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Etude sociolinguistique de l'affichage publicitaire dans la ville de tanger

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par Mohamed EL KARKRY
IBN Tofail Kenitra - Master 2012
  

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5- Le rôle de la langue et des images visuelles:

Le langage, comme l'image, assume une fonction vitale dans l'attraction du consommateur. Il sert généralement à informer, expliquer, persuader, décrire, offrir des conseils, exprimer des sentiments. Cependant, existe-t-il un langage publicitaire à part, différent de celui parlé par le destinataire? Et dans quelle mesure l'image peut assister l'instigateur des clients à interagir et à répondre à l'annonce?

Pour répondre à la première question, nous nous référons à Leech (1972, p. 57, in Chafai, H, 2008, p. 35); il avance que faire la publicité de différents types de produits "signifie faire des différents choix de la langue et en particulier des choix différents du vocabulaire" «means making different choices of language and in particular different choices of vocabulary». En effet, la publicité de tout produit implique un langage spécial, un vocabulaire et un code différents. Dans cette perspective, le choix d'une langue ou d'une autre pour transmettre le message publicitaire est régi par certains critères à savoir le consommateur visé, sa catégorie sociale, son niveau d'étude et ses intérêts. Par exemple il est inaccoutumé de rencontrer, au Maroc, des affiches publicitaires ou des enseignes40(*) écrites en français ou en anglais dans un quartier populaire, alors qu'il est banal de les retrouver dans les quartiers de luxe (voir partie II du présent travail).

En ce qui concerne l'image visuelle, celle-ci tente de créer une relation entre le produit ou le service mis en annonce, les caractéristiques sociales ou culturelles et les qualités. Dans cette optique, les images publicitaires ne remplissent pas seulement le rôle de renforcer l'idée de vendre un produit, mais elles jouent, également, le rôle de vendre "une vision du monde, un mode de vie voire un système de valeurs" -«worldview, a lifestyle, and value system» . (Kellner, 1995, p. 127, in Chafai, H. 2008, p. 35). Selon Messaris, les images visuelles assument trois fonctions principales; "elles peuvent obtenir des émotions en stimulant l'apparition d'une vraie personne ou un objet, elles peuvent servir d'une preuve photographique que quelque chose s'est réellement passée, et elles peuvent établir un lien implicite entre la chose qui est vendu et une autre image"-«they can elicitemotions by stimulating the appearance of a real person or object; they can serve as photographic proof that something really did happen; and they can establish an implicit link between the thing that is being sold and some other image». (1997: vii. in Chafai, H. idem)

Tout compte fait, les images tentent de créer un contexte humain qui découle de la signification du produit, et cela par l'utilisation des images des personnes principalement des jeunes vu que cette catégorie d'âge est plus sensible et attentive au changement, à la nouveauté et attachée à la mode. De même que, la jeunesse est l'étape durant laquelle se forme l'identité des jeunes. Dans cette même perspective Fowles (1996, p. 157. in Chafai, id. p. 35) souligne que "l'imagerie publicitaire fixe sur ces individus, convertit leurs besoins dans ses formes, dans la mesure où l'acceptation de ces figurations conduira à l'acceptation des produits offerts." " The imagery depicts young people because youth is the stage most given over to the formation of self-identity. It shows leisure activities because those are the hours devoted to the self. It is gender-ridden because gender lies at the core of self-identity. Advertising imagery fixes on what individuals fix on, converting their needs into its forms in the hope that acceptance of these figurations will lead to acceptance of the commodities offered ". (Fowles, 1996, p. 157).

Fowles (1996: 84) distingue entre les images, qui sont, pour lui, une sorte de symbole, des représentations naturalistes, et les mots, qui sont complètement des créations arbitraires. Ainsi, ce n'est ni l'image, seulement, ni la langue toute seule qui peuvent réussir une communication publicitaire, mais celle-ci résulte de la combinaison des deux éléments. Le rôle du texte publicitaire est d'expliquer l'image et de l'éclaircir parce que cette dernière demeure généralement vague et polysémique dans l'absence de toute explication. Donc, ces deux composantes agissent dans une perspective de complémentarité dans le but de faire comprendre et de persuader le client des qualités de la marchandise ou du service annoncés.

Le langage et l'image, dans l'affiche publicitaire, se trouvent, aujourd'hui, dans une situation d'interdépendance contrairement aux "formes archaïques de la publicité orale des sociétés médiévales et pré-capitalistes41(*)". Georges Péninou (1970, p. 97) prévaut la fonction de l'image sur celle assumée par le langage, il avance dans cette perspective: "Message et paysage à la fois -- l'un des rares messages qui soit de surcroît un paysage (on regarde la publicité, plus contemplée qu'elle n'est lue); lieu de récréation informative, d'information récréative; expression d'un certain regard sur l'objet, non de l'objet lui-même, l'image publicitaire accommode sa structure à sa fonction. Quand on dit qu'elle illustre, il faut l'entendre au sens premier du terme : pièce maîtresse d'un énorme dispositif panégyriste, elle relève à la fois d'une hagiographie et d'une apologétique de l'objet. Les astreintes multiples auxquelles elle est soumise : recherche d'un certain impact visuel; aptitude à solliciter une pulsion, à mobiliser un intérêt, à enclencher une conduite ; les traits originaux qui la spécifient : une construction dominée par sa vocation de message de destination; le recours délibéré aux figures amplificatrices, pléonastiques et métaphorisantes ; la mise en situation signifiante des objets; « le balancement douteux entre la vérité et la volupté» s'expliquent par son caractère éminemment engagé, sa fonction d'agent économique : aucune autre catégorie d'images ne se voit, comme l'image publicitaire, assigner des fonctions (orienter un flux d'usagers vers les productions ou les services d'une société) qui iront jusqu'à s'exprimer en termes quantitatifs, dans un laps de temps circonscrit."42(*) Il ajoute "Instrument d'une volonté plus que d'une connaissance, l'image publicitaire envisage nécessairement l'objectif derrière l'objet. Substitut moderne de la criée et de tous les antiques systèmes oraux de promotion fondés sur une rhétorique persuasive de la parole, elle a hérité des mêmes obligations et transposé les mêmes artifices." (Idem., pp.97-98)

Péninou met en avant, donc, la fonction rhétorique de l'image publicitaire. Celle-ci demeure la composante la plus contemplée par le public, elle se fixe rapidement dans la mémoire de celui-ci et l'aide à se souvenir de l'annonce. Cependant, Caroline HOSTETTER( 2010, p. 8) considère que les éléments textuel et iconique sont indissociables et s'inscrivent dans une perspective de complémentarité, lorsqu'elle dit "L'élément iconique est conçu en fonction du texte, et le texte en fonction de l'image, car seule une conception contemporaine de tous les éléments constitutifs de l'annonce peut en assurer l'unité et l'efficacité. L'imbrication du texte et de l'image dès les premières phases de la conception et l'interdépendance qui en résulte rend la distinction stricte entre texte et image artificielle dans une certaine mesure." Toujours d'après HOSTETTER, le texte publicitaire a comme fonction et finalité principale non "d'informer ou de divertir le lecteur, mais de le convaincre."(idem., p. 9). Le texte de l'affiche publicitaire se compose de trois parties43(*), distinctes, chacune remplit une fonction et occupe une position dans l'annonce:

· Les appellations : elles se subdivisent en trois types: le nom de la marque, le nom du produit et le nom de lieu. Destinées à transmettre une certaine image de la marque ou du produit, les appellations fonctionnent comme des arguments de vente à pat entière. La marque et l'origine(lieu de production) jouent un rôle primordial dans la vente des produits dans la mesure où elles augmentent le prestige de ceux-ci.

· Le slogan : C'est le centre textuel de l'annonce, où se situent les développements argumentatifs les plus denses, les procédés les plus élaborés et le plus fort contenu incitatif. Le slogan se divise en deux catégories: l'accroche (joue sur les sonorités) et l'assise (privilégie les constructions grammaticales plus strictes). La phrase d'accroche peut renseigner le lecteur sur certaines caractéristiques du produit, mais a aussi pour fonction d'arrêter son attention et d'éveiller sa curiosité pour lui donner envie de continuer la lecture de l'annonce. La phrase d'accroche est écrite habituellement en haut de page et dans une taille de police sensiblement plus grande que le reste du texte ; L'assise est généralement placée en fin d'annonce, le plus souvent dans le coin inférieur droit. Elle résume les caractéristiques principales promues dans l'annonce, mais elle obéit, en outre, à une structure grammaticale stricte et équilibrée, conférant au produit une aura de stabilité et de permanence.

· Le rédactionnel : C'est dans cette partie que se déroule l'argumentation textuelle, où sont livrées des informations en rapport avec le produit promu. Bien que la fonction informative y soit plus développée que dans le slogan, le rédactionnel bénéficie d'une rédaction travaillée en raison de nature incitative. (HOSTETTER, Ibid., pp. 10-13).

Quant à l'image publicitaire, qui faisait objet d'un très grand nombre d'études sémiotiques/sémiologiques dont Roland Barthes (1964, 1980), G. Péninou (1970), B. Cocula et C. Peyroutet (1986), Martine Joly (1993, 1994), L. Gervereau (2001), etc., elle aussi, elle remplit des fonctions qui ne sont plus moins importantes de celles du texte. En outre, l'image est caractérisée par sa plus grande polysémie, ce qui amène à des interprétations différentes d'un individu à l'autre. Dans "Rhétorique de l'image" (1964), Barthes met en avant que l'image, à visée publicitaire, est une composition qui révèle plusieurs signifiants (objets représentés) qui correspondent à plusieurs signifiés dont le "signifié esthétique" (p. 48). Pour lui, l'image peut avoir des lectures diverses selon les lecteurs, ainsi : "La variabilité des lectures ne peut donc menacer la « langue » de l'image, si l'on admet que cette langue est composée d'idiolectes, lexiques ou sous-codes : l'image est entièrement traversée par le système du sens, exactement comme l'homme s'articule jusqu'au fond de lui-même en langages distincts." (idem.)

Barthes distingue, dans son article (1964), entre deux types d'images : l'image dénotée et l'image connotée; la première "correspond en somme au premier degré de l'intelligible (en deçà de ce degré, le lecteur ne percevrait que des lignes, des formes et des couleurs)". Il ajoute que " dans une perspective esthétique le message dénoté puisse apparaitre comme une sorte d'état adamique de l'image" (p. 46). La seconde image est une image symbolique, elle correspond à un degré d'intelligible plus élevé de l'image. Pour la déchiffrer le lecteur doit disposer "d'un savoir supérieur au savoir anthropologique et perçoit plus que la lettre". (Idem.)

Mettant en évidence la relation étroite et indissociable entre le texte et l'image publicitaires, HOSTETTER (Ibid., p.13-14) ajoute que "le texte publicitaire ne constitue qu'une partie de l'ensemble de l'annonce publicitaire et ne fournit pas toutes les informations nécessaires à la compréhension de l'ensemble. L'image, régie par ses propres règles et conventions, constitue une autre partie de l'annonce publicitaire [...], amène des informations et obéit à des règles de nature différente." Ainsi les différentes composantes de l'image (le personnage, le produit, le cadre, le logo), chacune par sa fonction, constituent un moyen d'argumentation déterminant, toutefois " l'image seule, tout comme le texte seul, est incapable de transmettre le message publicitaire complet ". (Ibid., p. 18-19)

Outre ces fonctions, développées ci-dessus, de la langue et de l'image visuel, il convient de signaler les fonctions du langage définies par Roman Jakobson (1981) dont la fonction: expressive, impressive/conative, référentielle, poétique, métalinguistique et phatique. (In Christian Baylon & Paul Fabre, 1990, pp. 64-66)

Somme toute, nous soulignons que les images visuelles et la langue entretiennent une forte corrélation, dans la mesure où chaque élément remplit une fonction vitale dans l'attraction, sinon la séduction, du public. Donc, chaque élément constitue une source d'enrichissement à l'autre, leurs rôles s'inscrivent dans une perspective de complémentarité. Nous concluons ainsi par la citation suivante : "The word and the picture do not exist in pure contradistinctions; rather, there is a continuum whereby the word is a learned and arbitrary or conventional symbol and the image is a partially learned and partially naturalistic one. (Ernst Gombrich, 1981, p. 24, in Fowles, 1996, p. 84, cité par Chafai, H, 2008, p. 34 ).

"Le mot et l'image n'existent pas dans le plus pur contraste, mais plutôt , il existe un continuum dans lequel le mot est un symbole appris et arbitraire ou conventionnel, alors que l'mage est une partie apprise et partiellement naturaliste."

* 40 Cf. Youssi, Abderrahim, (2009). L'ambivalence linguistique à propos des enseignes commerciales de nos villes. In Culture orale et variation linguistique au Maroc. Ed. OKAD. Coll. Laboratoire Langage et Société; pp. 202-219. &

Lajarge, Romain et Moïse, Claudine, (2005). "enseignes commerciales, traces et transition urbaine. Quartier de Figuerolles, Monpellier". Revue de l'université de Moncton, vol. 36, n° 1, p. 97-127. Article disponible sur: http://id.erudit.org/iderudit/011990ar

* 41 Cf. Gérard Lagneau : Le faire-valoir, une introduction à la sociologie des phénomènes publicitaires, Sabri, 1969. In ( Georges Péninou, 1970, p. 97)

* 42 Des mesures systématiques faites, montrent, par exemple des variations significatives du souvenir entre annonces à dominance d'image (indice moyen : 117) ou à dominance de texte (indice moyen : 76, par rapport à un indice général de 100). Note citée par G. Péninou (Idem., p. 97)

* 43 GUIDERE, M., Publicité et traduction, 2000, p. 32. In Caroline HOSTETTER ( 2010, p. 10)

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein