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Pensée et problématique du développement chez Maurice Kamto

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par Yannick Parfait Amour Obiang Edou
Institut supérieur de philosophie et des sciences humaines Don Bosco Lomé Togo - Licence en philosophie 2009
  
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Thème : PENSEE ET PROBLEMATIQUE DU DEVELOPPEMENT CHEZ MAURICE KAMTO
Problème : Au coeur de ce travail de synthèse se trouve la préoccupation de s'interroger sur le statut de la pensée et la question du développement en Afrique noire.
Problématique : l'intérêt majeur de ce travail de recherche semble s'articuler autour des questions suivantes :
1- Quel est le statut de la pensée dans la société humaine ?
2- Qu'est ce qui justifie le désert de la pensée en Afrique subsaharienne ?
3- Qu'est ce que le développement ?
4- Quel lien existe-t-il entre pensée et développement ?
5- Quelles orientations offre Maurice Kamto pour le processus du développement du continent noir ?
Plan provisoire
Introduction générale
Première partie : ROLE DE LA PENSEE DANS LES SOCIETES HUMAINES ET SA CAUSE D'HIBERNATION DANS LES ETATS de L'AFRIQUE NOIRE
CHAPITRE I : place de la pensée chez les humains
« L'essence de l'homme tient à sa pensée » Blaise Pascal, in sergecar.perso.neuf.fr/cours/existcons.htm
Introduction partielle
I.1. définition du concept
I.2. les différentes fonctions que peut exprimer la pensée
Conclusion partielle
Chapitre II : Les sources de l'hibernation de la pensée dans les Etats de l'Afrique noire
Introduction partielle
II.1. L'Etat postcolonial
II.2. Le système scolaire
II.3. La politique du ventre et du bas ventre
Conclusion partielle
Deuxième partie : le rôle de la pensée dans le processus du développement en Afrique noire
Chapitre I : le développement
Introduction partiale

I.1. Approche définitionnelle
Etymologiquement, le vocable développement vient du terme latin « de-volvereé qui signifie ôter l'enveloppe
I.2. Approche historique de la notion en Afrique noire
I.2.1. L'ambiguïté de la notion
I.2.2. Approches synthétiques de certains penseurs africains
Nb : les philosophes concernés (Ebenezer Ndjoh Mouellé, Yaovi Akakpo et Kuakuvi Mawule)
Conclusion partielle
Chapitre II : Culture de l'intellectualité et développement
Introduction partielle
II.1.

II.2. Rôle des intellectuels dans le processus du développement
II.3. Conditions pour favoriser une culture de l'intellectualisme
Conclusion partielle
Conclusion générale
Nb : la cinquième question de la problématique sera traitée dans cette partie qui porte sur la culture de l'intellectualité.

OBIANG EDOU YANNICK, licence philo.


INTRODUCTION

Soumis à plusieurs siècles d'esclavage, au grand partage lors de la conférence de Berlin de 1884-1885, au colonialisme et au néo-colonialisme et à l'exploitation manifeste de toute sorte. La notion de développement n'a jamais cessé de hanter certains esprits africains éclairés en particulier ou de tous les africains en général. Le continent noir, plus que d'autre, est celui des périls et des espérances. ``L'Afrique terre d'espérance'' voilà une phrase qui caractérise notre continent. Cinquante (50) ans après les indépendances, du grand mouvement de la décolonisation et de l'institution de la souveraineté nationale aux Etats noirs, d'un long et couteux processus de développement ; l'Afrique noire demeure jusque là une région où la pauvreté, la misère, la violence sont les fidèles compagnons des populations qui y résident. « Des récits et des descriptions innombrables n'ont cessé d'exposer, avec un luxe de détails, les formes et les mécanismes de la dégradation de la condition humaine en Afrique » écrit F. Eboussi Boulaga. Cependant l'accroissement des difficultés chaque jour en Afrique fait aussi constater la multiplication des initiatives pour tenter de rendre le continent noir plus humain. La décolonisation, les grands courants idéologiques (la négritude, l'africanisme...), le réveil des populations africaines à la démocratie pluraliste, et de nos jours la multiplication des sommets : Europe-Afrique, France-Afrique, Chine-Afrique, s'inscrivent dans cette logique.
Cependant, la consultation de l'histoire, nous laisse voir que l'idée du développement de l'Afrique noire, depuis les indépendances, se dégage comme un problème majeur et aux contours divergents pour les africains de toutes les époques. Toutefois, « au nom d'une morale de l'action qu'imposerait l'urgence du développement » et de l'opinion qui prend la philosophie pour une simple entreprise spéculative, « réalisme et pragmatisme ont dominé le champ du discours » sur le devenir de l'Afrique postcoloniale. C'est en ce sens que certains philosophes et hommes de cultures avancent que la notion de développement a été mal comprise en Afrique. Le penseur camerounais, Ebenezer Njoh-Mouellé abonde dans cette optique lorsqu'il souligne que la notion de développement a connu une autre signification en Afrique noire. Car pour le commun des mortels, tout s'orientait vers l'accumulation des choses : automobiles pour tous, réfrigérateurs, les machines à tout faire, maisons à étages... Cette conception purement économique donne matière à réfléchir vue de nombreux aides qui ont été allouées au continent noir depuis les indépendances et conscient que : « Riche en ressources humaines et naturelles, nombreux sont de nos peuples qui croupissent dans la pauvreté et la misère, sont déchirés par les guerres et les conflits, passent par des crises et sombrent dans le chaos » . La notion du développement nous semble avoir mal été comprise en Afrique noire. Puisque depuis 1960, les africains ont accordé une prépondérance au capital matériel en matière de développement.
Dans le domaine de la philosophie qui nous concerne, il importe de bien définir les concepts, afin de permettre une bonne compréhension des problèmes. Puisque toute connaissance est une réponse à une question. Ainsi, l'étymologie du mot ``développement'' nous renvoie au terme latin « devolvere », qui signifie à son tour ôter l'enveloppe, étendre, donner de l'envergure à quelque chose. D'après le petit Robert, le vocable vient du vieux français du XIIIe siècle : De « Voluper » . Ce terme va connaître une évolution jusqu'à renvoyer de nos jours à une convention d'éléments qui vont de l'intégralité humaine à la réalité matérielle. Toutefois, de façon générale, le développement désigne un mouvement, un processus d'accroissement quantitatif et qualitatif. C'est une réalité évolutive qui conduit un phénomène vers, un organisme vivant ou une entité sociale de sa sphère initiale vers son stade de maturité ou son terme idéal. Autrement dit, le développement c'est l'ensemble des progrès économiques, sociaux et culturels auxquels aspirent les peuples.
Les concepts : développement et sous-développement naitront à la suite de la décolonisation amorcée au lendemain de la seconde guerre mondiale par la séparation entre pays riches (anciennement industrialisés) et pays du Tiers Monde (pays pauvres). Ces deux concepts vont de pair à tel point qu'il est presqu'impossible de parler de l'un sans faire mention de l'autre. Ceci dit, nous pouvons définir le sous-développement comme ce qui est en dessous du développement, ou encore comme absence du développement ou de progrès. C'est ce qui se trouve en deçà du développement normal. Parlant d'un pays ou d'un continent, il renvoie à une situation où les habitants ont une espérance de vie très faible, en raison, notamment de l'insuffisance alimentaire, d'une industrie peu mécanisée et parfois d'une population très élevée cas du Nigeria ou moins élevée cas du Gabon. En d'autres termes, le sous-développement peut se traduire à partir des symptômes suivants : la pauvreté, la mal gouvernance, la corruption, l'absence de démocratie, l'analphabétisme, la crise économique, le détournement des deniers publics ... la liste est loin d'être exhaustive. La dépendance financière et monétaire ; l'extraversion du système économique et la désarticulation de l'économie en sont ses caractéristiques. Caractéristiques dont le contient noir détient ``le prix Nobel'' au regard des autres continents.
Sachant par ailleurs que l'Afrique noire a besoin du développement puisque ce thème est au centre de la recherche sociale en Afrique depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Craignant que l'Afrique subsaharienne ne sombre davantage dans le sous développement à l'allure où vont les choses, nous avions jugé opportun de consacrer notre travail de synthèse en licence philosophiqueaur le thème : Pensée et problématique du développement chez Maurice Kamto. Nous espérons à travers ce thème, actualiser la question du développement de cette Afrique agonisante qui nous est très chère. Tout en étant conscient de la complexité de cette entreprise, nous avons voulu orienter notre recherche, sur les études déjà réalisées sur la question, notamment sur celle faite par le penseur camerounais, Maurice Kamto, dans son ouvrage L'urgence de la pensée- Réflexion sur une précondition du développement en Afrique. Cet ouvrage est une excellente analyse sur les causes du désert de la pensée en terre africaine et sur le rôle capital que pourra jouer l'exercice de la pensée dans le processus du développement du continent noir.
Ainsi, au coeur de notre travail de synthèse se trouve la préoccupation de s'interroger sur le statut de la pensée dans la pratique du développement en Afrique noire. Dans cette perspective, afin de venir à bout de notre préoccupation principale, l'intérêt majeur de notre synthèse semble s'articuler autour des questions suivantes : Quel est le statut de la pensée dans la société humaine ? Qu'est ce qui justifie le désert de la pensée en Afrique subsaharienne ? Qu'est ce que le développement ? Quel lien existe-t-il entre pensée et développement ? Quelles orientations offre Maurice Kamto pour le processus du développement du continent noir ?
Pour essayer de répondre à ces délicates questions, un détour préalable par le statut de la pensée dans les sociétés humaines, puis les sources du désert de la pensée qui règne en Afrique noire, nous semble impératif, en ce qu'il apporterait un éclairage supplémentaire à la seconde partie de notre travail consacrée à démontrer la nécessité d'une culture d'intellectualité si l'Afrique subsaharienne voudrait amorcer un véritable développement.

CHAPITRE I : place de la pensée chez les humains
« L'essence de l'homme tient à sa pensée » Blaise Pascal, in sergecar.perso.neuf.fr/cours/existcons.htm

Introduction partielle
« L'homme est par la pensée. C'est sa meilleure définition. »

La plupart des sciences s'accordent sur la définition de l'homme comme « un animal raisonnable qui occupe le premier rang parmi les êtres organisés, et qui se distingue des plus élevés d'entre eux par l'étendue de son intelligence et par la faculté d'avoir une histoire, c'est-à-dire la faculté de développer, d'agrandir sa nature grâce à la communication avec les ancêtres et d'augmenter ses richesses intellectuelles et morales » . Cette conception fait de l'homme le seul être doué de pensées dont l'expression est le langage humain. Aristote abonde dans le même sens lorsqu'il déclare : « seul entre tous les vivants, l'homme possède le langage ». Le langage dont l'homme est le seul possesseur joue un rôle primordial dans toute société humaine en général et en Afrique en particulier. Car, il permet aux êtres humains d'exprimer leurs sentiments et leurs émotions, et c'est par lui que les humains accomplissent les choses proprement humaines dans une communauté. L'homme ne saurait être homme sans le langage. Ce premier chapitre de notre travail de synthèse vise deux objectifs à savoir : dans un premier temps, montrer l'importance de la pensée dans toute société humaine et ensuite permettre de comprendre pourquoi

I.1. définition du concept
Définir la notion de pensée n'a jamais été chose aisée. Cependant, André Lalande dans son Vocabulaire technique et critique de la philosophie, nous fait savoir que ce mot, dans chacun de ses sens peut s'appliquer soit à l'ensemble des faits considérés (la pensée), soit à chacun d'eux pris à part (une pensée) . Ainsi, il nous fournit trois sens dont le plus large enveloppe tous les phénomènes de l'esprit. Une chose pensante est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent, comme l'entend Descartes. Au sens le plus ordinaire, se dit de tous les phénomènes cognitifs (par opposition aux sentiments et aux volitions). Pensée est alors synonyme d'intelligence. Au sens le plus propre, se dit de l'entendement et la raison, en tant qu'ils permettent de comprendre ce qui constitue la matière de la connaissance, en tant qu'il réalise un degré de synthèse plus élevé que la perception, la mémoire ou l'imagination.

I.2. les différentes fonctions que peut exprimer la pensée selon Maurice Kamto
« L'homme est par la pensée. C'est sa meilleure définition », cette définition de l'homme donnée par le penseur camerounais, présente la ``pensée'' comme ce qui confère à l'homme son humanité. Autrement dit, la pensée est ce qui fait qu'un homme demeure un homme, qu'il soit différent des autres créatures animales car « sans la pensée l'homme est un mort en sursis ». La pensée au sens que la conçoit notre auteur est ce qui donne vie à l'homme et qui lui permet d'avoir une prise sur la réalité, d'où la place considérable qu'elle occupe dans toute société humaine.
Pour Maurice Kamto, la pensée est ce par quoi nous exprimons notre histoire. Histoire entendue comme la discipline intellectuelle ayant vocation de transmettre la mémoire de l'humanité. Elle a été et est le support des identités culturelles. La pensée constitue l'histoire des peuples, des nations et du monde en générale. L'histoire des dix-sept (17) pays africains qui fêtent leurs cinquante (50) ans d'accession à la souveraineté internationale ainsi que l'histoire de la colonisation de l'Afrique ne sont connues que grâce à la pensée. Par la pensée l'homme passe du statut contingent au statut absolu. Maurice Kamto avance à cet effet qu' « Ils sont toujours là les Socrate, les Platon, les Sophocle, Lao Tseu et Confucius, Marx et Hegel, toute la crème intellectuelle du siècle des Lumières, du XIXe mais aussi du XXe siècle ... Ils sont là parce que la pensée défie le temps et la barbarie humaine ».
Aussi la pensée exprime la fonction de dire « puisque la parole est la manifestation de la pensée » et « on ne parle pas pour ne rien dire, on parle pour dire quelque chose de quelque chose ». La pensée et le dire vont de pair. Car une pensée non exprimée n'est pas une pensée et n'a aucune valeur. C'est par le dire que se matérialise la pensée ; sans le dire ou la liberté de pensée ou une pensée libre qui s'accompagne d'une liberté de parole, il n'y a pas de pensée. C'est d'ailleurs en ce sens que se fait remarquer le désert de la pensée en Afrique noire. La pensée constitue une thérapie, car elle constitue une procédure de résolution de crise et de conflit. Elle instaure l'unité et l'harmonie entre les personnes. La parole précieuse pour toutes sociétés humaines, parce qu'elle se soucie de l'unanimité. Le penseur camerounais assimile la pensée à cet effet à la fonction d'exorcisme et d'émancipation. Dire c'est « se projeter au dehors, de s'exprimer hors de soi ». La pensée permet de se projeter au dehors dans le sens ou elle permet aux autres personnes de nous apprécier. Dans ce sens, la pensée peut exprimer le rôle de représentation de son auteur. Ainsi avons-nous l'habitude de reconnaitre les penseurs à travers leurs pensées. Exemple : pour toute personne ayant une culture philosophique, lorsque cette personne est face à la citation suivante : « cogito ergo sum » (je pense donc je suis), elle l'attribuera à René Descartes son auteur. La pensée est également libératrice chez Maurice Kamto, c'est dans cette perspective qu'il cite Basile Julio Fouda : « il y a en l'homme cette nostalgie de l'aveu libérateur et de l'épiphanie sans nuages. L'homme prend conscience prend conscience de son aventure humaine et exprime cette aventure mouvementée et militante. Cela le soulage et l'apaise de réagir et de répondre » . Les études psychologiques ont montré de nos jours que le fait d'enfouir les choses dans son inconscience, sans se libérer, sans passé à l'aveu constitue une véritable bombe à retardement. Les psychothérapeutes et les psychanalystes lors de leurs entretiens avec les patients leurs exhortent à évoquer les problèmes qu'ils ont font de leur conscience à cet effet. Ne pas parler constitue un véritable blocage psychologique. Anne Cécile Robert abonde dans le même sens dans son ouvrage titré : L'Afrique au secours de l'Occident, dans la troisième partie intitulée, Besoin d'Afrique. Pour elle, la présence de certaines réactions qui ne cadrent pas avec le commun des mortels, tel que les terreurs semées en milieu scolaire par des jeunes de bonnes familles de nos jours, peuvent s'expliquer par le fait que ses jeunes n'ont personne a qui se confier. Maurice Kamto dans la même perspective souligne que le silence est carcéral et mortifère.
Lors des festivités marquant le cinquantième (50) anniversaire de l'accession à la souveraineté internationale de la République togolaise. En assistant à une conférence organisée et animée à cet effet par le professeur Yaovi Akakpo en collaboration avec l'institut Goethe sur le thème : Invention et souveraineté, l'animateur de la dite conférence, le professeur Yaovi est revu plus d'une fois sur la place de l'invention dans le processus de la souveraineté. Nous de notre part, nous ajouterons la place de la pensée dans le processus de la souveraineté. Car comme le soulignait le professeur Yaovi, sans l'exercice de la pensée, il n'y pas d'invention. De nos jours, la liste des exemples est assez longue et les exemples sont assez pertinents pour affirmer haut et fort que l'invention permet à l'homme de s'émanciper. Comme le disait toujours le même professeur Yaovi, ne l'oublions pas que le téléphone portable que nous tenons dans nos mains est avant tout une formule (une pensée).
Grâce à la pensée l'homme se libère des oppressions que peut lui imposer les autres hommes et les contraintes de la nature. En effet, on peut constater d'un point de vue historique que les grandes étapes de l'humanité ont toutes été marquées par l'usage de la pensée. La pensée permet en effet de dominer la nature, de la rendre habitable pour les hommes. Grâce à la rationalité, la vie humaine s'est peu à peu dissociée de la vie animale et s'est affranchie des nécessités naturelles (chercher à se nourrir, à se vêtir, à se protéger contre les attaques extérieures...) La pensée rend la vie plus facile aux hommes et lui permet d'étendre son pouvoir et son champ d'action. En un mot, elle semble être source, pour l'homme, de libération. De même, la pensée est un facteur d'insertion sociale et une manière de pratiquer la démocratie pure. La parole est un facteur de sociabilité. La parole c'est l'homme, c'est elle qui actualise la vie et lui permet de jaillir. Pour Maurice Kamto, la pensée instaure le respect de l'autre et la reconnaissance de sa dignité. La parole assure l'entente et l'unité du groupe, c'est aussi elle qui assure la résolution des conflits qui surgissent au sein de la société. La parole engage l'homme, la parole c'est l'homme.
Conclusion partielle
En somme, par sa possession de la rationalité, l'homme affirme sa supériorité parmi toutes les créatures de l'univers. L'homme c'est la pensée dit-on, autrement dit sans l'usage de la pensée l'homme ne saurait accomplir son humanité. Cependant penser va de pair avec le dire, puisqu'on ne saurait parler de pensée, si cette dernière n'est exprimée. Le langage qui est le véhicule de la pensée est libérateur : il nous aide à préciser notre pensée, à faire le point sur nos sentiments profonds et à exprimer tout cela à ceux que nous aimons. La parole nous permet de dépasser nos silences, de tenir en éveil l'énergie de vivre (la pensée) et de nous construire. Ainsi, Maurice Kamto souligne qu' « En décidant la mise à mort de la pensée, nous avons dressé du même coup l'acte de décès de la démocratie ; nous avions brisé le ressort du progrès de notre civilisation » . Mais la pensée est forcement rebelle, puisqu'elle est questionnement rationnel de la réalité. D'où dans la plupart des Etats dictatoriaux, la liberté de penser ou une pensée libre est considérée comme un danger pour le régime.

Chapitre II : Les sources de l'hibernation de la pensée dans les Etats de l'Afrique noire

Introduction partielle

Plusieurs auteurs africains et non-africains qui se sont sentis interpeller à mener une analyse minutieuse face à l'état chaotique dans lequel sombre le continent noir et dont les titres de leurs ouvrages sont très révélateurs : Les Racines du mal nègre, De la médiocrité à l'excellence, L'urgence de la pensée, L'Afrique au secours de l'Occident, L'horizon des sciences en Afrique..., attribuent une part de responsabilité du sous-développement du continent noir à ``l'hibernation de la pensée'' qui règne en cette partie de la planète . le terme ``hibernation de la pensée'' pourrait se définir comme « l'absence de la pensée ou plus exactement d'une pensée libérée » . Cet état de chose, aux dires du penseur camerounais est « la cause de notre dérive collective ». Au même Maurice Kamto de poursuivre que « la pensée est une interrogation renouvelée sur le sens, la remise en question permanente, appel constant au dépassement, tension vers l'avenir

II.1. L'Etat postcolonial
La consultation de l'histoire nous renseigne que le dépeçage de l'Afrique en colonies lors de la conférence de Berlin de 1884-1885, par les puissances européennes est dans l'intérêt des colonisateurs. Ce partage tient pour rôle de fournir les avantages aux colons, c'est-à-dire des « ressources du sol et du sous-sol africain, une main d'oeuvre abondante et peu couteux, des recrues pour des guerres... » Et de manière particulière l'imposition de l'hégémonie occidentale et l'affaiblissement de l'homme noire. Car comme nous le renseigne l'histoire, cette division est dans le but d'imposer le règne de l'Occident. D'où la division des groupes ethniques homogènes comme la division des Téké entre le Gabon et le Congo Brazzaville et des Fang se retrouvent entre la Guinée Equatoriale, le Gabon et le Cameroun tels sont les preuves irréfutables de cette politique macabre des puissances coloniales. La conquête coloniale a soumis par la force l'ensemble du continent, à l'exception de l'Ethiopie et du Libéria, à la domination de l'Europe. L'Afrique est le continent le plus fragmenté sur le plan géopolitique et aussi le plus cosmopolite sur le plan de la diversité de sa population. Les frontières de la plupart des pays africains semblent avoir été tracées en coupant souvent des espaces culturelles. Les frontières ainsi établies ont rassemblé les peuples fondamentalement différents et ont divisé d'autres possédant une profonde identité culturelle. Cet état de chose est sans doute à l'origine des conflits qui y règnent en terre africaine. C'est sans doute dans cette optique que plusieurs africains et non-africains, à l'instar de l'ex homme politique français, Jacques Chirac, ont cru que « le multipartisme est luxe superflu pour les jeunes pays en voie de développement comme les pays africains ; le parti unique leur convient » . Car la période postindépendance étant aux yeux de certains africains, une période de délivrance et de relancement face au grand retard accusé par de nombreux maux qui ont miné le continent noir, beaucoup des africains et non-africains ont fait de la recherche d'une union nationale une priorité majeure.
Dans la logique de la recherche de l'unité nationale et sur conseils des puissances occidentales, les nouveaux Etats post indépendants de l'Afrique noire se sont lancés dans le monopartisme. Plusieurs penseurs attribuent une part de responsabilité du désert de la pensée à cet état de chose. Puisque l'installation des partis uniques en Afrique noire au début des années 60 a eu comme conséquence l'abolition de la liberté d'expression, de la pensée libre ou de la liberté de penser. Les sociétés post indépendantes étaient réfractaires à l'idée d'une polyphonie dans l'espace politique et toute pensée libre était soupçonnée et fustigée. Maurice Kamto de sa part soutient que « la logique unitaire que commande la recherche identitaire a dissout l'individu dans l'anonymat de l'unanimisme et lui a arraché `` la racine de la conscience politique libre'' » . L'installation des partis uniques après les indépendances en Afrique noire a anesthésié l'affirmation individuelle des personnes, a endormi les penseurs et briser l'art de penser qui est l'activité principale de tout être humain. Car l'imposition d'une vision unique, d'une homogénéité obligatoire n'est que l'installation d'un processus de désertification de la pensée et de la ruine intellectuelle en Afrique subsaharienne. Dans cette perspective, le penseur camerounais voit le parti unique comme la cocaïne des nations avec la particularité qu'il tue par overdose. Pour lui, le parti unique a entrainé un désordre en Afrique noire par la non liberté d'expression et de pensées qu'il imposait aux citoyens. Car sous le parti unique, il n'y avait qu'une seule vérité, celle du parti au pouvoir et qui constituait d'ailleurs une idéologie. Tout citoyen ``honnête'' semble-t-on dire devait suivre l'idéologie du parti unique, l'idéologie de la nation. Il fallait professer sa foi au guide suprême, au président qui en même temps était l'Etat. Dans cette logique, toute pensée libre ou liberté de penser était conçut comme une insulte à la nation, une atteinte à la dignité de l'Etat et toute personne qui osait le faire était conçue comme un ennemi de la nation, un fauteur de trouble, à qui trois solutions majeurs s'offraient à savoir : quitter son pays et aller s'exiler ailleurs où la liberté de penser est acceptée, renoncer à toute activité de penser et faire de l'idéologie du parti unique un crédo, et enfin beaucoup était dissout dans la machine à éliminer physiquement après avoir subi plusieurs tortures. L'exclusion de la liberté de penser et de parler instaurée en Afrique noire depuis l'indépendance est pour Léopold Sédar Senghor la raison du recul de l'Afrique dans les domaines de l'économie et de la culture .
L'absence de penseurs ou de la liberté de penser en Afrique noire peut aussi s'expliquer par la mise en place des régimes dictatoriaux des années qui ont suivi les indépendances africaines. Dans ses régimes tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains d'un seul homme : le chef de l'Etat, du gouvernement, des armées, du parti unique, et possédait un contrôle totale de la presse. L'abolition de la liberté de parler et de critiquer encouragée par les pouvoirs dictatoriaux a finit par ruiner intellectuellement l'Afrique subsaharienne. Car comme nous le savons, dans les régimes dictatoriaux, les écrivains sont censurés, les militants des droits de l'homme réprimés et des hommes politiques poursuivis. Les régimes dictatoriaux par l'usage abusive de la légitimité et du privilège que confère le pouvoir, dans le but de s'enrichir et de rester éternellement au pouvoir, ont fait de la liberté de pensée ou de la pensée libre leur pire ennemi. Pour beaucoup des dirigeants de cette époque, qu'ils soient chef de l'Etat, cadres, ou simples employés, la mission est de s'imposer face à ceux qui leurs sont subordonnés. Dans cette logique seul le supérieur possède la vérité. Ainsi dans le village, c'est le chef qui est le détenteur, nul autre personne ne saurait penser mieux que lui, dans le canton, c'est le chef de canton, ainsi de suite. D'où en dictature la vérité et toutes bonnes pensées et pensées constructrices de la nation reviennent au dictateur. Et Maurice Kamto de renchérir : « Dans les régimes unanimitaires, le monologue du parti fait écho au soliloque présidentiel. La vérité est une et unique : elle coule du faîte de la colline du pouvoir » . Sous le règne de la dictature, l'exercice de la pensée libre est voué au silence, puisque la dictature et la liberté de penser et de parler ne peuvent jamais cohabiter ensemble. L'exercice de la rationalité exige un esprit critique, une remise en question des choses. La philosophie de plusieurs responsables des Etats postcoloniaux était de combattre les penseurs et de favoriser l'hibernation de la pensée en Afrique noire. A cet effet, plusieurs moyens étaient mises en oeuvre à savoir : pousser les penseurs en exil, les inviter à la ``soupe'', afin de servir le ventre et leur bas ventre, tout en acceptant de faire les éloges du pouvoir dictatorial ou les réduire au grand silence en leurs offrant le visa d'entrer au séjour des morts. Et Maurice Kamto de conclure régime unanimitaire rime donc avec pensée totalitaire ; pensée dérisoire, mais appuyée sur le pouvoir de la violence de l'Etat, elle combat la pensée par l'invective et la terreur. Elle traque l'homme derrière le texte et n'entend dans la parole que celui qui parle .
II.2. La politique du ventre
« La chèvre broute là où elle est attachée »
Jean François Bayard, l'inventeur de ce concept, attribut l'origine ``la politique du ventre et du bas ventre'' que d'aucuns qualifient de "politique du haut et du bas de la ceinture" au Cameroun. Pour lui, cette expression renvoie à une conception de l'appareil d'Etat perçu comme lieu d'accès aux richesses, aux privilèges, au pouvoir, au prestige pour soi et pour les membres de son clan et à la satisfaction de ses besoins sexuels. Autrement dit, c'est une politique dans laquelle, le soin à apporter au tube digestif et l'accumulation systématique des fortunes parfois insolentes sont la primauté. Un des problèmes du désert de la pensée qui règne en Afrique au sud du Sahara semble se justifier par cette philosophie d'accumulation des biens et service en vue de venir au secours des membres de son clan. Car comme le fait remarquer Maurice Kamto, la plupart des penseurs (intellectuels) africains proviennent des milieux défavorables et c'est au prix de plusieurs sacrifices qu'ils parviennent à atteindre un certain statut social. Or dans la mentalité de plusieurs africains noirs, une personne qui a réussit sur le plan scolaire représente une véritable source d'or pour les membres de sa famille, de son clan voir même de sa région. C'est sur lui que toutes les demandes sont adressées. Ainsi, plusieurs intellectuels africains ont rejoint l'un ou l'autre régime politique qu'ils ont un jour ou l'autre critiqué, dans le simple but de jouir de certains biens et d'arranger la situation socio-économique des leurs. Le cas de Maurice Kamto, auteur du livre L'urgence de la pensée -Réflexions sur une précondition du développement, dont nous nous servons comme base dans ce travail de synthèse en constitue un exemple concret. Maurice Kamto cet intellectuel réputé pour son indépendance d'esprit, se présentant devant les jeunes comme un modèle, après avoir longtemps décliné les offres du régime Biya, a fini par le rejoindre et occupe aujourd'hui le poste de ministre délégué à la Justice. Certains hommes des médias camerounais voient même en lui l'auteur du fameux projet de modification de l'article 6.2 de la constitution camerounaise dans le but de permettre au président Paul Biya de se représenter en 2011. C'est un tel intellectuel qui sert aujourd'hui les ambitions monarchiques d'un petit dictateur qui n'a servi à son pays que misère, terreur et désolation. Ainsi, il a abandonné son statut d'intellectuel, d'éveilleur de conscience au profit de ses propres intérêts, ainsi va l'Afrique. Combien d'intellectuels (diplômés), sorties des meilleures écoles de la planète comptent nos gouvernements ? Et comment comprendre ce grand cynisme qu'on rencontre chez nous ? Telles sont quelques interrogations qui donnent matière à réfléchir et qui permettent de voir combien de fois la politique du ventre ruine l'intelligentsia africaine en éloignant les intellectuels de leurs convictions.
II.3. Le système scolaire
« Le but d'une éducation, c'est d'améliorer et de faire avancer les intérêts de sa propre communauté tout en assurant sa survie » Pr. Wilson
Présentée comme un bienfait de la conquête coloniale, l'éducation apportée en terre africaine par l'homme blanc porte aussi bien la touche idéologique de la colonisation, celle d'imposer l'hégémonie de la race blanche. Le système éducatif apporté par les colons était pour servir leurs propres intérêts et non ceux des africains. Pour les européens, il fallait porter la civilisation occidentale aux peuples attardés d'Afrique. Ainsi, le souci européen fut de divulguer une certaine vision du noir colonisé, « d'affirmer et de décréter de façon unilatérale que le bien-être devrait lui être assuré malgré lui et on devait lui inculquer un ensemble de valeurs de l'Occident » . Ceci dit, nous comprenons bien que le système éducatif apporté par les colons répondait aux besoins et aux attentes de ses derniers et non à ceux des africains. Ce système avait pour but de détourner les africains de leurs propres problèmes, de les rendre inaptes à réfléchir sur les problèmes qui leurs sont existentiels. Ce système d'éducation allait à l'encontre des intérêts et des besoins des Africains. En conséquence, aujourd'hui, comme le Pr. Wilson l'a encore précisé, les Africains n'ont jamais eu tant d'économistes, d'éducateurs, de sociologues, de médecins, d'artistes, d'avocats doués et instruits etc. Pourtant nous avons la pire santé, logement, et éducation de la planète, car notre éducation n'a jamais été conçue pour favoriser nos intérêts, mais plutôt les buts et les intérêts de nos oppresseurs . Pour emprunter un terme cher au philosophe camerounais, Fabien Eboussi Boulaga, le système éducatif colonial favorise une aliénation du muntu. Au sens ou l'aliénation est la dépossession de l'individu et sa perte de maîtrise de ses forces propres au profit de puissances supérieures, que celles-ci s'exercent à un niveau individuel.
Grace à la psychologie de l'éducation, on peut affirmer de nos jours que le contenu de l'éducation est la réaction de la société (défense) contre les mots qui la minent. Or le contenu éducatif apporté par les colons ne tenait pas compte des réalités africaines. Le système scolaire colonial bien qu'ayant permis le foisonnement des intellectuels africains a péché du fait de ne pas avoir pris en compte la réalité africaine. Puisque la réalité africaine montre que notre peuple possède des diplômes des écoles et des universités les plus prestigieuses. Qu'il peut résoudre n'importe quel problème pour d'autres groupes mais, n'ayant pas reçu une éducation centrée sur lui, toutes ses connaissances s'avèrent nulles et non avenues quand il s'agit de ses propres problèmes. Et au professeur Wilson de renchérir « Parfois, plus ces personnes sont instruites, plus elles sont aliénées quant à leur culture africaine, et plus elles représentent une menace envers notre groupe car, dans la hâte de promouvoir les intérêts des autres, ils finissent souvent par faire du mal à leurs propres frères » .
Le désert de la rationalité au sud du Sahara peut s'expliquer aussi par le fait que le modèle éducatif de la plupart de ses pays est tributaire de l'un au l'autre modèle européen. Certains modèles africains correspondent même aux modèles révolus en Occident. A ce niveau nous voyons deux problèmes non négligeables. Le premier est du au fait qu'un système scolaire d'un ou l'autre pays occidental est conçu pour répondre aux besoins et à la réalité de ce pays. Or le photocopier ou le prendre pour l'insérer dans un pays africain c'est faire ce qu'Eboussi qualifie de fétichisme. Le second problème se situe au niveau que chaque système répond aux besoins d'un milieu en un temps donné, puisque notre monde n'est pas statique. Un système scolaire conçu avant l'avènement de l'outil informatique se verrait inapte de nos jours. D'où les vieux systèmes scolaires européens appliqués encore de nos jours dans nos Etats servent à nous rendre moins pertinents. Le problème de l'hibernation de la pensée en Afrique noire pourra aussi se justifier par les problèmes de l'inefficacité su système éducatif. Edouard MOTOKO trouve à cet effet que l'inefficacité du système éducatif africain résulte essentiellement de deux facteurs : la dégradation des infrastructures scolaires d'une part et celui des conditions de vie de travail des enseignants d'autre part. Ces deux facteurs se traduisent par une qualité médiocre de l'enseignement, un faible rendement scolaire et de multiples abandons au cours du cycle.
Conclusion partielle
Nous pouvons retenir que l'hibernation de la pensée en Afrique noire semble se justifier aux dires de Maurice Kamto pour deux raisons essentielles : « d'une part, une conception totalisante du pouvoir dans nos Etats... d'autre part, la défaite des penseurs, victimes résignées de l'offensive de l'Etat ou de la dictature du besoin » . C'est cette assertion que nous avons voulu analyser. Ainsi il ressort de notre étude que l'Etat postcolonial par sa mise en place, la politique du ventre par sa philosophie de combler facilement ses besoins et ceux des membres de sa famille, voir ceux des membres de son clan et le déphasage du système scolaire africain érigé sur le mode occidental et qui ne tient par compte des réalités africaines en sont les sources du manque d'un esprit critique chez les peuples noirs.
Deuxième partie : le rôle de la pensée dans le processus du développement en Afrique noire
Chapitre I : le développement
Introduction partiale
Le développement dans les discours qui ont cherché à le caractériser en Afrique noire dans les années qui ont suivi la fin de la deuxième guerre mondiale, fut présenté comme phénomène nouveau, une nouvelle ère dans laquelle le nègre va égaler le colon. L'idée de la libération de l'homme noir de la domination européenne en lui conférant tous les avantages pour une vie heureuse date en Afrique de plusieurs siècles. Nonobstant, en cette année 2010, année du 125e anniversaire de la conférence de Berlin qui a amené au découpage de l'Afrique et dont beaucoup pensent être à l'origine de tous les malheurs qui sévissent en terre africaine, année où 17 pays du continent célèbrent leurs 50 ans d'accession à la souveraineté internationale. Le rêve du développement du continent noir demeure toujours une utopie. D'où notre premier chapitre en cette deuxième partie de se préoccupe d'interroger la conception de la notion du développement en Afrique ainsi que visiter l'apport de certains philosophes africains en ce domaine.
I.1. Approche historique de la notion en Afrique noire
« La notion du développement est un concept lié à l'évolution des sociétés. Depuis l'époque postcoloniale, cette notion a fait l'Object de grands débats et discours dans les Etats africains qualifiés aujourd'hui de pays en voie de développement » . La fièvre de la quête du développement de l'Afrique noire peut se situer aux environs des années 1960. Ainsi, les recherches des hommes suffisamment avisés ont montré qu'il y avait même méprise de la signification de la notion de développement. Le penseur camerounais Ebenezer Njoh Mouellé abondant dans le même sens, soulignait déjà que pour le commun des mortels, le développement renvoyait à l'accumulation des biens. Au nom de cette conception purement économique et quantitative, plusieurs politiques africaines ont jugé nécessaire de reléguer la réflexion en dernier plan dans le processus du développement tant désiré par les populations noires.
I.2. L'ambiguïté de la notion
Considéré dans sa dimension historiciste, l'idée du développement en Afrique noire, depuis les indépendances, se dégage comme un problème majeur et aux contours divergents. L'impression qui s'en est dégagé jusque là est celle d'une réalité ambigüe dont le vague même a longtemps caractérisé les démarches africaines vers la modernité : un ensemble épars d'actions dont la portée humanisant souffre jusque là d'un fort manque de considération. Stimulée par des modèles et réalité idylliques des pays développés d'Europe, l'action totale africaine en vue du développement s'est caractérisée par une sorte de légitimation du capital matériel. L'édification d'une économie fondée entièrement sur les matières premières du sous sol et du sol venait ainsi faire abstraction des paravents nécessaires et essentiels pour le développement : l'homme comme centre de toute réalité sociale.
En effet, lion de toutes ces préoccupations que l'on juge aujourd'hui fondamentales, le terme développement est devenu un fourre-tout ; et l'on intègre allègrement, comme une seule et même idée, un ensemble d'avoirs : usines, routes asphaltés, voitures de luxe, gratte-ciel, villas somptueuses, bref, tout le confort possible venant nourrir toutes les illusions de bonheur, de grandeur, de pouvoir et de superpuissance. Un climat propice pour élaborer de nouveaux mythes tels celui du développement mis en exergue par le désir manifesté par les gouvernements africains et les donateurs internationaux en vue de la suppression de la misère et des disparités existantes entre l'occident et l'Afrique, consacrant ainsi une politique économico-matérialiste. Il va de soi que de tels actes aient été à chaque fois dénués de toute analyse profonde sur les conditions de possibilité, d'avancement et de viabilité sociale de telle ou telle idéologie politico économique, de telle société ou industrie de production, telle entreprise dans le monde occidental où s'est développé, au fil des temps, une véritable culture industrielle, avant qu'elles ne soient transportés et implantées en Afrique noire.
Que les dirigeant africains et les internationaux n'aient pas pris en compte les réalités fondamentales de l'Afrique authentique constitue pour les philosophes et penseurs africains et non-africains un problème réel. Toutefois au-delà de cet état de choses, les philosophes africains dont invoquerons dans le point qui va suivre estiment que le problème majeur du développement en Afrique noire est davantage un problème de sens et de réalisme qui consiste à prendre pour priorité des aspects secondaires d'un fait et à restreindre l'univers des termes, signes, pratiques et actions, attitudes et qualités assortis au développement à la seule dimension matérialiste. Pour eux, le développement suppose la conjonction d'un vaste ensemble de paramètres interdépendants dans la réalisation de l'être et du bien être des hommes. Il est cependant vrai que mener une vie heureuse suppose un minimum de confort matériel, mais on n'a aucun droit de tenir l'embourgeoisement matériel comme une fin en soi.

I.3. Approches synthétiques de certains penseurs africains
Traitant du statut de la pensée et la question du développement en Afrique noire, nous avons utile d'interroger trois auteurs africains à savoir : Ebenezer Ndjoh Mouellé, Yaovi Akakpo et Kuakuvi Mawulé
Ebenezer Njoh Mouellé
Par son titre très révélateur, l'ouvrage De la médiocrité à l'excellence, du philosophe camerounais, Ebeneze Njoh Mouellé, est un essai qui comporte de nombreuses analyses et qui traite surtout de la signification humaine du développement. Ainsi au regard des méthodes et de la dérive actuelle du processus du développement en Afrique noire, la vision mouellienne du développement apparait aujourd'hui comme une nouveauté ; une reforme des cadres moraux et des conceptions par lesquels on a tôt fait de définir le développement unilatéralement par rapport à l'embourgeoisement. Il s'agit davantage d'une lecture essentialiste du développement se répercutant dans toutes ses dimensions humaines et matérielles. On pourrait ainsi aisément lui attribuer ce qui a été dit de Bergson et du bergsonisme : « il n'est pas une méthode substantiellement et consciemment distincte de la motivation sur les choses, que la méthode est bien plutôt immanente à cette méditation, dont elle dessine en quelque sorte l'allure générale » . Il s'agit donc d'avantage d'une union étroite entre sens et acte, théorie et pratique, une certaine unité dualiste dans la conception mouellienne du développement.
Dans un univers où l'évocation du sous développement se réfère nécessairement à un état de manque, de privation à combler, Njoh Mouelle entend s'élever au dessus des conceptions matérialistes et de toute tendance comparative du développement ; « un pays est-il sous développé, se demande -t-il, par rapport à un autre ou plutôt par rapport à ses propres potentialités ? ». Loin de nier l'existence et l'ampleur du sous développement dans nos pays d'Afrique noire, il voudrait davantage relever les multiples facettes de ce qu'est notre sous développement et par- là, les défis de son processus contraire. L'homme sous développé d'Afrique est un homme qui a tout et qui ne possède rien en même temps. C'est un homme qui s'ignore, qui ignore tout y compris ce dont il est capable lui-même. Le sous développement n'est pas souvenir du non avoir, mais c'est le non être, dans une certaine mesure. La misère subjective est une donnée universellement vécue et n'a nul besoin d'attitude ostentatoire. « La marque particulière du sous développement c'est la misère objective, celle qui n'a pas besoin d'être consciemment vécue pour être » . Et cette misère c'est l'ignorance, la superstition, l'analphabétisme. La misère matérielle observable et consciente en Afrique noire n'est donc pour lu qu'un accident, à considérer la réalité primordiale qui est celle de l'homme et la seule digne d'intérêt dans ce que doit être notre processus de développement en Afrique noire.
Pour Njoh Mouelle, l'idée de développement implique d'incontestablement une notion économique, mais la réduire rigoureusement à l'économie serait restreindre outre mesure. Aussi, définit-il le développement comme « un processus complet, total, qui déborde par conséquent l'économie pour recouvrir l'éducationnel ou le culturel » . Développer est dès lors : former l'homme dans toutes ses dimensions, humaine, sociale, morale, et intellectuelle. C'est le doter, lui qui est à l'auto affirmation, de toutes les armes nécessaires pour sa réalisation personnelle. Le type de développement nécessaire et profitable pour l'Afrique noire est donc celui qui libère et favorise l'avènement d'un type d'homme précis se disposant et se déterminant pleinement par rapport à la réalisation créative.

KUAKUVI Kuamvi Mawulé Magloire
L'ouvrage Les Racines du mal nègre du professeur KUAKUVI Kuamvi Mawulé Magloire souligne que le sous-développement du continent noir peut se justifier par deux causses, à savoir : les causes lointaines (la colonisation, le racisme, la religion, la traite négrière et le système E.A.F.A. entendu par l'Etat, l'Argent et les Forces Armées) et les causes récentes (le néocolonialisme et néo-impérialisme, la richesse du sous-sol, la volonté de puissance et l'ignorance). A ces causes, l'auteur des Racines du mal nègre ajoute l'une des pièces motrices du mal de l'Afrique subsaharienne, l'ignorance. Dans le passé de l'Afrique subsaharienne, l'ignorance a été l'une des causes qui avait justifié l'entreprise de "civiliser" les nègres, de les sortir de la nuit noire. Cette entreprise a certes fait du bien aux nègres, mais elle leur a aussi fait au tant de mal. Pour M. KUAKUVI, "civiliser" un nègre n'a jamais été lui faire vivre sa culture avec les progrès techniques. Ça n'a jamais été de lui faire profiter des bienfaits de la science et de la technologie. Faire de l'Afrique un Occident ou un Orient noir, une vitrine de l'Occident... Tout refus est puni de mort pour ne citer que l'exemple de Patrice Lumumba et Nkrumah .

Pour Mr Kuakuvi, le développement de l'Afrique passe ou passera par : la redéfinition de l'éducation, du système étatique conçu sur le système « A.E.F.A» ; de l'équilibre dans les échanges ; de l'exploitation du sous-sol africain au profit des africains, de l'investissement dans les cultures vivrières et de l'action des intellectuels. L'action des intellectuels est le fer de lance du développement de l'Afrique comme l'a été et l'est ailleurs. Ainsi, le professeur KUAKUVI est claire que sans apprentissage et sans éducation, il n'y a pas d'être intégral. Et sans être intégral le développement n'est qu'une illusion. Puisque que c'est l'homme qui est le moteur de tout développement ; mais de quel homme s'agit-il ? L'homme rationnel bien sur. Le facteur humain est déterminant dans le développement, nous pensons que les intellectuels, les diplômés, tous ceux qui sont instruits, ont un rôle très important à jouer dans le développement de l'Afrique.
Yaovi AKAKPO
L'horizon des sciences en Afrique paru aux éditions Peter Lang, dans la Collection « Publications Universitaires Européennes », du professeur Yaovi Akakpo, est un ouvrage dont des recherches portent largement sur l'Afrique. Dans cet ouvrage à double enjeux pratique et théorique, l'auteur souligne que « le désir de l'Afrique de s'affirmer et de se faire reconnaître. Dans la réalisation de ce désir, l'invention assure et assurera un « primat fonctionnel ». Il importe que les décideurs prennent toute la mesure de cet impératif moderne » , c'est à cela que constitue l'enjeu pratique de L'horizon des sciences en Afrique. Comme enjeu théorique, l'ouvrage s'interroge sur la place des sciences en Afrique. Or parler de la place des sciences, c'est parler de la place de la pensée, la place de l'intelligentsia africaine. Autrement dit, le professeur Yaovi questionne le statut de la science dans le processus de la reconnaissance et de l'affirmation de l'Afrique, c'est-à-dire dans le processus du développement du continent noir. C'est dans cette perspective qu'il exhorte à faire le choix de la science et de la technologie en tant que choix politique et stratégique, économique et culturel pour une Afrique plus humaine. Car, pour l'auteur de L'horizon des sciences en Afrique, « il y a lien réel entre savoir et développement », d'où pour lui, « le développement contemporain, compris comme engagement social dans le projet inachevé de la modernité, reste partout dans la contemporanéité, assez redevable aux instruments d'affirmation de la puissance des nations, instruments parmi lesquels figurent en bonne place les sciences, les technologies, la recherche ou le travail intellectuel en général »
Conclusion partielle
En résumé, la notion du développement a connu une réalité ambiguë en Afrique noire. C'est ainsi qu'elle s'est orientée vers l'accumulation des biens laissant de côté l'homme africain et sa réalité qui pourtant constituent le centre de tout véritable développement. Ainsi certains penseurs africains dont nous avions pris à témoins soulignent de manière unanime que le véritable développement passe par l'homme, entendu comme être rationnel. Puisque seul l'homme détient la pensée parmi toutes les créatures et c'est elle qui permet « l'interrogation sur notre dessein profond, sur la direction à donner à notre existence doit être la grande affaire de notre effort intellectuel... » .

Chapitre II : Culture de l'intellectualisme et développement
Introduction partielle
L'une des richesses que le monde tient du siècle des Lumières c'est l'importance non moins excessive accordée au devenir de l'homme en tant qu'être rationnel. En effet, le siècle des Lumière, inaugure avec Emmanuel Kant l'idée d'une humanité axée sur la « majorité » attestée par l'usage positif de la raison. Une raison libératrice, productrice d'idées et capable d'inventivité. Caractéristiques nécessaires pour toute amorce d'un véritable développement. Au regard de l'histoire des pays occidentaux et bien d'autres pays tel que les pays asiatiques où le développement se fait jour, l'importance n'est plus à démontrer sur le statut de la pensée dans le processus du développement. De ce fait, vu l'intérêt accordé au développement en Afrique subsaharienne, le présent chapitre vise à saisir le lien entre une culture d'intellectualité et développement.

II. 1. Le concept de l'intellectualisme : essai de définition
Le dictionnaire français « Dicos Encarta », à qui nous devons cette définition, conçoit l'intellectualisme comme la tendance à faire prévaloir l'intelligence et les idées au détriment de la sensibilité et sur le plan philosophique comme la doctrine qui affirme la supériorité de l'antériorité de l'intellect sur la volonté et les émotions . Toutefois afin d'orienter notre débat, il nous semble nécessaire de nuancer l'intellectuel et le diplômé, puisque ces deux termes posent un véritable problème de compréhension à tel point que l'un est remplacé par l'autre et vice-versa. La notion d'intellectuel, selon Michael Löwy cité par le professeur Yaovi Akakpo, renvoie à une catégorie de personnes définie par leur rôle idéologique, ils sont les producteurs directs de la sphère idéologique, les créateurs idéologico-culturels... D'où nous pouvons tenir pour un intellectuel, une personne dont l'activité repose sur l'exercice de l'intelligence, qui s'engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs, et qui dispose d'une forme d'autorité. Et pour diplômé, toute personne ayant rempli les modalités d'évaluation universitaire et qui à la fin de son processus de formation a obtenu un certificat d'aptitude. Il est clair qu'il existe un lient étroite entre diplômé et intellectuel, puisqu'un intellectuel doit être quelqu'un de bien formé afin de tenir les réflexions rigoureuses. Puisque selon Maurice Kamto, on ne parle pas pour ne rien dire, on parle pour dire quelque chose de quelque chose. Et dire quelque chose de quelque chose c'est avoir au préalable des connaissances sur la chose. Toutefois, bien qu'il existe un lien entre diplômé et intellectuel, ces deux termes ne sont cependant pas interchangeables.

II.2. Rôle des intellectuels dans le processus du développement
La définition de l'intellect que nous avons donnée un peu plus haut démontre, si besoin en était encore ou est, que cette faculté est essentielle à la transformation du pays vers un dynamisme transformateur typique à tout processus de développement. L'Afrique à besoin des intellectuels plus que jamais pour amorcer un véritable développement, comme nous l'avions dit que le véritable développement passe par l'homme et l'homme ne l'homme ne l'oublions pas se définie par la pensée dit Maurice Kamto. Ceci pour dire que si le développement passe par l'homme et que l'homme c'est la pensée, autrement dit le développement passera par la pensée. Se développer c'est subir une évolution vers un stade plus avancé. Ainsi la psychologie moderne nous apprend que le processus de développement nécessite une phase d'intériorisation, d'assimilation, de questionnement du passé et du présent et une projection dans l'avenir. Dans cette entreprise l'usage de la rationalité occupe une place non-négligeable.

II.3. Conditions pour favoriser une culture de l'intellectualisme

Conclusion partielle
Conclusion générale
Nb : la cinquième question de la problématique sera traitée dans cette partie qui porte sur la culture de l'intellectualité.

Conclusion générale
En somme, un grand nombre d'Etats Africains célèbrent cette année le Cinquantenaire de leur Indépendance. C'est un moment de joie et de bilan. Les Indépendances n'ont pas été un « cadeau ». Elles ont été le fruit de sacrifices et de luttes ardues. Célébrer le Cinquantenaire, c'est se rappeler avec joie ces nobles combats de nos peuples pour la liberté et la souveraineté ; c'est aussi honorer la mémoire de tous les martyrs de ces luttes, ces hommes et femmes, connus ou inconnus qui, par le sacrifice de leur vie, nous ont ouvert le chemin vers une Afrique libérée. 50 ans après, le bilan des Indépendances reste mitigé : beaucoup d'efforts ont été réalisés, mais d'énormes défis nous attendent encore.

Nous vivons dans un monde plein de contradictions et de crises profondes. La science et la technique accomplissent d'énormes progrès dans tous les domaines de la vie, dotant la planète de tout ce qu'il faut pour en faire un lieu agréable pour tous. Pourtant la situation tragique des réfugiés, la pauvreté scandaleuse, la maladie et la faim tuent encore chaque jour des milliers de personnes. En tout cela, l'Afrique est la plus frappée. Riche en ressources humaines et naturelles, nombreux sont nos peuples qui croupissent dans la pauvreté et la misère, sont déchirés par les guerres et les conflits, passent par des crises et sombrent dans le chaos. Ces situations sont rarement causées par des catastrophes d'ordre naturel. Elles sont plutôt le fruit de décisions et d'actions de personnes qui n'ont aucun souci du bien commun et que l'on retrouve souvent dans une complicité tragique et dans un complot criminel ourdi par des dirigeants locaux et des intérêts extérieurs. Mais l'Afrique ne doit pas se laisser aller au désespoir. Souvent à accentuer les mauvaises nouvelles et ainsi semblent se concentrer davantage sur nos infortunes et nos déboires plutôt que de relever l'effort positif qui s'accomplit. Des Nations sont sorties de longues années de guerres progressent lentement sur les chemins de la paix et de la prospérité. La bonne gouvernance a un impact appréciable dans certains pays africains, interpellant ainsi les autres pays pour qu'ils revoient leurs mauvaises habitudes passées comme présentes. De bons signaux sont donnés à partir d'initiatives qui cherchent à apporter des solutions effectives à nos problèmes.

L'Afrique a longtemps réclamé un changement de l'ordre économique mondial, dont les structures injustes pèsent lourdement sur elle. Les récents désordres dans le monde financier attestent qu'il est temps d'opérer des changements radicaux dans les règles du jeu. Mais ce serait une autre tragédie si ces réajustements devaient servir les intérêts des riches au détriment de ceux des pauvres. La plupart des conflits, des guerres et des situations de pauvreté en Afrique proviennent essentiellement de ces structures injustes. Un nouvel ordre mondial plus juste n'est pas seulement possible, mais nécessaire pour le bien de toute l'humanité. Un changement doit intervenir en ce qui concerne le poids de la dette pesant sur les nations pauvres, et entraînant littéralement la mort pour leurs enfants. Les multinationales doivent arrêter la dévastation criminelle de l'environnement dans leur vorace exploitation des ressources naturelles. Fomenter des guerres pour obtenir des gains rapides à partir du chaos est une politique à courte vue, qui de plus coûte cher en vies humaines et en sang répandu. N'y aurait-il pas de solutions face aux nombreux maux qui minent l'Afrique ?
« Nous n avons jamais vu venir les crises, nous n avons jamais su nous en sortir parce que l esprit dans la poche, nous avons fait naufrage dans le quotidien. Notre plus rand triomphe est d avoir su bâtir une civilisation de l immédiat et du provisoire. » Ainsi se lamente Maurice Kamto sur la situation de l'Afrique. Pendant longtemps, le commun des Africains a semblé accepter cet état de fait, mais la situation se détériore de plus en plus au point de devenir une catastrophe socio-économique, politique et culturelle, qui place l Afrique dans une condition d'exclu du monde. Pour espérer une véritable amorce du développement en Afrique subsaharienne, le premier front à attaquer nous semble impérativement celui du « sommeil de la raison ». Ce sommeil de la raison selon les analyses du penseur camerounais, semble se justifier par l'unanimisme, or l unanimisme dans sa nature considère la société comme une entité idéale sans être, ce qui fait que l'on ne se sente pas nécessairement appartenir à cette société (voir la citation de Péricles) . Cet état va jusqu'à émacier des « moi » individuels comme personnes humaines, anéantissant ainsi toute personnalité, ce qui selon Kamto, édifie l'apathie sociale et justifie notre dérive social et notre sous-développement. Les Africains doivent sortir de leur hibernation par un effort intellectuel. C est « l'interrogation sur notre dessein profond, sur la direction à donner à notre existence, dit Marcien Towa, qui doit être la grande affaire de [cet] effort intellectuel » . L'Africain a donc le devoir de la pensée entendue comme discours raisonné sur le réel, ce que Maurice Kamto appelle « Urgence de la pensée ». La philosophie en Afrique a un rôle important à jouer, celui d'éveilleur de conscience comme levain à la révolution, à la renaissance et au réveil de soi, car l'intégration à soi se doit amener l'Africain à se reconnaître comme un individu digne et souverain, parce que libre. Il s agit des Lumières africaines, au sens où Kant entend par le mouvement des Lumières : l'émancipation de la personne humaine par la connaissance, comme l'acquisition par l'homme de son autonomie intellectuelle - une rupture avec l'autorité des traditions : oser penser par soi-même et se libérer des vérités imposées de l'extérieur qui maintiennent l'humanité en tutelle. Il s'agit d'une dynamique, une "marche". Pour Kant l état de minorité est l « incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute quant elle résulte non pas d un manque d entendement, mais d un manque de résolution et de courage pour `s en servir sans être dirigé par un autre. »
En effet, La prise en charge de l Afrique par elle-même, répond à l impératif d'autonomie intellectuelle. Elle est une caractéristique des Lumières qui permet de faire un usage public de sa raison en toute circonstance. Car malgré les difficultés, l'espoir est toujours possible et seul l'usage de la raison rendra réel cet espoir.






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