WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

( Télécharger le fichier original )
par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.1.2. Les aires protégées de l'Est : un potentiel en sursis ?

Comme on l'a déjà mentionné, un des atouts de la région de l'Est est de disposer de plus d'espaces riches en ressources pastorales, forestières et fauniques que d'autres régions du pays. Autour du 14ème siècle, à cause des attitudes hostiles qu'exprimaient entre eux les peuples de la région, l'occupation de l'espace était contrastée. Les espaces vides qualifiés de « no man's land » par Benoit (1998 & 1999a) vont être l'objet de grignotage au début du 20ème siècle grâce à l'amélioration des conditions sanitaires et sécuritaires (Santoir, 1998). La création des premières aires protégées semble être une réaction de la puissance coloniale face à l'occupation anarchique de l'espace, ainsi pacifié, qui s'opérait. Il s'est finalement agi de mettre de grandes portions de forêts hors de portée de l'occupation qui se faisait menaçante pour elles avec le glissement progressif et l'arrivée des populations des zones de forte concentration de l'Ouest vers le Sud-est. Contrairement à l'Ouest du pays, l'érection des aires de protection de la faune à l'Est, bien que motivée par le même désir d'empêcher une grande déforestation du pays et par des considérations esthétiques et sanitaires comme le rapporte Kièma S. (2001 & 2007), n'a pas été précédé de grands déguerpissements8. De nos jours, la

5 En réalité, les années sèches de 73-74 et 83-84 font partie de la dernière et plus longue période sèche parmi les trois (1909-1919; 1938-1949; 1968-1985) que le pays et l'ensemble de la sous région ont connu (Sournia, 1987)

6 A la croissance naturelle (naissances), il faut ajouter les fortes migrations d'agriculteurs venant du plateau central du pays à partir des années 70 et surtout 80. Entre 1970 et 1996 la progression annuelle de la population est de 4,65% (Guibert & Prudent, 2005).

7 Les agriculteurs gourmantché capitalisent leurs revenus provenant du coton dans l'achat de bétail.

8 Cependant, Kaboré (2010) a noté des vagues de déguerpissements dans la zone de la réserve partielle de faune de Pama Nord (Province du Gourma).

9

région de l'Est est la zone de plus grande concentration d'aires protégées du pays (parcs, réserves totales et partielles, ranchs, concessions, etc.). En effet, alors que seulement environ 5 à 10,6 % du territoire national (Spinage & Traoré, 1984 ; Sournia, 1987 ; Yaméogo, 2005) sont occupés par des aires de protection de faune, elles représentent dans cette région jusqu'à 20 à 25%9 des superficies (Guibert & Prudent, 2005; Traoré, 2008).

Les politiques de conservation mises en oeuvre dans la région ont suivi la tendance d'ensemble au niveau de l'Ouest africain. Un peu partout en Afrique, on est passé successivement de l'exclusion à la participation puis à la concertation (Aubertin, 2005), cependant le rythme n'a pas été le même partout. Contrairement à l'Afrique australe et orientale où l'intérêt de l'approche de gestion participative a été très tôt appréhendé, l'interdiction a très longtemps prévalu en Afrique de l'Ouest (Bayer & Ciofolo, 2004).

En Afrique de l'Ouest, pendant la période coloniale, l'administration a mis en place des sanctuaires de faune d'où étaient exclues les populations locales (Babin et al. 2002). Il en a été de même dans la région de l'Est du Burkina Faso, du parc refuge du W créé en 1926 puis des réserves totales d'Arly (1954), de Singou (1955) et de réserves partielles comme la Kourtiagou (1957). La mise en place de ces différentes aires a enlevé aux populations locales le droit de regard et de jouissance de leurs ressources en même temps que les couloirs de passage et zones de pâture des animaux étaient occupés. Les milieux, ainsi mis «sous cloche», n'étaient alors pas encore sous forte pression anthropique.

A partir des indépendances, les nouveaux États réaffirment la propriété étatique des forêts (Babin et al. 2002). Mais après les années sèches de 73-74 et de 83-84, ces sanctuaires sont très menacés Les animaux transhumants franchissent pour la première fois la Tapoa, la migration agricole est forte dans la région et les États, manquant de moyens, n'assurent pas une surveillance adéquate des espaces dont ils ont retiré la surveillance aux populations locales. Dans une étude minutieuse, Kaboré (2010) explique comment l'espace-ressource villageois et inter-villageois était régi par les lignages (des maîtres fonciers) qui en assuraient alors la "bonne" gestion. De fait, ces espaces qui ne sont plus de nos jours formellement sous administration coutumière, sont laissés à eux-mêmes et sont devenus à "accès libre" pour les braconniers et surtout pour le bétail. De nombreux travaux dont ceux de Kièma S. (2001 & 2007), Toutain et al. (2001), Convers (2002), Paris (2002), Riegel (2002), Boutrais (2008) et Kaboré (2010) montrent que les aires protégées entrent depuis longtemps dans les stratégies alternatives trouvées par les éleveurs transhumants mais aussi sédentaires, pour faire face à la période de soudure de saison sèche. Aussi, Sournia (1987) rapporte qu'une bonne part des quelques 400 000 têtes de bétail transhumant ayant transité dans la région en 1985, a pénétré dans les aires de protection et notamment dans le parc du W. Plus récemment, un recensement aérien a dénombré 30 000 à 50 000 têtes de bétail dans le parc du W en 1994 (IUCN, 1994). Par ailleurs, deux recensements encore plus récents réalisés en mai 2002 (Riegel, 2002) et avril-mai 2003 (Bouché et al. 2003) confirment cette tendance. Le recensement de mai 2002, indiquait la présence d'environ 23 840 bovins et 1 254 petits ruminants dans le parc W, surtout du côté Bénin. Le recensement des mois d'avril et de mai 2003 sur l'ensemble du

9 Il est important de noter qu'en réalité ces aires se concentrent seulement sur les territoires des provinces les plus méridionales que sont le Gourma et surtout la Tapoa et la Kompienga.

10

complexe WAPOK (W-Arly-Pendjari-Oti-Kéran) a permis d'enregistrer 1 171 troupeaux de bovins totalisant 101 309 animaux dans ce complexe WAPOK et sa périphérie proche. On note même une tendance à la sédentarisation d'éleveurs comme c'est le cas dans le village d'Illéla, dans la partie béninoise du W (Kagoné, 2004). Si l'exploitation pastorale du W reste une réalité, son ampleur serait en baisse surtout pendant la période d'exécution du programme ECOPAS (Écosystèmes Protégés en Afrique Soudano Sahélienne) (2001-2008) (Fournier & Toutain, 2007) et les conditions biologiques dans les réserves de la région de l'Est restent relativement meilleures qu'ailleurs au Burkina, notamment dans l'Ouest comme le rapporte Kièma S. (2001).

L'élan participatif de la conservation ne prend réellement naissance au Burkina qu'en 1984 lors du séminaire national sur la faune, où il est proclamé que celle-ci est désormais l'affaire de tous (Sournia, 1987). Dans les faits, pour ce qui est de la région de l'Est et surtout du W et des réserves avoisinantes, il faut attendre 2001 avec la mise en place du programme ECOPAS (Écosystèmes Protégés en Afrique Soudano Sahélienne) pour voir un début de concrétisation de cette volonté politique10. Ce programme, centré sur les trois parcs nationaux contigus du W, a été conçu par les États concernés (Bénin, Burkina, Niger) avec l'appui de l'Union Européenne à travers le Fonds Européen de Développement. Son objectif étant «d'arrêter et d'inverser le processus de dégradation des ressources naturelles du parc afin de protéger de façon durable la biodiversité, au bénéfice des populations concernées», il a basé son principe d'intervention sur la participation consistant en l'implication et en la responsabilisation des acteurs locaux. Un des premiers résultats de ce programme est le renforcement notable de la surveillance du W, devenu, entre temps, en 1996 site du patrimoine mondial de l'UNESCO et en 2002 réserve de biosphère (Paris, 2002 ; Riegel, 2002), avec en compensation la mise en place d'actions socio-économiques dans la zone de transition.

Mais devant l'avancée très rapide et anarchique du front agricole liée à la croissance naturelle de la population, l'immigration agricole et la forte orientation des systèmes de production au marché avec l'arrivée du coton, l'effectif impressionnant du cheptel local et l'afflux de plus en plus massif de bétail sahélien qui fuyait des conditions de plus en plus insupportables, les actions du programme ECOPAS ont semblé insignifiantes aux yeux des populations. Dans la zone de transition du W du Niger les conflits observables sur le terrain entre les acteurs (conservateurs, populations locales et transhumants) ont été nombreux et divers (Paris, 2002 ; Kagoné, 2004; Sawadogo, 2004). En toile de fond se trouvaient des différences de vue radicales sur le rôle des aires protégées (réservoirs de biodiversité pour les uns, vastes et riches terres ou encore stock de fourrage pour les autres)11. Le même type de représentation de la part des populations locales envers les aires de protection a été observé par Kièma S. (2001), Berlin (2002) et Goungounga (2003) dans l'Ouest du Burkina.

10 Des tentatives de gestion commune ont cependant eu lieu dès les années 60 avec peu de succès sauf du côté nigérien.

11 Voir aussi Kaboré (2010) pour plus de détails sur les représentations et les revendications des populations environnantes à l'égard des aires protégées. Binot et al. (2006) ainsi que Harchies et al. (2007) notent d'ailleurs qu'un peu partout en Afrique il y a une opposition basique entre aires à vocation de protection et aires à vocation de production.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon