Thème : PENSEE ET PROBLEMATIQUE DU DEVELOPPEMENT
CHEZ MAURICE KAMTO Problème : Au coeur de ce travail de
synthèse se trouve la préoccupation de s'interroger sur le statut
de la pensée et la question du développement en Afrique noire.
Problématique : l'intérêt majeur de ce travail de
recherche semble s'articuler autour des questions suivantes : 1- Quel est
le statut de la pensée dans la société humaine ? 2-
Qu'est ce qui justifie le désert de la pensée en Afrique
subsaharienne ? 3- Qu'est ce que le développement ? 4- Quel lien
existe-t-il entre pensée et développement ? 5- Quelles
orientations offre Maurice Kamto pour le processus du développement du
continent noir ? Plan provisoire Introduction
générale Première partie : ROLE DE LA PENSEE DANS LES
SOCIETES HUMAINES ET SA CAUSE D'HIBERNATION DANS LES ETATS de L'AFRIQUE NOIRE
CHAPITRE I : place de la pensée chez les humains «
L'essence de l'homme tient à sa pensée » Blaise Pascal, in
sergecar.perso.neuf.fr/cours/existcons.htm Introduction partielle I.1.
définition du concept I.2. les différentes fonctions que peut
exprimer la pensée Conclusion partielle Chapitre II : Les
sources de l'hibernation de la pensée dans les Etats de l'Afrique noire
Introduction partielle II.1. L'Etat postcolonial II.2. Le
système scolaire II.3. La politique du ventre et du bas ventre
Conclusion partielle Deuxième partie : le rôle de la
pensée dans le processus du développement en Afrique noire
Chapitre I : le développement Introduction partiale
I.1.
Approche définitionnelle Etymologiquement, le vocable
développement vient du terme latin « de-volvereé qui
signifie ôter l'enveloppe I.2. Approche historique de la notion en
Afrique noire I.2.1. L'ambiguïté de la notion I.2.2.
Approches synthétiques de certains penseurs africains Nb : les
philosophes concernés (Ebenezer Ndjoh Mouellé, Yaovi Akakpo et
Kuakuvi Mawule) Conclusion partielle Chapitre II : Culture de
l'intellectualité et développement Introduction partielle
II.1.
II.2. Rôle des intellectuels dans le processus du
développement II.3. Conditions pour favoriser une culture de
l'intellectualisme Conclusion partielle Conclusion
générale Nb : la cinquième question de la
problématique sera traitée dans cette partie qui porte sur la
culture de l'intellectualité.
OBIANG EDOU YANNICK, licence
philo.
INTRODUCTION
Soumis à
plusieurs siècles d'esclavage, au grand partage lors de la
conférence de Berlin de 1884-1885, au colonialisme et au
néo-colonialisme et à l'exploitation manifeste de toute sorte. La
notion de développement n'a jamais cessé de hanter certains
esprits africains éclairés en particulier ou de tous les
africains en général. Le continent noir, plus que d'autre, est
celui des périls et des espérances. ``L'Afrique terre
d'espérance'' voilà une phrase qui caractérise notre
continent. Cinquante (50) ans après les indépendances, du grand
mouvement de la décolonisation et de l'institution de la
souveraineté nationale aux Etats noirs, d'un long et couteux processus
de développement ; l'Afrique noire demeure jusque là une
région où la pauvreté, la misère, la violence sont
les fidèles compagnons des populations qui y résident. « Des
récits et des descriptions innombrables n'ont cessé d'exposer,
avec un luxe de détails, les formes et les mécanismes de la
dégradation de la condition humaine en Afrique » écrit F.
Eboussi Boulaga. Cependant l'accroissement des difficultés chaque jour
en Afrique fait aussi constater la multiplication des initiatives pour tenter
de rendre le continent noir plus humain. La décolonisation, les grands
courants idéologiques (la négritude, l'africanisme...), le
réveil des populations africaines à la démocratie
pluraliste, et de nos jours la multiplication des sommets : Europe-Afrique,
France-Afrique, Chine-Afrique, s'inscrivent dans cette logique. Cependant,
la consultation de l'histoire, nous laisse voir que l'idée du
développement de l'Afrique noire, depuis les indépendances, se
dégage comme un problème majeur et aux contours divergents pour
les africains de toutes les époques. Toutefois, « au nom d'une
morale de l'action qu'imposerait l'urgence du développement » et de
l'opinion qui prend la philosophie pour une simple entreprise
spéculative, « réalisme et pragmatisme ont dominé le
champ du discours » sur le devenir de l'Afrique postcoloniale. C'est en ce
sens que certains philosophes et hommes de cultures avancent que la notion de
développement a été mal comprise en Afrique. Le penseur
camerounais, Ebenezer Njoh-Mouellé abonde dans cette optique lorsqu'il
souligne que la notion de développement a connu une autre signification
en Afrique noire. Car pour le commun des mortels, tout s'orientait vers
l'accumulation des choses : automobiles pour tous,
réfrigérateurs, les machines à tout faire, maisons
à étages... Cette conception purement économique donne
matière à réfléchir vue de nombreux aides qui ont
été allouées au continent noir depuis les
indépendances et conscient que : « Riche en ressources humaines et
naturelles, nombreux sont de nos peuples qui croupissent dans la
pauvreté et la misère, sont déchirés par les
guerres et les conflits, passent par des crises et sombrent dans le chaos
» . La notion du développement nous semble avoir mal
été comprise en Afrique noire. Puisque depuis 1960, les africains
ont accordé une prépondérance au capital matériel
en matière de développement. Dans le domaine de la
philosophie qui nous concerne, il importe de bien définir les concepts,
afin de permettre une bonne compréhension des problèmes. Puisque
toute connaissance est une réponse à une question. Ainsi,
l'étymologie du mot ``développement'' nous renvoie au terme latin
« devolvere », qui signifie à son tour ôter l'enveloppe,
étendre, donner de l'envergure à quelque chose. D'après le
petit Robert, le vocable vient du vieux français du XIIIe siècle
: De « Voluper » . Ce terme va connaître une évolution
jusqu'à renvoyer de nos jours à une convention
d'éléments qui vont de l'intégralité humaine
à la réalité matérielle. Toutefois, de façon
générale, le développement désigne un mouvement, un
processus d'accroissement quantitatif et qualitatif. C'est une
réalité évolutive qui conduit un phénomène
vers, un organisme vivant ou une entité sociale de sa sphère
initiale vers son stade de maturité ou son terme idéal. Autrement
dit, le développement c'est l'ensemble des progrès
économiques, sociaux et culturels auxquels aspirent les peuples. Les
concepts : développement et sous-développement naitront à
la suite de la décolonisation amorcée au lendemain de la seconde
guerre mondiale par la séparation entre pays riches (anciennement
industrialisés) et pays du Tiers Monde (pays pauvres). Ces deux concepts
vont de pair à tel point qu'il est presqu'impossible de parler de l'un
sans faire mention de l'autre. Ceci dit, nous pouvons définir le
sous-développement comme ce qui est en dessous du développement,
ou encore comme absence du développement ou de progrès. C'est ce
qui se trouve en deçà du développement normal. Parlant
d'un pays ou d'un continent, il renvoie à une situation où les
habitants ont une espérance de vie très faible, en raison,
notamment de l'insuffisance alimentaire, d'une industrie peu
mécanisée et parfois d'une population très
élevée cas du Nigeria ou moins élevée cas du Gabon.
En d'autres termes, le sous-développement peut se traduire à
partir des symptômes suivants : la pauvreté, la mal gouvernance,
la corruption, l'absence de démocratie, l'analphabétisme, la
crise économique, le détournement des deniers publics ... la
liste est loin d'être exhaustive. La dépendance financière
et monétaire ; l'extraversion du système économique et la
désarticulation de l'économie en sont ses
caractéristiques. Caractéristiques dont le contient noir
détient ``le prix Nobel'' au regard des autres continents. Sachant
par ailleurs que l'Afrique noire a besoin du développement puisque ce
thème est au centre de la recherche sociale en Afrique depuis la fin de
la seconde guerre mondiale. Craignant que l'Afrique subsaharienne ne sombre
davantage dans le sous développement à l'allure où vont
les choses, nous avions jugé opportun de consacrer notre travail de
synthèse en licence philosophiqueaur le thème : Pensée et
problématique du développement chez Maurice Kamto. Nous
espérons à travers ce thème, actualiser la question du
développement de cette Afrique agonisante qui nous est très
chère. Tout en étant conscient de la complexité de cette
entreprise, nous avons voulu orienter notre recherche, sur les études
déjà réalisées sur la question, notamment sur celle
faite par le penseur camerounais, Maurice Kamto, dans son ouvrage L'urgence de
la pensée- Réflexion sur une précondition du
développement en Afrique. Cet ouvrage est une excellente analyse sur les
causes du désert de la pensée en terre africaine et sur le
rôle capital que pourra jouer l'exercice de la pensée dans le
processus du développement du continent noir. Ainsi, au coeur de
notre travail de synthèse se trouve la préoccupation de
s'interroger sur le statut de la pensée dans la pratique du
développement en Afrique noire. Dans cette perspective, afin de venir
à bout de notre préoccupation principale, l'intérêt
majeur de notre synthèse semble s'articuler autour des questions
suivantes : Quel est le statut de la pensée dans la
société humaine ? Qu'est ce qui justifie le désert de la
pensée en Afrique subsaharienne ? Qu'est ce que le développement
? Quel lien existe-t-il entre pensée et développement ? Quelles
orientations offre Maurice Kamto pour le processus du développement du
continent noir ? Pour essayer de répondre à ces
délicates questions, un détour préalable par le statut de
la pensée dans les sociétés humaines, puis les sources du
désert de la pensée qui règne en Afrique noire, nous
semble impératif, en ce qu'il apporterait un éclairage
supplémentaire à la seconde partie de notre travail
consacrée à démontrer la nécessité d'une
culture d'intellectualité si l'Afrique subsaharienne voudrait amorcer un
véritable développement.
CHAPITRE I : place de la
pensée chez les humains « L'essence de l'homme tient à
sa pensée » Blaise Pascal, in
sergecar.perso.neuf.fr/cours/existcons.htm
Introduction
partielle « L'homme est par la pensée. C'est sa meilleure
définition. »
La plupart des sciences s'accordent sur la
définition de l'homme comme « un animal raisonnable qui occupe le
premier rang parmi les êtres organisés, et qui se distingue des
plus élevés d'entre eux par l'étendue de son intelligence
et par la faculté d'avoir une histoire, c'est-à-dire la
faculté de développer, d'agrandir sa nature grâce à
la communication avec les ancêtres et d'augmenter ses richesses
intellectuelles et morales » . Cette conception fait de l'homme le seul
être doué de pensées dont l'expression est le langage
humain. Aristote abonde dans le même sens lorsqu'il déclare :
« seul entre tous les vivants, l'homme possède le langage ».
Le langage dont l'homme est le seul possesseur joue un rôle primordial
dans toute société humaine en général et en Afrique
en particulier. Car, il permet aux êtres humains d'exprimer leurs
sentiments et leurs émotions, et c'est par lui que les humains
accomplissent les choses proprement humaines dans une communauté.
L'homme ne saurait être homme sans le langage. Ce premier chapitre de
notre travail de synthèse vise deux objectifs à savoir : dans un
premier temps, montrer l'importance de la pensée dans toute
société humaine et ensuite permettre de comprendre pourquoi
I.1. définition du concept
Définir la notion de pensée n'a jamais
été chose aisée. Cependant, André Lalande dans son
Vocabulaire technique et critique de la philosophie, nous fait savoir que ce
mot, dans chacun de ses sens peut s'appliquer soit à l'ensemble des
faits considérés (la pensée), soit à chacun d'eux
pris à part (une pensée) . Ainsi, il nous fournit trois sens dont
le plus large enveloppe tous les phénomènes de l'esprit. Une
chose pensante est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui
affirme, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent, comme
l'entend Descartes. Au sens le plus ordinaire, se dit de tous les
phénomènes cognitifs (par opposition aux sentiments et aux
volitions). Pensée est alors synonyme d'intelligence. Au sens le plus
propre, se dit de l'entendement et la raison, en tant qu'ils permettent de
comprendre ce qui constitue la matière de la connaissance, en tant qu'il
réalise un degré de synthèse plus élevé que
la perception, la mémoire ou l'imagination.
I.2. les
différentes fonctions que peut exprimer la pensée selon Maurice
Kamto « L'homme est par la pensée. C'est sa
meilleure définition », cette définition de l'homme
donnée par le penseur camerounais, présente la ``pensée''
comme ce qui confère à l'homme son humanité. Autrement
dit, la pensée est ce qui fait qu'un homme demeure un homme, qu'il soit
différent des autres créatures animales car « sans la
pensée l'homme est un mort en sursis ». La pensée au sens
que la conçoit notre auteur est ce qui donne vie à l'homme et qui
lui permet d'avoir une prise sur la réalité, d'où la place
considérable qu'elle occupe dans toute société humaine.
Pour Maurice Kamto, la pensée est ce par quoi nous exprimons notre
histoire. Histoire entendue comme la discipline intellectuelle ayant vocation
de transmettre la mémoire de l'humanité. Elle a été
et est le support des identités culturelles. La pensée constitue
l'histoire des peuples, des nations et du monde en générale.
L'histoire des dix-sept (17) pays africains qui fêtent leurs cinquante
(50) ans d'accession à la souveraineté internationale ainsi que
l'histoire de la colonisation de l'Afrique ne sont connues que grâce
à la pensée. Par la pensée l'homme passe du statut
contingent au statut absolu. Maurice Kamto avance à cet effet qu' «
Ils sont toujours là les Socrate, les Platon, les Sophocle, Lao Tseu et
Confucius, Marx et Hegel, toute la crème intellectuelle du siècle
des Lumières, du XIXe mais aussi du XXe siècle ... Ils sont
là parce que la pensée défie le temps et la barbarie
humaine ». Aussi la pensée exprime la fonction de dire «
puisque la parole est la manifestation de la pensée » et « on
ne parle pas pour ne rien dire, on parle pour dire quelque chose de quelque
chose ». La pensée et le dire vont de pair. Car une pensée
non exprimée n'est pas une pensée et n'a aucune valeur. C'est par
le dire que se matérialise la pensée ; sans le dire ou la
liberté de pensée ou une pensée libre qui s'accompagne
d'une liberté de parole, il n'y a pas de pensée. C'est d'ailleurs
en ce sens que se fait remarquer le désert de la pensée en
Afrique noire. La pensée constitue une thérapie, car elle
constitue une procédure de résolution de crise et de conflit.
Elle instaure l'unité et l'harmonie entre les personnes. La parole
précieuse pour toutes sociétés humaines, parce qu'elle se
soucie de l'unanimité. Le penseur camerounais assimile la pensée
à cet effet à la fonction d'exorcisme et d'émancipation.
Dire c'est « se projeter au dehors, de s'exprimer hors de soi ». La
pensée permet de se projeter au dehors dans le sens ou elle permet aux
autres personnes de nous apprécier. Dans ce sens, la pensée peut
exprimer le rôle de représentation de son auteur. Ainsi avons-nous
l'habitude de reconnaitre les penseurs à travers leurs pensées.
Exemple : pour toute personne ayant une culture philosophique, lorsque cette
personne est face à la citation suivante : « cogito ergo sum »
(je pense donc je suis), elle l'attribuera à René Descartes son
auteur. La pensée est également libératrice chez Maurice
Kamto, c'est dans cette perspective qu'il cite Basile Julio Fouda : « il y
a en l'homme cette nostalgie de l'aveu libérateur et de
l'épiphanie sans nuages. L'homme prend conscience prend conscience de
son aventure humaine et exprime cette aventure mouvementée et militante.
Cela le soulage et l'apaise de réagir et de répondre » . Les
études psychologiques ont montré de nos jours que le fait
d'enfouir les choses dans son inconscience, sans se libérer, sans
passé à l'aveu constitue une véritable bombe à
retardement. Les psychothérapeutes et les psychanalystes lors de leurs
entretiens avec les patients leurs exhortent à évoquer les
problèmes qu'ils ont font de leur conscience à cet effet. Ne pas
parler constitue un véritable blocage psychologique. Anne Cécile
Robert abonde dans le même sens dans son ouvrage titré : L'Afrique
au secours de l'Occident, dans la troisième partie intitulée,
Besoin d'Afrique. Pour elle, la présence de certaines réactions
qui ne cadrent pas avec le commun des mortels, tel que les terreurs
semées en milieu scolaire par des jeunes de bonnes familles de nos
jours, peuvent s'expliquer par le fait que ses jeunes n'ont personne a qui se
confier. Maurice Kamto dans la même perspective souligne que le silence
est carcéral et mortifère. Lors des festivités
marquant le cinquantième (50) anniversaire de l'accession à la
souveraineté internationale de la République togolaise. En
assistant à une conférence organisée et animée
à cet effet par le professeur Yaovi Akakpo en collaboration avec
l'institut Goethe sur le thème : Invention et souveraineté,
l'animateur de la dite conférence, le professeur Yaovi est revu plus
d'une fois sur la place de l'invention dans le processus de la
souveraineté. Nous de notre part, nous ajouterons la place de la
pensée dans le processus de la souveraineté. Car comme le
soulignait le professeur Yaovi, sans l'exercice de la pensée, il n'y pas
d'invention. De nos jours, la liste des exemples est assez longue et les
exemples sont assez pertinents pour affirmer haut et fort que l'invention
permet à l'homme de s'émanciper. Comme le disait toujours le
même professeur Yaovi, ne l'oublions pas que le téléphone
portable que nous tenons dans nos mains est avant tout une formule (une
pensée). Grâce à la pensée l'homme se
libère des oppressions que peut lui imposer les autres hommes et les
contraintes de la nature. En effet, on peut constater d'un point de vue
historique que les grandes étapes de l'humanité ont toutes
été marquées par l'usage de la pensée. La
pensée permet en effet de dominer la nature, de la rendre habitable pour
les hommes. Grâce à la rationalité, la vie humaine s'est
peu à peu dissociée de la vie animale et s'est affranchie des
nécessités naturelles (chercher à se nourrir, à se
vêtir, à se protéger contre les attaques
extérieures...) La pensée rend la vie plus facile aux hommes et
lui permet d'étendre son pouvoir et son champ d'action. En un mot, elle
semble être source, pour l'homme, de libération. De même, la
pensée est un facteur d'insertion sociale et une manière de
pratiquer la démocratie pure. La parole est un facteur de
sociabilité. La parole c'est l'homme, c'est elle qui actualise la vie et
lui permet de jaillir. Pour Maurice Kamto, la pensée instaure le respect
de l'autre et la reconnaissance de sa dignité. La parole assure
l'entente et l'unité du groupe, c'est aussi elle qui assure la
résolution des conflits qui surgissent au sein de la
société. La parole engage l'homme, la parole c'est l'homme.
Conclusion partielle En somme, par sa possession de la
rationalité, l'homme affirme sa supériorité parmi toutes
les créatures de l'univers. L'homme c'est la pensée dit-on,
autrement dit sans l'usage de la pensée l'homme ne saurait accomplir son
humanité. Cependant penser va de pair avec le dire, puisqu'on ne saurait
parler de pensée, si cette dernière n'est exprimée. Le
langage qui est le véhicule de la pensée est libérateur :
il nous aide à préciser notre pensée, à faire le
point sur nos sentiments profonds et à exprimer tout cela à ceux
que nous aimons. La parole nous permet de dépasser nos silences, de
tenir en éveil l'énergie de vivre (la pensée) et de nous
construire. Ainsi, Maurice Kamto souligne qu' « En décidant la mise
à mort de la pensée, nous avons dressé du même coup
l'acte de décès de la démocratie ; nous avions
brisé le ressort du progrès de notre civilisation » . Mais
la pensée est forcement rebelle, puisqu'elle est questionnement
rationnel de la réalité. D'où dans la plupart des Etats
dictatoriaux, la liberté de penser ou une pensée libre est
considérée comme un danger pour le régime.
Chapitre II : Les sources de l'hibernation de la pensée
dans les Etats de l'Afrique noire
Introduction partielle
Plusieurs auteurs africains et non-africains qui se sont sentis
interpeller à mener une analyse minutieuse face à l'état
chaotique dans lequel sombre le continent noir et dont les titres de leurs
ouvrages sont très révélateurs : Les Racines du mal
nègre, De la médiocrité à l'excellence, L'urgence
de la pensée, L'Afrique au secours de l'Occident, L'horizon des sciences
en Afrique..., attribuent une part de responsabilité du
sous-développement du continent noir à ``l'hibernation de la
pensée'' qui règne en cette partie de la planète . le
terme ``hibernation de la pensée'' pourrait se définir comme
« l'absence de la pensée ou plus exactement d'une pensée
libérée » . Cet état de chose, aux dires du penseur
camerounais est « la cause de notre dérive collective ». Au
même Maurice Kamto de poursuivre que « la pensée est une
interrogation renouvelée sur le sens, la remise en question permanente,
appel constant au dépassement, tension vers l'avenir
II.1. L'Etat postcolonial La consultation
de l'histoire nous renseigne que le dépeçage de l'Afrique en
colonies lors de la conférence de Berlin de 1884-1885, par les
puissances européennes est dans l'intérêt des
colonisateurs. Ce partage tient pour rôle de fournir les avantages aux
colons, c'est-à-dire des « ressources du sol et du sous-sol
africain, une main d'oeuvre abondante et peu couteux, des recrues pour des
guerres... » Et de manière particulière l'imposition de
l'hégémonie occidentale et l'affaiblissement de l'homme noire.
Car comme nous le renseigne l'histoire, cette division est dans le but
d'imposer le règne de l'Occident. D'où la division des groupes
ethniques homogènes comme la division des Téké entre le
Gabon et le Congo Brazzaville et des Fang se retrouvent entre la Guinée
Equatoriale, le Gabon et le Cameroun tels sont les preuves irréfutables
de cette politique macabre des puissances coloniales. La conquête
coloniale a soumis par la force l'ensemble du continent, à l'exception
de l'Ethiopie et du Libéria, à la domination de l'Europe.
L'Afrique est le continent le plus fragmenté sur le plan
géopolitique et aussi le plus cosmopolite sur le plan de la
diversité de sa population. Les frontières de la plupart des pays
africains semblent avoir été tracées en coupant souvent
des espaces culturelles. Les frontières ainsi établies ont
rassemblé les peuples fondamentalement différents et ont
divisé d'autres possédant une profonde identité
culturelle. Cet état de chose est sans doute à l'origine des
conflits qui y règnent en terre africaine. C'est sans doute dans cette
optique que plusieurs africains et non-africains, à l'instar de l'ex
homme politique français, Jacques Chirac, ont cru que « le
multipartisme est luxe superflu pour les jeunes pays en voie de
développement comme les pays africains ; le parti unique leur convient
» . Car la période postindépendance étant aux yeux de
certains africains, une période de délivrance et de relancement
face au grand retard accusé par de nombreux maux qui ont miné le
continent noir, beaucoup des africains et non-africains ont fait de la
recherche d'une union nationale une priorité majeure. Dans la
logique de la recherche de l'unité nationale et sur conseils des
puissances occidentales, les nouveaux Etats post indépendants de
l'Afrique noire se sont lancés dans le monopartisme. Plusieurs penseurs
attribuent une part de responsabilité du désert de la
pensée à cet état de chose. Puisque l'installation des
partis uniques en Afrique noire au début des années 60 a eu comme
conséquence l'abolition de la liberté d'expression, de la
pensée libre ou de la liberté de penser. Les
sociétés post indépendantes étaient
réfractaires à l'idée d'une polyphonie dans l'espace
politique et toute pensée libre était soupçonnée et
fustigée. Maurice Kamto de sa part soutient que « la logique
unitaire que commande la recherche identitaire a dissout l'individu dans
l'anonymat de l'unanimisme et lui a arraché `` la racine de la
conscience politique libre'' » . L'installation des partis uniques
après les indépendances en Afrique noire a
anesthésié l'affirmation individuelle des personnes, a endormi
les penseurs et briser l'art de penser qui est l'activité principale de
tout être humain. Car l'imposition d'une vision unique, d'une
homogénéité obligatoire n'est que l'installation d'un
processus de désertification de la pensée et de la ruine
intellectuelle en Afrique subsaharienne. Dans cette perspective, le penseur
camerounais voit le parti unique comme la cocaïne des nations avec la
particularité qu'il tue par overdose. Pour lui, le parti unique a
entrainé un désordre en Afrique noire par la non liberté
d'expression et de pensées qu'il imposait aux citoyens. Car sous le
parti unique, il n'y avait qu'une seule vérité, celle du parti au
pouvoir et qui constituait d'ailleurs une idéologie. Tout citoyen
``honnête'' semble-t-on dire devait suivre l'idéologie du parti
unique, l'idéologie de la nation. Il fallait professer sa foi au guide
suprême, au président qui en même temps était l'Etat.
Dans cette logique, toute pensée libre ou liberté de penser
était conçut comme une insulte à la nation, une atteinte
à la dignité de l'Etat et toute personne qui osait le faire
était conçue comme un ennemi de la nation, un fauteur de trouble,
à qui trois solutions majeurs s'offraient à savoir : quitter son
pays et aller s'exiler ailleurs où la liberté de penser est
acceptée, renoncer à toute activité de penser et faire de
l'idéologie du parti unique un crédo, et enfin beaucoup
était dissout dans la machine à éliminer physiquement
après avoir subi plusieurs tortures. L'exclusion de la liberté de
penser et de parler instaurée en Afrique noire depuis
l'indépendance est pour Léopold Sédar Senghor la raison du
recul de l'Afrique dans les domaines de l'économie et de la culture .
L'absence de penseurs ou de la liberté de penser en Afrique noire
peut aussi s'expliquer par la mise en place des régimes dictatoriaux des
années qui ont suivi les indépendances africaines. Dans ses
régimes tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains d'un
seul homme : le chef de l'Etat, du gouvernement, des armées, du parti
unique, et possédait un contrôle totale de la presse. L'abolition
de la liberté de parler et de critiquer encouragée par les
pouvoirs dictatoriaux a finit par ruiner intellectuellement l'Afrique
subsaharienne. Car comme nous le savons, dans les régimes dictatoriaux,
les écrivains sont censurés, les militants des droits de l'homme
réprimés et des hommes politiques poursuivis. Les régimes
dictatoriaux par l'usage abusive de la légitimité et du
privilège que confère le pouvoir, dans le but de s'enrichir et de
rester éternellement au pouvoir, ont fait de la liberté de
pensée ou de la pensée libre leur pire ennemi. Pour beaucoup des
dirigeants de cette époque, qu'ils soient chef de l'Etat, cadres, ou
simples employés, la mission est de s'imposer face à ceux qui
leurs sont subordonnés. Dans cette logique seul le supérieur
possède la vérité. Ainsi dans le village, c'est le chef
qui est le détenteur, nul autre personne ne saurait penser mieux que
lui, dans le canton, c'est le chef de canton, ainsi de suite. D'où en
dictature la vérité et toutes bonnes pensées et
pensées constructrices de la nation reviennent au dictateur. Et Maurice
Kamto de renchérir : « Dans les régimes unanimitaires, le
monologue du parti fait écho au soliloque présidentiel. La
vérité est une et unique : elle coule du faîte de la
colline du pouvoir » . Sous le règne de la dictature, l'exercice de
la pensée libre est voué au silence, puisque la dictature et la
liberté de penser et de parler ne peuvent jamais cohabiter ensemble.
L'exercice de la rationalité exige un esprit critique, une remise en
question des choses. La philosophie de plusieurs responsables des Etats
postcoloniaux était de combattre les penseurs et de favoriser
l'hibernation de la pensée en Afrique noire. A cet effet, plusieurs
moyens étaient mises en oeuvre à savoir : pousser les penseurs en
exil, les inviter à la ``soupe'', afin de servir le ventre et leur bas
ventre, tout en acceptant de faire les éloges du pouvoir dictatorial ou
les réduire au grand silence en leurs offrant le visa d'entrer au
séjour des morts. Et Maurice Kamto de conclure régime
unanimitaire rime donc avec pensée totalitaire ; pensée
dérisoire, mais appuyée sur le pouvoir de la violence de l'Etat,
elle combat la pensée par l'invective et la terreur. Elle traque l'homme
derrière le texte et n'entend dans la parole que celui qui parle .
II.2. La politique du ventre « La
chèvre broute là où elle est attachée »
Jean François Bayard, l'inventeur de ce concept, attribut l'origine
``la politique du ventre et du bas ventre'' que d'aucuns qualifient de
"politique du haut et du bas de la ceinture" au Cameroun. Pour lui, cette
expression renvoie à une conception de l'appareil d'Etat perçu
comme lieu d'accès aux richesses, aux privilèges, au pouvoir, au
prestige pour soi et pour les membres de son clan et à la satisfaction
de ses besoins sexuels. Autrement dit, c'est une politique dans laquelle, le
soin à apporter au tube digestif et l'accumulation systématique
des fortunes parfois insolentes sont la primauté. Un des
problèmes du désert de la pensée qui règne en
Afrique au sud du Sahara semble se justifier par cette philosophie
d'accumulation des biens et service en vue de venir au secours des membres de
son clan. Car comme le fait remarquer Maurice Kamto, la plupart des penseurs
(intellectuels) africains proviennent des milieux défavorables et c'est
au prix de plusieurs sacrifices qu'ils parviennent à atteindre un
certain statut social. Or dans la mentalité de plusieurs africains
noirs, une personne qui a réussit sur le plan scolaire représente
une véritable source d'or pour les membres de sa famille, de son clan
voir même de sa région. C'est sur lui que toutes les demandes sont
adressées. Ainsi, plusieurs intellectuels africains ont rejoint l'un ou
l'autre régime politique qu'ils ont un jour ou l'autre critiqué,
dans le simple but de jouir de certains biens et d'arranger la situation
socio-économique des leurs. Le cas de Maurice Kamto, auteur du livre
L'urgence de la pensée -Réflexions sur une précondition du
développement, dont nous nous servons comme base dans ce travail de
synthèse en constitue un exemple concret. Maurice Kamto cet intellectuel
réputé pour son indépendance d'esprit, se
présentant devant les jeunes comme un modèle, après avoir
longtemps décliné les offres du régime Biya, a fini par le
rejoindre et occupe aujourd'hui le poste de ministre
délégué à la Justice. Certains hommes des
médias camerounais voient même en lui l'auteur du fameux projet de
modification de l'article 6.2 de la constitution camerounaise dans le but de
permettre au président Paul Biya de se représenter en 2011. C'est
un tel intellectuel qui sert aujourd'hui les ambitions monarchiques d'un petit
dictateur qui n'a servi à son pays que misère, terreur et
désolation. Ainsi, il a abandonné son statut d'intellectuel,
d'éveilleur de conscience au profit de ses propres
intérêts, ainsi va l'Afrique. Combien d'intellectuels
(diplômés), sorties des meilleures écoles de la
planète comptent nos gouvernements ? Et comment comprendre ce grand
cynisme qu'on rencontre chez nous ? Telles sont quelques interrogations qui
donnent matière à réfléchir et qui permettent de
voir combien de fois la politique du ventre ruine l'intelligentsia africaine en
éloignant les intellectuels de leurs convictions. II.3.
Le système scolaire « Le but d'une
éducation, c'est d'améliorer et de faire avancer les
intérêts de sa propre communauté tout en assurant sa survie
» Pr. Wilson Présentée comme un bienfait de la
conquête coloniale, l'éducation apportée en terre africaine
par l'homme blanc porte aussi bien la touche idéologique de la
colonisation, celle d'imposer l'hégémonie de la race blanche. Le
système éducatif apporté par les colons était pour
servir leurs propres intérêts et non ceux des africains. Pour les
européens, il fallait porter la civilisation occidentale aux peuples
attardés d'Afrique. Ainsi, le souci européen fut de divulguer une
certaine vision du noir colonisé, « d'affirmer et de
décréter de façon unilatérale que le
bien-être devrait lui être assuré malgré lui et on
devait lui inculquer un ensemble de valeurs de l'Occident » . Ceci dit,
nous comprenons bien que le système éducatif apporté par
les colons répondait aux besoins et aux attentes de ses derniers et non
à ceux des africains. Ce système avait pour but de
détourner les africains de leurs propres problèmes, de les rendre
inaptes à réfléchir sur les problèmes qui leurs
sont existentiels. Ce système d'éducation allait à
l'encontre des intérêts et des besoins des Africains. En
conséquence, aujourd'hui, comme le Pr. Wilson l'a encore
précisé, les Africains n'ont jamais eu tant d'économistes,
d'éducateurs, de sociologues, de médecins, d'artistes, d'avocats
doués et instruits etc. Pourtant nous avons la pire santé,
logement, et éducation de la planète, car notre éducation
n'a jamais été conçue pour favoriser nos
intérêts, mais plutôt les buts et les intérêts
de nos oppresseurs . Pour emprunter un terme cher au philosophe camerounais,
Fabien Eboussi Boulaga, le système éducatif colonial favorise une
aliénation du muntu. Au sens ou l'aliénation est la
dépossession de l'individu et sa perte de maîtrise de ses forces
propres au profit de puissances supérieures, que celles-ci s'exercent
à un niveau individuel. Grace à la psychologie de
l'éducation, on peut affirmer de nos jours que le contenu de
l'éducation est la réaction de la société
(défense) contre les mots qui la minent. Or le contenu éducatif
apporté par les colons ne tenait pas compte des réalités
africaines. Le système scolaire colonial bien qu'ayant permis le
foisonnement des intellectuels africains a péché du fait de ne
pas avoir pris en compte la réalité africaine. Puisque la
réalité africaine montre que notre peuple possède des
diplômes des écoles et des universités les plus
prestigieuses. Qu'il peut résoudre n'importe quel problème pour
d'autres groupes mais, n'ayant pas reçu une éducation
centrée sur lui, toutes ses connaissances s'avèrent nulles et non
avenues quand il s'agit de ses propres problèmes. Et au professeur
Wilson de renchérir « Parfois, plus ces personnes sont instruites,
plus elles sont aliénées quant à leur culture africaine,
et plus elles représentent une menace envers notre groupe car, dans la
hâte de promouvoir les intérêts des autres, ils finissent
souvent par faire du mal à leurs propres frères » . Le
désert de la rationalité au sud du Sahara peut s'expliquer aussi
par le fait que le modèle éducatif de la plupart de ses pays est
tributaire de l'un au l'autre modèle européen. Certains
modèles africains correspondent même aux modèles
révolus en Occident. A ce niveau nous voyons deux problèmes non
négligeables. Le premier est du au fait qu'un système scolaire
d'un ou l'autre pays occidental est conçu pour répondre aux
besoins et à la réalité de ce pays. Or le photocopier ou
le prendre pour l'insérer dans un pays africain c'est faire ce
qu'Eboussi qualifie de fétichisme. Le second problème se situe au
niveau que chaque système répond aux besoins d'un milieu en un
temps donné, puisque notre monde n'est pas statique. Un système
scolaire conçu avant l'avènement de l'outil informatique se
verrait inapte de nos jours. D'où les vieux systèmes scolaires
européens appliqués encore de nos jours dans nos Etats servent
à nous rendre moins pertinents. Le problème de l'hibernation de
la pensée en Afrique noire pourra aussi se justifier par les
problèmes de l'inefficacité su système éducatif.
Edouard MOTOKO trouve à cet effet que l'inefficacité du
système éducatif africain résulte essentiellement de deux
facteurs : la dégradation des infrastructures scolaires d'une part et
celui des conditions de vie de travail des enseignants d'autre part. Ces deux
facteurs se traduisent par une qualité médiocre de
l'enseignement, un faible rendement scolaire et de multiples abandons au cours
du cycle. Conclusion partielle Nous pouvons retenir que l'hibernation
de la pensée en Afrique noire semble se justifier aux dires de Maurice
Kamto pour deux raisons essentielles : « d'une part, une conception
totalisante du pouvoir dans nos Etats... d'autre part, la défaite des
penseurs, victimes résignées de l'offensive de l'Etat ou de la
dictature du besoin » . C'est cette assertion que nous avons voulu
analyser. Ainsi il ressort de notre étude que l'Etat postcolonial par sa
mise en place, la politique du ventre par sa philosophie de combler facilement
ses besoins et ceux des membres de sa famille, voir ceux des membres de son
clan et le déphasage du système scolaire africain
érigé sur le mode occidental et qui ne tient par compte des
réalités africaines en sont les sources du manque d'un esprit
critique chez les peuples noirs. Deuxième partie : le
rôle de la pensée dans le processus du développement en
Afrique noire Chapitre I : le développement
Introduction partiale Le développement dans les
discours qui ont cherché à le caractériser en Afrique
noire dans les années qui ont suivi la fin de la deuxième guerre
mondiale, fut présenté comme phénomène nouveau, une
nouvelle ère dans laquelle le nègre va égaler le colon.
L'idée de la libération de l'homme noir de la domination
européenne en lui conférant tous les avantages pour une vie
heureuse date en Afrique de plusieurs siècles. Nonobstant, en cette
année 2010, année du 125e anniversaire de la conférence de
Berlin qui a amené au découpage de l'Afrique et dont beaucoup
pensent être à l'origine de tous les malheurs qui sévissent
en terre africaine, année où 17 pays du continent
célèbrent leurs 50 ans d'accession à la
souveraineté internationale. Le rêve du développement du
continent noir demeure toujours une utopie. D'où notre premier chapitre
en cette deuxième partie de se préoccupe d'interroger la
conception de la notion du développement en Afrique ainsi que visiter
l'apport de certains philosophes africains en ce domaine. I.1.
Approche historique de la notion en Afrique noire « La
notion du développement est un concept lié à
l'évolution des sociétés. Depuis l'époque
postcoloniale, cette notion a fait l'Object de grands débats et discours
dans les Etats africains qualifiés aujourd'hui de pays en voie de
développement » . La fièvre de la quête du
développement de l'Afrique noire peut se situer aux environs des
années 1960. Ainsi, les recherches des hommes suffisamment avisés
ont montré qu'il y avait même méprise de la signification
de la notion de développement. Le penseur camerounais Ebenezer Njoh
Mouellé abondant dans le même sens, soulignait déjà
que pour le commun des mortels, le développement renvoyait à
l'accumulation des biens. Au nom de cette conception purement économique
et quantitative, plusieurs politiques africaines ont jugé
nécessaire de reléguer la réflexion en dernier plan dans
le processus du développement tant désiré par les
populations noires. I.2. L'ambiguïté de la notion
Considéré dans sa dimension historiciste,
l'idée du développement en Afrique noire, depuis les
indépendances, se dégage comme un problème majeur et aux
contours divergents. L'impression qui s'en est dégagé jusque
là est celle d'une réalité ambigüe dont le vague
même a longtemps caractérisé les démarches
africaines vers la modernité : un ensemble épars d'actions dont
la portée humanisant souffre jusque là d'un fort manque de
considération. Stimulée par des modèles et
réalité idylliques des pays développés d'Europe,
l'action totale africaine en vue du développement s'est
caractérisée par une sorte de légitimation du capital
matériel. L'édification d'une économie fondée
entièrement sur les matières premières du sous sol et du
sol venait ainsi faire abstraction des paravents nécessaires et
essentiels pour le développement : l'homme comme centre de toute
réalité sociale. En effet, lion de toutes ces
préoccupations que l'on juge aujourd'hui fondamentales, le terme
développement est devenu un fourre-tout ; et l'on intègre
allègrement, comme une seule et même idée, un ensemble
d'avoirs : usines, routes asphaltés, voitures de luxe, gratte-ciel,
villas somptueuses, bref, tout le confort possible venant nourrir toutes les
illusions de bonheur, de grandeur, de pouvoir et de superpuissance. Un climat
propice pour élaborer de nouveaux mythes tels celui du
développement mis en exergue par le désir manifesté par
les gouvernements africains et les donateurs internationaux en vue de la
suppression de la misère et des disparités existantes entre
l'occident et l'Afrique, consacrant ainsi une politique
économico-matérialiste. Il va de soi que de tels actes aient
été à chaque fois dénués de toute analyse
profonde sur les conditions de possibilité, d'avancement et de
viabilité sociale de telle ou telle idéologie politico
économique, de telle société ou industrie de production,
telle entreprise dans le monde occidental où s'est
développé, au fil des temps, une véritable culture
industrielle, avant qu'elles ne soient transportés et implantées
en Afrique noire. Que les dirigeant africains et les internationaux n'aient
pas pris en compte les réalités fondamentales de l'Afrique
authentique constitue pour les philosophes et penseurs africains et
non-africains un problème réel. Toutefois au-delà de cet
état de choses, les philosophes africains dont invoquerons dans le point
qui va suivre estiment que le problème majeur du développement en
Afrique noire est davantage un problème de sens et de réalisme
qui consiste à prendre pour priorité des aspects secondaires d'un
fait et à restreindre l'univers des termes, signes, pratiques et
actions, attitudes et qualités assortis au développement à
la seule dimension matérialiste. Pour eux, le développement
suppose la conjonction d'un vaste ensemble de paramètres
interdépendants dans la réalisation de l'être et du bien
être des hommes. Il est cependant vrai que mener une vie heureuse suppose
un minimum de confort matériel, mais on n'a aucun droit de tenir
l'embourgeoisement matériel comme une fin en soi.
I.3. Approches synthétiques de certains penseurs
africains Traitant du statut de la pensée et la
question du développement en Afrique noire, nous avons utile
d'interroger trois auteurs africains à savoir : Ebenezer Ndjoh
Mouellé, Yaovi Akakpo et Kuakuvi Mawulé Ebenezer Njoh
Mouellé Par son titre très révélateur,
l'ouvrage De la médiocrité à l'excellence, du philosophe
camerounais, Ebeneze Njoh Mouellé, est un essai qui comporte de
nombreuses analyses et qui traite surtout de la signification humaine du
développement. Ainsi au regard des méthodes et de la
dérive actuelle du processus du développement en Afrique noire,
la vision mouellienne du développement apparait aujourd'hui comme une
nouveauté ; une reforme des cadres moraux et des conceptions par
lesquels on a tôt fait de définir le développement
unilatéralement par rapport à l'embourgeoisement. Il s'agit
davantage d'une lecture essentialiste du développement se
répercutant dans toutes ses dimensions humaines et matérielles.
On pourrait ainsi aisément lui attribuer ce qui a été dit
de Bergson et du bergsonisme : « il n'est pas une méthode
substantiellement et consciemment distincte de la motivation sur les choses,
que la méthode est bien plutôt immanente à cette
méditation, dont elle dessine en quelque sorte l'allure
générale » . Il s'agit donc d'avantage d'une union
étroite entre sens et acte, théorie et pratique, une certaine
unité dualiste dans la conception mouellienne du développement.
Dans un univers où l'évocation du sous développement
se réfère nécessairement à un état de
manque, de privation à combler, Njoh Mouelle entend s'élever au
dessus des conceptions matérialistes et de toute tendance comparative du
développement ; « un pays est-il sous développé, se
demande -t-il, par rapport à un autre ou plutôt par rapport
à ses propres potentialités ? ». Loin de nier l'existence et
l'ampleur du sous développement dans nos pays d'Afrique noire, il
voudrait davantage relever les multiples facettes de ce qu'est notre sous
développement et par- là, les défis de son processus
contraire. L'homme sous développé d'Afrique est un homme qui a
tout et qui ne possède rien en même temps. C'est un homme qui
s'ignore, qui ignore tout y compris ce dont il est capable lui-même. Le
sous développement n'est pas souvenir du non avoir, mais c'est le non
être, dans une certaine mesure. La misère subjective est une
donnée universellement vécue et n'a nul besoin d'attitude
ostentatoire. « La marque particulière du sous développement
c'est la misère objective, celle qui n'a pas besoin d'être
consciemment vécue pour être » . Et cette misère c'est
l'ignorance, la superstition, l'analphabétisme. La misère
matérielle observable et consciente en Afrique noire n'est donc pour lu
qu'un accident, à considérer la réalité primordiale
qui est celle de l'homme et la seule digne d'intérêt dans ce que
doit être notre processus de développement en Afrique noire.
Pour Njoh Mouelle, l'idée de développement implique
d'incontestablement une notion économique, mais la réduire
rigoureusement à l'économie serait restreindre outre mesure.
Aussi, définit-il le développement comme « un processus
complet, total, qui déborde par conséquent l'économie pour
recouvrir l'éducationnel ou le culturel » . Développer est
dès lors : former l'homme dans toutes ses dimensions, humaine, sociale,
morale, et intellectuelle. C'est le doter, lui qui est à l'auto
affirmation, de toutes les armes nécessaires pour sa réalisation
personnelle. Le type de développement nécessaire et profitable
pour l'Afrique noire est donc celui qui libère et favorise
l'avènement d'un type d'homme précis se disposant et se
déterminant pleinement par rapport à la réalisation
créative.
KUAKUVI Kuamvi Mawulé Magloire L'ouvrage
Les Racines du mal nègre du professeur KUAKUVI Kuamvi Mawulé
Magloire souligne que le sous-développement du continent noir peut se
justifier par deux causses, à savoir : les causes lointaines (la
colonisation, le racisme, la religion, la traite négrière et le
système E.A.F.A. entendu par l'Etat, l'Argent et les Forces
Armées) et les causes récentes (le néocolonialisme et
néo-impérialisme, la richesse du sous-sol, la volonté de
puissance et l'ignorance). A ces causes, l'auteur des Racines du mal
nègre ajoute l'une des pièces motrices du mal de l'Afrique
subsaharienne, l'ignorance. Dans le passé de l'Afrique subsaharienne,
l'ignorance a été l'une des causes qui avait justifié
l'entreprise de "civiliser" les nègres, de les sortir de la nuit noire.
Cette entreprise a certes fait du bien aux nègres, mais elle leur a
aussi fait au tant de mal. Pour M. KUAKUVI, "civiliser" un nègre n'a
jamais été lui faire vivre sa culture avec les progrès
techniques. Ça n'a jamais été de lui faire profiter des
bienfaits de la science et de la technologie. Faire de l'Afrique un Occident ou
un Orient noir, une vitrine de l'Occident... Tout refus est puni de mort pour
ne citer que l'exemple de Patrice Lumumba et Nkrumah .
Pour Mr Kuakuvi,
le développement de l'Afrique passe ou passera par : la
redéfinition de l'éducation, du système étatique
conçu sur le système « A.E.F.A» ; de l'équilibre
dans les échanges ; de l'exploitation du sous-sol africain au profit des
africains, de l'investissement dans les cultures vivrières et de
l'action des intellectuels. L'action des intellectuels est le fer de lance du
développement de l'Afrique comme l'a été et l'est
ailleurs. Ainsi, le professeur KUAKUVI est claire que sans apprentissage et
sans éducation, il n'y a pas d'être intégral. Et sans
être intégral le développement n'est qu'une illusion.
Puisque que c'est l'homme qui est le moteur de tout développement ; mais
de quel homme s'agit-il ? L'homme rationnel bien sur. Le facteur humain est
déterminant dans le développement, nous pensons que les
intellectuels, les diplômés, tous ceux qui sont instruits, ont un
rôle très important à jouer dans le développement de
l'Afrique. Yaovi AKAKPO L'horizon des sciences en Afrique paru aux
éditions Peter Lang, dans la Collection « Publications
Universitaires Européennes », du professeur Yaovi Akakpo, est un
ouvrage dont des recherches portent largement sur l'Afrique. Dans cet ouvrage
à double enjeux pratique et théorique, l'auteur souligne que
« le désir de l'Afrique de s'affirmer et de se faire
reconnaître. Dans la réalisation de ce désir, l'invention
assure et assurera un « primat fonctionnel ». Il importe que les
décideurs prennent toute la mesure de cet impératif moderne
» , c'est à cela que constitue l'enjeu pratique de L'horizon des
sciences en Afrique. Comme enjeu théorique, l'ouvrage s'interroge sur la
place des sciences en Afrique. Or parler de la place des sciences, c'est parler
de la place de la pensée, la place de l'intelligentsia africaine.
Autrement dit, le professeur Yaovi questionne le statut de la science dans le
processus de la reconnaissance et de l'affirmation de l'Afrique,
c'est-à-dire dans le processus du développement du continent
noir. C'est dans cette perspective qu'il exhorte à faire le choix de la
science et de la technologie en tant que choix politique et stratégique,
économique et culturel pour une Afrique plus humaine. Car, pour l'auteur
de L'horizon des sciences en Afrique, « il y a lien réel entre
savoir et développement », d'où pour lui, « le
développement contemporain, compris comme engagement social dans le
projet inachevé de la modernité, reste partout dans la
contemporanéité, assez redevable aux instruments d'affirmation de
la puissance des nations, instruments parmi lesquels figurent en bonne place
les sciences, les technologies, la recherche ou le travail intellectuel en
général » Conclusion partielle En
résumé, la notion du développement a connu une
réalité ambiguë en Afrique noire. C'est ainsi qu'elle s'est
orientée vers l'accumulation des biens laissant de côté
l'homme africain et sa réalité qui pourtant constituent le centre
de tout véritable développement. Ainsi certains penseurs
africains dont nous avions pris à témoins soulignent de
manière unanime que le véritable développement passe par
l'homme, entendu comme être rationnel. Puisque seul l'homme
détient la pensée parmi toutes les créatures et c'est elle
qui permet « l'interrogation sur notre dessein profond, sur la direction
à donner à notre existence doit être la grande affaire de
notre effort intellectuel... » .
Chapitre II : Culture de
l'intellectualisme et développement Introduction partielle
L'une des richesses que le monde tient du siècle des Lumières
c'est l'importance non moins excessive accordée au devenir de l'homme en
tant qu'être rationnel. En effet, le siècle des Lumière,
inaugure avec Emmanuel Kant l'idée d'une humanité axée sur
la « majorité » attestée par l'usage positif de la
raison. Une raison libératrice, productrice d'idées et capable
d'inventivité. Caractéristiques nécessaires pour toute
amorce d'un véritable développement. Au regard de l'histoire des
pays occidentaux et bien d'autres pays tel que les pays asiatiques où le
développement se fait jour, l'importance n'est plus à
démontrer sur le statut de la pensée dans le processus du
développement. De ce fait, vu l'intérêt accordé au
développement en Afrique subsaharienne, le présent chapitre vise
à saisir le lien entre une culture d'intellectualité et
développement.
II. 1. Le concept de
l'intellectualisme : essai de définition Le
dictionnaire français « Dicos Encarta », à qui nous
devons cette définition, conçoit l'intellectualisme comme la
tendance à faire prévaloir l'intelligence et les idées au
détriment de la sensibilité et sur le plan philosophique comme la
doctrine qui affirme la supériorité de
l'antériorité de l'intellect sur la volonté et les
émotions . Toutefois afin d'orienter notre débat, il nous semble
nécessaire de nuancer l'intellectuel et le diplômé, puisque
ces deux termes posent un véritable problème de
compréhension à tel point que l'un est remplacé par
l'autre et vice-versa. La notion d'intellectuel, selon Michael Löwy
cité par le professeur Yaovi Akakpo, renvoie à une
catégorie de personnes définie par leur rôle
idéologique, ils sont les producteurs directs de la sphère
idéologique, les créateurs idéologico-culturels...
D'où nous pouvons tenir pour un intellectuel, une personne dont
l'activité repose sur l'exercice de l'intelligence, qui s'engage dans la
sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue
sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs, et
qui dispose d'une forme d'autorité. Et pour diplômé, toute
personne ayant rempli les modalités d'évaluation universitaire et
qui à la fin de son processus de formation a obtenu un certificat
d'aptitude. Il est clair qu'il existe un lient étroite entre
diplômé et intellectuel, puisqu'un intellectuel doit être
quelqu'un de bien formé afin de tenir les réflexions rigoureuses.
Puisque selon Maurice Kamto, on ne parle pas pour ne rien dire, on parle pour
dire quelque chose de quelque chose. Et dire quelque chose de quelque chose
c'est avoir au préalable des connaissances sur la chose. Toutefois, bien
qu'il existe un lien entre diplômé et intellectuel, ces deux
termes ne sont cependant pas interchangeables.
II.2.
Rôle des intellectuels dans le processus du développement
La définition de l'intellect que nous avons
donnée un peu plus haut démontre, si besoin en était
encore ou est, que cette faculté est essentielle à la
transformation du pays vers un dynamisme transformateur typique à tout
processus de développement. L'Afrique à besoin des intellectuels
plus que jamais pour amorcer un véritable développement, comme
nous l'avions dit que le véritable développement passe par
l'homme et l'homme ne l'homme ne l'oublions pas se définie par la
pensée dit Maurice Kamto. Ceci pour dire que si le développement
passe par l'homme et que l'homme c'est la pensée, autrement dit le
développement passera par la pensée. Se développer c'est
subir une évolution vers un stade plus avancé. Ainsi la
psychologie moderne nous apprend que le processus de développement
nécessite une phase d'intériorisation, d'assimilation, de
questionnement du passé et du présent et une projection dans
l'avenir. Dans cette entreprise l'usage de la rationalité occupe une
place non-négligeable.
II.3. Conditions pour
favoriser une culture de l'intellectualisme
Conclusion
partielle Conclusion générale Nb : la cinquième
question de la problématique sera traitée dans cette partie qui
porte sur la culture de l'intellectualité.
Conclusion
générale En somme, un grand nombre d'Etats Africains
célèbrent cette année le Cinquantenaire de leur
Indépendance. C'est un moment de joie et de bilan. Les
Indépendances n'ont pas été un « cadeau ». Elles
ont été le fruit de sacrifices et de luttes ardues.
Célébrer le Cinquantenaire, c'est se rappeler avec joie ces
nobles combats de nos peuples pour la liberté et la souveraineté
; c'est aussi honorer la mémoire de tous les martyrs de ces luttes, ces
hommes et femmes, connus ou inconnus qui, par le sacrifice de leur vie, nous
ont ouvert le chemin vers une Afrique libérée. 50 ans
après, le bilan des Indépendances reste mitigé : beaucoup
d'efforts ont été réalisés, mais d'énormes
défis nous attendent encore.
Nous vivons dans un monde plein de
contradictions et de crises profondes. La science et la technique accomplissent
d'énormes progrès dans tous les domaines de la vie, dotant la
planète de tout ce qu'il faut pour en faire un lieu agréable pour
tous. Pourtant la situation tragique des réfugiés, la
pauvreté scandaleuse, la maladie et la faim tuent encore chaque jour des
milliers de personnes. En tout cela, l'Afrique est la plus frappée.
Riche en ressources humaines et naturelles, nombreux sont nos peuples qui
croupissent dans la pauvreté et la misère, sont
déchirés par les guerres et les conflits, passent par des crises
et sombrent dans le chaos. Ces situations sont rarement causées par des
catastrophes d'ordre naturel. Elles sont plutôt le fruit de
décisions et d'actions de personnes qui n'ont aucun souci du bien commun
et que l'on retrouve souvent dans une complicité tragique et dans un
complot criminel ourdi par des dirigeants locaux et des intérêts
extérieurs. Mais l'Afrique ne doit pas se laisser aller au
désespoir. Souvent à accentuer les mauvaises nouvelles et ainsi
semblent se concentrer davantage sur nos infortunes et nos déboires
plutôt que de relever l'effort positif qui s'accomplit. Des Nations sont
sorties de longues années de guerres progressent lentement sur les
chemins de la paix et de la prospérité. La bonne gouvernance a un
impact appréciable dans certains pays africains, interpellant ainsi les
autres pays pour qu'ils revoient leurs mauvaises habitudes passées comme
présentes. De bons signaux sont donnés à partir
d'initiatives qui cherchent à apporter des solutions effectives à
nos problèmes.
L'Afrique a longtemps réclamé un
changement de l'ordre économique mondial, dont les structures injustes
pèsent lourdement sur elle. Les récents désordres dans le
monde financier attestent qu'il est temps d'opérer des changements
radicaux dans les règles du jeu. Mais ce serait une autre
tragédie si ces réajustements devaient servir les
intérêts des riches au détriment de ceux des pauvres. La
plupart des conflits, des guerres et des situations de pauvreté en
Afrique proviennent essentiellement de ces structures injustes. Un nouvel ordre
mondial plus juste n'est pas seulement possible, mais nécessaire pour le
bien de toute l'humanité. Un changement doit intervenir en ce qui
concerne le poids de la dette pesant sur les nations pauvres, et
entraînant littéralement la mort pour leurs enfants. Les
multinationales doivent arrêter la dévastation criminelle de
l'environnement dans leur vorace exploitation des ressources naturelles.
Fomenter des guerres pour obtenir des gains rapides à partir du chaos
est une politique à courte vue, qui de plus coûte cher en vies
humaines et en sang répandu. N'y aurait-il pas de solutions face aux
nombreux maux qui minent l'Afrique ? « Nous n avons jamais vu venir
les crises, nous n avons jamais su nous en sortir parce que l esprit dans la
poche, nous avons fait naufrage dans le quotidien. Notre plus rand triomphe est
d avoir su bâtir une civilisation de l immédiat et du provisoire.
» Ainsi se lamente Maurice Kamto sur la situation de l'Afrique. Pendant
longtemps, le commun des Africains a semblé accepter cet état de
fait, mais la situation se détériore de plus en plus au point de
devenir une catastrophe socio-économique, politique et culturelle, qui
place l Afrique dans une condition d'exclu du monde. Pour espérer une
véritable amorce du développement en Afrique subsaharienne, le
premier front à attaquer nous semble impérativement celui du
« sommeil de la raison ». Ce sommeil de la raison selon les analyses
du penseur camerounais, semble se justifier par l'unanimisme, or l unanimisme
dans sa nature considère la société comme une
entité idéale sans être, ce qui fait que l'on ne se sente
pas nécessairement appartenir à cette société (voir
la citation de Péricles) . Cet état va jusqu'à
émacier des « moi » individuels comme personnes humaines,
anéantissant ainsi toute personnalité, ce qui selon Kamto,
édifie l'apathie sociale et justifie notre dérive social et notre
sous-développement. Les Africains doivent sortir de leur hibernation par
un effort intellectuel. C est « l'interrogation sur notre dessein profond,
sur la direction à donner à notre existence, dit Marcien Towa,
qui doit être la grande affaire de [cet] effort intellectuel » .
L'Africain a donc le devoir de la pensée entendue comme discours
raisonné sur le réel, ce que Maurice Kamto appelle « Urgence
de la pensée ». La philosophie en Afrique a un rôle important
à jouer, celui d'éveilleur de conscience comme levain à la
révolution, à la renaissance et au réveil de soi, car
l'intégration à soi se doit amener l'Africain à se
reconnaître comme un individu digne et souverain, parce que libre. Il s
agit des Lumières africaines, au sens où Kant entend par le
mouvement des Lumières : l'émancipation de la personne humaine
par la connaissance, comme l'acquisition par l'homme de son autonomie
intellectuelle - une rupture avec l'autorité des traditions : oser
penser par soi-même et se libérer des vérités
imposées de l'extérieur qui maintiennent l'humanité en
tutelle. Il s'agit d'une dynamique, une "marche". Pour Kant l état de
minorité est l « incapacité de se servir de son entendement
sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre
faute quant elle résulte non pas d un manque d entendement, mais d un
manque de résolution et de courage pour `s en servir sans être
dirigé par un autre. » En effet, La prise en charge de l
Afrique par elle-même, répond à l impératif
d'autonomie intellectuelle. Elle est une caractéristique des
Lumières qui permet de faire un usage public de sa raison en toute
circonstance. Car malgré les difficultés, l'espoir est toujours
possible et seul l'usage de la raison rendra réel cet espoir.
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