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Exploitations agricoles familiales et projets d'agrocarburants de proximité au Sénégal. Cas du projet Jatropha dans le département de Foundiougne

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par Amadiane DIALLO
Université catholique de Louvain - Master 2 en politique économique et sociale 2011
  

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CONCLUSION

Cette présente étude a été réalisée dans un contexte de mondialisation secouée par les changements climatiques et la fin annoncée du pétrole, et rythmée par la fièvre des agrocarburants proposés comme alternative. Elle aborde la thématique du rapport des exploitations agricoles familiales aux projets d'agrocarburants de proximité dans le cadre d'un projet Jatropha localisé dans le département de Foundiougne au Sénégal.

A travers une caractérisation et une typologie, ce mémoire met en exergue la place qu'occupe la subsistance familiale dans la structure et le fonctionnement des exploitations agricoles familiales impliquées dans ce projet : 1èr objectif prioritaire de toutes les exploitations, 77% à 95% de parts réservées pour ce poste de dépenses dans l'utilisation des revenus globaux.

Le foncier disponible, variable qui différencie le plus les exploitations agricoles familiales, a permis de les classer en 4 groupes : les EAF de type A avec un foncier disponible inférieur à 5 ha ; les EAF de type B dont le foncier disponible est compris entre 5 ha et 9,99 ha ; les EAF de type C avec un foncier disponible de 10 ha à 15 ha et les EAF de type D dont le foncier disponible est supérieur à 15 ha.

Les exploitations de type C et D, emblavant plus de superficies, ont des taux de couverture des besoins céréaliers plus élevés car il n'y a pas de différences significatives entre les rendements obtenus par culture. En effet, on note une corrélation significative entre la superficie cultivée annuellement et le taux de couverture des besoins céréaliers. D'où l'enjeu de la sécurisation du foncier pour les producteurs.

Hormis quelques différences structurelles significatives (taille de la population, actifs agricoles, superficie cultivée annuellement, taux de couverture en céréales, taux d'équipement en houe), les groupes d'exploitations agricoles familiales présentent les mêmes pratiques agricoles, les mêmes logiques de fonctionnement et par conséquent les mêmes difficultés et stratégies de survie.

Les exploitations agricoles familiales impliquées dans le projet Jatropha ne sont donc pas exceptionnelles, elles sont comme les autres.

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Ceci me conforte dans mon appréciation globale de la situation de ces agropasteurs après plusieurs années d'observations participantes. Méme si l'étude ne permet pas une généralisation, il faut reconnaitre que les agropasteurs n'arrivent pas à bénéficier des fruits de leur dur labeur malgré leur système de production relativement « propre » et respectueux de l'environnement. Durant environ quatre mois d'hivernage erratique, ils travaillent sur des terres épuisées et dégradées avec du matériel agricole vétuste et insuffisant (dans l'étude environ 60% sont « sous équipés ») pour récolter des productions limites ne parvenant même pas à leur assurer une sécurité alimentaire (taux moyen de couverture des besoins céréaliers de 82% dans l'étude avec des différences intergroupes significatives).

Toutefois, il apparaît, au terme de cette étude, que les agriculteurs concernés demeurent des acteurs conscients de leurs atouts et faiblesses et n'hésitent pas à saisir des opportunités qui s'offrent à eux pour repousser les menaces à leur survie. Tout en sécurisant leur foncier et leurs productions agricoles traditionnelles, elles tentent de déployer des stratégies d'adaptation, voire de débrouille pour tirer leur épingle du jeu.

L'étude a montré que la quasi-totalité des exploitations agricoles familiales enquêtées a fait le choix de la clôture pour s'impliquer dans le projet. Ce qui leur permet de réaliser leurs plans de campagne sans réaménagement aucun des fondamentaux de leur structure productive.

Elles ont aussi choisi de débuter les plantations avec des superficies planchées (1,56 #177; 1,17 ha par exploitation avec égalité des moyennes intervillages et intergroupes).

Cette stratégie d'intégration minimale leur donne ainsi l'opportunité de renforcer leur marquage foncier pour sauvegarder leur système de production tout en se connectant aux enjeux matériels du projet. Dans le moyen terme, les exploitations qui sont moins dotées en terres de culture (types A et B) se projettent déjà à un taux de marquage foncier par le Jatropha supérieur à 50% de leur foncier disponible.

Tout ceci montre que, malgré les difficultés auxquelles elles sont confrontées, les exploitations agricoles familiales sont très attachées à la sauvegarde de leurs facteurs de production. C'est dans cet état d'esprit d'ailleurs qu'elles sont impliquées comme acteurs dans la mise en oeuvre du projet Jatropha.

Ce projet regroupe d'autres acteurs directs et indirects aux logiques, objectifs et stratégies divers. D'abord, les partenaires directs des producteurs agissant au sommet de la SOPREEF sont tellement obnubilés par le démarchage de bailleurs de fonds qu'ils risquent, s'ils ne

prennent garde, de se déconnecter des réalités des « acteurs à la base ». Néanmoins, leur expérience acquise dans la localité et le principe de décisions paritaires au sein du conseil d'administration de SOPREEF sont autant d'atouts pour tenir le cap.

Au niveau national, les acteurs indirects que sont les ONG, les plateformes paysannes et autres membres de la société civile, grâce à leurs plaidoyers en faveur du respect des droits des producteurs, poussent l'état et ses partenaires à toujours recentrer le programme national de biocarburants. Ce dernier présente beaucoup de dysfonctionnements dans sa mise en oeuvre au niveau local. Les acteurs étatiques au niveau local semblent désorientés et sous informés du moment que le point focal national, en l'occurrence l'ISRA, a du mal à démultiplier l'information faute de représentation déconcentrée.

En définitive, la stratégie paysanne d'adopter la plantation du Jatropha comme haie vive autour des parcelles apparaît comme un point de convergence circonstanciel aux différentes « boussoles intérieures » des principaux acteurs des projets d'agrocarburants de proximité au Sénégal. En effet, elle prend le contrepied de la logique du modèle dominant qui prône la conduite en régie, par les multinationales et autres promoteurs capitalistes, de monocultures d'agrocarburants dont la production est destinée à l'exportation au grand dam des agriculteurs. Par contre, dans la conduite de projets d'agrocarburants de proximité telle que choisie par les exploitations agricoles familiales, l'accaparement des terres et l'insécurité alimentaire ne sont pas favorisés. L'état et ses partenaires peuvent appuyer l'installation des unités modulables de trituration de Jatropha et des plateformes multifonctionnelles (moulins, électricité, eau..) pour permettre aux zones rurales de satisfaire leurs besoins énergétiques sans faire recours au pétrole et ses dérivées. Ce système de production intégré au Jatropha présente aussi l'avantage d'éviter le transfert de matière première et l'acheminement de produits finis sur de longues distances. Tout est réalisé sur place pour répondre à des besoins locaux. Ainsi, en respectant et en accompagnant les producteurs dans leur choix, il sera légitime de parler de « réduction durable des émissions de gaz à effet de serre ».

Je ne peux terminer sans évoquer ce que j'ai appris de nouveau de la confrontation entre théorie sur les agrocarburants et la réalité du terrain qui, à priori, me paraissait familier. Les leaders paysans et les chefs d'exploitation que j'ai interviewés m'ont agréablement surpris par la hauteur de leurs analyses de la situation des agrocarburants au Sénégal, voire dans le monde. D'une part, la démocratisation de l'information prônée par les médias sénégalais a sans nul doute facilité cette prise de conscience des masses paysannes. En effet, l'utilisation des langues nationales dans les radios et les télévisions pour la présentation des journaux parlé

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et télévisé est d'un grand apport dans la sensibilisation du monde rural. D'autre part, le réseau GSM dont le taux de pénétration est de plus de 70% dans le pays facilite les correspondances et les échanges d'informations entre la ville et la campagne. D'ailleurs tous les chefs d'exploitation enquêtés disposent d'un numéro de téléphone portable. Tous ces canaux ont constitué un raccourci pour les campagnes de sensibilisation des agriculteurs menées avec abnégation par les organisations de la société civile. Dès lors, le monde rural est de plus en plus au diapason des dynamiques locale et globale du développement. Cependant la société civile doit accentuer les plaidoyers et lobbying politiques contre le projet de privatisation de la terre tant souhaitée par les investisseurs privés.

Fort des enseignements de l'étude, je peux affirmer, toute chose égale par ailleurs, que les exploitations agricoles familiales du projet ne sont pas disposées à aller plus loin que la clôture de leurs parcelles par le Jatropha. Car elles sont tellement attachées à leurs cultures de subsistances qu'elles ne vont pas les sacrifier au profit d'une plante non alimentaire qui entre en production au plus tôt deux ans après installation. L'expérience de la production cotonnière dans la zone est édifiante. Bien que l'encadrement de la SODEFITEX préconise les semis précoces, les producteurs ont toujours semé le coton après avoir installé les céréales. Ils détournaient méme l'engrais du coton pour les mettre dans les parcelles de céréales. La société cotonnière a été obligée d'introduire des programmes de promotion des céréales pour regagner la confiance des agriculteurs. Ces derniers n'ont pas hésité, quand ils l'ont souhaité, à abandonner tout bonnement la culture du coton et, à s'adonner à leurs spéculations favorites au détriment de leur compagnonnage avec cette société qui pourtant les appuyait dans beaucoup d'autres domaines. D'ailleurs, à la question « Comptez-vous augmenter vos superficies en Jatropha dans un avenir proche ? », les chefs d'exploitation agricole familiale ont presque toutes répondu en commençant par l'expression « je compte clôturer...» qui en dit long sur leur intention. C'est pourquoi, je qualifie les rapports entre exploitations agricoles familiales et le projet Jatropha de mariage opportuniste avec « séparation des biens ».

Mon étude suggère une question intéressante à investiguer « Est-ce que l'objectif de renforcement des droits fonciers ne va pas l'emporter sur l'aspect énergétique recherché dans la mise en oeuvre de la culture du Jatropha ? ». Pour répondre à une telle question, une analyse plus approfondie des logiques d'acteurs est nécessaire. Mes investigations ne sont pas allées trop loin dans les grilles d'analyse que proposent les spécialistes de la question. Néanmoins le modeste travail que je viens de présenter peut servir de jalons à des études de cette nature.

En perspective, il est aussi nécessaire de questionner les rapports de pouvoir et les relations de régulation qui vont interférer certainement pendant la collecte, la transformation et la redistribution à la communauté de l'énergie produite : une autre arène!

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo