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Exploitations agricoles familiales et projets d'agrocarburants de proximité au Sénégal. Cas du projet Jatropha dans le département de Foundiougne

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par Amadiane DIALLO
Université catholique de Louvain - Master 2 en politique économique et sociale 2011
  

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3.2- Au niveau local

Malgré l'arsenal institutionnel « politiquement correct » du comité technique national de pilotage du programme biocarburants, la réalité du terrain est tout autre. En effet, à force d'être le réceptacle des programmes spéciaux qui se chevauchent, les acteurs locaux se perdent et ne savent plus à quel saint se vouer.

Les agents des services déconcentrés des ministères de l'agriculture et de l'environnement ont adopté la même attitude que leur tutelle. En effet, lors de mes interviews, les agents de l'agriculture et des eaux et forêt ont tout bonnement rétorqué qu'ils ne s'occupent pas du programme et cachent à peine leur sentiment de frustration d'avoir été mis à l'écart. Néanmoins, en insistant je suis parvenu à avoir quelques points de vue sur le programme national Jatropha d'une manière générale et le projet de la SOPREEF particulièrement.

L'agent d'agriculture, un ancien, jouissant d'une réelle expérience de la zone enquêtée m'a fait savoir en ces termes : " nous ne sommes pas impliqué maintenant dans la vulgarisation mais plutôt dans la remontée des données de statistiques agricoles, de la pluviométrie, de la situation parasitaire... ». Mais poursuit-il, " au cours de mes tournées, il m'arrive de remarquer les pépinières de Jatropha tenues par les communautés villageoises et quelques haies vives au stade plantule...». Son avis est sans équivoque : " l'espace foncier manque vraiment ici pour du Jatropha car il y a même des producteurs qui louent à d'autres producteurs des terres à 20000 FCFA par ha pour boucler leur plan de campagne... Est-ce le paysan accorde une si grande importance au Jatropha comme le pense le projet ? Je ne pense pas ...Bref on verra... C'est pourquoi, il ne prend pas trop de risque dans la culture pure du Jatropha mais tente de sécuriser ses parcelles avec la clôture et donner l'impression qu'il est engagé...».

Ces propos rejoignent quelque peu mon analyse par rapport au pourcentage élevé de parcelles clôturées ou à clôturer qui dénote « d'un agenda caché de marquage foncier ». Il confirme aussi la marge de manoeuvre que les paysans ont sur la manière de gérer leurs parcelles. Il propose l'utilisation comme brise vent du Jatropha dans les parcelles maraîchères et le renforcement des forêts classées par des plantations de Jatropha. Car elles ont été dévastées par les feux de brousse et ressemble plus à de la savane. En plus, les plantations de Jatropha serviront de pare feu. Il ne pense pas à un abandon des cultures traditionnelles par les paysans au profit du Jatropha au Sénégal car ils sont conscients de leurs intérêts du point de vue socio-culturel. En effet, les nouvelles cultures sont souvent en compétition avec

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Mémoire Master Amadiane DIALLO

l'arachide qui, en plus de sa rentabilité globale, a elle-même acquis un ancrage culturel presque indétrônable.

Le chef du CADL (Centre d'Appui au Développement Local) quant à lui, pense que « les tenants et les aboutissants du programme national Jatropha ne sont pas bien connus mais pour le projet SOPREEF les objectifs de satisfaction des besoins locaux sont louables... ». Son inquiétude réside du fait que « les producteurs n'ont même pas le droit de clôturer les parcelles sans délibération du conseil rural... ». Selon lui, le processus de régularisation du foncier destiné à l'investissement implique une mission de prospection d'une commission domaniale suivie d'une délibération du conseil rural sanctionnée par un arrété d'attribution du président avec visa d'approbation du sous-préfet de la circonscription. Il précise aussi que le droit d'usage sur le domaine national dont jouissent les producteurs n'équivaut pas à un droit de propriété. En effet, si une parcelle est non exploitée au bout de deux à trois ans, elle est normalement désaffectée par une autre délibération du conseil rural. En cas de décès de l'exploitant, le conseil rural doit se saisir des terres pour les réaffecter. Dans la pratique, une reconduction tacite est faite en faveur des héritiers sauf dans le cas où ils n'arrivent pas à s'entendre.

Le chef du sous-secteur des eaux et forêts, après avoir déploré le manque d'informations sur le programme national Jatropha, a reconnu que les plantations de Jatropha au même titre que les manguiers et les anacardiers sécurisent le foncier pour les producteurs compte tenu de toutes les raisons évoquées par le chef du CADL. D'ailleurs, précise-t-il, les producteurs cherchent de plus à plus à avoir une attribution du foncier (PV de délibération) abritant leurs plantations. Il exhorte le projet SOPREEF a tenir compte de l'expérience du projet de plantation d'anacardier pour surpasser les contraintes qui ne manquent pas quelle que soit la pertinence d'un programme.

D'autre part, certains présidents de communauté rurale élus lors des dernières élections locales de 2009 n'ont pas été bien sensibilisés des tenants et des aboutissants du projet par leurs prédécesseurs. C'est pourquoi, leurs points de vue restent parfois des généralités et des regrets pour leur manque d'accompagnement du projet du fait de leur passation de service bâclée par leurs prédécesseurs qui ont, disent-ils, mal accepté leur départ à la tête des communautés rurales. A la faveur de la décentralisation qui leur a conféré une personnalité juridique et des compétences transférées, leur rôle dans la planification et la gestion du développement de leur terroir est crucial. Ceci est clairement inscrit dans l'article 198 du code des collectivités locales : "la Communauté Rurale élabore le Plan Local de Développement et

donne son avis sur tous les projets de développement concernant tout ou partie de la communauté rurale".

Malgré l'implication des membres du conseil rural dans le projet Jatropha SOPREEF, le dernier plan d'action prioritaire (PAP 2010-2015) de la communauté rurale de la zone d'étude ne mentionne ni dans ses axes stratégiques, ni dans ses objectifs la promotion des biocarburants par la plantation de Jatropha. Cet état de fait paradoxal peut être interpréter de différentes manières.

? Soit les leaders du projet présents lors des consultations n'ont pas su convaincre les autres parties prenantes de la pertinence des agrocarburants de proximité, par voie de conséquence la communauté rurale n'en fait pas une priorité.

? Soit la communauté rurale n'a pas encore les moyens à consacrer à un tel projet qui ne donne pas de résultats visibles dans le court terme ou des financements extérieurs ne sont pas encore mobilisables pour prendre en charge ce volet

? Soit la SOPREEF, n'ayant pas encore les coudées franches, veut faire ses preuves avant de s'ouvrir totalement à la communauté rurale pour une prise en charge dans son budget

? Soit les dysfonctionnements constatés dans la mise en oeuvre du programme national sont à l'origine de sa déconnection des plans de développement local.

Cette dernière piste me paraît la plus plausible en référence à l'analyse des stratégies des acteurs au niveau national.

Dès lors, la mise en oeuvre du programme national Jatropha semble déconnectée du niveau local. Cet état de fait pousse les acteurs locaux à chercher à en savoir plus en diversifiant leurs canaux d'informations. Ils sont ainsi ouverts aux sensibilisations des ONG et autres détracteurs des agrocarburants. Par contre d'autres s'engagent à côté des promoteurs pour essayer de profiter des rentes.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle