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Les médias, vecteurs d'une image négative et stéréotypée des musulmans: mythe ou réalité?

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par Sabrina Soonckindt-Chauchard
Ecole de journalisme et de communication (Blagnac, Haute Garonne ) - Master 2 2011
  

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IV) UN SUJET COMPLEXE AUX MULTIPLES FACETTES:

Les chapitres précédents abordent les causes les plus aisément identifiables du « mauvais » traitement médiatique de l'islam, mais bien d'autres causes entrent en jeu. Souvent moins évidentes à percevoir de prime abord, leur impact est pourtant bien réel.

Bien entendu, comme toute thématique relative aux sciences humaines, la question que nous nous posons aujourd'hui ne peut qu'appeler des réponses complexes et nuancées. Malgré tout, un travail de recherche sérieux et approfondi permet d'approcher au mieux la vérité et d'en définir presque nettement les contours.

Aussi ce dernier chapitre est-il là pour compléter la « liste » des facteurs entrant en jeu dans la représentation médiatique contemporaine des musulmans. Méconnaissance de l'islam fondamental, contexte international anxiogène, histoire nationale marquée au fer rouge dans son rapport aux musulmans et formation insuffisante des journalistes sont autant d'explications à ajouter aux précédentes.

S'il s'avère impossible de déterminer la part d'influence exacte de chacun de ces facteurs, les intégrer dans la représentation globale que l'on se fait du sujet est essentiel. En effet, quand une thématique se situe à la croisée des chemins entre l'apparence (les médias), l'influence (politique et économie), la croyance (religion) et l'invisible (inconscient psychique), il devient difficile de saisir l'ensemble des paramètres tant ils sont nombreux. C'est là ce qui fait tout l'intérêt, mais également toute la complexité, de la question de la représentation médiatique de l'islam. C'est peut être également une explication au nombre élevé de productions journalistiques de « mauvaise qualité » que l'on peut trouver sur le sujet.

En effet, que ce soit par paresse intellectuelle, par ignorance ou par manque de temps, la majorité des journalistes semble éprouver des difficultés à parler de l'islam et des musulmans en intégrant l'ensemble des notions qui interagissent, d'où un résultat souvent empreint de préjugés, de stéréotypes ou d'amalgames.

Le premier de ces facteurs est certainement l'absence de porte-paroles islamiques officiels qui, en plus de priver les musulmans d'une parole fédératrice irrécusable, constitue une véritable porte ouverte aux interprétations et à l'entretien de liens entre l'islam et des phénomènes qui y sont totalement étrangers.

1) Un islam fondamental aphone qui se fait usurper son identité :

« Il est vrai, aujourd'hui, que le monde musulman
est soumis au despotisme. Ce n'est pas à cause des enseignements
de l'islam. La plupart des régimes d'oppression du monde
musulman sont des régimes socialistes séculiers, inspirés par
les pouvoirs des colonies européennes qui les ont occupés
avant leur indépendance. "

Dr. Dean Ahmad, américano-palestinien président du Minaret of freedom Institute. Colloque Islam et libéralisme, Paris, avril 1995.

Pierre Olivier Monteil, directeur de la revue Autre Temps (aujourd'hui disparue) posait au cours d'un débat la question suivante : « En quoi les différentes communautés religieuses sont-elles responsables de leurs images médiatiques respectives ? ". Effectivement, dans le cas de l'islam cette question apparaît intéressante, voire primordiale.

L'image que l'on reflète n'est jamais totalement contrôlable puisqu'elle réside en grande partie dans le regard des autres, qui est lui-même difficilement maîtrisable. Ceci étant, une certaine homogénéité dans le discours et la désignation de porte-paroles diminue fortement les possibilités d'interprétations ou de fantasmes. Or, par tradition, l'islam n'« élit " pas de représentant[s] officiel[s] international[aux] (comme le font par exemple les chrétiens avec leur pape), ce qui laisse place à une cacophonie générale peu propice à l'abolition des amalgames, et surtout peu adaptée à la logique médiatique, toujours en quête de « têtes d'affiche » de l'actualité.

Un peu à l'image de l'Europe morcelée, dont le point faible a toujours été de s'exprimer d'une voix unie, l'islam a pour talon d'Achille sa « communication ". Un « défaut " qui est la source de bien des malentendus...

1-1) Un islam jugé à tort comme despotique et contraire aux « valeurs " occidentales :

En effet, l'on ne peut pas dire que la réputation médiatique dont jouissent les pays dits « islamistes " soit des plus positives. L'islam, pourtant libéral par tradition - dans ses textes fondamentaux - fait aujourd'hui l'objet de nombreux questionnements, notamment concernant son degré de compatibilité avec le libéralisme économique, ou encore avec la démocratie (si tant est, bien évidemment, qu'il soit souhaitable d'appliquer un modèle économique ou politique universel à tous les pays du globe).

Par exemple pour Claude Imbert (célèbre éditorialiste du Point), la France a atteint avec l'islam « les limites de la tolérance ", et « avec plus de trois millions de musulmans [...] la magie du creuset national n'opèrera pas comme jadis avec les Polonais, [...] Italiens, [...] Espagnols et autres Portugais [puisque] la difficulté [...] n'est nullement raciale : elle est culturelle, religieuse et tient à l'islam. » Selon lui, l'islam est donc incompatible avec « nos " libertés, avec « nos " sociétés et avec la démocratie tout court.

Et c'est régulièrement en effet que l'on entend affirmer l'islam comme incompatible avec les valeurs occidentales comme la liberté. Mais qu'en est-il vraiment ?

Comme l'explique Pierre Lison (chercheur en science cognitive à l'université d'Oslo) dans son article Islam et libéralisme ( Contrepoints.org, 25 avril 2011), « une analyse poussée des fondements philosophiques de l'Islam donne une autre conclusion : la tradition islamique est profondément libérale [et] rien dans l'islam n'est incompatible avec une société de liberté et l'État de droit, bien au contraire. "

Comme il le décrit dans la suite de son article, le régime juridique islamique :

- n'est ni une théocratie (législation cléricale), ni une démocratie (au sens de processus de décision majoritaire) mais une nomocratie, c'est-à-dire un régime dans lequel une loi, fixée une fois pour toutes, représente l'autorité suprême. Les musulmans considérant la loi divine comme objective (équivalente à notre « droit naturel » occidental), l'homme doit obéissance à la charia et non aux autres hommes.

- la liberté d'opinion et de religion doit y être appliquée : « Nulle contrainte en religion ! " (2:256). « Quiconque le veut, qu'il croit, et quiconque le veut qu'il mécroie. " (18:29).

- le pluralisme est respecté et la conversion par la contrainte est strictement interdite.

- la propriété privée a un caractère sacré.

- la productivité et le libre commerce sont favorisés. Le Prophète lui-même ayant gagné sa vie comme commerçant, la civilisation islamique est une civilisation marchande et, plus largement, la Coran maintient qu'il existe une harmonie entre les intéréts spirituels et les intéréts matériels de l'homme. L'islam n'est donc pas une religion ascétique et le seul holà qu'il appose en matière d'économie est la modération en matière de consommation.

L'islam fondamental n'est donc nullement incompatible avec des notions comme le libéralisme économique ou l'Etat de droit. D'après les spécialistes du sujet, il est méme à l'origine du système économique dit libéral.

Pour Pierre Lison, d'ailleurs, les impératifs imposés par l'islam « ne visent pas à soumettre l'homme à un calvaire terrestre avant le statut céleste, mais sont offerts comme un fortifiant l'aidant à traverser les épreuves ». Et comme le rappelle un autre spécialiste de l'islam, « pour les familiers de l'histoire de l'Islam, il est banal de dire que les musulmans sont en faveur du libéralisme économique. »

Mais alors comment cet islam fondamental ouvert, respectueux, et finalement pas si éloigné de la conception occidentale de l'économie, en est-il arrivé à souffrir de l'image inverse? Comment se fait il qu'aujourd'hui, nous occidentaux, ayons une image des pays islamiques aussi éloignée du portrait brossé ci-dessus?

C'est tout simplement parce que les principes fondamentaux décrits ci-dessus ne sont effectivement pas mis en application.

Certains pays « islamistes » sont bel et bien comme on les décrit dans les médias occidentaux : peu ouverts d'esprits, brutaux et très misogynes. Mais le Coran ou l'islam n'ont rien à voir là dedans. C'est là qu'il est important d'apporter la nuance.

De méme que n'importe quel pays dans n'importe quel coin du globe, les pays à majorité musulmane sont perméables aux dictatures et aux dérives politiques. Ce n'est pas pour autant qu'il faut y voir une corrélation avec l'islam. De nombreux pays d'Asie, d'Afrique noire ou d'Amérique du Sud, ne sont pas non plus des modèles de démocratie ou de libéralisme économique.

Néanmoins personne n'y voit les conséquences d'une quelconque influence religieuse. Pourtant, où est la différence étant donné que ces pays là sont souvent également très marqués par l'influence religieuse ?

Pour Dean Ahmad, président du Minaret of freedom Institute et musulman « libéral ", les pays « musulmans " sont tout simplement venus remplacer « l'ennemi russe " qui a disparu à la fin de la guerre froide. Comme il l'écrit, « le mythe du despote oriental a été utilisé [comme] nouvel alibi après la chute du communisme [pour] remplacer la crainte de celui-ci par la crainte d'un conflit culturel avec le monde musulman. "

Aussi, pour cet observateur aguerri de la relation Orient/Occident, les pays musulmans sont devenus malgré eux un « nouvel ennemi ", « utilisé pour justifier un [...] accroissement du pouvoir étatique, au nom de la sécurité nationale ".

D'après Ahmad, clairement, « si le monde musulman est soumis au despotisme, ce n'est pas à cause de l'islam " et « si le libéralisme a été absent du monde musulman les siècles derniers, [...] les responsables sont en fait les libéraux européens qui, malgré [leur] doctrine anti-interventionniste [...] sont restés silencieux [et] ont toléré l'impérialisme et le colonialisme. "

La plupart des spécialistes de la relation Orient/Occident s'accordent effectivement sur ce point. Selon eux une petite minorité d'extrémistes défigurent actuellement ce qui est la troisième des grandes religions monothéistes en invoquant la religion pour justifier des actes qui relèvent en réalité de la criminalité la plus commune.

Pour Luc Barbulesco, professeur de sociologie religieuse, « non seulement l'islam n'est pas opposé à l'Occident ", il en est partie prenante, mais « toutes les oppositions que l'on [peut] faire sont largement artificielles ". Et « il y a une confusion délibérément entretenue par certaines forces politiques [concernant] l'islam et son rôle dans le système mondial actuel. "

A ce propos, Yves Montenay (docteur en démographie politique, diplômé de Sciences Politiques et président de l'Institut culture économie et gestion) abordait sans détours lors du colloque Islam et libéralisme une question qui revient souvent dans la bouche des profanes de l'islam : « les pays musulmans sont soit pauvres, soit riches de leur pétrole, mais dans tous les cas ils sont non ou mal développés [aussi] le Coran n'y est-il réellement pour rien ? ". Et pour lui effectivement, « non, le Coran n'y est pour rien, [il faut plutôt voir là] les effets des dérives dictatoriales."

Mais en plus d'être qualifié de liberticide et anti-démocratique, l'islam est également souvent considéré comme synonyme d'isolement et de fermeture à l'innovation. Pourtant, encore une fois, et comme l'affirment les experts, « l'isolement n'est pas islamique " et « aujourd'hui, [certains] exploitent l'islam comme moyen de s'accaparer le pouvoir, mais l'islam n'est pas responsable de cette récupération » (Serghini Farissi, professeur d'économie à l'université de Fès au cours du colloque Islam et libéralisme, Paris, avril 1995).

Un autre « grand penseur de l'islam », l'historien américain Tony Sullivan, lutte contre cette propagation galopante des préjugés relatifs à l'islam. Au cours d'un congrès de la Philadelphia Society organisé en 1999, il parlait déjà d'une déformation de l'islam opérée par l'intégrisme et proposait de « chasser les malentendus " qui existent dans les pays occidentaux concernant l'islam.

Selon lui, la survivance d'une impression d'opposition entre l'islam et l'occident est non seulement fausse mais ridicule, et « les occidentaux ignorent souvent [que] l'islam partage avec le judaïsme et le christianisme une longue histoire commune ainsi que de nombreuses croyances et orientations religieuses et culturelles. "

Citant Léonard Liggio (un autre historien américain), il ajoute que, « sans aucun doute, le judaïsme, l'islam et la chrétienté font partie d'une même grande civilisation " et donc que la célèbre théorie du choc des civilisations d'Huntington (NDA : régulièrement avancée pour expliquer les tensions actuelles entre Orient et Occident), est en réalité infondée puisqu'elle ne prend absolument pas en compte ce paramètre essentiel.

Enfin pour sa part, le Dr. Maher Hathout, figure de proue de la « communauté musulmane " américaine, expliquait dans un article intitulé « L'islam et la démocratie peuvent-ils coexister dans un pays ? Oui, des élections libres à la majorité sont compatibles avec le Coran » que « comparer l'islam à la démocratie, ce n'est pas comme comparer des pommes à des oranges mais c'est plutôt comme comparer des pommes à l'idée de l'agriculture ".

Par cette métaphore, ce porte-parole musulman affirme que oui, une démocratie islamique est possible mais que non, elle ne pourrait être la copie conforme d'une démocratie occidentale pour la simple et bonne raison que chaque pays met en application une forme de démocratie qui lui est propre, en rapport avec son histoire et sa culture. Encore une fois, on se rend donc compte que ce n'est pas l'islam ou le Coran dans leurs fondements qui empêchent les pays islamiques de mettre en place des régimes démocratiques, mais que ce sont des facteurs extérieurs tout autre.

Par conséquent, l'islam ou le Coran se voient certainement aujourd'hui injustement désignés comme responsables de « tares " qui ne sont par de leur fait mais qui sont simplement caractéristiques de tout régime dictatorial.

Une bonne communication de la part des représentants de l'islam pourrait certainement aider à la réduction de ces amalgames, malheureusement, le fonctionnement intrinsèque de cette religion n'y aide pas ~

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote