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Politique étrangère chinoise, entre amitié pragmatique, intérêts géostratégiques et consolidation nationale

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par Patty Bart
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Géopolitique et relations

internationales

Sommaire

PAGE DE GARDE ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.1

SOMMAIRE 2

ESSAI Erreur ! Signet non défini.3

BIBLIOGRAPHIE 18

L'émergence d'une Chine moderne

Les changements dans la politique étrangère chinoise de 1976 à nos jours :
analyse d'un point de vue historique, diplomatique et géostratégique

???

L

a politique étrangère de la République Populaire de Chine (RPC) est le résultat de la somme de sa situation interne additionnée aux possibilités d'action offertes par la scène internationale. La Chine est avant tout un état profondément paradoxal et

polymorphe. Elle est un état socialiste ou, pour être plus précis, un état demeuré socialiste. Pourtant, la nature capitaliste d'une considérable partie de son économie, voir même le dangereux adversaire commercial qu'elle est devenue éclipsent souvent cette nature essentiellement socialiste de la Chine. De plus, malgré les exceptionnels résultats économiques de sa zone côtière, il ne faut pas oublier que ce pays demeure globalement sousdéveloppé : relégué à la 100ème place dans le classement annuel de 20091, le PIB par habitant atteint 7400$ en 20112. Néanmoins, la Chine possède d'innombrables atouts : son gigantesque territoire, sa formidable population et ses ressources naturelles quasi illimitées, le tout couplé à sa possession de l'arme nucléaire ou encore à son obtention d'un siege permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU en 1971 en font une superpuissance au rôle croissant sur la scène internationale depuis ces dernières années.

1 Voir le classement de 2009 effectué par le Fond Monétaire International (FMI)

2 Voir le rapport 2011 de la CIA, version du 6 avril 2011, consulté le 28 avril 2011.

Ainsi, qui d'autre sur la scène internationale peut vraiment prétendre répondre à tous ces critères en même temps ? Les autres pays du BRICS 3 , certes considérés comme des puissances émergentes, ne sont pas des états socialistes et demeurent avant tout des puissances à l'échelle régionale plus que de réelles puissances internationales. Il n'y a que la Chine qui est concurremment un état socialiste, un pays appartenant au Tiers-Monde et une superpuissance. En d'autres termes, il n'y a que la Chine qui peut jouer sur ses trois terrains à la fois. Toute l'originalité de la politique étrangère chinoise est certes le résultat d'une tradition spécifique - et dont l'influence demeure toujours très importante - mais est principalement le résultat de cette situation si particulière.

C'est dans les années 1980 qu'une gigantesque mutation aux conséquences colossales fut entreprise. Après une période de transition suivant la mort de Mao Zedong en 1976, Deng Xiaoping prit en main le destin de la République Populaire de Chine en décembre 1979 et la mena sur le chemin de la modernisation économique, des réformes politico-sociales et de l'ouverture vers l'étranger, modifiant ainsi à long termes l'équilibre mondial. Il renonce alors à la planification et à la centralisation économique pour adopter le système de l'économie de marché socialiste. Il cesse également de fonder les relations multilatérales de son pays sur des critères idéologiques, et s'efforce de développer des relations amicales de coopération avec tous afin de s'enrichir de toutes les expériences qui peuvent s'avérer utiles au développement de l'économie chinoise. Lentement mais sûrement, la Chine « traverse la rivière en tâtant les pierres4 ». Les valeurs alors considérées comme « universelles » par les Occidentaux ne sont nullement universellement acceptées en tant que telles. L'Histoire5 et les luttes de pouvoir continuent. Et l'un des enjeux majeurs, autant d'un point de vue chinois que d'un point de vue général, est l'insertion réussie dans un monde globalisé d'une Chine qui a expérimenté sous l'impulsion de Deng Xiaoping, puis de Jiang Zemin et enfin de Hu Jintao, un formidable développement, résultat d'une libération d'énergie combinée à une stratégie d'hyper croissance, le tout soutenu par une large et active diaspora6 chinoise installée au-delà de ses

3 Acronyme anglais désignant le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud (South Africa).

4 Entre 1978 et 1984, une série de réformes massives consistant à mettre fin au système des communes populaires qui existait depuis 20 ans dans les régions rurales, et que Deng Xiaoping appelait alors la politique de << traverser la rivière en tâtant les pierres », permirent d'accorder à 95% des familles chinoises issues de ces milieux ruraux - soit à cette époque plus de 160 millions de familles - le droit forfaitaire de gestion des terrains agricoles. A la suite de cette série de privatisations, plus de 200 millions de personnes purent être ainsi sorties de la pauvreté en un temps record et les gains issus de la productivité atteignirent des sommes astronomiques.

5 Lire << La fin de l'histoire et le dernier homme », Francis Fukuyama, 1992

6 Il y aurait une estimation de plus de 40 millions de chinois à l'étranger, la plupart vivraient en Asie du Sud --Est où ils composeraient une majorité dans la population de Singapour, et représenteraient une minorité importante en Indonésie, Malaisie, Thaïlande, les Philippines ainsi qu'au Vietnam.

frontières. Ainsi, à quel point l'équilibre du monde globalisé sera à jamais affecté par ce processus ? C'est, sur la même base que la relation entre l'Islam et l'Occident, l'une des plus formidables questions du XXIe siècle.

Poursuite d'une amitié sino-russe pragmatique

Le contexte international de post-Guerre Froide dans lequel évolue à présent la République Populaire de Chine nécessite de la part de son gouvernement de changer en profondeur sa politique étrangère. De plus, il semblerait que cette dernière est été partiellement modifiée depuis 1989-1991.

Le premier grand défi auquel la République Populaire de Chine fut confrontée fut les conséquences directes de la chute du mur de Berlin en 1989 suivi par la dislocation de l'empire soviétique deux ans plus tard. Le gouvernement de Beijing s'est opposé pendant plus de trente ans au camp socialiste et cette opposition méme fut l'excuse principale pour mener à bien sa diplomatie : le pays s'est rapproché des Etats-Unis afin de mieux affronter l'Union soviétique. Mais en 1991, avec la désintégration de l'URSS, tous ses points de repère se sont soudainement effondrés. Alors que l'Occident y voyait là une pure et simple disparition du communisme et << la fin de l'histoire7 », la République Populaire de Chine se vit isolée du reste du globe et demeura le seul grand état socialiste. Au même moment, les représailles usées par les grandes puissances occidentales pour protester contre les massacres du 4 juin 1989 sur la place Tiananmen8 contribua à isoler d'autant plus la Chine. Les années 1990 commencèrent ainsi sous de mauvais auspices : la République Populaire de Chine se devait

7 Lire << La fin de l'histoire et le dernier homme », Francis Fukuyama, 1992.

8 Les manifestations de Tiananmen, ayant eu lieu entre le 15 avril et le 4 juin 1989, prirent la forme d'un mouvement d'étudiants, d'intellectuels et d'ouvriers chinois qui dénoncèrent la corruption au sein du gouvernement et exigèrent des réformes politiques et démocratiques. Après plusieurs tentatives de négociation, le gouvernement chinois répondit en déclarant l'état de siège et en faisant intervenir l'armée pour réprimer les manifestations. Cette répression du mouvement provoqua un grand nombre de victimes civiles ainsi qu'une indignation générale à l'étranger. A cet effet, quelques mesures de rétorsion furent alors prises : embargo sur les ventes d'armes à la Chine - d'ailleurs toujours en vigueur - de l'ONU, arrêt de la coopération américaine et européenne en matière militaire et de renseignement, gèle des relations entre la France et Beijing, propositions de prolongement des visas étudiants etc...

alors de relever le double défi de surmonter l'embargo économique imposé par l'Occident tout en s'adaptant au changement de régime dans l'ancien bloc soviétique.

Néanmoins, la Chine réussit formidablement à s'adapter à la nouvelle conjoncture mondiale. Ostracisé, et au lieu de rechercher un refuge dans l'autarcie, le régime de Pékin accéléra de toutes ses forces son ouverture à l'étranger afin de regagner au plus vite les faveurs de la scène internationale. Le pays parvint ainsi à complètement normaliser ses relations avec la Russie avec l'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev et de sa visite à Beijing en mai 1989. Ce sommet sino-soviétique entre le président soviétique et secrétaire général Mikhaïl Gorbatchev et le leader chinois Deng Xiaoping permit de régler sans accroc le problème des relations interétatiques. Les décisions prises durant ce sommet permirent d'aboutir à la série d'accords de 1991 consistant au règlement de leur litige frontalier à l'Est et à la régulation et la délimitation dans sa quasi-totalité de la frontière sino-russe. L'année suivante, la Russie compléta le retrait de ses troupes stationnées en Mongolie et mena une série de rondes de négociations avec la Chine visant à réduire leurs forces militaires respectives à leurs frontières9. De fait, cet accord établissait l'égalité des droits, et au-delà, l'égalité politique des deux états. Ce qui a été longtemps l'objectif de la Chine envers l'URSS depuis 1949 fut paradoxalement atteint seulement quand cette dernière faisait déjà place à la nouvelle Russie. Après 1992, c'était le problème de normalisation de ses relations avec ses nouveaux voisins occidentaux résultant de l'éclatement de l'URSS (Kazakhstan, Kirghizstan et Tadjikistan) qui préoccupa la Chine. La RPC parvint là aussi à s'adapter. Elle devait éviter que le Kazakhstan devienne une puissance nucléaire : la pression américaine l'en dissuada. De plus, il était urgent de régler les litiges frontaliers : la Chine y parvint également entre 1992 et 1996. En termes techniques, elle parvint à organiser un modus vivendi acceptable avec ses nouveaux voisins, et cela, dans une période de temps relativement courte. Des mesures de confiance ont ensuite été étendues aux états d'Asie centrale avant d'être institutionnalisées par la création du Groupe des cinq de Shanghai10, consolidant ainsi la relation sino-soviétique. Durant les années suivantes, les rencontres se sont poursuivies avec régularité renforçant ainsi leur confiance mutuelle. Néanmoins, c'est principalement en raison du nouveau contexte international qui s'est substitué à la guerre froide et des inquiétudes partagées envers la politique extérieure de Washington jugée agressive par Beijing et Moscou qui a permis

9 Le retrait des forces soviétiques de Mongolie et à la frontière chinoise constituait un des « trois obstacles » au rapprochement sino-soviétique tels qu'élaborés par Deng Xiaoping lors de la reprise des contacts entre la Chine et l'Union soviétique en 1982. Les deux autres consistaient au retrait des forces militaires soviétique d'Afghanistan ainsi qu'à favoriser le retrait des troupes vietnamiennes du Cambodge.

10 Le Groupe des Cinq de Shanghai est devenu l'Organisation de Coopération de Shanghai en juin 2001.

l'établissement de leurs relations stratégiques11. La Chine et la Russie ont d'abord signé un « partenariat constructif » en 1994, puis se sont engagées dans un « partenariat stratégique » en 1997, ce dernier a ensuite été renforcé par la signature du « Traité d'amitié, de coopération et de bon voisinage » en juillet 2001. Ce traité a eu comme effet de synthétiser les accords précédents en institutionnalisant leur position commune au niveau de la défense d'un monde multipolaire régulé par l'ONU et leur opposition à la politique de puissance12.

Néanmoins, le véritable problème demeure ailleurs. Demeuré un état socialiste, la République Populaire de Chine devait-elle se contenter de relations normalisées avec la Russie non communiste ? Ou bien s'imaginait-elle un rapprochement dont le but principal serait de contrebalancer l'hégémonie américaine, superpuissance triomphante à la sortie de la Guerre Froide? D'une manière extraordinairement pragmatique, le régime de Beijing choisit le rapprochement avec la Russie depuis 1992 : le commerce bilatéral entre les deux géants s'est élevé à presque 34 milliards de dollars US en 2006, une augmentation de 15% par rapport à l'année précédente13. Les ventes d'armement et de technologies militaires russes, jumelées à celles de pétrole et de gaz naturel se situent au centre même du commerce sino-russe. En ce qui concerne la vente d'armement, à la suite de l'écroulement de la demande interne d'équipement militaire suivant la chute du régime soviétique, la Chine, ciblée par un embargo occidental de vente d'armes en raison des évènements de la place Tiananmen en 1989, est devenue un client essentiel à la survie de l'importante industrie militaire russe. Ce commerce absorbe depuis plus de 40 % des exportations militaires totales de la Russie et constitue une portion avoisinant 90 % des importations chinoises d'armement conventionnel. Au niveau de la vente de pétrole et de gaz naturel, la forte demande en énergie de la Chine et ses tentatives de diversifier la provenance de ses importations ont également fait de la Russie un partenaire de choix. Bien que les livraisons de pétrole ne semblent pas satisfaire la demande chinoise, elles devraient augmenter considérablement avec la finalisation de l'oléoduc Sibérie-Pacifique prévue pour 2011, et sur laquelle la Chine mise pour un embranchement.

Cependant, entre Beijing et Moscou, plus qu'une entente cordiale d'ordre purement économique, c'est leur rejet mutuel de l'apparition depuis la fin de la guerre froide d'un monde unipolaire gouverné par les Etats-Unis et dicté par des valeurs entièrement occidentales qui les rassemble. Afin de défendre au mieux cette position stratégique, il est

11 Les deux présidents, Boris Eltsine et Jiang Zemin, se sont rencontrés 7 fois entre 1992 et 1999.

12 « Déclaration commune des présidents chinois et russe (extraits) » voir le Quotidien du Peuple en ligne, juillet 18, 2001. Ce Traité a été taxé d'anti-américain.

13 Les deux chefs d'état se sont entendus lors d'un sommet à Beijing en 2004 pour augmenter le commerce bilatéral à entre 60 et 80 milliards $ en 2010.

naturel que ces deux états se soient rapprochés au cours des dernières années. Entre la Chine et la Russie, les politiques traditionnelles ainsi que les intérêts nationaux semblent ainsi s'imposer plus que jamais. En d'autres mots, le nationalisme - qui rivalisait autrefois avec le socialisme - l'emporte dorénavant dans la politique chinoise.

Interdépendance avec les États-Unis

Si la Chine semble se montrer clémente envers la contre-révolution russe, au point d'aller jusqu'à se rapprocher du régime de Moscou, c'était essentiellement pour mettre un frein à l'hégémonisme et aux prétentions américaines en Asie comme dans le reste du monde. Cette alliance sino-russe s'est d'autant plus vue renforcée à la suite des attentats du 11 septembre avec les revendications internationales des Etats-Unis14. La République Populaire de Chine sait qu'elle est incapable à elle-seule de contrebalancer la puissance états-unienne. C'est ainsi qu'elle a choisi de faire face à Washington en coopérant avec Moscou dans un équilibre précaire des forces.

Durant les massacres de la place de Tiananmen en 1989, les Etats-Unis n'ont montré aucune clémence pour la Chine : suspension des relations politiques, embargo commercial et soutient envers les dissidents furent là quelques unes des mesures temporaires décidées unilatéralement par Washington. Néanmoins, l'attrait pour le marché chinois et la diplomatie chinoise a vite fait de freiner les ardeurs américaines. La crise du Golfe en 1991 devint l'opportunité inespérée pour la RPC de renouveler le contact avec les américains. Aussi longtemps que ces derniers désiraient placer leur intervention militaire en Iraq sous les auspices de l'ONU, la complicité ou du moins la neutralité de la Chine était absolument indispensable. Le régime de Beijing savait comment exploiter intelligemment la situation en marchandant au compte-goutte ses votes ou ses abstentions15 au Conseil de sécurité. Ce choix

14 L'expansion de l'OTAN à l'Est de l'Europe, le bombardement de la Yougoslavie par l'OTAN en 1999 sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, l'appui américain aux « révolutions de couleur » et son entêtement à pousser le « bouclier anti-missile » jusque dans l'ancienne zone d'influence soviétique et les négociations autour de l'alliance nippo-américaine, ne sont là que quelques exemples d'évènements interprétés par la Chine et la Russie comme étant une stratégie d'encerclement, stimulant ainsi leur politique de rapprochement.

15 La Chine s'est abstenue de voter sur presque toutes les résolutions de l'ONU concernant la crise iraquienne avant 1991 et opposa des sanctions sur le pays par la suite.

diplomatique trouve son explication dans la série de réformes économiques entamée par Deng Xiaoping en 1992. A partir de ce moment-là, c'était explicitement une question d'accepter la Chine pour ce qu'elle est vraiment : un régime communiste qui poursuit ses buts nationaux tout en prévoyant le contrôle de son ouverture vers l'étranger ; un pays qui mérite le statut de pays en voie de développement mais qui ne saurait être politiquement traité en tant que tel. Pour contrer l'isolement diplomatique, le régime de Beijing n'avait d'autre choix que le recul idéologique afin de mieux << cacher ses intentions et accumuler une force nationale16 ». Cependant, ce recul idéologique destiné principalement à calmer l'hostilité américaine, privait la Chine d'une arme morale efficace et engendrait ainsi un fort sentiment d'infériorité dans la classe dirigeante chinoise : c'est pourquoi la Chine se trouva par la suite constamment en position défensive face à l'Occident.

La décennie fut donc dominée par un face-à-face parfois brutal et dangereux entre les EtatsUnis et la Chine, mais globalement très prolifique sur le plan économique. La politique chinoise consistait alors à poursuivre le développement des relations commerciales, technologiques et financières avec les américains tout en les contrebalançant sur le plan politique. C'était alors un exercice diplomatique difficile mais là encore, la Chine parvint à atteindre la plupart de ses objectifs. Elle a réussi à devenir en quelques années le troisième exportateur mondial et le marché américain, qui est aussi son premier client, absorbe le cinquième des exportations chinoises dans le monde17. A lui seul, le grand distributeur Wal-Mart a acheté en 2005 pour 18 milliards de dollars de produits manufacturés en Chine. Elle est aussi devenue le premier créancier de l'économie américaine en passant en septembre 2008 au premier rang des pays détenteurs de bons du Trésor américain18, bons sur lesquels les Etats-Unis s'appuient depuis longtemps pour financer leur gigantesque dette. Assise sur un trésor de réserves de changes de 900 milliards de dollars, elle s'est lancée ces dernières années dans des achats massifs de bons du Trésor (dont la valeur s'élève maintenant à 585 milliards de dollars, le Japon reculant au deuxième rang avec 573,3 milliards de dollars). Deux raisons principales motivent cette politique : d'abord, la demande chinoise permet de défendre la valeur du billet vert et donc de protéger la compétitivité monétaire du << made in

16 Tao Guang Yang Hui (????) ou << cacher la lumière et cultiver l'obscurité » est un proverbe chinois qui résume bien la stratégie diplomatique chinoise : la Chine n'a aucun intérêt à apparaître comme une grande puissance et préfère être toujours perçue comme une puissance en voie de développement afin de mieux traiter avec l'Afrique ou l'Amérique latine qui perçoivent tous deux les Etats-Unis comme l'adversaire impérialiste à contrer. Le jour où les Chinois accepteront officiellement le titre de 1è puissance mondiale, ils le seront en fait depuis bien longtemps.

17 Voir l'enquête datant de 2008 de la US International Trade Commission, US Department of Commerce, and US Census Bureau.

18 Voir statistiques publiées le 18 novembre 2008 par le département du Trésor américain.

China ». Eviter que le yuan ne s'apprécie substantiellement par rapport au dollar est une priorité à Pékin. Ensuite, cet appétit de bons du Trésor maintient les taux d'intérêt américains à bas niveau, encourage la consommation - surtout des exportations chinoises très bon marché - et, finalement, décourage les pressions inflationnistes. L'explosion d'un conflit ouvert avec les Etats-Unis serait donc très douloureusement ressentie autant par l'empire du Milieu que par les américains et serait économiquement désastreux pour chacun. La Chine a donc préféré miser sur la sécurité en optant le profil bas ce qui lui a valu d'engranger des bénéfices dans trois domaines : la levée des sanctions après 1992, l'octroi par les Etats-Unis de la clause de la nation la plus favorisée et un accroissement phénoménal des investissements étrangers directs (IED19). La montée en flèche des exportations et des IED a ainsi permit de soutenir la dynamique de la croissance économique chinoise.

Toutefois, la discorde principale dans les relations sino-américaines est liée à leurs conceptions respectives de l'organisation en Asie. Bien entendu, la Chine est tout à fait consciente que son développement économique dépend essentiellement de ses ventes sur le marché américain mais elle demeure néanmoins très peu enthousiaste quant à la question d'une organisation de la région évoluant autour de la Maison Blanche. Avec la mise en place de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC), l'idée était de créer un dialogue transpacifique garantissant un engagement américain fort. Mais la volonté politique s'est quelque peu affaiblie : le Président Clinton a manqué deux forums annuels ; le Président Bush s'est aussi désisté une fois en invoquant l'excuse de guerre. De plus, des inquiétudes à propos de la présence et du leadership américain dans l'organisation se sont depuis manifestées. C'est ainsi que la Chine a décidé de tirer profit de cette situation pour mener une offensive pragmatique en Asie du sud-est et y étendre en conséquence sa présence sur la question de la sécurité, de la diplomatie ainsi que de l'économie. Pour Beijing, devenir le leader en Asie - qui est aussi le marché le plus dynamique et productif du monde - est devenu la priorité fondamentale. Selon le régime communiste, la fin de la guerre froide doit nécessairement amener à l'augmentation des responsabilités de la part de la puissance régionale dominante, ce qui signifie ici la Chine en Asie.

19 En 2008, le montant des IED perçu par la Chine a atteint 92,4 milliards de dollars selon les chiffres fournis par le Ministère du Commerce de la République Populaire de Chine.

L'impérialisme de l'Empire du Milieu

Cet aspect souvent tendu voir négatif de la diplomatie chinoise est due au fait que l'unité nationale est loin d'être totalement restaurée. C'est alors un point souvent ignoré mais qui influence énormément la conduite chinoise. La classe dirigeante n'hésite donc pas à exacerber la victimisation historique des chinois, peuple maltraité par la guerre de l'Opium, les concessions étrangères et l'invasion japonaise, afin de mieux attiser un sentiment nationaliste au sein des masses populaires. Après tout, le dépeçage qu'a subit le territoire du XIXe siècle jusqu'au milieu du XXe siècle a marqué à jamais les esprits comme le signe suprême de l'humiliation nationale. Le maintien de l'intégralité du territoire est donc devenu le symbole du respect internationalement retrouvé.

Un grand pas vers l'unification du pays a été effectué avec la rétrocession de Hong Kong en juillet 1997 et de celle de Macao en décembre 1999. Non seulement ces deux Nouveaux Territoires20 symbolisaient l'ancienne soumission de la Chine face aux puissances coloniales occidentales, non seulement l'insolent développement économique de la colonie britannique ne cessait de souligner le honteux et éternel retard économique de la mère patrie21, mais plus que tout, ces deux enclaves avaient le défaut d'être situées dans le territoire même d'une « seule Chine22 ». L'énergie furieuse étalée par Beijing à vouloir effacer toutes traces de démocratie à Hong Kong n'est pas seulement le résultat de la nature autoritaire du régime chinois, mais est aussi et surtout le résultat de sa volonté à vouloir y revendiquer là son entière et pleine souveraineté. Après tout, Hong Kong est présenté par le gouvernement de Beijing comme le cheval de Troie de la démocratie qui risquerait d'animer un effet de contagion politique dans l'ensemble du monde chinois. Cependant, tout en représentant une certaine menace idéologique, l'internationalisation croissante de la RPC tend à marginaliser Hong Kong, accélérant ainsi la captation par Pékin de ses institutions et de la dilution sur place du mouvement démocratique. La marche de manoeuvre de l'ancienne colonie britannique est donc très limitée car le régime communiste est toute disposé à assimiler toute volonté de

20 Cédés à bail pour 99 ans à la Grande-Bretagne en 1898, les Nouveaux Territoires étaient à l'origine de vastes terres agricoles situées essentiellement sur le continent et sur l'île de Lantau.

21 Hong Kong est de loin la ville la plus riche de la Chine continentale avec un PIB par habitant de 310 021 yuans, contre 46 586 yuans à Shanghai. En termes de parité de pouvoir d'achat, il était de 37 300$ en 2006 contre 31 200$ en France et 43 800$ aux Etats-Unis. Voir CIA, World Factbook, consulté le 7 janvier 2008.

22 La politique d'une seule Chine (\u19968àêcents'†ç) est la position politique chinoise selon laquelle la Chine est Une et Unie, ce qui signifie que Hong Kong, Macao, Taiwan, Tibet et Xinjiang feraient tous partie d'une Chine unifiée. La Chine refuse tous échanges commerciaux et diplomatiques avec les pays opposés au principe d'une seule Chine.

démocratisation non initiée par lui-même à un mouvement indépendantiste similaire à celui existant à Taiwan. La souveraineté n'est certes pas remise en question à Hong Kong mais le clivage social tend à se focaliser sur le changement politique en cours.

Le problème de l'unité nationale est aussi posé par la crise lancinante du Tibet. La Chine impériale n'était pas seulement un empire au sens politique du terme mais l'était également au sens colonial. L'objectif est de transformer l'ancienne suzeraineté de la région en une pure et simple souveraineté. La crise est inévitable comme la tendance actuelle n'est plus à la colonisation mais à la décolonisation. Certes, même si en droit international, les Nations unies reconnaissent la Chine dans ses frontières actuelles - le Tibet n'a jamais été répertorié comme pays à décoloniser - une résolution de 1961 donne aux Tibétains le droit d'être consultés sur leur avenir. De plus, la difficulté première ne réside pas seulement dans la présence coloniale de la Chine au Tibet, mais aussi dans la tentation que pourrait ressentir les puissances occidentales à vouloir exploiter cette situation afin de mieux mettre la pression sur un régime communiste qui leur semble dorénavant vain et parfaitement anachronique.

Quant à Taiwan, l'unification de l'île avec la mère-patrie demeure l'objectif fondamental de la politique étrangère chinoise. Même s'il est de notoriété publique que si les relations politiques entre la République mère et la République de Taiwan sont particulièrement houleuses, les échanges commerciaux entre les deux entités rivales sont importants, et crées même une situation d'interdépendance entre les deux économies. Cette interdépendance aurait pour avantage de rendre d'autant plus hypothétique une confrontation ouverte avec l'île que celle-ci est aurait des répercussions catastrophiques de part et d'autre du détroit. Depuis 2001, la Chine est devenue le premier client de Taiwan mais également un de ses premiers fournisseurs ; la RPC représente 5,6% des exportations de Taiwan et 8,6% de ses importations23 ; l'île investirait également chaque année jusqu'à 3 milliards de dollars sur le continent et le montant des échanges commerciaux atteindrait 79 milliards de dollars24. La Chine a donc besoin de l'économie taïwanaise pour soutenir sa croissance, rattraper son retard, acquérir les technologies et les capitaux dont elle a besoin pour atteindre ses objectifs de croissance, tandis que Taipei dépend du continent pour soutenir la sienne. Taiwan détient donc bien un rôle décisif dans le miracle économique chinois, ce que Pékin a parfaitement saisi en s'efforçant d'attirer les investisseurs et les capitaux taïwanais. Au-delà des apports directs que représentent ces investissements, ils sont également pour la capitale le moyen

23 Source: COMTRADE, http://www.interex.fr/ATLAS/interex2/economie49.htlm

24 Voir The Business Times, in Courrier international n°749 du 10 mars 2005. Ces chiffres sont corroborés par ceux de l'OMC qui donnent un total de 78,3 milliards de dollars, répartis en 13,54 milliards d'exportations chinoises vers Taiwan et 64,76 milliards d'importations en provenance de l'île.

d'affaiblir son adversaire en le rendant dépendant de ses marchés. En effet, l'économie taïwanaise, en investissant massivement sur le continent se lie de plus en plus les mains, perdant ainsi sa marche de manoeuvre et son indépendance par rapport à un pays dont le but ultime n'est autre que sa perte. L'interdépendance devient donc pour les autorités chinoises une arme qu'elles entendent bien utiliser à leur profit. Pékin joue donc, dans ce domaine, un double jeu qui lui permet à la fois de prospérer en attirant les entreprises du pays, tout en poursuivant son but ultime d'unification en faisant des investisseurs et des taïwanais installés sur le continent un élément modérateur de la volonté indépendantiste du gouvernement de Taiwan. L'île joue également un rôle majeur du fait de sa position stratégique essentiel au contrôle des détroits, et par là celui des routes maritimes dont la Chine dépend pour s'approvisionner en matière première et en pétrole nécessaires pour soutenir sa croissance économique. Dans le cadre d'un monde globalisé où le commerce maritime tient une place prépondérante et ne cesse de croître25, le contrôle des routes maritimes est au coeur des préoccupations et constitue un enjeu majeur, tant sur le plan économique que militaire car il permet à la fois de contrôler les flux tout en donnant l'accès à des zones d'intérêts souvent éloignées. De plus, Taiwan représente surtout un point d'encrage du « nationalisme chinois », outils dont use et abuse volontiers le tout puissant Parti Communiste afin de détourner l'attention des masses populaires des conséquences sociales engendrées par la croissance. Certain pensent que l'intensification de cette interdépendance économique entre l'île et le continent amènerait éventuellement à la résolution de la crise. Pour le moment, les dirigeants de Pékin, nolens volens, doivent s'habituer à l'idée qu'ils devront prendre en compte le protectorat américain sur l'île pour éventuellement mieux le réduire par la suite. Mais la perspective de voir ce protectorat être légitimé, sinon renforcé, serait insupportable pour la Chine ; néanmoins, la diplomatie chinoise - qui est surtout basée sur la nécessité absolue de conserver un point d'accès aux marchés et à la technologie états-unienne - saura réagir à chaque affront avec calme et pragmatisme. Les leaders actuels du gouvernement chinois sont obsédés par leurs moyens d'action. Ils ont compris qu'il n'y a de grands pouvoirs sans grande politique. Mais ils ont surtout compris à quel point le destin du régime communiste est solidement lié à sa capacité à maintenir une croissance économique forte et rapide, en l'absence de laquelle des conflits sociaux augmenteront et le système s'effondrerait.

25 Les flux maritimes ont augmenté de 2,3% entre 1970 et 2001 pour représenter environs 75% du commerce mondial. Lire Lassere Frederic, « les détroits maritimes des enjeux stratégiques majeurs ».

La politique africaine de la Chine

Dorénavant, la priorité absolue est donc d'obtenir un accès aux marchés et aux matières premières étrangères. D'autant plus qu'à présent, la croissance économique chinoise engendre des besoins énergétiques considérables26. Poussée par un besoin de s'affirmer comme étant un « Etat fort », la Chine doit de se libérer de toutes contraintes pouvant entraver sa croissance économique exponentielle : cela suppose qu'elle doit gagner son indépendance vis à vis des puissances occidentales concurrentes en matière d'importations énergétiques.

La production interne de pétrole est devenue insuffisante et les livraisons russes n'atteignent pas le niveau espéré. La politique extérieure de la RPC qui est conditionnée, en grande partie, par la recherche d'une sécurité énergétique place d'emblée le continent africain et ses matières premieres au coeur des ambitions chinoises. C'est ainsi que les compagnies pétrolières chinoises essayent alors d'étendre leurs sources d'approvisionnement (notamment en Indonésie, au Nigeria27, en mer Caspienne...) afin d'apaiser la soif d'un pays qui serait contraint d'importer 60% de son énergie d'ici 202028. À présent, la recherche de l'or noir ne connaît plus de limite ni de frontières et le pragmatisme diplomatique a pris le pas sur la rhétorique idéologique : par nécessité, la Chine traite même avec les pays, tels le Tchad, qui maintiennent pourtant leurs relations avec l'île de Taiwan. Cette offensive économique et commerciale29 s'accompagne d'une intense activité diplomatique. Une centaine de rencontres officielles ont alors été organisées sous l'égide des ministères du commerce et des affaires étrangères, qui se sont dotés de « départements Afrique ». La diplomatie de Pékin repose majoritairement sur sa doctrine de non ingérence dans les affaires intérieures, ce qui lui permet de pouvoir traiter sans état d'âme avec de nombreux pays en crise ou en délicatesse avec la diplomatie occidentale. Ainsi, le maintien de ses relations avec le Soudan - pourtant

26 La demande quotidienne en pétrole est passée de 2,12 millions de barils par jour en 1990 à 3,95 millions de b/j en 1999. Elle est à présent estimée à 7 millions de b/j à l'horizon 2010. Source: Agence Internationale de l'Energie OCDE 2004.

27 Durant la visite du président chinois Hu Jintao en 2006 au Nigeria, la Chine a obtenu la licence d'exploitation de quatre puits de forage pétroliers et accepta d'investir 4 milliards de dollars US dans des projets de développement d'infrastructures pétrolières. Les deux nations ont également accepté un plan en 4 étapes visant l'amélioration les relations bilatérales. Voir aussi bibliographie : "China and Nigeria agree oil deal". BBC News. 2006-04-26.

28 Déclaration officielle datant du 7 janvier 2009 de Ju Jianhua, directeur Général Adjoint du Département de la Planification du Ministère du Territoire et des Ressources.

29 Treize des quinze premières sociétés étrangères installées au Soudan sont chinoises.

en froid avec les Nations unies en raison de la situation au Darfour - démontre son cynisme certain : la Chine, lors du vote de septembre 2004 de la résolution 1564 du Conseil de Sécurité des Nations unies (ONU) décrétant un embargo sur les armes à destination de ce pays, a menacé de poser son veto avant de finalement s'abstenir. Elle a néanmoins fait fi de la résolution pour livrer des armes au gouvernement de Khartoum accusé de génocide au Darfour30. Cette nouvelle manière de faire le business à la chinoise commence à sérieusement irriter les diplomaties occidentales, officiellement soucieuses de la bonne gouvernance dans le continent «utile». Car méme s'il est vrai que les prêts accordés par les organisations internationales (telles que le Fond Monétaire International) soumettent le pays bénéficiaire aux conditions du bailleur, le peu de formalités dont s'embarrasse la Chine pour octroyer ses crédits ne favorise en rien la transparence financière.

La présence chinoise en Afrique s'inscrit donc dans une stratégie globale déployée par de le
gouvernement de Beijing consistant à contourner les puissances occidentales concurrentes,
telles que les Etats-Unis et l'Union Européenne. Cette politique d'aide inconditionnelle

s'appuie principalement sur l'exaltation d'un passé en commun (la Chine et l'Afrique ont tous deux épancher pendant des années la soif coloniale des pays occidentaux) ainsi que sur la

coopération entre pays du Sud. La Chine entend dissocier explicitement le développement économique des réformes politiques et érige le principe fondamental de non-ingérence et de neutralité comme socle de sa coopération avec les pays africains. Pour le régime de Pékin, la démocratie est la conséquence de la prospérité économique et non le contraire. Cette nouvelle politique de l'aide découle de l'importance de ses réserves financières estimées à 2399,2 milliards de dollars31. Alors que la Chine se contentait de les convertir en bons du Trésor américain - alors considérés comme sûrs mais à la rentabilité faible, elle a désormais choisi de les utiliser à des fins géostratégiques, en se lançant dans une véritable politique d'investissements en Afrique pour renforcer son indépendance énergétique. En 2005, le flux commercial entre la Chine et le continent africain s'élevait à 40 milliards de dollars et a atteint en 2008 un nouveau record de 106,8 milliards de dollars américains32. Au total, Pékin consacre 45% de son aide au développement à l'Afrique grâce à une politique d'investissement multiforme qui a, selon le Président algérien Abdelaziz Bouteflika, permis à l'Afrique d'atteindre un taux de croissance de l'ordre de 6%, son taux le plus élevé de ces

30 Voir le rapport d'Amnesty International de 2006.

31 D'après les calculs de 2009 établis par la Banque centrale chinoise.

32 Déclaration officielle de Chen Deming, Ministre chinois du Commerce, à Luanda durant sa visite en Angola en 2008.

trente dernières années33. C'est ainsi qu'en juin 2006, le Sénégal a bénéficié d'un allègement de sa dette, qui atteignait alors 20 millions de dollars. La Chine est également devenue un généreux investisseur en République du Congo, le plus grand pays d'Afrique est aussi l'un des plus pauvres au monde, avec un PIB par habitant de 2966 dollars34. C'est également potentiellement le plus riche avec un sous-sol recélant les plus importantes réserves mondiales de cobalt et de tantalum, un métal rare, et d'énormes gisements de cuivre, d'or, de diamants, de manganèse, d'uranium et de zinc. Un accord signé en septembre 2007 prévoit que la Chine injectera 6,5 milliards de dollars dans la construction ou l'amélioration des infrastructures du pays, ainsi que 2 milliards de dollars supplémentaires pour ouvrir ou moderniser de nouvelles mines.

Ce nouveau modèle chinois appelé « win-win » (gagnant-gagnant) où il n'y aurait à priori aucun perdant assure des aides financières sans conditions en bas de page : ce n'est plus que du pur business. Ce partenariat stratégique innovant est présenté par les autorités chinoises comme dénué de tout esprit d'exploitation et de mercantilisme, également fondé sur le respect mutuel de la non-ingérence, alors opposé à l'universalisme des valeurs occidentales.

Conclusion : une politique différenciée

La stratégie chinoise est loin d'être explicite : et pour cause, elle est aussi déterminée à longterme qu'elle est prudente à court-terme. Il y a toutes les raisons de croire que les leaders politiques chinois ont pour objectif d'atteindre la parité avec les Etats-Unis et qu'ils utiliseront pour cela tous les moyens à leur disposition pour affaiblir le puissant empire américain. Il n'y a pour autant aucune intention révolutionnaire derrière. Il est même surprenant de voir qu'il n'y a aucun projet de réorganisation de la société mondiale. C'est là tout simplement une stratégie de montée en puissance qui mise sur la prudence et qui prend part dans tous les domaines possibles. Cette stratégie, qui se fonde essentiellement sur le maintient d'une croissance économique forte, donne la priorité à la diplomatie commerciale.

33 Interview du Président algérien Abdelaziz Bouteflika, www.el-mouredia.dz, novembre 2006.

34 Source: Statistiques de l'année 2008 fournies par la Banque mondiale.

Malgré les efforts déployés par les compagnies pétrolières chinoises dans l'élargissement des sources d'approvisionnement, la Chine sera tôt ou tard bien obligée d'augmenter ses importations pétrolières en provenance du Golfe, ce qui signifiera forcément une présence croissante au Moyen-Orient. Et c'est là que réside toute la difficulté : comment faire bonne impression dans une région où l'on ne comprend pas les regles du jeu et où l'on a si peu d'amis ? Il est certes vrai que le régime de Pékin n'hésite pas à commercer avec des pays en mauvais termes avec les Etats-Unis et à gagner leurs faveurs grâce à des opérations commerciales plus ou moins illicites. De fait, c'est dans les pays comme l'Irak ou l'Iran où la Chine a le moins de problèmes pétroliers.

Mais cette diplomatie préserve une certaine originalité liée à la nature autoritaire de son régime : les importantes manoeuvres commerciales sont décidées, contrôlées et conclues par l'organe politique en place. De fait, la politique étrangère chinoise donne ainsi la priorité aux relations bilatérales. Elle s'est habituée aux négociations internationales et aux assemblées régionales mais c'est dans un contexte bilatéral qu'elle se sent le plus à l'aise - car est-il peutêtre le plus propice à la mainmise étatique ? L'insistance pour les relations bilatérales a un prix : elle court le risque d'une dispersion politique et diplomatique. Au Moyen-Orient comme dans la plupart des autres régions du monde, la Chine s'efforce d'obtenir l'amitié de tous pour parvenir à ses fins. On ne peut que constater à quel point elle a réussi dans ce domaine, et ce, en dépit parfois de toute logique diplomatique: en effet, peu de protagonistes du Moyen-Orient semblent reprocher à la Chine les ventes d'armes à l'état d'Israël.

En fin de compte, la politique étrangère chinoise est sürement l'une des meilleures au monde, en partie parce qu'elle jouit d'une étiquette qui lui évite nombre d'enquêtes : il n'est pas si certain qu'une attitude similaire déployée par un tiers pays aurait été aussi bien tolérée. Mais l'indulgence de la communauté internationale pourrait ne pas durer éternellement. A présent que la puissance ainsi que l'influence de la Chine s'intensifie, il sera de plus en plus difficile de mener une politique étrangère qui offre un tel contraste entre les discours et la pratique et divise à un tel point les relations bilatérales. Cette diplomatie est caractéristique de celle d'une candidate à la superpuissance qui s'abrite pour mieux préparer le futur. Mais on demandera sürement à l'avenir plus de cohérence dans la diplomatie chinoise. On lui demandera également d'afficher avec plus de transparence ses objectifs à courts termes et de réaliser des propositions concretes en matière d'organisation de la société mondiale.

De plus, on ne devrait jamais oublier que la diplomatie chinoise, aussi brillante puisse-t-elle
être, s'opère sous deux épées de Damoclès : les fragilités du développement économique ainsi
que les failles du système politique. Les progrès que la Chine réalise sur la scène

internationale demeure avant tout profondément dépendants du long travail qu'elle doit accomplir avant tout sur elle-même.

Bibliographie

Sources anglaises:

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Cass, D., China and the world trading system, (Cambridge: Cambridge University Press, 2003).

Feigenbaum, Evan, 'China's Military Posture and the New economic Geopolitics', Survival, (Vol 41, No. 2, Summer 1999), pp. 71-87.

Hodder, Rupert, 'China and the world: Perception and Analysis', (The Pacific Review, Vol. 12, No. 1, 1999), pp. 61-77.

Kim, Samuel, China and the world: Chinese foreign relations in the post-Cold War era, (Oxford: Westview Press, 1994).

Lanteigne, M., Chinese foreign policy, (Routledge, 2009).

Maull, Hanna, 'Reconciling China with International Order', The Pacific Review, (Vol. 10, No. 4, 1997), pp. 466-479.

Robinson, Thomas, and Shambough, David, (ed) Chinese Foreign Policy: Theory and Practice, (Oxford: Clarendon Press, 1994).

Segal, Gerald, China changes shape: regionalism and foreign policy, (London, IIS, AdelphiPapers, No. 287, 1994).

Sexton, John and Hunter, Alan, Contemporary China, (Basingstoke: Macmillan, 1999).

Shih, Chih-Yu, China's Just World: The Morality of Chinese Foreign Policy, (Boulder: Lynne Reinner, 1993).

Tajima, Takashi, China and Southeast Asia: Strategic Interests and policy Prospects, (London: IISS, Adelphi Paper No. 172, 1981)

Winters, L. A. and Yusuf, S. (ed), Dancing with giants: China, India and the global economy, (Washington D.C. : World Bank, Institute of Policy Studies, 2007), ebook.

Sources françaises:

Cabestan J. P. et Vermander B., << La Chine en quête de ses frontières. La confrontation Chine-Taïwan », Presses de Sciences-Po, 2005, p31

Françoise Lemoine, « La montée en puissance de la Chine et l'intégration économique en Asie ", in « Hérodote ", n° 125, deuxième trimestre 2007, p. 62 sq.

Jean-Pierre Cabestan, « La politique étrangère chinoise : une Chine sans ennemis n'est pas forcément une Chine rassurante ", in « Hérodote ", n° 125, deuxième trimestre 2007, p.16.

Lassere Frederic, « les détroits maritimes des enjeux stratégiques majeurs »

Le Quotidien du Peuple en ligne, << Déclaration commune des présidents chinois et russe (extraits) », juillet 18, 2001

Livre blanc de 2000

Philippe Pelletier (sous la direction de), « Géopolitique de l'Asie ", Nathan, 2006, p. 186

Yves Lacoste, « La Chine change l'« ordre " du monde ", in « Hérodote ", n° 125, deuxième semestre 2007, p. 4

Autres :

Agence Internationale de l'Energie OCDE 2004

Amnesty International, rapport de 2006

Banque centrale chinoise, calculs de 2009

Banque mondiale, statistiques de 2008

BBC News. 2006-04-26. Retrieved 2008-06-21

BBC News. 2006-04-26, "China and Nigeria agree oil deal".

CIA, World Factbook, consulté le 7 janvier 2008

CIA, The world Factbook China, version du 6 avril 2011, consulté le 28 avril 2011

COMTRADE, http://www.interex.fr/ATLAS/interex2/economie49.htlm

Déclaration officielle de Ju Jianhua, directeur Général Adjoint du Département de la Planification du Ministère du Territoire et des Ressources, 7 janvier 2009

Déclaration officielle de Chen Deming, Ministre chinois du Commerce, à Luanda durant sa visite en Angola en 2008.

Département du Trésor américain, statistiques du 18 novembre 2008

Fond Monétaire International (FMI), classement de 2009

International Monetary Fund's 2009 ranking

Interview du Président algérien Abdelaziz Bouteflika, www.el-mouredia.dz, novembre 2006

Ministère du Commerce de la République Populaire de Chine

The Business Times, in Courrier international n°749 du 10 mars 2005

US International Trade Commission, US Department of Commerce, and US Census Bureau, enquête de 2008






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