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Acteurs et interactions autour des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga. Cas de l'exploitation de la rivière Luilaka en RDC

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par Billy Kambala Luadia Tshikengela
Université catholique de Louvain - Master complémentaire en développement environnement et sociétés 2009
  

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ACTEURS ET INTERACTIONS AUTOUR DES RESSOURCES
HALIEUTIQUES DU PARC NATIONAL DE LA SALONGA

[CAS DE L'EXPLOITATION DE LA RIVIERE LUILAKA EN TERRITOIRE DE MONKOTO,
RD CONGO]

EURS ET INTERACTION AUTOUR DES RESSOURCES HALIEUTIQUES DU PA

Mémoire présenté par : Billy KAMBALA LUADIA TSHIKENGELA

En vue de l'obtention du Diplôme de Master complémentaire en

NATIONAL DE LA SALONGA.

Développement, environnement et sociétés

Jury composé de :

Promoteur : Etienne VERHAEGEN (Université Catholique de Louvain) Lecteur : Marc MORMONT (Université de Liège)

Lecteur : Paul K. VIKANZA (Université Catholique de Louvain)

A mon regretté père Hyppolyte Luadia, soustrait trop tôt à notre affection,
en hommage à sa mémoire,
A mon fils Daniel Kambala Luadia, en témoignage de mon affection.

REMERCIEMENTS

Ce travail reprend le texte de ma dissertation en Master Complémentaire en Développement, environnement et sociétés au terme de laquelle je tiens à exprimer mes vifs remerciements à tous ceux qui ont contribué d?une manière ou d?une autre au bon déroulement de ma formation à l?Institut de Développement de l?Université Catholique de Louvain.

Au professeur Etienne Verhaegen, promoteur de ce mémoire, s?adresse tout particulièrement ma profonde gratitude pour m?avoir fait confiance tout au long de ce travail et permis de vivre une expérience de recherche sous sa direction.

Je souhaite également remercier le professeur Marc Mormont et le doctorant Paul Vikanza d?avoir accepté d?être membres de mon jury et d?avoir pris le temps de porter un regard critique sur mon travail au travers de la lecture attentive de mes écrits et leurs critiques constructives.

Mes sentiments vont aussi à tous ceux avec qui j?ai partagé et discuté de mon travail, et tout particulièrement Lidjo Bolonga, office manager du bureau WWF-Monkoto pour avoir répondu à toutes mes demandes d?informations fraiches et complémentaires sur le milieu d?étude, Tyty Malu pour ses conseils avisés et Raoul Monsembola pour sa documentation et ses encouragements constants.

Mes remerciements s?adressent enfin à ma très chère épouse Rebecca Ndaya pour avoir accepté mon absence et joué le double rôle de « mère-père » dans l?éducation et la protection de notre fils ainsi qu? à ma mère qui s?est toujours souvenue de moi dans ses prières.

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ii

TABLE DES MATIERES iii

ACRONYMES ET ABREVIATIONS v

LISTE DES TABLEAUX viii

LISTE DES FIGURES ix

Chapitre 0 INTRODUCTION GENERALE 1

0.1. Contexte de l?étude 1

0.2. Cadre de l?étude 5

0.2.1. Problématique 7

0.2.2. Questions de recherche 9

0.2.3. Objectifs de l?étude 10

0.2.3.1. Objectif général 10

0.2.3.2. Objectifs spécifiques 10

0.2.4. Hypothèses de l?étude 11

0.3. Milieu d?étude 11

0.3.1. Parc National de la Salonga (PNS) 11

0.3.1.1 Données biophysiques 12

0.3.1.2 Contexte Socio-économique 14

0.3.1.3. Structures et capacités de gestion du PNS 14

0.3.2. Territoire de Monkoto 17

0.3.2.1. Contexte actuel: Démographie et organisation sociale 17

0.3.2.2. Conditions de vie et d?existence des populations riveraines de Monkoto 18

0.4. Méthodologie et approches d?étude 19

0.4.1. Approches d?étude 19

0.4.2. Démarche méthodologique 19

Chapitre 1 CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL 21

1.1. Aperçu historique du foncier congolais 21

1.2. Biodiversité et développement durable 27

1.2.1. Biodiversité: concept multidimensionnel 28

1.2.2. Développement Durable 30

1.3. Protection de l?environnement 37

1.4. Notions de conservation des ressources naturelles 38

1.5. Développement local 40

1.6. Pratiques populaires 43

1.7. Conclusion partielle 45

Chapitre 2 HISTOIRE DU PARC NATIONAL DE LA SALONGA FACE AUX

POPULATIONS LOCALES 47

2.1. De la création du Parc National de la Salonga 47

2.1.1. Les origines de la création 47

2.1.2. Les objectifs visés à la création du PNS 48

2.1.3. Extension du Parc National de la Salonga et sa mise en oeuvre 50

2.1.4. Modes d?acquisition de l?espace 51

2.1.5. La réaction des indigènes 52

2.2. Acteurs impliqués dans la gestion et utilisation des ressources halieutiques du PNS 55

2.2.1. Acteurs institutionnels 55

2.2.2. Acteurs non-institutionnels 55

2.3. Logiques d?acteurs 56

2.3.1. Logiques des protecteurs du PNS (l?ICCN et ses partenaires) 57

2.3.2. Logiques des acteurs locaux (populations locales) 58

2.4. Régulations ayant existé dès la création du PNS jusqu?à ce jour 60

2.4.1. La taxe de pêche 60

2.4.2. Le protocole d?accord de Bongonda 60

2.4.3. Situation actuelle sur la gestion et l?exploitation de la ressource halieutique 61

2.5. Conclusion partielle 61

Chapitre 3 ANALYSE DU CONFLIT DU PARC 63

3.1. Accès aux forêts et aux ressources locales 63

3.1.1. Mécanismes traditionnels d?accès aux ressources 64

3.1.2. Contraintes et Conditionnalités 66

3.2. Déplacement forcé des populations en vue de la création du PNS 66

3.2.1. Gestion unilatérale du PNS 67

3.2.2. Non-implication de la population riveraine dans la gestion du PNS 68

3.3. Situation économique dans la région 69

3.3.1. Changements perçus dans la région 70

3.3.2. Changements perçus au niveau local 70

3.4. Réaction de la population locale 73

3.4.1. Perception de la population vis-à-vis du PNS et de ses Partenaires 73

3.4.2. Désobéissance civique et non-reconnaissance de l?autorité de l?ICCN 76

CONCLUSION GENERALE 78

BIBLIOGRAPHIE 83

ANNEXES 91

ACRONYMES ET ABREVIATIONS

ACP: Afrique, Caraïbes, Pacifique

AMNH: American Museum of Natural History

AP: Aire Protégée

APAD: Association Euro-Africaine pour l?Anthropologie du changement social et du Développement

ASARECA: Association pour la Recherche Agricole en Afrique Centrale et de l?Est

AWF: Africain Wildlife Foundation

BAD: Banque Africaine de Développement BCI: Bonobo Conservation Initiative

CARPE: Programme Régional de l?Afrique Centrale pour l?Environnement

CNRS: Centre National de Recherche Scientifique

CCNUCC: Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique

CDB: Convention sur la Diversité Biologique

CEFDHAC: Conférence sur les Ecosystèmes de Forêts Denses Humides d?Afrique Centrale CIFOR: Center For International Forestry Research

CIPV: Convention Internationale sur la Protection des Végétaux

CITES: Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages menacées d?extinction

CMAP: Commission Mondiale des Aires Protégées

CMN: Congrès Mondial de la Nature CNB: Cadre National de Biosécurité COCOSI: Comité de Coordination de Site

COMIFAC: Commission des Forêts d?Afrique Centrale

CSIRO: Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation

CTB: Coopération Technique Belge

DSCRP: Document de Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté EIC: Etat Indépendant du Congo

EIE : Evaluations d?Impact Environnemental

ERAIFT: Ecole Régionale d?Aménagement Intégré des Forêts Tropicales

FAO: Organisation des Nations Unies pour l?Alimentation et l?Agriculture

FEM: Fonds pour l?Environnement Mondial FMI: Fonds Monétaire International

GEEC: Groupe d?Etudes Environnementales du Congo

GRASP: Partenariat pour la Survie des Grands Singes GTZ: Coopération Technique Allemande

ICCN: Institut Congolais pour la Conservation de la Nature

IDDRI: Institut du Développement Durable et des Relations Internationales IDD: Institut pour un Développement Durable

IDS: Institut du Développement Social

IIED: Institut International pour l?Environnement et le Développement

IITA: Institut International pour l?Agriculture Tropicale

IJZBC: Institut des Jardins Zoologiques et Botaniques du Congo

LWRP: Lukuru Wildlife Research Projet

MECNT: Ministère de l?Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme MPI: Max Planck Institue

OGM: Organismes Génétiquement Modifiés

OIBT: Organisation Internationale des Bois Tropicaux ONG: Organisation Non Gouvernementale

PNS: Parc National de la Salonga

PFBC: Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo

PNUD: Programme des Nations Unies pour le Développement

RAPAC: Réseau d?Aires Protégées d?Afrique Centrale

RDC: République Démocratique du Congo

REDD: Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la Dégradation

RFO: Réserve de faune à OkapiSADC: Communauté pour le Développement de l?Afrique Australe

SLS: Salonga-Lukenie-Sankuru

SNPAB: Stratégie Nationale et Plan d?Action de la Biodiversité SPIAF: Service Permanent d?Inventaire et d?Aménagement Forestier UE: Union Européenne

UICN: Union Internationale pour la Conservation de la Nature UNEP: Programme des Nations Unies pour l?Environnement

UNESCO: Organisation des Nations Unies pour la Science et l?Education UNF: United Nation Foundation

USAID: Agence des Etats Unis pour le Développement International WCMC: World Conservation Monitoring Centre

WCS: Wildlife Conservation Society

WFC: World Fish Center

WWF: World Wild Life Fund for Nature

ZSM: Zoological Society of Milwaukee

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Etat des lieux du Parc National de la Salonga 16

Tableau 2. Composition du territoire 17

Tableau 3. Résultats des enquêtes de vacance des terres 54

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Paysage-Salonga-Lukenie-Sankuru 13

Figure 2. Schéma du concept « Biodiversité » 29

Figure 3. Schéma du concept « développement durable » 31

Figure 4. Actions mises en oeuvre sur le terrain par opposition au niveau de la rhétorique conservationniste 45

Figure 5. Schéma actionnel 59

Figure 6. Niveaux d?accès aux forêts et aux ressources locales de Monkoto (10 villages) 64

Figure 7. Causes des changements dans l?usage des ressources halieutiques 72

Figure 8. Opinions des populations de pêcheurs à propos de leurs relations avec les gardes de

l?ICCN 74

Résumé

Ce travail comporte quatre chapitres. Le premier donne une introduction générale sur la faune et la flore de la République démocratique du Congo. Ce chapitre nous aide à mieux cerner notre champ d?étude, à bien définir les objectifs poursuivis, à situer notre problématique, et à formuler nos hypothèses de travail.

Le second chapitre présente le cadre théorique et conceptuel de notre étude. Pour ce faire, nous recourons à l?abondante littérature sur le foncier, l?environnement, la biodiversité et le développement, la conservation et gestion des ressources naturelles, touchant de près ou de loin à la gestion et l?exploitation des ressources du Parc National de la Salonga, dont halieutiques, afin de bien comprendre le sujet sous étude.

Le troisième chapitre brosse un historique du PNS face aux populations riveraines de Monkoto depuis le projet de sa création jusqu?à ce jour. En tant que deuxième parc de forêt au monde et source de conflits, celui-ci est une préoccupation ancienne. La domanialisation, l?expropriation et le déplacement forcé survenues dans les années 56, 57 et 58, et même après l?indépendance (1970), furent les modes d?acquisition de l?espace où est érigé l?actuel PNS. Face à ces modes d?acquisition, les réactions des indigènes ont été observées à travers leur refus d?être indemnisés ainsi qu?à l?opposition à la cession de leurs droits indigènes sur les terres qui étaient domanialisées. Il montre aussi les acteurs qui sont impliqués dans la gestion et l?utilisation des ressources halieutiques du PNS, d?où la construction d?un schéma actionnel pour montrer les logiques d?actions de ces acteurs ainsi que leurs interactions autour des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga.

Enfin, le dernier chapitre concerne l?analyse du conflit du parc entre protecteurs du parc et populations riveraines de Monkoto. Pour comprendre ce conflit, nous analysons les mécanismes traditionnels d?accès aux ressources locales, les stratégies utilisées par les acteurs institutionnels pour gérer le PNS, la situation socio-économique dans la région ainsi que les réactions des acteurs locaux de Monkoto face au PNS et ses partenaires.

Nous terminons par une conclusion générale qui se veut un rappel sélectif et critique de différents points de ce travail en même qu?une réflexion en découlant.

Abstract

«Actors and interactions around fishery resources in the Salonga National Park. The Luilaka river case in Monkoto territory (DRC)».

This study in four chapters gives, first, a general introduction to the DR Congo fauna and flora that helps to a better understanding of the topic. We define the objectives, put up the problems and formulate the hypothesis.

The second chapter presents the study theoretical and conceptual framework. To do so, we refers to the abundant literature available on land, environment, biodiversity and development, conservation and management of natural resources, affecting directly or indirectly the Salonga National Park management and exploitation, including fishery resources, in order to understand the topic.

The third chapter traces a historical review of the SNP project in link with the Monkoto local population since its inception to date. As the world second largest forest park and a source of conflicts, it can be viewed as recurrent problem. Domanialisation, expropriation and forced displacement occurred in 1956, 1957 and 1958, and even after independence (during 1970), were different means of acquiring space for the current SFN project. With these different types of acquisition, the natives reactions have been observed through their refusal to be compensated and opposition to the sale of their indigenous rights on land that was domanialized. It also shows actors involved in the SNP fishery resources management and utilization, with the construction of a action diagram to show these actors logic of actions and their interactions around the SNP fishery resources.

The final chapter gives an analysis of the conflict between protecting the park and the Park surrounding populations from Monkoto territory. To understand this conflict, we analyze the access to local resources traditional mechanisms, the strategies used by institutional actors to manage the PNS, the socio-economic development in the region and the reactions of local actors to address the PNS and Monkoto territory partners.

A general conclusion of this study is proposed as a selective and critical reminder of the different points and also as a way to think more deeply.

Chapitre 0 INTRODUCTION GENERALE

0.1. Contexte de l'étude

Située de part et d?autre de l?Equateur entre 5°20? de latitude nord et 13° 27? de latitude sud, étendue entre 4° 12? et 31° 00? de longitude est, la République Démocratique du Congo constitue un vaste territoire d?environ 2.345.000 km2 entouré par neuf pays: la République Centrafricaine, le Soudan, l?Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la République du Congo, l?Angola, la Zambie et la Tanzanie1.

Elle renferme une diversité exceptionnelle de milieux naturels et une grande variété d?espèces incluant une proportion élevée d?espèces endémiques. Plus de la moitié des forêts denses tropicales du continent africain (soit près de 135 millions d?hectares) se trouvent en RDC2, elles occupent plus de 52% de l?étendue nationale et jouent, en plus du rôle purement économique de la production de la matière ligneuse, plusieurs autres rôles notamment sur le plan écologique, culturel et social tout en fournissant d?autres biens et services dans le domaine de l?alimentation et de la santé3.

Par ailleurs, la RDC dispose d?une abondante quantité d?eau douce, représentant environ 52% de la réserve totale du continent4. La gestion de l?eau est assujettie aux lois n°73-021 du 20 juillet 1973 et n°74-009 du 10 juillet 1974, ainsi qu?au décret du 06 mai 1952 relatif aux concessions et à l?administration des eaux, lacs et cours d?eau.5

L?article 16 de l?ordonnance 73-021 telle que modifiée et complétée par la loi 80-008 du 18 juillet 19806 prévoit que le lit de tout lac et celui de tout cours d?eau navigable, flottable ou non, font partie du domaine public de l?Etat. Il en va de même de l?eau des cours d?eau et des lacs, mais aussi des eaux souterraines7. Les réserves pour la pêche sont immenses et le stock halieutique n?est pas vraiment connu. Cette méconnaissance du stock est couplée d?un système de pêche qui ne peut déterminer les quotas dont les pêches sont irrespectueuses des lois devenues elles-mêmes

1 RDC, MECNT (2009). Quatrième rapport national sur la mise en oeuvre de la convention sur la diversité biologique, Kinshasa

2 MALELE MBALA S. 2007 Intégrer les questions de genre dans le secteur forestier en Afrique, R D Congo, FAO

3 RDC, MECNT (2009), Op. Cit. p.16

4 RDC, Ministère de l?environnement, Conservation de la nature et Tourisme (2009), Etat des lieux de l?environnement: Eaux.[ http://www.mecnt.cd]

5 RDC, Ministère de l?Environnement, Op. Cit. [ http://www.mecnt.cd].

6 Loi n° 80-008 du 18 juillet 1980, modifiant et complétant la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés, Journal Officiel de la république du Zaïre, 22è année, n° 15 du 1er Août 1980, p3.

7 Voir l?article 18 de l?ordonnance n°73-021 du 20 juillet 1973, portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés. [ttp://www.leganet.cd/Legislation/Droitdebiens/Loi.73.02120.07.1973.htm].

obsolètes; en plus le service des eaux et forêts lui-même compte un personnel vieillissant, peu motivé et peu formé pour le suivi du stock halieutique, d?où l?exploitation non planifiée et extensive des ressources halieutiques.

La RDC ne dispose pas encore d?une loi spécifique ou d?un code de l?eau. Un projet intitulé << CODE DE L?EAU » est en cours d?approbation au niveau du Gouvernement8.

Le World Conservation Monitoring Centre, un organisme relevant du programme des Nations Unies, classe la RDC parmi les 17 pays au monde [Australie, Brésil, Chine, Colombie, RDC, Equateur, Inde, Indonésie, Madagascar, Malaisie, Mexique, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pérou, Philippines, Afrique du Sud, Etats-Unis, Venezuela] contenant une << méga-biodiversité »9.

Cette situation est liée à l?immensité du territoire (2.345 000 km2) et à la grande variété des milieux et des conditions physiques et climatiques qui y règnent. En effet, sa position géographique à cheval sur l?équateur entre les latitudes 5°20?Nord et 13°27?Sud et entre 4° 12? et 31° 00 de longitude Est10 lui confère une large zonation climatique (climat équatorial, climat tropical humide, climat tropical à saison sèche plus ou moins marquée, etc.) qui, alliée aux conditions variées de relief (allant de zéro mètre à l?embouchure du fleuve Congo à 5119 m au Mont Ruwenzori) et de sol, se traduit par une gamme largement diversifiée de biomes, d?écosystèmes et d?habitat11

En termes de diversité des espèces en Afrique, la RDC se place en tête pour plusieurs catégories taxonomiques: on estime à 482 espèces de mammifères, 1086 espèces d?oiseaux, 216 espèces de batraciens, 352 espèces de reptiles et 10 000 espèces d?angiospermes dont 3 000 seraient endémiques12.

La faune ichtyologique du pays compte une quarantaine de familles regroupant 1000 espèces,
dont environ 80% vivent dans le système fluvial et le reste dans les lacs de l?Est. Les taux

8 RDC. (2008) Conférence de Haut Niveau sur l?eau pour l?agriculture et l?énergie en Afrique: les défis du changement climatique, Rapport National d?Investissement, Syrte, Jamahiriya Arabe Libyenne, 15-17 décembre 2008.

9 JANN WILLIAMS et al. (2001) Etat de l'environnement 2001, rapport thématique sur la biodiversité, CSIRO, Australie.

10 RDC, MECNT (2009). Rapport intermédiaire sur la mise en oeuvre de la convention relative à la biodiversité en RDC, décembre 1997, p.7

11 RDC, Ministère des Affaires foncières, Environnement, Conservation de la nature, Péche et Foréts. Plans d?Action provinciaux de la Biodiversité, juin 1999. Voir à ce sujet:

http://bch-cbd.naturalsciences.be/congodr/cdr-fra/contribution/straction/plandaction/province, consulté le 17/02/2010.

12 RDC, Etat de la diversité biologique: Niveau de connaissance, utilisation, gestion et menaces, Monographie nationale de la RD Congo,

http://bch-cbd.naturalsciences.be/congodr/cdr-fra/contribution/monographie/intro.htm.

Consulté le 17/02/2010.

d?endémisme des espèces de poissons d?eau douce dans les lacs et cours d?eau du pays sont estimés à 70%13.

Ceci justifie pour les organismes de conservation l?existence d?un vaste réseau d?aires protégées (AP) à l?intérieur du pays, comprenant sept Parcs Nationaux et une soixantaine de domaines de chasse et réserves couvrant approximativement un peu plus de 11% du territoire national14 et incluant 5 sites au Patrimoine Mondial de l?UNESCO (Parc National des Virunga, Parc National de la Garamba, Parc National de Kahuzi-Biega, Parc National de la Salonga, et la Réserve de Faune à Okapi)15.

La gestion de la conservation des Aires Protégées (AP) est confiée à l?Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), qui a été crée en 1975 et dont la politique de base en la matière fut établie par l?ordonnance loi 69-041 du 22 août 1969 qui définit le statut des parcs nationaux et des réserves. Ce statut fut modifié par l?ordonnance n° 78-190 du 05 mai 1978 qui établit les statuts de l?ICCN16. Cette gestion a été jusqu?à présent, et en vertu des textes légaux, l?apanage exclusif des services étatiques.

Il sied de noter qu?aucun des textes relatifs à la faune et à la flore ne cite la nécessité de faire participer les autres acteurs sociaux, notamment les communautés et associations locales dans la gestion et la conservation des ressources fauniques ainsi que dans le partage des bénéfices qui en découlent, dont l?écotourisme.

Outre l?absence de participation des communautés riveraines dans la gestion, on constate que les aires protégées connaissent d?énormes difficultés liées à l?insuffisance des infrastructures (immobilières et de surveillance), des moyens humains et financiers, à la lourdeur de son administration, et à des faits de guerre pendant lesquels la quasi-totalité d?entre elles ont été visitées par les braconniers et les différents exploitants (miniers, agricoles et forestiers).

L?ICCN n?a vraiment pas réussi à mettre en application les plans d?actions de gestion et de conservation en rapport avec sa mission officielle. Dès lors les causes directes de non-application des plans d?actions sont: (i) l?exclusion de la gestion des aires protégées des populations locales déplacées avant ou après la création de celles-ci; (ii) la faible capacité de l?ICCN: à titre illustratif, il existe actuellement au PNS 187 personnes reconnues officiellement, comprenant 7

13 RDC, Etat de la diversité biologique, Op.cit

14 http://www.unops.org/SiteCollectionDocuments

15 ICCN (2009). Rapport Annuel 2008, Direction Générale, Institut Congolais de Conservation de la Nature, Kinshasa, RD Congo.

16 ICCN Rapport annuel 2008, Op.cit (2009)

conservateurs, 129 gardes matriculés à l?ICCN, 18 travailleurs, 20 gardes pris en charge par la ZSM et 13 gardes parmi le quota supplémentaire de prise en charge par le programme UNFUNESCO, mais sans statut légal17, (iii) beaucoup de gardes n?ont pas reçu de formation adéquate, ne possèdent pas de connaissances et n?ont pas les moyens pour protéger les parcs nationaux et réserves, (iv) les difficultés financières dès la fin des années 1980, aggravées par les troubles politiques de 1991 et 199318, qui l?affaiblirent considérablement jusqu?à perdre sa capacité à financer les salaires de ses agents et les frais opérationnels de gestion et de surveillance des aires protégées, (v) la rébellion dite << guerre de libération » de 1996 et le conflit sous-régional (1998) dont l?ampleur menaçait, non seulement de consacrer le démembrement du pays, mais aussi d?embraser toute la sous-région des grands lacs; ainsi les sites de l?ICCN ont été victimes d?occupation par certaines populations déplacées, d?exploitation illégale des ressources de la faune, ainsi que de perte et destruction du matériel des aires protégées et réserves19.

La fracture politique et la répartition territoriale qui suivirent les conflits armés eurent pour effet d?isoler de plus en plus la Direction Générale de l?ICCN du personnel de terrain en place dans les parcs et réserves, en l?occurrence ceux situés dans la partie Est et Nord du pays20.

Devant toutes ces difficultés, l?ICCN s?est récemment engagé dans la rédaction d?un Plan Stratégique d?Action 2005-2009, d?une Politique et Plan de recherche ainsi que d?une nouvelle Stratégie Nationale de Conservation en se basant sur la coopération avec les communautés locales et les autres partenaires pour le bien-être des populations congolaises et de toute l?humanité21.

Ce passage des responsabilités du national au local est plus développé dans le programme 14 de la Stratégie Nationale de conservation intitulé << Promotion de la conservation communautaire », et poursuit les trois objectifs spécifiques suivants: (i) obtenir du législateur que la conservation communautaire constitue un des mandats de l?ICCN, (ii) développer la stratégie de la conservation communautaire dans et/ou autour des aires protégées, (iii) impliquer effectivement les populations riveraines dans l?exécution de la stratégie de la conservation communautaire22.

17 UNESCO, Op cit, 2007

18 Cette période fut marquée par les pillages perpétrés par l?armée et la population en septembre 1991 et janvier 1993

19 Rapport Annuel 2008, Direction Générale, Institut Congolais de Conservation de la Nature

20 BENE et al. 2006. Rapport de l'étude des activités de peche sur les rivières bordant le parc national de la salonga en RD Congo et
recommandations sur la mise en place d'une gestion collaborative du parc par les communautés riveraines et l'ICCN
, Kinshasa-RDC

21 ICCN (2005) Stratégie Nationale de Conservation de la biodiversité dans les Aires Protégées de la RDC

22 ICCN, 2005. Op. Cit.

0.2. Cadre de l'étude

Actuellement, plusieurs programmes se focalisent sur la gestion et la conservation des ressources naturelles en Afrique.

L?Agence américaine pour le Développement International (USAID) à travers son Programme de l?Afrique Centrale pour l?Environnement (CARPE) a pour objectif stratégique de réduire le taux de dégradation de la forêt et la perte de la biodiversité par le renforcement des capacités des acteurs en termes de gestion des ressources naturelles au niveau local, national et régional23.

L?Union Européenne dans son programme « renforcement des capacités de gestion de l?ICCN et appui à la réhabilitation d?aires protégées en RDC » (ZR 4/1 d?UE-9 ACP), soutient l?ICCN à travailler avec les communautés locales situées sur la périphérie du parc national de la Salonga, dans le cadre de l?utilisation durable de leurs ressources naturelles.

Le Partenariat des Forêts du Bassin du Congo (PFBC) a pour but de fournir aux populations des moyens de survie durables par des concessions forestières bien gérées, par une agriculture durable..., en identifiant les opportunités de partenariat entre les efforts de conservation et les besoins en gagne-pain de la communauté24.

Le World Fish Center (WFC), au travers de son portefeuille « Afrique de l?ouest et centrale », soutient les actions tendant à améliorer les conditions de vie, à réduire la pauvreté et à améliorer la sécurité alimentaire des populations rurales par le biais du développement des pêches artisanales.

Tous ces programmes soulignent toujours l?importance d?associer les communautés locales dans toute action visant une gestion durable des ressources naturelles.

Si ailleurs comme au Cameroun, Gabon, Congo-Brazza, etc. ces programmes ont un impact visible sur le terrain, en RDC en général et dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru en particulier, leurs actions ne sont pas visibles aux yeux des populations locales qui sont misérables et enclavées. Ces dernières pensent que ces bonnes intentions sont loin d?être transformées en actions pour leur intérêt et que c?est plutôt le PNS qui est au centre de l?intérêt commun des tous ces programmes.

23 CARPE, (2003) phase II : http://carpe.umd.ed/how-carpe-works/historique, consulté le 12/12/2009.

24 http://www.cbfp.org/acceuil.html. Consulté le 12/12/2009

Mais quelques actions du CARPE25 telles que le financement des études socio-économiques et biologiques de base, ainsi que le programme de petites subventions, exécutées par le WWF dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, méritent d?être citées26.

En effet il est de plus en plus admis qu?une gestion durable des ressources naturelles puisse constituer la base d?un développement des communautés sous condition qu?elle soit fondée sur une approche participative et que le développement prenne en considération à la fois les aspects économiques, environnementaux, sociaux, politiques et institutionnels27.

La meilleure façon de gérer les ressources naturelles consiste à impliquer dans cette gestion les populations locales vivant autour de ces ressources, ce qui pourra garantir le respect des mesures de protection des paysages.

Bien que traditionnellement la création des parcs nationaux ait eu pour but la protection de l?une ou l?autre espèce faunique rare, la RDC doit aujourd?hui faire face à un double défi: d?une part satisfaire les besoins de l?homme par rapport à son milieu naturel et d?autre part maintenir la diversité et la richesse biologique du territoire28.

L?histoire de la gestion des parcs nationaux au Congo remonte à la création en 1925 du premier parc national, le Parc National Albert, aujourd?hui Parc National des Virunga. A ce premier parc sont venus s?ajouter les Parcs Nationaux de la Garamba et de l?Upemba, créés successivement par décret royal en 1938 et 1939.

Cependant, la notion même de conservation de la nature prendra de l?ampleur au Congo dès 1970 avec la création simultanée de quatre nouveaux parcs nationaux : la Salonga, la Maïko, le Kahuzi-Biega et les Kundelungu, et par la mise sur pied à la même époque des structures organiques et juridiques appelées à gérer ces réserves naturelles. Depuis les années 70, existent toujours des conflits d?intérêts qui opposent souvent l?organisation protectrice de la nature et les populations vivant aux alentours des parcs nationaux29.

25 Il s?agit de l?appui de l?agence américaine pour le Développement International (USAID) à travers CARPE selon les termes de l?accord n° 623-00-03_00064-00 du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (CBFP)

26 En 2006, neuf ONG locales du territoire de Monkoto furent sélectionnées et financées dans le cadre du programme des petites subventions, mais aucun programme de suivi ni d?évaluation n?a été fait après ce financement.

27 ELLOUMI M. et al. (2006) << Développement local, institutions et gestion des ressources naturelles : Le cas de la communauté d?Ouled H?lel dans la délégation de Aïn Draham »., Options Méditerranéennes, Sér. A/n° 71, p68

28 LANDU N. Populations et forêts: comment concilier les besoins locaux, régionaux et nationaux. Séminaire FORAFRI, Libreville, Gabon

29 CTB, RDC (2007) << Nos forêts, notre avenir ». Magazine de la Coopération Belge en RD Congo, numéro thématique sur les forêts du Congo, 1er juin 2007, p.9

0.2.1. Problématique

En RDC, les parcs nationaux ont été crées sans aucune forme de consultation des communautés indigènes vivant déjà de leurs ressources. Elles en ont été seulement expulsées et sont aujourd?hui les "populations riveraines"30.

Le Parc National de la Salonga (PNS) est perçu par les populations périphériques comme une entrave à la subsistance et aux activités économiques des villages déplacés lors de la création du parc et ceux ayant leurs forêts et leurs eaux (étangs) dans les limites de celui-ci.

Ce déplacement de populations pose de multiples problèmes d?identité culturelle, de recomposition familiale, d?abri, de ressources ainsi que d?autonomie économique et de perte de tout un patrimoine hérité de leurs ancêtres et qu?elles doivent transmettre aux générations à venir.

L?interdiction d?accès à leurs anciennes terres a été reliée à la baisse de la disponibilité du gibier et des poissons car les villages ont été forcés à concentrer leurs activités dans un secteur plus réduit, partagé entre plusieurs populations déplacées31.

Ces populations sont aujourd?hui face à une marginalisation socio-économique de plus en plus importante et une pauvreté chronique déjà très marquée. Elles ont un fort ressentiment de spoliation et de rancoeur à l?égard du parc et de ceux qui sont perçus comme ses protecteurs (agents de l?ICCN)32.

Les limites du parc n?ont jamais été matérialisées et sont sources permanentes de mésententes et de tensions avec les populations locales.

Ces tensions sont souvent exacerbées par un comportement inapproprié de la part des gardes du parc, qui sont accusés « d?arrestations arbitraires », d?extorsions, de vol, voire de viols33.

De plus, la non-résolution du problème de personnes résidant dans le parc a fait que la gestion du
PNS se caractérise depuis longtemps par une série d? « arrangements » qui sont en contradiction

30 VIKANZA K. P, (2004) Population, gestion des ressources naturelles et développement dans la région du Nord-Kivu. Cas du parc des Virunga en territoires de Beni et Lubero (RDC),mémoire de DEA, UCL, Louvain-la-Neuve, p2

31 COLOM, ALEJANDRA. (2006). Aspects socio-économiques de l?utilisation et de la gestion des ressources naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru: un guide pour la conservation et l?amélioration des conditions de vie. Rapport non publié préparé par WWF-République Démocratique du Congo p.12.

32 BÉNÉ C., GORDON, A., KAMBALA LUADIA, B. et SAMAFU-SAMENE, A. (2006). Etude des activités de pêche sur les rivières bordant le Parc National de la Salonga, RDC et Recommandations sur la mise en place d'une gestion collaborative du Parc par les communautés riveraines et l'ICCN, Kinshasa-RDC

33 WCS, 2004. Proposition pour la mise en place d'un programme de conservation communautaire en faveur du Parc national de la Salonga. Etude socio-économique détaillée-document de synthèse, Wildelife Concervation Socity, Kinshasa DRC, 79p.

avec son statut de Parc National34, et crée de l?hostilité envers l?ICCN de la part des communautés riveraines qui ont accepté de quitter le parc lors de sa création.

Le conflit entre l?organisation protectrice du PNS et les communautés locales date de 1970, lors de la création même du parc. Les populations autochtones ont été déplacées massivement de leur milieu habituel (l?actuel site du parc), laissant derrière elles terres, maisons, forêts, champs, rivières et étangs, pour être concentrées dans les nouvelles terres qui forment aujourd?hui les limites au parc.

Ce déplacement forcé, sans consentement des populations ni mesures d?encadrement, n?a pas été digéré par les populations victimes; elles réclament toujours leur patrimoine. Cette expropriation de leurs espaces de survie est aussi en violation avec la loi foncière qui impose la procédure d?enquêtes préalables, et celle sur l?expropriation pour cause d?utilité publique qui prévoit l?indemnisation préalable et équitable.

Pour ce qui est des populations locales de Monkoto sous étude, exclues de la gestion du parc, elles continuent à revendiquer un droit d?autorité sur leurs anciennes terres et ressources et à collecter les fruits et autres produits dans leurs anciens champs35.

En plus de ces revendications, les politiques floues de l?ICCN ont créé de véritables confusions, dans la mesure où certaines coopératives et certains individus ont obtenu l?autorisation de pêcher dans le parc en payant des taxes36 .

Depuis novembre 2009, la taxe de pêche a été annulée de manière brusque et il y a eu libéralisation de la pêche sur les deux rives de la rivière Luilaka pour toute la population confondue (migrante et locale), par contre la pêche n?est plus autorisée sur les plans d?eaux (rivières, étangs) à l?intérieur du parc et cette prohibition concerne toutes les populations riveraines de Monkoto y compris les six groupements de l?ex-coopérative de Bongonda, signataires du protocole d?accord. Ce qui favorise en plus un climat de mésentente et de confusion à Monkoto.

34 Par exemple un des premiers conservateurs du bloc sud dans les années 70 aurait autorisé les Iyaelimas résidents dans le PNS à pratiquer leurs activités de chasse dans la partie du parc au sud de l?ancienne piste Anga-Moundja (le long de laquelle les villages des Iyealima sont installés. Cet accord officieux est aujourd?hui considéré comme un acquis.

35 BENE et al, Op cit 2006

36 Il s?agit ici du protocole d?accord signé entre la Direction Générale de l?ICCN et les membres de la Coopérative de Bonganda à Monkoto, en 1990, dans lequel ICCN accordait aux membres de la coopérative et leurs familles l?accès aux eaux du parc pour y pécher, et ces derniers offraient gratuitement leurs bâtiments en location à l?ICCN. En plus, tout individu qu?il soit migrant ou local, pouvait pécher dans le parc moyennant paiement d?une taxe.

Cette façon d?agir des autorités de l?ICCN, en faveur de la protection du parc et la gestion des ressources halieutiques au détriment des populations riveraines qui en dépendent, suscitent à nos yeux une attention particulière et un questionnement: par rapport à qui cette gestion des ressources halieutiques est-elle faite? La protection du patrimoine naturel qui ne prend pas en compte le vécu des communautés locales, peut-elle engendrer le développement durable? Pourquoi l?ICCN, vingt ans après, prohibe t-il la pêche dans les eaux du parc? Pourquoi l?autorise t-il sur les deux rives de la Luilaka?

Les réponses immédiates peuvent être que l?ICCN est désormais capable de prendre ses responsabilités en main, c'est-à-dire qu? il a tous les moyens (financiers, matériels et humains ) capables de lui permettre de surveiller l?entièreté du PNS et de ne plus faire de compromis avec les populations riveraines en matière de l?exploitation des ressources halieutiques.

Et si cela est vrai, quelles stratégies pourra t-il utiliser pour garder ce parc hors de toute activité humaine?, et que dit-il du protocole d?accord signé avec les travailleurs de l?ex-coopérative de Bongonda?

Face à toutes ces mesures, les populations locales se sentent lésées, et pour leur survie, elles doivent développer les stratégies pour faire face aux mesures de l?ICCN étant donné qu?elles ont tissé des liens durables avec ces ressources halieutiques bien avant la création du parc.

Les capacités institutionnelles actuelles de l?ICCN sont telles que l?on dénombre 180 gardes en charge de la gestion et de la protection du PNS, pour une surface de 36000 km2 (un territoire plus grand que la Belgique), ce qui signifie 1 garde en fonction pour 200 km2 de forêt tropicale. Ces chiffres montrent clairement que l?ICCN est loin de prendre ses responsabilités en main et de surveiller à suffisance toute l?étendue du parc.

Les acteurs qui interviennent dans la gestion de ce parc se trouvent face à un double défi de la gestion des ressources naturelles dont halieutiques et de leur exploitation par des populations riveraines pour leur subsistance et leur survie.

0.2.2. Questions de recherche

Dans le souci d?identifier et d?analyser les stratégies d?acteurs dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du PNS, la question fondamentale de recherche est la suivante : Quel type de gestion des ressources halieutiques peut-on promouvoir pour satisfaire les acteurs impliqués dans la gestion et l'exploitation des ressources halieutiques du PNS?

Celle-ci sera appréhendée par l?analyse des acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ces ressources halieutiques et décortiquée par la suite en cinq sous-questions, auxquelles le présent travail se propose d?apporter quelques éléments de réponse, à savoir :

- Qui sont les acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du PNS?

- Quelles sont les stratégies utilisées par l?ICCN et ses partenaires pour la gestion des ressources halieutiques du parc national de la Salonga?

- Quelles sont celles utilisées par les populations riveraines de Monkoto pour l?exploitation des ces mêmes ressources?

- La logique qui les sous-tend est-elle favorable ou préjudiciable à la gestion des ressources naturelles?

- Enfin, quelle est la nature des relations entre ces acteurs de gestion et d?exploitation des ressources halieutiques du PNS?

0.2.3. Objectifs de l'étude

0.2.3.1. Objectif général

L?objectif général est de trouver un consensus sur le type de gestion des ressources halieutiques capable de satisfaire tous les acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation de ces ressources.

0.2.3.2. Objectifs spécifiques

Deux objectifs seront atteints au terme de cette étude:

(i) Identifier l?ensemble d?acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga,

(ii) Déterminer les rôles de ces acteurs, leurs interventions (stratégies) et leurs relations dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques.

Ce travail voudrait arriver non seulement à la proposition d?un type de gestion satisfaisant des
ressources halieutiques du PNS, mais aussi à la prévention des conflits qui peuvent subvenir en

l?absence d?une telle gestion, à la connaissance des problèmes entravant la bonne gestion et la bonne exploitation des ressources halieutiques du PNS.

0.2.4. Hypothèses de l'étude

(1) L?hypothèse générale de cette étude considère que le déplacement forcé des populations riveraines du territoire de Monkoto, en vue de la création du parc, est à la base des conflits entre ces populations et les institutions officielles de gestion du parc. A celle-ci s?ajoutent deux autres secondaires :

(2) La non-implication des populations déplacées dans la gestion des ressources naturelles du parc accentue la méfiance en des institutions officielles par les populations locales. En effet, l?exclusion de ces populations de la gestion du parc donne lieu à des pratiques populaires traduisant leur réappropriation des ressources halieutiques du parc, ainsi que leur non-reconnaissance de l?autorité de l?ICCN sur la gestion du parc.

(3) La méconnaissance ou l?ignorance des limites naturelles exactes du parc par les acteurs, qu?ils soient institutionnels ou locaux, est source de conflits et de mauvaises relations entre ces acteurs. L?on constate pour le moins qu?une interprétation différente des limites du parc amène à la confrontation de deux logiques divergentes: d?une part une logique formelle de non-exploitation, et l?autre informelle, de l?exploitation des ressources, produite par les pratiques populaires.

0.3. Milieu d'étude

La présente étude s?intéresse à la situation actuelle dans le parc national de la Salonga entre les populations riveraines de la localité de Monkoto, dans le territoire de Monkoto37 et l?Institut Congolais de Conservation de la Nature autour des ressources halieutiques du parc, sur la rivière Luilaka bordant la limite nord du bloc Sud du parc dans le territoire de Monkoto (cfr. figure 1)

0.3.1. Parc National de la Salonga (PNS)

Crée par l?ordonnance n° 70-318 du 30 novembre 1970 en vue d?assurer la protection des espèces
endémiques, ainsi que des populations des grands mammifères qui y vivent, le Parc National de la

37 Monkoto est à la fois territoire et localité. Les populations concernées par cette étude, sont celles de la localité et non du territoire.

Salonga est situé au coeur de la cuvette centrale du Congo, entre 1°00? et 3°30? de latitude Sud et 2°00? et 23°00? de longitude Est38.

0.3.1.1 Données biophysiques

D?une superficie de 36 560 km2, le PNS est la plus grande étendue de forêt dense humide protégée d?Afrique et la seconde au monde après le parc de Tummucamaque au Brésil. Le parc est divisé en deux grands blocs (blocs Nord et Sud), séparés par un couloir d?environ 50km de large où ont été relocalisées une partie des populations déplacées lors de la création du parc 39(cfr. figure1).

Il s?étend sur les provinces de l?Equateur, du Bandundu et de deux Kasaï, oriental et occidental ; comprend six secteurs de surveillance dont les plus anciens sont les secteurs Nord et Sud avec respectivement Monkoto et Anga comme stations-mères. Il est très isolé et accessible principalement par voie d?eau ou par avion40.

Le parc est situé dans un vaste bassin de sédimentation, entaillé par un réseau hydrographique relativement dense. L?ouest du parc se présente sous forme d?un plateau à très faible relief, aux rivières larges, sinueuses et aux rives marécageuses. Le parc est traversé par plusieurs grandes rivières (Lomela, Salonga, Yenge, Loile, Luilaka, Losoy, Lokolo, Lokoro, Luila) s?écoulant pour la plupart du sud-est au nord-ouest. A l?est, par contre, le relief se relève sensiblement et les vallées y sont encaissées41.

38 ICCN: Statut juridique du Parc National de la Salonga, http://www.iccn.cd/index.php?option=comcontent&task=view&id=79 Consulté le 10/02/2010 à 11 h.

39 UNESCO 2007. Etat de la Conservation des Sites de Patrimoine Mondial: Parc National de la Salonga, RDC. Rapport de mission, 27 février-10 mars 2007

40 Rapport du Comité de Coordination du Site (CoCoSi) sur le Paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, 2006

41 D?HUART, J.-P.1988. Parc National de la Salonga (Equateur, Zaïre): Conservation et Gestion, Développement des Collectivités locales. Rapport to IUCN, Gland, Switzerland, 64p.

Figure 1. Paysage-Salonga-Lukenie-Sankuru

Source : GIS-WWF RDC

C?est l?habitat de plusieurs espèces endémiques menacées, comme le chimpanzé nain (Pan Paniscus), le paon congolais (Afropavo Congensis), l?éléphant de forêt (Loxodonta africana cyclotis), le glavial africain ou « faux crocodile »42.

Sa faune halieutique est, de plus, abondante mais l?on se rend compte par la littérature existante que les poissons du PNS sont, jusqu?à ce jour, mal connus du monde des scientifiques. A l?heure actuelle, on ne dispose que de très peu des données qui sont d?ailleurs fragmentaires, issues de quelques études menées sur l?inventaire systématique des poissons sur quelques rivières environnantes du PNS.

Il s?agit notamment des inventaires de 2001 et 2003 sur les rivières Salonga et Yenge, publiés par
Inongwabini en 2005 où 56 espèces furent identifiées43 et celui sur la biodiversité aquatique des

42 UNESCO. (2003) Brèves descriptions des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, Centre du patrimoine mondial de l?UNESCO, Paris, France, p54

43 INONGWABINI, B.I. (2005). Fish of the Salonga National Park, Democratic Republic of Congo: survey and conservation issues. Oryx Vol 39 N°1, 78-81

rivières limitrophes du Parc National de la Salonga qui a été effectué en 2006 par The American Museum of Natural History (AMNH) de New York City aux USA pour le compte de WWF/RDC, où 129 espèces de poissons ont été identifiés dans les rivières Luilaka, Salonga et Yenge44.

0.3.1.2 Contexte Socio-économique

La densité des populations humaines est relativement faible dans le paysage du site45, estimée à 2,4 hab/km2, avec des concentrations localisées dans les villes d?Oshwe, Dékésé et entre les deux blocs du parc (surtout au nord de Monkoto). Ces densités sont fortement influencées par la présence du parc national qui couvre 35% du paysage.

Deux groupes d?individus résident entièrement ou partiellement dans les limites du parc. Il s?agit respectivement des Kitawalistes46 formant un village d?environ 3000 à 4000 personnes. Ne reconnaissant pas l?existence du parc, ils y pratiquent chasse et agriculture; leur présence en cette partie nord-est du bloc sud, remonte au début des années 70, et les Iyaelima (appartenant à l?ethnie Mongo), occupant 8 villages le long de l?axe Anga-Mundja dans le bloc sud du parc. Installés dans la région depuis le XIX è siècle ils ont refusé de quitter le parc lors de sa création47.

Les liens avec les terres ancestrales et la reconnaissance des droits traditionnels sur les forêts sont très présents chez les populations vivant autour du parc.

0.3.1.3. Structures et capacités de gestion du PNS

Les infrastructures sont très sommaires. La majorité des maisons est en pisé, et dans le cas de la station de Monkoto, elles n?appartiennent pas à l?ICCN. Rappelons que ces infrastructures de Monkoto, les seules en matériau dur et appartenant autrefois à la société agricole de Bongonda, sont occupées par l?ICCN en « échange » de l?accès aux ressources halieutiques du parc.

Le PNS est resté dans l?oubli pendant très longtemps. Historiquement le PNS n?a reçu que très
peu de soutien en faveur de son développement depuis sa création, contrairement aux sites du
patrimoine mondial de l?est du pays. Les deux guerres qu?a connues la RDC ont menacé la faune

44 MONSEMBULA IYABA, J-C. R. (2007) Inventaire et exploitation ilicite de l'Ichtyofaune des rivières du Parc national de la Salonga. Mémoire de DEA en Biologie, Université de Kinshasa, p.15

45 http://carpe.umd.edu/resources/Documents/SalongaSOF2006fr.pdf Consulté le 23/03/2010

46 C?est une secte dérivée des Témoins de Jéhovah Américains (Watch-Over, « La Tour de garde »). Je recommande de voir le site http://universalis.fr/encyclopedie/kitawala/

47 UNESCO. Etat de la Conservation des Sites de Patrimoine Mondial, Op cit, 2007

de ce parc et perturbé certains programmes de recherche et de conservation qui y avaient été institués48.

Ce n?est qu?au début des années 2000 que les appuis extérieurs ont commencé à se mettre progressivement en place, avec les partenaires tels que World Wide life Fund for Nature (WWF), Wildelife Conservation Society(WCS), Zoological Society of Milwaukee (ZSM), Max Planck Institue (MPI) et Lukuru Wildelife Research Projet (LWRP).

Plusieurs études essentielles en collaboration avec l?ICCN ont été menées dans le PNS49: l?inventaire de grands mammifères(ZSM), études socio-économiques (WCS 2004, WWF 2005), l?analyse de capacités de gestion de l?ICCN (Ilambo 2005); l?étude de pêche (WFC 2006), l?étude des filières des Produits Forestiers Non-Ligneux et agricoles (PACT 2006), et une enquête sur le commerce de viande de brousse (WWF 2007). Le parc n?ayant pas encore bénéficié d?études scientifiques poussées, la connaissance de sa biodiversité demeure incomplète.

Photo1. Parcours de la rivière Luilaka (juillet 2006)

48 Ici nous faisons allusion au Plan d?action régional pour l?Afrique Centrale (PARAC) de l?UICN dont découla la conception du programme ECOFAC. La composante Zaïroise de ce programme était concentrée sur le parc national de la salonga avec comme spécificité «la conservation et la gestion d?un parc forestier par le renforcement des infrastructures régionales, la mise en place d?une station de recherche et le démarrage en périphérie de petites initiatives de développement». A cause des événements politiques de 1991 et 1993, ce programme n?avait pas démarré.

49 DRAULENS , D et VAN KRUNLESVEN, 2002. The impact of war on forest areas in the Democratic republic of Congo. Oryx 36 (1): 35-40. IUCN/WWF (1985). Rapport d?une Mission au Zaïre et Rwanda. IUCN/WWF, Gland, Switzerland.

Tableau 1. Etat des lieux du Parc National de la Salonga

Pression/Menaces

Conséquences

Efforts déployés

Résultats obtenus

Défis à relever

Contraintes

1. Occupation du parc par les populations riveraines (Yaelima au Sud et Kitawalistes au Nord).

- Destruction de l?habitat. - Réduction de la faune

- Conflits entre parc et populations riveraines de Yaelima et Kitawaliste.

-Lobbying / sensibilisation et négociation avec les autorités politico

- administratives, militaires au cours de la tripartite Bandundu-Equateur-K.-O.

- Pas de résultat.

- Obtenir l?évacuation pacifique des populations Yaelima et Kitawaliste du parc.

- Non-implication du Gouvernement.

2. Contestation des limites du parc en certains

endroits.

- Conflits entre parc et populations.

- Education et

sensibilisation environnementale

- initiation du processus de
la délimitation participative

- la matérialisation participative de 24km de la limite ALA-LONKINA.

- Accroissement de

l?accessibilité de l?axe Wafanya-Boleko.

- Constitution des comités de consultation locale.

- continuer la délimitation

participative pour toutes les limites du parc.

- Implication insuffisante des autorités politico-administratives et coutumières.

- Intoxication politique de la population contre le parc.

3. Braconnage commercial intensif soutenu ou actionné par les militaires, déserteurs et chasseurs professionnels.

- Diminution considérable de la faune.

- Continuation de la restauration progressive de

la surveillance grâce à l?appui WWF (achat

pirogues motorisées, ration brousse et carburant et prime de performance).

-augmentation de couverture de degré de patrouille.

- Limitation du braconnage à certaines zones du parc - maintien de la faune sous contrôle.

- Contenir le braconnage dans des proportions acceptables.

- Mettre sur pied un réseau efficient

d?information.

- Formation insuffisante, insuffisance et vieillissement du personnel de surveillance. -Insuffisance d?équipement de brousse, des matériels roulants et d?ordonnancement.

4. Pêche illicite dans le parc.

- Exacerbation des conflits entre parc et populations. - diminution de la faune ichtyologique.

- augmentation de degré de couverture grâce aux pirogues motorisées - sensibilisation de l?autorité provinciale et de la population locale sur

l?utilisation durable des ressources naturelles.

- Attitude positive de la population pour la recherche d?une solution concertée relative à la pêche.

- Instaurer un système concerté de gestion durable de la pêche.

- Implication insuffisante des autorités politico-administratives et coutumières.

- Intoxication politique de la population contre le parc.

 

Source: Rapport Annuel de l?ICCN, 2009

0.3.2. Territoire de Monkoto

0.3.2.1. Contexte actuel: Démographie et organisation sociale

D?une superficie de 36 385 km2, le territoire de Monkoto est situé dans la province de l?Equateur, district de la Tshuapa entre 01° 37? Sud et 20° 39? Est. Sa population était estimée en 2004 à 99 585 habitants contre 47 466 habitants en 199450. Il est divisé en trois secteurs et constitué de groupes d?origines ethnique diverses, surtout des Mongo (majoritaires), des Mbole, des Iyongo, mais aussi des Mpenge et des Nkase Kungu qui se sont fondus progressivement dans un même moule linguistique et culturel Mongo.

L?histoire du peuplement de la zone située entre les rivières Loile et Luilaka, n?est pas antérieur au 19è siècle. De quatre groupes Mongo qui sont arrivés les premiers dans ce secteur, deux groupes sont partis en raison de conflits internes et se sont installés vers le Nord, dans le territoire de Boende; les deux derniers sont devenus les groupements actuels d?Etete et de Mpenge, et ont permis aux groupes qui sont arrivés plus tard de rester dans ce secteur à cause de leurs racines communes51.

Tableau 2. Composition du territoire

Secteur

Nombre de
groupements

Nombre de
villages

Bianga

5

63

Monkoto

18

109

Nongo

5

67

Source: RDC, Ministère du Plan

50 RDC, Ministère du plan (2005) Monographie de la province de l?Equateur, Kinshasa-RDC.

51 COLOM, AlEJANDRA. (2006). Aspects socio-économiques de l'utilisation et de la gestion des ressources naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru: un guide pour la conservation et l'amélioration des conditions de vie. Rapport non publié préparé par WWFRépublique Démocratique du Congo, p.136

Comme ailleurs dans le paysage, le transport par voie terrestre est devenu difficile, les routes de la période coloniale n?étant plus praticables, et les rivières sont les seules alternatives viables pour l?évacuation des produits et les déplacements vers d?autres milieux. Cependant, le secteur semble être moins isolé que d?autres. Le nombre plus élevé de ménages engagés dans le commerce ainsi qu?une participation plus élevée des ménages, par rapport au reste du paysage, dans les groupes communautaires (ONG, Associations des pêcheurs, agriculteurs, Coopératives), ~ peut être lié à un plus grand mouvement d?informations et d?acteurs externes voyageant à destination et en partance de ce secteur.

Les autorités locales se composent d?un chef de groupement, autorité traditionnelle reconnue localement et responsable de différents villages reliés par des liens de clan, du chef de localité, le représentant du gouvernement congolais au niveau du village ainsi que du chef de terre et anciens du village (notables), identifiés localement mais non considérés comme faisant partie de la hiérarchie administrative de l?Etat.

Les autorités traditionnelles comme le chef de groupement et le chef de terre exercent une influence significative sur l?utilisation des forêts locales par les populations locales et voisines ; cependant, elles ont peu de contrôle sur l?utilisation des ressources locales par des étrangers.

Le pouvoir traditionnel est transmis par la ligne paternelle, mais pas nécessairement du père au fils le plus ~gé. L?habitation est patrifocale, avec la plupart des femmes s?installant dans le village de leur mari et utilisant leur terre.

0.3.2.2. Conditions de vie et d?existence des populations riveraines de Monkoto

Il y a un paradoxe criant entre l?abondance des ressources et l?état d?extrême pauvreté dans lequel vit la majorité de la population riveraine de Monkoto. La pauvreté dans laquelle cette population vit, fait qu?elle s?accroche encore à des pratiques rudimentaires de production avec faible productivité, la maintenant ainsi dans un état perpétuel de paupérisation.

Ce paupérisme a pour causes immédiates la redistribution inéquitable des bénéfices d?exploitation des ressources et les faibles moyens et capacités de production au niveau local. Les causes sousjacentes sont la non-implication des communautés locales dans le processus de planification, le faible niveau d?instruction, le recours aux procédés traditionnels de production, le manque de transfert de technologie et la faible productivité d?intrants.

Dans le même ordre d?idées, Raoul Monsembula affirme que les problèmes d?exploitation des ressources halieutiques dans cette zone sont liés « à l'utilisation des intrants de péche non réglementés, à

l'usage massif des ichtyo toxiques (plantes et produits chimiques), aux pratiques de pêche irresponsables (feux de brousse de rives, pièges, vidange des frayères, ...), et au non respect du calendrier de péche »52.

0.4. Méthodologie et approches d'étude

0.4.1. Approches d'étude

Nous allons adopter une approche interdisciplinaire pour pouvoir comprendre les logiques d?acteurs vu la complexité du sujet sous étude. Cette approche permet de mieux comprendre le contexte d?ensemble du processus de négociation à l?oeuvre et d?identifier les dynamiques sociales et locales qui sous-tendent les logiques d?action des principaux acteurs qui interviennent dans la gestion et l?utilisation des ressources halieutiques du PNS. Pour ce faire, le recours à l?approche historique nous permettra d?étudier les relations qu?il y a eu entre le PNS et les populations qui ont été déplacées avant ou pendant la création de celui-ci. Cette observation des relations dans le passé permettrait d?expliquer la situation qui se vit actuellement dans les villages périphériques du PNS.

Nous allons aussi utiliser l?approche socio-économique pour comprendre la situation générale des populations riveraines du PNS ainsi que leurs activités génératrices de revenus pour la survie de leurs ménages pour lesquels la pêche semble avoir un impact significatif53.

Enfin, le recours à une approche du développement durable centrée sur les acteurs est d?une importance capitale pour permettre de comprendre les stratégies et les logiques d?action mises en place par les acteurs intervenant dans l?utilisation et la gestion des ressources halieutiques du PNS afin d?expliquer les interactions entre ces acteurs.

0.4.2. Démarche méthodologique

La présente étude se base sur le vécu des populations riveraines du Parc National de la Salonga. A partir d?une analyse des logiques des acteurs, nous essaierons d?expliquer cette réalité pour mieux comprendre les rapports de force dans le conflit qui sévit actuellement entre les populations de Monkoto et les gestionnaires du PNS.

52MONSEMBULA, IYABA J C R. (2007) Op.Cit p. 53 BENE C. et al Op. cit 2006

Pour sa réalisation, nous ferons recours

- A la recherche documentaire orientée vers les ouvrages, publications, et activités scientifiques ayant trait au sujet sous étude;

- Ensuite, nous nous référerons aux rapports de terrain des études menées respectivement en 2005 et 2006: « Aspects socio-économiques de l?utilisation et de la gestion des ressources naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru : Un guide pour la conservation et l?amélioration des conditions de vie )) et « Etude des activités de pêche sur les rivières bordant le Parc National de la Salonga, RDC et Recommandations sur la mise en place d?une gestion collaborative du parc par les communautés riveraines et l?ICCN.)), pour le compte du Bureau national du World Wide Fund for Nature en RDC (WWF); études auxquelles nous avions participé dans la supervision de collecte des données sans savoir qu?un jour on aurait pensé à aborder un sujet comme celui-ci;

- Enfin, aux informations fraîches issues de nos contacts avec les responsables locaux de l?ICCN, les autorités administratives locales ainsi que la population de Monkoto.

Chapitre 1 CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL

Le présent chapitre présente les concepts retenus lors de la lecture de la littérature sur le foncier, la biodiversité, la gestion et la conservation des ressources naturelles. Au travers de ces concepts, l?on peut comprendre et expliquer la situation des populations riveraines du territoire de Monkoto vis-à-vis des ressources halieutiques du parc national de la Salonga, en RDC.

Comme on le sait, on rencontre une multitude de définitions autour d?un phénomène donné, chacune d?elles privilégiant, soit un aspect, soit un élément de l?ensemble d?une situation donnée, la bonne définition restant toutefois celle qui est conforme à la nature de la réalité étudiée et qui ne convient qu?à elle seule54.

En ce qui me concerne, les notions suivantes: gestion foncière, biodiversité et développement durable, protection de l?environnement, gestion et conservation des ressources naturelles, développement local et pratiques populaires, ont davantage attiré mon attention et constituent un support théorique et conceptuel à la compréhension du sujet sous étude.

1.1. Aperçu historique du foncier congolais

La terre constitue un bien que l?on ne peut déplacer ni faire disparaître. Elle porte en son sein des ressources exploitées par les hommes, résultant de leur travail ou disponibles à l?état naturel. De ce fait, la relation de l?homme au foncier est avant tout un rapport entre les hommes, entre passé et présent, fait de négociations, d?accords et parfois de conflits.

En Afrique, les conflits fonciers sont multiples entre les populations d?éleveurs et d?agriculteurs, entre les populations autochtones et allogènes, souvent entre l?Etat et les chefs coutumiers, parfois avec des répercussions sur la géopolitique de certaines régions. Souvent ces tensions sont analysées comme des conflits ethniques alors qu?elles relèvent de conflits d?usage sur les terres; l?exemple le plus marquant étant celui de la région des Grands Lacs.

54 MULAMBA T. 2003. Phénomène enfants de rue à Kinshasa. Expression de l'atomisation de la solidarité traditionnelle africaine, mémoire de D.E.S. en Anthropologie, Université de Kinshasa

M. Cubrilo.et C. Goislard C. soulignent bien que « Les affrontements des dernières années de l'Afrique des grands lacs ne peuvent pas être analysés sous le seul angle des rivalités interethniques. La dimension foncière paraît constituer un élément explicatif important55 ».

Les migrations qui ont eu lieu suite aux conflits et aux massacres dans cette région très instable de l?Afrique, entre le Rwanda, l?Ouganda, le Burundi et la RD Congo, sont également à la base des graves tensions autour de l?accès à la terre56.

En Afrique, c?est le pouvoir politique qui est l?acteur foncier principal. Les Etats ont été mis en place dès l?implantation européenne pendant l?époque coloniale et ont hérité du droit européen le rôle juridique et l?organisation des pouvoirs politiques. Alors que depuis longtemps, le foncier africain était marqué par des formes collectives de propriétés, interdépendantes de l?organisation sociale57.

Ce qu?il faut savoir ici, c?est que la terre était perçue différemment de la conception des Etats coloniaux: en effet, dans la gestion traditionnelle, la terre n?appartenait pas à l?homme; mais c?est plutôt l?homme qui appartenait à la terre, cette dernière étant considérée comme une propriété collective.

Le droit coutumier n?est pas capable de faire face au phénomène d?individualisation des terres, de leur appropriation et de la prise de conscience de leur valeur marchande. C. Blanc, en abordant le foncier rural, montre qu?un arbre planté traditionnellement est propriété personnelle du planteur et que la terre reste propriété des ancêtres ou de leurs représentants58.

Afin de bien exploiter les ressources naturelles et assurer l?expansion du capitalisme, l?Etat a procédé à des modifications de gestion des terres dites traditionnelles ou coutumières, d?où sa maîtrise du foncier. Localement le domaine foncier était géré par les sociétés présentes sur des terres qu?elles considéraient légitimement comme leurs propriétés. Méprisée par les administrations coloniales, cette gestion coutumière a été réorganisée et modifiée par une éviction pour assurer la domination de l?Etat sur les ressources naturelles et les populations locales59.

55 CUBRILO M., GOISLARD C. (1998). Association pour la promotion des recherches et études foncières en Afrique. Bibliographie et lexique du foncier en Afrique noire, Paris, p5

56 BOURGEOIS U. (2009). Une gestion des terres conflictuelle: du monopole foncier de l'Etat à la gestion locale des Mongo Territoire de Basankusu, RD Congo, Université d?Orléans.

57 BOURGEOIS U. 2009.Op.cit.

58 BLANC C., 1981. Le foncier rural. Ministère de l?Agriculture, Côte d?Ivoire, 76 p

59 Aux yeux des colons, cette gestion semblait primitive dans ce contexte où c?est la civilisation qui était signe de modernité ou de nouveauté.

Pour les africains, cet affaiblissement du droit coutumier qui n?est pas réellement relayé par le droit moderne est une preuve de la dépossession de leur droit coutumier par l?Etat, lequel droit repose sur une propriété collective du sol: le sol étant sacré et inaliénable. L?exploitant n?avait souvent qu?un droit d?usage du sol60.

Le problème foncier actuel est le fruit d?un affrontement entre des logiques différentes de sociétés. A la conception réductrice de la valeur de la terre à un bien individuel, s?oppose souvent une conception communautaire plus ancienne mais vivace61. Qu?en est-il de la RDC en matière de la gestion foncière?

Les conflits de terre au Congo datent de la colonisation. En effet, une analyse d?exploitation et de prolétarisation de la paysannerie congolaise pendant la colonisation montre l?expropriation des terres des collectivités rurales par le pouvoir colonial et les résistances opposées par la paysannerie dans de nombreuses régions62.

Il est intéressant de noter qu?avant même la constitution de l?EIC, il existait au Congo deux types de terre: d?une part, les terres occupées par les autochtones (communautés locales) et régies par la coutume et, d?autre part, celles occupées par les allogènes (commerçants portugais, hollandais, anglais), en vertu des contrats passés avec les chefs de terres indigènes63.

Pendant l?Etat Indépendant du Congo, une ordonnance fut promulguée le 1er juillet 1885, selon laquelle, à partir de la proclamation de l?EIC, aucun contrat ni convention passé avec les indigènes pour l?occupation, à un titre quelconque, de parties du sol ne sera reconnu par le gouvernement, ni protégé par lui64. Dans le premier temps, l?EIC reconnut trois sortes de terres:

Les terres occupées par les autochtones à titre collectif ou individuel et conformément à leurs pratiques traditionnelles (agriculture extensive et nomadisme, habitation.). Ces terres furent soumises à la coutume.

60 DUPUY B., 1998. Bases pour une Sylviculture en forêt dense tropicale humide africaine, Série FORAFRI, Document n°4, CIRADForêt, France.

61 Le ROY E., 1991. « L?appropriation des systèmes de production » In: L?appropriation de la terre en Afrique noire, Collection Economique et Développement. Paris, France, Ed. Karthala, p.27-35

62 MERLIER M. (1962) Le Congo de la colonisation belge à l'indépendance, Maspero, Paris (réédition par l?Harmattan, Paris, 1992).

63 SÉRAPHIN MATSHITSHI (2006). Présentation de la Problématique du Foncier de la RD Congo. Promotion de la bonne gouvernance et gestion foncière, 5è Conférence régionale de Fédération des Ingénieurs Géomètres- Topographes, Accra, Ghana, 8-11 mars 2006.

64 NOBIRABO MUSAFIRI P. 2008 «Dépossession des droits fonciers des autochtones en RDC: perspectives historiques et d'avenir» in Les droits fonciers et les peuples des foréts d?Afrique, Forest Peoples Programme, Royaume-Uni.

Les terres en possession des non-indigènes: tous les contrats y afférents datant d?avant le 1er juillet 1885 furent reconnus valables. Ces terres furent enregistrées et soumises à la législation de l?Etat.

Le reste des terres, constitué de terres vacantes, forma le domaine de l?état et une partie constitua le domaine privé. Alors que pour des sociétés locales, la culture itinérante avec jachère longue et les zones de chasse indispensable à l?équilibre alimentaire exigeaient de vastes territoires en apparence non occupés65.

A la cession de l?EIC à la Belgique, cette dernière s?est engagée à respecter les fondations existantes au Congo, ainsi que les droits acquis légalement reconnus à des tiers, indigènes et colons européens66.

Après l?indépendance, le régime foncier est marqué par deux périodes essentielles: ? Le maintien du régime foncier colonial (1960-1973)

Aux termes de l?article 2 de la loi fondamentale congolaise du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, les lois, les décrets et les ordonnances législatives, leurs mesures d?exécution ainsi que toutes les dispositions réglementaires existantes au 30 juin 1960, resteront en vigueur tant qu?ils n?auront pas été expressément abrogés. Cette disposition a pratiquement reconduit le régime foncier hérité de la colonie belge67.

Une fois accédé à la souveraineté internationale, le Congo s?est doté d?une loi aux répercussions multiples et d?une importance considérable. Il s?agit de l?ordonnance-loi n° 66- 343 du 7 juin 1966, dite loi Bakajika68, « assurant à la République Démocratique du Congo la plénitude de ses droits de propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans la concession des droits fonciers, forestiers et miniers sur toute l?étendue de son territoire ».

Certes, la loi Bakajika annulait toutes les cessions et concessions successivement accordées
par l?état indépendant du Congo, par la colonie belge et par tous les pouvoirs concédants

65 PEEMANS J.P. (1973) Le rôle de l'Etat dans la formation du capital au Congo pendant la période coloniale, Institut d?Etude des Pays en développement, Louvain-la-Neuve.

66 SÉRAPHIN MATSHITSHI, 2006. Op. Cit.

67 SENDWE P. 2003 Loi Fondamentale Belge du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, Académia Bruylant

68 L?ordonnance-loi n° 66-343 du 7juin 1966 tire son nom de « loi Bakajika » du député qui en a pris l?initiative en rédigeant le projet initial.

avant le 30 juin 196069. C?est ainsi que l?état congolais s?est vu reconnaître le droit de reprise des droits fonciers, forestiers et miniers cédés et concédés avant le 30 juin 1960; ceci même dans le cas de droits de propriété dont les tiers (personnes physiques ou morales) étaient devenus titulaires ou exerçaient des droits subjectifs en participation avec l?Etat70.


· La rupture de l?actuel régime avec le régime colonial

L?actuelle loi foncière en vigueur au Congo a été promulguée par le Président de la république le 20 juillet 1973 sous le n° 73-021 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier, et régime de süreté, dont l?article 53 décrétait que « le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l?Etat ». Elle a été modifiée et complétée par la loi n° 80-008 du 18 juillet 1980 en abolissant en conséquence l?appropriation privative du sol71.

Cette loi a introduit la domanialisation (récupération) de toutes les terres par l?Etat congolais. Cependant, elle promet de régler la question des terres des communautés autochtones (communautés traditionnelles) par la voie de l?ordonnance présidentielle72.

Chose étonnante, jusqu?à ce jour l?ordonnance présidentielle n?est toujours pas promulguée pour sanctionner les droits de propriété foncière des communautés autochtones en République Démocratique du Congo. En outre, la loi foncière indique clairement que « les terres occupées par les communautés locales deviennent, à partir de l?entrée en vigueur de la présente loi, des terres domaniales »73.

Ces terres sont celles que ces communautés habitent, cultivent ou exploitent d?une manière quelconque, individuelle ou collective, conformément aux coutumes et usages locaux74.

Alors qu?à l?époque du Congo-belge, l?organisation des populations était marquée par des
traditions. Ces dernières jouaient un rôle très fort dans l?organisation des rapports sociaux, des

69 L?ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966 dite «loi Bakajika», a été complétée par une ordonnance d?exécution invitant les bénéficiaires à introduire des nouvelles demandes dans un délai déterminé. Les terres (fonds) n?ayant fait l?objet

d?aucune demande ont été déclarées «biens abandonnés» par le ministre de plan de l?époque, en vertu d?un texte qui lui en donnait le pouvoir.

70 NOBIRABO MUSAFIRI P. 2008, Op. Cit.

71 Ordonnance-loi n° 73-021 du 20 juillet 1973, publiée au journal officiel de la République du 1er Avril 1974.

72 L?article 389 de la méme loi foncière stipule que «Les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces terres seront réglés par une ordonnance du président de la République».

73 Article 387 de la loi n°73-21 du 20 juillet 1973

74 Article 388 de la loi foncière de 1973

rapports avec la terre, avec la religion, ~ Le village était considéré comme l?unité politique dominante, et chaque village était indépendant75.

La grande majorité du pays est rurale. Le droit d?Etat est principalement efficace en zone urbaine, contrairement aux campagnes et aux forêts où la propriété des terres est gérée par les populations locales elles-mêmes. Le foncier est donc géré localement sans trop d?interférences avec l?Etat76.

La gestion foncière telle qu?elle est pratiquée par l?Etat en milieu urbain est parfois en opposition avec une gestion foncière locale complexe. Entre un système foncier hérité du droit européen « droit écrit » et une gestion marquée par des pratiques foncières anciennes et orales, il existe des divergences. Cette situation paradoxale suscite souvent des conflits entre l?Etat congolais et les communautés autochtones quant à la propriété et donc à la cession des terres.

En général la gestion des espaces forestiers en RDC et dans et autour du PNS en particulier, est handicapée par la superposition de deux logiques foncières: il y a opposition entre régime légitime mais considéré comme illégal, le régime « coutumier » et un régime de droit moderne, instauré par l?Etat et toujours contesté par les populations autochtones.

Selon les autorités de l?Etat, « le sol et le sous-sol appartiennent à l?Etat ». Et pour les villageois, la forêt leur appartient, ils déclarent très souvent: « la forêt est le passé de nos ancêtres et l?avenir de nos enfants », étant donné que les forêts constituent pour les populations locales un réservoir vital d?où elles tirent l?essentiel des éléments contribuant à leur subsistance, matériaux de construction et pharmacopée.

Et pourtant, le principal texte légal qui régit la gestion des ressources forestières en RDC est la loi 011/2002 portant code forestier promulguée en août 2002 qui a succédé à une réglementation coloniale (décret) datant du 11/04/194977.Ce code forestier de 2002 s?inscrit « dans la logique des principes modernes de gestion des ressources forestières et des conventions internationales en matière de l?environnement ».

Son objectif était de créer un cadre légal qui permet, à la fois, à la forêt de remplir en équilibre ses fonctions écologiques et sociales, à l?administration forestière de contribuer substantiellement

75 IBAÑEZ DE IBERO C. (1913). La mise en valeur du Congo belge, étude de géographie coloniale. Paris, Recueil Sirey, p.75.

76 BOURGEOIS U.; 2009 Op.cit.

77 Présidence de la République, Loi N°011/2002 du 29 Août 2002 portant CODE FORESTIER, Journal Officiel-Numéro spécial 6, Novembre 2002.

au développement national et aux populations riveraines de participer activement à la gestion des forêts pour pouvoir en tirer un bénéfice légitime78.

1.2. Biodiversité et développement durable

Les années 1980 ont apporté un autre regard sur la diversité du monde vivant. La première organisation internationale à faire explicitement référence au développement durable est l?Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) dans son rapport sur la Stratégie Mondiale de la Conservation publié en 1980. Ce rapport se fixait comme objectif de « contribuer à l?avènement du développement durable, fondé sur la conservation des ressources vivantes ».

Il soulignait qu?un développement durable nécessite avant tout la conservation des écosystèmes qui supportent ce développement79.

Le monde scientifique prenait conscience, par la même occasion, que l?on ne pouvait traiter de la diversité biologique sans faire référence au développement durable et que, pour ce faire, il fallait que sciences de la nature et sciences de l?homme et de la société apprennent à travailler ensemble.

Les scientifiques ont aussi réalisé que préservation de la diversité génétique et maintien des processus écologiques indispensables à la production des ressources, à la santé et à d?autres aspects de la survie et du développement durable, nécessitaient une réflexion plus globale regroupant sous le terme de «diversité biologique» ou biodiversité aussi bien la diversité génétique que celle des écosystèmes80.

Cette période fut aussi propice, pour les scientifiques, à s?interroger sur des questions essentielles pour comprendre comment se constitue ou se reconstitue cette diversité biologique. Ce fut également le temps de la découverte, tant dans le monde marin que dans les écosystèmes continentaux, en particulier dans les forêts tropicales humides, d?une abondance et d?une diversité biologiques bien plus élevées qu?on ne l?imaginait jusque-là81.

L?ensemble des réflexions sur notre planète, sur la faiblesse des inventaires concernant «nos
richesses naturelles», sur l?extinction accélérée des espèces sous l?action de l?homme, ne sont pas

78 Loi N°011/2002 du 29 Août 2002 portant CODE FORESTIER, Op. Cit., p.4

79 UICN, (1980) rapport sur la Stratégie Mondiale de la Conservation.

80 BARBAULT, R. (2003). Les grands enjeux de l?interdisciplinarité dans les recherches en biodiversité, in «Journées de l'Institut Français de la Biodiversité» Tours, 18-20 décembre 2003

81 LEFEUVRE, J-C. (2003). Biodiversité: Naissance d?une science globale, in «Journées de l'Institut Français de la Biodiversité», Tours, 18-20 décembre 2003.

étrangères au fait que le Sommet de la Terre de 1992 devait faire de la biodiversité et du développement durable l?un de ses thèmes prioritaires82.

A la suite de ce sommet, plusieurs initiatives internationales virent le jour. En l?occurrence, la signature par 173 Etats du programme d?actions pour le 21ème siècle « Agenda 21 », qui définit les principes qui permettraient de concilier les trois piliers du développement, à savoir la protection de l?environnement, l?efficacité économique et l?équité sociale83 ainsi que toutes les conférences des Nations Unies84: en 1994 au Caire sur la population; en 1995 à Copenhague sur le développement social et à Pékin sur la place de la femme; en 1996 à Istanbul sur l?habitat; en 1997 à Kyoto sur les changements climatiques...; et enfin en 2009, à Copenhague, encore sur les changements climatiques.

Bien avant de parler de la gestion de la biodiversité, rappelons quand même la signification des concepts de « biodiversité » et « développement durable ».

1.2.1. Biodiversité: concept multidimensionnel

Terme qui désigne les gènes, les espèces et les écosystèmes85, la biodiversité est définie comme l?ensemble des êtres vivants, de leur patrimoine génétique et des complexes écologiques où ils évoluent86. La biodiversité est un concept global qui permet de poser un nouveau regard sur ce que l'on appelle patrimoine naturel, biosphère ou tout simplement nature.

Cette définition montre le caractère multiforme et multidimensionnel de la biodiversité. Le concept a d?abord été abordé au niveau des espèces (pluralité et nombre des espèces), du fait que l?espèce est l?unité de classification du vivant, ensuite, il s?est élargi aux niveaux de perception: supérieur (écosystème) et inférieur (génétique) de l?espèce.

Quant à la CDB, « Diversité biologique c'est la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie, cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi celle des écosystèmes87 ».

82 Conférence des Nations Unies sur l?Environnement et le Développement, Rio de Janeiro, du 3 au 14 juin 1992.

83 Voir: http://www.planetecologie.org/JOBOURG/Français/Agenda21Penser Agir.html

84 Voir : http://www.planetecologie.org/JOBOURG/Français/intro.html

85 On entend par écosystème, le complexe dynamique, c.à.d en évolution permanente, formé des communautés de plantes, d?animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leurs interactions, forment une unité fonctionnelle.

86 Centre National de Recherche Scientifique (1998). Dynamique de la biodiversité et environnement, p.6.

87 Dossier de presse, Conférence internationale « Biodiversité: science et gouvernance» de janvier 2005

Cette définition, se référant à la « variabilité >>, tire son origine de la science écologique, qui définit plusieurs indices de diversité.

Selon Mc Neely et al, Biodiversité se rapporte plutôt à l'ensemble des organismes vivants ou de toutes unités organisationnelles identifiables dans le monde vivant, et même des processus biologiques auxquelles elles participent88. Elle est un terme générique, « an umbrella term >>, désignant même par extension toute « la vie sur terre >>89. Cette définition répond davantage aux préoccupations des « Conservationnistes », qui désignent par là l?objet de leurs efforts de protection.

L?on constate que le concept de biodiversité s?est même élargi à une thématique qui englobe le champ des interactions entre les sociétés humaines et le reste de la biosphère90

Pour Di Castri et Younès, cités par Barbault91, « le concept de biodiversité s'applique à l'ensemble constituépar la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité écologique, ainsi qu'à ses interactions.>>. La figure ci-dessous schématise ce concept biodiversité.

Figure 2. Schéma du concept « Biodiversité »

Diversité écologique

Diversité des espèces

Diversité génétique

Source: Di Castri et Younès

Pour Jean-Paul Ledant, il y a confusion entre aspects de la biodiversité, entre échelles de
perception et entre définitions de la biodiversité. Une telle confusion handicape l?efficacité et

88 Mc NEELY et al., (1990) Conserving the world's biological biodiversity. IUCN, Gland; WRI, CI, WWF-US & The World Bank, Washington

89 WCMC (1992) Global Biodiversity Status of the Earth's living resources. Chapman & Hall, Londres.

90 AUBERTIN C. (2000) « L?ascension fulgurante d?un concept iou >>. La Recherche. 333: 84-87

91 BARBAULT, R. (2003) Op. Cit.

l?efficience des efforts de conservation de la biodiversité, dont les faibles performances sont illustrées par la divergence entre l?expansion croissante des aires protégées et le déclin continu des espèces que l?on souhaite protéger92.

De même, lorsqu?il y a ambiguïté, le discours dominant n?a plus de crédibilité auprès des personnes vivant sur le terrain, que l?on cherche à persuader du bien-fondé des actions de conservation93.

1.2.2. Développement durable

Il est souvent difficile de définir avec précision le développement des Etats. Couramment, la définition la plus citée est celle du rapport de la Commission Brundtland (1987): « le Développement Durable se rapporte à un mode de développement qui permet de répondre aux besoins actuels de la population humaine, sans compromettre les possibilités des générations futures de satisfaire les leurs94 ».

Ce rapport décrit également le développement durable comme un développement pourvoyant aux besoins élémentaires des populations défavorisées du monde et envisage l?économie dans la perspective de l?impact de l?activité humaine sur l?environnement.

Deux concepts sont inhérents à cette notion: le concept de « besoin », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d?accorder la plus grande priorité, et l?idée des limitations que l?état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l?environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.

92 LEDANT J-P. (2005) « Etendre les aires protégées, un objectif de développement? », Indicateurs pour un Développement Durable. N° 2005-4. Institut pour un Développement Durable, Ottignies.

93 LEDANT, J-P (2007) Faut-il vraiment maximiser la biodiversité? Institut pour un Développement Durable. Ottignies.

94 BRUNDTLAND (1987) « Notre avenir à tous » Rapport de la Commission mondiale sur l?environnement et le développement, p.51

Figure 3. Schéma du concept « développement durable »

vivable

Ressources naturelles, Ecosystèmes

Envir.

Qualité de vie, cohésion

sociale

Social

DD

Economie

Besoins, limitation des coûts

Equitable

viable

Source: conception personnelle, inspirée du rapport Brundtland (1987)

La durabilité repose sur trois piliers principaux: « l?efficacité économique », « l?équité sociale » et « la prudence écologique ». L?efficacité économique vise la satisfaction des besoins (alimentation, eau, énergie, emploi) ainsi que la limitation des coüts; l?équité sociale vise la réduction des inégalités de développement entre pays riches et pays pauvres, la réduction des inégalités au sein des sociétés, l?équité intergénérationnelle, et la prudence écologique a pour objectif de limiter les pollutions et les consommations des ressources naturelles.

Les experts de l?UICN considèrent que les ressources génétiques (essor des biotechnologies) constituent un potentiel d?innovations et de profit important. Les forêts tropicales concentrant une proportion importante de ces ressources, leur conservation entre dans une stratégie de développement durable des pays du Sud. Ceci doit officialiser un « Nouvel ordre économique » dans lequel les pays du Sud entendent retrouver une certaine reconnaissance. Il s?agit notamment du commerce des gènes, de la circulation des flux de capitaux et des transferts d?innovations95.

95 BOISVERT V., VIVIEN F.D. (2008), Une solution marchande à l'érosion de la diversité biologique , in H. Guillemin, Echanges, Marché et Marchandisation, L?Harmattan.

Nous sommes à l?heure où la mondialisation de l?économie accroît l?interdépendance des écosystèmes de la planète, et donc de ses ressources biologiques. Celles-ci sont essentielles à la fois pour les populations locales, qui en vivent, et pour l?humanité dans son ensemble.

Pour certains auteurs << La difficulté est aussi que des biens publics globaux aussi essentiels que la santé, l?alimentation ou l?environnement peuvent être affectés, à terme, par l?usage, privé ou public, qui est fait aujourd?hui, de la diversité biologique »96.

Les bienfaits résultant de la biodiversité se manifestent généralement sous la forme de services écosystémiques (du complexe dynamique composé de plantes, d?animaux, de micro-organismes et de la nature morte environnante agissant en interaction en tant qu?unité fonctionnelle)97.

Les écosystèmes sains produisent une large variété de biens, notamment des denrées alimentaires, des matériaux de construction et des produits pharmaceutiques, mais aussi des services, tels que la fertilisation des sols, la fixation du carbone, la purification de l?air et des eaux, la fourniture de matériaux génétiques et la maîtrise de l?érosion et des inondations. Ces bienfaits de la biodiversité constituent des biens publics locaux, nationaux ou mondiaux, qui, à ce titre, doivent être réglementés au niveau approprié.

L?on constate aussi que l?accent est mis sur la différence entre conservation de la biodiversité en tant que bien public local et en tant que bien public mondial. Ces deux composantes du bien public que représente la biodiversité sont souvent confondues ou l?une des deux est ignorée. C?est cette confusion, ou cette simplification, qui rend le débat sur la biodiversité obscur et surtout qui empêche d?élaborer des solutions à la fois équitables et efficaces98

Dès lors se pose la question de la réglementation de l?accès et de l?usage de ces ressources. Celleci doit intégrer un niveau global, pour tenir compte de l?intérêt, présent et futur, de l?humanité, et un niveau local, associant les pays et les populations concernées. Ainsi la solidarité entre les générations s?étend à la solidarité entre pays développés et pays en développement, entre pays du Nord et du Sud, entre populations riches et populations démunies, elle s?étend à la lutte contre l?exclusion, au niveau international comme au niveau local99.

96 TROMMETER M. et J. WEBER (2003) << Biodiversité et Mondialisation: défi global, réponses locales », Politiques Etrangères, p380-392

97 ONU(2004) Evaluation des écosystèmes pour le Millénaire, rapport de 2004

98 PERRINGS C., MADHAV G. (2002) Sustainable and equitable use of biodiversity : protecting the global and local public good, IDDRI, Paris p.6

99 Voir : http://www.planetecologie.org/JOBOURG/Français/Agenda21Penser Agir.html

Quand on raisonne sur des espèces spécifiques situées dans leurs aires de répartition, la fiction du libre accès se heurte d?abord au principe de territorialité des Etats et de leurs ressources, renforcé par la convention sur la biodiversité de 1992, laquelle reconnait aux Etats la pleine souveraineté sur leurs ressources naturelles et biologiques100.

En effet, l?institution de véritables droits de propriété a été initiée par la Convention sur la diversité biologique , adoptée par Rio en 1992 et qui vise trois objectifs: définir et appliquer des mesures incitatives pour la conservation de la diversité biologique; favoriser les instruments et actions allant dans le sens d?une utilisation durable de la biodiversité; mettre en place des mécanismes et des instruments permettant l?accès aux ressources génétiques et le partage « juste et équitable » des avantages qui en sont retirés. Afin d?atteindre ces objectifs, la CDB a défini trois types de droits sur les ressources et les connaissances, à savoir:

- La souveraineté nationale sur les ressources biologiques où les Etats ont la responsabilité de légiférer en matière d?accès aux ressources présentes sur leurs territoires, ce qui fait disparaître sans raisonner, le caractère du bien public global.

- Les droits de propriété intellectuelle, où le vivant devient brevetable, ce qui développe plus les possibilités de valorisation économique des ressources génétiques. Comme le montre bien Arnaud Diemer, « les brevets permettent de générer des positions de monopoles, donc des rentes substantielles (prix élevés), donc une forte incitation à la conservation de la biodiversité (si redistribution vers les populations locales!)101 ».

- Les droits de propriété des communautés autochtones et locales, il s?agit ici de promouvoir les connaissances et les pratiques de ces communautés. D?où la notion de savoirs écologiques traditionnels.

Le principe du libre accès à la ressource est devenu, dans les négociations préliminaires à cette convention, un argument des pays industrialisés désireux de maintenir un accès gratuit à la flore et à la faune sauvage pour dénier aux Etats et populations concernées un droit de propriété effectif sur les ressources génétiques animales et végétales102.

100 Article 1er de la Convention sur la biodiversité

101 DIEMER A. (2009) Du développement soutenable à la préservation de la biodiversité: comment valoriser les services écologiques? in Journées d?études, « Biodiversité et gestion de l?espace », IUFM Auvergne, 13 mai 2009, p.18

102 SMOUTS M-C. « Un monde sans bois ni lois: la déforestation des pays tropicaux », critique Internationale, n°9, octobre 2000, pp 131-146

Toutefois, il existe une opposition entre le paradigme du Nord et celui du Sud quant à la conservation de la faune sauvage. Marshall Murphree103, démontre clairement qu?au Sud, la faune est d?abord une ressource à valoriser pour permettre le développement économique et social des populations qui vivent à son contact et en subissent les nuisances; c?est lorsque la faune acquiert une valeur économique qu?elle mérite d?être conservée.

Le même auteur ajoute qu?au Nord, la conservation est devenue une activité spécialisée au sein d?une société à dominante urbaine et technicienne. La nature y est ce qui est mis << en réserve », i.e. ce qui n?est pas destiné à être utilisé pour le développement, mais y est conservé pour des usages récréatifs, scientifiques ou pour la valeur esthétique qu?on lui prête.

Et comme l?affirme le professeur Daniel Compagnon, une conception technicienne et marchande de la biodiversité (stock de gènes pour l?agro-industrie et la recherche pharmaceutique de demain) prend le pas sur la protection des écosystèmes comme condition de la survie à long terme de l?espèce humaine104.

Généralement, dans la théorie économique, on précise que la présence d?un bien public requiert l?intervention de l?Etat. Toutefois, dans ce cas, les Etats sont réticents à consacrer des ressources publiques rares à une politique de conservation dont les dividendes leur échappent. C?est cet état de fait qui serait, dans une perspective d?économie libérale, à l?origine de la dégradation de la biodiversité et qui aurait retardé la mise en place d?une politique de protection105.

Pour Trommeter M et J. Weber, une concertation entre pays du Nord et pays du Sud est donc plus que jamais nécessaire en la matière, à la fois pour mettre en place une bonne gestion de la biodiversité, et pour offrir à ces derniers un accès réel et équitable aux marchés locaux, nationaux et mondiaux106.

Si la biodiversité comme l?ensemble des richesses génétiques, spécifiques (au sens d?espèces) et
écosystèmes, a une importance cruciale pour le devenir des écosystèmes naturels, la diversité
génétique par contre, l?est peut-être plus encore pour les humains, leur alimentation et leur cadre

103 MURPHREE M.W., (2000) << Ex Africa semper aliquid novi? » Pour une nouvelle approche de la conservation », in COMPAGNON (D.), CONSTANTIN (F.), dir. Administrer l?environnement en Afrique : Gestion Communautaire, conservation et développement durable, Paris, Karthala, pp.41-52

104 COMPAGNON D. (2001) << La conservation de la biodiversité, improbable bien public mondial », Colloque << Les biens publics mondiaux», 25 et 26 octobre 2001, AFSP/Section d?Etudes Internationales, France, p15

105 DIEMER A. (2009) Op. Cit. p.17

106 TROMMETER M. et J. WEBER (2003, Op. Cit.

de vie. Sa diminution entraîne un risque important en cas d?épidémie ou de changement climatique107

La solution théorique passerait aussi par une Convention Internationale, précisant des droits de propriété encore mal définis. Il est clair que les ressources de la biodiversité ont une valeur économique potentielle, mais elles n?ont pas de propriétaires bien identifiés, susceptibles d?en réguler l?accès et l?utilisation.

C?est cette absence de droits de propriété privés ou nationaux qui serait à l?origine des problèmes de protection de la biodiversité108.

Boisvert et Vivien soulignent que la défaillance de la structure des droits de propriété serait la cause de la surexploitation des ressources naturelles. La notion de propriété commune, étant associée à un libre accès et à un gaspillage, la propriété privée se voit conférer toutes les vertus régulatrices109

Les aires protégées, notamment forestières, sont une nécessité pour la survie de l?humanité. Elles constituent des réserves de gènes et assurent la protection à long terme de la diversité génétique. Si elles assument des fonctions sur les plans de la science, de la récréation, du délassement et de l?esthétique, elles sont également et surtout un besoin pour le maintien des grands équilibres écologiques mondiaux110.

En outre, la réduction de la déforestation produit des avantages indirects évidents en matière de préservation de la biodiversité et de réduction du risque de catastrophes naturelles, telles que les inondations et les sécheresses. D?où plusieurs conventions et déclarations telles que la charte mondiale de la nature, la stratégie mondiale de la conservation et la conférence de Rio mettent clairement l?accent sur la nécessité d?assurer la protection de la biodiversité.

107WEBER, J. (1996) « Conservation, développement et coordination : peut-on gérer biologiquement le social ?», Colloque panafricain sur la gestion communautaire des ressources naturelles renouvelables et le développement durable, Harare, 24- 27 juin 1996.

108 SEDJO R.A. (1992), «Property Rights, Genetic Resources and Biotechnological change», Journal of Law and Economics, Vol 35, p.199-213

109 BOISVERT V., VIVIEN F.D. (2008) Op. Cit.

110 LANDU N. Populations et forêts: comment concilier les besoins locaux, régionaux et nationaux. Séminaire FORAFRI, s.d, Libreville, Gabon.

Avec le développement durable se sont imposés depuis le début des années 1990 de nouveaux modèles en matière de gestion des aires protégées et de conservation de la biodiversité111, accordant une importance capitale à la participation des populations locales à la définition et la mise en oeuvre des politiques de conservation, et insistant sur l?utilisation durable des ressources naturelles et des aires protégées, comme modalité de protection112

Ce discours normatif, reflétant les pensées dominantes de l?occident, est loin de se réaliser en RDC. Par rapport aux 27 principes de Rio, les populations vivant dans et par les forêts connaissent une extreme pauvreté due à l?exploitation industrielle de leur environnement naturel.

La biodiversité est confondue avec les ressources naturelles indispensables à des populations marginalisées, souvent des crédits sont alloués pour des projets de développement censés bénéficier à celles-ci, mais biaisés en fonction des demandes étrangères et des intérêts des experts, ce qui peut entraîner la déviation des fonds de leur objectif légitime.

Et le tout premier des 27 principes adoptés au Sommet de la Terre à Rio d?affirmer : « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature »113.

Actuellement, deux objectifs cohabitent pour évaluer les politiques en matière de conservation de la biodiversité. D?un côté, l?Union européenne veut stopper l?érosion de la biodiversité en Europe à l?horizon 2010. De l?autre, la Convention sur la Diversité Biologique (CDB, 1992)114veut simplement la ralentir. Les principales menaces pesant aujourd?hui sur la biodiversité étant localisées dans les pays du Sud, il est vraiment illusoire de vouloir stopper le déclin de la biodiversité dans ces pays dans un si bref délai. Ma crainte est que cette mobilisation européenne pour renverser le déclin de la biodiversité reste bien vaine: l?objectif relève du pur symbole, car aucun indicateur mesurable n?est mis en place pour le promouvoir et ne permettra de vérifier s?il est atteint.

Le problème soulevé ici est celui de la gestion pérenne de la biodiversité dans un contexte de
développement durable. Pour certains auteurs, en effet, la valeur de la biodiversité résulte du seul

111 Il ne s?agit plus de soustraire les espèces et espaces menacés à l?exploitation mais, bien au contraire, d?en faire des leviers du développement local au moyen de stratégies de valorisation économique adaptées

112 ANGEON V. et al (2007) La marque « Parc naturel régional ». Un outil au service d?un développement local durable et un modèle pour les pays du Sud ?, Afrique contemporaine vol.2, N° 222, p. 149-166.

113 NATIONS UNIES (1992) Déclaration de Rio sur l?environnement et le développement de principes de gestion des foréts, texte adopté à l?occasion de la conférence des Nations Unies sur l?environnement et le développement durable, Rio de Janeiro, 3-14 juin 1990.

114 Voir http://www.biodiv.org

fait de son existence, et non de l?usage dont elle fait l?objet. Cette conception occulte le fait que la biodiversité est un réservoir potentiel de médicaments, de denrées agroalimentaires, etc.; elle fait aussi l?impasse sur la valeur d?usage qu?elle représente pour les populations des pays en développement115.

1.3. Protection de l'environnement

Dans la plupart des pays en développement, la dégradation des ressources naturelles est intense. Elle se manifeste notamment par la baisse de la fertilité des sols, la désertification, la déforestation, l?épuisement des ressources en eau et la réduction de la biodiversité.

La Communauté Internationale en général et les Etats en particulier, ont considérablement pris conscience de l?importance et de la nécessité de la protection de la nature et de l?environnement. Il suffit, pour s?en convaincre, de compter le nombre toujours croissant de conventions et accords internationaux conclus en matière d?environnement.

Le concept de la protection de l?environnement est tellement complexe que l?étudier demanderait à ce qu?on tienne compte de trois différents aspects que prend le terme environnement: l?environnement comme objet, l?environnement comme problème de société et l?environnement comme système. Sans beaucoup me lancer dans les définitions du concept environnement, je m?intéresse au deuxième aspect: « environnement comme problème de société ».

Comme l?aborde Paul Vikanza, l'environnement en tant que problème de société renvoie à celui qui fait l'objet des représentations sociales et d'usages, d'inquiétudes et de demandes, de conflits et finalement d'une gestion politique administrative116.

Le champ de l?environnement suscite la question de savoir comment penser l?intégration des humains et des non-humains dans une même représentation117.

Lier la protection de l?environnement au développement participatif en Afrique incite à porter une attention particulière aux représentations que se font les habitants eux-mêmes des relations entre l?homme et l?environnement. Les rapports avec les ancêtres comme avec les vivants font partie des relations socio-écologiques.

115 WEBER, J. (1996) Op. Cit

116 VIKANZA, P. (2005) Op.cit. p24

117 GODARD, O. Le concept d'environnement, une hiérarchie enchevêtrée , in LERRERRE, C. et R. LARRERE, éd, la crise environnementale, Colloque tenu à Paris du 13-15 janvier 1994, Paris, INERA, 1997, 302 pages.

La terre et la végétation conservent des liens durables avec ceux qui les ont travaillées et façonnées dans le passé. Ces représentations ne s?expriment pas forcément en concepts familiers aux scientifiques et planificateurs modernes118.

C?est aux scientifiques de reconnaître l?interaction qu?il y a entre l?être humain et la nature et le besoin fondamental de préserver l?équilibre entre les deux afin que l?environnement soit préservé sans compromettre la survie de l?homme.

Une question se pose, celle de savoir si la biodiversité importe vraiment pour la gestion de l?environnement? Comme s?interroge Jean-Paul LEDANT, dans quelle mesure les dégradations de notre environnement biologique se réduisent-elles à une baisse de biodiversité? Ou dans quelle mesure les problèmes qui se posent en rapport avec notre environnement biologique sont-ils des problèmes de biodiversité?119

En pratique, ce sont essentiellement trois questions qui surgissent, lorsque l?on cherche à déterminer ce qu?il convient de faire ou de corriger ce que l?on fait. D?abord il s?agit de porter un jugement sur les situations ou les trajectoires d?évolution de l?environnement que l?on souhaite ou redoute, ce qui renvoie à l?évaluation. Ensuite, il faut pouvoir prédire l?impact des interventions physiques sur le milieu, pour déterminer quelles actions sont favorables. Enfin, il s?agit de déterminer comment faire en sorte que ces actions soient entreprises120.

1.4. Notions de conservation des ressources naturelles

Le concept de conservation n?a pas bénéficié d?une définition dans la Convention sur la diversité biologique adoptée lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, alors qu?il fait partie des 3 buts principaux du traité international à savoir la conservation de la biodiversité, l?utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l?exploitation des ressources génétiques.

A cet effet, le concept peut contenir une diversité de définitions. Pour notre part, nous épousons la définition de la stratégie globale pour l?environnement biophysique et la biodiversité qui parle de la conservation comme étant << la gestion de l'utilisation par l'homme de la biosphère permettant aux

118 FAIRHEAD et al. (1994). << Représentations culturelles africaines et gestion de l?environnement» in: L?homme et la nature en Afrique. Politique africaine, Ed. Karthala, France, 11-25

119 LEDANT, J-P. (2007) Op.cit

120 LEDANT J-P (2007) Op.cit, p6

générations présentes de profiter des bénéfices durables tout en maintenant son potentiel de répondre aux besoins et aspirations des générations futures >>121.

Le secteur de la conservation de la nature est soutenu par des organisations internationales de conservation de la nature telles que l?UICN qui a pour mission d?influencer, d?encourager et d?assister les sociétés dans le monde entier, dans la conservation de l?intégrité et de la diversité de la nature, ainsi que de s?assurer que l?utilisation de ces ressources naturelles est faite de façon équitable et durable, et le WWF qui assure la conservation de la nature, en préservant la diversité génétique, en veillant à ce que l?utilisation des ressources naturelles soit durable, dans l?immédiat comme à long terme, en encourageant des mesures visant à réduire la pollution et le gaspillage dans l?exploitation et la consommation des ressources et de l?énergie.

Le secteur dispose également d?une large base de financement international. Au nombre des acteurs clés figurent la Banque Mondiale, la FAO, le FMI, le PNUD, le PNUE et l?UE, ainsi que quelques ONG internationales.

Tous ces acteurs dominants prônent, d?une part, la participation des populations locales dans la conservation et gestion des ressources naturelles et, d?autre part, ils ont chacun leur vision de la conservation; laquelle vision va souvent à l?encontre des attentes des populations locales dépendantes de ces ressources naturelles.

En RDC, la conservation des ressources naturelles se conçoit en termes des aires protégées plutôt que des espèces à protéger. Conformément à l?article 1er de l?ordonnance-loi n°69-041 du 22 août 1969, << toute partie du territoire national peut être constituée en réserve naturelle intégrale lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux et, en général, d?un milieu naturel, présente un intérêt spécial et qu?il importe de soustraire de ce milieu toute intervention susceptible d?en altérer l?aspect, la composition et l?évolution >>122.

Les forêts, la faune et la biodiversité de la RDC sont des ressources stratégiques. Elles
représentent une source irremplaçable de protéines animales, de médicaments, d?énergie
domestique, de matériel de construction et de revenus monétaires, et jouent de ce fait un rôle

121 <<The management of human use of the biosphere so that many yield the greatest sustainable benefit to current generations while maintaining its potential to meet the needs and aspirations of future generations: Thus conservation in positive, embracing preservations, maintenance, sustainable utilisation, restoration and enhancement of the natural environment.>> "Global Biodiversity Strategy: Guidelines for Action to Save, Study, and Use Earth's Biotic Wealth Sustainably and Equitably", 1992

122 Voir l?ordonnance-loi n°69-041 du 22 août 1969

important dans la vie d?environ 40 millions de Congolais, spécialement des populations rurales et autochtones123.

Par conséquent, la manière dont l?Etat, les populations, la société civile, le secteur privé et d?autres acteurs interagissent dans l?accès à ces ressources naturelles, dans le partage des responsabilités de gestion, du maintien des droits coutumiers et de la jouissance des bénéfices économiques, n?est pas équitable.

De nombreux problèmes de gestion des écosystèmes naturels dans les aires protégées et en dehors de celles-ci se posent; entre autre l?inefficacité du suivi et du contrôle de l?application de la réglementation régissant l?exploitation des ressources biologiques (effectifs insuffisants, peu formés, sous-équipés), la démotivation du personnel due à l?insuffisance et à la modicité du salaire, des primes et autres avantages sociaux, la non-implication des populations locales et riveraines des aires protégées dans les programmes de gestion et d?aménagement des écosystèmes naturels, le cadre institutionnel de gestion mal adapté et aux contours souvent mal définis124.

1.5. Développement local

Parler de développement local est un concept à plusieurs dimensions. Définir ce qu?il est constitue déjà une gageure, et on en trouve autant de définitions que d?ouvrages qui lui sont consacrés. Revenons à une des définitions classiques, donnée par Jean-Philippe Peemans : « Le développement local est un processus de mobilisation et utilisation des ressources d'un territoire, dans lequel la population de ce territoire définit à travers un cadre institutionnel approprié, son rapport à la nature et son mode de vie, perfectionne son organisation sociale (lien social), améliore son bien-être et construit son identité (campagnes et villes viables) >>125.

Le développement local, c?est aussi un secteur clé qu?il faudra prendre en compte dans cette recherche d?intégration en vue des objectifs de la conservation et de la gestion durable de la diversité biologique. C?est dans cette perspective qu?il convient notamment de circonscrire l?implication des communautés dans la gestion des forêts et des aires protégées. C?est ce qu?on appelle la « gestion communautaire >>.

123 MULIMA K.D. (2009), Programme National forêts et conservation en RDC: la Banque Mondiale accorde un don de 77 millions USD. La référence du 01/06/2009/Economie.

Voir http://www.digitalcongo.net/article 58478 pour plus de détail.

124 LUHUMU S. et KIYULU J. (2001) Intégration de la problématique de la biodiversité dans le secteur forestier de la RDC, in

l?Intégration de la biodiversité dans les programmes nationaux de planification forestière, atelier international tenu au siège du CIFOR, Bogor, Indonésie, du 13 au 16 Août 2001, p 17

125 PEEMANS J.-P., (2010), Cours d?Acteurs et Territoires en Master Complémentaire en Développement, environnement et Sociétés, 2009-2010, Institut de Développement, Université Catholique de Louvain.

Cependant, trois points nécessitent d?être clarifiés. Premièrement, d?un point de vue sémantique, il y a lieu de faire observer la confusion possible que véhicule ce terme << gestion communautaire >>. << Communautaire >> peut signifier << en commun >>, et dans ce sens il fait référence à un système de gouvernance où les responsabilités et les tâches sont reparties entre différents groupes d?acteurs. Par contre, il a aussi un sens plus « local » faisant référence à la << communauté >>, qui dans le vocable anglo-saxon peut aussi se traduire par << community >>. Pris dans ce cas, le terme gestion communautaire veut tout simplement dire << community-base management >>, faisant référence à un autre système de gouvernance, où cette fois les responsabilités et les tâches reviennent à une quelconque << communauté >>, limitant de facto le rôle des autres groupes d?acteurs126.

Nous inclinons pour l?utilisation du terme dans le premier sens, c'est-à-dire dans le sens d?une gestion « collaborative », impliquant les différents groupes d?acteurs (acteurs conventionnels de la conservation des ressources naturelles), mais aussi invitant d?autres acteurs (nouveaux acteurs: communautés riveraines, ONG locales, etc.) à s?impliquer dans cette gestion. Cette gestion collaborative, dans le jargon anglo-saxon est aussi appelé << co-management >> (<< co-gestion >> en français), par opposition au terme << community-based management >>.

Deuxième point, le concept de << gestion collaborative >> ou << co-gestion », c?est en fait un nouveau paradigme en termes de gouvernance des ressources naturelles et en particulier de gestion des AP. Ce type de gestion est en train d?être mis en place dans un nombre croissant de pays à travers le monde. L?approche « co-gestion >> a été, ces dernières années, très fortement soutenue par les bailleurs et les institutions en charge des programmes de conservation de la biodiversité.

Cette forte soutenance a poussé les chercheuses Aurélie Binot et Véronique Joris, à se poser la question de savoir << dans quelle mesure « cette participation » des populations au projet environnementaliste débouche-t-elle sur un réel partenariat? >>127.Encore faut-il observer attentivement pour se rendre compte de son impact sur la vie des communautés locales.

Enfin, l?on constate que les concepts de « communautés » et de « participation » ont été conçus par les acteurs dominants, comme des procédés par lesquels les organisations internationales de conservation parviennent à la réalisation de leurs objectifs déjà définis, bien avant la participation ou l?implication des communautés locales, ces dernières étant considérées comme une passerelle,

126 BENE C. et al. (2006), Op.cit. p.20

127 AURELIE BINOT. et VERONIQUE JOIRIS (2006), << Règles d?accès et de gestion des ressources pour les acteurs des périphéries d?aires protégées: foncier et conservation de la faune en Afrique subtropicale >>. Colloque international Les frontières de la question foncière-Atthe frontier of land issues, Montpellier.

pour accéder au contrôle de leurs ressources naturelles. Dans de telles conditions, l?on se demande si ce type de gestion conduit à une amélioration ou au contraire à une dégradation des conditions de vie des populations locales, et en quoi les politiques de conservation ont des répercussions sur le développement local ?

En effet, la présentation des projets de conservation ou d?exploitation durable des ressources naturelles laisse voir clairement que la notion de << populations locales >> à laquelle il est fait référence dans la rhétorique conservationniste, recouvre une conception stéréotypée; on retrouve cette vision institutionnelle idéalisée et limitée des << populations locales >>128.

Tel que l?a bien souligné Olivier de Sardan « ~une généralisation sélective et abusive s'opère, qui aboutit à une représentation biaisée de la paysannerie, formée d'images enchantées ou déformées de la réalité >>129. Cette vision masque une conception monolithique de la communauté, qui ne serait composée que de paysans ou d?exploitants « locaux », irrémédiablement sédentaires, dépourvus de salariés, fonctionnaires, marchants, etc., et qui n?entretiendrait pas de liens économiques, sociaux et politiciens avec « l?extérieur » et ses représentants à l?étranger,...

Sous couvert de participation et d?autonomie, les populations locales sont souvent en fait de simples exécutants. Dans la plupart de cas, les cadres qui fixent les responsabilités des commissions et modalités d?installation, sont apportés par les projets. Ces populations locales sont considérées par les agents de conservation comme si elles n?étaient que rurales, sans initiatives concrètes, pourtant elles maîtrisent les connaissances et les pratiques traditionnelles pour la conservation de la biodiversité et l?utilisation durable de ses éléments.

En plus, les paysans connaissent bien la ville. Depuis des années il y a relation entre ville et campagne. Ils ne sont jamais enfermés, il y a le réseau populaire qui articule les déplacements entre villes et campagnes, mais qui est invisible aux yeux des autres acteurs. Ils ont une élite, qu?il s?agisse au sein des villages ou à l?extérieur de ceux-ci, qui les a toujours mobilisés face aux opportunités, et manipulés en faveur ou en défaveur d?un projet.

Pour le cas de la population riveraine au PNS sous étude, l?on sait que celle-ci connaît d?énormes difficultés en ce qui concerne ses conditions de vie: importante marginalisation sociale et économique, pauvreté chronique très marquée, interdiction d?accéder à des ressources dont elle considère avoir été spoliée, de surcroit elle est enclavée et manque de tout.

128 AURELIE BINOT et VERONIQUE JOIRIS (2006). Op.cit. p.7

129OLIVIER DE SARDAN, J-P. (1995) Anthropologie et développement: Essai en Sociologie-anthropologie du changement social. Marseille: AFAD-Karthala, p.59-69

Dans ces conditions, comment parvenir à convaincre une telle population qu?il est de son intérêt d?investir dans la gestion du PNS et la conservation de ses ressources naturelles, en particulier halieutiques?

La gestion et la protection de la nature, ne dépend pas seulement de l?apport de financement des partenaires internationaux et/ ou des politiques coercitives de l?Etat mais aussi de facteurs socioculturels, économiques qui sont en étroite interaction. Elle n?est possible que si les politiques des organisations conservatrices de la nature rencontrent une réponse positive en termes de changement dans les comportements de la population locale face à l?exploitation des ressources naturelles. Cela nécessite donc à la fois une volonté politique et des mesures sociales de la part de l?Etat pour mettre en place un mode de gestion adapté, et au niveau de la population locale, un environnement social qui rendrait possible l?adoption de nouveaux comportements.

Ceci doit aboutir à la négociation d?un terrain d?entente et à une légitimation des intérêts et préoccupations locales, offrant aux acteurs locaux davantage de possibilités de manoeuvrer.130 Faute de politique non négociée en matière de gestion et protection des ressources naturelles, dans laquelle la population locale ne trouve pas son compte, cette dernière adopte d?autres comportements et procède à d?autres moyens pour faire face à cette gestion qu?elle juge injuste, coercitive et imposée.

1.6. Pratiques populaires

Ce concept est présenté dans un contexte purement africain, où les populations locales face à la crise de l?Etat se montrent capables, dans certains cas, d?inventer un ensemble de règles et de les rendre effectives dans le cadre d?un espace clairement identifié131.

Les pratiques populaires sont des stratégies et logiques des acteurs locaux, plus ou moins élaborées et liées à des contextes définis par l?histoire ancienne et récente, aux résultats de rapports de force, à la nature particulière de la crise de l?Etat132. Comme le déclarent Etienne Verhaegen et Patricia Vandamme, « Les pratiques populaires ne sont pas un phénomène nouveau. Elles existent depuis toujours et sont une réponse en permanente évolution aux sollicitations externes ou internes que

130 VIKANZA P. (2004) Op.cit. p.39

131 PIERRE-JOSEEPH LAURENT et JEAN-PHILIPPE PEEMANS (1998), Les Dimensions socio-économiques du Développement Local en Afrique au Sud du Sahara : Quelles stratégies pour quels acteurs? , Le bulletin de l?PAD, n° 15, Les dimensions sociales et économiques du développement local et la décentralisation en Afrique au Sud du Sahara, mis en ligne le 20 Décembre 2006. URL: http://apad.revues.org/document553.html, consulté le 8 juin 2010

132 CHARLIER S. et al. (2004) Gouvernance locale, économie sociale, pratiques populaires face à la globalisation, Presses Universitaires de Louvain, p.25

l'homme appréhende dans son quotidien. Elles peuvent etre le fait d'individus ou de groupes évoluant dans des espaces divers: la famille, le clan, la tribu, la commune, la ville, le village, etc. elles tentent de répondre à des préoccupations indissociablement économiques, culturelles, familiales ou claniques. » 133.

La grande caractéristique de ces pratiques, c?est la mise en place de régulations originales destinées à sécuriser les acteurs populaires concernés. Souvent derrière les pratiques populaires, on peut vivre deux réalités, à savoir : (i) la ruse des institutions qui détournent et instrumentalisent ces pratiques populaires en les fondant dans les objectifs définis par leurs propres projets; et (ii) la dynamique inverse où les pratiques populaires montent des mécanismes propres pour contourner et détourner le projet des institutions. Donc elles rusent et déjouent à la fois.

133 VERHAEGEN E. et PATRICIA VANDAMME, « Ruses institutionnelles et détournement des pratiques populaires», atelier 1, p55 in CHARLIER S. et al. (2004) Gouvernance locale, économie sociale, pratiques populaires face à la globalisation, Presses Universitaires de Louvain

Figure 4. Actions mises en oeuvre sur le terrain par opposition au niveau de la rhétorique conservationniste

Niveau conceptuel

Niveau de la pratique

Activités proposées aux populations

Niveau de la pratique locale

Développement durable

Gestion participative

Aménagement du territoire

Configuration étatique, para étatique de projet

Réalisations concrètes

Logiques et stratégies d'acteurs

Appropriation des réalisations concrètes

Lutte contre la pauvreté

Source: Inspiré de JOIRIS D. V. (rapport annuel n°3 GEFAC, 2006) 1.7. Conclusion partielle

A la fin de ce chapitre, sur le cadre théorique et conceptuel, il sied de démontrer l?essentiel des points abordés jusqu?ici.

La gestion foncière telle qu?elle est pratiquée par l?Etat congolais en milieu urbain est parfois en opposition avec une gestion foncière locale complexe. Cette situation paradoxale suscite souvent des conflits entre l?Etat congolais et les communautés autochtones quant à la propriété et donc à la cession des terres.

En général la gestion des espaces forestiers en RDC, dans et autour du PNS en particulier, est handicapée par la superposition de deux logiques foncières: il y a opposition entre régime légitime mais considéré comme illégal, le régime « coutumier » et un régime de droit moderne, instauré par l?Etat et toujours contesté par les populations autochtones.

Selon les autorités de l?Etat, « le sol et le sous-sol appartiennent à l?Etat » alors que pour les
villageois, la forêt leur appartient et ils déclarent très souvent: « la forêt est le passé de nos

ancêtres et l?avenir de nos enfants », étant donné que les forêts constituent pour ces populations locales un réservoir vital d?où elles tirent l?essentiel des éléments contribuant à leur subsistance, matériaux de construction et pharmacopée.

Dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, nous assistons à une gestion soumise au principe de la domanialité publique, qui postule que seul l?intérêt général de la protection de l?environnement soit privilégié. Dans cette perspective, aussi bien les normes que les institutions sont élaborées et mises en oeuvre par l?Etat, le régime de gestion étant étatique et excluant la participation des particuliers, cela au détriment des intérêts des populations locales.

Il y a lieu d?harmoniser les rapports entre les populations locales et les zones protégées afin d?éviter des conflits de gestion des terres et de mieux préserver la diversité biologique, notamment en organisant des activités de développement social et économique en faveur des populations vivant à la périphérie ou même à l?intérieur du parc et des zones protégées.

Dans une perspective de développement durable, l?enjeu est de maximiser durablement et équitablement non pas la biodiversité (variabilité), mais les services écosystémiques, tant planétaires (conservation des espèces, régulation du climat) que locaux, sans les confondre ni confondre les « bénéficiaires » et leurs attentes respectives. Donc, il s?agit ainsi de gérer la « biodiversité » au sens large, en tant que biosphère, mais non de la maximiser (car n?étant pas quantifiable) même strictement, de la protéger.

Il en est de même pour l?environnement, il n?est pas menacé de disparaître mais se transforme, dans des directions plus ou moins défavorables, et ce sont ces transformations qu?il nous faut maîtriser dans un esprit de développement durable: pour une satisfaction équitable des besoins du présent, sans compromettre les capacités de subvenir à ceux des générations futures.

Il faut souligner la nécessité d?allier l?exploitation des ressources biologiques au développement durable en mettant en place un programme cohérant de gestion susceptible de garantir la pérennité des ressources renouvelables mises en exploitation, et d?opérer un choix stratégique en ce qui concerne le développement local organisé sur la complémentarité et la solidarité des territoires ruraux et urbains.

Chapitre 2 HISTOIRE DU PARC NATIONAL DE LA SALONGA FACE AUX
POPULATIONS LOCALES

Dans le présent chapitre, il sera question de présenter la situation actuelle du PNS au travers des stratégies ou logiques d?action utilisées d?une part, par les représentants de l?état et, de l?autre, par les intervenants du milieu c'est-à-dire les populations riveraines de Monkoto en vue de faire adopter leur vision respective des enjeux lors de la gestion ou de l?exploitation des ressources du parc. Cette situation ne peut être rendue claire qu?à partir d?une compréhension et description des événements qui ont marqué les populations locales de Monkoto dans l?évolution historique du PNS, depuis sa création jusqu?à nos jours, ce qui pourra nous permettre de comprendre le conflit qui existe entre les populations locales et l?ICCN.

2.1. De la création du Parc National de la Salonga

Il s?agit ici de décrire et expliquer les événements qui ont marqué l?histoire de la création du PNS face aux populations riveraines. Les faits qui y sont relatés proviennent principalement des documents d?archives du PNS obtenus auprès des autorités coutumières, des autorités locales administratives, des articles et correspondances entre les autorités de l?Institut National des Parcs du Congo belge et les ministères des colonies, des terres et mines, de l?agriculture, et surtout de l?histoire orale des anciens notables, témoins oculaires de tous ces événements, les écrits sur l?origine du PNS étant rares ou inexistants.

2.1.1. Les origines de la création

Les origines de la création du Parc National de la Salonga remontent aux années 1956 avant même l?indépendance du Congo belge. A cette époque, il y avait déjà échange de correspondances entre le Ministre des colonies à Bruxelles et le Gouverneur général du CongoBelge à Léopoldville, en ce qui concerne le projet de création d?un Parc National à la Tshuapa « Parc National de Monkoto » également dénommé « Parc National Tshuapa ».

A la même période, on pouvait déjà constater des déplacements massifs d?indigènes, de leur milieu habituel vers d?autres villages en vue de l?implantation du futur parc de Monkoto. Comme on peut le constater dans sa lettre N° 522/004648 du 11 février 1957, le Gouverneur général du Congo-Belge y fait mention au Ministre des Colonies en ces termes:

« J'ai l'honneur d'accuser la réception de votre lettre n° 411/278/Agri du 24 décembre 1956, ayant trait à la création d'un Parc National à la Tshuapa.

Je n'ai pas d'objections à formuler en ce qui concerne la création de ce parc, à condition que l'enquéte confirme qu'il ne subsiste vraiment aucune occupation indigène. D'autre part, la question se pose de savoir si les indigènes déplacés dans les paysannats ont vraiment renoncé à leurs droits sur les territoires qu'ils ont quittés. Ils devront, en tout cas, assister à l'enquéte >>134.

2.1.2. Les objectifs visés à la création du PNS

Au départ, la création du Parc visait un seul objectif : c?était pour des raisons scientifiques. C?est ainsi qu?à l?occasion d?une mission de l?Institut Géographique du Congo Belge (IGCB) dans la région, l?Institut des Parcs Nationaux du Congo Belge demandait la couverture photographique du parc comme « instrument indispensable à l?étude scientifique ultérieure de cette réserve naturelle >>135.

Dans sa correspondance à Monsieur le conservateur des titres fonciers à Mbandaka, sur la transmission des procès-verbaux de vacance des terres destinées à la création du « Parc National de Monkoto >>, le Directeur Chef de Service du Ministère des Terres, Mines et Energies des Titres Fonciers, indique clairement cet objectif en ces termes:

« Cette transmission urgente vous est demandée pour permettre à Monsieur le Ministre des Terres, Mines et Energies de mettre ces terrains à la disposition de l'institut de Primatologie, par le canal de l'Office de recherche Scientifique >>136

«
· en attendant, vous devez maintenir le statu quo car il est probable que la décision sera maintenue de créer ce Parc qui servira beaucoup moins à des buts touristiques qu'à des buts scientifiques. Il s'agit en effet d'un des plus beaux vestiges du monde de la forêt primaire >>137.

Il est clairement indiqué par le WWF dans le Bulletin des grands singes d?Afrique, je cite, que
«Salonga, un site du patrimoine mondial de 36 000 Km2 (environ la moitié des Pays-Bas), est le seul parc

134 Extrait de la réponse du Gouverneur Général du Congo-Belge à la lettre du ministre des Colonies à propos de la création d?un Parc National à la Tshuapa. Lire l?entièreté de la réponse en annexe.

135 Lettre du 17 mai 1957 de l?Institut des Parcs Nationaux du Congo Belge, communiquée par dépéche n° 312/1829 du 8 juin 1957.

136 Extrait de la lettre N° TME/T.F/Dir./0652 du Directeur Chef de Service des Terres, Mines et Energies au Conservateur des Titres Fonciers à Mbandaka, 14 décembre 1968, paragraphe 3.

137 Extrait de la lettre N° MAF/T.F/Dom./00222 du Directeur Chef de Service des Terres, Mines et Energies au Conservateur des Titres Fonciers à Mbandaka, le 5 juin 1969, paragraphe 3.

national situé dans l'aire de répartition du Bonobo. Il a été créé en 1970 spécialement pour la sauvegarde du Bonobo >>138.

Présent dans les musées depuis 1881, le bonobo << Pan Paniscus >> ne fut officiellement décrit, au rang spécifique, par Schwarz, qu?en 1929. La littérature rapporte toutefois que c?est le célèbre primatologue R. Yerkes qui fut le premier à en donner les caractéristiques en 1925.139

Le deuxième objectif visé avait des buts touristiques, vu que ce parc est un des plus beaux vestiges du monde de la forêt dense; mais il ne dispose d?aucune voie d?accès facile et il faut bien convenir que, dans les circonstances présentes, son intérêt est fort limité et sa rentabilité économique, fort douteuse.

Bien qu?il ait été prévu initialement qu?une étendue de l?ordre de 14.790 km2 ferait l?objet de 14 enquêtes de vacance distinctes, soit en principe une par groupement, sur les territoires de Monkoto et de Bokungu, pour la création du << Parc National de Monkoto >>, la superficie en cause se trouve finalement réduite à quelques 6. 475 km2 couvrant au total 5 blocs contigus de forêts dans le territoire de Monkoto (Yongo-Yela et Boondo-Buene, Yongo-Nongo, Bolengangele, Nongelokwa, Nkwala Nord), plusieurs entités foncières ayant refusé de céder tout ou partie de ce qu?elles considèrent comme leur domaine ancestral.

Signalons que dans le bloc de Mundji-Yafé (territoire de Bokungu) l?enquête de vacance avait recueilli l?accord des ayants-droit coutumiers moyennant versement d?une indemnité de 700.000 Francs (700 Zaïres), qui malheureusement, fut estimée exagérée par le service de l?agriculture, demandeur du terrain qui, finalement, renonça au projet pour ce bloc; et l?étendue du parc fut donc réduite au seul territoire de Monkoto avec ces 5 blocs (cfr tableau 3).

Par ailleurs ces enquêtes de vacance furent précédées d?une vaste opération de regroupement des populations du territoire de Monkoto, dont la dispersion extrême empêcha son épanouissement au point de vue politique, économique et social.

Cette situation où la superficie totale considérée comme libre des droits coutumiers était estimée à 6. 000 km2, réduisant ainsi la superficie du futur Parc National de Monkoto, n?a pas enchanté les autorités administratives.

138 WWF/PJ STEPHANSON (2005) Bulletin des grands singes d'Afrique. Les dernières nouvelles du programme du WWF pour les grands singes d?Afrique, Numéro 1-Janvier 2005, Gland, Suisse, p.2 Voir aussi ce document sur le site : http://www.panda.org/africa/apes

139 GAUTIER-HION A., LOLYN M. et J.P. GAUTIER (1999) Histoire naturelle des Primates d'Afrique Centrale, Backhuys Publishers, Netherlands, U.K., p96

Il fallait alors procéder à l?extension du Parc National par la poursuite de la procédure de domanialisation abandonnée depuis 1960 et par la seconde proclamation des résultats de diverses enquêtes et la conclusion des conventions.

2.1.3. Extension du Parc National de la Salonga et sa mise en oeuvre

Comme nous l?avons souligné au point précédent, le projet du Parc National devait initialement se réaliser sur une étendue d?environ 14. 790 km2, mais le refus par plusieurs entités foncières de céder les droits indigènes fit que le futur Parc National de Monkoto ne soit créé que sur un seul territoire (de Monkoto), et inclus dans les limites naturelles formées par les rivières Salonga, Yenge, Belita, Lotohumbele et Luile et d?une superficie d?environ 6.475 km2.

Or, il était déjà prévisible qu?avec les refus de cession des terres, ainsi que toutes les opérations forcées d?indemnité lors des enquêtes de vacance des terres, les contestations se feraient sentir lors de la domanialisation de ce bloc. Voici ce que déclare le Ministre de l?Agriculture et du Service Vétérinaire de l?époque dans sa réponse à son homologue de Terres et Mines à Coquilhateville:

«Vos appréhensions, quant à la valeur réelle des enquêtes de vacances, sont parfaitement fondées; il est certain que des contestations vont survenir au moment de la domanialisation de ce bloc.

Je pense que le Gouvernement sera d'accord avec moi pour proposer de suspendre momentanément l'exécution de ce projet. Sa rentabilité économique est d'ailleurs fort douteuse, le manque de voies d'accès pratiques rend sa création très aléatoire.

Je me propose de demander aux autorités de Monkoto d'effectuer une enquéte approfondie à ce sujet. Bien qu'ajourné, ce projet n'est cependant pas abandonné »140.

Ce projet de création d?un Parc National de la Salonga, datant d?avant 1960, fut réalisé par l?Institut pour la Conservation de la Nature au Congo (ICNC), qui avait repris entre autres les activités de l?ancien Institut des Parcs Nationaux au Congo Belge (IPNCB).

Après l?indépendance du Congo, il entra dans les intentions de cet Institut d?augmenter la superficie de ce parc en y incluant la forêt primaire située dans le Nord des territoires d?Oshwé (Bandundu) et Dekese (Kasaï Occidental).

140 Extrait de la lettre N° 500/CAB/145/DV du Ministre de l?Agriculture et du Service Vétérinaire au Ministre de Terres et Mines, du 9 mars 1961

Ainsi les mesures nécessaires pour éviter toute implantation humaine à l?intérieur du périmètre de ce parc furent prises, sans qu?aucune mesure sur les tracés des limites définitives ne soit établie141.

2.1.4. Modes d'acquisition de l'espace

Deux modes furent utilisés dans l?acquisition de l?espace par l?Etat. Il s?agissait de la domanialisation et de l?expropriation. Le premier consistait à déclarer libres de tout droit les terres et les vastes territoires en apparence non occupés, mais qui étaient supposés appartenir aux indigènes et qui servaient de culture itinérante avec jachère longue et comme zones de chasse indispensable à l?équilibre alimentaire. Rappelons que c?est depuis 1960 que la procédure de domanialisation de terres avait été abandonnée.

Or, comme l?explique bien Pourtier dans son étude sur la dialectique du vide, densité de population et pratiques foncières en Afrique Centrale forestière, une réflexion sur les conséquences de sédentarisation à la période coloniale : « ces « vides > ces zones non exploitées au temps « t > sont nécessaires pour permettre aux dynamiques sociopolitiques de fonctionner (fusion et fission des groupes, émergence de la jeune génération, etc.). De même les espaces visiblement occupés et exploités, ces espaces « vides > font partie intégrante de « l'espace vital > des humains et correspondent à des étendues socialisées et historicisées, c'est d'ailleurs là que se trouvent notamment les sites d'anciens villages dont l'appropriation foncière est très importante »142.

Le second mode avait consisté en une dépossession des terres et droits coutumiers par l?Etat, en déplaçant les villages entiers sur des terres de groupements étrangers et en maintenant les populations regroupées de façon à les empêcher de retourner vers leurs anciennes terres, de peur que l?avenir du parc ne soit compromis.

Afin de bien empêcher le retour des populations et d?assurer leur stabilité dans les nouveaux villages, un important programme de travaux publics fut élaboré en leur faveur et dont le coût fut évalué à 17.000 000 francs. C?est comme l?exprime Monsieur Tevissen N., Conservateur en chef des Titres Fonciers du Gouvernement Général du Congo Belge en disant: « J'estime également qu'il

141 Extrait de la lettre N°00325/XX/T.F./DOM/01516 du Secrétariat général de Direction des Titres Fonciers, du 17 décembre 1970.

142 POTIER (1986). La dialectique du vide, densité de population et pratiques foncières en Afrique Centrale forestière, Politique Africaine, 21 :10

faut faciliter dans toute la mesure du possible leur installation aux nouveaux endroits et mettre à la disposition des C.A.C.I. les crédits nécessaires pour rendre les nouveaux villages plus attrayants et confortables que les anciens »143

Mais de tout ce qui avait été prévu, deux travaux seulement furent entrepris, ou sur le point d?être mis en chantier: le dispensaire de Nongo et la route maduo Bompele (3.400.000 frs); en effet la crise budgétaire que traversa le pays à la veille de l?indépendance, rendit la réalisation de ce programme fort illusoire. D?où la difficulté du maintien des villageois déplacés sur des terres de groupements étrangers qui semblaient déjà contester leur présence.

Cette politique était accompagnée d?une épreuve de forces avec des populations dont la surveillance était rendue malaisée, autant par leur dispersion que par l?absence de moyens de communication. Dans ces conditions il ne fait aucun doute que la valeur des enquêtes de vacance considérées, et par le fait même la validité des accords obtenus des populations intéressées, était mise en cause par les indigènes; ou soit que les résultats déjà acquis devaient être invalidés, suite à l?application d?une procédure boiteuse, car les autorités responsables devaient élaborer de nouveaux principes en matière de domanialisation du sol.

2.1.5. La réaction des indigènes

Bien que le chef de la circonscription intéressée soit légalement armé pour interdire la résidence, dans les parties de terres domanialisées, des populations soumises à son autorité, une partie de ces populations déplacées avait rejoint ses anciens emplacements, mettant ainsi en échec toute la procédure instaurée par les enquêtes de vacance144.

Ce retour peut être justifié par le fait que ces populations déplacées n?avaient pas bénéficié, jusqu?alors, de conditions de vie meilleures et qu?elles n?avaient pas non plus renoncé à leurs droits sur les territoires qu?elles avaient quittés.

En plus, tous les groupements qui avaient consenti à ce que leurs terres soient érigées en réserve totale de faune et de flore, refusèrent toute indemnité, dont ils interprétaient l?acceptation comme valant vente. Seul le groupement Nongelokwa a accepté une indemnité forfaitaire de 1.000 francs en faveur de tous les hommes faisant partie de la population de droit, 255.000 francs en tout. Mais cette exception ne fait que confirmer la règle (cfr. tableau n°3).

143 Extrait de la Note N°441/001546 du Conservateur en Chef des Titres fonciers pour le Directeur de la 2è Direction de la 5è Direction Générale (522) du 29 mai 1957

144 Extrait de la lettre N°2072/01542 du Ministre Provincial de l?Intérieur, de l?Information et du Travail, au Ministre provincial des Terres et Mines à Coquilhateville, du 17 mai 1961.

Ceci prouve et montre bien clairement que ces populations indigènes ne considèrent pas que les terres, objet des enquêtes de vacance, soient entrées définitivement dans le domaine privé de l?Etat, et que dans ces conditions, les chances d?aboutir à une solution durable sur base de ces enquêtes n?étaient que moindres, tandis que le danger de se trouver, dans peu de temps, devant des difficultés semblables à celles qui menacent l?existence des Parcs Nationaux en d?autres endroits du pays, semblait évident. C?est ainsi par exemple que les anciens possesseurs des terres inclues dans le Parc National des Virunga et le Parc National de l?Upemba revendiquent actuellement l?exercice de droits fonciers cédés en bonne et due forme il ya plus d?un demi-siècle et ne cessent de contester leurs limites.

Tableau 3. Résultats des enquêtes de vacance des terres

 

Territoire

Superficie

Date d'enquête

Accord/pas d'Accord

Indemnité/refus d'indemnité

Bloc de Mundji-Yafé

Bokungu

1.500 Km2

04/09/1958

Accord des ayants-droit coutumiers d?autoriser l?occupation du terrain sans cession des droits indigènes.

700.000 Francs (700 Zaïres) que le service d?agriculture jugea exagérée et proposa de renoncer au projet.

Bloc de Yongo-yela
et Boondo-Buene

Monkoto

3.140 Km2

07/04/1959

Accord des ayants-droit coutumiers d?autoriser l?occupation du terrain sans cession des droits indigènes.

Refus formel de toucher une indemnité quelconque

Bloc de Yonga-
Nongo

Monkoto

1425 Km2

08/02/1959

Accord des indigènes d?autoriser l?occupation du terrain sans cession des droits de chasse et de pêche sur quelque étendue des terres entre les rivières losange, Luile et Yenge.

Refus d?être indemnisé

Bloc de
Bolengangele

Monkoto

1.210 Km2

07/03/1959

Accord des ayants-droit pour une occupation par l?Etat du terrain en cause. Par contre la partie du terrain s?étendant sur la rive gauche de Yenge ne fut pas cédée à l?Etat.

Refus d?indemnisation

Blos de
Nongelokwa

Monkoto

370 Km2

24/03/1959

Les autorités de contrôle estimèrent utile de domanialiser toute l?étendue d?environ 555 Km2 et d?accorder une indemnité de 1.200 francs par personne intéressée.

Les indigènes se sont opposés à la cession de la partie sud de la rivière belita d?une superficie de 185 Km2, et ont refusé d?être indemnisés.

Bloc de Nkwala
Nord

Monkoto

330 Km2

07/04/1959

Les ayants-droit sont disposés à céder sans

indemnité l?étendue de terrain située à gauche de la rivière Salonga dont la superficie n?est pas évaluée. Refus de céder le terrain de la rive droite de cette rivière.

L?indemnité proposée de 202.500 Zaïres est refusée par les autorités coutumières suivant procès verbal du 6 avril 1960.

Source: analyse personnelle des procès verbaux d?enquêtes de vacance des terres, de Septembre 1958 à Avril 1959

2.2. Acteurs impliqués dans la gestion et utilisation des ressources halieutiques du PNS

Pour arriver à mieux analyser les acteurs impliqués dans la gestion et l?utilisation des ressources halieutiques du PNS, nous nous sommes inspiré du schéma actionnel proposé par Frédéric DEBUYST, lequel schéma est considéré comme fil conducteur qui assemble différentes composantes d?analyse dans un espace/lieu où se déroule un processus d?actions et de décisions, donnant forme à une multiplicité d?acteurs (cfr figure n°5).

D?après Frédéric DEBUYST, « les acteurs sont des individus et groupes sociaux qui interviennent, à plus d'un titre, dans une action et se sentent impliqués dans les objectifs de cette action. Ils agissent (pour ou sur) ou réagissent à des décisions, objectifs positivement ou négativement145. Deux groupes d?acteurs sont impliqués dans la gestion et l?utilisation des ressources halieutiques du PNS:

2.2.1. Acteurs institutionnels

Ce sont ceux qui disposent d?une autorité légitime, des pouvoirs politiques à différents niveaux et /ou d?un pouvoir accordé dans un cadre institutionnel reconnu. Il s?agit dans ce cas de l?Institut Congolais de Conservation de la Nature (ICCN) et de ses partenaires (WWF, WCS, PACT, ECOFAC, ...)

Les objectifs les plus déterminants de ces partenariats sont essentiellement l?appui institutionnel, la réhabilitation des aires protégées jugées prioritaires en relation avec les menaces critiques ou la conservation de la biodiversité dans les sites du Patrimoine mondial en danger, gestion durable des ressources naturelles et la recherche scientifique.

2.2.2. Acteurs non-institutionnels

Ce sont des acteurs qui ne sont pas dotés de cette autorité ou du pouvoir d?origine institutionnelle et qui peuvent, dans certains cas, se constituer en collectifs, groupements, etc. Ces acteurs non-institutionnels ne constituent pas un groupe homogène, mais contiennent plusieurs catégories pouvant avoir des perceptions différentes et subir différemment le jeu des pressions des adjuvants et des opposants. Parmi eux, on peut citer les acteurs coutumiers (chefs de terre, notables) et les acteurs populaires (élites, population locale, communautés de défense, ONG locales, associations de pêcheurs, d?agriculteurs, d?artisans, etc.).

145 DEBUYST F., P. DEFOURNY et H. GERARD, éds (2001), Savoirs et jeux d'acteurs pour des développements durables, Louvain-la-Neuve, Académia Bruylant, p.117

Comme le démontre Fréderic DEBUYST, « la part de la population concernée qui se constitue en acteurs (sujets actifs) dépend de la prise de conscience du problème et de la mobilisation; la part des acteurs internes qui se constitue en agents dépend de leurs capacités et ressources et de l'ouverture des instances de décision à une représentation des acteurs locaux ». L?on peut alors trouver les acteurs à différents niveaux:

· Au départ des actions: ici les acteurs agissent en fonction de leurs intérêts, perceptions, logiques, positionnements et degré de pouvoir, en formant des systèmes de relations ou réseaux;

· Dans la finalité des actions: il s?agit des autres acteurs (cibles) visés dans les objectifs ou des acteurs-agents des actions;

· Avec ou contre les actions: ce sont des acteurs issus des alliances, consensus, conflits, résistances et différents champs de négociation.

2.3. Logiques d'acteurs

Nous analysons le système d?action et de décision entre acteurs, où les protecteurs de la ressource ainsi que les communautés locales riveraines de Monkoto sont considérés comme des acteurs privilégiés pour l?analyse. Ce sont les intérêts et logiques des acteurs qui confèrent du sens aux décisions et qui, dans une large mesure, expliquent la réussite ou l?échec des actions menées.

Ces acteurs ont des intérêts divergents et chaque groupe conçoit une stratégie propre qu?il met en place pour atteindre son objectif. Cette stratégie peut consister en la sélection d?un espace ou territoire d?opérations, la considération d?étapes et d?un échelonnement de décisions ou d?actions dans le temps, anticipation des actions des opposants et des capacités réactives à celles-ci (jeu d?acteurs), revalorisation des acquis et la récupération face aux pertes.

Les rapports sociaux, conflictuels ou de coopération, au même titre que les conditions matérielles et les capacités techniques, indiquent les limites ou les potentialités des projets de changement.

Il y a lieu de distinguer parmi les acteurs, deux types de stratégies: (i) stratégies relationnelles, celles qui répondent à des options et logiques d?interventions/actions concernant les acteurs qui sont directement impliqués, alliés ou adversaires et (ii) stratégies de réalisation, qui concernent les voies et contenus des réalisations pour la poursuite des objectifs (cfr figure.5).

2.3.1. Logiques des protecteurs du PNS (l'ICCN et ses partenaires)

Lors de la création du Parc National de la Salonga, aucune consultation publique n?a été faite. Et cette création a suscité une multiplicité d?intérêts locaux et extra locaux en concurrence. La conservation de la biodiversité reste principalement du ressort de l?Etat central et des décideurs internationaux pour qui les aires protégées constituent des outils privilégiés de protection de la faune.

Sur le plan institutionnel, le PNS est l?arène de rivalités et divergences d?intérêts qui s?appesantissent sur sa gestion. L?obstacle majeur est la présence de plusieurs acteurs institutionnels et des partenaires qui ne partagent pas la même vision des stratégies de conservation, ni du partage du pouvoir et des responsabilités. En plus, au niveau provincial, s?ajoutent également les autorités politico-administratives à la fois nombreuses et quasi totalement dépourvues de moyens (gouverneur de province, commissaire de district, administrateurs des territoires avec, à chaque niveau, leur services respectifs de l?Environnement et Conservation de la Nature, la Police Nationale et la justice)146.

Du fait que l?ICCN a mandat de veiller à la protection du patrimoine mondial qu?est le Parc National de la Salonga, il bénéficie d?un intérêt particulier de la part de la communauté internationale. Plusieurs partenaires l?appuient dans sa mission plus que d?autres acteurs étatiques. Ce privilège encourage l?ICCN à considérer la gestion du parc comme une quasi exclusivité et à négliger l?importance de la concertation institutionnelle. Ce caractère fortement centralisé du pouvoir de décision au niveau du site réduit en tout cas les marges de manoeuvre des échelons inférieurs pour collaborer avec les autres parties prenantes.

Cependant, les structures étatiques centrales connaissent d?extrêmes difficultés pour faire appliquer les politiques de conservation sur le terrain du fait que le statut juridique des ressources de la biodiversité ne permet pas son appropriation par des communautés locales. Ainsi les représentants du PNS doivent gérer les craintes des populations locales riveraines de se voir retirer ou confisquer leur pouvoir d?utilisation et de gestion d?un territoire qui leur appartient.

146 TREFON T.et KABUYAYA N. (2009). Evaluation Socio-économique au Parc National de la Salonga. Rapport d?enquête rapide des réalisations faite par WWF et présentation de l?outil méthodologique, Kinshasa-RDC, p4-5

2.3.2. Logiques des acteurs locaux (populations locales)

Les populations locales ont un ressentiment du fait que l?Etat, avec la création du PNS, est venu entraver leurs activités coutumières (pêche, cueillette, ramassage, chasse, ...). Elles se sentent exclues de la structure de protection et de gestion du PNS.

Pour ces populations directement confrontées aux problèmes de subsistance, la notion abstraite de la protection des ressources naturelles ne signifie pas grand-chose. Leur objectif primordial, concret et souhaité, est avant tout l?amélioration de leurs conditions de vie en termes de revenus, de santé, d?habitat, de sécurité alimentaire, de moyens de production et d?accès au marché.

Pour ce faire, la population locale s?est organisée en ONG de développement et associations des pêcheurs et agriculteurs qui militent pour le développement socio-économique de leur territoire à partir des quelques activités mises en place avec l?appui technique et financier de l?USAID via le CARPE dans son programme de « petites subventions » accordées aux ONG de développement qui oeuvrent dans le cadre de la gestion et protection des ressources naturelles dans le Paysage Salonga-Lukenie-Sankuru.

Protection et gestion de la faune et flore du PNS

Gestion unilatérale du PNS, non implication de populations riveraines du PNS

Améliorer les conditions de vie

Améliorer le revenu, la santé, l?habitat et la sécurité alimentaire

Figure 5. Schéma actionnel

Adjuvants

- Acteurs institutionnels (ICCN, Partenaires),

Objectifs partiels et intermédiaires

Objectifs
visés

Stratégies relationnelles

Stratégies politiques de réalisation

Opposants

- Acteurs noninstitutionnels (acteurs coutumiers, acteurs populaires)

Ressources (foncières et halieutiques du PNS

Source: Traitement personnel inspiré du schéma actionnel de Frédéric DEBUYST

2.4. Régulations ayant existé dès la création du PNS jusqu'à ce jour

Ce point retrace toutes les formes de régulations qui ont été mises en place et appliquées en matière de pêche par les autorités de l?Institut Congolais de Conservation de la Nature sur les eaux du parc et celles faisant limites de celui-ci.

2.4.1. La taxe de pêche

Depuis plusieurs années, les autorités du PNS permettent la pêche à l?intérieur des limites du parc contre payement d?une taxe. Les conservateurs de stations ont reçu mandat de percevoir la taxe de pêche auprès de quiconque veut pêcher dans les eaux du parc. Cette décision d?autoriser les pêcheurs à accéder aux ressources halieutiques du PNS est en parfaite opposition avec la loi 69- 041 du 22 Août 1969 qui régit les aires protégées et interdit en particulier toute activité d?exploitation à l?intérieur de celles-ci. Les représentants du parc (agents ICCN) agissent à la fois pour la protection du parc et son contraire.

L?existence d?une taxe de pêche donne accès à toute personne (homme ou femme, locale ou migrante) qui s?acquitte de sa redevance de 100 FC147/tête/jour auprès des gardes de parc, de pratiquer l?activité de pêche dans les rivières et cours d?eau qui traversent le parc, ainsi que dans les étangs et autres marigots qui se trouvent à l?intérieur de celui-ci. Cette activité de pêche ne tient même pas compte du calendrier de pêche et s?exerce pendant la petite comme pendant la grande saison sèche.

Ce système de taxe a favorisé d?une part, en plus de l?exploitation des ressources halieutiques, le braconnage à travers l?introduction d? armes et pièges dans le parc par les populations tant locales que migrantes et de l?autre, une tracasserie de la part des agents ICCN (gardes de parc) qui ne cessent de sucer les pauvres pêcheurs, alors que les réalisations sur le terrain avec l?argent perçu de la taxe restent invisibles; et, de surcroît, cet argent n?est jamais entré dans les caisses de l?Etat mais va directement dans les poches des conservateurs.

2.4.2. Le protocole d'accord de Bongonda

A cette taxe de pêche, s?ajoute un autre cas particulier. Dans le territoire de Monkoto, un
« protocole d?accord » a été signé en 1990 entre la direction générale de l?ICCN et les membres de

147 100 FC = 0,1$=0,081€

l?ex-coopérative Bongonda, autorisant les membres de celle-ci à pratiquer l?activité de pêche gratuitement dans le parc pendant les périodes de pêche autorisées (cfr annexe 2).

En contrepartie les membres de la coopérative consentirent à l?époque à céder à titre gratuit la location des btiments de la coopérative à l?ICCN pour y installer sa station de Monkoto148.

Il a été convenu que seuls les membres de la Coopérative et leurs familles sont bénéficiaires de ce protocole d?accord, qui concerne six groupements administratifs parmi les 18 que compte le territoire de Monkoto. Mais en pratique, cette clause n?a jamais été respectée vu qu?il n?est pas facile de distinguer qui est membre de la famille et qui ne l?est pas, parmi les personnes qui pêchent dans les eaux du parc.

Il faut signaler que les deux parties avaient convenu d?inventorier dans le parc les étangs familiaux concernés dont la liste exhaustive fait partie intégrante du protocole d?accord, tandis qu?en vue de protéger le PNS, la population avait accepté de ne pas introduire dans le parc les armes, pièges ou tout autre moyen susceptible de commettre le braconnage ou de le favoriser149.

2.4.3. Situation actuelle sur la gestion et l'exploitation de la ressource halieutique

Comme souligné à la page 8, deux événements récents ont marqué la réalité au PNS: depuis novembre 2009, on assiste à un climat d?aggravation de mésentente et de confusion entre les populations riveraines de Monkoto et les responsables de l?ICCN, dü à l?annulation brusque de la taxe de pêche et à la libéralisation de celle-ci sur les deux rives de la rivière Luilaka.

Cette mesure s?applique à toute la population dans son ensemble (migrante et locale), même aux six groupements signataires du protocole. Par contre, la pêche n?est plus autorisée sur les plans d?eaux (rivières, étangs) à l?intérieur du parc et cette prohibition vient, en quelque sorte, rendre caduc le protocole signé entre la direction générale de l?ICCN et les six groupements de l?excoopérative de Bongonda.

2.5. Conclusion partielle

L?histoire du PNS face aux populations riveraines de Monkoto, laisse voir que sa création s?est faite dans les conditions de non-respect des textes en matière foncière.

148 A partir de cet accord, les populations entraient dans le parc et chaque clan ou famille allait pêcher dans leurs étangs respectifs, et y appliquer ou faisait appliquer les droits d?usage.

149 Articles 8 et 9 du protocole d?accord de Bongonda du 27/09/1990 pour la pêche coutumière à Monkoto.

Il résulte du décret du 26 novembre 1931 organique de l?Institut des Parcs Nationaux que seules les terres domaniales non cédées ni concédées peuvent être affectées aux buts que poursuit l?institut (Art.3 et 4, alinéas 1et 2). De plus, la procédure normale pour déterminer la domanialité d?une terre était seule instaurée par le décret du 31 mai 1934 sur les enquêtes de vacance qui exigeait que les indigènes assistent aussi aux enquêtes. Il est étonnant de constater que la thèse officielle était basée sur le principe de la domanialité du domaine traditionnel et que les enquêtes de vacance furent précédées d?une vaste opération de regroupement des populations du territoire de Monkoto.

Toutes ces ruses des autorités, les populations riveraines les ont déjouées en acceptant une occupation de leurs terres par l?Etat, tout en refusant toute indemnisation et sans cession des droits indigènes (droits de chasse et de pêche).

A travers l?analyse des logiques d?acteurs, on observe l?existence de trois régulations rivales qui s?affrontent et coexistent. Il s?agit de la régulation formelle (de contrôle), issue de l?Etat et de deux régulations autonomes dont l?une, forte, est issue des pratiques coutumières et l?autre, des pratiques populaires. La première, formelle (de contrôle), puise sa base dans la législation écrite de l?Etat; la deuxième, autonome forte, se traduisant par des pratiques coutumières de l?accès à des ressources halieutiques, reste orale et s?applique conformément aux habitudes traditionnelles non écrites; la troisième par contre, est la conséquence de la dualité de deux précédentes. Elle regroupe les acteurs qui appliquent un droit qui n?est ni de contrôle, ni autonome (coutumier).

Ces trois régulations rivales interagissent et s?appliquent sur les mêmes espaces géographiques et aux mêmes communautés, au travers des mêmes acteurs. C?est le cas de l?ICCN gestionnaire des aires protégées (ici du PNS) qui s?arrange avec les notables des villages de Monkoto pour négocier l?espace de travail (les btiments de l?ex-coopérative Bongonda). Dès lors, les notables contractent des relations avec les autorités de l?ICCN, et se voient accorder l?accès à leurs anciens étangs, rivières et champs. Get accord vient encore légitimer le droit coutumier sur les ressources halieutiques du parc; ce qui pousse la population à ne pas baisser les bras et à continuer de réclamer leur domaine.

Chapitre 3 ANALYSE DU CONFLIT DU PARC

Ce chapitre est consacré à l?analyse du conflit entre PNS et les populations riveraines en territoire de Monkoto. Elle montrera d?abord comment les populations riveraines accèdent aux ressources halieutiques selon leur tradition. Ensuite viendront les différentes stratégies des acteurs institutionnels utilisées pour implanter le PNS (déplacement forcé des populations du territoire) et pour sa protection (gestion unilatérale et non-implication de la population riveraine dans cette gestion).

Sera également abordée la situation économique de la région à partir des différents événements qui ont affecté dans le passé les changements dans l?utilisation courante des ressources naturelles, par les populations riveraines de Monkoto et perturbé les conditions socio-économiques des populations riveraines de ce territoire.

L?analyse s?achèvera par les réactions locales des populations comme réponses aux actions extérieures du milieu, c'est-à-dire aux actions des acteurs institutionnels et leurs partenaires; la perception de la masse populaire vis-à-vis du PNS, ainsi que la désobéissance civique et la non-reconnaissance de l?autorité de l?organe protecteur du PNS

Enfin, la conclusion tentera de proposer un mode de gestion que le protecteur et l?utilisateur des ressources halieutiques du PNS accepteront en vue de diminuer le conflit qui existe déjà entre ces acteurs et/ou prévenir un conflit qui pourra éclater suite au manque d?un modèle négocié de gestion et d? utilisation des ressources halieutique du PNS.

3.1. Accès aux forêts et aux ressources locales

Rappelons que l?autorité au village est représentée par le chef de village. Celui-ci est désigné par le chef de groupement qui est le détenteur du pouvoir coutumier pour tout le clan. Le chef de village est entouré des « notables » chez qui réside le pouvoir de décider comment la communauté doit préserver son passé et organiser son devenir, il peut être responsabilisé par l?administration et devient chef de localité avec pouvoir politico-administratif. Le groupement correspond spatialement à un ensemble des villages dirigé par plusieurs chefs de village. Quant au chef de groupement, son autorité est coutumière; l?administration entérine son titre en lui accordant un pouvoir politico-administratif.

Les ménages locaux ont libre accès aux ressources naturelles situées dans les forêts et les eaux de leur village. Ces secteurs traditionnels comprennent également l?emplacement précédent du village, tel que l?emplacement avant l?ère coloniale où les gens non seulement chassent et pêchent, mais récoltent des fruits et autres produits plantés par leurs ancêtres. Les villageois peuvent défricher la forêt pour leurs activités agricoles partout, à l?exception des cimetières et des jachères d?autrui.

3.1.1. Mécanismes traditionnels d'accès aux ressources

Comme mécanismes traditionnels d?accès, notons que les chefs traditionnels continuent à contrôler l?accès de la communauté à la forêt et aux ressources d?eaux douces. Les individus des villages voisins et les étrangers souhaitant accéder à la terre et aux ressources, doivent solliciter la permission des autorités traditionnelles qui ont également le pouvoir de refuser l?accès aux individus. Selon le village et la ressource, l?accès peut être accordé avec ou sans paiement.

Dans une étude sur les aspects socio-économiques de l?utilisation et de la gestion des ressources naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, les répondants aux « focus groups » des hommes et femmes dans 10 villages de la localité de Monkoto, ont été interviewés sur les mécanismes d?accès pour l?agriculture, la chasse, la pêche et la cueillette de produits forestiers non ligneux. La figure ci-dessous montre les niveaux de restriction pour toutes ces catégories d?accès.

Figure 6. Niveaux d'accès aux foréts et aux ressources locales de Monkoto (10 villages)

0= accès libre, 1= permission, 2= Payement, 3= Pas d?accès.

06

Source: Traitement personnel à partir des données de l?étude de Colomb A. (2006)

La lecture de cette figure laisse voir que la restriction la plus stricte pour des voisins concerne l?accès à la chasse, suivie de l?agriculture et de la pêche. A Monkoto pour les activités de chasse, l?accès est plus restrictif pour des voisins que pour des étrangers. Tandis que l?accès aux forêts de villages pour la collecte de produits forestiers non ligneux, pour l?usage de subsistance, est libre aux voisins et aux étrangers.

Il ressort d?une étude des activités de pêche sur les rivières bordant le PNS qu?à la question de savoir « à qui appartient la rivière Luilaka du côté de la rive opposée au parc », la majorité de personnes interrogées à Monkoto (71%) avait répondu « à tout le monde », insistant sur la nature d?accès libre qui caractérise la ressource, tout au moins dans la perception que les populations locales en ont.

L?Etat Congolais, responsable de jure de ces ressources, n?est cité qu?en deuxième position avec seulement un quart (25%) des réponses150.

Quant à l?accès aux zones de pêche (rivières et étangs), la plupart des personnes interrogées affirment que l?accès à la rivière Luilaka (cours d?eau principal) est libre (99% des réponses) alors que l?accès aux étangs se fait après demande d?autorisation (92% des réponses), la plupart de temps, aux propriétaires ou au chef de village.

En général, ces propriétaires sont des descendants des premiers habitants des villages environnants ayant découvert et s?étant approprié les étangs en question, le plus souvent la demande de permission s?accompagne du payement d?un droit d?accès (généralement une partie de capture comprise entre 10% et 30%). Ces droits d?accès sont également perçus lorsque les étangs se trouvent du côté du parc.

Les conflits sont aussi possibles avec les droits d?accès traditionnel. Notons que les populations locales acceptent et respectent ces règles locales qui régulent de facto l?accès aux étangs privés. Ainsi toute modification des réglementations doit se faire en tenant compte de l?existence de droits coutumiers ancestraux régulant l?accès aux étangs privés si l?on veut éviter tout conflit avec le droit d?accès traditionnel., il y a une forte cohésion de la population locale vis-à-vis du respect de ces règles; laquelle cohésion doit être observée à chaque fois que la possibilité de négocier se présente.

150 BÉNÉ C. et al. (2006). Op.cit.

3.1.2. Contraintes et conditionnalités

Les systèmes traditionnels de la gestion de zones de pêche sont limités aux règles d?accès appliquées aux voisins et aux étrangers. Il n?y a aucune restriction ou prohibition interne sur les différentes techniques ou le nombre de matériels utilisés par les pêcheurs locaux. Une demande croissante de l?extérieur du paysage pose également un défi aux principes de la pêche soutenable et de gestion locale.

3.2. Déplacement forcé des populations en vue de la création du PNS

Après l?échec lors des enquêtes de vacance des terres et des tentatives de rachats des droits indigènes, lequel échec était dû au refus des populations indigènes de toucher les indemnités et de céder leur droit indigènes, le seul moyen sür pour l?Etat à l?époque, en vue d?implanter le Parc National de la Salonga, fut le déplacement forcé des populations indigènes qui vivaient de leurs terres.

Plusieurs villages furent déplacés de leur milieu d?origine vers d?autres, laissant derrière toutes les ressources héritées des ancêtres. Ce déplacement forcé, sans aucune mesure de sécurisation ni d?encadrement, considéré comme source de conflit entre les protecteurs du PNS et les populations riveraines, eut des conséquences sur le plan économique, social et politique des paysannats et devait faire, par la suite, l?objet de contestation par ces populations indigènes, alors que le cas des autres Parcs Nationaux (des Virunga et Upemba) aurait dû servir de leçon à l?Etat et à l?Institut des Parcs Nationaux en cette matière.

En effet, les anciens possesseurs des terres inclues dans le Parc National des Virunga et le parc National de l?Upemba revendiquent actuellement l?exercice de droits fonciers cédés en bonne et due forme depuis bientôt un demi-siècle et ne cessent de contester leurs limites bien que, dans sa lettre au Ministre provincial des Terres et Mines, le Gouverneur Général manifestait déjà son intention de bien délimiter ce nouveau parc afin d?éviter toute contestation de limites, en ces termes: « Il est certes souhaitable d'assurer la délimitation de ce nouveau parc dans les meilleures conditions, et de prendre dès à présent les mesures susceptibles d'éviter toutes contestations de limites pour l'avenir »151.

En plus une disposition de la couverture aérienne immédiate fut proposée par l?Institut des Parcs
Nationaux du Congo Belge, mais malheureusement elle n?a pas été mise en pratique, simplement

151 Extrait de la lettre N°44/002332 du Gouverneur Général du Congo belge, Direction-Terres au Ministre provincial des Terres et Mines à Coquilhateville, du 11/09/1958.

parce que le Gouvernement Général évitait de mobiliser des moyens disproportionnés à l?objet, et à s?engager dans les dépenses que l?IPNCB ne pouvait supporter lui-même et qui n?avaient pas été prévues au budget colonie. En effet, les frais relatifs à ce levé photographique aérien s?élevaient à environ 1. 210.000 francs mais le budget de l?IPNCB ne lui permettait pas de faire face à une telle dépense152.

Les autorités de l?Etat qui voulaient privilégier la recherche scientifique sur les primates au détriment de la valeur patrimoniale du paysage pour les populations riveraines, ont adopté deux stratégies d?exclusion de ces populations riveraines dans leur politique en matière de gestion et protection des ressources du Parc National de la Salonga, afin de bien aggraver la misère de ces populations vivant déjà dans des conditions précaires.

3.2.1. Gestion unilatérale du PNS

Depuis le projet de sa création jusqu?à ce jour, les autorités protectrices du PNS n?ont jamais changé de politique dans la gestion de celui-ci. Cette manière de gérer montre le caractère policier et dictateur basé sur l?imposition des lois sans consultations des autres acteurs tant à l?échelon national que local, ce qui discrédite davantage encore l?autorité de l?Etat vis-à-vis de ces acteurs.

Les gestionnaires du PNS se font les avocats de la cessation de toute activité humaine dans les zones protégées, en maltraitant les populations rurales qu?ils considèrent comme « une menace pour la nature >>. Dans son étude sur les << Populations Locales et Organisations de Conservation de la Nature >>, Jeanrenaud Sally confirme bien toutes ces maltraitances subies par les populations rurales en ces termes:

<< La première partie du 20è siècle vit le durcissement des attitudes envers les populations rurales et la mise en oeuvre de nombreuses politiques qui aliénèrent les populations de leurs terres, y compris l'établissement d'un grand nombre de parcs nationaux et de réserves dans les pays en développement. Ceci s'est poursuivi jusque dans la période faisant suite à la seconde guerre mondiale où les populations rurales étaient souvent perçues comme une menace pour la Nature sauvage >>153.

152 Extrait de la lettre de FEYTNANS G., Inspecteur Royal des colonies, Ministère des colonies, 3è direction générale, 2è bureau cartographie et cadastre, au Gouverneur général du Congo belge, du 1er /Août /1958.

153 SALLY JEANRENAUD (2002) Populations Locales et Organisations de Conservation de la nature : Le léopard serait-il en train de muer ?, IIED-IDS, p.15

3.2.2. Non-implication de la population riveraine dans la gestion du PNS

Le plus souvent le conflit entre les riverains des aires protégées et les gestionnaires de celles-ci, résulte tout autant d?une concurrence entre acteurs de la conservation et du terroir pour l?accès à l?espace et le contrôle de la ressource.

C?est ce que soulignent Guimbatan et Baguitlat: « Toute intervention extérieure dans la préservation d'un paysage géré par les populations locales, pour qu'elle réussisse, doit tout d'abord tenir compte de la valeur patrimoniale de ce paysage pour ses habitants actuels, et agir en conséquence. Sinon, les mesures de protection prescrites risquent de susciter le mécontentement de la population, de provoquer des différends vouant à l'échec toute coopération, et méme de causer à l'avenir des dysfonctions dans la gestion du paysage protégé »154.

Face à l?irrationalité supposée des ruraux, l?Etat colonial puis indépendant a voulu s?approprier les ressources naturelles pour garantir une gestion « rationnelle ». Les règles étatiques sont entrées en contradiction avec les systèmes de règles existantes (là où elles existaient), fragilisant ou détruisant les règlementations antérieures. Et l?intervention publique va souvent de pair avec l?imposition de logiques techniciennes « rationnelles » de gestion des ressources, et une volonté, explicite ou implicite, de contrôle étatique de ces ressources. Ces logiques s?opposent aux représentations locales de l?espace et des ressources, et aux règles locales régissant l?accès et l?exploitation des ressources155.

Comme le démontre Vedeld, c?est sur base de principes exogènes aux acteurs locaux, les règles d?accès et d?exploitation, que sont définies d?autres instances d?autorité (services techniques ou associations ad hoc contrôlées par l?Etat). Ces nouvelles règles entrent ainsi en conflit avec les règles et institutions locales, fragilisant ces dernières, sans toutefois être capables de les remplacer par d?autres plus efficaces156.

Comme partout ailleurs dans le paysage, à Monkoto on constate l?absence de l?ensemble des acteurs tant dans la gestion du PNS que dans le processus de négociation, plus particulièrement ceux, parmi les autorités coutumières, à qui incombe les questions essentielles et incontournables de l?accès à la terre et à ses ressources.

154 GUIMBATAN R. et BAGUILAT Jr.T., (2006) « Malentendus au sujet de la notion de conservation des rizières en terrasses, paysages culturels des Philippines », Revue internationale des sciences sociales, Vol.1, N°187, p. 63.

155 LAVIGNE -DELVILLE, Ph. (2001) Quelle gouvernance pour les ressources renouvelables ? La gestion des ressources renouvelables dans le contexte de la décentralisation en Afrique de l'Ouest, GRET, Collection Etudes de l?AFD.

156 VEDELD T. (1996) « Enabling Local institutions Building: Reinventing or Enclosing the Commons of the Sahel?» in Marcussen ed Improved natural resource Management.

La sphère de l?autorité coutumière est incontournable sur le terrain en matière de règles d?usage des ressources naturelles et de gestion du foncier. Il en résulte parfois de profondes contradictions entre les champs de l?autorité coutumière et légale, notamment pour ce qui concerne l?accès à l?espace et l?usage des ressources naturelles157.

Or cette sphère est souvent contournée par les représentants de Ministère et d?organismes de conservation, pour qui le pouvoir coutumier présente un caractère éclaté, acéphale, et particulièrement insaisissable du fait que les autorités coutumières exercent leurs fonctions au sein de systèmes politiques locaux non hiérarchisés. C?est ce « contournement » des ayants-droit coutumiers qui est souvent à l?origine de blocages récurrents, conflits, menaces verbales et sabotages de la part des populations locales vis-à-vis des agents de la conservation.

Par contre, les quelques initiatives de concertation/négociation qui se mettent en place autour des ressources naturelles, représentent autant d?opportunités pour les élites locales et revêtent une dimension politique en termes de jeux de pouvoir, dépassant largement les préoccupations des populations locales, ces dernières étant manipulées par leurs élites en faveur ou en défaveur d?un projet. Cette stratégie s?interprète généralement en fonction de pratiques politiciennes, mais également en fonction du degré de corruption inscrit dans les pratiques quotidiennes.

3.3. Situation économique dans la région

L?effondrement du tissu socio-économique dans la région au cours des vingt dernières années suite à la destruction du réseau routier, la forte diminution du trafic fluvial, l?effondrement du secteur agricole et le retour au système de troc pour 60% des transactions de produits manufacturés158, n?a fait qu?accentuer la précarité socio-économique et alimentaire des populations vivant dans et autour du PNS qui manquent de tout et sont enclavées.

Cette situation de manque et d?enclavement constitue un vrai obstacle au développement de ce territoire et freine le déroulement des efforts de la conservation de la nature au niveau du PNS. Dans ce contexte, la dépendance des populations aux ressources naturelles (produits forestiers non ligneux, chasse, pêche) a augmenté rapidement. Les principales activités économiques et de subsistance, en ordre décroissant, sont: l?agriculture, la cueillette, la chasse et la pêche.

157 BINOT A. et JOIRIS V. (2006) « Règles d?accès et gestion des ressources pour les acteurs des périphéries d?aires protégées: foncier et conservation de la faune en Afrique subtropicale, p.6 ». Colloque International Les frontières de la question foncière, Montpellier, 2006 France

158 COLOM, A., op cit.2006

Ce sont essentiellement la pêche et la chasse qui sont devenues des activités rémunératrices permettant de remplacer les autres opportunités économiques perdues159. En 2006, sur l?ensemble de la zone, la pêche représentait en moyenne 65% du revenu total des ménages riverains de la Luilaka160.

3.3.1. Changements perçus dans la région

Trois périodes principales de l?histoire ont déterminé les conditions d?usage courant des ressources naturelles dans le territoire de Monkoto:

· Le contact avec les européens, la présence européenne a marqué le travail et la relocalisation, mais également la disponibilité des produits manufacturés, les services obligatoires comme l?éducation, la santé et l?introduction d?une économie monétaire;

· Les conditions économiques et politiques postindépendance, qui ont progressivement contribué au retour à l?isolement géographique et commercial des populations de ce territoire, exigeant des changements d?activités économiques afin de continuer à satisfaire leurs besoins de base. La pêche et la chasse commerciales sont devenues des solutions économiques de rechange viables pendant que le revenu de l?agriculture chutait;

· La pression des marchés extérieurs, vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, pression qui a été ressentie à travers le paysage, en particulier dans les secteurs qui servent de points d?entrée aux commerçants et étrangers y voyageant pour l?exploitation des ressources.

3.3.2. Changements perçus au niveau local

Quelques changements sont perçus au niveau local: (i) la pêche qui était autrefois une activité de subsistance s?est actuellement transformée en activité commerciale. La cause se trouverait dans le déclin de l?agriculture commerciale: en effet, suite aux limitations des alternatives de rechange pouvant servir de source de revenu, la population s?est lancée dans cette activité qu?elle juge facile à exercer et prenant moins de temps que l?agriculture. (ii) L?on peut facilement constater au niveau des populations locales une baisse des stocks halieutiques161. Ce changement dans les

159 UNESCO. Etat de la Conservation des Sites du Patrimoine Mondial, Op cit, 2007

160 BENE et al, Op.cit 2006

161 COLOMB A. (2006) Op.cit.155

stocks halieutiques peut être associé à l?introduction et la prolifération des nouvelles techniques de pêche (voir figure 6).

Nous pensons que la thèse selon laquelle il y a une baisse des stocks halieutiques dans la localité de Monkoto, est à prendre au conditionnel. En effet, elle se contente seulement d?une évaluation participative basée sur la perception des populations par rapport aux changements observés dans l?usage de la ressource, et n?a pas fait l?objet d?une quelconque étude approfondie.

Notre argument est fondé sur nos observations de terrain, montrant que les pêcheurs travaillent à partir des campements ou villages installés le long de la rivière Luilaka, où ils installent leurs instruments et matériels de pêche pendant toute la saison de pêche (grande saison sèche: juinaoût). Chaque année ils exploitent les mêmes endroits, ce qui laisse croire que les stocks sont encore importants à ces endroits. S?il n?en était rien, on assisterait à une délocalisation des activités de pêche ainsi qu?au déplacement des pêcheurs, d?un lieu moins productif à un autre162.

En plus, il est évident que les populations qui vivent d?une ressource ont tout intérêt à la maintenir, pour autant qu?elle soit un enjeu réel pour elles, qu?elles en dépendent effectivement, et veuillent éviter de la surexploiter; ce qui est le cas pour la population riveraine de Monkoto qui n?a que cette rivière comme enjeu pour son bien-être et son développement local.

Enfin, vu les techniques de pêche peu efficaces (hameçons, filets maillants, ...) utilisées par les pêcheurs de la rivière Luilaka, nous pensons réellement que les stocks halieutiques ne sont pas en baisse. Une étude sur l?évaluation de l?état des ressources halieutiques de la rivière Luilaka pourrait apporter de plus amples précisions sur la disponibilité des ressources halieutiques de celle-ci.

Encore faut-il dire que ce n?est pas la pêche locale qui présente une menace à la protection des ressources du PNS. Par contre, l?accès aux ressources naturelles par les braconniers et les pêcheurs commerciaux de l?extérieur du paysage, constitue une menace pour la faune et les ressources halieutiques du Parc National de la Salonga. Toutefois, une bonne exploitation durable des ressources naturelles doit passer essentiellement par le contrôle des prélèvements, qui doivent rester inférieurs à la productivité de l?écosystème, d?où l?engagement de la population locale à la gestion durable des ressources naturelles et au renforcement des lois et règlements garantissant l?accès aux ressources, afin de réduire efficacement la pression sur la faune locale et les ressources halieutiques.

162 Nous avons été plusieurs fois sur la rivière Luilaka pendant la période de pêche (grande saison sèche), et les pêcheurs gardent leurs positions sur celle-ci, pêchant toujours aux mêmes endroits.

Figure 7. Les causes des changements dans l'usage des ressources halieutiques

Arrivée des commerçants extérieurs

Introduction de nouvelles pratiques et de matériels

Début de la pêche commerciale

Intensification des activités de pêche

Plus des locaux exploitant les ressources

Baisse dans les stocks halieutiques

Déclin de

l?agriculture

Besoin de

survivre et de produire du revenu

 

Implantation du parc et

déguerpissement

 

Source: Conception personnelle

3.4. Réaction de la population locale

En cas de déplacement forcé et non indemnisé des populations, pudiquement appelé « déguerpissement », le Parc National de la Salonga (au travers l?institution protectrice, l?ICCN) condamne définitivement l?accès aux terres et aux ressources villageoises. La diminution des superficies des terroirs et bien entendu leur déplacement, impliquent de la part des paysans, de modifier leur rapport à l?environnement, de transformer ce que Weber & Reveréret appellent les cinq niveaux d?appropriation de l?écosystème, donc d?adopter de nouvelles représentations de la nature, de nouvelles stratégies d?exploitation, de nouvelles modalités d?accès aux ressources, de nouvelles formes de contrôle de l?accès et de nouvelles façons de répartir ou partager les ressources au sein du groupe163.

Pour ce faire, la possibilité pour les populations d?accéder à des terroirs villageois, des forêts, des zones de chasses, des rivières, ~ implique d?importants repositionnements socioéconomiques et politiques locaux qui mènent à la modification de ces niveaux d?appropriation de l?écosystème.

3.4.1. Perception de la population vis-à-vis du PNS et de ses Partenaires

D?abord, à l?égard des gardes du parc, la population locale dans son ensemble a une mauvaise opinion, due aux multiples tracasseries (extorsion de matériels, instruments de pêche et de chasse) qu?elle subit de la part de ces gardes. Cette même opinion négative se manifeste au travers des relations qui se sont établies entre cette population locale et les gardes de l?ICCN.

En effet, d?après la littérature, plusieurs enquêtes qui se sont déroulées dans le paysage SalongaLukenie-Sankuru, ont révélé la nature tendue des relations qui existent entre les populations riveraines de Monkoto et le PNS et ses institutions, en particulier les gardes de l?ICCN164. La figure 8 à la page suivante reprend les opinions des populations de pêcheurs à propos de leurs relations avec les gardes du Parc.

163 WEBER et REVERERET (1993), cités par Binot A. et Joiris V. (2006) Op.cit.

164 Ici, je fais allusion notamment aux études de WCS 2004, ILAMBU 2005, WWF 2005 et WFC 2006

Photo2: Interview de la population locale. Focus-group homme (Rivière Luilaka) juillet 2006

Figure 8. Opinions des populations de pêcheurs à propos de leurs relations avec les gardes de l'ICCN

Source: Traitement personnel à partir des données de l?étude de Béné C. et al. (2006)

7

L?analyse de ce diagramme montre les mauvaises relations qui existent entre les pêcheurs et les
gardes de l?ICCN. Dans l?ensemble (pêcheurs migrants+locaux), la majorité des pêcheurs (58,5%)

(migrants+locaux)

a indiqué les mauvaises relations avec les gardes du parc, suivie de 30% ayant déclaré de bonnes

he

relations, tandis que 7,5% de cette population de pêcheurs a déclaré avoir des très mauvaises
relations, et seulement 3,8% pensent que leurs relations avec les gardes de l?ICCN sont très

61%

bonnes.

45%

Quant aux pêcheurs locaux, le degré d?opinion négative montre combien l?entente est difficile entre eux et les gardes du parc. Plus de 80% des pêcheurs locaux (soit 71% pour mauvaises, et 9,7% pour très mauvaises), soulignent les relations négatives entre eux et les gardes de parc contre seulement 19,3% de ceux qui jugent ces relations positives, avec respectivement 16,1% pour des bonnes relations et 3,2 % pour des très bonnes relations avec les gardes du parc.

Chez les pêcheurs migrants, plus de la moitié (54,5%) pensent que leurs relations avec les gardes du parc sont normales. Parmi eux, 50% a déclaré que les relations sont bonnes et 4,5% ont indiqué des très bonnes relations avec les gardes de parc. Enfin, environ 45,5% estiment que ces relations sont négatives avec respectivement 40,9% d?opinions pour de mauvaises relations et 4,5% pour de très mauvaises relations.

En conclusion dans l?ensemble de la population des pêcheurs c?est l?opinion négative (66% contre 34%) qui domine, et l?on constate qu?il existe une nette différence entre pêcheurs locaux et migrants, dans leurs opinions respectives par rapport à leurs relations avec les gardes de parc. Les migrants ont tendance à apprécier les relations avec les gardes du parc alors que les locaux manifestent plus de mécontentement que les migrants dans les opinions négatives (80,7% contre 45,5%), et moins de reconnaissance que les migrants pour ce qui est d?opinions positives (19,3% contre 54,5%).

Cette attitude peut s?expliquer par le fait que ce sont les pêcheurs locaux qui subissent le plus d?exactions et de maltraitance de la part des gardes du parc. Un tel traitement ne fait qu?exacerber le mécontentement, tandis que les migrants, pour la plupart, fréquentent la rivière Luilaka pendant la saison (sèche) de pêche et rentrent aussitôt la période terminée, sans subir trop d?exactions.

Ensuite, la même opinion est exprimée à propos du parc et de son partenaire principal (WWF) par la même population, qui estime que l?ICCN qui interdit toute activité dans le parc et exclut de sa gestion les populations riveraines, n?a aucun souci des populations qui revendiquent leurs ressources, et par conséquent le ressentiment les pousse à croire que PNS, « patrimoine mondial » ne leur est profitable que pour accéder aux ressources halieutiques, et que, en dehors de celles-ci, il ne prend soin que des animaux et des plantes.

On peut constater ce mécontentement à travers les citations ci-après qui reprennent les opinions des populations riveraines de Monkoto, tirées d?un rapport sur l?évaluation socio-économique au Parc National de la Salonga, septembre 2009:


· Perception du PNS par les villageois: .x C'est un Patrimoine Mondial, mais sans aucun profit pour nous (la population). Nous ne vivons pas les bienfaits du Parc : c'est un repas par coeur; Le Parc est fait pour qui? Les animaux et les plantes, et non pour les hommes »;

· Perception du PNS par un agent de l?administration: .x Ndako eyambaka bapaya elalaka nzala te (La maison qui reçoit beaucoup de visiteurs ne peut pas connaître la famine), le Parc attire des étrangers »;

· Quant à l?interdiction d?exploiter les ressources du PNS: .x Soki okitisi mwana mabele, lengela mpe biloko mosusu ya koleisa ye (Si vous sevrez l'enfant, il faut prévoir comment le nourrir, d'autres aliments) »;

Eleko oyo ezalaki mpo na biso kozua mbinzo ebele mpenza. Lelo bopimeli biso yango mpe, bolingi kosilisa biso? (c'est durant cette période que nous ramassions dans le parc des chenilles par dizaines de sacs. Aujourd'hui, méme ces chenilles nous ont été refusées. Est-ce notre extermination que vous cherchez? )»;

· Avis d?un villageois sur le WWF et l?ICCN: .x Nous ne connaissons pas le WWF, c'est l'ICCN que nous connaissons. Ils sont tous deux à la base de notre souffrance. Ils ne nous autorisent pas à pêcher ni chasser sur la terre de nos ancêtres, mais eux-mêmes ne s'en privent pas »;

· Avis d?un villageois sur le WWF: .x C'est notre ennemi ICCN qui l'a fait venir: l'ami de notre ennemi est aussi notre ennemi ».

3.4.2. Désobéissance civique et non-reconnaissance de l'autorité de l'ICCN

L?Etat Congolais, au travers l?ICCN, se considère comme le seul propriétaire de la forêt; ceci malgré le Code Forestier de 2002 qui reconnait le droit d?usage des populations, dans les forêts classées comme le PNS, et la présence des communautés locales qui demeurent, en vertu de la coutume, les gardiens de leurs forêts. Les populations riveraines du PNS réclament, sans même avoir connaissance de cette loi, leurs droits d?usage sur les ressources du Parc National de la Salonga. Mais malheureusement, l?ICCN et ses partenaires, se bouchent .x les oreilles » et ignorent toutes ces revendications. Devant une telle attitude, et sous l?influence d?élites, la population locale à son tour pratique la désobéissance et ne reconnait pas l?autorité de l?ICCN.

Nous avons été témoin d?un cas de désobéissance civique de la population de Monkoto face à l?autorité de l?ICCN. En effet, lors de notre séjour à Monkoto en mai 2006, dans le cadre d?une .x étude des activités de pêche sur les rivières bordant le Parc National de la Salonga, et recommandations sur la mise en place d?une gestion collaborative. », pour le compte du WWF,

un homme politique du nom de LOOTA EBOLA, fit circuler un document affirmant la nature non constitutionnelle des réglementations de l?ICCN et en particulier la nature « caduque » de l?interdiction faite aux populations locales de rentrer dans le PNS.

Il incita les populations au non-respect des réglementations et les encouragea à pénétrer dans le parc pour accéder à leurs ressources. Il s?en suivit une grande confusion et on assista à un spectacle d?exploitation des ressources pendant plusieurs jours et de désobéissance civile de la part de la population qui pénétra effectivement dans le parc. Il a fallu l?intervention des gardes et la tenue de plusieurs réunions d?urgence avec les autorités locales pour ramener le calme à Monkoto après quelques semaines.

CONCLUSION GENERALE

L?étude que nous venons de faire dans le cadre de ce mémoire de Master Complémentaire en Développement, environnement et sociétés a été consacrée à l?analyse du conflit et des logiques d?acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga.

Notre préoccupation était de montrer que, contrairement à une gestion du parc soumise au principe de la domanialité publique, qui postule que seul l?intérêt général de la protection de l?environnement soit privilégié à la protection, le régime de gestion unilatérale étatique de type policier et la politique d?exclusion des populations riveraines de la gestion du parc par l?ICCN n?ont pas réussi à satisfaire les besoins des populations locales par rapport à leur milieu naturel. Elle n?a pas, non plus, pu empêcher les populations riveraines de s?adonner à des pratiques d?exploitation des ressources naturelles dont halieutiques qu?elles ne cessent de considérer comme ressources spoliées par l?ICCN.

Pour la vérification de nos hypothèses, nous avons eu recours à l?analyse des faits qui se sont déroulés depuis les origines de la création du Parc National de la Salonga jusqu?à ce jour, dans une perspective historique. Nous avons emprunté à Frédéric Debuyst le modèle du schéma actionnel pour analyser le système d?action et de décision des acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du PNS.

Après analyse, il s?avère que le conflit du parc (l?ICCN) avec les populations riveraines ne date pas d?aujourd?hui, mais des années 1956, avant même l?indépendance du Congo belge; date à laquelle les premiers déplacements forcés des populations indigènes ont été effectués par l?Institut pour la Conservation de la Nature au Congo (ICNC), en vue de la création du Parc National de Monkoto devenu Parc National de la Salonga en 1970.

Déjà à cette époque, l?Etat c'est-à-dire l?ICNC et les autorités du Gouvernement Central, par leurs contradictions relatives aux modes d?acquisition de l?espace, étaient incapables de répondre de manière satisfaisante au programme de travaux publics qui fut élaboré en faveur des populations indigènes (faciliter leur installation dans les nouveaux villages, en les rendant plus attrayants et plus confortables que les anciens) qu?ils ont eux-mêmes déplacé de manière forcée, déclarant libres de tout droit les terres et les vastes territoires en apparence non occupés, appartenant pourtant aux indigènes et leur servant de culture itinérante avec jachère longue et de zones de chasse et pêche indispensables à leur équilibre alimentaire.

Face à cet échec, et malgré le fait que le responsable des nouveaux villages était légalement armé pour interdire la résidence dans les terres domanialisées par les autorités, la plupart des populations indigènes déplacées avaient résisté et rejoint leurs anciennes terres, mettant en échec toute la procédure << boiteuse » instaurée par les enquêtes de vacance des terres. Celles qui étaient restées dans les nouveaux villages avaient déjoué le projet en acceptant une occupation de leurs terres par l?Etat, tout en refusant toute indemnisation et sans cession des droits indigènes (droits de chasse et de pêche).

L?enjeu de la conservation tel qu?il apparaît dans la lecture historique du processus de l?implantation de ce Parc National de la Salonga dans le territoire de Monkoto résidait dans la protection pure et simple de l?espèce de chimpanzé nain << Pan Paniscus » endémique de la RDC (précisément sur la rive gauche du fleuve Congo), par le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux, au détriment des populations riveraines qui vivaient de leurs ressources et qui, aujourd?hui, sont non seulement pauvres, enclavées, dépourvues d?accès à cette réserve, mais aussi exclues de la gestion de celle-ci.

Il nous a semblé dès lors utile d?étudier cette politique de gestion du parc par l?ICCN pour tenter de comprendre les relations qui se sont établies entre les populations riveraines de Monkoto et les agents de l?ICCN, en particulier les gardes de parc.

Notre réflexion sur les relations de l?ICCN avec les populations riveraines de Monkoto a mis en exergue la problématique de la gestion et de l?exploitation des ressources du Parc. Nous avons montré que cette mauvaise cohabitation entre population riveraine et agents de l?ICCN est due, d?une part, à un fort sentiment de spoliation et de rancoeur chez ces populations déplacées lors des opérations de vacance de terre, à l?égard du parc et des agents de l?ICCN; et d?autre part, au comportement un peu << policier » des agents de l?ICCN, caractérisé par des exactions et des maltraitances. L?analyse qui s?en est suivie nous a permis de soutenir que le conflit du parc est généré par les autorités de l?ICCN qui ne élaborent pas des politiques de gestion du parc qui tiennent compte des intérêts des populations locales, de leurs pratiques coutumières liées aux ressources et systèmes traditionnels de régime foncier.

La gestion unilatérale du PNS par l?ICCN, couplée à l?effondrement du tissu socio-économique dans la région au cours des vingt dernières années, ont accentué la précarité socio-économique et alimentaire des populations riveraines de Monkoto. Il s?avère que, depuis les années 1980, le territoire de Monkoto a connu la destruction du réseau routier, une forte diminution du trafic fluvial, l?effondrement du secteur agricole et l?on a constaté que la dépendance des populations

aux ressources naturelles (produits forestiers non ligneux, chasse, pêche) a augmenté rapidement. Au niveau local, quelques changements sont perçus: autrefois la pêche était une activité de subsistance mais actuellement, elle s?est transformée en activité commerciale.

Face à cette précarité socio-économique, les populations riveraines de Monkoto ont fait de la disponibilité et de l?accès aux ressources, un élément clé pour leur survie, elles se sont lancées dans des activités économiques à travers la pêche commerciale pouvant servir de source de revenu. En outre, elles se sont aussi regroupées en créant des organisations et associations locales, des coopératives de pêcheurs et d?agriculteurs.

Contrairement à ce que nous avions formulé dans nos hypothèses, nous arrivons à la conclusion que les problèmes les plus importants dans ce territoire sont moins les problèmes de l?existence du parc que ceux des enclavements des populations riveraines, considérés par ces dernières comme étant un grand frein à leur développement socio-économique et limitant leur chance d?être en contact avec le monde extérieur (technologies nouvelles, informations scientifiques et communication moderne). Il est urgent que les autorités administratives commencent par désenclaver le secteur si elles désirent gérer efficacement les ressources naturelles, dont halieutiques du Parc National de la Salonga.

Autour du PNS, en général et à Monkoto en particulier, se pose la question de la cohabitation d?une logique conservationniste qui trouve son sens à l?échelle nationale et internationale et d?une logique développementaliste qui implique l?exploitation locale des ressources du parc. Ainsi pour concilier les intérêts des uns et des autres et garantir la pérennité du processus de conservation, nous suggérons la mise en place d?une approche de conservation participative et communautaire au lieu de celle protectionniste exclusive, c?'est-à-dire, une conservation des ressources naturelles « avec, et par les populations ».

C?est cette approche que l?Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) a appelé « Community-Based Natural Resource Management ». Elle prône la prise en compte politique et économique des thèmes de la durabilité des processus de développement et des droits des peuples autochtones165.

165 U ICN/CMAP/WWF (1996) : Principes et lignes directrices sur les peuples autochtones et traditionnels et les aires protégées, in Congrès mondial de la nature sur les populations autochtones et les aires protégées, Montréal, Canada. Ces principes sont issus de la Résolution 1.53 fondée sur les recommandations du IV è Congrès mondial sur les parcs nationaux et les aires protégées (Caracas, Venezuela, 1992), qui demanda l?élaboration de politiques sur les aires protégées qui tiennent compte des intérêts des peuples autochtones, des pratiques coutumières liées aux ressources et des systèmes traditionnels de régime foncier.

Il est impératif de préconiser une gestion participative, d?impliquer les populations locales tant au niveau de la conservation qu?à celui de l?utilisation des connaissances sur l?environnement. Une telle stratégie devrait offrir des alternatives économiques aux populations concernées, par le biais notamment d?activités génératrices de revenus et l?aménagement d?infrastructures socioéconomiques, afin de favoriser le développement social et économique des populations vivant à la périphérie ou même à l?intérieur du parc et des zones protégées.

Le Parc National de la Salonga est un patrimoine collectif qui ne peut survivre qu?au travers d?un consensus général regroupant les différents acteurs (Etat, collectivités rurales, industriels, société civile, bailleurs de fonds, etc.). Une fois ces acteurs identifiés, les priorités d?interventions doivent clairement être hiérarchisées afin de promouvoir un échange direct entre tous les acteurs intéressés. Chacun des intervenants doit alors être conscient de ses droits et devoirs.

Le contexte dans lequel doivent s?opérer ces interventions nécessite la prise en compte du caractère culturel, des institutions locales, du savoir traditionnel, de la participation et de l?approche participative, des ONG ainsi que de la société civile. Si cette condition n?est pas réalisée, aucune autre gestion du PNS, aussi parfaite soit-elle, ne sera durable ni satisfaisante.

C?est en Afrique australe et notamment au Zimbabwe, en Zambie et au Botswana que des programmes pilotes d?association de communautés locales à la gestion des parcs furent lancés au début des années 1990 et servent depuis de référence pour la généralisation de telles pratiques sur l?ensemble du continent, voire au-delà. Avec la décentralisation des responsabilités politiques dans certains pays, des dispositifs de gestion durable des ressources naturelles, telle la faune et du foncier par les communautés locales se sont mis en place166.

En Afrique de l?Ouest (Burkina Faso, Bénin), ils sont arrivés jusqu?à la constitution d?unités de conservation de la faune permettant aux collectivités locales de s?organiser pour gérer les terres mises à leur disposition et percevoir des revenus liés à l?exploitation de la faune. Il en est de même au Congo Brazzaville avec le programme ECOFAC, dans le sanctuaire à gorilles de la Lossi, les ayants droit coutumiers des terroirs de chasse ont été associés à la valorisation de leurs terres dans une perspective de tourisme scientifique et de vision, en étroite collaboration avec les autorités administratives.

166 GIRAUT F. et al. (2003) Les aires protégées dans les recompositions territoriales africaines, Vè congrès mondial des parcs, Durban.

C?est également le cas au Gabon, dans la réserve de faune de la Lopé, où les terroirs villageois tels qu?exploités au moment de la préparation du plan de zonage, d?aménagement et de gestion, recouvrent intégralement la zone où les populations sont autorisées à pratiquer leurs activités167.

Ainsi, nous proposons un transfert réel de pouvoir aux populations locales et à leurs représentants par l?Etat. Une autonomie plus grande doit être donnée localement, et une véritable gestion « décentralisée » doit être mise sur pied où les prises de décision ainsi que la définition des règles de gestion émanent des populations et de leurs représentants, l?Etat ne gardant plus qu?un rôle d?orientation, autrement dit, définissant les conditions de cette gestion décentralisée. Dès lors, la gestion décentralisée implique autonomie et non indépendance, l?Etat et ses Services techniques assurant toujours la politique d?orientation et de contrôle.

Toujours sur la base d?une décentralisation, nous suggérons encore qu?à l?échelon national une véritable politique de gestion des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga soit élaborée, laquelle ne peut intervenir que dans un cadre d?action démocratique respectueux du droit.

167 AURÉLIE, B. et V. JOIRIS (2006), Op.cit, p.6

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ANNEXES

ANNEXE 1. Cartes du paysage Salonga-Lukenie-Sankuru Rivière Lukenie au Parc National de la Salonga

Source : GIS-WWF-RDC

Paysage Salonga-Lukenie-Sankuru

Source : GIS-WWF-RDC

Localisation des six stations de l?ICCN dans le PNS

ANNEXE 2. Protocole d'accord entre les membres de la coopérative de Bongonda et l'ICCN sur la pêche coutumière dans la zone de Monkoto

ANNEXE 3. Archives des autorités administratives sur le projet de la création du PNS

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld