composé de quinze Etats membres, est chargé de la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique, de la diplomatie préventive, du rétablissement de la paix. Il s'occupe également de la gestion des catastrophes et des actions humanitaires. Il est appelé à remplacer l'organe central du mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique.

Pour lui permettre d'assumer ses responsabilités en ce qui concerne le déploiement de missions d'appui à la paix et d'interventions en cas de génocide, de crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, le C.P.S peut consulter un Groupe des Sages composé de cinq personnalités africaines et mettre en action des forces armées pré positionnées.

Le 25 mai 2004, le C.P.S est officiellement lancé à Addis-Abeba en Ethiopie. Depuis sa mise en oeuvre et sur le fondement du C.P.S, L'U.A a entamé de nouvelles missions de maintien de la paix sur le continent.

Ainsi en avril 2003, l'U.A lance sa première mission de maintien de la paix avec le déploiement de la MIAB (Mission Africaine au Burundi). Composée de troupes venant du Mozambique, d'Ethiopie et d'Afrique du Sud, cette mission mandatée par l'organe central du Mécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des Conflits était chargée de superviser le cessez- le- feu entre le Gouvernement et la rébellion hutue.

Le 05 janvier 2005 également le C.P.S de l'U.A accepte le déploiement d'une mission d'appui à la paix en Somalie pour soutenir les institutions fédérales de transition de ce pays, en attendant le déploiement d'une mission de maintien de la paix.

Pendant que l'U.A s'activait sur ces zones de tension, une crise était également en cours au Soudan. Il s'agit de la crise de Darfour dont l'ampleur très inquiétant ne pouvait laisser l'U.A indifférente. Ainsi l'U.A décide de réagir en créant une mission de maintien de la paix pour tenter de régler la crise mais également pour « tester ses nouveaux organes ». Pour ce faire, le 06 juillet 2004, lors de son 3ème sommet tenu à Addis-Abeba, l'organisation décide de l'envoi d'une force de protection de quelques trois cent militaires au Darfour. En effet cette Province située à l'ouest du Soudan est confrontée depuis février 2003 à une « guerre civile » très complexe. Avec plus de deux cent milles morts8,

8 Cf. l'article Wikipédia, l'encyclopédie libre : Guerre Civile au Darfour ; www.wikipedia.org

civiles pour la plupart et quelques un million quatre vingt cinq milles déplacés9. Cette force a pour mandat de protéger les cent cinquante observateurs civils et militaires de l'U.A, en cours de déploiement depuis l'Accord de cessez-le-feu de Ndjamena du 08 avril 2004.

Mais cette mission dénommée Mission de l'Union Africaine au Soudan (MUAS ou AMIS) étant très réduite montra rapidement son incapacité à gérer la crise. Ainsi le 20 octobre 2004, l'U.A décide de renforcer sa mission au Soudan qui doit passer à 3320 soldats et policiers.

Malgré ces efforts de l'U.A la crise persistait, c'est ainsi que le 10 mars 2006 le C.P.S annonce son accord de principe à un transfert de la MUAS en une mission des Nations Unies. Le 31 juillet 2007 le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte à l'unanimité des quinze membres la Résolution 1769 qui créa une mission de paix pour le Darfour. Cette mission d'une importance sans précédente dans l'histoire des Nations Unies sera composée de force de l'O.N.U et de l'U.A. Elle sera baptisée la Mission conjointe des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour (MINUAD ou UNAMID sous son acronyme anglais).

Après plusieurs tentatives de déploiement sans succès, les premières forces de cette mission commencent à arriver sur le territoire soudanais.

Dès lors, la persistance de cette crise nous amène légitimement à rechercher les éléments définitoires du terme crise. En effet pouvant avoir plusieurs significations, le terme crise qui fait l'objet de notre sujet est défini d'abord par le politique américain William Zartman10 comme : « le passage actif aux hostilités armées. Bien que le terme évoque souvent une flambée soudaine sur une courte période, cette restriction apparaît trop limitative. Des flambées soudaines et des changements d'intensité peuvent prolonger une crise.... ». Il est ensuite définit par Lucian Pye dans le Dictionnaire de la Science Politique et

9 Wikipédia~Ibid

10 Cité par Sidy Sady : La résolution des Conflits en Afrique ; Thèse de doctorat d'état de science politique Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 2002, p.5

des Institutions Politiques comme « un blocage conflictuel autour du partage des pouvoirs et des ressources entre segments de la société 11». Ainsi dans le cadre de notre travail, nous nous référerons simultanément à ces deux définitions. Cependant ce terme crise doit être distingué de certaines notions qui lui sont voisines. C'est ainsi que dans le domaine de la médecine on utilise le terme crise pour dire une aggravation brusque d'une maladie exemple crise d'asthme, crise cardiaque, crise d'urticaire.... Dans le domaine politique également la crise peut désigner un blocage au bon fonctionnement des institutions d'une république. Ainsi on dira une crise au sommet de l'Etat. Enfin dans le langage courant le terme peut signifier une période pendant laquelle l'accès aux produits alimentaires est difficile ainsi pour parler d'une famine on dira d'une crise alimentaire.

Néanmoins le terme crise peut avoir des rapprochements à d'autres notions telles que :

Le conflit qui est défini par le Professeur Raymond Aron comme « une opposition entre groupes et individus pour la possession de biens rares ou la réalisation de valeurs mutuellement incompatibles »12 . La crise se rapproche également de la guerre civile qui est une forme particulière de guerre se déroulant à l'intérieur des frontières d'un même Etat.

Ceci étant nous constatons que, sous le rapport de leurs conséquences, la différence entre crise, conflit et guerre civile n'est pas très importante ; c'est pourquoi pour les besoins de ce mémoire nous emploierons indifféremment l'un des trois.

Les principaux termes du sujet étant définis, il reste à délimiter celui-ci.

Ainsi sur le plan purement géographique, la recherche s'appliquera à la Région du Darfour ; c'est-à-dire cette région du Soudan située à l'ouest du pays avec une

11 L Pye in G Hermet/ B Badie/ P Birnbaum/ P Braud, Dictionnaire de la Science Politique et des Institutions Politiques Paris, Armand Colin 1994 p. 71

12 R Aron, in S Sady, op, cit p.5

superficie aussi grande que celle de la France. Aujourd'hui cette Province compte plus de six millions d'habitants composés de trois tribus principales : les Fours (qui ont donné leur nom au Darfour), les Masalits et les Zaghawas. Le Darfour est divisé aussi en trois petits Etats que sont le Darfour du Sud, le Darfour du Nord et le Darfour de l'Ouest. Cependant pour comprendre la complexité de la crise, il serait intéressent de jeter un regard sur les différents conflits qui se sont succédés sur le territoire soudanais ; mais aussi d'élargir la réflexion sur les conflits au Tchad et en Centrafrique du fait de leur lien avec cette crise du Darfour.

Sur le plan temporel, le sujet va porter sur la crise du Darfour c'est-à-dire celle qui a éclaté le 23 février 2003 et qui continue à produire ses effets. Néanmoins, pour bien cerner notre étude, il y a nécessité de faire une lecture rétrospective de l'instabilité du Soudan depuis son indépendance.

Enfin sur le plan sémantique, la réflexion ne sera pas descriptive. En d'autre terme, il ne s'agira guère d'énumérer les efforts fournis par L'U.A pour essayer de résoudre la crise d'un coté, ou de déterminer les difficultés rencontrées par l'U.A dans sa tentative de règlement de la crise d'un autre coté. Il s'agira plutôt de mener une étude analytique afin de prouver la légitimité de l'échec de l'U.A dans son intervention au Darfour ; et de voir également si la transformation de la MUAS en une Mission hybride UA/ ONU va changer la donne.

Le sujet étant délimité, il convient de voir la problématique qu'il dégage.

C`est ainsi qu'après plusieurs réflexions, nous nous sommes rendus compte que la principale question que soulève notre sujet est celle de savoir : s'il existent des espoirs de paix au Darfour après que l'Union Africaine n'a pu résoudre seule la crise ?

Autour de cette question fondamentale gravitent d'autres problématiques non moins sans importance.

La première est celle de savoir ce qui explique l'ampleur de cette crise ?

La deuxième est celle de savoir si l'Union Africaine avait t-elle prise les précautions nécessaires pour réussir sa mission au Darfour ?

La troisième est relative à la nouvelle Mission conjointe U.A/O.N.U. En effet il serait légitime de s'interroger sur les chances de succès de cette Mission.

La dernière s'adresse à la paix au Soudan. En effet la paix au Darfour doit passer impérativement par la pacification du Soudan dans son ensemble. Dés lors la question que nous nous sommes posés est celle de savoir sur quels socles doivent se fonder les initiatives de la paix afin de la rendre parraine au Soudan ? A la lumière de ce qui a été dit, il est clair qu'un tel sujet ne manquerait pas d'intérêt. Ainsi celui-ci présenterait trois intérêts à notre égard.

D'abord il a un intérêt historique dans la mesure où il nous permet de retracer l'évolution de l'instabilité politique du Soudan depuis son indépendance. En effet le Soudan devenu indépendant en 1956 connaît une succession de crises depuis 1955 jusqu'à nos jours.

Le sujet présente aussi un intérêt théorique. En effet l'étude de celui-ci nous permet d'apercevoir que la communauté internationale est largement partagée sur cette crise. Ainsi si certains Etats à limage des Etats-Unis d'Amérique soutiennent les rebelles de l'Armée de Libération du Soudan (SLA) comme en illustre l'audience accordée à son chef Minni Minnawi le 25 juillet 2006 par le Président américain en personne Monsieur Georges W Bush ; d'autres Etats par contre comme la Chine n'hésitent pas à vendre des armes au gouvernement de Khartoum malgré l'embargo qui existe sur ce domaine13. Tout ceci n'a pas facilité à l'U.A à résoudre la crise.

Enfin le sujet a un intérêt pratique. En effet la MUAS qui constitue la première mission de maintien de la paix gérée par une institution africaine avait des chances de constituer un véritable exploit africain. Cependant comme à l'accoutumée cette mission, malgré tous les efforts qu'elle a fournis n'a pu résister toute seule du fait d'un manque de ressources financières d'une part et

13 F. William Engdahl : le Darfour ? Une Guerre du Pétrole ; www.ontreinfo.info

d'autre part d'une absence de volonté politique de la part de certains chefs d'Etats africains.

Telles sont les différentes questions de fond qui vont retenir notre attention au cours de notre recherche. Pour ce faire nous allons dégager un plan à deux parties. D'abord dans la première partie nous essayerons de voir les obstacles qui ont empêché à l'U.A de parvenir toute seule au règlement de la crise sans le soutien des N.U (Première Partie). Ensuite lors de la deuxième partie il serait intéressent de parler les perspectives d'une paix au Darfour (Deuxième Partie)

LES OBSTACLES AUX

EFFORTS DE L'UA DANS

LE REGLEMENT DE LA

CRISE DU DARFOUR.

PREMIERE PARTIE :

Le bouleversement de l'ordre mondial intervenu au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 n'a pas épargné l'Etat du Soudan. En effet après le 11 septembre, le régime de Khartoum se sentant menacé accepta d'ouvrir des négociations avec le mouvement rebelles de l'Armée Populaire de Libération du Soudan (SPLA)14. Ce mouvement dirigé par le Colonel John Garang était en conflit larvé avec l'Etat du Soudan depuis 1983. En juillet 2002 une lueur d'espoir se dessinait à l'horizon avec la signature du Protocole de Machakos, quand subitement des populations du Darfour une Région occidentale du Soudan attaquèrent des installations militaires de la ville de Goulu15. Cette insurrection prit rapidement des proportions inquiétantes avec la prise de l'aéroport d'El Fasher le 25 avril 2003 et la perte de quelques 70 militaires16 appartenant à l'armée soudanaise. Le Gouvernement de Khartoum décida de réagir par la violence.

Débuta alors de ce que l'humanité appelle aujourd'hui la crise du Darfour. Quelques 200 000 personnes payeront les frais de cette tragédie qui ne dit pas son nom. De son coté l'Union Africaine, par le biais de son Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) pour ne pas être le témoin passif de massacres ethniques en Afrique décida de réagir. Cependant l'ampleur de la crise était telle que cette réaction de l'U.A allait vite montrer ses limites. En effet l'intervention de l'U.A au Darfour va confronter à deux séries d'obstacles majeurs. La première série d'obstacles est externe à l'U.A (Chapitre I) alors que la deuxième série est imputable à l'U.A elle même (Chapitre II).

14 Pour les différents rounds de négociation cf. Axel de Waal, « une perspective de paix au Soudan en 2002? », Politique Africaine, no 85, Paris, Karthala, mars 2002 pp93-107

15 Pour plus de détail sur cette attaque, cf. S Fanel, Darfour : origine et bilan d'un génocide 3ème partie, Association Sauver le Darfour, www.sauverledarfour.org

16 Cf. Amesty International, Soudan. « Questions et réponses »au sujet de la crise du Darfour, www.amnesty.org

LES OBSTACLES

EXTERNES A L'UA

CHAPTRE I :

En 2004 quand la première mission de l'U.A débarquait au Soudan elle avait la ferme volonté de régler le conflit du Darfour. Mais très vite elle fera face aux réalités sur le terrain. En effet l'U.A se rendit compte que cette crise est liée en grande partie à deux facteurs essentiels : d'une part aux origines lointaines de celle-ci (Section I) et d'autre part à l'enjeu que la crise présente aujourd'hui pour la sous- région mais aussi pour les grandes puissances (Section II).

SECTION I UNE CRISE AUX ORIGINES LOINTAINES.

Pour comprendre les difficultés rencontrées par l'U.A dans sa tentative de règlement de la crise au Darfour, il est important de faire un décryptage de la situation du soudan dans son ensemble. En effet ce pays de la Corne de l'Afrique a une situation géographique extraordinaire. Avec une superficie de 2 505 800 km2 et une population de 42 292 929 (estimation 2007)17 et une mosaïque d'ethnies et de religions, le Soudan constitue aujourd'hui de ce qu'on pourrait appeler un sous continent dans le Continent noir. Cet état de fait a engendré une instabilité du pays depuis 1956, date de son accession à la souveraineté internationale (Paragraphe I) avec notamment des provinces périphériques qui sont en perpétuel conflit avec le régime en place à l'image de celle du Darfour (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LE SOUDAN : UN PAYS INSTABLE DEPUIS SON
INDEPENDANCE.

L'Union Africaine pouvait-elle faire grande chose face à la situation qui prévaut au Darfour ? On est tenté se poser cette question si l'on sait qu'en 1956 quand les britanniques quittaient le pays le Soudan commençait déjà à sombrer dans la guerre civile. Et durant toute son existence le pays a connu des troubles. Ces troubles sont dues à l'instabilité politique du pays (A), mais aussi à la succession des conflits (B).

A) l'instabilité politique du pays.

Le Soudan fait parti aujourd'hui l'un des pays les plus instables politiquement en Afrique. En effet proclamé République le 1er juillet 1956, le Soudan aura connu trois vagues de démocratisation et trois vagues de dictature18.

17 Cf. Soudan fiche pays, www.ca.encarta.msn.com

18 Cf. P P Dika, la crise du Darfour ou la faillite de l'Etat post-colonial soudanais, Institut de Documentation et Recherche sur la Paix ; www.institutdrp.og

La première tentative de démocratisation résulte d'un accord signé avant l'indépendance même du pays. En effet en 1955 deux grands partis musulmans du Nord du Soudan exprimaient leur volonté de former un gouvernement de coalition. Il s'agit de la UMMA et de la NUP. Leur but premier était non seulement d'écarter le Democratic Unioniste Party (DUP) un parti réputé être pro- égyptien mais aussi d'isoler la Province du Sud du pays qui est une province non musulmane. Cependant les luttes au sein du parti au pouvoir amenèrent le Président Ismail AZHARI le premier Président du Soudan indépendant à rendre le tablier après six mois d'exercice. Par ailleurs cet accord sema de l'incertitude au sein des populations qui la considéraient comme non unificateur. D'ailleurs l'accord rejetait la partie Sud, Est et Ouest dans la périphérie.

Cette première tentative de démocratisation sera suivie par une période de dictature. En effet deux ans seulement après son indépendance, le Soudan connut son premier coup d'Etat. Ce dernier orchestré le 17 Novembre 1958 par le Général ABBOUD va ouvrir la voix à une alternance entre démocratie et dictature.

La deuxième tentative de démocratisation est issue des élections organisées en Avril 1965. Cependant les gouvernements qui vont se succéder seront incapables de se mettre d'accord sur une constitution permanente, ou de résoudre les problèmes de la lutte entre factions, de la stagnation économique et de la dissidente ethnique. Conséquence le pays va connaître une série de coups d'Etats.

D'abord le 25 Mai 1969 un coup d'Etat fut orchestré et le Colonel Gaafar Muhammad NIMEIRI devient le Premier Ministre. Ce nouveau régime supprima le Parlement et interdit les partis politiques.

Ensuite en Juillet 1971 un autre coup d'Etat dirigé par le Parti Communiste
Soudanais est mené. Cependant quelques jours après, des troupes anti-

communistes restaurèrent le Président NIMEIRI. Ce dernier instaura un régime militaire jusqu'en 1985.

La troisième vague de démocratisation intervient par un autre coup d'Etat. En effet à la suite d'une pénurie de pain et d`essence, le Général Souwar AdDAHAB restaura un gouvernement civil. Cette troisième vague de démocratisation va à l'image de ses prédécesseurs s'achever par un autre coup d'Etat.

La dernière étape débuta par un coup d'Etat orchestré par les Frères Musulmans pourtant ayant obtenu seulement 10% des voix lors des élections précédentes. Ce dernier coup d`Etat qu'a connu le Soudan fut perpétré le 30 juin 1989 et le Général Omar El BEHIR en devient le Président. Au total avec cinq coups d'Etats opérés et une mutinerie, le Soudan est devenu l'un des pays les plus instables politiquement en Afrique.

Aujourd'hui près de 20 ans après le dernier coup d'Etat le pays se cherche toujours. En effet certes des élections sont organisées au Soudan notamment en 1996 et en 2000 mais celles-ci à l'image de beaucoup d'autres élections qui sont déroulées dans le Continent ne rendent pas forcément le régime en place démocratique. Par ailleurs il est important de savoir que depuis 2000 des élections ne sont pas organisées au Soudan et c'est toujours le même régime que certains n'hésitent pas à qualifier d'islamiste qui gouverne. Ceci a engendré des conflits à ne plus finir.

B) la succession des conflits

L'autre mal qui rend l'intervention de l'U.A au Darfour difficile c'est bien sftr la chronique des guerres civiles dans l'Etat soudanais depuis son indépendance. En effet les conflits au Soudan ne datent pas d'aujourd'hui et leur origine est à rechercher dans l'idée de Pierre François Gonidec lors qu'il estime que parmi les conflits africains nous avons : « ceux qui sont liés au phénomène colonial plus

précisément aux conditions de la décolonisation »19. En outre c'est en 1955, alors que les britanniques n'avaient pas totalement évacué le pays, que l'annonce d'un remplacement de leurs officiers par des arabes avait provoqué la mutinerie de l'Equatoria Corps ; une unité militaire composée de soldats noirs. S'ensuivirent dix-sept années de guerres entre la Province Sud animiste à 25% et le régime de Khartoum auxquelles mit fin l'Accord de Paix d'Addis-Abeba en Février 1972. Cet accord donnait aux trois provinces méridionales une relative autonomie dans un cadre confédéral. Mais la découverte en 1979 de gisements de pétrole dans cette partie sud et le percement un an plus tard d'un énorme canal destiné à récupérer l'eau du Nil au profit de l'Egypte amenèrent le président NIMEIRI à abroger unilatéralement l'accord d'Addis-Abeba.

La guerre reprit de manière plus belle lorsqu'en 1983 une nouvelle fois, des unités noires de l'armée soudanaise se soulevèrent contre leur commandement arabe. Le Colonel John Garang en prit la tête et créa l'Armée Populaire de Libération du Soudan (SPLA). Débuta ainsi la deuxième guerre du Soudan.

Après plusieurs tentatives de négociations infructueuses durant les années 1990, Khartoum accepta de négocier sérieusement avec le mouvement de John Garant au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001. En effet le régime de Khartoum que beaucoup d'occidentaux considèrent comme islamiste s'inquiétait d'une éventuelle intervention militaire américaine car il avait eu à apporter son soutien à Al-Qaida20 lors de sa création. Selon certaines sources même Ossama Ben LADEN a eu à séjourner au Soudan à plusieurs reprises. Son départ a coïncidé avec le limogeage du Président de l'Assemblée Nationale à savoir, le principal inspirateur du parti islamiste, le Congrès Populaire (CP), Hassan Al TOURABI, qui était son « tuteur » au Soudan. Al TOURABI est celui-là même qui avait aidé à l'actuel président à s'installer au pouvoir en 1989.

19 P F Gonidec, les relations internationales Africaines, Paris LGDJ, EJA 1996, P. 148

20 Cf. Gérard Prunier, paix fragile et partielle au soudan, le Monde Diplomatique Archives février 2005, www.monde-diplomatique.fr

En Juillet 2002 les négociations qui se tiennent au Kenya permirent de signer le Protocole de Machakos. Mais c'est le 09 Janvier 2005 que des Accords de Paix furent signés entre Khartoum et le mouvement de la SPLA.

Cependant cet accord de paix de 2005 fut plein de conséquences pour le Soudan. En effet en février 2003 pendant que la paix était recherchée dans la Province Sud, les populations de la Province du Darfour se révoltèrent contre le pouvoir central. Cependant là aussi cette révolte n'est que la goutte qui a fait déborder le vase. En outre cette partie occidentale du Soudan a toujours vécu dans la tourmente.

Les premières troubles du Darfour commencèrent entre 1979 et 1985. En effet pendant cette période la sécheresse a été particulièrement forte au Darfour et elle avait ainsi entraîné une mutation de la transhumance des éleveurs. Les populations du Darfour Nord et du Darfour Ouest avaient pris l'habitude de migrer vers le Sud pour y pâturer leurs troupeaux. Le centre de la province était également épargné par la sécheresse du coup il devient lui aussi le lieu de convoitise des nomades arabes. Cette sédentarisation des peuples arabes a ainsi aggravé les conflits traditionnels entre des populations ayant des modes de vie différents21 (agriculteurs sédentaires et éleveurs nomades). Par ailleurs certains éleveurs devenant agriculteurs en s'appropriant des terres des populations autochtones alors que ces derniers entreprirent d'élever leurs propres animaux, les affrontements pour la possession de la terre étaient inévitables. Ainsi des conflits sporadiques se produisaient régulièrement entre les deux groupes en particulier au milieu des années 1990 et toujours les milices arabes (janjawids) en sortaient victorieuses. Cette situation va amener en février 2003 deux groupes armés issus des ethnies sédentaires à commencer à combattre les forces de sécurité du gouvernement du fait que celui-ci ne les protégent pas contre les attaques des milices arabes. Ces deux groupes armés adoptèrent l'appellation de Mouvement/ Armée de Libération du Soudan (M/ALS) composé de Zaghawas

21 Cf. Pierre-Paul Dika, La crise du Darfour..., op.cit., p.11

(Tribus vivant des deux cotés de la frontière tchado soudanaise) et de fours. Ils seront rejoints plus tard par le Mouvement pour la Justice et l'Egalité un autre mouvement composé de différentes ethnies non arabes du Darfour. Ainsi commença la crise qui sévit actuellement au Darfour.

Ce qu'on peut retenir de cette crise ce qu'elle n'est que la conséquence logique de la manière dont le Soudan a accédé à la souveraineté internationale22 et la suite logique de l'enfoncement du Soudan dans la violence. En effet l'analyse de la situation du Soudan depuis son indépendance nous permet de constater que le pays avec ses cinq coups d'Etat n'a pas connu de guerre civile que durant la période 1972 - 1983. Par ailleurs quelle est la responsabilité des différents régimes qui se sont succédés dans cette instabilité chronique du pays ?

PARAGRAPHE II : LA CRISE DU DARFOUR : UNE CONSEQUENCE

DE LA FRAGILITE DU SYSTEME POLITIQUE SOUDANAIS.

La crise qui secoue actuellement le Darfour illustre de l'inefficacité du système politique adoptait par le Soudan depuis son indépendance. Aujourd'hui beaucoup de provinces ne se retrouvant pas dans ce système, se sentent marginalisées. C'est à l'image de celle du Darfour qui a déclenché une guerre civile contre le régime en place. Dans cette partie nous mettrons l'accent sur le fondement du système politique soudanais adopté en faveur des provinces (A) mais aussi sur l'inadaptation de ce système par rapport aux réalités du pays (B).

A/ le fondement du système politique soudanais

L'ampleur de la crise qui se déroule actuellement au Darfour est la conséquence d'un système politique soudanais toujours en construction. En effet au lendemain de son indépendance, le Soudan a voulu adopter un système politique basé sur un gouvernement fédéral qui visait l'unité du pays et la direction de la politique générale. Cependant cette aspiration va rencontrer l'opposition des

22 P F Gonidec, Les Relations Internationales Africaines, .. .Op. , Cit., p. 148

régions périphériques dont le Sud et le Darfour qui souhaitèrent le maintien de leur spécificité culturelle et religieuse et au partage des ressources économiques23. Malgré tout l'Etat soudanais a entrepris des initiatives pour une meilleure administration du pays.

La première initiative fut l'autonomie qui a été accordé à la Province du Sud. En effet c'est la Province du Sud sous le régime du Général NIMEIRI qui fut la première à bénéficier d'une autonomie obtenue suite à l'Accord d'Addis-Abeba de 1972. Cette année marqua le point de départ de l'expérience de l`autonomie régionale du pays, par la loi sur l'autonomie régionale des provinces du Sud. Par la suite une autre région, celle du Kordofan (centre du pays) va bénéficier d'une dévolution du pouvoir. Cependant la reprise de la guerre en 1983 par les populations du Sud poussera les autorités de l'époque à abroger cette loi portant sur l'autonomie.

La deuxième initiative correspond à la prise du pouvoir le 30 juin 1989 par le Président Omar Al BECHIR. En effet une fois arrivé au pouvoir, ce nouveau régime qui se veut consensuel, global et cohérent va activer le projet fédéraliste qui a été abandonné par l'ancien régime. Par ailleurs le régime de 1989 fait le règlement de la question du Sud l'objet de sa prise du pouvoir. Le nouveau projet fédéral que le Président BECHIIR instaure, se veut l'expression du désengagement de l'Etat bien que les organes du gouvernement soient nommés par le pouvoir et pas élus par le peuple. L'objectif affiché est une meilleure répartition du pouvoir et des richesses, d'impulser le développement et de résoudre la question des rapports entre la religion et l'Etat. Ainsi le nouveau système politique adopta des décisions salutaires qui reposent sur trois piliers : la charia au Nord, la démocratie participative et le système fédéral. Tout ceci sera concrétisé par le décret constitutionnel du 04 Février 1991 qui va diviser le pays en 9 Etats fédérés, Darfour en trois sous - Etats et le Sud en neuf avec la dotation de chaque Etat d'un budget et d'une personnalité propre, l'engagement

23 Cf. Pierre-Paul Dika, La crise du Darfour..., op. Cit. p. 2

de l'Etat central à reverser 20% de ses ressources pour assurer le fonctionnement de la décentralisation et le retour de l'administration indigène.

Mais des difficultés vont survenir au niveau de l'application de ce décret. D'un coté l'Etat n'a pas respecté ses engagements puisque constatant que le Sud est une région riche en pétrole il a voulu dissocier le fédéralisme politique et le fédéralisme économique. D'un autre coté, le Sud a vu dans ce décret une façon de mettre en compétition leurs valeurs locales et régionales aux valeurs universelles. Conséquence ils ont opté pour la continuation de la guerre et ce n'est qu'en 2002 qu'ils ont accepté de négocier avec le régime de Khartoum. Cependant en obtenant de grandes concessions pour leur Province, ils venaient de montrer « la voix à suivre » pour se faire reconnaître dans cet immense Etat, à la Province du Darfour.

Démontrant ainsi de l'inefficacité du système politique soudanais dans ses rapports avec les provinces périphériques.

B/ L'inadaptation du système par rapport aux réalités du pays

« L'inadaptation des structures politiques africaines est révélée à la fois par l'existence de formes d'Etat qui ne reflètent pas les caractéristiques des sociétés africaines et d'un appareil d'Etat »24. Ces propos trouvent aujourd'hui toute leur véracité dans la situation qui prévaut au Soudan. En effet La tourmente dans laquelle le Soudan vit depuis 1956 démontre que le régime en place n'a pas toujours trouvé un système politique adapté aux réalités du pays. En outre pour pouvoir apprécier le fédéralisme institué par le Front National Islamique (FNI)25, nous nous sommes intéressés au fonctionnement de celui-ci. Par ailleurs ce fédéralisme régit par le décret constitutionnel de 1991 avait divisé le Soudan en 9 Etats fédérés, qui reprennent les contours des anciennes provinces. Ce décret sera complété par celui de 1994 qui va désormais diviser le pays en 26 Etats

24 P F Gonidec, Les Relations Internationales Africaines, ~Op. , Cit., p. 17

25 C'est ce front qui avait pris le pouvoir en juin 1989 et c'est lui qui gouverne toujours le Soudan avec comme chef de file le Président Omar Al BECHIR

(voir carte p. 26). Le fédéralisme adopté par le Soudan avait doté à chaque entité fédérée un exécutif et une assemblée locale :

L'Etat fédéré ou Wilaya était gouverné par un gouverneur ou Wali, un gouverneur adjoint et des ministres. Tous ces membres de cette administration locale étaient nommés par le chef de l'Etat. Ils font serment d'allégeance au régime et s'engagent à respecter les décrets constitutionnels et la loi. Justement c'est là ou l'analyse du fédéralisme soudanais est intéressent. En effet un fédéralisme dans lequel les dirigeants locaux sont nommés et non élus par les populations de la localité ne peut bien fonctionner. Par ailleurs dans un fédéralisme l'objectif visé est de laisser la gestion des affaires locales aux populations elles même. Dans ce cas toute équipe venue de l'extérieur peut être considérée comme une intruse et peut être rejetée par la population. Ce qui peut crée des tensions entre l'équipe dirigeante et la population locale. On se demande aujourd'hui si ce n'est pas là où réside tout le mal du Soudan qui semble ne pas vouloir laisser les provinces la gestion de leurs affaires alors que le pays est fédéral. C'est pourquoi Marc Lavergne n'a pas hésité à déclarer que « le terme d'Etat fédéré paraît donc abusif, et na que des rapports lointains avec les modèles auxquels il est fait référence, comme le Canada, l'Australie, le Brésil, le Nigeria... »26.

L'autre élément de ce fédéralisme à la « soudanaise » c'est l'Assemblée Représentative. En effet dans ce système chaque Wilaya est dotée d'une Assemblée, chargée de la choura, c'est-à-dire le « le conseil » de l'exécutif et des fonctions législatives notamment l'adoption de textes législatifs. Les membres de l'assemblée sont élus, promus ou choisis selon une procédure très complexe, qui se veut une transposition d'un « modèle islamique »27. Ces membres s'engagent à travailler sans aucune attache partisane. La durée des législatures est de deux ans à partir de la première séance mais celle-ci peut être étendue de

26 Cf. M Lavergne, le nouveau système soudanais ou la démocratie en trompe l'oeil, Politique Africaine, no 66, juin 1997, pp.23-38

27 Pour plus de détails Cf. M Lavergne. , Ibid., pp.23-38

deux ans encore par un simple décret pris par le chef de l'Etat. Là encore le système mérite une réflexion. En effet comment un décret présidentiel peut prolonger le mandat des députés élus au niveau local et sensés représentés des populations à la base. Cela ne revient t-il pas à dire que pour la deuxième législature les membres de l'Assemblée locale sont nommés par le chef de l'Etat au même titre que les membres de l'exécutif fédéral ?

En tout état de cause deux données fondamentales semblent militer en faveur
d'un système fédéral au Soudan : c'est d'abord la superficie du pays. En effet
avec 2,5 millions de km2 le Soudan fait cinq fois la France et devient en même

temps le plus grand pays d'Afrique et du monde Arabe. C'est ensuite la diversitédu pays. En effet avec une population aux quatre cinquième rurales et divisée en

nombreux groupes ethniques, communautés linguistiques, obédiences religieuses et genres de vie, le Soudan détient aujourd'hui une donnée démographique très complexe.

Ces deux données auraient du permettre au régime d'imaginer des réformes plus adaptées aux réalités du pays. Cela pouvait, peut être évité la situation dans laquelle l'Etat se baigne depuis 2003 avec notamment la crise du Darfour. Crise qui présente aujourd'hui beaucoup d'enjeux.

SOURCE : Cf. M Lavergne, le nouveau système soudanais ou la démocratie en trompe l'oeil, Politique Africaine, no 66, juin 1997, pp.23-38

SECTION II : L'ENJEU DE LA CRISE DU DARFOUR

L'U.A fait face aujourd'hui au Darfour une crise très difficile à gérer. En effet en 2003 quand la crise éclatait, nombres d'observateurs avaient essayé de créer des dissemblances avec le conflit du Sud. Très vite ils se rendirent compte que ces deux guerres avaient presque les mêmes origines. Ce qui va nous pousser légitimement à voir dans cette partie les revendications de la Province du Darfour (paragraphe I) mais également à s'interroger sur l'enjeu que cette crise présente en dehors du territoire soudanais (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : LES REVENDICATIONS DE LA PROVINCE DU
DARFOUR

Le facteur déterminent de la crise du Darfour c'est bien sür la volonté des mouvements rebelles à aller jusqu'au bout de leurs revendications. En effet ces mouvements motivés par la satisfaction des revendications de la Province du Sud ont également axé les motifs de leur insurrection sur deux points essentiels à savoir sur la meilleure répartition des ressources (A) mais aussi sur une participation aux instances de décision (B).

A/ Une meilleure répartition des ressources

Ce qui se passe actuellement au Soudan ressemble à ce que le Professeur Mamoudou Gazibo appelle « les conflits africains, produits de stratégies de politiciens investisseurs »28. En effet selon cet auteur « le motif ethnique comme source intrinsèque des conflits africains doit être nuancé en termes d'acteurs. Car il s'agit plutôt d'une instrumentalisation politique des acteurs de ce clivage ethnique »29. Si l'on se fit à cette analyse du Professeur Gazibo l'on se rend compte que le Darfour a certes connu dans le passé des situations d'affrontements entre éleveurs et agriculteurs mais parallèlement se développait

28 . M Gazibo, Introduction à la politique. , cit. , p.129

29 M Gazibo, introduction à la politique..., Ibid., p. 129

le recours aux mécanismes traditionnels de réconciliation. D'ailleurs ces genres d'affrontements sont fréquents dans la zone sahélienne du Sénégal au Soudan30. Donc comme le dirait Marc Lavergne « le conflit du Darfour n'est pas racial »31. . En effet selon Lavergne il s'agit d' « une guerre d'exploitation économique »32. Puisque le pays dispose des ressources naturelles énormes.

D'abord le pays est riche en pétroles car selon les prévisions du Forum des Marxistes Révolutionnaires la production pétrolière s'élèverait à quelques 500.000 barils par jour33. Cependant les revenus de ce produit qui pourtant provient en grande partie des provinces sont inégalement répartis. En effet selon toujours Marc Lavergne : « les darfouriens n'ont jamais profité de la manne pétrolière, en dépit du sous développement de cette localité laissée à la merci des autorités de Khartoum »34.

Ensuite l'autre richesse du Soudan c'est l'agriculture. Les principaux produits agricoles sont le coton, le sésame, l'arachide, la gomme arabique dont le Soudan est le premier producteur mondial et le sucre (troisième producteur en Afrique)35. Cependant là aussi cette richesse pose problème. En effet les grandes compagnies agro-industrielles du Golf, saoudiennes, émirats~sont détentrices des dizaines de milliers d'hectares qui leur étaient octroyées par le Général NIMEIRI depuis les années 1960. Cette agriculture soudanaise se développe selon un modèle capitaliste. Les populations pauvres des provinces telles que le Darfour sont dépossédées de leurs terres au profit de ces compagnies.

Aujourd'hui l'un des points d'achoppement entre Khartoum et les mouvements rebelles du Darfour réside sur ces richesses du pays que le régime en place veut exploité en marge de la Province. Ceci est d'autant plus vrai que la crise a éclaté

30 Cf. Anne-Marie Impe, Le Contexte des populations marginalisées ; Enjeux Internationaux, www.enjeuxinternationaux.org

31 Cf. Marc Lavergne, Le conflit du Darfour n'est pas racial ; www.marc.lavergne.com

32 Cf. Marc Lavergne, Le conflit du.., Ibid

33 Cf. Forum des Marxistes Révolutionnaires, Soudan/ Darfour, Les enjeux de la crise ; www.revolutionceleonet.fr

34 Cf. Marc Lavergne, Le conflit du ..., Ibid

35 Cf. Forum des Marxistes Révolutionnaires.., Ibid

lorsque les populations du Darfour ont senti que leur localité pouvait être exclue du Protocole de Machakos de 2002.

Pour finir nous dirons que parmi toutes ces richesses, le pétrole constitue l'élément le plus déterminant de ce conflit. En effet c'est la découverte de ressources pétrolières dans la province qui suscitent de nombreuses convoitises de la part des grandes puissances telles que la Chine et les Etats-Unis d'Amérique.36 Cependant les rebelles ont également une autre revendication.

B/ Une participation aux instances de décision

En dehors des revendications fondées sur la répartition équitable des ressources du pays, les mouvements rebelles réclament également une relative autonomie de leur Province. En effet les conflits africains d'après guerre froide s'expliquent en grande partie par la lutte pour l'autonomie gouvernementale. Lorsque des mécanismes illégitimes sont institués pour verrouiller l'accession au pouvoir et la gestion des ressources, la lutte pour le pouvoir ne peut être que violente37. Dans cette situation il en résultera deux groupes au sein de l'Etat : les insiders qui profitent du système instauré et des avantages et qui ne souhaitent jamais le départ du régime, et les outsiders qui en sont exclus.

Cette forme de gestion a conduit au développement de larges espaces de non- droit auxquels les populations tentent de se soustraire et à l'exacerbation des antagonismes en raison de l'exclusion de groupes entiers tels (politiques, ethniques, religieux ou régionaux) de la gestion des ressources étatiques38. Au Soudan c'est plutôt l'exclusion des populations des régions qui pose problème. En effet depuis 1956 Khartoum aurait une tendance marginalisant des Provinces comme l'illustrent ces deux guerres contre la Province du Sud.

Aujourd'hui c'est la Province du Darfour qui est dans ce collimateur. En effet
cette Province occidentale du Soudan a pris les armes en 2003 au moment où un

36 CF Article de Wikipédia, Guerre Civile au Darfour ; www.wikipedia.org

37 Cf. P. E Bakong et M. Gazibo, les nouveaux conflits..., op. Cit. p. 106

38 Cf. P. E. Bakong et M. Gazibo, les nouveaux conflits..., Ibid..., p. 107

accord de paix définitif entre le pouvoir central et le mouvement SPLA s'apprêtait à être signé. Cet Accord octroyant une autonomie à la Province Sud du pays a incité le Darfour à se révolter réclamant lui aussi une autonomie pour sa Province. Cela montre du coup que le problème fondamental du Soudan réside dans le monopole du pouvoir par une petite élite composée d'arabes de la vallée du Nil et non pas un problème religieux. Le Darfour, en effet, est à 100% musulman, et la guerre civile qui s'y déroule depuis cinq ans n'est pas le fait d'une lutte « arabes contre africains », comme on l'a trop souvent écrit39. En effet selon Anne-Marie Impe la distinction entre tribus « arabes » et « négroafricaines » est plus délicate qu'il n'y paraît : un étranger aurait du mal à distinguer un Arabe du Darfour d'un Africain, ce qui montre que l'identification est plus culturelle que raciale »40

Par ailleurs l'intervention de l'U.A pour apaiser cette crise rencontre un obstacle majeur au Darfour. Celui des deux grandes mouvements rebelles l'ALS et le MJE déterminés à aller jusqu'au bout de leurs efforts. Cependant l'autre élément qui rend également l'intervention de l'U.A difficile c'est bien sür l'enjeu que la crise présente en dehors du Soudan.

PARAGRAPHE II : l'ENJEU EXTERIEUR DE LA CRISE

Pour comprendre réellement ce qui se passe au Darfour, il est important de retracer la position géographique du Soudan dans le continent africain. En effet si l'on sait que le pays a comme Etats limitrophes le Tchad, l'Egypte, l'Ethiopie, la Somalie, l'Ouganda, la Libye la République Démocratique du Congo, la République Centrafricaine et le Kenya, l'on peut imaginer aisément l'ampleur que la crise du Darfour pourrait présenté (voir carte ci-dessous). Ceci est d'autant plus vrai que nous avons choisi de classer ces Etats en deux catégories. Dans la première catégorie nous avons le Tchad, l'Ethiopie, la Somalie la RDC,

39 Cf. Gérard Prunier, Paix Fragile et Partielle au Soudan, le Monde Diplomatique, Archives février 2005 ; www.monde-diplomatque.fr

40 Cf. A. M. Impe, le Contexte des populations.......op. Cit.

l'Ouganda, le Centrafrique et le Kenya. Ce groupe est connu par son instabilitépolitique. Dans la deuxième catégorie nous avons la Libye et l'Egypte très
influents dans les relations internationales. Cependant dans le cadre de notre
étude nous évoquerons uniquement les rapports de la crise avec le Tchad et la
République Centrafricaine du fait que ce sont ces deux Etats qui sont les plus
concernés par le conflit (A). Par ailleurs la crise suscite également beaucoup
d'intérêts pour les puissances étrangères (B).

Source : Accueil : aménagement Linguistique dans le Monde, Le Soudan, www.tlfq.ulaval.ca

A / L'enjeu sous-régional de la crise du Darfour.

Les obstacles rencontrés par l'U.A dans son intervention au Darfour s'expliquent en grande partie du fait que le conflit ne se passe pas uniquement à l'intérieur des frontières soudanaises. En effet ce conflit a des liens avec le Tchad et la République Centrafricaine deux Etats frontaliers du Soudan.

D'abord les liens du conflit avec L'Etat tchadien peuvent avoir deux raisons. Il peut s'agir des raisons politiques. En effet le Président tchadien jusqu'en 2006 était le principal facilitateur du dialogue inter- soudanais. Ceci peut avoir une triple explication :

La première explication tient au fait qu'en 1990 c`est le Darfour que le Président Idris Deby avait utilisé comme base arrière pour venir renverser le régime de Hisséne Habré. Il doit alors « rendre la monnaie » aux darfouriens étant donné même que l'ex chef militaire de l'ALS Abdallah Abakhar avait largement contribué à sa victoire.

La deuxième explication réside dans ce que, Patrice Emery et Mamoudou Gazibo appellent « les conflits africains produits des découpages coloniaux des Etats africains »41. En effet selon ces auteurs des groupes aux traits culturels identiques et ayant toujours vécus ensembles se trouvent aujourd'hui séparés par la tracée arbitraire des frontières. Cette donne justifie aujourd'hui largement l'indifférence du conflit darfourien vis-à-vis de l'Etat tchadien. En effet d'origine Zaghawas, comme nombre de ses officiers, le Président tchadien a subi des pressions pour arrêter les exactions auxquelles sont soumises ses « cousins » soudanais42. La troisième explication politique qui lien le Tchad et la crise du Darfour demeure la rivalité qui existe entre les deux Etats. En effet le Soudan et le Tchad s'accusent mutuellement de soutenir leurs rebelles respectifs. Le Tchad critique les incursions des milices arabes qui pourchassaient les populations noires à l'intérieur des frontières tchadiennes.

41 P. E. Bakong et M. Gazibo, les nouveaux conflits..., op. Cit. p. 103

42 Cf. Mamoudou Gazibo, Introduction à la politique..., op. Cit. p.148

Pire Khartoum est accusé par Ndjaména d'avoir aidée la grande offensive rebelle qui a failli renverser le Président Deby au début de l'année 2008. De son coté non seulement le territoire tchadien est considéré par le Soudan comme une base arrière de l'ensemble des mouvements rebelles du Darfour mais également le régime de Deby est perçu comme ayant formaté l'offensive menée par le Mouvement pour la Justice et l'Egalité vers Khartoum au début du mois d'avril 2008. Conséquence aujourd'hui il n'y a plus de relations diplomatiques entre Ndjaména et Khartoum, alors même que les deux Etats venaient de signer un accord de paix à Dakar au mois de mars de la même année.

Ensuite le Tchad joue un rôle non négligeable dans la crise du Darfour notamment dans le domaine humanitaire. En effet les populations civiles du Darfour qui subissent des violences sur leur territoire trouvent refuge sur le territoire voisin notamment du Tchad. Aujourd'hui, les estimations s'élèvent à quelques 500 000 personnes qui se sont réfugiées ou déplacées à l'Est du Tchad à cause des exactions commises au Darfour43.

En dehors du Tchad le conflit du Darfour a également des répercussions sur la République Centrafricaine. En effet le 30 octobre 2006, le Gouvernement centrafricain a accusé le Soudan d'agression après l'attaque et l'occupation de deux départements du Nord-Est par un mouvement rebelle présenté comme bénéficiant du soutien de Khartoum.

En définitive le fait que le conflit du Darfour soulève aujourd'hui tant de bruits entre le Soudan et ses voisins les plus immédiats ne facilite pas un règlement pacifique de celui-ci. Conséquence la Mission de l'Union africaine au Soudan (AMIS) qui a prit aujourd'hui la dénomination de la MINUAD rencontre d'énorme difficultés pour parvenir à une solution pacifique de la crise. L'autre élément explicatif de l'ampleur de cette crise est le fait qu'elle est largement entretenue par des puissances étrangères qui trouvent leurs intérêts dans celle-ci.

43 Cf. Xavier Zeebroek, Pamphile Sebahara et Federico Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, in Groupe de Recherche te d'information sur la Paix et la Sécurité, www.grip.org

B / Le rôle des acteurs internationaux dans la crise du Darfour

Répondant un jour à une question posée par un journaliste, le Président sénégalais son excellence Maître Abdoulaye Wade disait : « je ne sais pas si je dois dire heureusement ou malheureusement mon pays le Sénégal ne dispose pas de pétrole ». Cette phrase résume en grande partie la situation qui prévaut au Darfour. En effet tout se tourne au tour de cette ressource naturelle qui est le pétrole. Par ailleurs si l'on en croit au Professeur M Gazibo les conflits africains sont les produits de l'ingérence de tierces parties notamment les pays et firmes occidentales44. Ceci est d'autant plus vrai que la plupart des pays africains disposant de ressources naturelles sont dans des conflits internes ou dans une instabilité politique. Ainsi on peut citer les exemples de la Cote d'Ivoire qui dispose du café et du cacao, de l'Angola qui est regorgé d'énormes gisements pétroliers, de la République Démocratique du Congo qui est réputé pour son cuivre, son zinc et son cobalt, du Soudan qui est connu pour sa richesse en pétrole~la liste est loin d'être exhaustive.

Pour ce qui est du Soudan, il faut dire que tout est parti de 1980 lorsque l'entreprise américaine Chevron découvre que la partie méridionale du pays dispose d'importantes réserves de pétroles. Le Président de l'époque Gafar NIMEIRI décide alors d'abroger un accord qui faisait de cette partie du pays une région autonome et l'intègre de force au Soudan. Le mouvement rebelle (SPLA) décida alors de prendre à nouveau les armes. La guerre reprit ainsi en 1983. Cependant Chevron qui avait commencé à exploiter les champs pétroliers fut la cible de plusieurs attaques et de massacres répétés et suspend ainsi le projet en 1984. En 1992 il vendit ses concessions de pétroles soudanaises. La Chine commença alors à développer les champs abandonnés par Chevron en 1999 avec des résultats notables45. La société américaine décide de s'implanter au Tchad

44 Cf. Mamoudou Gazibo, Introduction à la politique...., op., cit., p.132

45 Cf. Soudan/ Darfour, Les enjeux de la crise op. .. .op.cit,

voisin du Soudan pour exploiter son pétrole. Cependant l'Etat tchadien commence aujourd'hui à regarder aussi vers la Chine.

Pour les Etat -Unis il faut donc soutenir le mouvement rebelle de Minni Minnawi Arkoi (ALS) comme en témoigne l'audience que le Président BUSH a accordée à ce dernier le 25 juillet 2006, pour que ce mouvement prenne le contrôle des ressources pétrolières du coup écarter la Chine.

Pour la Chine de son coté il n'est pas question de laisser aux américains contrôler le pétrole partout dans le monde, particulièrement en Afrique46. Par ailleurs la région centrale entre le Tchad et le Darfour est une priorité pour Pékin En effet la Chine prend entre 65 % à 80% des 500.000 barils/ jour de production du Soudan. C'est donc 8% du pétrole chinois qui provient du Soudan du coup Khartoum est devenu le quatrième fournisseur de pétrole de la Chine47.

Aujourd'hui les auteurs n'ont pas hésité à qualifier cette confrontation interposée entre Washington et Pékin d'une « nouvelle guerre froide » pour le pétrole. Cette donnée objective a mis l'U.A dans une position non confortable dans son intervention au Darfour. Par ailleurs c'est l'ensemble de ces éléments qui ont confiné la MUAS dans un immobilisme paralysant la poussant jusqu'à avouer son incapacité à résoudre seule la crise. Cependant la plupart des obstacles rencontrés aujourd'hui sur le terrain sont également imputables à l'U.A elle-même.

46 Cf. F. William Engdahl......

47 Cf. Soudan/ Darfour, Les enjeux de la crise ibid.

CHAPTRE II :

LES OBSTACLES

INTERNES A L'UA

Depuis sa première mission de maintien de la paix au Tchad qui se situe entre 1979 et 1982 en passant par les missions d'observation organisées au Rwanda en 1991 avec le Groupe neutre d'observateurs militaires (GNOM), au Burundi avec l'envoie de la Mission pour la protection et le rétablissement de la confiance (MIPROBU) en novembre 1993..., les opérations de maintien de la paix (OMP) n'ont jamais étaient un succès pour la défunte OUA. Aujourd'hui avec l'avènement de l'U.A, tout espoir était permis que l'Afrique allait enfin être autonome sur ce domaine. Cependant avec le soutien sollicité par la Muas aux NU, pour pouvoir continuer ses activités au Darfour, l'humanité se rend compte que les vieilles habitudes n'ont pas changé. C'est pourquoi William Assanvo n'a pas hésité à dire que « le chemin à parcourir pour développer des capacités dans le domaine de la sécurité et de la stabilité [...] pour en devenir l'acteur à part entière est parsemé d'embûches et caractérisé par des avancées et reculs, des moment de doute »48. En effet les difficultés rencontrées au Darfour mise à part la nature du conflit lui-même, ont principalement deux raisons. La première est due à la façon dont la Muas a été élaborée (section I). La deuxième raison a pour fondement le traditionnel problème de moyens (section II).

48 CF. W Assanvo, l'Afrique à l'épreuve du maintien de la paix, op. Cit.

SECTION I : LA MUAS : UNE MISSION VOUEE A L'ECHEC.

Au lendemain de l'Accord de cessez- le- feu signé à N'djaména le 08 avril 2004 entre les autorités soudanaises et les rebelles du Darfour, le CPS de l'U.A prit d'urgence des mesures pour envoyer des observateurs dans la Province. Cette mission qui aura comme nom la Mission de l'Union Africaine au Soudan (MUAS ou AMIS sous son acronyme anglais) était chargée de ramener la paix au Darfour. Cependant quatre ans depuis le début de ses activités, la MUAS est toujours au stade embryonnaire au point de solliciter le soutien des Nations Unies. Il s'agira d'abord dans cette partie de monter que la dimension de la crise est très grande par rapport à une organisation qui vient à pêne de « naître » (paragraphe I). Ensuite de prouver que l'U.A avait une tendance négligente de la crise au départ (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : UN MANQUE D'EXPERIENCE DANS LE DOMAINE
DU MAINTIEN DE LA PAIX.

La volonté des africains de régler leurs propres conflits a toujours été présente dans l'esprit des dirigeants. Et cela s'est matérialisé avec l'ancienne Commission de Médiation de Conciliation et d'Arbitrage et avec l'ex Mécanisme de Prévention de Gestion et de Règlement des Conflits. Cependant les actes posés par ces deux organes dans le domaine du maintien de la paix n'ont pas produit un grand succès. Aujourd'hui avec la mise sur pied du Conseil de Paix et de Sécurité de l'U.A beaucoup d'espoir vient de renaître. C'est ainsi que cet organe qui a vu le jour en plein conflit du Darfour n'a pas hésité à constituer une mission de paix. Mais ce fait non négligeable constitue aujourd'hui l'une des principales limites de la MUAS au Darfour (A). On se demande également vu la réaction tardive de l'U.A si celle-ci pouvait mieux faire (B).

A / Le CPS : un organe jeune pour résoudre une telle crise.

L'Acte Constitutif de l'U.A est entrée en vigueur en juillet 2002. Dans cet acte iiétait prévu de la mise sur pied du CPS. Le Protocole portant création de ce CPS

est entré en vigueur le 26 décembre 2003 et son lancement officiel a eu lieu le 25 mai 2004. C'est sur le fondement de ce protocole que l'U.A est intervenue au Soudan. En effet à travers ce conseil les dirigeants africains affirment leur volonté de jouer un rôle plus actif dans la prévention et la résolution des conflits et crises et plus généralement dans la promotion de la sécurité et de la stabilité du continent49. Dans l'objectif de réaliser cet ambitieux projet, le CPS a crée une mission de maintien de la paix au Soudan. Cependant cette première expérience de cet organe a toutes les difficultés du monde à arriver au bout de cette crise. Cela peut être du à deux raisons fondamentales :

La première raison concerne la dimension de la crise. En effet comme nous l'avons évoqué dans le premier chapitre, cette crise a des origines solides car se déroulant dans un pays où l'instabilité politique et la guerre civile constituent la règle et la stabilité l'exception. Dans cette hypothèse vouloir résoudre une telle crise n'est pas une chose aisée, cela relèverait même de l'imaginaire pour des organisations africaines dont le règlement des conflits les moins complexes n'a jamais était une chose facile pour elles.

La deuxième raison touche le processus de mise en oeuvre du CPS. En effet entré en vigueur le 26 décembre 2003 mais lancé qu'en mai 2004, le protocole portant création du CPS a démarré officiellement ses activités qu'un an après le déclenchement des hostilités au Darfour c'est-à-dire le 23 février 2003. Cette donnée qui peut paraître sans importance pour certains constitue à notre égard un élément de taille dans les nombreuses limites que la MUAS rencontre aujourd'hui au Soudan. En effet cet organe de l'U.A n'a même pas eu le temps de poser ses jalons pour s'engager dans une résolution de crise. Ce manque

49 CF. W Assanvo, l'Afrique à l'épreuve..., op.cit, p. 2

d'expérience dans un domaine aussi complexe que celui du maintien de la paix a été notoire. C'est ainsi que toutes les actions que le CPS a entreprises pour régler la crise du Darfour ont été pris avec un manque de précision. Par ailleurs le nombre réduit du personnel administratif et militaire de la première mission d'observation ainsi que l'ambiguïté des accords donnés par les différentes parties au conflit illustrent bien la précipitation dans laquelle la MUAS a été élaborée.

Cependant cette seconde justification peut être relativisée pour deux motifs. D'abord parce que le règlement des différends en Afrique a toujours été l'apanage d'une seule personnalité. Cette personnalité qui a toujours pris le nom de facilitateur (le plus souvent un chef d'Etat) a toujours utilisé les techniques africaines de règlement des conflits pour parvenir à ses fins notamment la médiation, la conciliation et l'arbitrage. Les organisations africaines dans le cadre de leur mission de paix ont l'habitude de s'appuyer sur cette personnalité pour arriver à régler leurs conflits à ce titre on peut donner l'exemple de la médiation du Président Blaise Comparé dans la crise inter ivoirienne, celle du Président Yaya Jammeh dans le conflit casamançais, l'implication de l'Algérie dans la recherche de la paix dans le différend qui oppose l'Etat malien et les Touaregs... . Sur cette hypothèse le CPS pourrait s'appuyer sur la médiation déclenchée par le Président tchadien depuis le début de la crise pour résoudre la crise. En effet depuis septembre 2003 des efforts ont été fournis par son excellence Idiss Deby pour régler le conflit et cela a permis la signature d'un accord de cessez-le-feu à Ndjaména en avril 2004.

Ensuite, bien que les activités du CPS soient postérieures au déclenchement de la crise, l'ensemble du processus de l'U.A était mis en oeuvre pour obtenir l'arrêt des violences au Soudan. En effet, tous les efforts déployés par Ndjaména ont été soutenus par la Commission de l'U.A en procédant à des consultations des différentes parties soudanaises. Sur cette lancée le CPS pourrait s'appuyait sur le travail de la commission pour continuer le processus de paix. Dés lors on se

demande si l'antériorité de la crise par rapport à l'entrée en vigueur du Protocole portant création du CPS constitue en soi un handicap majeur pour la paix au Darfour. Cependant faudrait t-il que les organisations africaines dans le cadre des missions de maintien de la paix qu'elles créent apprennent à réagir vite pour pouvoir maîtriser les crises à temps.

B / Une réaction tardive de l'U.A dans son intervention au Darfour.

Les opérations de maintien de paix initiées par la communauté internationale de manière générale et de l'Afrique en particulier n'arrivent sur le terrain qu'après la dégradation de la situation. C'est ainsi que le Conseil de Sécurité des Nations Unies dans le cadre de son intervention en Somalie, adopta les résolutions 794 du 3 décembre 1992 et la résolution 814 du 26 mars 1993 que devant la dégradation de la situation et l'inefficacité de l'embargo et de ses actions antérieures50. De même que la résolution 872 du Conseil de Sécurité fut décidée alors que les rapports entre le gouvernement rwandais et la guérilla tutsie avaient fini de se détériorer. Dans le même ordre d'idée l'intervention de l'OUA au Tchad fut adoptée alors que la rébellion avançait à grands pas vers Ndjaména.

Aujourd'hui avec la mise sur pied du CPS, l'espoir était permis que l'Afrique allait réagir à temps contre les conflits qui naissent sur le continent. En effet le protocole portant création de ce conseil a prévu la constitution d'une force africaine pré positionnée. Cette force qui sera établie de façon progressive d'ici 2010 serait forte de 15 000 soldats51. Cependant le déploiement de la MUAS au Darfour laisse croire que cette limite est toujours présente dans les opérations de maintien de la paix africaines. En effet déclenchée au mois de février 2003, la crise du Darfour n'a reçu son salut q'au mois de septembre de la même année grace à la médiation tchadienne. Par ailleurs ce n'est qu'au mois d'octobre 2004

50 CF. A L Mbacké, Le maintien de la paix dans la paix dans les conflits africains post guerre froide : évolution, enjeux et perspectives, Thèse de Doctorat d'Etat en Sciences Politiques Université Cheikh Anta Diop de Dakar, p. 109

51 CF. A L Mbacké, Le maintien de la paix dans les conflits..., op. Cit. , p.253

que le CPS lors de sa dix septième réunion, a approuvé la mise sur pied d'une mission élargie, impliquant une force militaire et de police de 3 320 hommes. Cette lenteur dans les interventions africaines peut avoir pour raison fondamentale la durée des discussions en vue de constituer les forces devant être déployées sur le terrain. Cela peut être du également à l'absence de force de réaction rapide et de moyens financiers conséquents.

Tout ceci montre que l'U.A a beaucoup à apprendre du maintien de paix si elle veut prendre la relève des Nations Unies en Afrique dans ce domaine. Par ailleurs l'intervention au Soudan est aussi handicapée par la lecture que l'U.A avait faite de la situation.

PARAGRAPHE II : UNE TENDANCE NEGLIGENTE DE LA
SITUATION AU DEPART

Les opérations de maintien de la paix des organisations africaines créées pour résoudre les conflits africains arrivent sur les théâtres d'opération avec beaucoup de lacunes. En effet depuis les missions initiées par la défunte OUA jusqu'à celles entreprises par l'actuelle U.A, deux données fondamentales semblent laissées en rade par les décideurs africains. Ces données peuvent être lourdes de conséquences pour les missions de la paix durant toute leur existence. Il s'agit notamment de l'imprécision des mandats depuis le début (A) et l'habitude pour les dirigeants de créer une simple mission d'observation de la paix au départ (B). La MUAS n'a pas dérogé à cette règle.

A / l'Imprécision de la MUAS.

Les diverses interprétations que les acteurs de la crise soudanaise font de l'intervention de l'U.A montrent bien que le CPS n'avait pas prit au départ les précautions nécessaires pour rendre claire les règles d'engagement de sa mission. Cependant ce problème d'interprétation ne date pas d'aujourd'hui. En effet si l'on se réfère à l'unique opération de maintien de la paix créée dans

l'histoire de l'ancienne OUA, le problème y figurait déjà. Il s'est manifesté par la controverse qui apparut entre le Commandant de la force et le GUNT au sujet de l'interprétation des Accords de Lagos qui contenaient le mandat de la force. En outre le Sénégal et le Zaïre maintenaient une hostilité manifeste à l'endroit du Président Goukouni Wedeye, président du GUNT, qui était soupçonné d'entretenir des rapports intimes avec le colonel Kadhafi, taxé d'impérialiste et de communiste, et perçu comme un allié de l'ex --URSS menaçant le pré carré français52. Ainsi ce désaccord entre la force africaine et le GUNT en place sur l'interprétation des Accords de Lagos à conduit cette force d'assister impuissamment à la rupture des accords par l'une des factions celle de Hisséne Habré, et son entrée triomphale à Ndjaména en juin 1982.

Douze ans après, le même phénomène s'est presque reproduit au Rwanda. En effet le déploiement du Groupe d'observateurs militaires neutres de l'OUA en 1991 dans le but d'observer le cessez-le-feu entre les forces gouvernementales et celles du Front Patriotique Rwandais (FPR) n'a pas empêché le déclenchement du génocide après l'assassinat du Président Habyarimana.

Aujourd'hui le même problème est vécu par la MUAS au Darfour. En effet déployée à la suite de l'Accords de cessez-le-feu de Ndjaména du 08 avril 2004, le mandat de l'Union Africaine au Soudan n'est pas unanimement admis par les différents acteurs de la crise. Comme en illustrent les nombreuses attaques dont la mission fait l'objet. Les résolutions et accords en faveur du Darfour font également l'objet de diverses interprétations.

Le Soudan d'une part, rejetant la Rés. 1556 (2004) du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui a décidé de l'imposition d'un embargo sur la fourniture d'équipements militaires vers le Soudan et exigé du Gouvernement qu'il honore l'engagement de désarmer les milices janjawids et de traduire en justice tous ceux qui ont commis des violations des droits de l'homme et du droit

52 CF. M C D Wembou, L'OUA à l'aube du XXIème siècle : Bilan Diagnostique et Perspectives, op. , cit. p. 295

international humanitaire. La Rés. 1591 étant cet embargo au matériel militaire à destination de tous les belligérants au Darfour. Toutefois l'absence de liste de ces belligérants permet à la Chine et à la Russie de contourner la mesure, en arguant du manque de preuves que Khartoum participe aux attaques. D'autre part, l'Accord obtenu le 05 mai 2005 à Abuja n'a jamais fait l'unanimité des belligérants. En effet après cet accord intervenu entre le Gouvernement et la faction du principal mouvement rebelles, ALS, le conflit raviva. Tout simplement parce que les rebelles signataires de l'accord se joignirent aux forces gouvernementales pour combattre ceux qui ont refusé d'y prendre part. il s'agit en particulier du MJE et la faction minoritaire du M/ ALS.

Ces différents éléments ne facilitent pas à la MUAS de réussir son pari. En outre avec un personnel très réduit au départ, le mandat de la MUAS était également assis sur une coquille vide.

B / Un personnel réduit au départ.

C'est à la suite de la signature le 28 mai 2004 d'un accord sur les modalités de la mise en place d'une commission de cessez-le- feu, que l'U.A avait décidé d'envoyer 60 observateurs militaires africains (MILOBS) et 300 militaires chargés d'assurer leur protection. Cette mission, connue sous le nom de MUAS1 ou AMIS1 comprenait également des observateurs issus des parties soudanaises et de la communauté internationale notamment de l'Union Européenne et des Etats-Unis d'Amérique. Celle-ci avait pour mandat :

- de veiller au respect du cessez-le-feu

- de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire au Darfour

- de conjuguer leurs efforts en vue d'établir une paix globale et définitive au Darfour53.

Cependant cette première mission n'a pas pu remplir son mandat. En effet au
moment de son installation à El Fasher le 09 juin 2004 la situation sécuritaire et

53 CF. Opérations de Paix, Muas : historique et mandat, www.operationspaix.net

humanitaire continuait à se détériorer dans la Province du Darfour. Cette mission souffrait de deux obstacles majeurs.

Le premier obstacle tient à la taille réduite du personnel qui la composait. En effet l'efficacité initiale de la MUAS1 a été contrainte non seulement par son personnel très réduit mais aussi par les défis logistiques rencontrés sur le terrain. En outre le petit nombre d'observateurs déployés au Darfour, quelque ft leur efficacité et leur dévouement, ne pouvait assurer une surveillance significative d'un territoire qui est presque aussi grand que la France.

Le deuxième obstacle résulte au manque de collaboration des parties soudanaises à la mission d'observation de l'Union Africaine. En effet l'ensemble des parties n'avaient pas rempli leurs obligations au terme de l'Accord de cessez-le-feu humanitaire qu'elles avaient signé. Cela s'est traduit sur le terrain par l'accroissement des violations du cessez- le -feu.

Il en résultat comme conséquences une décision d'augmenter l'effectif des observateurs à 80. Cette décision fut prise lors de la troisième session ordinaire de la conférence de l'Union, tenue à Addis Abeba le 06 et 08 juillet 2004. Cependant cela n'a pas permis de changer la situation de façon significative.

Par ailleurs, l'U.A, les mouvements armés et la communauté internationale dans son ensemble indiquèrent que la MUAS1, compte tenu de sa faible capacité, ne pouvait mener à bien, et dans les délais impartis, les tâches qui étaient les siennes. A cause de ces facteurs, le sentiment général qui se dégageait était que la MUAS1 devait être renforcée. Ainsi elle fut transformée en une opération de maintien de la paix par la 13ème réunion du CPS tenue le 27 juillet 2004.

L'enseignement qu'on peut tirer de cette décision de l'U.A de transformer la première mission en une opération de maintien de la paix est qu'elle est venue un peu tard. En effet la neutralité de la première mission a eu pour conséquence de permettre aux différentes parties de la crise de jouer sur temps et de s'armer davantage. En outre l'ampleur de la crise ne laissait personne indifférente depuis le début y compris les membres de l'U.A. Par ailleurs une simple mission

d'observation pouvait t-elle faire grande chose à un conflit dont les origines datent des années 1979 ? Ceci étant la mission d'opération de maintien de la paix qui fut transformée communément appelée MUAS II a montré elle aussi ses limites.

SECTION II : LES INSUFFISANCES DE LA MUAS.

La MUAS est la Mission de l'Union Africaine au Soudan ou encore African Union Mission in Sudan (AMIS II). Elle a été mise en oeuvre après l'échec de la Mission d'Observation. A la différence de la première mission celle-ci est une mission d'opération de maintien de la paix dont le processus de mise en place a été approuvé par le CPS lors de la 17ème réunion tenue le 20 octobre 2004 et entériné ultérieurement par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cette opération a la lourde tâche :

- de désarmer et de neutraliser les milices janjawids,

- de protéger la population civile,

- de faciliter l'acheminement de l'assistance humanitaire54.

Cependant cette Mission n'a pu remplir correctement son mandat à cause d'un manque criard de ressources (paragraphe I) et des limites énormes dont elle souffre (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : L'INSUFFISANCE DES RESSOURCES.

Les difficultés que rencontre la MUAS au Darfour sont en grande partie dues à sa carence en ressources financières (A) d'une part et d'autre part à son personnel militaire très insignifiant par rapport à la grandeur de la mission (B). Ces difficultés ont poussé aujourd'hui à la MUAS à solliciter le soutien de la communauté internationale.

54 CF. Opérations de Paix, Muas.... Ibid

A / L'insuffisance des ressources financières.

Le constat des observateurs est unanime. Il a toujours existé un décalage entre les tâches confiées aux missions de paix des organisations africaines de façon générale et les moyens financiers mis en leur disposition. Cependant avec la naissance de l'U.A, une organisation qui s'est dotée d'institutions financières propres55 notamment de la Banque centrale africaine, du Fond monétaire africain et de la Banque africaine d'investissement, l'on pensait que ce problème serait un vieux souvenir. En outre la difficulté majeure que rencontre la MUAS au Darfour illustre que le problème de financement des missions africaines de paix est toujours présent.

Pourtant l'expérience de l'ancienne OUA sur ce domaine aurait du permettre à l'U.A de trouver une solution à cet obstacle qui handicape souvent les opérations de paix des organisations africaine. En effet ce problème de financement apparut très tôt avec la première opération de maintien de la paix créée par l'OUA pour restaurer l'ordre au Tchad entre 1979 et 1982. Cependant cette mission n'est pas parvenue à faire cesser la guerre civile et l'opération s'était avérée très coüteuse pour le Nigeria. Depuis l'organisation de l'unité africaine se limitait à des groupes d'observateurs, comme se fut le cas au Burundi avec la MIPROBU, au Rwanda56 également. Cette volonté de l'OUA « d'éviter des opérations de maintien de la paix complexes et onéreuses » et de se cantonner à des opérations d'observation et de vérification a permis selon Anne Sophie Millet-Devalle à l'OUA « de jouer un rôle marginal dans les conflits africains »57.

La première opération de maintien de la paix sous l'ère de L'U.A démontre que
le financement des missions de paix des organisations africaines n'est pas un

55 CF. Acte Constitutif de l'U.A, article 19 intitulé les institutions financières.

56 CF. A. S Millet-Devalle, L'évolution des opérations de maintien de la paix en Afrique, Revue Arès, no 50, Volume XX, Fascicule 1 janvier 2003 pp 11 et s

57 CF. A S Millet --Devalle, L'évolution.....ibid.

obstacle facile à surmonter. En effet la MUAS souffre aujourd'hui d'énorme limites financières au Darfour comme en illustrent ces deux faits :

D'abord l'aveu fait par l'Union africaine d'être incapable de résoudre seule la crise. En effet le 12 janvier 2006 le CPS avait pris la décision de principe de transférer la MUAS aux Nations Unies, compte tenu des limites objectives, liées au manque de ressources financières, pour une opération qui coûte près de 23 millions de dollars américains par mois.

Ensuite la Conférence d'appel de fonds pour la mobilisation des ressources nécessaires au maintien et au renforcement de la MUAS, tenue à Bruxelles, le 18 juillet 2006. En effet lors de cette conférence l'Union africaine avait exprimé une requête de 440 millions de dollars américains, sous forme de soutien logistique et financier. Bien que cette demande ait obtenu une réponse favorable de la part de seize Etats, pour un montant global de près de 200 millions de dollars américains, l'on constate que la somme dégagée ne répond pas à toutes les attentes de la MUAS.

Par ailleurs ces limites financières ont eu pour conséquences de paralyser les activités de la MUAS. En effet cette dernière n'a pu empêcher les attaques contre elle-même et contre les populations civiles. Elle n'a pas pu non plus faire face aux nombreux problèmes croissants au Darfour. Ces difficultés de la MAUS au Darfour ont également comme motif l'insuffisance du personnel militaire déployé sur le terrain.

B / L'insuffisance du personnel militaire.

Comme l'a souligné M Sidy Sady dans sa Thèse de Doctorat d'Etat « l'un des plus grands problèmes du maintien de la paix en Afrique réside dans le manque de ressources humaines pour ces opérations »58. En réalité, le personnel militaire existe mais les Etats africains ne sont jamais empressés de mettre à la disposition des organisations internationales de manière générale et celles de

58 CF. S Sady, la résolution ~op, cit. p 273

l'Afrique de façon particulière des forces permettant à ces organisations d'intervenir très rapidement. Néanmoins des tentatives de résolution de cette difficulté liée au manque de ressources humaines ont toujours été une préoccupation des organisations africaines.

D'abord l'ex OUA avait tenté de résoudre le problème en adoptant à Khartoum en 1978 la Résolution 635(CM/ Rés/) 635(XXXI) sur la force militaire interafricaine d'intervention. Cette force avait été effectivement créée en 1979. Cependant c'est au moment du déploiement de celle-ci au Tchad, que le problème d'effectifs s'était à nouveau posé.

Ensuite le CPS de l'U.A, entré en vigueur en 2004, a prévu dans son Protocole, la mise sur pied d'une force africaine pré positionnée, composée de contingents multidisciplinaires en attente et stationnée dans leurs pays d'origine.

Cependant la crise qui sévit actuellement au Darfour et qui allait constituer le premier Champ d'expérimentation de cette force africaine ne prédit pas des lendemains meilleurs pour le maintien de la paix en Afrique. En effet la MUAS qui a vu ses tâches augmenter après la 7ème session ordinaire de la Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernements suivi de la réunion du CPS qui s'est tenue à Banjul le 27 juin 2006 (Gambie) n'a toujours pas des effectifs nécessaires pour remplir sa mission. En outre l'élargissement du mandat de la MUAS aux missions de protection des convois humanitaires, aux patrouilles régulières tout au long de la frontière entre le Soudan et le Tchad et à la protection des civils, sans augmentation de son effectif a confiné la MUAS dans des difficultés majeures. Aujourd'hui cette force africaine qui opère au Darfour devait rassembler des contingents de l'ensemble des Etats membres de l'Union pour un total de 17 000 hommes. Mais la MUAS n'a reçu son salut que grace aux Etats comme le Nigeria, le Rwanda, l'Afrique du Sud, le Sénégal~etc, qui ont fourni le plus gros des effectifs59. Selon Gérard Prunier « les effectifs sont

59 CF. G Prunier, La chronique d'un « Génocide ambigu » Monde diplomatique Mars 2007, www.mondediplomatique.fr

trop faibles : il faudrait au moins trente mille hommes pour couvrir les cinq cent mille kilomètres carrés du Darfour »60.

Par ailleurs le problème des effectifs des opérations de maintien de la paix des organisations africaines se pose avec acuité. Si l'on recherche l'explication de ce phénomène, l'on se rend compte qu'il a deux justifications.

La première justification tient au coût financier des opérations de maintien de la paix. En effet ces opérations coûtent excessivement cher, pour les jeunes Etats africains victimes d'un sous développement et d'une pauvreté extreme.

L'autre facteur explicatif réside à la réticence des Etats africains à fournir des contingents aux organisations. En effet ces Etats ont toujours manifesté la volonté de préserver leur souveraineté dont l'armée reste un des symboles les plus visibles.

En dehors de ces insuffisances la MUAS détient également d'autres limites qui ne favorisent pas la réussite de son mandat.

PARAGRAPHE II : LES AUTRES LIMITES DE LA MUAS. L'efficacité d'une opération de maintien de la paix dépend du matériel technique mis à sa disposition et de l'accueil qui est lui réservé sur le terrain. Aujourd'hui la Mission de l'Union africaine au Soudan est confrontée à ces deux difficultés. En effet non seulement la MUAS manque de matériel technique pour mener à bien ses activités (A) en plus elle n'a pas une collaboration totale de la part des différents acteurs de la crise (B).

A / la MUAS : une mission limitée matériellement et techniquement.

Les opérations de maintien de la paix créées par les africains de manière générale et la MUAS de façon particulière sont limitées par deux facteurs essentiels :

60 CF G Prunier, La chronique......ibid.

Le premier facteur limitant l'activité de la MUAS tient au manque de professionnalisme. En effet cet élément souvent négligé dans les missions de paix joue un rôle très important pour la réussite de celle-ci. Car il permet une meilleure assurance et une maîtrise de soi aux militaires, si bien que lorsqu'ils sont déployés sur le terrain des opérations, ces qualités leur donnent, aux yeux des belligérants l'image d'une force imbattable, tout au moins d'une troupe disciplinée, d'élite. Or qu'est ce que l'on constate ces dernières années ? Ce que le maintien de la paix est devenu en Afrique une « question d'argent » et non de professionnalisme. En outre les soldats sont choisis à tour de rôle, l'objectif visé est d'envoyer le maximum de nombres possibles puisque les contingents perçoivent des primes de participation, et de nombreux autres avantages de la part des Nations Unies.

Par ailleurs la participation habituelle d'une même force armée à des opérations de paix contribue à bâtir son crédit d'efficacité. Aujourd'hui, au Darfour, les nombreuses attaques dont sont victimes les soldats de la MUAS illustrent bien que celle-ci manque de crédibilité vis-à-vis des belligérants soudanais.

Le deuxième facteur réside au manque de matériels d'équipement de la MUAS. En effet cette force est sous -équipée comme en illustre la conférence d'appel de fonds adressé à la communauté internationale le 18 juillet 2006 en faveur d'un soutien logistique ou technique. Lors de cet appel des Etats comme la France ou les Etats-Unis d'Amérique avaient pris l'engagement de soutenir matériellement les soldats de la MUAS. L'autre élément illustratif est l'intervention de M Xavier Solana le Secrétaire Général du Conseil de l'UE tenue à Addis Abeba le 26 mai 2005. En effet lors de cette intervention M Solana déclarait : « nous offrons du transport aérien stratégique et tactique ainsi que la coordination de ce transport ; nous offrons, en termes de soutien logistique, de fournir des équipements, et en particulier des véhicules, des équipements de communication, des générateurs mobiles, des avions de transports tactique ; nous proposons aussi de fournir des planificateurs et des experts pour

contribuer au déploiement de ces moyens , notamment en soutien du centre de coordination logistique d'El Fasher61.

Aujourd'hui nulle n'était ce soutien de la communauté internationale, il est claire que l' « échec » de la MUAS au Darfour serait beaucoup plus visible. En outre il existe une autre limite tenant au manque de collaboration entre la MUAS et les différents protagonistes de la crise.

B / L' « inacceptation » de la MUAS par les belligérants

L'intervention de forces militaires a d'abord un impact psychologique. En effet l'efficacité de celle-ci dépend du comportement ultérieur des parties à qui elle est destinée. En outre l'effet qui est recherché dans toute intervention fût elle une simple mission d'observation est de dissuader les belligérants de s'attaquer aux forces chargées de la mission.

Cependant, aujourd'hui les forces des casques bleus de l'ONU ou des casques blancs de l'U.A n'ont pas une protection juridique suffisante pour échapper aux attaques. En effet, souvent déployés à la suite d'un accord ou même d'un simple accord de cessez-le --feu, les soldats de la paix sont attaqués, pris en otage, tués ou encore « rejetés » par les autorités étatiques sur le territoire sur lequel ils interviennent ; sans que des mesures fermes allant au-delà de simples condamnations soient prises. Pourtant comme le souligne Evelyne Lagrange : « en pratique, le succès de l'opération de paix dépend de la coopération des parties 62». Cependant en Afrique des différends entre les forces de paix et les belligérants ont toujours existé. En outre comme l'avait déclaré M Boutros Boutros Ghali l'ancien Secrétaire Général de l'ONU, depuis 1992, le nombre des casques bleus morts en service atteint annuellement 50 voire 225 en

61 J Solana, intervention du 26 mai 2005 à Addis Abeba, For Further Details, www.ue.eu.int/

62 E Lagrange, Les opérations de Maintien de la paix et le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, Paris Montchrestien 1993, p. 30

199363. Au Libéria, le Nigeria perdait lors des combats de 1991 et 1992 jusqu'à douze (12) soldats par semaine selon Jean Christophe Rufin64.

Ce phénomène est toujours d'actualité en Afrique plus particulièrement dans le conflit darfourien. Et il se manifeste à travers de deux manières.

D'abord par le comportement de Khartoum vis-à-vis des soldats de la MUAS. En effet ces derniers font face aujourd'hui à la fronde permanente du Gouvernement de Khartoum. Cette fronde se caractérise par le fait que : le Soudan a limité l'accès de l'aéroport pour l'U.A aux seules heures de la journée. Pendant des mois, il a retenu en douane cent véhicules de transports de troupes fournis par le Canada. Khartoum a même peint en blanc certains de ces appareils, y compris des hélicoptères d'attaque pour empêcher de les distinguer de ceux de l'Union Africaine65.

Ensuite par le nombre d'attaques dont sont victimes les Soldats de la MUAS au Darfour. En effet depuis son intervention sur le territoire soudanais les soldats de l'U.A font l'objet d'agression de la part des mouvements rebelles et des milices janjawids. En outre, l'AMIS est de plus en plus défiée par les rebelles du SLA/ M et du Mouvement pour LA Justice et l'Egalité (MJE). Ces groupes rebelles ainsi que des forces non identifiées, ont lancé de nombreuses attaques sur des convois humanitaires et à l'encontre de civils en violation du droit international humanitaire66. A titre illustratif on peut cité l'attaque menée le 19 août 2006 dans le secteur de Kuma au nord-est d'El Fasher, principale ville du Darfour. A cette occasion, deux soldats de la force de paix de L'U.A ont été tués et trois autres blessés. L'année dernière également le Sénégal avait perdu cinq de ses soldats présents au Darfour à la suite d'attaque d'éléments non identifiés.

63 B B Ghali, 50ème anniversaire, rapport annuel sur l'activité de l'organisation des Nations Unies, New York 1996 p 219 in S Sady, la Résolution.....op. , cit. p 276

64 J C Rufin, Economie des guerres civiles, in S Sady, la Résolution....ibid. p 276

65 M Gazibo, la politique ....op. , cit. p 240

66 P Takirambudde, « Lettre aux Chefs d'Etats africains concernant la crise du Darfour et le cas Habré », Human Rights Watch, www.hrw.org

A la lumière de ce qui précède, il apparaît clairement que la crise du Darfour est très complexe. Cette complexité tient non seulement à l'histoire et à la situation géographique du Soudan qui a toujours vécu dans la « confusion » mais aussi et surtout à l'enjeu que la crise présente aujourd'hui aux yeux de la communauté internationale. Ces données qui semblent « légitimer » l'échec de la « jeune » U.A dans sa tentative de règlement du conflit doivent être prises au sérieux dans toute analyse de la situation. Celles-ci semblent également faire comprendre à l'U.A qu'elle a beaucoup à apprendre du maintien de la paix.

En définitive ce qui importe à retenir ce que la communauté internationale semble comprendre que la guerre au Soudan n'est pas en soi une fatalité pour ce pays tant riche en ressources naturelles. Ainsi le 31 juillet 2007, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté une résolution créant une nouvelle mission de maintien de la paix pour le Darfour. Cette nouvelle mission redonne à l'ensemble de la communauté internationale un espoir de paix pour le Darfour.

LES PERSPECTIVES

D'UNE PAIX AU

DARFOUR.

DEUXIEME PARTIE :

A la fin de l'année 2006 le constat était unanime que l'U.A n'avait pas à elle seule les moyens nécessaires pour résoudre la crise du Darfour. Paradoxalement les négociations entre l'Etat soudanais et la communauté internationale pour un éventuel remplacement de la MUAS à une force des Nations Unies n'avançaient pas. Il a fallu attendre au mois de juillet 2007 pour que Khartoum accepte le déploiement d'une mission conjointe des Nations Unies et de l'Union Africaine. En effet c'est le 31 juillet 2007 que le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté à l'unanimité des quinze membres permanents, en présence même du Secrétaire Général, M Ban Ki Moon la Résolution 1769. Cette résolution qui autorise pour une durée d'un an le déploiement d'une force hybride ONU/U.A est une première dans l'histoire du maintien de la paix. En effet elle constitue une hybridation entre les forces de l'ONU et celles de l'U.A. Illustrant ainsi les propos de Yves Petit qui soutient que : « les relations entre l'ONU et les organisations régionales revêtent une grande importance en Afrique, car ce continent a, plus qu'ailleurs, besoin de mécanismes permettant de traiter les conflits 67». Ce qui suscite aujourd'hui tout l'espoir placé sur cette force pour non seulement ramener la paix au Darfour de façon particulière mais aussi de pacifier le Soudan dans son ensemble. Néanmoins la lenteur dans le déploiement des éléments de la force a considérablement atténué les chances de succès de celle-ci. En effet, prévu pour arriver au plus tard le 31 décembre 2007, le déploiement de la Mission n'a commencé qu'au début du mois de janvier 2008. Aujourd'hui la réussite de cette mission dépend des conditions préalables que les acteurs de la crise doivent remplir (chapitre I). Dans tous les cas, les perspectives d'une paix au Soudan existent si et seulement si l'Etat soudanais accepte de déployer des efforts pour cette cause (Chapitre II).

67 Y Petit, le Droit International du Maintien de la Paix, Paris LGDJ, 2000, p. 81

CHAPTRE I :

LES CONDITIONS

PREALABLES A REMPLIR

PAR LES ACTEURS DE

LA crise.

Par acteurs de la crise il faut entendre par là les parties qui sont aujourd'hui impliquées dans la crise soudanaise à savoir : l'Etat soudanais, les mouvements rebelles et l'actuelle mission des Nations Unies au soudan. Cette dernière appelée Mission des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour (MINUAD) ou encore UNAMID sous son acronyme anglais a commencé ses activités depuis janvier 2008 après plusieurs tentatives soldées par un échec. Cependant pour un succès de cette mission, elle doit d'une part se baser sur certaines données (section I) et d'autre part les parties soudanaises doivent de leur coté jouer pleinement leur rôle dans la recherche de la paix (section II).

SECTION I : LES PREALABLES POUR UN SUCCES DE LA MINUAD.

La résolution 1769 du Conseil de Sécurité avait prévu que la MINUAD serait composée de 19 555 militaires, de 3 772 policiers et 19 unités de formation de policiers. Aujourd'hui ce chiffre est loin d'être atteint. Et cela s'est répercuté sur le conflit. Néanmoins des solutions de sortir de crise existent pour le Darfour. Pour ce faire la nouvelle mission doit partir non seulement des acquis de l'U.A (paragraphe I) mais aussi accepter de s'ouvrir aux autres missions de paix qui oeuvrent dans la sous région (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : DES PREALABLES FONDES SUR LES ACQUIS DE L'U.A.

Le mandat de la MINUAD est très ambitieux. En effet il a pour tâches de : - empêcher les attaques contre les civiles ;

- contribuer à la protection des populations civiles,

- suivre et vérifier l'application des différents accords ;

- rechercher des solutions politiques à la crise ;

- faciliter l'accès de l'aide humanitaire ;

- assurer le retour des réfugiés et des déplacés68.

Cependant pour la réalisation de son mandat, la MINUAD doit avoir comme repère l'Accord de cessez-le-feu de N'Djaména (A) mais aussi l'Accord de Paix pour le Darfour signé à Abuja entre les différentes parties du conflit (B).

A / un préalable fondé sur l'Accord de N'Djaména.

La Mission conjointe ONU/ U.A qui est en cours de déploiement au Darfour
depuis le début de l'année 2008 doit prendre en considération de l'ensemble des
efforts qui ont été fournis antérieurement à elle pour une solution de la crise.

68 Pour l'ensemble de ces points énumérés cf. à X Zeebroek, P Sebahara et F Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, GRIP, www.grip.org

Cette mission doit particulièrement s'appuyer sur la médiation tchadienne qui avait permis la signature d'un Accord de cessez-le-feu le 08 avril 2004. Pour deux raisons essentielles, l'accord pourrait faciliter la MINUAD dans ses activités :

La première raison tient au fait que c'est le Tchad qui fut le premier à s'immiscer dans le conflit inter soudanais. En effet dès le début de la crise (en 2003), son excellence M Idris DEBY le président de la République du Tchad initia une médiation entre le Président Al BECHIR et l'ALS afin de parvenir à un cessez-le-feu69. Cette médiation avait porté ses fruits avec la signature de l'Accord de cessez-le-feu humanitaire le 08 avril 2004 en présence du président de la Commission de L'U.A son excellence M Alpha Oumar Konaré et des observateurs et facilitateurs internationaux. Cet Accord fut accompagné d'un Protocole pour la mise en place d'une assistance humanitaire au Darfour. A l'issus de celui-ci les parties soudanaises sont entre autres, convenues de:

- cesser les hostilités et de proclamer un cessez-le-feu ;

- mettre en place une commission de cessez-le-feu qui fera rapport à une commission conjointe ;

- faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire au Darfour et

- conjuguer leurs efforts en vue d'établir une paix globale et définitive au Darfour.

La signature de l'accord avait permis le déploiement de la première mission de l'U.A au Darfour (AMIS I). La médiation tchadienne pourrait être utile à la MINUAD en ce sens que le Tchad a aujourd'hui plus de maîtrise du dossier que n'importe quel autre Etat.

La deuxième raison réside au fait que c'est le Tchad qui est le plus concerné par le conflit darfourien. En effet, voisin le plus immédiat du Darfour, le Tchad est aujourd'hui le pays le plus préoccupé par le conflit du Darfour.

69 Le Monde diplomatique, les protagonistes du conflit, Archives du mois de mars 2007, www.mondediplomatique.fr

D'abord parce que « plus de 500 000 personnes sont aujourd'hui réfugiées ou déplacées à l'Est du Tchad à cause des exactions commises au Darfour »70
·
Ensuite parce que les deux Etats ont presque les mêmes peuples. En effet « d'origine lui-même Zaghawas, comme nombre de ses officiers qui ont utilisé le Darfour comme base arrière avant de venir renverser Hisséne Habré en 1990, DEBY ne peut rester indifférent aux pressions pour arrêter les exactions que subissent ses « cousins » soudanais »71
·

L'ouverture de la MINUAD à la République tchadienne pourrait avoir un impact considérable en faveur d'une paix définitive au Darfour. Cependant elle seule risque de ne pas suffire pour un conflit aussi complexe.

B / Un préalable fondé sur l'Accord de Paix pour Le Darfour (APD).

Le 05 mai 2006, un accord historique a été signé à Abuja (Nigeria) entre les parties soudanaises en conflit depuis février 2003. Cet accord connu sous le nom de APD est signé en présence du président en exercice de l'U.A son excellence

M Denis Sassou-Nguesso, du président de la Commission de l'U.A M Alpha Oumar Konaré, du Médiateur de l'U.A M Salim Ahmed Salim, des Représentants de l'ONU, de l'UE, du Canada, de la France, de la Grande Bretagne, des Etats-Unis, de la Ligue Arabe, des Pays-Bas, de la Norvège, de l'Egypte, de l'Italie et de la Libye.

L'accord en soi présente une grande crédibilité pouvant servir de support pour l'ensemble des acteurs qui oeuvrent en faveur d'une paix au Darfour plus particulièrement à l'actuelle mission onusienne. En effet deux faits illustrent l'importance de l'Accord d'Abuja pour la MINUAD.

Le premier tient aux forces en présence. En effet il fut le premier accord
réunissant la plupart des parties en conflit. En outre l'APD fut signé par le

70 X Zeebroek, P Sebahara et F Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, op. , cit. p 3

71 P E Bakong et M Gazibo, les nouveaux conflits d'Afrique subsaharienne in Guide du Maintien.....op. , cit. p 120

gouvernement soudanais représenté par son négociateur en chef Magzoub AL Khalifa et par la branche majoritaire du M/ ALS dirigée par Minni Minnawi Arkoi, auxquels se sont joints, le 08 juin 2006, une trentaine de commandants et de représentants politiques des branches dissidentes de la faction minoritaire du M/ ALS et du MJE qui ont signé une « déclaration d'engagement en faveur de l'APD »72. Aujourd'hui bien que l'APD a fait son temps avec les nombreuses violations qu'il a subit mais son but premier demeure à savoir pousser les différentes parties à « accepter » une pleine immixtion de la communauté

internationale dans la crise. En effet c'est à la suite de cet accord qu'il a étéconvenu d'un éventuel remplacement de la MUAS par une force onusienne.

Le deuxième fait réside dans le contenu même de l'accord. En effet lors des négociations les parties avaient accepté de toucher les principaux points d'achoppement de la crise du Darfour. En outre il a été convenu d'un :

- partage du pouvoir entre le gouvernement et les rebelles. A cet effet les

rebelles réclamaient le poste de vice-président de la République. La

Constitution soudanaise n'ayant pas prévu ce poste ils ont obtenu celui de

«Senior Assistant », qui a presque les mêmes prérogatives que le vice-

président.

- Partage des richesses. A ce titre les rebelles demandaient un partage équitable des richesses du pays et une compensation, pour permettre aux populations du Darfour de sortir de l'état de pauvreté dans lequel elles vivent depuis des décennies.

- Arrangement sécuritaire qui permettrait la démobilisation des combattants (rebelles et milices pro- soudanaises) afin que l'aide humanitaire arrive à destination.

72 CF. Opérations de Paix, Muas.... Op., cit.

- Statut pour la Province du Darfour. Sur ce point le texte propose un vote

d'ici 2010 pour déterminer la création d'une entité géographique unique

en lieu et place des actuelles trois provinces composant le Darfour73.

Ces différents points qui ont été signé par les protagonistes de la crise lors des négociations d'Abuja ne peuvent être laissé en rade dans toute tentative de pacification du Darfour. En outre ces deux Accords (l'Accord de N'Djaména et celui d'Abuja) démontrent les efforts fournis par les africains pour une paix définitive au Darfour. Cependant avec la persistance du conflit, il est évident que toute recherche de paix pour le Darfour doit être élargie à un domaine plus vaste.

PARAGRAPHE II : UNE NECESSAIRE OUVERTURE DE LA MINUAD
AUX AUTRES MISSIONS.

Au Tchad et en République centrafricaine, pas moins de cinq missions de paix menées par trois organisations internationales coordonnaient leurs actions en faveur de la paix dans cette sous- région. Il s'agit principalement de :

- la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS)

- la Mission de l'Union européenne au Tchad et en République centrafricaine (EUFOR Tchad/ Centrafrique)

- la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT)

- la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC) coordonnée par la Communauté économique et monétaire des Etats de l'Afrique centrale (CEMAC)

- le Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BONUCA)74.

73 Pour plus de détails sur le contenu de l'APD cf. à Opérations de Paix, Muas.... Op., cit.

74 Pour plus de détail sur ces différentes missions cf. X Zeebroek, P Sebahara et F Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, op. , cit. p 5

Parmi ces missions deux peuvent avoir un apport considérable pour le succès de la MINUAD en raison de leur actualité et de leur importance. Il s'agit de la MINUS (A) et de l'EUFOR (B)

A / La MINUS au Sud.

La recherche de la paix au Darfour pouvait se faire « sans grande difficulté » si et seulement si la province se situait dans une zone stable. Cependant le Darfour se trouve dans une sous- région instable notamment avec des Etats comme la République centrafricaine, le Tchad, l'Ouganda..., plus proche de lui, le Sud Soudan avec ces deux guerres civiles contre le régime de Khartoum. Aujourd'hui un accord de paix a été signé depuis janvier 2005 en faveur d'une paix au sud. Cet accord nommé Accord de Paix Global (APG) a permis la création par la résolution 1590 du CS des Nations Unies d'une mission de paix (MINUS) dont le mandat est d'« apporter un soutien à la mise en oeuvre de l'APG »75. Pour deux principales raisons, la MINUAD doit s'ouvrir à la MINUS dans le cadre de ses nouvelles fonctions.

La première raison tient au phénomène de contagion qui a existé entre les deux conflits (dernier conflit du sud 1983- 2005 et l'actuel conflit du Darfour). En effet en 2002, le processus de paix entre le gouvernement central et le Sud avait réalisé sous l'égide de l'IGAD (l'autorité intergouvernementale pour le développement) des progrès significatifs. Ainsi, le Protocole de Machakos, de par ses principes et dispositions, posait les bases d'un nouveau régionalisme soudanais respectueux des aspirations des populations, en particulier celles de bénéficier et de partager les richesses du pays76. De l'avis de nombreux observateurs, ce protocole, au vu des événements au Darfour, pourrait constituer aujourd'hui la base légale et le fondement des revendications des insurgés en ce qui concerne leur province. De ce fait la collaboration des deux missions des

75 Opération de Paix, Minus : histoire et mandat, www.operationspaix.net

76 P Dika, la crise du Darfour ou la faillite de.., op. , cit. p 13

Nations Unies (MINUS et MINUAD) chargées de résoudre deux conflits ayant les mêmes causes semble être nécessaire.

La deuxième raison réside au contenu de l'APG qui est à l'origine du déploiement de la MINUS. En effet l'APG contient des dispositions très importantes lesquelles dispositions peuvent être appliquées par la MINUAD au Darfour pour un retour de la paix dans cette partie occidentale du Soudan. Parmi ces dispositions nous avons l'Autonomie qui a été octroyée à cette Province sud, le poste de vice- président qui leur revient de droit (l'actuel vice- président depuis le décès du colonel John Garang par accident le 31 juillet 2005 est M Salva Kir qui était le commandant en second du mouvement SPLA) et le partage des richesses pétrolières77. Aujourd'hui cet accord qui est à l'origine d'une paix au Sud peut constituer un point de départ pour la MINUAD dans sa tentative de règlement de la crise du Darfour. Cependant cette mission ne doit pas se limiter uniquement dans le territoire soudanais pour le succès de son mandat. Elle doit également avoir une parfaite collaboration avec les autres missions qui interviennent dans les pays environnants.

B / l'EUFOR au Tchad et en RCA.

L'EUFOR est une opération de maintien de la paix de l'UE qui bénéficie d'une légitimité internationale et légale. En effet la résolution 1778 (2007) adoptée par le CS le 25 septembre 2007, concernant la mise en place de la MINURCAT, a autorisé simultanément l'UE à déployer sa force au nord de la RCA et à l'est du Tchad, pour une durée initiale d'un an. Cette mission forte de 3 700 soldats a pour mandat essentiel le volet humanitaire. Cependant l'EUFOR peut recourir à l'usage de la force armée lorsqu'il sera question de protéger les civils, les réfugiés ou les opérateurs humanitaires et onusiens78. En outre « l'EUFOR est la

77 G Prunier, paix introuvable au Soudan, le Monde Diplomatique, www.monde-diplomatique.fr

78 X Zeebroek, P Sebahara et F Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, op. , cit. p 10

plus grande mission militaire que l'UE ait jamais planifiée hors des frontières européennes, tant pour sa durée, que pour son ampleur et pour le défi logistique auquel elle doit faire face »79. Ce qui justifie notre choix sur cette mission parmi les autres qui opérèrent dans la sous région. Par ailleurs pour deux raisons fondamentales la MINUAD doit s'ouvrir à l'EUFOR :

La première raison demeure aux ressemblances des conflits que ces deux missions sont chargées de résoudre. En effet les conflits du Darfour, du Tchad et de la RCA comportent quatre caractéristiques communes qui méritent d'être prises en compte dans toute recherche de solution pacifique à la crise actuelle :

- la gestion non équitable du pouvoir et des ressources nationales semble

être une des causes principales de ces conflits.

- L'absence de volonté politique de certains protagonistes pour assurer un retour à la paix ou le non-respect des engagements pris entre les gouvernements des trois pays et leurs oppositions armées respectives n'offre pas un terrain favorable à des opérations de paix classiques.

- La difficulté de gérer la sécurité transfrontalière qui nécessiterait de coopérer avec les voisins et de développer des infrastructures spécifiques dans chaque pays concerné. Or, ces zones souvent marginalisées par le pouvoir, deviennent incontrôlables et sont le lieu de tous les trafics.

- Le rôle parfois ambigu des grandes puissances (USA, Chine, France...) guidées par des intérêts géostratégiques. Prises entre la volonté de rendre heureux aux partenaires qui disposeraient de matières premières (pétrole, minerais, bois) et la promotion des principes démocratiques et de bonne gouvernance.

L'autre raison réside aux répercussions du conflit au Tchad et à la RCA. En effet depuis 2005, le Tchad et le Soudan s'accusent mutuellement de soutenir leurs rebellions respectives : le Soudan soutiendrait les rebelles tchadiens basés

79 X Zeebroek, P Sebahara et F Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, ibid. p 10

à l'Est du pays alors que le Tchad est accusé de soutenir les rebelles du Darfour. Malgré les multiples médiations menées par l'U.A la Libye, le Président Wade (pour rappel le 13 mars 2008 un accord a été signé entre les deux Etats a Dakar en marge du Sommet de l'Organisation de la Conférence islamique OCI), les relations politiques entre les deux pays ont continué à se détériorer. Aujourd'hui depuis l'attaque de la ville soudanaise d'Omdurman par le MJE au mois d'avril 2008, les relations diplomatiques entre les deux Etats sont interrompues. Car selon Khartoum l'attaque a été menée avec le soutien de N'Djaména. De son côté la RCA soutient, que des mouvements centrafricains auraient une base arrière au Darfour, ce qui leur permettrait entre autre de s'approvisionner en armes. Ainsi le 30 octobre 2006, le gouvernement centrafricain a accusé le Soudan d'agression après l'attaque et l'occupation de deux départements du Nord --Est par un mouvement rebelle présenté comme bénéficiant du soutien de Khartoum80.

A la lumière de ce qui précède, il est claire que la réussite de la MINUAD dans ses fonctions dépend de son acceptation à s'appuyer sur les efforts fournis par l'U.A mais aussi à sa collaboration aux autres missions. Cependant la paix au Darfour dépend également du rôle que doivent jouer les différents protagonistes de la crise.

SECTION II : LES OBLIGATIONS DES DIFFERENTES PARTIES SOUDANAISES.

La communauté internationale a un devoir moral de s'immiscer dans la crise du Darfour pour un retour de la paix dans cette partie ouest du Soudan. Cependant cette paix ne pourra s'obtenir qu'avec la volonté des parties qui sont en conflit notamment l'Etat soudanais et les mouvements rebelles. Partant de là Khartoum

80 X Zeebroek, P Sebahara et F Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, op. Cit. p 3

doit revoir sa position (paragraphe I) et les mouvements rebelles de leur côté ont une grande responsabilité pour le retour de la paix (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : UN NECESSAIRE ASSOUPLISSEMENT DE LA
POSITION DE KHARTOUM.

La recherche de la paix au Darfour n'est pas une chose aisée. En effet pendant longtemps l'intervention de la communauté internationale au Soudan n'a pas été acceptée par Khartoum pour plusieurs raisons. Aujourd'hui cette intervention est admise cependant pour un succès de celle-ci Khartoum doit la « laisser faire son travail » (A). Le régime de BECHIR doit également accepter de désarmer les milices janjawids (B).

A / La facilitation de la communauté internationale dans son travail.

Une intervention d'une force onusienne n'a jamais été acceptée par le Soudan. Iia fallu que l'idée d'une hybridation soit émise. En effet Khartoum a tout temps

refusé l'intervention sur son territoire d'une opération de maintien de la paix confiée uniquement au CS des Nations Unies. Aujourd'hui la force qui a pris le relais de la MUAS est composée de soldats africains qui étaient sur place et de contingents venus de l'extérieur. Cependant cet accord donné à Khartoum pour le déploiement de la force hybride ONU/U.A peut être analysé comme étant partiel. En effet le Soudan a posé des actes qui vont dans le sens d'une limitation de l'immixtion de la communauté internationale dans le conflit du Darfour. Parmi ces conditions, nous avons :

- la force de la MINUAD doit être composée de contingents militaires venus majoritairement de pays africains.

- Le retard du déploiement des effectifs. En effet ce déploiement qui était fixé au plus tard le 31 décembre 2007 n'a pas était respecté à cause des obstacles posés par Khartoum. « Il a entre autres imposé des couvre-feux,

interdit les vols de nuit et n'a pas, semble-t-il, attribué les emplacements pour les bases de la mission »81.

- La non-acceptation des forces de certains Etats. En effet le Soudan a certes donné son accord pour le déploiement de la MINUAD mais au départ Khartoum souhaitait que seuls les contingents provenant des Etats islamiques tels que l'Indonésie, le Pakistan, l'Inde~et bien sftr des contingents venus d'Afrique composent la mission..

Cette position du Soudan ne semble pas favoriser un retour de la paix au Darfour. En effet la complexité de la crise nécessite une mobilisation de l'ensemble des acteurs de la communauté internationale pour un retour définitif de la paix dans cette province soudanaise. Cependant Khartoum qui est réticent à toute intervention de la communauté intervention sur son territoire semble avoir certaines craintes parmi lesquelles :

l'exploitation du pétrole. En effet le régime soudanais craint que cette force soit qu'une « couverture pour que les occidentaux s'emparent du pétrole soudanais »82.

La poursuite de certains dirigeants par la justice internationale. En effet Khartoum craint que l'intervention onusienne favorise l'appréhension de certains ténors du régime soudanais qui sont aujourd'hui poursuivi par la CPI. Il s'agit entre autres de M Ahmed Haroun, ancien responsable de la sécurité au Darfour et actuel secrétaire d'Etat aux affaires humanitaires, Ali Kosheib, l'un des principaux chefs milices janjawids et tout récemment avec le Mandat d'arrêt international qui a était lancé par le Procureur de la CPI M Moreno- Ocampo contre le Président Al Bachir. Car le fait qu'il existe une séparation entre l'immunité d'exécution et

81 X Zeebroek, P Sebahara et F Santopinto, Darfour, Tchad, Centrafrique des processus de paix à l'épreuve du feu, op. Cit. p 8

82 G Prunier, Darfour la chronique d'un « génocide ambigu », le Monde diplomatique, www.mondediplomatique.fr

l'inviolabilité personnelle et réelle des agents de l'Etat83 consécutif au développement de la justice internationale, aucun dirigeant n'est aujourd'hui à l'abri d'une poursuite.

Tous ces facteurs ne favorisent pas la paix au Darfour et Khartoum a aujourd'hui un devoir de collaboration avec la MINUAD pour un succès de celle-ci, étant donné que la force est composée en grande partie de soldats venus d'Afrique comme il le souhaitait. L'autre obligation qui s'impose au régime soudanais et le désarmement des milices.

B / Le désarmement des milices janjawids.

Avant tout il est important de savoir qui sont ces milices janjawids ? En effet le mot janjawid est un mot composé qui signifie approximativement « cavaliers du diable, armés de kalachnikovs »84. En 2003, quand survenait l'insurrection au Darfour, la plupart des effectifs de l'armée soudanaise étaient stationnés dans le sud du pays. L'armée elle-même enregistre un nombre significatif de désertions de soldats originaires du Darfour. Pour faire face à cette montée en puissance des rebelles qui gagnent de plus en plus de terrains, Khartoum procède à un recrutement d'une milice parmi les tribus Abbala et un soutien leur est demandé pour mater les révoltés de l'ouest85.

Aujourd'hui toute tentative de pacification du Darfour doit passer au préalable par le désarmement de ces milices par le régime de Khartoum. Et ceci pour plusieurs raisons :

D'abord parce que ce sont les janjawids qui ont la plus grande responsabilité dans les graves violations des droits humanitaires. En effet selon Amnesty International « les miliciens pénètrent dans les camps des déplacés et tuent, violent ou harcèlent ces derniers »86.

83 J Combacau et S Sur, Droit International Public, Paris Montchrestien 1995 pp. 245- 246

84 J L Peninou, Désolation au Darfour, le Monde diplomatique Mai 2004 pp 16 et 17, www.mondediplomatique.fr

85Amnesty International Soudan « questions et réponses » au sujet de la crise du Darfour, www.amnesty.org 86 Amnesty International Soudan « questions et réponses » au sujet..., Ibid.

Ensuit parce que ce sont les janjawids qui sont souvent à l'origine des tensions qui se créent entre N'Djaména et Khartoum. En effet ces derniers mènent souvent des attaques transfrontalières visant les réfugiés ou le bétail tchadien. Parfois même il arrive qu'il ait un certain nombre d'affrontements entre ces janjawids et l'armée tchadienne.

Enfin parce que les janjawids ne respectent pas les accords de paix. En effet ils ont poursuivi leurs attaques contre les villages après l'Accord de cessez-le-feu humanitaire signé à N'Djaména le 8 avril 2004.

Cependant malgré tout, il est important de souligner que Khartoum refuse de reconnaître qu'il reçoit un soutien venant de ces milices. Mais deux facteurs illustrent que l'Etat soudains bénéficie d'une assistance de la part de ces janjawids.

Le premier facteur tient aux nombreux témoignages effectués par les villageois victimes des attaques. En effet comme le déclare cette jeune fille Zeinab, 25 ans village de Miramta, 7 février 2004 : « les forces gouvernementales et les arabes sont arrivés ensemble à 8h du matin [...]. Les janjawids portaient des uniformes de l'armée. Ils se sont mis à brûler le village et à tirer sur les civils »87.

Le deuxième facteur réside à la neutralité de Khartoum vis-à-vis des exactions commises par les milices. En effet malgré les nombreuses attaques qui sont perpétrées par les janjawids, l'Etat soudanais n'a fait que déclarer ces derniers « hors-la-loi » mais jamais il a posé des actes allant dans le sens de faire cesser ces derniers de leurs forfaits.

En définitive pour une paix au Darfour, l'Etat soudains doit non seulement avoir une plus grande ouverture à la communauté internationale mais également, il doit accepter de désarmer les milices locales qui ont une large responsabilité dans la persistance du conflit. Cependant les deux mouvements rebelles ont également leur part à apporter dans la tentative de résolution de la crise du Darfour.

87 A M Impe, Sos pour le Darfour, Enjeux Internationaux no 4 www.enjeuxinternationaux.org

PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE DES MOUVEMENTS
REBELLES DANS LA RECHERCHE DE LA PAIX.

Depuis le début de la crise au Darfour, deux accords de paix ont été signés par les protagonistes. Ces accords précités (l'Accord de cessez-le-feu de N'Djamena et l'Accord d'Abuja) avaient d'abord permis une intervention de l'U.A, ensuite des Nations Unies au Darfour dans l'objectif de mettre fin les hostilités. Cependant aujourd'hui de l'avis de nombreux observateurs, ces accords ne jouent plus q'un rôle facultatif dans le processus de paix au Darfour. En effet non seulement on assiste à une violation de ces accords par les mouvements rebelles signataires (A) mais aussi à un éclatement de ces mouvements (B) rendant ainsi la résolution du conflit très complexe.

A / Le respect des Accords de Paix antérieurement obtenus.

Il est question ici des deux Accords de Paix qui ont étaient signés par les différents protagonistes de la crise. Il s'agit de l'Accord de cessez-le-feu signé à N'Djamena le 8 avril 2004 et de celui obtenu le 5 mai 2006 à Abuja. Aujourd'hui les deux grands mouvements rebelles qui avaient signé ces accords à savoir le M/ ALS et le MJE ont une obligation de respect de ces accords. En effet toute tentative de résolution de cette crise doit passer par le respect de ces accords qui avaient non seulement permis une assistance humanitaire des populations touchées par le conflit mais aussi une mise sur pied d'une opération de maintien de la paix pour le Darfour.

Cependant ces deux mouvements signataires violent ces accords. Deux faits démontrent cet état de fait :

Le premier fait tient à la recrudescence des violences sexuelles après la signature des accords. En effet selon Jan Pronk le représentant du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Soudan « depuis qu'il a été signé, l'accord a été violé, jour après jour semaine après semaine. Il y a eu une augmentation de

la violence depuis la signature de l'accord. L'utilisation du viol, comme instrument de terreur, est fréquent et de nouveaux en augmentation »88. M Pronk fait allusion à l'accord qui a été signé à Abuja même s'il est important de noter que l'accord de N'Djamena n'a pas lui aussi échappé à cette règle. En outre c'est la multiplication des violations du cessez-le-feu humanitaire signé à N'djamena le 8 avril 2004 qui avait poussé l'U.A à transformer sa première mission d'observation (MUAS I) en une opération de maintien de la paix doté d'un personnel militaire et d'un matériel plus efficaces.

Le deuxième fait réside à l'intensification des combats. En effet depuis leur signature on assiste à une reprise des combats entre les forces gouvernementales et les forces rebelles en particulier la faction ALS dirigée par Abdel Wahid Al Nur et le MJE dirigé par Khalil Ibrahim. Selon M Pronk cité plus haut « les villages sont attaqués et bombardés au milieu de la nuit »89.

Aujourd'hui ces accords qui avaient suscité un énorme espoir de paix au Darfour, ne semblent plus faire l'unanimité des parties soudanaises en particulier celles des mouvements rebelles qui sont désormais divisés en de différentes factions. Par ailleurs toute recherche de la paix doit également inclure une éventuelle identification des mouvements dissidents qui sont aujourd'hui en conflit avec le régime de Khartoum.

B / Une nécessaire identification des mouvements dissidents.

Les obstacles que pourraient rencontrer les acteurs de la paix au Darfour notamment la MINUAD est le nombre incalculable de mouvement de rebelles qui agissent aujourd'hui dans la Province. En effet depuis la signature de l'APD le 5 mai 2006 à Abuja, on assiste à un éclatement des deux mouvements originels. En outre, depuis l'accord nous avons plusieurs mouvements au Darfour parmi lesquels on peut citer :

88 J Pronk, L'accord de paix sur le Darfour « dans le coma », Centre de Nouvelles de l'ONU, www.un.org

89 J Pronk, l'accord de paix..., Ibid

Mouvement de Libération du Soudan- Faction Abdel Wahid An- Nur (MLS-AWN). Cette faction est dirigée par M. An- Nur, fondateur « historique » du Mouvement de Libération du Soudan (MLS) aujourd'hui divisée en trois groupes, cette dernière faction est la plus importante numériquement. Elle est principalement composée de Fours qui opèrent surtout sur les pentes du Djebel Marra, le massif volcanique situé au centre du Darfour. Le MLSAWN est aussi connu sous le nom d'Armée de Libération du Soudan (ALS).

Mouvement de Libération du Soudan- Faction Minni Minnawi Arkoi (MLS-MM). Dirigée par M Minnawi, cette faction s'est séparée du MLS originaires en novembre 2005. composée presque entièrement de Zaghawas, c'est la seule faction qui ait accepté de signer l'APD. A la suite de cet accord suivi de l'accession de son chef au poste de conseiller présidentiel sur le Darfour, le MLS-MM est devenu un auxiliaire politique et même militaire du gouvernement de Khartoum. Cette faction est également connue sous l'appellation de l'ALS --MM.

Mouvement de Libération du Soudan AL-Ikhtyar Al-Hur (MLS- Libre Choix). Essentiellement composée de représentants de petites tribus noires du Darfour cette faction est dirigée par M. Abderrahmane Moussa, ancien porte- parole du MLS --AWN aux négociations d'Abuja. Cette petite faction s'est ralliée à l'APD pour protéger sa population contre les attaques des autres factions. Son chef fut nommé Ministre d'Etat.

Le Groupe des 19 (G 19). Ce groupe est formé par dix neuf commandants et leurs hommes qui ont choisi de se tenir hors de toutes les factions. Mais tout récemment le G 19 a fait une déclaration de soutien au FRN.

Les Forces de Combat Populaires (FCP). Ce mouvement apparu en novembre 2006 est le premier qui ne soit pas « africain ». formé de membres de la tribu arabe des Rezeigats, il opère dans le sud du Darfour.

Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE). Il s'agit d'un mouvement très ambigu. En effet, il est étroitement lié à la branche tourabie des Frères Musulmans. Dirigée par l'avocat Khalil Ibrahim, cette faction est exclusivement Zaghawas. Son jeu est complexe par rapport au régime de N'Djamena (il a combattu contre et pour M Deby selon les circonstances). Riche de l'argent des Frères Musulmans, il exerce une influence sans commune mesure avec ses forces militaires réelles sur l'ensemble de la guérilla. Le MJE est l'un des plus importants mouvements aujourd'hui en activité dans la Province du Darfour. Pour rappel c'est lui qui avait réussi à attaquer la ville d'Omdurman, ville située dans la banlieue de Khartoum au mois d'avril 2008.

Forces pour la Rédemption Nationale (FRN). Dirigé par l'ancien gouverneur Ahmed Ibrahim Diraige (ethnie four) et par l'intellectuel Sharif Harir (Zaghawa), le FRN est une organisation qui fédère tous les combattants des diverses factions refusant l'accord de paix d'Abuja du MLS-MM irrités contre leurs chefs90.

Ce nombre qui a été identifié ne fait pas l'unanimité des acteurs de la paix au

Darfour. En effet il est important de souligner qu'il est très difficile d'avoir un

nombre exact de mouvements rebelles opérant au Darfour en raison notamment

de la complexité de la crise. Car selon Human Right Watch « les mouvements

rebelles ont évolué et ont éclaté en factions depuis le début du conflit. En

septembre 2007, on dénombrait plus d'une douzaine de factions issues de l'ALS

90 Pour l'ensemble de ces mouvements cf. au Monde Diplomatique, les protagonistes du conflit, Mars 2007, www.monde-diplomatique.fr

et du MJE » 91. Quoiqu'il en soit seule une identification de ces mouvements leur permettrait d'avoir une position commune dans les différentes phases de négociations qui sont en suspend.

Finalement la recherche de la paix au Darfour incombe aujourd'hui non seulement à la communauté internationale par le biais de la MINUAD qui est en charge du dossier depuis le 1er janvier 2008, mais aussi au gouvernement soudanais et les mouvements rebelles.

Cependant une paix définitive au Darfour n'est envisageable que dans un Soudan paisible dans sa globalité.

91 Human Right Watch, questions et réponses- crise du Darfour, www.hwr.org

L'AVENIR DE LA

PAIX AU SOUDAN.

CHAPTRE II :

L'avenir de la paix au Soudan semble être un « rêve ». En effet imaginer la paix dans un pays aussi déchiré par des conflits que le Soudan paraît de l'impossible. Cependant cela ne revient pas à dire que des efforts ne doivent plus être déployés au Soudan pour une paix définitive. En outre des solutions de sortie de crises existent pour le Soudan. Mais celles-ci dépendraient en grande partie de l'acceptation du régime de Khartoum à subir des modifications en son sein. En effet deux possibilités s'offriraient à l'Etat soudanais pour un retour de la paix dans cette partie orientale de l'Afrique où la plupart des Etats sont touchés par des guerres civiles. Il s'agit d'abord pour Khartoum de faire des modifications sur les éléments fondateurs de la nation (section I). Il s'agit ensuite d'accepter de subir des profonds changements sur les facteurs consolidant de l'Etat soudanais (section II).

SECTION I : DES MODIFICATIONS SUR LES FONDEMENTS DE LA NATION.

Aujourd'hui ce dont le Soudan a besoin ce sont des changements radicaux pour résoudre ses crises internes. En effet le Soudan qui a subi trois conflits depuis son indépendance (les deux guerres civiles du sud soudan et la crise actuelle du Darfour) doit être conscient que les causes profondes de son mal résident dans la gestion de l'Etat par une petite minorité au détriment de la masse populaire. Partant de ce constant, la solution soudanaise pourrait venir de deux facteurs : le premier facteur demeure à l'instauration d'un système laïc dans l'ensemble du territoire (paragraphe I) ; le deuxième facteur réside dans une ouverture pour l'accès aux institutions de la République (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : L'INSTAURATION D'UN SYSTEME LAÏC AU
SOUDAN.

Au Soudan, la plupart des observateurs sont unanime à dire que le « système soudanais ne répond pas aux réalités sociologiques de l'Etat ». En effet le Soudan est gouverné depuis 1989 par un régime issu d'un coup d'Etat militaire qui a voulu instaurer la charia sur l'ensemble du territoire. Alors que la populaire n'est pas homogène au Soudan ce qui a provoqué le mécontentement des provinces périphériques. Aujourd'hui le salut du Soudan peut venir du respect des disparités religieuses qui existent au sein de l'Etat (A) mais aussi du respect des pratiques coutumières de chaque groupe social (B).

A/ Le respect des disparités religieuses.

La situation géographique du Soudan, entre les mondes arabo- musulmans (Egypte, Libye Tchad) et chrétiens (RDC, RDC, Ouganda...), peuplé de musulmans, de chrétiens et d'animistes font le creuset de tensions multiformes qui fragilisent l'unité du pays. En effet ce qui se passe aujourd'hui au Soudan peut être recherché dans les propos de Pierre François Gonidec lors qu'il

dit que : « l'importance du fait religieux en Afrique n'est plus à souligner [...], cependant on peut affirmer que le phénomène religieux continue d'influencer profondément la vie politique africaine, aussi bien dans les pays musulmans que dans les pays christianisés ou demeurés fidèles aux croyances ancestrales »92 . Par ailleurs les gouvernements soudanais, suite à l'indépendance en 1956, ont hérité d'un pays crée artificiellement par les britanniques, et dans lequel les particularités religieuses régionales ont été conservées et respectées. Rendant ainsi l'émergence d'une nation soudanaise très difficile. Cependant les différents gouvernements qui se sont succédé ont également leur responsabilité dans cette faiblesse de l'Etat soudanais. En outre tous n'ont pas eu la même appréciation des disparités régionales comme en illustrent ces deux régimes de Khartoum : D'abord celui du Général NIMEIRI qui a supprimé les accords de paix d'Addis Abeba de 1972 lesquels avaient consacré une autonomie pour la Province du Sud. Cette décision poussa ainsi cette province à se lancer dans une nouvelle guerre qui prendra fin en 2005. Il introduit également la charia qui sera par la suite lourde de conséquence

Ensuite celui du Général Omar El Bachir qui est aux commandes depuis 1989. Ce dernier lorsqu'il arrive au pouvoir introduit en 1991 un nouveau code pénal qui légalisa l'esclavage des populations noires.

Aujourd'hui deux données fondamentales militent en faveur d'un respect des disparités religieuses ou l'instauration d'une République laïque au Soudan :

La première demeure à l'existence d'autres religions à côté de la religion musulmane. En effet seul 70% de la population soudanaise appartient à la communauté sunnite, alors que 17% de la population est animistes et 10% sont chrétiens93. Mais ce pourcentage qui est valable au niveau national cache d'autres réalités au niveau des provinces. Par ailleurs au Sud la plupart des

92 P F Gonidec, Les systèmes politiques africains, Paris, LGDJ 3ème édition, 1997 pp. 182 - 183

93 Afrique histoire, économie, politique, le Soudan en un clin d'oeil, Encarta 1998- 2001, www.afriquepluriel.ruwenzori.net

populations sont chrétiens ou animistes alors que le Nord et le Darfour sont essentiellement musulmans.

La deuxième donnée tient au climat qui règne au niveau international. En effet dans un monde marqué par le développement croissant du terrorisme depuis les attentats du 11 septembre 2001, vouloir appliquer la charia dans un pays ou toute la population n'est pas musulmane peut favoriser l'instabilité de celui-ci.

Le régime actuel de Khartoum qui n'est plus un allié privilégié des grandes puissances telles que les Etats-Unis d'Amérique et qui constitue un territoire convoité en raison de ses nombreuses richesses doit s'efforcer de réaliser une profonde réforme dans le domaine religieux pour une stabilité du pays. Cependant un respect des pratiques minoritaires s'impose également.

B / Le respect des diversités culturelles.

La situation dans laquelle le Soudan se baigne depuis plus d'un demi-siècle reflète en grande mesure ses données démo- linguistiques. En effet en 1991, sa population était estimée à 29,1 millions d'habitants, mais depuis 1998, les estimations sont de l'ordre de 33, 6 millions94. Etant donné que ce pays partage ses frontières avec huit autres : l'Egypte au nord, l'Ethiopie à l'est, le Kenya, l'Ouganda et la RDC au sud, la RCA, le Tchad et la Libye à l'ouest, toutes les diversités ethniques et culturelles de ces Etats voisins se retrouvent à l'intérieur du Soudan. Ce qui fait de cet Etat un microcosme afro- arabe qui devrait être pris en charge dans toute tentative de gestion des différents conflits qu'ait connu le Soudan. La population est composée d'une vingtaine d'ethnies dont la plus importante est celle des Arabes (40%), suivie des Dinkas (12%), Béjas (7%), Hamars, Zandés, Shilluks, Nuers, Mondaris, Lokutos, Nubiens, etc. Sur le domaine linguistique, le Soudan est un pays très multilingue. On y dénombre

94 Accueil : Aménagement linguistique dans le monde, le Soudan, www.tlfq.ulaval.ca

plus de 125 langues95. Le groupe majoritaire est constitué d'arabophones qui parlent l'arabe soudanais.

Aujourd'hui les autorités en place doivent envisager des politiques pour mieux appréhender cette donnée démo- linguistique pour deux raisons t ondamentales : D'abord, parce que les soudanais des autres régions se distinguent nettement de ceux de la capitale Khartoum. En et t et à Khartoum si la majorité de la population se sent arabes et musulmans (70% de la population), celle du sud se veut plutôt chrétien et animiste et a comme langue principale le Dinka. La région du Darfour bien qu'elle soit composée en grande partie de population « identique » de celle de Khartoum notamment de Zaghawas, de Masalits, de Fours, se voit également dit t érente de Khartoum. Parce que les dart ouriens sont perçues par les autres comme étant des populations non- arabophones même s'ils sont presque tous musulmans.

Ensuite, parce que les cont lits qui se succèdent au Soudan ont également des causes culturelles. En effet l'Etat central ne reconnaît qu'une seule langue ot t icielle qui est l'arabe classique et qu'une seule religion d'Etat qui est l'Islam. Ceci a poussé à deux reprises les habitants du sud soudan à prendre les armes pour réclamer le respect de leurs droits.

Néanmoins il est important de souligner que depuis janvier 2005 avec l'Accord de Paix Global, une constitution transitoire est en vigueur et cela pour une période de six ans et l'essentiel de ces revendications identitaires du sud est pris en compte. Cependant avant l'entrée en vigueur définitive de cette nouvelle constitution prévue en 2011, il serait plus intéressent de prendre en charges les nouvelles revendications du Dart our qui sont venues se gret t ées à celles du sud.

95 Accueil : Aménagement linguistique dans le monde, le Soudan, Ibid

PARAGRAPHE II : UNE NECESSAIRE OUVERTURE POUR L'ACCES
AUX INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE.

En 1989, quand le Général Omar AL Béchir accédait au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat organisé sans effusion de sang, il avait promus trois choses : l'instauration d'un système fédéral, l'application de la charia sur la partie nord du territoire et la démocratie populaire participative. Cependant ces réformes ayant effectivement eu un début d'application sont presque totalement tombées en désuétudes. Aujourd'hui de nouvelles réformes s'imposent pour prendre en comptes les données fondamentales du pays. Parmi celles-ci la participation aux instances de décisions (A) et l'autonomie des régions (B) qui constituent les sources principales des conflits au Soudan.

A / Une participation populaire aux instances de décision.

En 1989, le régime soudanais qui venait d'accéder au pouvoir, avait exprimé son intention d'organiser une conférence nationale. Celle-ci devait se faire en remontant à la base : le peuple s'exprimant dans des conférences populaires, qui ont un rôle politique, prenant des décisions. Ces conférences étaient ouvertes à tous, au niveau du quartier, du village, du campement ; le débat y était libre, sur tous les problèmes, y compris sur la politique générale de l'Etat, sur les affaires politico- administratives locales96.

Conformément au calendrier établi, la conférence nationale a été élue le premier trimestre 1995, le Parlement national en mars 1996 et le président de la République, au suffrage universel fin 1996, le général Omar Al Bachir. Cependant cette conférence nationale n'aura permis qu'organiser ces élections. En effet comme le souligne Marc Lavergne « ce schéma fort complexe, qui vise pourtant à redonner la voix au peuple, n'a pas eu le succès escompté »97. Car dans un pays ou prédomine largement l'illettrisme, mais où la conscience

96 M Lavergne, Le nouveau système soudanais ou la démocratie en trompe- l'oeil, op. Cit.

97 M Lavergne, Le nouveau système soudanais ou la démocratie en trompe- l'oeil, op. , cit.

politique et ou l'attachement à des notables confrériques sont très anciens, ce projet conçu par des hommes « modernes » comme Hassan Al Tourabi formés dans des universités occidentales, avait peu de chance de fonctionner correctement. En outre le succès d'une conférence nationale en Afrique dépend en grande partie de la détermination de la population si l'on se fie aux propos de l'auteur camerounais Fabien Eboussi Boulaga qui nous montre comment le facteur peuple a été déterminent dans l'exemple béninois. En effet selon ce dernier « le principal acteur du miracle béninois, c'est le peuple. Derrière ce mot, se profilent d'abord ces masses qui descendent dans la rue pour manifester leur insatisfaction, les grévistes qui affrontent les forces de répression, la foule de Porto- Novo qui arrache les effigies de Kérékou et les piétinent, la rage au coeur98 ». Ainsi on dira que l'échec de l'exemple soudanais résiderait à ce manque de déterminisme de la part du peuple.

Aujourd'hui ce dont le Soudan a besoin c'est d'actualiser ce système pour deux raisons essentielles.

La première tient au fait que la plupart des mouvements qui se sont crées au Soudan ont fait la réclamation d'une participation à la gestion des affaires de l'Etat. En effet, que ce soit la SPLA ou l'ALS ou encore le MJE, tous ces mouvements ont pour principale revendication le partage du pouvoir. Et ce partage pourrait se réaliser à travers la réadaptation du système soudanais aux circonstances actuelles du pays. C'est-à-dire non seulement revoir la méthode de désignation des membres des exécutifs locaux (nommés par le président de la République), le mode d'élection des parlements (un reliquat des députés est nommé directement par le chef de l'Etat notamment 6 députés dans une assemblée de 60) mais aussi revoir le mandat des députés locaux (deux ans à partir de la première séance mais qui peut être étendue de la même durée par un simple décret présidentiel).

98 F Eboussi- Boulaga, Les conférences nationales en Afrique : une affaire à suivre, Paris Karthala, 1993, pp. 33- 34

La deuxième raison réside à l'inefficacité du système. En effet malgré les efforts des autorités du régime de 1989 d'instaurer une démocratie populaire participative, « il règne toujours un climat de méfiance des administrés à l'égard des cadres de l'Etat »99. Tout ceci s'explique par le fait que dans la pratique le système ne se retrouve plus et le pouvoir en place doit le revoir car le Soudan ressemble plutôt à un Etat déconcentré qu'un Etat fédéral. Cependant le succès du « nouveau système soudanais » doit passer par une autonomie pousser des régions qui ont été créées par le régime du général Al- Bachir.

B / Une autonomie poussée des régions.

L'autonomie des régions soudanaises semble inévitable dans tout processus de recherche d'une paix définitive pour le pays. Certes le pouvoir central a fait des efforts en acceptant de diviser l'Etat en 26 sous- Etats depuis 1994. Cependant ces efforts paraient insuffisants au regard des revendications des régions. En effet ce dont ces entités fédérées ont besoin c'est d'un fédéralisme dans lequel les entités seront dotées d'une autonomie poussée. Aujourd'hui vu la situation dans laquelle le Soudan est plongée depuis le Protocole de Machakos, le salut de cet Etat pourrait provenir d'une généralisation de ce protocole pour toutes les autres régions. Et cela aurait deux principales justifications :

D'abord en raison du contenu de ce Protocole. En effet le Protocole de Machakos contient des dispositions très intéressantes qui pourraient profiter à l'ensemble des autres régions du pays pour un règlement définitif du problème soudanais. Parmi ces dispositions nous pouvons citer : « le peuple du Sud Soudan a droit à diriger et gouverner les affaires de sa région et à participer équitablement au Gouvernement National »100. Si l'on sait que l'essentielle des revendications des populations du Darfour tourne autour de ce point, on comprendra aisément la nécessité d'une éventuelle application de ce Protocole

99 P P Dika, La crise du Darfour..., op.cit., p. 8

100 Vigilance Soudan, Protocole de Machakos 20 juillet 2002, Documents de référence soudanais, www.vigilsd.org

pour des régions qui sont déjà en rébellion contre Khartoum mais aussi pour les autres qui ne sont pas encore révoltées contre le pouvoir en place mais qui pourraient le faire un jour si rien n'est prévu pour elles à titre d'exemple on peut citer la région de Beja à l'est qui a déjà commencé à plonger dans la tourmente. Ensuite la deuxième raison tient au référendum qui est prévu en 2011. En effet le Protocole a prévu une période transitoire de six ans qui sera sanctionnée par la tenue d'un référendum. Au cours de ce référendum « le peuple du Sud Soudan confirmera l'unité du Soudan en votant pour adopter le système de gouvernement établi sous l'autorité de l'accord de paix ; ou vote pour la sécession »101. L'organisation de ce référendum constitue une belle initiative qui pourrait être une porte de sortie pour les acteurs de la paix au Soudan. Cependant les effets de celui-ci risquent d'être limités si son application ne concerne que la partie sud du pays. En outre le référendum de 2011 doit inclure l'ensemble des peuples des autres régions notamment celle du Darfour qui a déjà manifesté son intention de « participer au partage du pouvoir ».

Pour finir nous pouvons dire que le Soudan « est mal parti ». En effet la situation qui sévit au Soudan est la conséquence d'une déformation des éléments fondamentaux de la nation tels que le système de la laïcité et le mode d'accès aux institutions de la République lequel fut verrouillé par la minorité élite de Khartoum depuis l'indépendance du pays. Aujourd'hui seule une réforme profonde sur ces éléments pourrait faire l'affaire du pays. Par ailleurs l'Etat soudanais doit envisager ces réformes pour l'ensemble des régions du pays avant l'éclatement de toute violence. En outre la recherche de solution pour chaque crise résoudra difficilement le problème soudanais. Cependant des modifications sur les éléments consolidant de l'Etat seraient également nécessaires.

101 Vigilance Soudan, Protocole de Machakos 20 juillet 2002, Documents de référence soudanais Ibid,

SECTION II : DES MODIFICATIONS SUR LES ELEMENTS CONSOLIDANT DE L'ETAT.

Par éléments consolidant de l'Etat soudanais, nous faisons allusion aux éléments qui pourront aider aujourd'hui le régime de Khartoum à asseoir sa démocratie. En effet dire que la démocratie n'existe pas au Soudan relèverait d'une exagération de notre part. car « dans la littérature sur la démocratie, la transition est considérée comme terminée après la tenue des premières élections libres. On entre alors dans la phase de consolidation »102. Or en 1996, après la prise du pouvoir par le Général AL- Béchir on a eu à organiser des élections « libres » ce qui constitue déjà une avancée en matière de démocratie. Cependant il est important de souligner que cette démocratie soudanaise n'a pas réussi à cultiver un climat de paix dans le pays. Ce qui signifie que le Soudan a besoin non seulement de revoir le mode d'organisations de ses élections (paragraphe I) mais aussi d'apporter des réformes sur le plan économique (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LA TENUE D'ELECTIONS LIBRES ET
DEMOCRATIQUES.

En 1996 et en 2000 des élections ont été organisées au Soudan conformément au calendrier qui a été établi par la conférence nationale. Cependant ces élections ont fini de plonger le Soudan dans une anarchie totale. En effet non seulement celles-ci n'ont pas permis à résoudre le conflit du Sud Soudan pire encore au lendemain de ces élections la crise du Darfour éclata. Ce qui nous amène à s'interroger d'abord sur la nécessité d'organiser à nouveau des élections en 2009 ? (A), ensuite sur l'opportunité d'avoir les mêmes acteurs politiques au Soudan (B) ?

102 M Gazibo, Introduction à la politique africaine,.op. , cit. p 181

A / La révision du calendrier électoral.

Le 18 Août 2008 le président soudanais déclarait que « les élections nationales, prévues au plus tard en 2009 et cruciales pour le processus démocratique du pays, se tiendront à la date prévue »103. Cette déclaration intervient suite à l'Accord de Paix Général (APG) signé le 9 janvier 2005 à Nairobi entre le Gouvernement soudanais et la SPLA et dans lequel il était prévu un recensement général de la population du Soudan mais aussi la tenue d'élections générales à mis- parcours de la période transitoire. Cependant tout laisse à croire qu'aujourd'hui, le Soudan n'est pas prêt pour organiser des élections libres et démocratiques. En effet plusieurs facteurs illustrent, que la tenue d'élections en 2009 au Soudan « serait de la pêne perdue » :

D'abord à cause de la crise qui sévit actuellement au Darfour. En effet cette crise ne favorise pas la tenue des élections de 2009. En outre l'organisation de ces élections signifierait que l'entité du Darfour en serait exclue car le climat qui règne dans cette partie occidentale n'est pas propice pour la tenue d'élections apaisées. Comme en illustre l'organisation du recensement qui n'a pu se tenir au Darfour à cause de l'insécurité qui y règne. Aujourd'hui la priorité au Darfour c'est plutôt l'arrêt des hostilités.

Ensuite parce que l'absence d'unanimité sur les accords ayant prévu la tenue d'élections libres et transparentes en 2009 est notoire. En effet comme le souligne Gérard Prunier « les signataires des accords de Nairobi n'ont derrière eux qu'environ 30 % des masses soudanaises »104. Il poursuit en demandant « qu'en est- il des 70 % restant ? »105. Il termine en estimant que « c'est bien évidemment la grande inconnue des prochaines élections »106. Tout ceci

103 Le Soleil Multimédia, Elections au Soudan : la date sera maintenue, édition du Mardi 19 Août 2008, www.lesoleil.sn

104 G Prunier, Paix fragile et partielle au Soudan, le Monde diplomatique février 2005, www.mondediplomatique.fr

105 G Prunier paix fragile...ibid

106 G Prunier Paix fragile...ibid

démontre le manque d'unanimité sur la crédibilité de ces accords. Parallèlement sur l'absence d'unanimité quant à la tenue des élections de 2009.

Enfin parce que la poursuite du Président AL Béchir ne favorise pas la tenue d'élections libres et transparentes. En effet le président soudanais est menacé d'un mandat d'arrêt international lancé par le procureur de la CPI pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour. Cette poursuite pourrait rendre les élections non démocratiques. En outre sachant que la perte du pouvoir l'exposerait à la justice internationale, le Président Omar AL Béchir risque d'utiliser toutes les prérogatives dont il dispose pour s'accrocher au pouvoir. Alors même que sa légitimité est contestée depuis plusieurs années par les régions périphériques du Soudan.

Ainsi tous ces facteurs favorisent aujourd'hui la révision du calendrier électoral et la prise en compte des nouvelles donnes qui, soit ont été négligées lors de la signature des accords de Nairobi soit ont tout simplement fait leur apparition au lendemain de ces accords. Parmi ces nouvelles donnes, nous avons l'arrivée de nouveaux acteurs dans la vie politique soudanaise.

B / L'ouverture à de nouveaux acteurs.

En Afrique de façon générale plusieurs obstacles gangrènent les processus démocratiques. Ces obstacles ne favorisant pas la continuité du processus démocratique enclenchée, méritent une attention particulière surtout dans des Etats comme le Soudan ou les facteurs identitaires et économiques ont souvent été à l'origine des guerres civiles.

Aujourd'hui le processus démocratique déclenché au Soudan depuis sa conférence nationale tenue en 1995 est confronté à d'énormes difficultés qui ont fini d'installer le pays dans un chaos total. Seule l'ouverture à de nouveaux acteurs pourrait ramener la stabilité du pays. En effet, le Soudan à besoin aujourd'hui d'un consensus national sur ses institutions qui ont été fragilisées par les nombreux conflits dans lesquels le pays vit depuis plusieurs années. Et

pour cela les « lassés en rade » du processus démocratique doivent faire leur entré dans l'espace politique soudanais avant la tenue de toute élection. Parmi ceux-ci nous avons :

En premier lieu les chefs des différentes confréries du pays. En effet dans un pays ou l'appartenance tribale et confrérique a toujours joué un rôle extrêmement important à toutes les raisons d'avoir une écoute particulière aux dignitaires religieux. Mieux encore la plupart des partis politiques soudanais trouvent leurs racines dans ces confréries. Aujourd'hui au Soudan on a beaucoup de mal à se détacher du confrérisme107. Cependant l'ouverture à ces confréries ne remettra aucunement en cause l'instauration d'un système laïc au Soudan que nous avons évoqué plus haut.

En deuxième lieu les chefs des mouvements rebelles opérant dans la région du Darfour. En effet des hommes comme Abdel Wahid An- Nur, Minni Minnawi Arkoi (chefs des deux mouvements séparés ALS) ou comme Khalil Ibrahim (chef du MJE) sont devenus aujourd'hui incontournables dans tout processus de démocratisation du Soudan en raison de l'influence qu'ils jouissent au sein de la population darfourienne et de leur importance dans ces mouvements. Il est également important à noter que des Etat comme l'Angola ou le Mozambique l'intégration des anciens rebelles dans le jeu politique a permis le déclenchement du processus démocratique. Il serait dès lors opportun pour le régime soudanais de copier sur ces modèles en faisant appel à ses chefs rebelles dans le champ politique du pays.

En dernier lieu faire appel aux oubliés du Sud Soudan. En effet lors des accords de 2005 entre Khartoum et la SPLA, les divers partis politiques sudistes qui existaient depuis 1986 ont été écartés de l'accord alors que ces derniers constituent « des forces non négligeables »108. Par ailleurs, l'APLS, qui est

107 Christian Lochon in, Compte-rendu conférence « Soudan : récurrence des crises sur fond de richesses », Organisée le 10 novembre 2004 par la Coordination pour l'Afrique de demain (CADE)

108 G Prunier, Paix fragile et partielle au Soudan, le Monde diplomatique février 2005 op. , Cit.

désignée comme l'unique partenaire politique du régime, est loin de contrôler l'ensemble du Sud.

Pour terminer nous dirons que le Soudan est loin d'être prêt pour organiser des élections libres et démocratiques en 2009. Seul le report du calendrier électoral consécutif à une plus grande souplesse du champ politique du pays permettrait la tenue d'élections « bénéfiques » pour tout le peuple soudanais. Cependant pour parachever ses modifications, l'Etat soudanais doit accepter de faire des concessions sur le domaine économique.

PARAGRAPHE II : DES REFORMES SUR LE DOMAINE
ECONOMIQUE.

Sur le plan économique, les richesses du pays sont mal réparties. En effet comme le souligne M Gonidec, « la politique mise en oeuvre avant et après l'indépendance a profité essentiellement au nord du pays. C'est dans cette région que des plans d'irrigations ont été appliqués afin de moderniser l'agriculture et de l'orienter vers de nouvelles cultures commercialisables (coton, blé, canne à sucre, arachide109. En outre le Soudan regorgerait aujourd'hui d'énormes ressources naturelles, cependant les retombées de ces dernières sont inégalement distribuées sur le territoire national. Car comme l'ont souvent dénoncé les régions périphériques du pays, seule la partie nord qui en tire des avantages alors qu'une grande partie de la production notamment du pétrole se trouve dans ces régions « oubliées ». Cela a poussé plusieurs mouvements à prendre les armes pour réclamer leur part du gâteau. Partant de là seule la prise en compte de ces revendications pourrait ramener une paix définitive au Soudan. En outre le régime en place doit accepter non seulement de partager les revenus de la manne pétrolière (A), mais aussi d'envisager des politiques de développements pour résorber les disparités régionales (B).

109 P F Gonidec, Les relations internationales africaines.., op.., cit. , p. 153

A / Le partage des revenus de la manne pétrolière.

Les véritables causes des guerres civiles au Soudan, que ce soit les deux premières et celle du Darfour c'est bien sftr le partage des ressources pétrolières. En effet les rebelles de l'Armée Populaire de Libération du Soudan avaient posé comme condition pour leur signature du Protocole de Machakos la meilleure répartition des revenus pétroliers. Après la satisfaction de leur revendication deux mouvements du Darfour (ALS et le MJE) réclamèrent à leur tour une meilleure distribution des ressources. Démontrant ainsi que le problème du Soudan peut être analysé sous « l'angle du néopatrimonialisme » comme d'ailleurs la plupart des conflits qui se déroulent en Afrique110 selon la formule du Professeur Mamoudou Gazibo. Par ailleurs, aujourd'hui le Soudan doit accepter de faire des concessions économiques pour ses régions. En effet pour deux raisons essentielles, Khartoum doit procéder à des réformes économiques profondes qui iront dans le sens d'une plus grande ouverture à l'accès des régions aux revenus du pétrole.

La première raison tient à l'origine même du Pétrole. En effet la grande production du pétrole soudanais provient dans des régions telles que le Sud Soudan, Darfour, Abeyï (province de l'ouest- Kordofan qui détient presque six champs pétrolifère111) etc. Malgré tout, ces régions périphériques n'ont que peu profité de ces revenus pétroliers comme en illustre la pauvreté qui règne au Darfour ou seulement un tiers des filles va à l'école112. Aujourd'hui le régime de Khartoum pourrait passer par une redistribution équitable de ces revenus. Ainsi les régions dans lesquelles les productions sont faites pourront recevoir des investissements de leur « produit ». Ce qui atténuerait considérablement la teneure de leur revendication.

110 M Gazibo, Introduction à la politique africaine, .op. .cit. , p 128

111 Nicolas Vescovacci, Le Soudan veut briser son isolement, le Monde diplomatique, mars 2000, www.mondediplomatique.fr

112 Article de Wikipédia, Guerre Civile au Darfour ; www.wikipedia.org

La deuxième raison réside au lien qui existe entre les conflits et le pétrole. En effet que ce soit au Soudan, au Nigeria ou encore au Tchad voisin, la découverte du pétrole est synonyme d'un début de conflit en Afrique. Ceci s'explique en grande partie par les convoitises auxquelles le produit est victime surtout pendant cette période ou le prix du baril de pétrole ne cesse de flamber. Cet état de fait doit pousser le pouvoir en place à traiter avec beaucoup d'acuité les revenus de sa manne pétrolière. En outre des Etats comme le Soudan ou le pouvoir est fragile en raison des nombreuses guerres auxquelles il fait face, toute revendication des masses populaires doit être prise avec beaucoup de délicatesse.

Ainsi Khartoum doit envisager des réformes économiques pour un meilleur partage des revenus pétroliers. Par ailleurs le pétrole constitue aujourd'hui la première richesse du pays mais aussi la principale cause des conflits au Soudan. Cependant des politiques de développement des régions pourront également constituer des solutions de sortie de crise pour l'Etat soudanais.

B / Une politique de résorption des inégalités régionales.

Selon l'Association Soudan solidarité «depuis le 30 août 1999, le Soudan fait parti du club des pays africains producteurs de pétrole >113. Cette production du pétrole a considérablement pesé sur l'économie du pays. En effet selon Inter- Cultures Magazine, un journal canadien « l'économie soudanaise croît rapidement sous l'effet du prix élevé du pétrole et d'une production de pétrole accrue, de la période de prospérité que connaissent les secteurs de la construction et des services, de même que de l'afflux important d'investissement direct étranger >114. En dehors du pétrole, l'économie soudanaise peut compter sur ses industries majeures comme l'égrenage du coton, les textiles, le ciment, les huiles alimentaires, le sucre, la distillation du savon, les chaussures, le

113 Association Soudan Solidarité, le Soudan et le pétrole : entre guerre et paix, 22 septembre 2003, www.clesactu.net

114 Inter- Cultures Magazine, Aperçus- pays : Soudan, Edition juin 2008, www.dfait-maeci.gc.ca

raffinage du pétrole, les produits pharmaceutiques, l'armement, ou encore l'assemblage d'automobiles et de camionnettes. On a estimé le taux de croissance à 10 % par année en 2006 et 2007115. Cependant cette croissance rapide de l'économie soudanaise n'est que très peu ressentie par les masses populaires et des réformes doivent êtres envisagées sur ce plan en vue de la faire profiter à l'ensemble de la population. En effet deux données fondamentales militent en faveur d'une réforme de l'économie soudanise.

La première donnée tient à l'inégale répartition de la croissance de l'économie soudanaise. En effet la croissance est répartie inégalement et se concentre surtout à Khartoum et dans les Etats avoisinants comme Omdurman Port Sudan, ce qui accentue les disparités régionales. Aujourd'hui toute politique économique du pays envisagerait une délocalisation de certaines industries soudanaises dans les Etats ou la pauvreté est galopante tels que le Darfour, le Sud Soudan etc.

La deuxième donnée demeure à l'extrême pauvreté dans laquelle baigne le peuple soudanais. En effet malgré l'augmentation globale du revenu moyen par habitant, une grande partie de la population vit toujours sous le seuil de la pauvreté et dépend de l'agriculture de subsistance dans les régions qui n'ont pas d'infrastructures essentielles116. Ainsi plus de la moitié de la population soudanaise n'ont pas accès à des installations sanitaires et près de la moitié ne dispose d'aucune source d'eau potable. En outre selon toujours le magazine Inter- Cultures « en 2006, 5,52 millions de personnes dépendaient de l'aide alimentaire »117 ; compte tenu de l'instabilité politique, notamment des conflits qui affectent le pays depuis plus d'une cinquante d'années. L'urgence du régime de Khartoum résiderait aujourd'hui dans une politique d'investissement décentralisée qui serait le seul gage de stabilité du pays. Par ailleurs tant que le

115 Inter- Cultures Magazine, Aperçus- pays : Soudan, Edition juin 2008..Ibib

116 Inter- Cultures Magazine, Aperçus- pays : Soudan, Edition juin 2008..Ibib

117 Inter- Cultures Magazine, Aperçus- pays : Soudan, Edition juin 2008..Ibib

pouvoir en place continuera à mener une politique de marginalisation des régions périphériques, le Soudan va continuer à sombrer dans la violence. Ceci est d'autant plus vrai que l'ensemble des mouvements qui se sont succédés dans le territoire soudanais manifeste tous la reconnaissance de leurs droits et le développement de leurs localités.

Pour terminer cette partie, nous pouvons constater que la paix au Darfour est loin d'être une affaire simple. En effet ni les efforts fournis isolement par la communauté internationale, ni ceux fournis par les mouvements rebelles encore moins l'effort de l'Etat soudanais ne permettront une paix définitive dans cette région occidentale du Soudan. Ce dont le peuple darfourien a besoin c'est plutôt une combinaison de l'ensemble de ces efforts. Par ailleurs la MINUAD qui opère depuis le 1er janvier 2008 dans cette région doit prendre en compte trois éléments essentiels du dossier darfourien.

D'abord prendre en compte les résultas obtenus antérieurement par l'U.A qui sont des actes non négligeables aujourd'hui dans toute tentative de pacification du Soudan dans son ensemble.

Ensuite pousser les mouvements rebelles à avoir une voix commune. En effet en raison de l'éclatement de l'ALS et du MJE en de petites factions, la reprise des négociations demeure hypothéquée.

Enfin demander le régime de Khartoum de faire des réformes. En effet les instituions politique et la répartition des richesses du pays ne favorisent pas un climat de paix.

En définitive, la solution au problème soudanais réside non seulement à la volonté de la communauté internationale de « pousser » le régime de Khartoum à accepter une participation populaire aux affaires de l'Etat, mais également l'ambition que cette communauté réserverait aux mouvements rebelles à unifier les différentes factions en vue des négociations larges et sérieuses.

CONCLUSION.

Pour conclure sur un sujet qui n'a pas connu son épilogue, nous dirons que le débat reste toujours ouvert. Cependant comme tout travail scientifique, nous sommes pris par notre devoir de mettre terme à notre recherche. Ainsi si la crise du Darfour était perçue par d'autres comme une guerre purement soudanaise, aujourd'hui ses enjeux montrent que le conflit dépasse largement les frontières soudanaises. En effet la guerre civile qui sévit depuis 2003 dans la région occidentale du Soudan présente un triple enjeu.

Elle présente d'abord des enjeux vis-à-vis des dirigeants africains. En effet ces derniers, engagés au règlement de ce conflit depuis 2004 ont très vite compris que compte tenu « des réticences des grandes puissances à intervenir dans des conflits de portée régionales ou guerres civiles »118, l'autonomie en matière du maintien de la paix est devenue un impératif. C'est ainsi que la volonté de résoudre les conflits africains dans un contexte ou les guerres entre Etats n'avaient plus qu'un intérêt historique devait passer par la création d'un organe nouveau (CPS) chargé de la gestion de ces conflits. Par ailleurs l'intervention de l'U.A au Darfour ne constitue pas aujourd'hui un échec mais plutôt un apprentissage pour celle-ci. Dans la mesure où non seulement l'U.A est encore « jeune » mais aussi la crise elle-même est très enracinée.

La crise présente ensuite des enjeux vis-à-vis de la communauté internationale.
En effet elle a permis de comprendre qu'une collaboration est possible entre les
organisations africaines et les Nations unies en matière de maintien de la paix.

118 N Q Dinh, P Dailler, A Pellet, Droit International public, Paris, LGDJ, 7° édition 2002, p. 1019

Elle démontre également que l'autonomie africaine en matière de la gestion des conflits est loin d'être une réalité compte tenu des faibles moyens dont dispose le continent.

Le conflit présente enfin des « intérêts » pour Khartoum. En effet à travers celuici le régime du Soudan est en mesure de comprendre que le système qui a été mis en oeuvre depuis l'indépendance du pays jusqu'à aujourd'hui est « inadapté » aux aspirations des masses populaires. Comme en illustrent ces trois guerres civiles (les deux guerres du sud et celle du Darfour) qu'ait connu l'Etat. Ainsi des modifications radicales s'imposent.

En définitive pour ne pas parler comme Robert O Collins qui imagine que : «la guerre au soudan est une histoire sans fin »119, nous nous pensions que la paix au Soudan est possible. Seulement, la nouvelle MINUAD qui est en charge du dossier depuis le 1er janvier 2008 doit multiplier ses efforts dans le sens de faire reprendre les négociations. Car aujourd'hui tout laisse à croire que le règlement du conflit est politique. Ainsi, pourquoi ne pas opter pour la solution qui a été entreprise par le Nigeria lors de la guerre qui l'avait opposée au Biafra ? Notamment en faisant de ces provinces des entités fédérées au vrai sens du terme120 comme l'a d'ailleurs suggéré M Yves Lacoste.

Quoiqu'il en soit deux données fondamentales ne facilitent pas le retour rapide d'une paix définitive au Soudan. C'est d'abord l'instabilité de la sous région. C'est ensuite la ressource pétrolière qui constitue aujourd'hui une richesse et en même temps un « danger » pour la plupart des Etats africains qui disposeraient de cet or noir.

119 R O Collins, la guerre au soudan : une histoire sans fin, www.african-geopolitics.org

120 L Yves: Géopolitique, La longue histoire d'aujourd'hui, Paris, Larousse 2006, p. 215

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon