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Les médias, vecteurs d'une image négative et stéréotypée des musulmans: mythe ou réalité?

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par Sabrina Soonckindt-Chauchard
Ecole de journalisme et de communication (Blagnac, Haute Garonne ) - Master 2 2011
  

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1-2) Illustrations du phénomène : le cas de Ni putes ni soumises et les débats sur le voile et la laïcité :

En effet, que penser d'organisations comme Ni putes ni soumises qui, outre leurs bonnes intentions, ont, comme le rappelle Tevanian (La République du mépris) « bénéficié, à une vitesse déconcertante, d'un accès quasi illimité aux grands médias, et d'un immense soutien politique et financier de la part des pouvoirs publics " alors que, « dans le même temps, d'innombrables associations beaucoup plus anciennes, expérimentées et ancrées dans les quartiers, tentaient en vain de se faire entendre et soutenir ".

Aussi, le problème ne réside pas tant dans le fait que le gouvernement et les médias mettent en avant une association plutôt que d'autres, mais plutôt dans le fait que l'organisation en question présente une vision bien arrêtée de la réalité. Cette réalité, pour Ni putes ni soumises est, comme l'avance Tevanian, celle d'une France divisée, à deux visages. D'un côté « la France " laïque, républicaine, moderne, égalitaire et émancipée " qui est blanche de peau, qui vit dans les centres-villes et qui bénéficie des acquis du combat féministe ». De l'autre, « la France des " quartiers ", soumise à la " loi de la cité ", mélange de machisme traditionnel hérité de parents immigrés et d'intégrisme musulman promu par les " grands frères " ".

Or, dans cette conception du monde « c'est bel et bien toute une population qui se trouve stigmatisée et renvoyée du côté du mal " et « on a beau dire que les "intégristes" ne représentent pas "l'immense majorité des musulmans, respectueux de la République", à la minute d'après on parle de la tyrannie des "grands frères" dans leur ensemble, ou de l'"omerta" qui règne sur les viols collectifs, autrement dit, d'une complicité de l'ensemble de l'entourage. "

Encore une fois, et suite à ce constat, on ne peut que s'interroger sur les rapports de force existant entre médias et politiques. Si une association, qui n'est pas forcément la mieux placée pour se faire la porte parole des problèmes des banlieues, est présentée comme telle dans les médias, c'est bien qu'il y a une faille quelque part.

Ni putes ni soumises, à la base totalement inconnue et fraîchement implantée, est parvenue en quelques mois à jouir d'une présence médiatique démesurée et à être présentée comme le porte-étendard de ce qui se fait de mieux en matière d'action sociale dans les « quartiers ".

En l'occurrence, il semblerait qu'avoir bénéficié d'un soutien politique ait été gage de visibilité médiatique. Gela ramène donc à deux hypothèses : soit les politiques étant par nature médiatiquement visibles, ont, en apportant leur soutien à l'association, braqué les projecteurs sur elle ; soit les politiques, en ayant une influence sur les médias, ont réussi à imposer leur poulain sur la scène médiatique.

Le problème étant, dans tous les cas, que cette organisation en connivence avec le politique soit désormais, dans l'oeil des téléspectateurs, l'interlocutrice unique sur les sujets de la banlieue ou des violences faites aux femmes. A partir de là, il devient facile d'imaginer comment un parti politique peut instrumentaliser une cause sensible aux yeux du public, et donc, potentiellement génératrice de voix.

Goncernant la polémique du voile, beaucoup affirment que c'est une « fausse question ". C'est le cas de l'essayiste et militant associatif Pierre Tevanian qui se demande dans Le Voile médiatique, un faux débat si la question du voile à l'école n'a pas « été inventée par les journalistes et les politiques " ?

Selon lui, les termes du débat ont été posés de manière tellement vague et confuse que l'on est rentré dans une discussion sans fin, hors de propos, « autoris[ant] un climat général de racisme anti-musulman " et surtout, occultant complètement les conséquences possibles, comme l'exclusion scolaire.

« Personne, en tout cas, n'a jamais soutenu qu'il fallait exclure et déscolariser les fashion-
victims qui, en se "sapant " ou en se maquillant ou en se décolletant "trop", "aliénaient" leur
subjectivité au "culte de la beauté". Comment dès lors, interpréter cet excès de zèle
herméneutique lorsqu'il s'agit d'un foulard, que ce foulard est dit "islamique" et qu'il est
porté par des descendants d'immigrés ou de colonisés ? Comment nommer autrement que
par le mot racisme cette n-ième inégalité de traitement, toujours au détriment des mêmes ? »

Pierre Tevanian, La République du mépris

Or, en premier lieu, le rôle du journalisme n'est-il pas de faire preuve de pertinence ? Les nombreux journalistes, les nombreuses rédactions relayant sans relâche cette actualité durant presque une année entière, sans réussir à en expliquer clairement les tenants et les aboutissants, ont-ils fait preuve de cette pertinence ?

Pour Tevanian, c'est là le coeur du problème : la façon dont médias et politiques « ont imposé l'idée [...] absurde selon laquelle la présence de quelques élèves portant un foulard dans certaines écoles était en soi problématique ». D'ailleurs, son jugement est sans appel, puisque pour lui « ce sont bien les grands médias qui ont élevé « le voile [...] au rang de "problème de société" authentique », non pas forcément de manière consciente mais simplement en « multipli[ant] les émissions ou les articles [...] consacrés au sujet ». En effet, les sondages réalisés à la même période montrent que les préoccupations des Français étaient bien loin de cette « problématique » du voile. En revanche comme premières préoccupations l'on retrouvait le chômage, le système social et le pouvoir d'achat, thématiques clefs sur lesquelles les gouvernements successifs cherchent sempiternellement à détourner l'attention du public.

« La priorité à droite »
Caricature réalisée par Large le 27 janvier 2010

De leur côté, certains politologues spécialistes de l'islam, comme Olivier Roy, pensent que des débats tels que celui du voile à l'école ou de l'identité nationale n'ont en réalité qu'un seul but : celui de séduire un certain électorat.

Poussant la réflexion encore plus loin, Alain Gresh (journaliste et auteur de plusieurs livres sur le Proche-Orient) défend que la stigmatisation d'une religion au travers de débats publics peut également servir de prétexte à la justification de budgets militaires élevés, ou de certaines décisions politiques.

Au fond, l'ultra-médiatisation de débats comme celui sur le voile et les ascensions fulgurantes de certaines organisations comme Ni putes ni soumises illustrent parfaitement les relations de bon voisinage qu'entretiennent médias et politiques. Bien d'autres exemples ont déjà été fournis en la matière c'est pourquoi point n'est besoin de s'attarder plus sur le sujet. En revanche, il faut le noter, la collusion entre les médias et la sphère politique est un aspect clef de la thématique de l'image de l'islam dans les médias français.

Dessin satirique (réalisé par Large) mettant en avant l'absurdité du débat instauré sur l'identité nationale.

Outre les relations pour le moins nébuleuses qu'entretiennent parfois journalistes et politicien(ennes), il y a un aspect encore plus important à prendre en compte dans la thématique que nous traitons : celui de la capacité du professionnel de l'information à faire preuve d'un esprit le plus impartial possible.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand