WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La gestion des conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la commune de Navaka en République Centrafricaine

( Télécharger le fichier original )
par Alain Guy Ghislain GOTHARD
ESD Bangui -  2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III. Gestion consensuelle et décentralisée de l'espace agropastoral

Rappelons les principes-maîtres de la politique centrafricaine en matière de gestion de l'espace : (i) Zonage en portions de l'espace exclusivement affectées soit à l'agriculture soit à l'élevage, (ii) sédentarisation des éleveurs, (iii) appropriation et utilisation exclusive des espaces pastoraux délimités au profit des groupements d'intérêt pastoral, moyennant le respect d'un cahier de charges, (iv) rotation des pâturages, et (v) réglementation de la transhumance. Ces éléments de politique sont, dans leur fonds, restés plus au moins inchangés depuis le temps colonial, bien qu'ils aient été traduits par les interventions successives en modèles selon différentes facettes : le modèle des communes d'élevage, les ZAGROP, les UP, les AEA. Ces interventions se sont, peut être à l'exception des associations agriculteurs-éleveurs, plus au moins soldées par des échecs. Certains paramètres se sont révélés impossibles, voire irréalistes, puis se sont avérés incompatibles avec les pratiques pastorales. Parfois les dispositions mises en place ont même été la source structurelle de conflits. Il convient donc de mener une réflexion approfondie sur les conditions qui permettront d'aboutir à des dispositions de gestion plus souples et acceptables pour les deux parties, et de ce fait plus viables dans la durée.

III.1. Concepts de zonage en RCA

Globalement vu, le zonage de l'espace agropastoral et la désignation des espaces exclusivement réservés à l'élevage reste une stratégie importante à la fois pour la sécurisation des activités pastorales et pour la prévention des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Dans bon nombre des zones en Afrique où les deux activités se rencontrent, l'approche de zonage s'est avérée un passage obligé dans la recherche d'un consensus autour du partage de l'espace, bien que selon des facettes et des degrés de réussite différentes.

D'une perspective strictement pastorale, l'utilité du zonage se manifeste notamment en saison des pluies, pendant le cycle végétatif des cultures pluviales. L'existence des espaces complètement libres d'implantation de champs est une condition nécessaire pour assurer une alimentation rationnelle, libre de tout stress, et pour ainsi atteindre les paramètres zootechniques souhaités. En même temps, l'existence de ces espaces garantit que le bétail reste, pendant cette période, à l'écart des zones de cultures, pouvant ainsi permettre à celles-ci de finir leur cycle sans perturbations en termes de dégâts par le bétail.

En saison sèche le problème se pose un peu différemment. Les animaux sont attirés aussi par les zones agricoles, du fait des réserves pastorales dans les bas-fonds, de l'accès aux points d'eau permanents, le pâturage post-récolte des champs, etc.. En Centrafrique, c'est la culture pluriannuelle du manioc qui s'oppose à l'ouverture des zones agricoles aux troupeaux pendant la saison sèche.

Dans bon nombre de zones agro-écologiques africaines comparables à celles de la Centrafrique, les dynamiques démographiques puis celles liées au développement des cultures de rente ont occasionné, dans un contexte d'inexistence de dispositions de zonage, un morcellement plus au moins généralisé de l'espace, qui rend l'activité pastorale quasiment impossible. Dans le contexte du Sud-ouest burkinabé par exemple, la conjugaison entre le développement des cultures de rente et la migration agricole des zones plus au nord a occasionné le départ d'une grande partie des troupeaux vers la Côte d'Ivoire et plus récemment vers le Ghana, suite aux conflits sanglants dus à des cas de dégâts des champs. L'existence des dispositions anciennes en termes de zonage en Centrafrique est donc un acquis important, qu'il s'agit de préserver.

III.1.2. Assouplir les concepts de zonage

Il convient cependant de revoir les modalités de zonage et d'impliquer plus systématiquement les populations concernées (agriculteurs et éleveurs) au processus, de préférence les laisser eux-mêmes, de manière conjointe, développer les critères de délimitation. Cette approche permet d'aboutir à des zonages plus fonctionnels, qui pourra tenir compte d'un ensemble de critères auparavant peu considérés comme les besoins futurs en terres fertiles, l'accès à des points d'eau permanents, les mises en défens nécessaires liés à la dégradation des pâturages, etc. L'approche utilisée dans le cadre de l'AEA de Didango Mandjo semble plus au moins répondre à cette exigence.

Afin de pallier les problèmes des champs pièges le long des couloirs de passage, la délimitation et le balisage de ces couloirs créeraient des situations moins ambiguës, rendant cette pratique plus difficile. Quant à l'utilisation des zones agricoles en saison sèche par le bétail, les règles à mettre en place pourraient être conçues de manière plus souple. Bon nombre d'éleveurs nous ont confirmé lors de notre tournée, que lorsque les bases de partage de l'espace entre éleveurs et agriculteurs sont saines et qu'il existe des règles conjointement convenues et réciproquement respectées, l'écartement des troupeaux des champs pérennes pose beaucoup moins de problèmes. Pour les cultures de manioc, la confection de clôtures, une pratique répandue à travers toute l'Afrique, est une solution à envisager pour réduire les risques de divagation. Au cas où cette possibilité d'accéder à la zone agricole serait accordée aux éleveurs, il serait cependant important qu'un dispositif de concertation sur les dates d'ouverture et de fermeture soit convenu.

RECOMMANDATION

La réussite des plans de communication et de sensibilisations suggérées dépend d'un ensemble de conditions préalables, qui nécessitent un appui de la part du gouvernement et d'autres parties concernées. Pour ce faire les recommandations suivantes pourraient être mises en oeuvre:

Sur le plan communication, information et sensibilisation:

Organisation d'une rencontre pour harmoniser les textes sur le foncier grâce à un consensus national entre Etat, Collectivités locales, organisations paysannes, autorités coutumières et religieuses, société civile etc..).

* Tenue d'un débat sur le foncier et la sécurisation foncière en vue de l'élaboration d'une politique de migration.

* appui à la création d'un mécanisme permanent de prévention et de gestion des conflits entre agriculteurs et éleveurs à travers la mise en place d'un cadre spécial de concertation permanente (au niveau village, département, commune), impliquant les responsables coutumiers et religieux.

Ce mécanisme aura pour objectifs d'une part, la sensibilisation et la promotion de la communication entre les différentes communautés et d'autre part, la prévention et la gestion des différends qui pourraient survenir entre agriculteurs et éleveurs. Ce cadre jouera le rôle d'interface entre les communautés et la justice.

La structure pourra mener des activités de prévention et de règlement des conflits avant, pendant et après les saisons pluvieuses à travers des sorties de sensibilisation.

* sensibilisation et implication des responsables coutumiers aux différentes activités sur le terrain, prenant en compte leur influence, respect dont ils jouissent sur le terrain dans le monde rural. Il importe, à ce titre, de valoriser

les mécanismes traditionnels de gestion des conflits en confiant des responsabilités aux responsables coutumiers. L'organisation d'ateliers de formation sur la gestion des conflits pourrait renforcer leurs capacités dans la prévention et la gestion des conflits.

* valorisation des solutions locales traditionnelles ou nouvelles de préservation, de gestion et de contrôle des ressources naturelles.

Elaboration et mise en place d'un plaidoyer auprès des autorités politiques et administratives en vue de l'adoption d'instruments juridiques souples et adaptés au contexte, à l'évolution de l'élevage et à la gestion des ressources naturelles sur le plan national.

* Le renforcement du partenariat avec les radios communautaires existantes grâce à la création et à l'animation de programmes intégrés de communication et de sensibilisation adaptés aux réalités socio-économiques de chaque région. Ces programmes d'animation et de sensibilisation doivent également être menés de manière à fédérer toutes les sensibilités.

* organisation et renforcement de l'IEC/CCC à travers les prestations de troupes de théâtres, organisations à base communautaire qui se distinguent par leur grande capacité organisationnelle, infrastructurelle et surtout par leur grande expérience en matière de mobilisation et de sensibilisation communautaire.

* renforcement de la création et de la diffusion d'outils d'animation et de sensibilisation culturellement adaptés à la prévention et à la gestion des conflits (boîtes à images, affiches, fascicules, films vidéo, scènes de théâtre filmées dans les principales langues nationales).

* organisation périodique de fora regroupant tous les intervenants en matière de gestion des ressources naturelles (agriculteurs, éleveurs, services techniques, administration, sécurité, responsables coutumiers).

* traduction dans les principales langues nationales et large diffusion des différents textes relatifs au pastoralisme en direction de l'ensemble des producteurs (agriculteurs, éleveurs, etc.).

* sensibilisation des populations, pour éviter la pratique de « l'auto justice ».

* institution de séances d'éducation et de sensibilisation au profit des élèves en matière de gestion des ressources naturelles, de cohabitation inter communautaire et de prévention des conflits

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery