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Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

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par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

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5.3.4.5. Diversification des troupeaux

La composition des troupeaux villageois est assez variée, mais le plus souvent ils regroupent bovins, ovins et caprins. Cependant les troupeaux composés uniquement de bovins ou à la fois de bovins et d'ovins sont de plus en plus nombreux. Quelle que soit la

69 Les travaux de Ouédraogo (2008) montrent qu'il n'existe pas à Kotchari de difficulté d'exploitation du fourrage ligneux, l'essentiel (63 à 94%) des types ligneux ayant une taille inférieure à 2 m, hauteur limite à partir de laquelle l'intervention du berger est nécessaire pour l'accès au matériel végétal par les animaux (Hiernaux, 1980 ; Kièma, 2007).

composition d'ensemble du troupeau, les mélanges de races bovines sont de plus en plus fréquents, notamment les associations Barbaji + Gurmaji et Gurmaji + Jaliji.

Les troupeaux des éleveurs non transhumants (C1) étaient, il ya une vingtaine d'années, pour une grande part d'entre eux, dépourvus de l'espèce bovine. Les troupeaux qui en disposaient, comprenaient aussi des ovins et des caprins. Il ya une dizaine d'années, la part de troupeaux sans bovins ainsi que celle des troupeaux plurispécifiques (bovins, ovins, caprins) ont diminué, à leur place se forment des troupeaux à deux espèces (bovins et ovins) ou monospécifiques à bovins. Ces derniers temps cependant, la tendance s'inverse presque : les troupeaux sans bovins ou à trois espèces reprennent du poids dans ces élevages alors qu'il apparaît quelques troupeaux comprenant à la fois des bovins et des caprins (figure 18a). Au niveau de la structuration raciale bovine, ces troupeaux se caractérisent par un poids de plus en plus important des troupeaux composés à la fois de la Barbaji et de la Gurmaji (NRaB-4) surtout mais aussi de ceux qui sont à trois races au moins (NRab-6). L'émergence de ces deux profils de troupeaux se fait aux dépens de ceux constitués de la seule race Barbaji (NRab-1) Gurmaji (NRab-2) ou même Jaliji (NRab-3) (figure V-18b).

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a. Nombre et types d'espèces du troupeau b. Nombre et types de races bovines

Figure V-18. Composition spécifique et raciale des troupeaux du groupe C1 Légende:

NEsp-1 : bovins + ovins + caprins NRaB-1 : Barbaji

NEsp-2 : bovins + ovins NRaB-2 : Gurmaji

NEsp-3 : bovins + caprins NRaB-3 : Jaliji

NEsp-4 : bovins NRaB-4 : Barbaji + Gurmaji

NEsp-5 : Pas de bovins NRaB-5 : Gurmaji + Jaliji

NRaB-6 : Autres cas de figures (plus de deux races) NRaB-7 : pas de bovins dans le troupeau

Chez les transhumants résidents (), l'évolution de la composition spécifique au cours des 20 dernières années montre un déclin des troupeaux comprenant à la fois bovins, ovins et caprins alors que sont en train d'émerger des troupeaux à bovins et ovins (figure V-19a). Alors que quelques troupeaux monospécifiques à bovins se rencontrent actuellement dans ces élevages, il n'en existe plus qui ne contiennent pas de bovins. Les troupeaux comprenant seulement la race bovine Gurmaji, fortement représentés par le passé, n'existent plus, alors qu'il devient de plus en plus possible de rencontrer des troupeaux ayant deux à plus

de deux races bovines. De nos jours, les configurations raciales des troupeaux qui sont les plus représentées sont les associations Barbaji + Gurmaji (NRaB-4) surtout et Gurmaji + Jaliji (NRaB-5) ou alors les associations de plus de deux races bovines (NRaB-6) (figure V-19b).

a. Nombre et types d'espèces du troupeau b. Nombre et types de races bovines

Figure V-19. Composition spécifique et raciale des troupeaux du groupe

Les troupeaux du groupe des éleveurs transhumants non résidents (C3), montrent une évolution (figure V-20a) qui se fait en défaveur de ceux composés à la fois des espèces de bovins et d'ovins (NEsp-2), beaucoup plus présents par le passé, et de ceux à trois espèces (bovins, ovins et caprins) (NEsp-1) et en faveur de ceux ne comprenant que la seule espèce bovine (NEsp-4). L'espèce caprine est peu présente dans ces élevages. Au sein de ces troupeaux, caractérisés par la présence d'une seule race bovine en général, au fil du temps, l'ordre d'importance s'est inversé en faveur de la race Gurmaji et au détriment de la race Jaliji (figure V-20b). Par ailleurs, une part de plus en plus importante de troupeaux comprenant à la fois les races Gurmaji et Jaliji (NRab-5) est enregistrée alors qu'au contraire on ne rencontre plus de troupeaux à plus de deux races bovines (NRaB-6).

a. Nombre et types d'espèces du troupeau b. Nombre et types de races bovines

Figure V-20. Composition spécifique et raciale des troupeaux du groupe C3

On le voit, dans les différents troupeaux, quel que soit le type d'élevage, l'évolution se fait vers la réduction du nombre d'espèces animales. Cette tendance est nette chez les transhumants résidents ou non ( et C3) et moins nette et même en inversion chez les agroéleveurs résidents (tendance en légère inversion il ya une dizaine d'années). Ce

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comportement particulier est à relier au caractère assez diversifié de ce groupe d'éleveurs qui comprend des Gourmantchés dépourvus ou non de bovins (C1-1 et une partie de C1-2) et des peuls sédentaires. Seuls les premiers s'adonnent à la culture du coton, activité déterminante dans la taille de leur cheptel, la capitalisation des revenus agricoles se faisant par l'achat de bétail. De manière globale, le cheptel des Gourmantchés est dans une phase de baisse des effectifs et de déstockage des espèces bovines qui avaient pu être mis en place à la faveur de l'envol de l'activité cotonnière. La tendance constatée vers le retour à la plurispécificité chez C1 pourrait signifier que plus le troupeau perd en taille, moins l'éleveur est enclin à spécialiser son troupeau vers une ou quelques espèces et inversement. Cette même raison expliquerait donc les constats faits dans les troupeaux des Peuls résidents ou non chez lesquels le cheptel est en constante augmentation et où le nombre d'espèces animales par troupeau tend à baisser.

On note par ailleurs, que dans les élevages de type C1 et (éleveurs résidents), il y a une tendance à la diversification, notamment au doublement, des races bovines dans les troupeaux (Barbaji + Gurmaji au lieu de Barbaji ou Gurmaji à l'origine pour C1 et respectivement). Boutrais (2002), étudiant le rapport des populations pastorales à leurs races bovines, avait fait les mêmes observations qui semblaient répondre à une stratégie de reconstruction des troupeaux pour les éleveurs ayant connu une crise pastorale. Il a cependant aussi observé une tendance, dans certains groupes pastoraux, à l'uniformisation de la race bovine vers les types les plus adaptés à l'écologie des aires d'élevage.

De manière générale, il y a un recul de la race Jaliji en faveur des races Gurmaji et Barbaji, ce qui traduit un choix stratégique. En effet, alors que la Jaliji, bien que rustique, est peu trypanotolérante, la Gurmaji qui semble être son adaptation locale de très longue date (Santoir, 1999), tolère le climat local (elle est trypanotolérante) tout en exprimant des propriétés zootechniques (âge au premier vêlage, intervalle de mise-bas, lactation, etc.) peu différentes de celle-ci. Elle est, en outre, adaptée à la longue marche et serait disciplinée rendant son gardiennage aisé. Les mêmes raisons d'adaptation aux conditions locales (trypanotolérance et rusticité alimentaire) expliqueraient le maintien et le renforcement de la présence de la race Barbaji. Cette dernière, mauvaise marcheuse cependant, est indisciplinée (troupeau généralement dispersé sur parcours) et sa garde commande beaucoup plus d'attention de la part du berger.

Chez les non résidents (C3) la tendance à la diversification des races, quoique moins rapide, est également observée. Même si les troupeaux à Gurmaji + Jaliji gagnent en importance, il subsiste majoritairement des troupeaux à une seule race bovine dans leur cheptel ; cependant, la race Gurmaji y supplante la race Jaliji originelle. Ces éleveurs, sans doute plus exposés aux contraintes du milieu, du fait des distances parcourues, sont en fait en train de délaisser, comme c'est le cas chez les Peuls résidents transhumants, la race Jaliji au profit de la race Gurmaji. Si les motifs ci-dessus évoqués restent valables ici, il faut ajouter en plus l'incapacité de la Jaliji à supporter les longs déplacements (Amadou, 1999) alors que, selon les éleveurs, la Gurmaji s'en adapte mieux.

De manière générale, on peut relever avec grand intérêt le fait que les configurations raciales dans les espèces bovines des troupeaux s'opèrent avec pour préoccupation sous-

jacente de les adapter aux exigences du moment faites de longs et pénibles déplacements sur des parcours généralement très appauvris. Ceci exige des éleveurs de choisir non pas toujours les races les plus productives et/ou les plus esthétiques (Boboroji par exemple) mais surtout celles qui s'adaptent le mieux notamment au climat ou qui sont peu exigeantes au plan alimentaire (rusticité) face à la rareté de la ressource. Les races Barbaji et Gurmaji semblent réunir toutes ces exigences. Cette tendance est confirmée par Amadou (1999) à partir d'observations enregistrées dans le Boboye au Niger. L'auteur rend compte du fait que « le choix des espèces chez les peuls du Boboye n'est plus uniquement guidé par les impératifs de production (...) ou d'affection (...) mais aussi par leur capacité d'adaptation. En effet, l'aptitude à supporter certaines situations difficiles (pâturages médiocres, sécheresse, maladies) compte de plus en plus dans la sélection du troupeau ». Pour les mêmes raisons, les éleveurs expliquent l'abandon ou la faible présence de certaines races par leur grande conformation (Boboroji et Kiwali notamment) qui implique de grands besoins alimentaires (Boutrais, 1994)70 pas toujours aisés à satisfaire. Notons cependant que, comme les éleveurs transhumants qui continuent d'entretenir des troupeaux bovins à Jaliji, il n'est pas toujours aisé pour l'éleveur de se départir de sa race initiale à laquelle il reste lié et qui constitue bien souvent, comme l'a signalé Boutrais (2002), un patrimoine intergénérationnel.

Le rapport du nombre mâles/femelles (sex-ratio) dans la composante bovine des troupeaux est relativement (C3) ou statistiquement () plus faible dans les élevages purement peuls (tableau V-9, paragraphe 5.3.3.2.4 plus haut). Des différences plus nettes que celles que nous observons ont été notées par Tamou (2002) et Sounkéré (2003) au nord-Bénin et Kièma S. (2007) dans l'ouest burkinabè. Le premier auteur a observé que, alors que le sex-ratio des groupes résidents (Gourmantché, Dendi, Haoussa) oscillait entre 0,55 et 0,84, celui du groupe Peul était seulement de 0,27. Kièma S., quant à lui, a constaté que les troupeaux d'éleveurs résidents qu'il a enquêtés se composaient d'environ 1 mâle pour 10 femelles (soit un sex-ratio de 0,1). Ceci est révélateur des objectifs des élevages peuls (ou mobiles en général) qui sont tournés beaucoup plus vers le type « naisseur ». Rappelons que les éleveurs de type « naisseur » garantissent des grands effectifs capables de subsister aux catastrophes naturelles comme les sécheresses et les épizooties (Bernus, 1981 ; Boutrais, 1996). Une autre explication est que les peuples pasteurs, qui dépendent beaucoup du lait pour leur alimentation ou comme produit d'échanges, sont amenés à favoriser les femelles, en particulier les vaches reproductrices, dans leurs troupeaux (Boutrais, 1996).

Le groupe d'éleveurs peuls transhumants ou non mettrait donc l'accent sur l'exploitation des mâles de leurs troupeaux, ce qui d'après Tamou (2002), permettrait en même temps de gérer les risques de combats mortels en leur sein. Au contraire, dans bien des élevages résidents surtout chez les Gourmantchés, le réélevage71 est développé et explique la plus forte proportion de taureaux en leur sein. Si nos observations corroborent bien ce qui se constate en zone sahélienne, elles contredisent la tendance notée par Boutrais (1996) en contexte savanien

70 L'auteur distingue les pseudo-zébus (Mbororroji et Akuuji ou White Fulani) à longues cornes et silhouette élancée qui ont des grandes exigences fourragères des vrais zébus (Bos indicus : Gudali, Azawak, etc.) à courtes cornes, stature ramassée et grosse bosse. Ces derniers et les taurins, qui ont moins d'exigences fourragères et qui ont de fortes capacités d'adaptation, sont moins redoutables pour les parcours par rapport aux premiers.

71 Le réélevage est une pratique qui consiste à importer dans le troupeau des jeunes veaux achetés pour leur finition (alimentation généralement plus intensive) (Touré, 2010)

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d'Afrique subsaharienne. Cet auteur rapporte qu'en zone de savane, l'économie des pasteurs ne reposerait plus essentiellement sur le lait, ce qui ne les oblige pas à entretenir un grand effectif de femelles au sein de leurs troupeaux. Par ailleurs, les troupeaux des agriculteurs résidents y seraient généralement en phase d'accumulation, avec des effectifs importants de femelles.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein