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Démocratie et pouvoirs coutumiers dans les chefferies du Haut-Uélé en RDC

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par Félix-Amand et Dieudonné FUFULAFU ZANIWE et BUAGUO MOSABI
Université de l'Uélé -  2012
  

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    Dieudonné BUAGUO MOSABI et Amand-Félix FUFULAFU ZANIWE

    N° Tel  0810792738 et 0814892312

    ffeliad@gmail.com et dbuaguo@yahoo.fr

    DEMOCRATIE ET POUVOIRS COUTUMIERS DANS LES CHEFFERIES DU HAUT-UELE

    Depuis le discours présidentiel du 24 avril 1990, la RD Congo a opté pour la démocratie. Les résultats escomptés jusque-là ne sont pas encore atteints. Il se fait constater que ce processus avance lentement. Cette démocratisation semble être graduelle et nécessite non seulement l'implication des institutions du gouvernement central de la République mais aussi celles des entités territoriales. Il s'agit notamment des Provinces, Villes, Communes, Territoires, Chefferies, Groupements et Villages. En ce qui concerne les entités territoriales, une étude sur les chefferies paraît pertinente dans la mesure où elle vérifie leur compatibilité avec la démocratie, étant donné qu'elles sont des entités gérées par les normes coutumières. La RD Congo est un pays vaste avec 259 chefferies inégalement réparties à travers ses provinces. Plus de la moitié se trouve dans la Province Orientale soit 139 chefferies1(*). Le District du Haut-Uélé en a quarante et une.

    Dans cette réflexion, nous nous proposons de répondre aux questionnements suivants :

    § Les chefferies du Haut-Uélé sont-elles favorables à la démocratie ?

    § Que représentent les pouvoirs coutumiers dans le Haut-Uélé au regard des exigences démocratiques ?

    Il ne s'agit pas de mener une étude sur toutes les chefferies du Haut-Uélé, mais quelques-unes seulement dans les Territoires de Rungu, Dungu, Faradje et Wamba.

    Les pouvoirs coutumiers dont il est question ici sont ceux qui sont détenus par les chefs de chefferies, chefs de groupements et chefs de villages.

    En effet, cet article comporte trois parties : l'évolution historique des chefferies, la démocratie et les chefferies et la conception que se font les citoyens du pouvoir coutumier dans les chefferies du Haut-Uélé.

    1. Evolution historique des chefferies

    Il n'est pas de doute, le pouvoir coutumier est reconnu en RD Congo2(*). C'est celui que détiennent les chefs de chefferies, les chefs de groupements et les chefs de villages.

    D'après la loi N°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation des entités territoriales décentralisées et leur rapport avec l'Etat et les provinces, la chefferie est un ensemble généralement homogène de communautés traditionnelles organisées sur base de la coutume et ayant à sa tête un Chef désigné par la coutume, reconnu et investi par les pouvoirs publics3(*). Cependant, actuellement dans le Haut-Uélé, cette définition peut être remise en cause par le fait que certaines chefferies ne sont pas homogènes. Elles sont plutôt hétérogènes. Elles devraient être des secteurs. C'est notamment le cas des chefferies du Territoire de Rungu où aucune de celles-ci n'est homogène. Dans ces chefferies le pouvoir politique est monopolisé par une ethnie au détriment des autres et qui n'ont historiquement aucun lien de parenté avec l'ethnie au pouvoir. Cette affirmation est vérifiable dans les chefferies énumérées ci-dessous :

    Chefferie

    Ethnies

    Ethnie du chef de chefferie

    1

    Azanga

    Mangbetu, Mayogo (Mangbele), Pygmées

    Mangbetu

    2

    Mayogo Mabozo

    Mayogo et Pygmées

    Mayogo

    3

    Mayogo-Magbaie

    Mayogo et Pygmées

    Mayogo

    4

    Medje-Mango

    Medje, Mangbetu et Pygmées

    Medje

    5

    Mboli

    Mangbetu, Mayogo et Manvu

    Mangbetu

    6

    Mongomasi

    Mangbetu, Malika et Pygmées

    Mangbetu

    7

    Ndey

    Mangbetu et Pygmées

    Mangbetu

    Source : Tableau construit sur base des données recueillies dans le rapport annuel 2006 du Territoire de Runge.

    De ce tableau, il ressort que le pouvoir est confisqué par une ethnie. Cependant, dans le Haut-Uélé, les morphologies des chefferies actuelles sont les résultats de plusieurs réformes administratives, soit de la fusion de plusieurs chefferies, soit du démembrement. On observe parfois les groupes ou ethnies minoritaires réclamer en vain la balkanisation de certaines chefferies. Ceci fait que les chefs de ces chefferies renforcent leur pouvoir et deviennent autoritaires face aux noyaux d'opposition.

    Pour mieux comprendre ce fait, il importe de rappeler que la constitution des Etats en Afrique précoloniale en général et en République Démocratique du Congo en particulier a principalement pour fondement l'ethnie. Chaque ethnie avait sa propre culture selon ses propres normes.

    A vrai dire, d'aucuns savent que de nombreux chefferies, royaumes et empires bien structurés existaient avant l'arrivée des explorateurs et colonisateurs européens en Afrique4(*). Dans la région de l'Uélé en particulier, l'histoire des royaumes des Azande et les zandeisés(les Barambu, les Madi, les Bangba, les Kere, les Sere-Baka, les Mundu et les Bari) ; des Mangbetu et les Mangbetuisés(Mabili Mabisango, Medje, Mmvu, Mangutu, Makere, Popi Mangbele)5(*) qui fut essentiellement militaire et fondée sur des conquêtes6(*) le confirme. Ceux des Matsaga, et autres peuvent également le confirmer. Cependant, aujourd'hui le fait de zandeisation et Mangbetuisation de certains groupes ethniques, c'est-à-dire,le fait que certains auteurs ou explorateurs ont classé les autres ethnies comme étant des Zande et des Mangbetu ; est de plus en plus contesté. Pour le cas des Mayogos par exemple, Ndaywel affirme que : « il est tout à fait incorrect de rattacher les Mayogos aux Mangbetu ou aux Azande »7(*).

    De fait, à l'arrivée de colons belges, le pouvoir colonial décida par le décret du 06 octobre 1891 d'intégrer les chefs coutumiers dans l'administration de ce qui était à l'époque l'Etat Indépendant du Congo. L'octroi aux Chefs coutumiers du statut d'agents de l'Etat visait, aux dires des autorités coloniales elles-mêmes, à contourner la barrière des civilisations qui rendait difficile les rapports entre ces autorités et la population colonisée8(*). C'est ainsi que dans l'Etat Indépendant du Congo en général, les chefferies indigènes furent vite reconnues par le Roi Léopold II. Car les chefferies semblaient être le passage obligé pour asseoir la domination belge. Pour affirmer le pouvoir des chefs et l'importance des chefferies, par le Décret du 03 juin 1906, il était dit par exemple : «  tout indigène est réputé faire partie d'une chefferie, sauf les exceptions résultant de dispositions légales »9(*).

    En effet, c'est en 1910 que les indigènes furent repartis en chefferies et sans doute en sous-chefferies les limites devant être déterminées par le Commissaire de District en conformité avec les coutumes10(*). Sous la colonisation, le pouvoir des chefs traditionnels et leur influence étaient tantôt sensiblement diminués ; tantôt augmentés, suite aux faits tels que : expéditions punitives, relégations, fouet, balkanisation de certaines chefferies et la création d'autres, politique de bâton et de la carotte. Car à cette époque, les Européens recherchaient tout naturellement un appui politique et matériel auprès de ceux qui les servaient ou qui se mettaient sous leur protection11(*). C'est ce que confirme d'ailleurs le phénomène des chefs médaillés à l'époque coloniale. C'est ainsi que les pouvoirs furent arrachés à certains chefs traditionnels de dynasties précoloniales qui s'opposaient à la pénétration coloniale et donnés aux clients dociles, susceptibles de protéger la tradition européenne, les intérêts européens et assoir la domination belge. Le pouvoir exorbitant accordé à ces chefs-clients en vue de la collecte de l'impôt, d'ivoires et d'augmenter la production de certaines cultures comme le coton, le caoutchouc, le café... renforçaient tout de même leur autorité auprès de populations. Cette logique a existé jusqu'à la veille de l'indépendance.

    Après la colonisation et durant les trente- deux ans de règne du Président MOBUTU, il y a eu la centralisation à outrance des pouvoirs. Elle a favorisé l'édification du pouvoir personnel dans la mesure où, elle a été pratiquée et justifiée par le pouvoir comme une nécessité pour rétablir l'autorité de l'Etat et pacifier le pays, assurer la cohésion nationale et l'intégrité du territoire12(*).

    Pendant cette période, les chefferies sont restées une des entités territoriales de base en RD Congo. La présence des Chefs coutumiers a demeuré active dans l'administration territoriale où ils occupaient des fonctions de chef de collectivité (chefferie), chef de collectivité-secteur(secteur), chef de groupement et de chef localité (village) jusqu'à nos jours. Il est incontestable que les pouvoirs coutumiers furent l'une des principales sources de renforcement du régime monolithique dans la République du Zaïre. Les chefs coutumiers ont appris à diriger et à décider seuls. La présence même de l'organe délibérant à côté de l'exécutif de la chefferie sous le régime MOBUTU n'était que leurre. Car, les chefs coutumiers eux-mêmes étaient représentants personnels de Chef de l'Etat et en même temps dirigeants du Mouvement Populaire de la Révolution.

    En outre, les chefs coutumiers étaient des militants de premier rang du parti unique dans leurs entités. Certains Chefs de chefferie étaient gratifiés de « l'ordre national de léopard » qui les mettait hors de toute comparution devant les tribunaux locaux ; quelle que soit la gravité de l'acte infractionnel commis. L'opinion publique était convaincue que les dignitaires de l'ordre national du Léopard jouissaient de l'inviolabilité de leur personne et de leur demeure et qu'ils ne peuvent être poursuivis qu'avec l'autorisation du président de la République13(*) 

    2. La démocratie et les chefferies

    Braibant dit : « la démocratie est à l'oeuvre à chaque fois que sont réellement amoindries ou abolies les asymétries de puissance sociales qui empêchent le grand nombre de prendre part à la définition de son destin et à la totalité du « demos » (peuple) d'exercer effectivement son « cratos » (pouvoir) »14(*). Le vent de la démocratie, baptisé de «  perestroïka (restructuration) et glasnost (transparence dans la gestion) », qui a soufflé en Europe de l'Est et qui a fini par atteindre la République du Zaïre le 24 avril 1990 a mis fin au régime de parti unique du Zaïre. Cependant, les effets de la démocratie ne se font pas voir dans les chefferies. Les pratiques enracinées dans les chefferies et les pouvoirs héréditaires selon les normes des coutumes ne sont pas démocratiques.

    Aujourd'hui, la démocratisation est une opportunité d'égalisation des chances d'accès aux biens ou des positions au sein d'une société donnée15(*). Mais dans les chefferies un certain nombre de faits, qui vont à l'encontre de la démocratie, peuvent être répertoriés. Epinglons quelques-uns.

    2.1. Monopolisation du pouvoir politique

    En ce moment où il est question de la démocratie en RD Congo, deux pouvoirs sont en dichotomie. Il s'agit du pouvoir moderne détenu par les chefs élus et /ou nommés et du pouvoir traditionnel détenu par les chefs coutumiers des chefferies, de groupements et de villages. Au lieu que les citoyens aient une chance égale pour accéder au pouvoir et à la gestion de la chose publique, dans les chefferies traditionnelles, les chefs coutumiers accèdent au pouvoir par hérédité, notamment dans les chefferies, groupements et villages. Ceci constitue certes des inégalités sociales entendues comme des différences de statut, de revenu ou de profession par lequel on fait apparaitre des avantages ou des handicaps liés à l'appartenance à tel ou tel groupe, à la position dans la stratification sociale16(*). Dans les chefferies, les membres de la famille régnante jouissent d'une manière tacite de certains privilèges que les autres citoyens n'ont pas. Mentionnons à titre d'exemples exemption des taxes, consommation des prémices de fruits de chasse, de vin de raphia, certaines faveurs devant les tribunaux coutumiers, etc.

    2.2. Absence des organes délibérants dans les chefferies

    Il se pose dans les chefferies le problème de l'implantation des organes délibérants à côté de l'exécutif des pouvoirs traditionnels. Le pouvoir coutumier a connu seulement la présence de l'assemblée délibérante à côté de l'exécutif des chefferies à partir de 1982 avec la loi N° 82/006 du 25 février 1982 portant organisation territoriale, politique et administrative

    Mais la présence de cette assemblée fut d'une durée éphémère jusqu'aux environs de 1987. C'est depuis plus de deux décennies que les chefs de chefferies dirigent seuls ces circonscriptions. Ils sont chefs de l'exécutif. Ils président le cas échéant les tribunaux coutumiers. Ils conçoivent et exécutent le budget. Ils émettent unilatéralement des décisions. Ils apprécient les faits selon leurs grés.

    La solution semblait être trouvée à ce problème avec la loi N°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation des entités territoriales décentralisées et leur rapport avec l'Etat et les provinces.

    Les principales innovations de cette loi à propos des chefferies sont le fait qu'elles sont dotées des organes tels que le Conseil et le Collège exécutif. Malheureusement, malgré ces innovations, toutes ces dispositions ne sont pas encore appliquées et le problème demeure toujours non résolu.

    Par ailleurs, selon Montesquieu : « tout homme qui a du pouvoir est amené à en abuser. Il faut par conséquent que le pouvoir arrête le pouvoir »17(*). La situation idéale est celle où les pouvoirs sont équilibrés. Chacun freine le pouvoir de l'autre pour l'empêcher d'en abuser par un système de  poids et contre poids. Dans cette logique le problème de décentralisation des chefferies se poserait avec acuité. Faudrait-il confier le sort des chefferies aux chefs seuls, sans organes délibérants ? Faudrait-il continuer à priver la population de leur droit politique fondamental en l'excluant de l'électorat de l'exécutif et du conseil des chefferies ? Nous croyons que les réponses à ces questions sont négatives.

    2.3. La non-participation des femmes à la gestion de la chose publique

    Les femmes vivent encore sous l'emprise des coutumes dans les chefferies du Haut-Uélé. Elles sont exclues du pouvoir politique. Elles n'exercent ni les fonctions de chef de chefferie, ni les fonctions de chef de groupement et presque pas les fonctions de chef du village. Leur présence est aussi rare dans l'administration des chefferies. Dans les rapports annuels de huit chefferies du Haut-Uélé que nous avions consulté, à savoir : Chefferies : Ndey, Ndolomo, Mboli, Wando, Logo-lolia, Bafwangada, Timoniko et Balika-Toriko), seulement une femme occupe le poste de commis classeur dans la chefferie Ndolomo et deux autres dans la chefferie Bafwangada au service de genre et famille. Le constat général est que la participation des femmes à la gestion de la chose publique est rare dans les chefferies du Haut-Uélé.

    2.4. La bonne gouvernance

    La bonne gouvernance semble être un mot nouveau dans les chefferies. Cette notion intervient d'habitude lorsqu'il faut analyser les politiques publiques. Elle fait allusion à l'ensemble de procédures institutionnelles des rapports du pouvoir et des modes de gestion publics ou privés formels aussi bien qu'informels qui régissent l'action politique. Il est le processus de coordination d'acteurs publics et privés, de groupes sociaux d'institutions destinés à atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés, incertain18(*). Parler de la bonne gouvernance dans les chefferies serait absurde dans la mesure où les chefs de l'exécutif décident seuls, ne sont pas élus et ne rendent pas compte (accountability)à la population. S'il arrive qu'ils dirigent et administrent mal les chefferies, d'une part la population ne peut rien contre eux mais plutôt va subir cette mauvaise gestion et contestera impuissamment ceux-ci.

    2.5. Le respect de droits de l'homme

    Il est inconcevable actuellement de parler de la démocratie sans faire allusion aux droits de l'homme. En son article premier, la constitution stipule que « La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc » Puisque c'est dans un régime démocratique que les droits des citoyens et les prérogatives qui leur sont reconnus sont pris réellement en compte.

    En ce qui concerne les droits de l'homme, il a été constaté à charge des chefferies au sein des communautés locales de graves violations des droits de l'Homme : des contraventions exorbitantes, emprisonnements, les jugements des affaires pénales, travaux forcés, tortures et tueries etc. Pour ce dernier cas, en 2002 un Greffier du tribunal coutumier de Ekula, une localité se trouvant dans la chefferie Ndey territoire de Rungu, est poursuivi par le tribunal des Grandes instances du Haut-Uélé pour avoir ordonné aux policiers de fouetter un prévenu jusqu'à lui donner la mort19(*) Et pourtant à l'article 16, la constitution affirme que « la personne humaine est sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à la vie, à l'intégrité physique.....Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire». Et le texte de Déclaration Universelle des droits de l'homme auquel la R D C a souscrit affirme à son article 5 que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

    Mais, il faudrait savoir que le non-respect des droits de l'homme par les chefferies date depuis la période précoloniale. A ce propos les colonisateurs avaient reconnu qu'avant l'occupation européenne, le châtiment du coupable était beaucoup plus cruel que de nos jours. Des mutilations physiques très cruelles étaient la punition du vol et de l'adultère20(*). A cela s'ajoute le fait que les chefferies sont gérées comme des royaumes dans lesquels le pouvoir du chef est absolu et sans opposition. On ne s'oppose pas au pouvoir coutumier, dit-on. L'emprise des chefferies sur les populations serait consistante. Quelques exemples contenus dans le tableau ci-dessous peuvent les prouver.

    Tableau N° 2 : Quelques cas d'irrégularités dans certaines chefferies du Haut-Uélé

    Chefferies

    Années

    Recettes judiciaires des tribunaux coutumiers en FC

    Statistiques de condamnations

    Nombre de cas

    De 0 à 30 Jrs

    De 30 à 60 Jrs

    Affaires pénales

    Affaires civiles

    01

    NDEY

    2004

    133.962

    82

    10

    67

    26

    02

    MBOLI

    2004

    199.000

    45

     

    26

    19

    03

    NDOLOMO

    2008

    188.550

     
     
     
     

    04

    WANDO

    2003

    215150

    348

    4

    326

    49

    05

    LOGO-LOLIA

    2005

    734.640

    76

    3

    43

    36

    06

    BAFWANGADA

    2006

    597.000

    70

    17

    87

    60

    07

    TIMONIKO

    2004

    25.200

    33

     

    35

    32

    08

    BALIKA-TORIKO

    2008

    1.718.851

    143

    42

    185

    17

    Source : Tableau établi sur base des données recueillies dans les rapports annuels des chefferies ci-haut.

    Dans le tableau ci-dessus, on peut constater beaucoup d'irrégularités dans certaines chefferies. Les affaires pénales ne devraient pas par exemple être jugées dans les chefferies, ni les condamnations de plus de 30 jours. Les recettes judiciaires très élevées montrent également combien la population est rationnée.

    En plus, les chefferies échappent parfois au contrôle des autorités du pouvoir moderne. Parfois les rapports annuels ne sont pas envoyés au chef-lieu du territoire comme ce fut le cas en 2009, où aucune entité n'avait transmis le rapport selon l'Administrateur de territoire de Rungu21(*). On peut aussi observer parfois le fait que les secrétaires administratifs et les receveurs comptables affectés par les chefs hiérarchiques sont toujours, à défaut d'être chassés au profit des hommes de confiance des chefs, en conflit perpétuel avec ces chefs de chefferies.

    2.6. La construction d'un peuple-nation

    La construction d'un peuple-nation est aussi une valeur de la démocratie. Elle est caractérisée en théorie non par une langue, un territoire ou une ethnie commune, mais par le fait qu'il représente l'intérêt général et le bien commun contre toutes les formes de privilèges et d'intérêts particuliers22(*). Dans les chefferies, la construction d'un peuple-nation est inexistante. Les chefferies sont plus intraverties. La population privilégie plus son univers. Ceci se fait observer lors des conflits des limites des chefferies, par la façon dont sont gérées et gardées les forêts et richesses, considérées comme héritages de l'ethnie, du clan, de la famille face aux autres citoyens congolais considérés comme non-originaires.

    Tels sont quelques problèmes non exhaustifs constatés à propos de la démocratie dans certanes chefferies du Haut-Uélé. Ces faits peuvent tout de même être reprochés aux secteurs. Car leur structure reste identique. Donc la démocratie n'existe pas dans les chefferies. C'est pourquoi,leur démocratisation s'avère pertinente. Car, aujourd'hui plus qu'hier, les nations du monde sont convaincues que la paix passe nécessairement par l'instauration de la démocratie23(*). Dans un pays qui se dit démocratique, le peuple doit effectivement avoir le pouvoir à tous les niveaux suivant la formule d'Abraham LINCOLN selon laquelle la démocratie est « le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ».

    Après cet éventail de faits, faut-il supprimer les chefferies ? Avant de répondre à cette interrogation, Il serait mieux de cerner ce qui renforce l'autorité, le pouvoir et l'influence des chefs coutumiers sur l'Etat et sur les citoyens de leurs chefferies et ce qui fait que les citoyens se laissent dominer sans contestation.

    3. La conception du pouvoir coutumier dans le Haut-Uélé

    La conception du pouvoir coutumier dans les chefferies est intimement liée à celle de l'autorité et de l'influence de chefs coutumiers

    a) De l'autorité

    D'après Max WEBER24(*), il existe trois types d'autorités : traditionnelle, charismatique et juridico-rationnelle ou bureaucratique.

    1. Autorité traditionnelle

    Celle-ci est l'autorité par laquelle les subordonnés acceptent de se conformer aux directives de leurs supérieurs et justifient ces directives en raison du fait qu'elles ont été toujours justifiées et acceptées dans le passé. Les chefferies créées dans le Haut-Uélé par l'administration coloniale datent déjà de plus de sept décennies pour les unes et bientôt un siècle pour les autres. La population reconnait l'autorité des chefs coutumiers du fait qu'elle a été toujours soumise à ceux-ci.

    2. Autorité charismatique

    Ce type d'autorité est celle par laquelle les subordonnés suivent les ordres de leurs supérieurs en raison de la personnalité exceptionnelle de ceux-ci. Nonobstant quelques contestations dans certaines chefferies, la plus part de population reconnait dans leurs chefs coutumiers un certain nombre de charismes. Cependant, il faut reconnaitre que quelques uns de ces charismes sont réels et les autres fictifs en dépit des mythes protecteurs du pouvoir.

    3. Autorité juridico-rationnelle ou bureaucratique

    Weber qualifie de bureaucratique l'autorité par laquelle les subordonnés acceptent les instructions de leurs supérieurs parce que ces instructions sont conformes à des règles qu'eux subordonnés considèrent comme légitimes. Dans les chefferies, double pour les unes et triple acte pour les autres renforce cette autorité considérée comme légitime. Il s'agit d'abord de l'intronisation coutumière après désignation du successeur par un comité patriarcal restreint de la famille régnante. Cette intronisation est constituée par un ensemble de cérémonies. En suite la décision administrative de nomination. Et en fin l'octroi de numéro matricule comme fonctionnaire de l'Etat.

    b) Du pouvoir

    S'agissant du pouvoir, entendu comme la capacité dans les rapports sociaux de s'imposer ou d'imposer sa volonté en dépit d'une résistance éventuelle. Le fait qu'on trouve les policiers locaux au service de chefferies qui contraignent les citoyens à se soumettre aux décisions prises, à opérer des arrestations, à accompagner les agents recouvreurs des taxes, à surveiller les travaux collectifs... ce pouvoir de contraindre accorde aux chefferies les prérogatives de la puissance publique et par conséquent un pouvoir incontestable aux chefs coutumiers. Car les fonctions politiques sont plus lisibles lorsqu'un chef exerce toute l'autorité sur le groupe et qu'il dispose d'un minimum d'institutions coercitives25(*).

    c) De l'influence

    Quant à ce qui est de l'influence des chefs, en dépit de ce qui vient d'être répertorié, les pouvoirs coutumiers reposent sur deux principaux piliers :les ancêtres morts et les vivants. Chaque groupe d'ancêtres joue un rôle spécifique bien que complémentaire dans la vie de la société en général et en particulier sur des sous groupes tels que lignage, famille élargie ou nucléaire. En outre, ils sont non seulement respectés du fait qu'ils sont descendants du fondateur du village primitif et chefs politiques, descendants du chef de la tribu des conquérants26(*), autorités et gardiens des coutumes et maitres de terres, mais aussi ils sont craints puisqu'ils sont réputés sorciers et jeteurs des mauvais sorts pour les désobéissants. Car depuis toujours, les chefs étaient une autorité vénéré dont le pouvoir croyait-on, émanait non seulement des hommes mais aussi et surtout des puissances occultes27(*). Comment peut-on gérer les sorciers lorsqu'on ne l'est pas, dit-on.

    Mais la question que l'on pourrait se poser est celle de savoir pourquoi l'Etat congolais continue à garder les chefferies comme circonscriptions territoriales. Qu'est ce qu'elles représentent pour les citoyens et pour les chefs politiques ?

    Du côté des citoyens, il se fait voir que lors des cérémonies telles que : inaugurations, implantations d'un ouvrage, coupure de ruban, enterrement, voyage, etc. Les citoyens sollicitent la bénédiction des chefs coutumiers, demandent que ceux-ci fassent pleuvoir ou arrêter la pluie. Cette réalité est observable non seulement dans le Haut-Uélé mais aussi dans d'autres pays d'Afrique.

    Exemple, au Mozambique la fin de l'annéé1989 et le début de l'année 1990 furent marquées par des périodes de sécheresse prolongées et par des pénuries alimentaires. Les chefs traditionnels ont fait des cérémonies pour résoudre ces problèmes alimentaires et de pluie. Celles-ci contribuèrent grandement au renforcement du pouvoir non seulement religieux mais aussi traditionnel des chefs traditionnels qui se voyaient sollicités par des fonctionnaires de l'Etat, par des administrateurs de districts et des chefs de postes administratifs28(*).

    Du côté de l'administration ou de pouvoirs publics, les chefs apparaissent davantage comme les fonctionnaires de l'administration locale. Pour réussir un programme gouvernemental de grande envergure comme Vaccinations, sensibilisation, les chefs jouent un rôle indéniable. Cependant, du côté politique, la perception des chefferies comme ressources politiques est visible. Ceci est certainement vrai et très perceptible surtout pendant les campagnes électorales. Les partis politiques nouent avec les chefs coutumiers des chefferies des alliances qui relèvent en dernière analyse du clientélisme politique. C'est-à-dire d'une stratégie d'obtention, de mise en oeuvre et du renforcement du pouvoir politique du côté des patrons et de protection et de promotion de leurs intérêts du côté des clients. Pendant les élections, certains chefs battent campagnes au profit de certains partis et candidats. Et surtout dans la plupart de cas au profit des partis au pouvoir. De manière particulière, les chefs régents et ceux qui sont coutumièrement contestés sont faibles, dociles et très favorables aux partis au pouvoir, de peur de se voir déguerpis. Ainsi donc comme l'affirme BOUJOU29(*), dans le contexte des élections municipales les chefs apparaissent comme des « grands électeurs informels ».

    Un autre aspect visible dans les chefferies sur le plan politique est la notoriété acquise des chefs due à leur statut. Pendant les élections législatives 2006, certains chefs coutumiers du Haut-Uélé furent cooptés et les autres élus grâce à leur statut de chef. Les voix massives des citoyens à leur faveur furent recueillies suite à leur notoriété. Ces élus furent certes en position de force par rapport à leurs challengers et leurs colistiers. Pour ce, le militantisme politique des chefs, notamment leurs soutiens qu'ils apportent au parti au pouvoir fait souvent qu'ils tombent dans le chantage conservateur du régime30(*).

    Après ces constats, du conservatisme, du clientélisme, et de la conception du pouvoir coutumier dans les chefferies Haut-Uélé, celles-ci apparaissent antidémocratiques.

    En fin, comment démocratiser les chefferies du Haut-Uélé ? D'emblée, la transformation de celles-ci en secteurs s'avère important dans un premier temps mais ne suffira pas. Il faudra sensibiliser celles-ci par une campagne de grande envergure pour réveiller les esprits surtout des citoyens ruraux et implanter la culture politique démocratique au détriment de la culture politique paroissiale et de la culture politique de sujétion. C'est alors que les citoyens reconnaitrons et redécouvrirons leurs droits politiques long temps confisqués.

    Conclusion

    En conclusion, après ce parcours des faits observables dans certaines chefferies du Haut-Uélé, le constat est que les privilèges accordés aux autorités coutumières avant, pendant et après la colonisation les prédisposent au conservatisme plutôt qu'aux changements que veut la démocratie. Ces privilèges ont en plus renforcé leur influence sur les populations au détriment des exigences démocratiques. En outre, compte tenu des effectifs croissants de la population et le fait que les chefferies ne sont pas toujours constituées des populations homogènes, les chefs coutumiers deviennent de plus en plus autoritaires pour assoir leur pouvoir. La définition de la chefferie même comme entité territoriale ne reflète pas réellement leur contenu. D'autres sont hétérogènes. Cependant, le pouvoir y est monopolisé par une ethnie. Celles-ci devraient avoir le statut des secteurs. La transformation des chefferies en secteurs ne constitue pas aussi une garantie pour assoir la démocratie dans ces entités. Car, la réalité des chefferies et secteurs face à la démocratie reste la même.

    L'autorité, le pouvoir et l'influence acquis par les chefs fait qu'ils aient une ascendance au moment des élections à leur profit, au profit de certains candidats et partis politiques. La républicanisation de ces entités diminuera l'ampleur du clientélisme politique qui fait que les chefs coutumiers soient considérés comme des grands électeurs auxquels doivent recourir les candidats au moment des élections. Les chefferies constituent des poches de résistances à la démocratisation de la R D Congo. La population aussi a sa part dans l'acceptation de ce pouvoir comme tel.

    Le chemin de la démocratisation des chefferies et secteurs est encore long. Elle se fera au fur et à mesure que la culture politique paroissiale et la culture politique de sujétion cédera place à la culture politique de participation par des campagnes de sensibilisation très longues et de grande envergure. Car, les citoyens eux-mêmes d'une façon stéréotypée, continuent à soutenir d'une manière ou d'une autre le pouvoir de chefs coutumiers qui, en fait, ne se fait brandir avec force que lorsqu'il y a des circonstances qui le mettent en jeu.

    Les chefferies et les secteurs sont opaques à la démocratie. Ces entités ne peuvent être suffisamment démocratisées que lorsque l'Etat les érigera comme entités dans lesquels les pouvoirs politiques de chefs de chefferie, de chefs de groupement et chefs de village sont mis en compétition électorale. A ce moment le pouvoir héréditaire cédera place à l'élection. C'est alors que les citoyens recouvriront leurs droits politiques qui leur furent longtemps confisqués au nom de coutumes. La raison d'être de ces circonscription n'existe plus aujourd'hui. Elles étaient faites d'avantage pour répondre à des besoins culturels ou religieux qu'à des impératifs économiques ou stratégiques31(*).

    Dieudonné BUAGUO MOSABI et Amand-Félix FUFULAFU ZANIWE

    * 1 OMASOMBO SHONDA. J, Biographies des acteurs de la Troisième République, Kinshasa-Lubumbashi-Tervuren, CEP-CERDAC-MRAC, 2009, P 6.

    * 2 Constitution du 18 février 2006, art 207.

    * 3 Loi organique N°08/16 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, art 67.

    * 4 NKASA TEKILAZAYA YELENGI, « Intégration de l'autorité coutumière dans les structures politico-administratives coloniales et postcoloniales au Congo/Zaïre ? » in Anthropos, N° 100, 2005 p 415.

    * 5 NDAYWEL è NZIEM,I, Histoire générale du Congo, Paris, De Boeck et Larcier,1998, PP 202-203

    * 6 Idem, p 203.

    * 7 ibidem p.202-203

    * 8 ISANGO Idi Wanzila, « La présence des chefs coutumiers dans l'Administration territoriale du Zaïre : quelle opportunité » in Zaïre-Afrique, Vol XXV, 1992, P151.

    * 9 Décret du 03 juin 1906, art 1

    * 10 NDAYWEL è NZIEM,I., op cit ,p 370.

    * 11 MUAMBA MUMBUNDA, P., « Etat autonome du Sud Kasaï ou la surethnisation des centres urbains en RD Congo », in Society,state and identity in Africa history,edited by bahru Zewde,p159.

    * 12 LISSENDJA BOLIMBO B, « Monopartisme et pouvoir personnel dans l'évolution politique du Zaïre », in Zaïre-Afrique, N°309, novembre 1996,p 484

    * 13 ESIKA MAKAMBO ESO BINA, Le code pénal zaïrois annoté, Lubumbashi, 1977, p 62.

    * 14 BRAIBANT,P, La raison démocratique aujourd'hui, Coll Questions contemporaines, Paris, Harmattan,2003, p 7.

    * 15 FERREOL G. et alii, Dictionnaire de sociologie, Armand colin, Paris, 2002, p 45.

    * 16 FERREOL G. et alii, op cit, p 93.

    * 17 RAVAZ, B., Mémento des grandes oeuvres politiques, Paris, Hachette, 1999,pp 58-59.

    * 18 G. HERMET et alii, Dictionnaire de science politique et des institutions politiques,7ème éd., Paris, Armand colin, 2010, p.131.

    * 19 Rapport annuel 2004 de la Chefferie NDEY p 4.

    * 20 R.P. VANDENBULCKE « comment traiter les chefs indigènes ? » in Semaine de missiologie, XIII,1935, p. 151

    * 21Information suivie lors du Communiqué de l'Administrateur de Territoire de Rungu passé à la Radio Nava, le 27 novembre 2010 à 7H55 aux Secrétaires administratifs, receveurs comptables et aux officiers de l'Etat civil des chefferies.

    * 22 KRULIC, B., La Nation une idée moderne, Ellipses, paris 1999, P72. 

    * 23 Mgr KAPANGA, « Pour un nouveau projet de société zaïroise. Déclaration des Evêques du Zaïre aux Chrétiens catholiques et aux hommes de bonne volonté » in Zaïre -Afrique, Vol XXX, 1992 , P78.

    * 24 WEBER M.The theory of social and economic organizations(traduit de l'anglais par HANDERSON AM et T. PARSONS GI, cite par EPEE Gambwa J dans le syllabus de cours de théories des organisations, inédit, G3 SPA, Uniuélé, 2004

    * 25 CLAVAL,P., Les espaces de la politique, Coll. géographie, Armand Colin, Paris, 2010, p 127

    * 26 ARBOUSSET F. «  Chefferie africaine », in Encyclopédie mensuelle d'outre mer, Paris, 1950, p 278

    * 27 NKASA TEKILAZAYA YELENGI Op cit p 415

    * 28 SALVADOR CADETE FORQUILHA, « Chefferie traditionnelle et décentralisation au Mozambique : « Discours, pratiques et dynamiques locales » in Politique africaine, Paris ° 117, Karthala, 2010,p 60.

    * 29 BOUJOU. J. « Clientélisme, corruption et gouvernance locale à Mopti » cité par LESERVOISIER, O. « Démocratie, Renouveau des chefferies et luttes sociales à Kaédi(Mauritanie) ,in Politique africaine, Paris ,N° 89, Karthala, 2003, p. 171.

    * 30 IBRAHIM MOUICHE, « Autorités traditionnelles, multipartisme et gouvernance démocratique au Cameroun », in Afrique et développement, CODESRIA, Vol XXX, N°4,2005, p. 226.

    * 31 CLAVAL,P., op cit, p. 129






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon