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L'Art dans ses rapports avec l'intelligence et l'imagination

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par Dr Mohamed Dr. Mohamed Sellam
Université d'Aix- en- Provence - Maitrise en histoire de l'art. 1974
  

Disponible en mode multipage

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ACADEMIE D'AIX-MARSEILLE

Université d'Aix-En-Provence

L'Art dans ses rapports

avec l'intelligence

et l'imagination

Mémoire préparé par M.Mohamed Sellam en vue de l'obtention de la Maîtrise en histoire de l'art.

Sous la direction des professeurs:

M.Coulet

M.Viard

Année Universitaire

1974-1975

ACADEMIE D'AIX-MARSEILLE

UNIVERSITE D'AIX-EN-PROVENCE;

L'ART DANS SES RAPPORTS

AVEC L'IMAGINATION ET L'INTELLIGENCE

Mémoire de maîtrise

préparé par Mohamed Sellam

Sous la directeur des Professeurs:

M.Coulet.& M.Viard

Année Universitaire.

1974-1975

UNIVERSITE D'AIX-EN -PROVENCE

Mémoire préparé en vue de l'obtentio dla Maîtrise en Histoire de l'art

Note préliminaire

Ce mémoire que j'ai entrepris d'écrire,à l'issue bien évidemment des études faites particulièrement dans le domaine de l'art,dont la notion,en réalité fugitive et insaisissable,n'a pu être éclaircie,quoique encore superficiellement,que par le moyen d'une analyse minutieusement explicite,se présente en effet comme une contribution modeste pour la connaissance de l'art,dans son expression la plus large..

Aussi ai-je tenu à explorer cette notion sous tous ses aspects immédiats,sans être le moins du monde démoralisé ni effrayé par sa nature si mystérieuse,si subtile et si complexe..

Je demeure persuadé cependant,que ce mémoire,par son contenu si riche,par le contenu artistique qu'il pourrait immanquablement susciter,par sa contribution enfin à stimuler,à revaloriser le goût pour l'art,est déjà assez suffisant pour conquérir en quelque sorte,une petite place parmi les études souvent exhaustives et profondes faites dans ce domaine depuis bien des années..

De plus,je me permets d'ajouter que,pour éviter d'en encombrer le texte par des indications et références bibliographiques,dont j'ai mis l'essentiel en bas de page,j'ai cru nécessaire de n'y rien adjoindre que ce qu'on pourrait juger indispensable..

De même que j'ai tenu à éluder,pour en rendre la lecture plus aisée et plus souple,toutes sortes de détails inutiles..

J'adresse mes vifs remerciements à mes chers professeurs,M.Coulet et M.Viard,qui ont fait preuve de beaucoup de compréhension et de mansuétude à mon égard...Qu'ils reçoivent encore une fois l'expression de ma profonde gratitude.

Aix-En-Provence le 24/06/1975

M.Mohamed Sellam

TABLE DES MATIERES

PREMIERE PARTIE

L'inspiration est-elle un facteur primordial

dans la réalisation de l'oeuvre?

(I)

Le rôle du conscient et de l'inconscient.

P.1

(II)

Particularités de la sensibilité.

P.15

(III)

Formation de l'oeuvre

P.31

Deuxième Partie

Le message de l'oeuvre

(I)

L'oeuvre refléte-t-elle le réel?

P.42

(II)

L'oeuvre transforme-t-elle le réel?

P.60

(III)

L'oeuvre produit-elle un univers nouveau?

P.80

?I?

Le rôle du conscient et de l'inconscient

Quelle est la fonction de l'art?Comment assume-t-il sa mission et dans quelle perspective humaine se situe-t-il?

L'art est une notion intellectuelle et mentale,foncièrement inhérente à la pratique et au savoir-faire,soumise à des régles particulières relevant de l'aptitude et de la disposition de celui qui en détient les secrets..L'art est donc fondé sur des principes logiques,permettant d'agir selon la raison et non selon le caprice du moment .« A vrai dire,on ne devrait nommer art que le produit de la liberté,c'est-à-dire un vouloir qui fonde ses actes sur la raison»1(*)

Or,l'art,lorsqu'il agit conformément à la raison,réalise des prodiges surnaturels,s'intégrant dans le sphère de la pensée humaine et civilisationnelle..

La mission de l'art est donc une mission difficile et aléatoire,car elle est liée,non pas à l'essence de l'art,en tant que tel,mais à l'audace et à la virtuosité de l'homme en qui s'incarne l'esprit de l'art.2(*)

L'idée que l'art traduit seulement des faits et des choses,auxquels il confère une certaine image fantastique et plus ou moins réelle,ne se conçoit qu'au niveau de sa fonction propre,réalisée conventionnellement par des prosélytes qui sont loin de lui opposer d'autres prérogatives que celles déjà connues par le vulgaire.« Ce que voient en l'art ceux qui lui sont étrangers,l'art est un moyen de fixer les instants émouvants de la vie ou de les imaginer.En réalité,la détermination de la fonction de l'art est loin d'être fixée:il ne s'agit nullement de question de réhabilitation,mais disons plutôt de justice..car le profane ou le novice en matière d'art,qui se nourrit volontiers de préjugés et de concepts erronés et fallacieux,ne se donne guère la peine pour se rendre compte de la signification réelle qu'implique la notion d'art..L'art n'est pas un produit de l'homme,c'est un phénomène dû à une intervention divine,accidentelle et métaphysique,car il n'est pas donné à tout le monde de s'arroger le pouvoir de l'art et de sa puissance occulte..La fonction de l'art au sein de la société reste cepentant,indépendamment de son caractère surnaturel,civilisationnelle et profondément humaine..

L'art ne réside pas dans la conception et la réalisation de la «beauté »en tant que forme absolue du beau,l'art ne se borne pas uniquement à ce domaine,loin de là,ses frontières s'étendent en effet au-delà de toutes limites,pour atteindre au sublime,franchir l'inaccessible et soumettre l'éternel..

Le génie de l'art,c'est d'opérer une large percée dans le mystère de la vie,de sonder l'inconnu et de naviguer dans les régions ténébreuses de l'esprit divin,pour débrouiller l'écheveau de l'existence humaine.3(*) 

Or donc,l'art,qui englobe dans sa sphère lumineuse tous les aspects de l'inconnu,ne s'en est pas trouvé en difficultés pour vaincre le néant,et faire surgir ce qui a fait l'admiration et l'émerveillement de l'homme sur terre.4(*)

D'autre part,c'est l'art,un don naturel,une puissance visionnaire et mystérieuse,qui fait naître chez l'individu,les conditiions fondamentales du talent,qui est en effet une forme d'aptitude à la concrétisation matérielle des choses..Quand on parle d'un écrivain de talent,cela signifie en réalité,qu'il est doué d'un don exceptionnel et surnaturel,et par conséquent,il incarne cet esprit mystérieux que l'on appelle art,et cela,en dépit de la discrimination,non pertinente d'ailleurs,que l'on a tendance à afficher entre talent et art..

Un peintre de talent,c'est encore un peintre nanti de toutes les qualités impératives qui feraient de lui un peintre ayant atteint un haut dégré de savoir-faire et d'habileté et de là,à l'apogée de l'art..car l'art,comme l'a fait remarquer Kant « est ce que l'on n'a pas l'habitude d'exécuter tout de suite,alors même qu'on en posséde complétement la science,voilà seulement ce qui donne dans cette mesure l'art »5(*)

L'art,comme les différentes phases physiologiques qui s'accomplissent inconsciemment dans les entrailles de la mère,n'exécute pas en effet son oeuvre dans l'immédiat,il prend son temps,car il provient de Dieu,qui est sa seule et unique source..

Néanmoins,l'art ne s'acquiert pas,ne s'apprend pas mécaniquement,l'art nait et croît,telle une plante dans un terrain aride et sauvage,à l'intérieur de l'individu,sans que l'inspiration ou quelque autre phénomène,intervienne dans ce processus surnaturel6(*)..L'art est une tactique,une logique qui régle tout,selon la réalité des choses,alors que l'inspiration,s'il y a eu vraiment inspiration,reste loin du pouvoir de l'art,sa fonction en tant qu'inspiration,se limite à faire éclore le germe de l'idée,entreprend et poursuit son développement à l'état brut,sans que l'art n'ait aucune part,si bien que l'oeuvre produite,ne sera pas une oeuvre tout à fait artistique,mais une oeuvre brute,massive,à l'état sauvage,contrairement à ce qu'avait avancé Platon7(*) «Ce n'est pas en effet par art,mais inspiration et suggestion divine que tous les grands poétes épiques composent les beaux poémes » Et les poétes lyriques de même,l'Iliade ou l'Odyssée ne sont pas en réalité des oeuvres d'inspiration aléatoire,fortuite,ce sont au contraire des oeuvres d'art,où l'inspiration ne joue qu'un rôle en apparence infime..

L'inspiration ne produit rien,car elle est un acte,quoique subtil,qui reste pourtant marqué par l'inertie et l'absence d'ordre et de méthode,alors que la création de la beauté,qu'elle soit sous la forme d'un poéme ou d'un tableau,devra impérativement être due à un ordre supérieur et effectif8(*)..  

Le poéte sentit tout à coup émerger en lui une vision,une vision qu'il s'efforçait,grâce au pouvoir de l'art,de fixer dans l'espace intellectuel de sa mémoire,de la matérialiser dans la réalité environnante,d'en produire une oeuvre magistrale et durable,ce que l'inspiration n'aurait jamais pu accomplir à elle seule,d'où dès lors la distinction très nette entre inspiration et art...

On disait souvent que le poéte ou le peintre ne produit rien,lorsqu'il est dans un état psychologique normal,et que pour créer,pour accoucher de quelque chose de grand et de sublime,il lui faut pénétrer dans un univers différent de celui dans lequel il vit..

Un esprit obscur,mystérieux,impénétrable,s'insinue dans tout son être,insuffle en lui un pouvoir divin,une faculté céleste,qui l'engage à produire des choses insoupçonnées et tout à fait inattendues,quelque chose de profond et de divin,auquel l'intelligence ne prendrait aucune part directe,prétention que Valéry semblait d'ailleurs démentir catégoriquement«Je ne pouvais souffrir que l'on opposât l'état de poésie à l'action complète de l'intellect,cette distinction est aussi grossière que celle que l'on enseigne exister entre sensibilité et intelligence ,deux termes que l'on serait bien en peine de préciser sans se dédire ou se contredire. »9(*) 

Il ne serait pas logique,il est vrai,d'alléguer que l'invention de la lumière,ou encore du Cid ou de quelque autre chef-d'oeuvre que l'on juge de nos jours comme immortel,ne soit pas due à l'action de l'intelligence.10(*)

Le problème,c'est que des affirmations concrètes ont été d'ores et déjà avancées,concernant l'état oû l'on se trouve,au moment oû il nous est donné de produire,que ce soit dans le domaine poétique ou autre...Platon,plus versé qu'aucun autre en la matière,n'affirmait-il pas que,étant sous l'empire d'une force inconnue,le créateur se laisse emporter par un courant irrésistible,jusqu'à entrer en transe. «car le poéte,ajoutait-il,est chose légère,ailée,sacrée et il ne peut créer avant de sentir l'inspiration d'être hors de lui et de perdre l 'usage de la raison.Tant qu'il n'a pas reçu ce don divin,tout homme est incapable de faire des vers et de rendre des oracles.11(*) »

Il est tout de même probable que le fou n'est pas celui qui a perdu la raison ...La folie est capable de produire,d'inventer et même de se dépasser elle-même pour atteindre à la divinité,mais son action est éphémère et n'est pas durable.en ce sens que la perte de la raison entraîne inéluctablement la perte de toutes les facultés et ,en conséquence;la stérilité radicale de l'esprit,puisque l'inspiration,visiteuse inattendue et n'apparaissant que d'une manière intempestive,n'accomplira aucunement son action,si elle ne se soumet pas à la raison et à l'intelligence,même en cas de révélation ou de prophétie,comme l'avait souligné assez pertinemment Platon.«les beaux poémes ne sont ni humains,ni faits par des hommes,mais divins et faits par des dieux et que les poétes ne sont que les interprètes des dieux,puisqu'ils sont possédés,quel que soit le dieu particulier qui les possède »12(*) 

Homère qui,en psalmodiant en cadence les beaux vers de `l'Iliade` ou de `l'Odyssée' était-il pour de bon sous l'influence d'un esprit étranger?  

Dante,en écrivant la Comédie divine,s'était-il pris à son insu dans l'engrenage d'une domination incoercible,qui le maintenait de force sous son pouvoir?Etait-il dans un état cauchemardesque,un état d'inconscience absolument irréversible dont il ne pouvait se défaire,en dépit de ses immenses efforts13(*)?

Le poéte,les écrivains de génie,les peintres,bref tous ceux qui sont nantis de la faculté de transformer,tels des alchimistes habiles,une idée en un objet,intéressant et utile à la vie et à l'esprit,ces gens -là étaient-ils sous la fascination d'un mystère inaccessible ou plutôt les instruments passifs d'un esprit suprême et invisible?

Cette force mystérieuse,cette idée qui jaillit à la lumière de l'esprit,en traversant,tel un bolide,l'espace vital du cerveau,c'est à coup sûr dans l'inconscient qu'elle a couvé et c'est là en effet qu'elle a eu son berceau et sa source primitive14(*)..

L'inconscient,sphère obscure gisant au sein de notre être,s'extériorise et se manifeste à travers le germe qu'il a fait naître pour déclencher l'étincelle de la création..

L'expérience enseigne que le poéte prend son unique point de départ « dans l'inconscient,je dirai même qu'il doit s'estimer heureux,s'il parvient,tout au plus,en y mettant la conscience la plus claire possible,à retrouver,dans le travail achevé,non atténuée, la première et obscure idée totale qu'il a conçue de son oeuvre.15(*) »

Le poéte ou l'écrivain,trouve l'idée initiale de son oeuvre,comme une vision inattendue,dans l'inconnu,alors qu'il était dans l'inconscient,plongé dans un état,comme dans un état d'hypnotisme,d'où tout sentiment de son être s'en trouverait comme exclu..dès lors,les ressorts et les mécanismes de cette idée,se développent,s'affirment progressivement pour se donner une forme,que l'art embellit et pare ingénieusement de ces atouts magiques..

Or,une telle métamorphose ne peut jamais se concevoir sans le secours de la raison,dont le pouvoir si fécond confère à la forme créée du prestige et de l'éclat,car,comme l'a fait entendre le grand poéte allemand Schiller,« l'inconscient uni au réfléchi constitue l'artiste en poésie.16(*) »

Cela nous incline à dire que,bien que l'inconscient sans conteste joue un rôle de premier plan dans la conception de l'oeuvre,il n'en est pas moins vrai que la raison,ou si l'on préfère la conscience claire et lucide,dont le recours est plus que fondamental,je dirai même impérieux à plus d'un titre,car il ne serait absolument pas raisonnable de croire que le poéte produise dans un état hors de lui-même, demeure fondamentalement l'étincelle dominante dans toute production intellectuelle..

Ce qui est vrai,c'est que le créateur ne crée pas d'instinct ou suite à une intuition subtile,abstraite,survenue à l'improviste pour donner le branle-bas au génie créateur..Cela n'est pas du ressort de la création,cela relève plutôt de la fantaisie ou de l'insinuation capricieuse et Edgar Poe ,poéte expérimenté,versé dans tout ce qui touche à la création artistique,s'insurge contre ce préjugé inadmissible.«la plupart des écrivains,dit-il,les poétes surtout,préfèrent laisser entendre qu'ils composent ,dans une espèce de splendide frénésie,d'extatique intuition17(*). »

Cette opinion d'ailleurs commune à presque tous les écrivains,n'aurait pas de raison d'être,car ce n'était qu'une allégation fallacieuse,une sorte de prétention gratuite,avancée dans le but évident de donner à leur production le caractère d'une réalité sacrée et céleste,une tentative de sacraliser en quelque sorte le produit intellectuel «La vérité,c'est que l'originalité n'est nullement ,comme d'aucuns le supposent,une affaire d'instinct ou d'intuition.18(*). »

Tout est réduit à l'art et à son immense pouvoir..Il est vrai que l'art ne s'apprend pas,comme on apprend un métier,car l'art est quelque chose d'inné,quelque chose d'imperceptible,de fluide et de déliquescent,quelque chose enfin que l'on ne peut pas définir aisément et qui éclate,tel un bourgeon,dans le jardin de l'esprit et du coeur.Et pourtant l'on persiste à dire que l'art s'acquiert,comme n'importe quel autre métier,mais son acquisition requiert sacrifice,persévérance,

enfin un souffle inépuisable et énergique,comme le précise pertinemment Malraux.«Entre la vision de l'artiste et celle du non-artiste,la différence n'est pas d'intensité,mais de nature,c'est que la seconde est ordonnée par des actions ,alors que même pour le peintre le plus misérable,le monde est encore tableau19(*)

En effet,le vrai artiste manifeste une certaine curiosité,une certaine inclination presque instinctive vers ce qui est beau..Il essaie d'en comprendre tous les aspects,d'en déchiffrer tous les secrets et d'en dévoiler,sans trop de difficultés,tous les mystères,puisque,irrésistiblement,tout son être est attiré vers lui,comme vers un objet magnétique 20(*)

Le poéte puise son idée dans la source de l'inconscient.Mais cette idée s'avérerait insignifiante,si elle n'était pas façonnée,modelée dans le creuset de l'art;;L'art seul a le pouvoir absolu de mettre cette idée à exécution,de lui donner forme et corps,en un mot, de la rendre utile et significative.«La poésie consiste à savoir exprimer et communiquer l'inconscient,en d'autres termes,à l'incorporer dans un objet21(*).»L'inconscient se traduit en idées,en spéculations mentales abstraites,que l'art par des moyens subtils et ingénieux,métamorphose en une forme concrète et tangible,si superbement travaillée qu'elle suscite l'admiration et la joie.

«Celui qui n'est pas poéte peut fort bien,tout comme le poéte,être ému par une idée poétique,mais il est impuissant à l'incarner dans un objet,il est impuissant à l'exposer sous une forme qui puisse s'arroger le caractère de la nécessité;»22(*)

En effet,le passage de l'idée à l'objet,ne s'accomplit qu'en application de certaines régles logiques,subtiles et complexes,d'un savoir-faire rigoureux,enfin d'une aptitude psychique dont l'art seul posséde le secret.23(*)

Certes tout le monde peut avoir des idées,comme tout le monde ne manque pas d'imagination ou de culture,mais tout le monde n'est pas capable de mettre en valeur et de concrétiser ces idées,issues de l'inconscient et qui voguent vainement dans les horizons de l'esprit..

«On ne manque pas aujourd'hui d'hommes dont la culture soit poussée assez loin et pourtant ils sont impuissants à créer,le chemin qui mène du sujet à l'objet leur est interdit24(*)

D'autant plus que tout acte créateur suppose avant tout une disposition mentale adéquate,susceptible de favoriser l'épanouissement et la matérialisation de l'idée,sa transfiguration,sa transformation en une réalité concréte,opération que nul ne sera en mesure de faire,sauf pour quelques rares initiés ou nantis d'un pouvoir mystérieux qui les conduira à la réalisation de cette chose extraordinaire que l'on appelle «Oeuvre »

«Les actes créateurs procèdent en effet non de la connaissance de leurs lois,mais d'une puissance incompréhensible et obscure,et qu'on ne fortifie pas en l 'éclairant25(*).» 

De telles opérations s'accomplissent lentement,par étapes,et non pas d'un seul coup,comme on a tendance à le croire..Car engendrer une « oeuvre »peut supposer forcément bien des difficultés,maints soucis,des anicroches à franchir et des entraves à surmonter,bref de multiples combats intérieurs où se mêlent,dans des réseaux inextricables,le pour et le contre.«Car il faut bien,pour que la lumière soit,que la puissance vibrante se heurte à des corps d'où elle éclate.26(*)»

Paul Valéry,poéte profond et abscons,savait mieux qu 'aucun autre l'étendue des difficultés inhérentes à la création artistique,...Il en percevait les valeurs insignes et le bonheur qui en résultait,comme il en percevait également les déboires et les mortels chagrins,tribut qu'il payait obligatoirement à la joie de la création27(*).

On a laissé entendre précédemment que,en raison de la similitude génétique qui existe au niveau de l'humanité,tout le monde posséde la faculté de penser et d'agir,selon des lois imposées par une raison commune,si bien que,au-delà des possibilités psychiques et psychologiques que la nature confère au genre humain,on peut dire,dans le même ordre d'idées,que le génie,que l'on a coutume à expliquer par une vision exclusive,une puissance intellectuelle inattendue,vitale et profonde,liée étroitement à la spécificité psychique de tel ou tel homme, ne peut être le privilège d'une seule créature,mais plutôt son pouvoir s'étend également à toute la race humaine,sans discrimination,comme l'a fait connaître le grand philosophe Nietzsche,excellent connaisseur de la nature humaine et visionnaire de génie,auquel nul ne conteste l'immense influence sur tous les esprits contemporains.

«L'activité du génie ne paraît pas le moins du monde quelque chose de différent de l'éctivité de l'inventeur,du savant astronome,ou historien,du maître en tactique.28(*)»

Tout homme en qui se manifeste accidentellement ou non la moindre étincelle de génie,ou plutôt,le plus simple désir de créer,d'enfanter quelque chose de neuf et d'original,cet homme mérite bien de prendre place parmi l'élite des créateurs29(*).

La question de génie ne se pose donc pas avec cette acuité coutumière,car le génie n'est nullement l'apanage d'un individu ou d'un groupe au détriment d'un autre et Nietzsche sur un ton primesautier,renchérit de plus belle,en s'interrogeant sarcastiquement;«D'où vient donc cette croyance qu'il n'y a de génie que chez l'artiste,l'orateur ou le philosphe?Eux seuls ont une intuition?30(*)»

De plus,la suprématie du génie ne réside pas toujours dans l'édification intégrale de l'oeuvre,elle réside au contraire,aussi paradoxal que cela paraisse,dans les premières manifestations de l'idée.«Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres,ensuite à bâtir,que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme.31(*)»Une telle assertion avancée par un grand maître de la pensée contemporaine,ne sera que plus plausible et irréversible,puisque,le génie se manifeste,selon toute évidence,par à-coups,dans des moments où on l'attendait le moins,sous l'impulsion du hasard ou des contingences extérieures à toutes volontés.

Si l'art assure l'élaboration parfaite de l'objet,veille munitieusement à son achèvement dans les meilleures conditions possibles en lui donnant toutes les chances de se prévaloir et d'atteindre par là le sommet de la perfection,cela prouve indubitablement l'existence d'une faculté éminente,latente,une intuition,pourrait-on dire,qui préside au processus de l'exécution..Cette faculté,c'est un don divin,incomparable,et ne peut être assimilée à aucune autre faculté,,c'est une sorte de trésor organique,psychique,d'une force stimulante et vitale,qui enrichit substantiellement l'idée formulée32(*),en l'entourant d'une auréole de lumière interne,bref la perfection,à quelque niveau qu'elle soit,est impérativement subordonnée à la richesse intérieure du peintre ou de l'écrivain,«Son degré de perfection dépend de la richesse intérieure qu'il possède et que conséquemment,il produit au dehors et du degré de nécessité qu'impose son oeuvre.33(*)»

Ce n'est pas là une capacité physique,visant à l'emploi,pour maîtriser la matière brute,des moyens autres qu'intellectuels,c'est plutôt une aptitude psychique,un pouvoir spirituel,capable d'exhaler au-delà de toute limite,quelque baume vital,un philtre,une espèce d'elixir subtil,susceptible d'éveiller les sensibilités endormies.

«J'appelle poéte,j'appelle créateur,tout homme qui est capable d'incorporer son état de sensibilité pour que cet objet me contraigne à passer à cet état de sensibilité et par conséquent exerce sur moi une action vivante.34(*)»

Cette transmission indirecte des sentiments résulte évidemment d'un état exceptionnel,un état de mouvement intérieur,qu'aurait vécu le poéte lui-même,au moment même de l'apparition de l'inspiration,c'est un univers de visions et d'idées,complexes,désordonnées et confuses,gisant dans les entrailles intimes de l'inconscient35(*).

Son émergence claire et nette ne saurait être réalisée qu'à l'issue d'un calme relatif,au travers duquel le conscient saisit immédiatement l'image encore enrobée d'un voile obscur36(*),qu'il clarifiera et exprimera avec logique et clarté,ce qui permettra la réalisation d'une oeuvre sincère et véridique,transposant ainsi l'expérience de l'humanité dans toute son étendue.

«On est en droit d'exiger de toute oeuvre poétique qu'elle soit expressive dans toute la plénitude du terme,ou si non,elle est si peu que rien,mais ce qu'exprime le poéte parfait,c'est l'humanité dans toute sa totalité.»Schiller est en effet plus conscient que ses illustres contemporains,de la portée du message de l'oeuvre poétique,en tant que produit servant à garantir la suprématie de l'esprit sur la matière,puisque le poéte n'exprime pas sa propre expérience,en faisant état de ses souffrances au moyen d'un langage spécifque,ce serait une très grave méprise,car plus sa sensibilité est subjective,plus elle est contingente;la force d'objectivité repose sur ce qui participe à l'idée et de l'idée jaillit l'expérience humaine,avec son lot de joie et de misère.37(*)

?II?

Les Particularités de la Sensibilité

L'artiste posséde-t-il une sensibilité aiguë,profondément différente de celle du commun des hommes?Le fait de produire un objet intellectuel ou pictural,nécessite-t-il impérativement le recours à la sensibilité?Faudrait-il encore être sensible pour saisir et capter des choses d'ailleurs imperceptibles au commun?

Il demeure néanmoins vrai que l'artiste,et tout homme qui travaille avec son intelligence,est foncièrement nanti d'une faculté sensitive,non comparable aux autres facultés,une faculté à part,exceptionnelle,que l'on peut considérer comme l'essence même de la faculté productrice chez le créateur.38(*).

Mais il n'en est pas moins vrai que la sensibilité à elle seule ne suffirait pas pour conférer des attributs exclusifs à l'artiste,car on pourrait être sensible sans qu'on ait la moindre aptitude à être artiste.

«Il va de soi que si un grand artiste de l'émotion est nécessairement sensible,l'homme le plus sensible du monde n'est pas nécessairement un artiste39(*)

La sensibilité se cultive,s'affirme et se développe,comme n'importe quelle autre faculté psychique..Une sensibilité à l'état brut,n'affirme pas les sentiments et resterait en conséquence stérile et improductive.

Toutefois,et sans vouloir être paradoxal,il est possible qu'un homme doué d'une sensibilité raffinée,pourrait avoir des goûts exceptionnels sur toutes les choses,sans qu'il puisse être pris pour un artiste..Car la sensibilité,jointe au talent et au maniement habile des principes de l'art,constitueront les conditions réelles pour former un bon artiste,sans pour autant prétendre au génie d'un Shakespeare ou d'un Goethe.40(*)

Marcel Proust est un écrivain sensible,intelligent,profondément fécond et intarissable,d'où l'on déduit cette différence radicale entre lui et la plupart de ses illustres contemporains,qui ne manquaient certes pas de génie,mais qui étaient en fait de beaucoup moins sensibles que lui,dont les oeuvres sont marquées par le sceau de l'immortalité41(*).

La sensibilité forme l'artiste,mais un artiste sans sensibilité serait un mauvais artiste,un artiste monotone,fade et même improductf.

Ceci dit,et si l'on veut aborder le problème dans son contexte le plus large,la sensibilité ,si elle venait à durer chez l'artiste pendant la création de l'oeuvre,tuerait en lui toute faculté productive,freinerait ce flux de pensées et de sentiments et par un paradoxe étrange,l'insensibilité,dans ce cas, deviendrait pour lui fondamentale pour la poursuite de l'oeuvre42(*).

Il est vrai cependant que la sensibilité est foncièrement inhérente à la nature de l'artiste,car chez lui,la sensibilité est psychiquement nécessaire,du moins pendant la gestation de ses pensées,mais cette sensibilité deviendrait fort périlleuse,si jamais elle tendait à s'extérioriser et à se perpétuer indéfinément,car «un poéte n'a pas pour fonction de ressentir l'état poétique:ceci est une affaire privée43(*).

Que l'on se représente un acteur quelconque sur la scène,dans une tragédie de Corneille ou de Racine,cet acteur serait irrémédiablement perdu,s'il éprouvait le plus simple désir de vouloir s'épancher de façon natuelle ou même de ressentir les sentiments du personnage dont il campait le portrait44(*).

Dès lors,la sensibilité est-sur le plan de la créativité-la condition première pour former un auteur authentique,du type d'un Balzac ou d'un Hugo,mais elle a ses limites qu'il ne convient pas d'outrepasser,sans encourir de graves déconvenues.

Si la sensibilité est ainsi pour l'artiste un facteur primordial sans pour autant être d'une nécessité absolue,en particulier dans le temps de la composition de l 'oeuvre,pour ne pas dévier de la ligne directrice,antérieurement déterminée dans l'esprit du créateur.Mais l'inspiration,quel rôle assume-t-elle dans la réalisation de l'oeuvre?En vérité, l'inspiration,pour les uns,est un facteur fondamental dans la concption de l'idée initiale,pour d'autres,elle n'est rien d'autre qu'une manifestation psychique que l'on peut situer au second plan des opérations intellectuelles à partir desquelles l'oeuvre s'échafaude et s'édifie graduellement.«Je ne songe pas à refuser à l'inspiration le rôle éminent qui lui est dévolu..Je prétend seulement qu'elle n'est aucunement la condition première de l'acte créateur,mais une manifestation secondaire dans l'ordre du temps.45(*) »Cet argument de Strawinski est plus que révélateur,car il dénote,à l'insu peut-être du célèbre compositeur,une certaine vérité,qui,incontestablement,hante tous les esprits de tous les temps.

L'inspiration donc est un acte aléatoire et si elle facilite en quelque sorte l'émergence de l'idée à développer,elle n'en est pas moins un acte sans grande importance ,dont on peut aisément se passer sans porter préjudice à la réalisation de l'oeuvre.

L'inspiration est un phénomène dû en réalité au hasard,n'ayant aucun fondement métaphysique adéquat..Mais que,pour justifier en quelque sorte l'éclosion d'une image ou d'une idée quelconque survenue d'une manière tout à fait inattendue,on est réduit à lui donner des attributs divins46(*).

Milton,en écrivant le fameux poéme « Le Paradis Perdu »n'a pas été éclairé par l'inspiration qui eût pu lui suggérer seulement le sujet,mais c'étaient des dons intellectuels exceptionnels,une vaste expérience du monde et des choses,qui lui avaient permis de réaliser son chef-d'oeuvre..

Coysevox modelant délicatement la statue de louis XIV en emprereur romain ou encore Chardon mettant soigneusement les dernières touches à son prestigieux tableau « la Bénédicité »,dans tout cela,quel rôle l'inspiration a-t-elle joué?Elle a peut -être contribué à la mise en place de l'idée préalable,un élément d'ailleurs purement théorique et abstrait,mais elle n'a jamais construit l'oeuvre en tant qu'objet esthétique et matériel,sagement fignolé,embelli avec sollicitude,affiné avec talent et que l'on est par dessus tout tenté de prendre pour une grande merveille d'art et de génie.

L'étincelle de l'inspiration s'éteint pour permettre à l'émotion et au désir occulte de poursuivre l'échafaudage de l'oeuvre;

Plus l'émotion est grande,vive et crispée,plus l'oeuvre s'achemine vers sa réalisation progressive,puisque«de l'émotion sort non pas l'obscurité,mais une lucidité mystérieuse 47(*)»

L'émotion n'offusque pas le prestige de l'art,au contraire,elle ranime davantage le désir de produire l'oeuvre selon une logique rigoureuse..Car l'intelligence ne fonctionne pleinement que sous l'impulsion du désir,c'est l'émotion qui provoque le désir,lequel,à son tour,met en branle les mécanismes psychiques de l'intelligence.

Que l'on songe à Balzac,assis nonchalamment à sa table de travail,écarquillant des yeux éblouis,que l'émotion et le désir dominent,pendant qu'il écrit le « Père Goriot »!

Par contre,Flaubert écrivant patiemment Mme Bovary ou Salammbo,pouvait se trouver dans un état parfaitement différent.

En ce sens que Balzac écrivait sous l'impulsion du moment,ayant déjà en tête les portraits caractéristiques de ses personnages,qu'il faisait évoluer lentement dans un cadre spécial déterminé,sans chercher nullement à approfondir le contexte romanesque de son oeuvre,alors que Flaubert,n'ayant en vue que la forme esthétique de son oeuvre,ne pensait qu'à affiner méthodiquement,ciseler et limer patiemment son produit,quitte à le rendre monotone et même trivial pour le lecteur ordinaire48(*)..

Mais pour le créateur,qu'il soit un Balzac ou un Flaubert,l'amour qu'il voue pour son oeuvre n'a pas d'égal,puisqu'elle incarne ses efforts,ses soucis,le fruit de ses multiples sacrifices.

Pour lui,je veux dire pour tout créateur,l'oeuvre représente le point final de tout un voyage difficile et pénible à travers l'espace et le temps,c'est le miroir de son âme reflétant ses peines et ses douleurs,ses longs combats avec les mots,constamment tiraillé entre le choix judicieux des mots et le souci de la perfection artistique.49(*)

L'oeuvre est donc l'objet idéal,l'incarnation de l'âme de l'écrivain.«De même qu'un musicien aime la musique et non les rossignols,le poéte le vers et non les couchers de soleil,un peintre n'est pas d'abord un homme qui aime les figures et les paysages:c'est d'abord un homme qui aime les tableaux.50(*)»

Si le grand portraitiste Quentin de la Tour s'enthousiasme et s'exalte devant le portrait qu'il venait habilement d'esquisser,c'est parce qu'il se sentait profondément ému,non pas devant les traits en apparence réels de ce visage,mais il exprimait sa béatitude,son amour et son attachement au portrait en tant que fruit de ses efforts et à rendre gràce à son propre talent,dont il se glorifiait..

Chaque créateur cristallise son amour,sa passion,dans l'objet de sa création,car pour lui,l'oeuvre c'est la raison évidente,la cause réelle de son existence et de sa présence dans cet univers..

De même que la femme enfante dans la douleur,une douleur non démunie pourtant d'une certaine joie métaphysique,une satisfaction occulte qui s'estompe dans l'arrière-fond du subconscient,de même l'écrivain crée dans un climat d'intense agonie,tempérée en quelque sorte par la perspective du bonheur de la réussite et de la gloire.

«Le fait même d'écrire mon oeuvre,de mettre,comme on dit,la main à la pâte,est inséparable pour moi du plaisir de la création;en ce qui me concerne,je ne puis séparer l'effort spirituel de l'effort psychologique et de l'effort physique,ils se présentent à moi sur le même plan et ne connaissent pas de hiérarchie51(*)

Plaisir et effort,deux concepts essentiels liés l'un à l'autre et inséparables pour le créateur qui voit en eux,toute la source de sa vigueur et de son énergie.Dans tout déploiement d'effort intellectuel,l'artiste,qu'il soit écrivain,peintre ou sculpteur,perçoit une sensation de plaisir et de soulagement suprême,une délectation onctueuse et douce,qui s'infiltre dans les replis profonds de son âme.52(*)

Il est pénétré d'une sorte d'ivresse,de griserie infinie.

Toute oeuvre,de quelque nature qu'elle soit,est le fruit d'une méditation,d'un travail assidu et d'un effort inlassable de reviviscence,c'est en un mot un objet qui a dû subir,grâce au talent et à l'intuition de l'artiste,une métamorphose radicale,afin de la rendre plus proche du moins de la forme idéale que l'artiste lui-même lui avait fixée dès le début du travail. «s'il advient que l'artiste fixe un instant privilégié,il ne le fixe pas parce qu'il le reproduit,mais parce qu'il le métamorphose.53(*)»

Peindre la nature telle qu'elle se présente à nos yeux,cela ne signifie nullement création ou découverte,cela signifie en vérité une imitation pure et simple et l'imitation,comme chacun sait,est loin de requérir du génie..L'art du créateur réside donc dans sa technique,dans sa méthode de travail et encore dans son habileté à atteindre le beau et le sublime:c'est là en effet l'objectif éminent de tout artiste authentique.

Watteau,dans son remarquable tableau intitulé « le menuet » n'a pas seulement fait preuve d'un réalisme cru ,mais il est allé trop loin dans la réalisation,il a développé et paré la scène d'un goût exceptionnel,d'une espèce d'enchantement et de magnétisme,au point qu'on y regardant,on a l'impression d'être ému jusqu'au fond des entrailles.

On est fasciné,ensorcelé,attiré malgré nous vers cette création grandiose.

Watteau a le don de nous communiquer cette vitalité,cette lumière radieuse et galvanisante,en un mot,une certaine sensibilité indéfinissable.

C'est là encore la preuve la plus évidente d'un génie incontestable.54(*)

Hamlet,comme n'importe quel autre chef-d'oeuvre de Shakespeare,est destiné,dès le premier mot,à émouvoir et à troubler tous les sentiments qui animent la nature humaine.

Shakespeare,en produisant ses piéces,ne les a pas puisées dans la réalité crue...Sa sensibilité, fine et délicate,lui a permis d'explorer au-delà des apparences,et de faire jaillir l'étincelle qui a illuminé son oeuvre divine:il l'a empreinte du sceau de son talent inépuisable et de sa capacité intellectuelle immense.

C'est là encore ce qui fait la grandeur et le prestige éternel du dramaturge anglais..!

Il en est de même pour Corneille,Racine ou encore Molière,dont les piéces,loin d'être un simple reflet d'une société particulière,se sont avérées en effet autant de miroirs véridiques de toute humanité,dans son évolution,dans son éclatement et dans sa métamorphose continuelle.

Le créateur ne crée rien s'il n'est pas poussé,soit par un désir occulte,soit par une nécessité impérieuse..Le désir de produire lui vient à l'improviste,à la suite d'un contretemps imprévu,ou d'une idée qui traverse de manière inattendue son esprit.

Ainsi Strawinski,musicien de génie et homme d'un goût très délicat,savait comment saisir au vol cette idée déjà évanescente:

«Toute création suppose à l'origine une sorte d'appétit qui fait naître l'avant-goût de la découverte.cet avant-goût de l'acte créateur accompagne l'intention d'une inconnue déjà possédée mais non intelligible et qui ne sera définie que par l'effort d'une technique vigilante 55(*)«

Produire n'est pas une initiative prise à la légèr,c'est plutôt une disposition sérieuse,issue d'un désir réel de découvrir quelque chose d'inconnu et de faire prévaloir la volonté de l'homme dans sa marche en avant.56(*)

En tout cas,on ne produit pas pour le plaisir de produire,mais plutôt dans l'intérêt de l'humanité,qui est toujours dans la nécessité de se régénérer,de se retremper,de se purifier dans l'idéal du beau.

L'imagination suscite l'impact du désir de produire,aucun acte créateur ne peut se faire sans ce stimulant nécessaire et aucune idée ne pourra jamais revêtir l'aspect d'une forme,sans cette impulsion que l'on éprouve du fond de notre être,en l'occurrence l'imagination éveillée au contact du désir contingent,d'oû jaillira l'oeuvre d'art dans son état de vision globale,en attendant de prendre corps et forme,selon le processus de la créativité.«l'oeuvre d'art est le résultat de la collaboration de l'imagination avec le désir 57(*)»

Le poéte habille soigneusement cette idée fortuite,avec un attirail de mots divers,combinés ensemble et enchaînés les uns aux autres selon une logique rigoureuse,pour constituer ensuite la forme d'un poéme,comme l'a fait souligner encore P.Claudel «la poésie est l'effet d'un certain besoin de faire,de réaliser avec les mots l'idée qu'on a eue de quelque chose.58(*)»

L'interprétation du désir par des mots adéquats ,rien que par des mots ou par la manipulation du pinceau,sans quoi le désir resterait à l'état abstrait,mystérieux,au fond de l'inconscient,relevant seulement du phantasme occulte,sans être assimilé à sa forme réelle,à savoir sa réalisation sous la forme d'un objet digne d'être apprécié ou déprécié,en fonction de la construction formelle,qu'on lui attribue et dont on le matérialise,car interpréter une idée au moyen des mots n'est pas chose aisée.«L'aptitude à faire,à rejoindre l'imagination au désir par un ajustement de mots est un don de la nature.59(*)» et il n'est pas donné à tout le monde d'etre favorisé par la nature.

La construction de l'idée par des mots s'achèvera donc dans un contexte approprié,psychologique et psychique,réalisé par le talent du créateur qui s'ingéniera à conférer à chaque mot son sens réel,..Dans le cadre de la peinture,la maîtrise du système des lignes et des traits,demeure le principe dominant dans la pensée du peintre,tel Boucher dans sa « Pastorale »à travers laquelle ce peintre profond a fait preuve d'un génie incomparable,car ce tableau interpréte excellemment l'idée que le peintre se faisait de son produit avant sa réalisation,où l'imagination s'allie avec bonheur au désir.

On est amené à dire en conséquence que cette réalisation picturale procède en quelque sorte du rêve,puisque entre la poésie et le rêve,il existe une analogie d'essence psychique,une affinité foncière.«l'univers poétique présente de grandes analogies avec ce que nous pouvons supposer de l'univers des rêves60(*).

Une oeuvre poétique ne s'échafaude que sur les piliers du rêve et nul n'a le pouvoir de faire mouvoir ou de faire naître le rêve ,car c'est une représentation spontanée,symbolique et purement intellectuelle ,fuyante et fugace et créer le rêve ,revient à vouloir pénétrer dans l'univers métaphysique,qui relève nécessairement du monde de l'impossible et du mystère61(*).

En fait,le rêve s'affranchit des entraves qui le retiennent,lorsqu'un désir profond et tenace,étreint inexorablement le poéte ou le peintre et le pousse forcément à extérioriser la quintessence du rêve ,en l'interprétant par le biais des vers ou des couleurs sous l'aspect d'un objet intellectuel,harmonieux et visible à l'oeil et qui se repercute en retour dans l'esprit .

Ainsi des éléments éparpillés,invisibles,incohérents ,absraits ,vaporeux et infiniment mystérieux,le créateur alchimiste produit quelque chose de visible,d'apparemment tangible,systématiquement coordonné,enfin quelque chose d'idéal et de divin..

Or la poésie lamartinienne,comme d'ailleurs celle d'A.de Musset ou même de V.Hugo,ne se baigne pas seulement dans un climat de rêves éternels, d'effusions sentimentales larmoyantes ou de vagues délires sublimes,c'est une poésie bâtie d'abord à partir des faits d'expérience,éclairés et soutenus par une rigueur intellectuelle, qu'elle soit faite sous forme de tableau ou d'un poéme,n'a pas été à l'origine d'une intervention fortuite de l'intelligence,dont l'action par ailleurs,intransigeante et sévère,polit et cisèle l'oeuvre finale.«Ce n'est pas l'intelligence qui fait,c'est l'intelligence qui nous regarde faire.62(*)»

L'intelligence redresse,corrige,remanie inlassablement et oriente l'oeuvre vers la perfection idéale...Sans elle il n'y aurait à coup sûr que désordre et anarchie et toute réalisation s'avérerait dans ce cas impossible.

Que l'on se figure Nicolas Poussin ébauchant indifféremment son tableau « Les bergers d'Arcadie »où le rêve,joint à un réalisme délicat,grâce à l'action de l'intelligence,invite à l'admiration et à l'émerveillement..Poussin n'eût évidemment pas cette force exceptionnelle ,ce pouvoir inébranlable,de réaliser une oeuvre aussi extraordinaire,s'il n'eût été secondé intuitivement par le secours d'une intelligence clairvoyante.

Ainsi le rêve,le désir,l'intelligence,alliés à une sensibilité délicate et profonde,concourent à l'épanouissementr de l'âme de l'artiste et lui confèrent en dernier ressort les attributs de divin,crée en lui un univers autre que celui où il vit,qu'il explore hardiment pour l'étaler finalement tout nu devant nos yeux éblouis63(*).

Mais au-delà de tout cela,il existe une faculté que l'on considère comme le moteur de l'acte de production,une faculté raisonnante qui assure l'équilibre entre les éléments de pensée et contrôle rigoureusement toute déviation éventuelle dans la structuration matérielle de l'image..Plus que l'intelligence,ou l'expérience,cette faculté assume un rôle principal dans l'acte créateur,car c'est la faculté à laquelle incombe la difficile mission de rendre «le produit intellectuel»empreint de logique et profondément ancré dans la réalité concréte

C'est en fait une intuition métaphysique,mystérieuse et ne fonctionne que quand l'esprit est en pleine gestation..

«L'inspiration,art,artiste,autant de mots pour le moins fumeux qui nous empêchent de voir clair dans un domaine oû tout est équilibre et calcul,où passe le souffle de l'esprit spéculatif.C'est ensuite,ensuite seulemment que naîtra ce trouble émotif qui est à la base de l'inspiration.64(*)»

Certes, c'est une stratégie innée,une tactique née dans le subconscient,alliées spontanément à la présence d'une capacité pratique rigoureuse,qui président automatiquement au fonctionnement du processus de découverte.

L'ordre dans la démarche,qui est cependant en évolution progressive,c'est une nécessité dynamique,secrète et foncièrement incrustée dans l'âme du créateur.

Autour de cette faculté,viennent se greffer les autres,qui sont en vérité dotées d'un rôle secondaire,se bornant généralement à nourrir,stimuler singulièrement le corps de l'idée,dont le développement,toujours en continuelle expansion,se fait au contact de la réalité..

Plus qu'aucun autre,Paul Claudel,artiste d'une sensibilité extrêmement fine,avait éprouvé,tout au long de ses nocturnes élucubrations,

cet enchevêtrement systématique de toutes ses facultés créatrices,cette coopération mutuelle,constante,qui visait particulirement à la concrétisation de l'idée.

«Toutes les facultés sont à l'état suprême de vigilance et d'attention, chacune prête à fournir ce qu'elle peut et ce qu'il faut,la mémoire,l'expérience,la fantaisie,la patience,le courage intrépide et parfois héroïque,le goût qui juge aussitôt de ce qui est contraire ou non à notre intention encore obscure,l'intelligence surtout qui regarde,évalue,consulte,réprime,stimule,sépare condamne,assemble,répartit et répand partout l'ordre et la lumière et la proportion.65(*)»

On sent dès lors qu'il y a une espèce de cohésion,de solidarité profonde entre le différentes facultés psychiques..cette affinité contribuera davantage à donner plus de sens à l'objet réalisé,en lui conférant les garanties de la consistance et du prestige66(*).

La foule est généralement insensible...Elle n'est pas perméable aux sensations de la vie et à la beauté,son comportement est anarchique et désordonné et n'agit que par instinct..D'autre part,entre le public et la foule,la différence est grande,car si la foule est un ramassis de gens hétéroclites,ayant à peu près un rapport immédiat de ressemblance,souvent incultes et déterminés,le public par contre est un groupe de gens,ayant presque le même goût et la même inclination,le plus souvent doué de sens et de sensibilité,cultivé et amateur d'art sous toutes ses formes..

Le public aspire au sensationnel,au dramatique,mais aussi ne s'empêche pas de goûter à la bouffonnerie et à la farce,qui le ferait émouvoir ou pleurer de rire,à la suite d'un événement rocambolesque ou joyeux.

Une poésie lugubre,une piéce de théâtre qui relate des faits tristes ou désopilants,un roman dramatique,plein d'aventures exaltantes,tout cela trouverait auprès du public l'agrément et le soutien tant souhaités par le créateur ou l'artiste.67(*)

Dans ce contexte précisément,Malraux,homme de culture et écrivain de talent,a su diagnostiquer le goût du public en manifestant à ce sujet un vif intérêt.

«Tout art qui atteint des masses est une expression de sentiments:attendrissement,tristesse ou gaieté,patriotisme,angoisse,amour,c'est pourquoi tels sommets de l'art religieux où l'art s'unit à la fois à l'amour,et à la conscience de la dépendance humaine ou à celle de sa libération,trouvèrent dès leur naissance une audience immense68(*)

D'un autre côté,le public ne semble pas être attiré par la poésie moderne réservée par ailleurs à une rare élite initiée à la méthode et à la technique des poétes..

le public voit dans cette poésie,dépourvue de sensibilité et même du sensationnel,une oeuvre non crédible,une oeuvre inutile et fade,ne véhiculant ni les sentiments humains ni les passions qui font mouvoir le monde.

Le Parnasse,le Symbolisme,ou encore le Surréalisme,pour ne citer que ces types de poésie,qui ont,magré d'ardentes oppositions,frayé un chemin dans le monde contemporain,sont autant de prétextes à cogitation,à d'exploits d'exégèses et de subtilités spéculatives.Ce sont des réserves inépuisables qui ont fait et feront travailler tous les esprits du temps69(*).

Un tableau de Picasso,tel que «  Les Trois Musiciens. » ou encore celui de Henri Matisse « La Blouse Romaine. »ne sont guère appréciés par le public,toujours friand des choses sensibles,clairement émouvantes,profondément humaines.Pour lui donc,de tels produits ne sont pas plus compréhensibles que la poésie inepte d'un Mallarmé ou d'un Valéry et leur cortège de disciples.

«Sans doute y a t-il de l'ignorance dans la répulsion des masses devant l'art moderne,mais aussi de la colère contre ce qu'elles tiennent obsurément pour une trahison70(*)»

?III?

Formation de l'oeuvre

Quoi qu'on ait pu dire au sujet de la portée de l'inspiration,cette dernière ne pourra pourtant jamais avoir un effet irrévocable dans la structure successive de l'oeuvre.

Or l'inspiration,comme j'ai eu l'occasion de le souligner maintes fois,n'est qu'un phénomène aléatoire et dans ce sens,il ne serait pas toujours souhaitable d'y avoir crédit71(*).

En conséquence,l'artiste,pour créer,pour mettre à jour ce qu'il éprouve en son for intérieur,traduire en quelque sorte par des mots ou des couleurs,cet univers de vagues impressions,d'images flottantes qui voltigent distraitement dans les horizons de l'inconscient,ne sera pas forcé cependant d'attendre ce brusque revirement dans le cours de sa pensée,cette apparition inattendue qu'on appelle inspiration..Au contraire,il s'ingéniera dans la mesure du possible à trouver par lui-même et en fonction des données dont il disposera,l'idée qu'il aspire à concrétiser en termes réels ou en tableau de portée humaine et civilisationnelle.D'autant plus que le germe de l'idée apparaît de façon toute naturelle dans l'esprit et sans que d'autres facteurs interviennent à ce stade.

De même,M.Blanchot,voit dans l'inspiration ,non pas une dominante dans l'acte créateur,mais l'origine authentique,la source réelle de l'objet créé «L'inspiration n'est pas le don d'un secret ou d'une parole,consenti à quelqu'un existant déjà,elle est le don de l'existence de quelqu'un qui n'existe pas encore72(*)

Souvent,on a tendance à croire que l'inspiration demeure inéluctablement,surtout dans le cours du processus de la création,un stimulus essentiel,et bien loin de se borner à cette définition pertinente,l'inspiration pour le poéte,c'est l'embryon,c'est le germe qui donne naissance à l'objet d'art,dans la conception duquel du reste l'artiste n'a aucune part immédiate,mais tout revient cependant au phénomène de l'inspiration qui descend d'en haut,surgissant de l'inconnu,comme un spectre sortant de l'ombre73(*).

Et c'est encore M.Blanchot, qui lui confére,non pas le fait de suggérer l'idée de l'objet à traduire,mais aussi de faire sortir le poéte du néant,de lui donner existence et valeur.

«C'est une des mystérieuses exigences du pouvoir poétique,le pouvoir né par le poéme qu'il crée..

«Le poéme est son oeuvre,le mouvement le plus vrai de son existence,mais le poéme est ce qui le fait être,ce qui doit exister sans lui et avant lui,dans une conscience supérieure où s'unissent l'obscur du fond de la terre et la clarté d'un pouvoir universel de fonder et de justifier74(*)

C'est l'oeuvre qui assure l'immortalité de l'artiste:Van Gogh ou Rembrand,n'eussent jamais existé sans les oeuvres monumentales qu'ils avaient accomplies dans l'intérêt de l'humanité.C'est là en effet une vérité incontestable,bien qu'on soit parfois enclin à manifester quelque réserve à ce sujet:Corneille a créé le Cid et dans ce cas,Corneille doit impérativement être supérieur au Cid,qui n'était pourtant rien d'autre que le produit de son esprit,et non pas le contraire,comme on a tendance à le faire accroire.

De plus,ce qui est frappant dans ce contexte,c'est que souvent nous nous trouvons en face de l'oeuvre,sans en connaître le moins du monde l'auteur.

Cela signifie que l'oeuvre a la faculté de s'éterniser,contrairement à son auteur qui finira par tomber dans l'oubli.

La survie de l'oeuvre seule est un fait réel,courant et connu,une chose que l'on ne peut pas nier,sous peine d'être taxé de naïf ou d'imbécile.

A cet instant où j'écris,en faveur d'un flot de lumière diaphane qui me permet de voir clairement ce que j'imprime sur le papier,alors que tout le reste de la chambre est quasiment plongé dans les ténébres,cette lumière dont je me sers,et dont j'ignore absolument tout,est due en effet au génie d'un homme,dont tout le monde ignore le nom.Cette découverte ,qui a visé avant tout le confort et le bien-être de l'humanité,se perpétue depuis bien des décennies,tandis que le nom de celui qui l'a découverte est déjà enterré depuis bien longtemps dans le sanctuaire de l'oubli.

Les enfants de la Tunisie moderne entonnent avec enthousiasme l'hymne national,sans en connaître le moins du monde le nom du poéte qui l'a conçu et écrit;au même titre que les enfant de France qui psalmiodient avec mesure la Marseilleuse,sans qu'ils sachent absolument le nom de ce poéte perdu dans l'arrière-fond de l'oubli.

L'inspiration procède dans son enfantement de l'idée par à-coups,par une série de saccades,imprimant ainsi à l'idée sa forme et son corps,tout en émergeant à la surface du conscient.

Certes,l'inspiration n'assure pas toute l'exécution de l'oeuvre,elle n'en est que l'étincelle accidentelle,laquelle,telle une tâche d'huile,s'élargit progressivement au fur et à mesure que le désir de création se développe et s'intensifie,pour céder ensuite la place à une démarche logique,qui procède,selon le principe cartésien,par phases successives75(*).

Dans cet ordre d'idées,Eckerman attribue pourtant à l'inspiration des pouvoirs plus étendus.«C'est,déclara-t-il,dans cette région que je place tout ce qui appartient à l'exécution d'un plan,tous les maillons intermédiaires d'une chaîne de pensées dont les points extrêmes,sont déjà là illuminés,s'y place tout ce qui forme ce corps visible et toute le matière servant à composer une oeuvre d'art76(*)

C'est ainsi que pour Eckerman ,comme pour bien d'autres d'ailleurs,l'inspiration est le pivot de toute l'oeuvre,c'est en elle que réside la masse de matériaux nécessaires à la réalisation de l'oeuvre,alors que,en revanche,on remarque d'autre part que l'inspiration n'est en réalité qu'un stimulus provisoire,contribuant incidemment à faire naître l'idée primitive de l'oeuvre,et non pas à la modeler ou loa façonner selon des lois esthétiques rigoureuses,car ce sera la tâche de l'expérience et du travail assidu77(*).

On est peut-être amené à déduire en dernier ressort que l'inspiration est le creuset parfait des concepts oniriques,cela est peut-être vrai,dans la mesure où la fonction de l'inspiration ne reconnaîtrait pas de frontières,car les concepts oniriques ne sont nullement l'oeuvre d'un moment situé synchroniquement dans l'échelle du temps,c'est une suite infinie de séquences,allant du début de l'oeuvre jusqu'au dénouement.Or ces concepts oniriques,tels que des instruments hétéroclites,s'entrechoquent et obstruent l'esprit aussi longtemps que l'artiste les entretient dans sa paisible retraite,comme Goethe ,qui,s'étant trouvé un jour dans la nécessité de livrer ses idées au public,s'est saisi d 'étonnement de voir combien ces concepts lui étaient cher.«je n'en avais aucune impression,aucune idée à l'avance,ils me tombaient dessus à l'improviste et voulaient être composés à l'instant si bien que,je me sentais poussé à les jeter par écrit à l'endroit même où je me trouvais instinctivement et comme en rêve78(*)

Le moment de l'accouchement est imminent,il ne servira plus à rien de s'obstiner à la résistance,la chose est plus sérieuse qu'on ne pense:Il faut que l'enfant sorte des entrailles et que la mère s'en délivre!C'est là par ailleurs le principe de toute création:se sentir sous l'empire d'un certain nombre d'idées qui se bousculent à l'envi,s'affrontent et se poussent mutuellement,désespérant de quitter le cloître de l'esprit pour venir noircir finalement la feuille de papier et former ensuite le corps d'une oeuvre.

Un certain jour,à l'occasion d'une fête ou d'une promenade,l'on rencontre un spectacle,dont la beauté si émouvante,s'incruste tout d'un coup dans notre mémoire de façon indélébile:un tel spectacle,gisant au sein de notre être,s'étale dans le temps,prend des proportions réelles,sans être altéré ou enlaidi le moins du monde.Et la vie continue,ordinaire,banale et prosaïque,et la vision de ce spectacle vit en nous sans que nous ayons la moindre conscience79(*).

Un autre jour,un autre spectacle,différent du premier,non par son intérêt immédiat,mais par le contenu qu'il comporte:Ce second spectacle en effet nous a ému à l'inverse du premier,car son contenu était empreint du caractère de la violence et de la laideur,ce qui est de toute évidence l'opposé du premier..Et pourtant,l'image de la beauté s'unissant étroitement à celle de la laideur,font naître dans notre esprit des visions mentales,des hallucinations périodiques,bref une tendance intinctive au délire,au radotage intérieur,comme ferait un homme au seuil de la sénilité et qui rejaillirait sur notre comportement social et tout cela à notre insu.Si bien que,un jour,dans des circonstances inattendues,et sans que nous nous en apercevions,les deux visions s'estompent dans notre esprit et nous forcent à les débusquer de leur nid douillet.«A contre-coeur,je me décidais à dire adieu à ces brillantes visions que je caressais depuis si longtemps et à leur donner corps avec de pauvres mots insuffisants.Quand elles furent couchées sur le papier,je les considérai non sans mélancolie.Il semblait que je dusse me séparer pour toujours d'un ami qui m'était cher80(*)

Quitter ces images familières,en leur donnant des formes appropriées,au moyen des mots arides et futiles,cela signifie,pour l'auteur,se séparer à jamais de ce qui faisait son délice et sa joie.Tout réconfort,toute satisfaction,tout bonheur moral et spirituel,tout cela dès lors s'évanouit,et disparaît pour toujours,ce qui représente pour lui une perte à tout jamais irrécouvrable.

En effet,chacun de nous vit avec ces images mentales,intérieures,récessives,qui nous bercent confortablement et nous fait goûterune joie inouïe,comme s'il s'agissait d'un beau visage illuminé d'un sourire sensuel,que nous a décoché à la dérobée une jolie femme que nous adorions en secret et qui s'est incrusté dans notre être pour toujours81(*)à

Un geste plein d'affection et d'amour,dont nous nous souvenons encore et qui nous berce encore pour longtemps;une rencontre imprévue,dont l'impact reste impérissable,infiniment profond et durable:ainsi autant d'illusions que nous nous entretenons en nous-mêmes,mais qui en réalité des images et des souvenirs véridiques,qui distillent en nous le goût de la vie et de l'espoir et s'en séparer ainsi,cela ne serait pas aussi aisément qu'on croyait.

Dieu,Maître de l'Univers,Etre omnipotent auquel rien ne résiste,géniteur de la nature et de l'homme et Esprit occulte,qui se glisse,à un moment donné,et sans cérémonie,dans l'homme pour faire naître en lui des visions éclatantes,des choses mystérieuses,incroyables,hallucinante et divines82(*).

L'inspiration provient donc ce cette puissance majestueuse,qui se cache quelque part dans un coin sombre de l'univers,invisible,mais doué en revanche d'une ubiquité universelle,inviolableà«L'homme doit bien souvent être considéré comme l'instrument de la haute puissance qui régit l'univers,comme un vase reconnut digne d'accueillir un contenu divin.83(*)»

Telle que la grâce,selon la doctrine janséniste,cette vision révélatrice se manifeste de manière absolument inattendue et incontrôlable dans l'homme ou pour mieux dire dans celui que Dieu a choisi pour lui faire don de cette offrande divine et lui conférer le statut sacré de son représentant dans le monde?Eckerman et avant lui,de nombreux esthètes et philosophes de grande envergure,en particulier Platon,étaient fermement persuadés de l'imminence de cette transmigration occulte et aucun n'a osé attribuer les mécanismes de l'inspiration au hasard ou à un mouvement mystérieux de la nature84(*).

Dieu agit dans le sens qu'il veut:il est juste dans son choix et investit de sa bénédiction et de son immense vouloir la personne qu'il veut,sans rendre compte à qui ce soit!

Dieu est tout et la révélation n'est qu'une petite sinécure,un geste indifférent,un bref regard,lancé à travers le néant pour venir se réfléchir sur l'homme choisi,en l'occurrence l'artise.

L'idée naît du néant,grâce à l'entremise insigne de Dieu,se développe et s'élargit progressivement pour devenir finalement une vision ayant une expansion humaine et universelle.Dès lors l'artiste s'astreint à l'application de certaines régles,qui constituent son art dans la manipulation des contingences inhérentes à l'éclosion de cette idée.85(*)

Son travail,à lui,constitue cependant,non pas l 'élément secondaire mais tout à fait le fondement de l'oeuvre,dont la création s'amorce et s'eclaircit au fur et à mesure que l'artiste applique son habileté et son ingéniosité.

Le créateur,dans ce contexte,doit faire preuve de haute compétence et de génie,pour achever l'oeuvre déjà ébauchée,car une idée en soi,n'est moins que rien,c'est une image immanente,à peine éclose et ne constitue à elle seule aucune parcelle de réalité.

C'est une graine minuscule,insignifiante,dépourvue de toute substance essentielle,susceptible par là de se flétrir et de se corrompre,sans le secours d'un artiste talentueux qui s'emploie à sauver le germe et au moyen d'un labeur assidu et méthodique,il élabore l'oeuvre qui s'échafaude,s'élève peu à peu pour atteindre l'apogée de la perfection.

«Le travail,la préoccupation de remplacer,par un surcroît de conscience individuelle,l'impossible conscience absolue que devrait constituer le poéme lui-même86(*)

Un travail soigneux,méticuleux,est toujours à la base de la réalisation du poéme,en revanche,un poéme sans être travaillé,suivant une méthode logique,intellectuelle,appuyée sur des considérations et des impératifs du beau,c'est un poéme insignifiant et vain87(*).

Le travail est donc une nécessité indiscutable,grâce auquel le poéme ou l'oeuvre d'art gagne en prestige et en profondeur.

En quoi consiste exactement le trésor de la divinité céleste?En réalité,ce n'est ni un ensemble complexe de formes et d'images biscornues,de visions hétéroclites et spectralesàCe n'est ni non plus une série infinies de superstitions,de présupposés métaphysiques,de croyances ineptes ou de colifichets religieux,autant de créations de l'homme!

C'est au contraire une somme de principes sévères que l'on a reconnus intuitivement comme corollaire nécessaire et évident à la condition humaine.

L'homme,en tant qu'héritier potentiel du patrimoine divin,est réduit,tant par son éducation que par sa formation spirituelle,à embrasser ces principes pour s'en faire le guide exclusif éclairant sa voie dans la vie terrestre,,et tout ce qui lui vient à l'esprit,tout ce qu'il découvre est lié étroitement à l'intervention divine.

Eckerman,homme pieux et dont la foi coulait dans les veines,n'osa à aucun moment mettre en doute,la puissance et le génie des créateurs,anciens et modernes, en imputant sans réserve toute faculté créatrice à la connivence divine.

«Toute productivité d'un ordre supérieur,tout point de vue significatif,toute invention,toute grande pensée qui produit ses fruits et des conséquences,n'est du ressort de personne et plane au-dessus des puissances terrestres,ce sont là des présents que l'homme reçoit d'en haut,à considérer comme de purs enfants de Dieu,qu'il doit accueillir avec de ferventes actions de grâces88(*)

L'oeuvre créée donc reste nécessairement tributaire de l'intervention de Dieu et toute invention n'est inspirée que par le tout -puissant,ce qui prouve,selon Eckerman,que l'homme n'est qu'un simple outil au pouvoir de la puissance divine et les inventeurs de la bombe atomique,des armes nucléaires et des différents produits toxiques,capables d'annihiler,en un tournemain,l'humanité entière,tous ces inventeurs donc ont-ils été éclairés par Dieu.

Etre scientiste,c'est donc détruire,anéantir l'humanité et tout ce qu 'elle avait édifié depuis des millénaires?

Dieu intervient-il pour de bon dans toute découverte?Le mal est-il donc d'essence divine?Et l'homme a-t-il hérité de cet esprit du mal?

Dieu est l'Etre suprême,éternel et impérissableàLes principes sacrés qu'il avait fait descendre sur terre,pour être autant de flambeaux éclairant la vie de l'homme,depuis sa venue au monde jusqu'à son extinction imminente,sont également éternels et impérissables.

En revanche,l'homme,un être éphémère,aspire donc constamment à l'éternité et par là,s'occupe ingénieusement à immortaliser sa courte présence en ce monde,en créant,grâce au don dispensé consciemment par Dieu,quelque chose d'idéal qui puisse embrasser et conquérir l'éternité du temps,en triomphant du péril d'extinction attaché à tout objet matériel créé.

«Je dis cela,considérant que bien souvent une seule idée a donné une autre physionomie à des siécles entiers,et que les individus,par ce qui est sorti d'eux,ont marqué leur époque d'une empreinte qui est restée reconnaissable même dans les générations suivantes,où elle a continué d'exercer son action bienfaisante89(*)

Vaincre les périls et la cruauté du temps,surmonter triomphalement la tyrannie de l'oubli,en continuant avec toute l'énergie possible à imposer sa présence tout au long des siécles,traversant sans épuisement les générations humaines:telle est en définitive l'oeuvre de l'homme,l'oeuvre authentique,brillante,géniale,profitable pour toute l'humanité ,contribuant ainsi à l'essor et à l'expansion de la civilisation humaine90(*)à

L'oeuvre de l'homme donc ,comme le Maître de l'Univers,reste éternelle,impérissable,vivante,durable jusqu'à la fin de notre monde.Mais si le temps se révèle ainsi impuissant à détruire,à ensevelir dans le donjon de l'oubli,cette oeuvre éminente,en revanche,l'homme créateur de cette oeuvre,peut seul la détruire,par les moyens qu'il juge appropriés ,car c'est entre ses mains que se placent la destinée et la pérénnité de son oeuvre.

En outre,l'homme,par ses caprices et ses fantaisies,est capable de démolir en un instant ce qu'il a créé pendant des siécles,fruit d'un long et patient travail,fait de beaucoup de sacrifices et de multiples frustrations!

Dès lors,il appartient à l'homme seul de conserver pour toujours cette oeuvre ou la faire disparaître91(*)!

Mohamed Sellam

DEUXIEME PARTIE

Message de l'Oeuvre

?I?

L'oeuvre refléte-t-elle le réel?

Le secret de l'art,c'est qu'il ressuscite la vie,c'est qu'il conserve et immortalise,non pas l'image de l'objet créé,mais aussi le génie de l'homme.Par l'art,on triomphe de l'impossible et on atteint à l'apogée du sublime:la mort,le néant,la décrépitude des choses finies et périssables,tout est vaincu et terrassé,car l'art est au-dessus de la mort,puisqu'il defie l'oeuvre destructrice du tempsàL'art est immortel et assure l'immortalité à l'humanité92(*).

Le Titien,ou Van Dyck,sont entrés dans l'éternité absolue,au même titre qu'un Homère ou qu'un DanteàBien que leur vie ait été relativement courte,ils ont eu le génie de la faire durer au-delà de toutes frontières,grâce à la puissance de l'art et de son efficience extrinsèque.

«Car si l'art est long et la vie est courte,on peut dire en revanche,que si l'inspiration est courte,les sentiments qu'elle doit peindre ne sont pas beaucoup plus longs93(*)

Oui,Proust n'en avait pas moins raison d'affirmer cette certitude pour le moins angoissante;mais cela n'empêche pas toutefois de conquérir l'immortalité,rien qu'en peignant ces sentiments intérieurs,ces pulsions passagères,qui nous émeuvent et nous hantent obstinément,pour leur revêtir au moyen de l'art la forme d'un objet matériel,capable de faire perpétuer indéfinément notre vie.

Le souffle de l'esprit n'est pas éphémère,au contraire,il s'assigne dans l'espace temporel,un régne immanent,et métaphysique,pour s'affranchir tout à fait des limites du néant et regagner à jamais l'éternité.

L'art et la vie,dichotomie inséparable,liée étroitement par une affinité surnaturelle,puisque l'art absorbe la vie et n'existe que par elle,car elle seule,lui distille la séve dont il a besoin pour consolider son pouvoir d'enchantement et affirmer son autorité au sein de l'univers.

D'un autre côté,l'art propulse la vie en avant et lui assure grandeur et éternité!

Ainsi,tels deux vases communiquants,cette réciprocité nécessaire basée sur une interaction efficiente,entre l'art et la vie,est le fondement réel de la civilisation moderne.

L'auteur,en tant qu'homme,mène une vie plus ou moins normale,soit qu'il en ait été satisfait ou non,puisque,pour lui,tout relève des circonstances!

Or cette vie qu'il a vécue jusqu'alors,c'est une vie comme tant d'autres,sans toutefois l'investir des attributs particuliers, en ce que l'artiste est un homme,comme n'importe quel homme en ce monde.

Et lorsqu'il peint sa vie ou les épisodes de sa vie,c'est comme s'il avait interprété la vie des autres hommes,sans être obligé de falsifier ou de dénaturer les faits,puisqu'ils sont des faits probants issus de la réalité crue. .Ce qui fait que la vie de l'artiste,souvent jalonnée de péripéties pathétiques,demeure pour nous le vrai miroir de la vie de la condition humaine.94(*)

Donc l'artiste est l'archétype,le symbole de l'humanité en peine:ses souffrances,ses soucis,comme ses joies,sont ceux de l'humanité et étant donnée cette vie si souvent mouvementée,toujours en butte à des difficultés insurmontables,marquée par le sceau du sacrifice et du désespoir,l'artiste porte en soi,dans ses veines,dans les replis les plus obscurs de son âme,tous les souvenirs indélébiles,toutes les images,si obsédantes qu'il les sent revivre à chaque instant devant ses yeux hallucinés,au poinrt que,poussé par le désir invincibleà imprimer tout cela dans la réalité immanente,il s'ingéniera à tout reproduire sur le papier,sans omission et san s abus et ce reflet intime de ses souvenirs émouvants,s'apparente en grande partie à celui de la race humaine.95(*)

«Une oeuvre,même de confession directe,est pour le moins intercalée entre plusieurs épisodes,de la vie de l'auteur,ceux antérieurs qui l'ont inspirée,ceux postérieurs qui ne lui ressemblent pas moins des amours suivantes,les particularités étant calquées sur les précédentes96(*)

D'où l'on déduit que,même si sa vie active s'avère différente de celui du commun des hommes,l'artiste,par ses sentiments,ses deboires,ses échecs et ses joies,incarne l'esprit de l'humanité.

L'oeuvre poétique ou romanesque récèle sans aucun doute la masse d'une partie des souvenirs de l'humanité:c'est un univers vivant,toujours en pleine fermentation,indestructible et toujours éclatant dans sa fraîcheur primitive,perpétué indéfinément au contact du génie,qui s'exalte au fur et à mesure que ces souvenirs émergent du gouffre de l'oubli,pour les retracer en traits brillants dans la mémoire du temps:

«Une oeuvre est à la fois le souvenir de nos amours passées et la péripétie de nos amours nouvelles97(*)

L'oeuvre artistique,en tant que réceptacle de nos souvenirs passés et présents,s'assigne donc le privilège de la primauté totale dans notre vie et nos intérêts.

Balzac,dans son immense Comédie Humaine,a eu le génie extraordinaire de remuer et de mettre en relief tout un tas de faits et de moeurs si singuliers,des vérités et des caractères hétéroclites et baroques, mettant par là à nu tous les secrets intimes de l'humanité,offrant ainsi une vaste mosaïque véridique de ces humbles souvenirs qui ont jalonné le chemin de la vie humaine98(*).

Saint-Simon99(*),dans ses mémoires,quoiqu'il les ait écrits avec quelque partialité,n'est pas loin cependant de faire revivre sous nos yeux toute la cour de Louis XIV:Il a vivement stigmatisé les courtisans bornés et indignes,ouvertement flétri les seigneurs cupides du royaume,qui accaparaient les hauts privilèges aux dépens du reste du peuple,jeté l'anathème sur ses rivaux les plus farouchesàC'est aussi,une de ces oeuvres immortelles,infiniment riche par son contenu,à la fois spirituelle et savoureuse, qui nous transmet une image vraie de ce passé révolu que nous envions et qui fait le charme de nos loisirs.100(*)

Un poéme bien conçu,un roman bien fait dans ses différentes parties,un tableau peint avec les feux du génie,un air musical,réalisé à la suite d'un événement quelconque,une statue ou même un buste,incarnant les traits éloquents d'un Voltaire ou d'un JJ.Rousseau,tout cela est susceptible de nous faire plonger dans le climat d'antan,ce climat vivace,mouvementé,spectaculaire et inoubliable,mais qui demeure pourtant constamment présent dans les fibres de notre être et sensible à tout ce qui nous environne et dont nous admirons et déplorons tour à tour la grandeur et la cruauté..

L'imagination est la faculté primordiale qui préside et veille à la réalisation de l'oeuvre...C'est le véritable stimulant du génie et nul n'a le pouvoir de prétendre à l'aptitude de produire,sans être nanti naturellement et de façon innée,de cette puissance psychique ,latente et obscure101(*).

Ses fonctions se limitent en fait à la mise en valeur des idées engendrées,à aiguillonner et à émouvoir les sentiments qui sont dans un état de léthargie relative,à réveiller l'esprit de sa passivitéàAinsi sous l'impulsion de l'imagination,«l'esprit se détache de l'objectivité,descend en lui-même ,scrute sa conscience et cherche à satisfaire le besoin qu'il éprouve d'exprimer non la réalité de la chose,mais la manière dont elle affecte l'âme subjective et enrichit l'expérience personnelle,le contenu et l'activité de la vie extérieure102(*)».Hégel dont je viens de reproduire ce bref passage,considère l'imagination comme le moteur du cerveau.Son rôle dans la création de l'oeuvre est plus que fondamental,impérieux et d'une nécessité absolue103(*).

L'imagination,outre qu'elle assure de la vigueur et de la puissance à l'esprit,un facteur d'enrichissement de la personnalité de l'artiste,quel qu'en soit le courant artistique auquel il appartient,que ce soit la peinture,l'architecture,la musique ou encore la littérature..Par l'imagination le poéte pénétre dans un univers surnaturel,fait irruption dans une réalité autre que celle à laquelle il s'était accoutumé jusqu'alors,s'astreint à affronter des choses d'ordre métaphysique,qui le rebutent certes,mais qui ne lui procurent pas moins le stimulus indispensable pour la création de son oeuvre,par laquelle il s'affirme et se situe dans le temps.

Explorer le passé par le biais de l'imagination,cela revient de prime abord à tendre toujours vers le même but,principalement à faire des efforts constants en vue de remuer les cendres du passé qui renferment cet amas inextricable de souvenirs à la fois tendres et cruels,à déployer la réserve d'énergie qui l'anime dans le but de tout étaler sans discrétion ni hypocrisie aux yeux de la postérité.

Les confessions de JJ Rousseau ne sont que le produit d'une imagination aiguë,sensitive et susceptibleàC'est le corollaire d'un ensemble touffu d'événements divers qu 'il avait vécus et scrupuleusement conservés dans l'arrière -fond de sa mémoireàEt grâce au pouvoir extraordinaire de l'imagination,de tels événements furent alors émergés du néant pour servir de tremplin à une oeuvre magistrale ,que l'on apprécie et que l'on admire à sa juste mesure.

Les fonctions de l'imagination sont multiples et complexes,comme nous le verrons plus loin,tantôt elle déforme la réalité,tantôt elle la grossit démesurément,pour nous éblouir expressément ou plutôt la réduire à un état,tel qu'elle nous apparaît insignifiante et andine104(*).

C'est en effet cette imagination qui,avec ses mécanismes tortueux et incompréhensibles,nous introduit avec délice dans l'univers de l'illusion et du fantastique

L'imagination s'exerce,non seulement dans le domaine de la poésie,qui est par ailleurs le terrain propice où elle retrouve toute sa force et son éclatante vivacité,mais aussi dans les autres domaines,artistique ou scientifique.

L'imagination shakespearienne a mis au monde des merveilles de l'univers théâtral,de vrais joyaux qui font honneur à l'esprit humain!

L'imagination,pour qu'elle soit donc créatrice,ne doit pas s'astreindre à reproduire seulement le réel,ce qui serait d'une monotonie et d'une banalité insupportables,mais son action doit s'exercer également sur le merveilleux et le fantastique,comme l'a fait déjà avec une exubérance de génie,le grand Milton,dans son « Paradis perdu ».

L'imagination nous insuffle un certain sentiment qu'il ne nous est pas donné d'éprouver dans d'autres circonstances.

«l'imagination poétique dans son activité,ne met pas sous nos yeux,comme les arts plastiques,la chose elle-même,telle qu'elle existe dans la réalité extérieure,bien élaborée par l'art,mais nous en donne seulement une intuition et un sentiment purement intérieurs105(*)

C'est d'ailleurs le but que s'assigne en réalité toute imagination dans sa conception et sa réalisation de l'oeuvre d'art.Son influence,si ostensible qu'elle soit,semble être d'une complexité ardue,en ce sens qu'elle impose arbitrairement une contrainte permanente à l'esprit de l'auteur et l'oriente selon des habitudes régulièrement établies et érigées en dogmes fixes et immuables.Le poéte,je veux dire le vrai poéte,à l'égal d'un Lamartine ou d'un Hugo,doit être nanti,non seulement d'une imagination fougueuse et exubérante,cela ne suffit pas en soi,mais aussi d'une sensibilité ardente,efficiente,profonde,susceptible de remuer les fibres intimes de l'âme.Autrement dit,si le soi-disant poéte venait à manquer ces deux qualités éminentes,condition essentielle pour produire des oeuvres de haute portée intellectuelle et esthétique,il ne serait pas plus qu'un homme ordinaire,dépourvu de toute espéce de génie et incapable d'exprimer réellement ses propres sentiments.

La sensibilité et l'imagination sont deux axes psychiques inséparables,nécessairement unis et coordonnés,pour venir au secours de l'intelligence dans l'élaboration d'un poéme ou d'un tableau.

Proust,un génie pourtant très sensible et imaginatif,d'une intelligence fine et délicate,ne voit,quant à lui,aucune nécessité dans l'union de ces deux concepts et qu'un poéte,toujours selon son point de vue,peut ne pas être doué d'imagination et pourtant capable de produire de très beaux poémes,grâce à la sensibilité qui supplée ingénieusement à ce défaut.

«Il n'est pas certain que,pour créer une oeuvre littéraire,l'imagination et la sensibilité ne soient pas des qualités interchangeables et que la seconde ne puisse sans grand inconvénient être substituée à la première,comme des gens dont l'estomac est incapable de digérer, chargent de certte fonction leur intestin:un homme,né sensible et qui n'aurait pas d'imagination,pourrait malgré cela écrire des romans admirables106(*)

Par contre,être capable d'imagination sans être pour autant très sensible,ne permettrait en aucune manière d'atteindre le stade de la production artistique et ne contribuerait nullement non plus à former une oeuvre d'art,même de moindre importance...Car de la sensibilité,jaillirait forcément ce flux émouvant d'idées et d'images,éclatantes de sève et de lumière,dont l'imagination s'emparerait pour les modeler,les pétrir selon une technique inconsciente, en vue de former graduellement l'architecture d'une oeuvre,dans laquelle le génie du fond s'allie à la beauté de la forme107(*)!

Le poéte vit de ses rêves multiples,tentaculaires:il s'en nourrit et il trouve alors une délectation infinie dans l'entretien incessant de ses rêves qui deviennent avec le temps autant de hantises morbides:toute oeuvre créée par lui continue dés lors à être une source inépuisable de rêves et de satisfactions subtiles susceptibles de lui procurer un climat psychologique propre à son tempérament.

Tel qu'un Chateaubriand,alors qu'il était en pleine fougue juvénile,capable de concevoir un monde de rêves frénétiques,des horizons nouveaux dans sa vie intime et de s'y accrocher inlassablement pour fuir la réalité et continuer à caresser voluptueusement les charmes délectables qui découlent nécessairement de tels rêves,jusqu'au jour oû il s'arrache de force à ses illusions mesquines,pour sombrer dans de profondes amertumes108(*)..

Freud s'est penché sur cette question,en concluant que le poéte,en vrai alchimiste éclairé,tend toujours à élever ses désirs et ses rêves au rang d'une certaine réalité métaphysique irrationnelle.

«Il possède le pouvoir mystérieux de modeler des matériaux donnés jusqu'à en faire l'image fidèle de la représentation existant dans sa fantaisie et de rattacher à cette représentation de sa fantaisie inconsciente une somme de plaisir suffisante pour masquer ou supprimer provisoirement du moins,les refoulements109(*)

J.J.Rousseau,dans sa Nouvelle Héloïse,reproduisait l'itinéraire sentimental qu'il eût vécu probablement,s'il avait été favorisé par les circonstancesàC'est justement pour apaiser ou pour mieux dire,pour refouler les conséquences néfastes de ses désappointements,de son manque de chance,comme il aurait pu dire,qu'il avait écrit cette oeuvre dont le charme pathétique émerge incessamment dans le fond de nore mémoire.

On ne pourra pas toutefois nier que l'imagination,jointe à un talent éprouvé et génial,a joué dans l'édification de ce roman un rôle de premier plan:l'âme s'est bercée voluptueusement sur les ailes du rêve charnel,sur les vagues d'une mer immense d'amour et de passion..par là le poéte est créateur de rêves illusoires et évanescents certes,mais qui n'en sont pas moins cependant susceptibles de communiquer le goût et le plaisir de vivre et même l'oubli du moins pour un temps la misère viscérale qui accable la condition humaine!110(*)

Le peintre,ingénieusement,incarne ses rêves dans des traits et des figures,des profils plus ou moins vagues,qu'il dessine machinalement dans un tableau:son but n'est pas du tout d'exhaler ce qui se meut en lui,ce serait pour lui une peine inutile,mais de faire montre de son habileté et de la richesse de sa sensibilité esthétiqueà!

Cependant,s'il ne descend pas en lui-même pour puiser le sujet qu'il aspire à matérialiser,il le prend dans la réalité crue,l'emprunte même à des événements contemporains,à sa vie active ou quotidienne,qui n'en fourmille pas moins d'ailleurs,puisqu'elle peut lui offrir une multitude infinie de sujets divers.

Le sujet étant ainsi choisi,il se propose de tout faire voir avec un sens de rigueur et de netteté:il peint strictement les détails attachés à l'objet,mais aussi pour rendre cet objet artistiquement acceptable,il est contraint cependant de faire outre des mesures déontologiques,et de fouiller des images pittoresques dans sa mémoire,qu'il ajoute habilement au tableau,pour constituer en tout et pour tout un vrai chef-d'oeuvre qui mérite l'admiration111(*).

Dans tout cela,où réside alors l'originalité?et surtout à quelle limite s'arrête l'imitation?Entre l'originalité et l'imitation ,il existe en en effet tout un trajet à parcourir,qui se traduit par la mise en oeuvre,patiente et méthodique,des principes de l'art,qui constituent d'ailleurs le talents même de l'artiste,qui donne à l'objet initial,okus de beauté et plus d'éclat qu'il n'en avait auparavant.«Quelle vanité que la peinture,s'insurgea Pascal,qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux112(*)!»Un objet soumis au travail de l'art,change naturellement de fond et d'aspect,et ne subsiste plus dans sa forme primitive,puisqu'il a été en quelque sorte métamorphosé àEn vérité,ce qui caractéristique,c'est que ce changement va dans l'intérêt de l'objet transformé et nullement le contraire,ce qui contribue à la consolidation intrinsèque de la magie de l'art.

Le poéte,aussi bien que le peintre,ont toujours besoin d'un certain stimulant,qu'ils trouvent en fait dans un objet extérieur,pour pouvoir donner le branle à leur talent:Boileau avait trouvé dans la satire sociale un expédient caractéristique qui lui a permis de mettre en mouvement ses idées et de les façonner suivant son génie poétique;Molière,qui s'est acharné sans répit sur les vices et les travers d'une société hypocrite et corrompue ,a fait preuve,lui aussi, d'un génie incomparable,qui lui a permis d'atteindre à l'originalité sans être le moins du monde l'imitateur de Térénce ou de Plaute.

D'un autre côté -et abstraction faite du génie et du prestige tout à fait divins qui caractérisent incontestablement ces deux créateurs incomparables-,si les phénomènes sociaux traités aussi bien par l'un que par l'autre,sont des phénomènes généralement insignifiants et qui ne portent guère de préjudice très grave à la société,pour laquelle d'ailleurs de telles tares ou carences sont indispensables pour qu'il y ait nécessairement un équilibre entre les différents facteurs qui déterminent l'évolution normale de la sociétéàLeur démonstration cependant est souvent explicitée avec tout un attirail extraordinaire de phraséologies et de redondances qui accusent la monotonie et la routine.

,et qui font plus d'honneur au génie de l'écrivain que d'intérêt pour le contenu de l'oeuvre113(*)à

Ainsi si l'on supprime tous ces clinquants et tous ces atours,qui sont par ailleurs inutiles à l'armature générale de l'oeuvre,qu'en reste-t-il?c'est une question à laquelle Platon a pu répondre sans ambiguïté.«on peut les comparer à ces visages qui,n'ayant d'autre beauté que leur fraîcheur,cessent d'attirer les yeux ,quand la fleur de la jeunesse les a quittés114(*)

Ainsi pour atteindre à l'originalité,il est impérieux d 'éluder toute imitation,de quelque nature qu'elle soit,et en particulier les considérations oiseuses,les remarques insignifiantes et creuses,qui gâtent plus la beauté de l'oeuvre qu'elles n'en ajoutent à son prestige..et cela nécessite en réalité un génie supérieur et une puissance intellectuelle sans faille.

l'univers de l'artiste est un univers particulier,exceptionnel,impénétrable et secret..Lui seul se baigne dans cet univers qu'il crée et qu'il illumine par son génie et ses rêves exaltants..Il sort de la réalité et s'engage dans ce monde déliquescent,ténébreux,embaumé d'une atmosphère d'exultation et de griserie permanente.C'est là qu'il vit et c'est là qu'il se sent vraiment vivre,car le monde réel pour lui,n'a pas d'existence ,c'est un monde décevant,cruel et stérile115(*).

«C'est pourquoi,comme tout homme insatisfait,il se détourne de la réalité et concentre tout son intérêt et auusi sa libido sur les désirs créés par sa vie imaginative qui peut le conduire facilement à la nervosité116(*)

La création de cet univers,si curieuse qu'elle puisse paraitre à première vue,semble être tout à fait normale pour l'artiste,qui,désappointé et toujours assoiffé de grandeur et de lumière,se réfugie comme inconsciemment dans une vie plus exaltante et plus féconde,qui lui procure plénitude et euphorie mentale,au point que,peu à peu et d'une manière quasi graduelle,il finira enfin par s'accoutumer résolument à ce genre de vie,dont il lui sera désormais impossible de se défaire de si tôt et, subséquemment,il se sentira,tel que Baudelaire,sous l'ivresse de la morphine,comme entraîné vers un gouffre insondable,d'où il ne remontera plus:

L'artiste,toujours selon Freud,est «en même temps un introverti qui frise la névrose:».Dostoïevski est épileptique et succombe souvent à des crises mystérieuses qui le retiennent longtemps dans un état d'hallucination morbide,dû évidemment à sa constitution nevropathique:Doué d'un génie extraordinaire et d'un talent remarquable dans l'élaboration équilibrée du réseau des événements romanesques,que ce soit dans l'Idiot ou dans les frères Karamasov,ce créateur de génie pose un problème difficile à la postérité,qui voit en lui un malade exceptionnel,un malade dont la maladie n'est que la source de son génie et sans laquelle il n'aurait probablement pas vécu,au même titre d'ailleurs que son célébre compatriote Léon Tolstoi,qui,à la suite d'une séquelle de crises effrayantes,sombre dans la démence,qui l'entraîne peu à peu au suicide:

Pascal,quoique nanti d'un génie précoce,subtil et profond,sa santé non seulement physique mais aussi mentale,était très précaire et chancelante,c'est ce qui le conduira plus tard à embrasser la doctrine janséniste,et à vivre le reste de ses jours quasiment isolé,loin du monde et de ses agitations:

Marcel Proust,tout comme Van Dyck ou même Shakespeare,était d'une sensibilité si maladive qu'elle le pousse malgré lui à des actes irraisonnés et irrationnels

Cet état de choses est naturellement dû à des implications purement matérielles,«animé d'impulsions extrêmement fortes,il voudrait conquérir honneur, puissance,richesse,gloire et amour des femmes117(*):».

Car plus l'artiste,(j'appelle artiste,tout peintre,écrivain ou poéte)se rend compte de ses aspirations latentes,qu'il tend à extérioriser et à valoriser,plus sa tension mentale s'aménuise,s'aigrit,s'exaspére d'une intensité telle qu'il se sent au bout du compte submergé par des visions étranges,suspectes,qu'il essaie de toutes ses forces de refouler au fond de son être...Ce refoulement exacerbé provoque en lui cette nervosité extatique qui l'accompagne tout le temps qu'il met à produire,si bien que,l'esprit extrêmement tendu,les nerfs chatouillés et le coeur débordant de passions occultes,il se met à accuser l'adversité qu'il rend responsable de ses affreux déboires...mais à laquelle cependant il finira par se résigner bien volontiers.

Ainsi,pour calmer un tel déappointement,qui,insidieusement, s'infiltre pourtant dans son âme,il crée,il forge des êtres chimériques,des personnages plus ou moins réels,en qui il insuffle âme et sentiment,en les faisant toutefois mouvoir sur la scène,au décor suggestif,qu'il échafaude dans son imagination .

Or,de tels êtres,scrupuleusement inventés et examinés avec un souci constant de réalisme,incarnent pour lui les archétypes de l'humaine condition,qui porte cependant en son sein tout un arsenal de vices,de travers,de laideurs farouches et des tares incurables,qu'il met en conflit avec les principes de vertu et d'honneur.

Et de tous ces personnages imaginaires,mais qui agissent,qui pensent et qui meurent comme des êtres vivants,il y en a toujours un qui incarne l'état d'âme de l'auteur.

«La plupart des romanciers veulent connaître les autres autant et plus qu'ils ne veulent se connaître eux-mêmes...Il n'est pas vrai que tous les personnages de Guerre et Paix soient Tolstoï;on connait les modèles qui lui ont servi;et s'il peint malgré tout par sa façon de les décrire,par le choix qu'il a fait de leurs traits,c'est sans le savoir et en dépit de lui-même:118(*)

J.P.Sartre semble avoir raison,car aucun écrivain,de quelque envergure qu'il soit,n'a la faculté de pouvoir incarner à la fois des attitudes sentimentales et psychologiques contradictoires et exrêmement différentes;mais il a cependant toute latitude d'opter pour un seul personnage,suseptible d'être le vulgarisateur de ses propres idées et sentiments119(*).

Dans la Comédie Humaine,par exemple,il y a toujours un personnage,en qui nous devinons aisément l'esprit et le coeur de BalzacàDe même que dans «le Rouge et le noir" ou la "Chartreuse de Parme" ,on a l'impression d'être poursuivi par Stendhal lui-même,qui nous parle,nous contemple de loin à travers les nuages épais du temps.Pour le peintre,qu'il soit un Van Gogh ou un Manet,sa présence se devine,se dégage explicitement du tableau qu'il peint,que ce soit une nature morte ou un paysage à la verdure luxuriante ou même des ruines des temps révolus.

Ainsi,en tout temps,le peintre dépose forcément son empreinte sur l'nsemble du tableau.

Toujours est-il que le héros,en tant qu'entité individuelle créée et agissante,véhiculaire d'un monde d'idées et de principes que son créateur lui avait infusés et qui,une fois ces principes incrustés en lui,au point de devenir comme un modèle vivant,consacré par l'usage,nous donne forcément la sensation comme si c'était l'auteur lui-même120(*).

«Et chaque avatar de ses héros lui réflète alors un aspect de sa situation,une possibilité de souffrir qui lui a été refusée,une conclusion que le destin n'a pas tirée121(*)

L'acteur,en ce sens que l'acteur se mouvant librement sur la scène,interpréte les idées et les sentiments de l'auteur de la piéce,sans que les spectateurs ordinaires aient la moindre connaissance de ce stratagème122(*).

Molière,par l'entremise de quelques personnages habiles,dans la plus grande partie de ses fameuses piéces,s'attaquant,avec uns sagacité non moins cruelle et caustique,aux médecins prévaricateurs,aux charlatans de tout bord,semblait avoir trouvé en effet une arme très efficace pour parvenir à ses fins,à savoir démasquer forcément ces types d'imposteurs qui pullulaient dans le milieu de la société parisienne de son siécle.

Corneille et Racine,deux figures éminentes,que les siécles à venir continueront encore à vénérer,l'un par son examen minutieux des passions humaines,l'autre par le sentiment de vertu et de courage,vrais piliers de l'humanité.

Lorsque Corneille ou Racine se mettent à écrire,ce sont leurs passions,leurs idées et leurs sentiments,qui se déploient amplement dans leurs personnages respectifs,qui ne sont par ailleurs que des images d'eux-mêmes,des répliques authentiques.

Ainsi l'auteur s'identifie-t-il toujours avec ses héros et ce qui est étrange,c'est qu'il s'identifie non pas avec un seul personnage,mais avec plusieurs qu'il juge comme de vrais interprétes de ses idéaux ..

En ce sens que,puisque la personne humaine est versatile,un vrai kaléidoscope de sentiments variables,tantôt pénétrés de bonté et de mansuétude,tantôt de cruauté et d'égoïsme farouches,apparaît à travers un seul personnage.

J.P.Sartre,homme d'expérience et de génie remarquable,a été amené incidemment à dévoiler le secret dont tout auteur enveloppe les personnages qu'il crée.«l'expérience morale n'est au fond qu'une expérience verbale.Le créateur produit ses personnages pour vivre à travers eux jusqu'à la lie ses propres possibilités et,par là,s'en dépouiller:il se délivre de ses désirs,de ses émerveillements,de ses dernières illusions comme de ses hantises123(*)."

Tel le serpent qui se dépouille de sa peau,l'auteur extériorise le fond de ses rêves et de ses illusions,pour les projeter en plein dans le sein de ses personnages,à travers lesquels il les développe à loisir,jusqu'à en être blasé,pour s'en détacher ensuite définitivement.

Tout créateur donc est une réserve extraordinaire de passions et de rêves,de visions,d'images fantasmagoriques et plus il en produit,plus les horizons de ses ressources s'élargissent indéfinément,c'est pourquoi l'on rencontre des créateurs inépuisables ,dont le génie ne se limite pas à un seul domaine,mais aussi s'étend à des domaines divers,qu'ils explorent avec le même talent et la même habileté,sans qu'on décèle dans leurs oeuves la moindre négligence ou lacune,au contraire,l'on y perçoit toujours un équilibre constant,une corrélation pertinente dans leurs structures.

?II?

L'oeuvre transforme-t-elle le réel?

L'art instille la séve dans le corps brut,il y insuffle la vigueur et la force,qui transforment en dernier ressort l'objet amorphe en une forme éclatante de vie et de beauté.

Houdon,en sculptant le buste de J.J.Rousseau ou celui de Voltaire,n'avait auparavant aucune idée de ce que serait la nature de ces bustes.Or,en se mettant au travail,il se sentit comme pris dans un tourbillon étrange,quelque chose d'insolite,d'irrésistible s'est emparé de tout son être,c'est en réalité,l'esprit du génie de l'art,qui s'est saisi du sculpteur célébre,et bien que,tout en maniant avec dextérité la matière brute servant à modeler le buste,Houdon donnait l'impression d'avoir été un autre que lui-même.Si vous lui tapiez sur l'épaule à ce moment-là,le moment crucial d'incubation et d'enfantement,il ne vous sentirait absolument pas124(*).

Il insuffle la vie à la matière vierge,qu'il transforme en quelque chose de grand et de sublime,quelque chose débordant de vitalité et d'énergie.

«Prenons,si l'on veut,deux masses de pierres placées l'une à côté de l'autre;l'une est brute et n'a pas été travaillée;l'autre a subi l'empreinte de l'artiste,et s'est changée en une statue de dieu ou d'homme,d'un dieu comme une Grâce ou une muse,d'un homme qui n'est pas le premier venu mais celui que l'art a créé en combinant tout ce qu'il a trouvé de beau;il est clair que la pierre en qui l'art a fait entrer la beauté d'une forme,est belle,non parce qu'elle est pierre(car l'autre serait également belle)mais grâce à la forme que l'art a introduite125(*)

C'est dans l'art que réside la vie et c'est dans l'art aussi que s'estompe à jamais l'éternité.

Or,la matière,chose putrescible,sujette à la décompostion et à la pourriture,se réduit en poussière et par là,à rien,.Cette matière pulvérisante donc et qui se prédestine au néant,c'est l'art qui l'a ressuscitée,c'est l'art qui a versé en elle le philtre de l'immortalité,en lui conférant le caracètère du sacré et du divin.

L'art galvanise,revigore tout ce qu'il touche,pénétre hardiment dans les plus vieilles nécropoles pour arracher les morts à leur léthargie éternelle,ressuscite le passé révolu,remue les ruines et les décombres des cités disparues,pour immortaliser la grandeur des civilisations déjà tombées en déconfiture et nous offrir un exemple vivant de cette décadence.

Iphigénie représente-t-elle la victime consentante,volontaire et résignée?Savait-elle qu'elle est un être vulnérable,fragile et sans résistance?Mais Phèdre,cette femme énergique,à la fois séduisante et indigne,symbolise-t-elle vraiment l'infidélité?Serait-elle manipulée par une force mystérieuse,au point de se laisser succomber à la tentation et consentir à commettre ce grave péché:l'infidélité?En un mot,Phèdre était-elle pour de bon victime irresponsable de son acte,ou au contraire,complétement lucide et consciente de ce qu'elle faisait?

Racine n'est pas allé trop loin pour nous éclairer sur ce point et nous épargner l'incertitude où nous a plongé l'attitude étrange de Phèdre.

En effet,le célébre dramaturge,pour éprouver la foule des spectateurs,n'a pas omis de faire preuve d'un peu trop de hardiesse et faire mouvoir sur la scène-en toute liberté- une femme en proie à ses passions et sous l'empire d'une force si incompréhensible que toutes ses réactions sont irrationnelles et inconscientes et qui ne sont très loin de nous rappeler les stigmates ou les symptômes de la démence.

Cette femme,en qui la nature eût pu mettre le germe de la douceur et de la vertu,osa encore,probablement par esprit de vengeance,accuser l'innocent Hippolyte,en l'occurrence son beau-fils,d'avoir tenté de la violer,ce qui a amené son père -dès son retour d'un long périple-à le maudire et à le faire périr126(*).

Iphigénie n'a plus de raison d'être,c'est la victime de certaines moeurs purtant périmées,surgies à la surface à l'issue des contingences aléatoires127(*):elle est victime de l'ambition aveugle de son père,qui ne voit que la raison d'Etat,qui prime tout et qui ne reconnait rien,même les liens sacrés du sang.

Par contre,Phèdre incarne à nos yeux,dans notre société moderne et dans tous les temps,les charmes,les attraits,les vices et les passions de la femelle des temps modernes.

D'où l'on déduit que Racine,conduit par les liens de l'intrigue qu'il voulait d'ailleurs tragique,dans l'une comme dans l'autre piéce,avait tenté de transformer Phèdre en une sorte de "succube"sous l'empire d'une démence infernale et par là capable de tout dépraver et de tout corrompre sans qu'elle ait eu la moindre prise de consciencede son acte.

Dès lors,cette image,déjà largement mitigée par le fait que la femme était censée sous le pouvoir des forces occultes,n'en est pas moins scandaleuse,et qui, de plus, demeure encore pour les âmes dévotes,après presque trois siécles,outrageante et indigne.

Ainsi Racine a usé en toute liberté des moyens techniques pour édifier sa belle tragédie et assurer à sa piéce toute l'ampleur tragique escomptée ,fût-ce de rendre même le tableau encore plus sombre qu'il ne l'était en réalité.

L'art de Racine a tout métamorphosé et cette fois-ci ,cette métamorphose n'a pas été dans l'intérêt du beau et du vertueux mais dans celui de la laideur et du baroque.

«Mais ce qui nous attire dans ces contenus,quand ils sont réprésentés par l'art,c'est justement cette apparence et cette manifestation des objets,en tant qu'oeuvres de l'esprit qui font subir au monde matériel,extérieur et sensible,une transformation en profondeur128(*)."

Dans l'art,il existe deux formes antagonistes,le bien et le mal,deux pôles essentiels autour desquels pivote l'intrigue de l'oeuvre.

Or,si l'une de ces deux forces triomphait accidentellement sur l'autre,il se produirait forcément un déséquilibre, irrationnel,qui dénaturerait l'oeuvre et la réduirait à une bluette sans valeur.

Ainsi,dans la piéce de Racine,qui est en vérité une piéce merveilleuse,pailletée de traits de génie et d'efforts artistiques,Phèdre,malgré sa pénitence,n'échappe pas à son destin et se suicide au milieu d'affreux remords.

Dès lors,on constate que le temps détruit et que l'art ressuscite...

Le temps ravage, annihile,sape les fondements même de la beauté,alors que l'art la ranime de ses cendres,l'extrait du néant,l'élève aux nues et la fait rentrer dans l'éternité.

«L'art remplit le même rôle par rapport au temps et,ici encore,il agit en idéalisant.Il rend durable ce qui à l'état naturel n'est que fugitif et passager129(*)

Mais le temps n'idéalise pas,le temps mine,ronge de manière lente et insidieuse les choses et la vie,ce qui est tout à fait l'inverse de l'art,dont l'action bénéfique et bienfaisante s'exerce avec tact et beaucoup d'intelligence sur les choses,pour les embellir et les rendre éternelles.

Rembrand,peintre génial des lumières,a immortalisé,gràce au pouvoir infaillible de l'art,quelques scènes de la vie domestique, insignifiantes en elles-mêmes,mais qu'il avait rendues d'un effet extraordinaire et inoubliable.

Son tableau "les syndics des drapiers» par exemple,est un tableau très émouvant,en ce sens que,d'un événement banal,conventionnel,infimeet prosaïque,il a fait naître tout un univers de beauté et de charme impressionnant ,hautement remarquable à première vue.

Et cet autre peintre Pieter de Houch de moindre importance d'ailleurs,mais qui,à travers ce tableau merveilleux "Intérieur hollandais"a mis en exergue la douceur,la paix,la béatitude de la vie familiale,rien qu'à partir d'une petite scène à l'aspect anodin et insignifiant dans le fond .

Deux tableaux que j'ai pu voir et admirer à loisir et qui m'ont ému et captivé au plus haut point.

Or le temps a passé sur ces scènes comme un coup de vent et rien n'est resté de ces petits spectacles si charmants130(*)!Et cependant,ils sont là,étalés sous nos yeux ébaubis,toujours vivaces et profondément réalites.

Ainsi,si la peinture triomphe invinciblement de l'action destructrice du temps,il n'en est pas de même de l'architecture,dont les maîtres les plus illustres aux siécles passésétaient sans conteste,Mansart et Gabriel,dont les oeuvres,aussi magnifiques qu'elles dussent être,n'ont pas échappé cependant à l'emprise du temps.

Par contre Rembrand et Pieter de Houch,étaient là et,d'un seul coup d'oeil,s'étaient systématiquement emparés de la scène dans son aspect panoramique,pour lui imprimer la magie de leur art et de leur génie et,devenue ainsi vivante à jamais,la scène défie le temps et l'esprit destructeur même de l'homme.

Cependant,la mission de l'artiste n'est pas de vaincre le temps,de mâter les agents destructeurs,de triompher du néant et de s'ériger en symbole de l'éternité,mais bien plus, c'est de s'arroger le pouvoir omnipotent de pénétrer dans les âmes humaines,d'en extraire les ressorts secrets,avec leurs sensations subtiles et tous les mouvements psychiques qui les régissent131(*).

«Nous avons à saisir l'esprit,la physionomie des choses et des êtres132(*)

Une oeuvre durable ,sempiternelle,doit refléter tous les traits de l'humanité...!

Et nul n'a été aussi génial à le faire autant que Pigalle et Falconet...L'un dans son chef-d'oeuvre"Amour" dont une impression magnétique se dégage et qui vous attire malgré vous..et l'autre dans "l'enfant à la cage."dont je m'étais émerveillé à un plus haut degré,car jamais une oeuvre de cette grandeur ,de ce prestige extraordinaire n'a exercé sur moi autant d'attraction profonde..

Les deux éminents sculpteurs avaient saisi,non pas les traits physiques ou les apparences extérieures,mais les sentiments,les sentiments intimes,les choses abstraites et occultes,qui caractérisent profondément les deux sujets.

C'est la mission de l'art d'être aussi grandiose,aussi divine et transcendentale,parce que l'art n'appartient pas à l'univers matériel,mais plutôt au cosmos et à l'univers de Dieu133(*).

L'art est issu de la lumière céleste pour embellir la vie,pour faire descendre sur terre l'espoir dans un monde meilleur,où la beauté régne à jamais.

Rien ne se réalise donc sans l'intervention immédiate de l'art,car l'art n'est pas seulement une forme technique et intellectuelle abstraite,une pratique et un savoir -faire ingénieux, mais c'est aussi la vie,telle que nous la vivons,tantôt assujettie à des moments de détresse et de morosité,tantôt pleine de béatitude et de joie.

Par l'ar on crée des événements tristes comme on crée des événements heureux..!

Or,Zola,dans «les Rougon-Macqart»,offre à l'humanité souffrante sa propre image:les péripéties et incidents plus que réels d'ailleurs ne sont pas dus au hasard,ce sont des événements produits par l'art,mais vécus par l'humanité,et l'art,par le biais de cet interpréte,en l'occurrence Zola,n'a fait que les retracer et reproduire en traits imagés,mais authentiques,comme disait déjà Balzac avec cette conviction qui lui était coutumière:

«La mission de l'art n'est pas copier la nature,mais de l'exprimer134(*)

Rembrand,dans ses meilleurs tableaux,ne recopie pas la nature,je veux dire la nature,telle qu'elle se présente à nos yeux,au contraire,il la pénétre à fond pour en exprimer l'essentiel,à savoir l'âme et l'esprit.

Balzac lui-même,a fait preuve d'un génie profond,en donnant de la nature humaine,l'expression la plus exaltante qui ait jamais été faite,par aucun de ses illustres prédécesseurs.

Pour tout dire,la nature s'exprime par le moyen de l'art et par l'art,on ne recopie pas,mais on traduit la chose comme elle devait être, telle qu'elle se présente aux yeux.

D'où l'on peut déduire que,par le génie de l'art,tout se métamorphose et tout se transforme,pour créer,non pas l'objet tel qu'il se conçoit dans la réalité,mais plutôt tel qu'il devait être dans la réalité135(*).

Le génie de l'art ne se borne pas seulement à créer la beauté pure,sublime et divine,mais aussi à la faire durer dans le temps,à en immortaliser les traits éclatants dans toutes les époques.

Par l'art,on remédie aux tares et imperfections attachées à la nature humaine et aux choses,comme l'avait bien souligné Plotin «L'art supplée aux défauts des choses,parce qu'il posséde la beauté:Phidias fit Zeus,sans égard à aucun modèle sensible;il l'imagine tel qu'il serait,s'il consentait à paraitre à nos yeux136(*)

Shakespeare peint les hommes tels qu'ils sont,mais avec un génie divin,si bien que,tout au long de son oeuvre théâtrale,il nous offre des types,des modèles parfaits de la condition humaine...Tous les types qu'il avait mis en relief,de Hamlet à Macbeth,sont des créatures vivantes,réelles,en mouvement perpétuel sur la scène du monde.

L'art shakespearien ne se réfugie pas dans la transformation de la réalité,mais il crée la réalité même,en ce sens qu'il forge un univers où évoluent perpétuellement des êtres en chair et en sang,tels que nous les voyons dans toute société humaine.

Donc le monde de Shakespeare ,loin d'être un monde falsifié,modifié à plaisir,est,par contre ,un monde parfaitement conscient de l'immanence de son devenir, n'ayant ni préjugés ni illusions sur ce qu'il est et nul n'ose nier le réalisme authentique,profondément génial,qui reste pour toujours son apanage propre.

Le génie efficace de l'art n'est plus donc de mise..d'autant plus que l'art n'est pas proprement parler un acte régulateur,un acte générateur de beauté ou de gloire,mais un phénomène plutôt métaphysique,très proche du Tout-Puissant.

Toute création suppose donc une intervention élémentaire de l'art,car toute création n'est pas due à l'application judicieuse et stricte des régles et des principes pertinents, mais plutôt à des phénomènes mystérieux et latents,qui régissent comme d'instinct des facteurs psychiques disparates,issus du subconscient137(*).

"Il ne suffit pas ,pour être un grand poéte de savoir à fond la syntaxe et de ne pas faire des fautes de langue138(*)"

Tout écrivain n'est pas infaillible:certes il a des éclairs de génie,mais cela ne l'empêche pas de faire des fautes de goùt ou même de langue et dans ce contexte précisement,la Bruyère,plus chevronné en ce domaine qu'aucun autre,déclara "Il est peut-être moins difficile aux rares génies de rencontrer le grand et le sublime que d'éviter toute sorte de fautes."

Or on ne refuse pas d'avouer qu'il est déjà donné à tout le monde ou presque de savoir écrire correctement,cela,ajoutons-le,est incontestable,mais en revanche,il n'est pas donné à tout le monde de savoir produire des oeuvres géniales et extraordinairement humaines,du même prestige que celles d'un Balzac ou d'un Shakespeare..

Car il n'est pas donné à tout le monde de connaître les mécanismes intrinseques de l'art: Rares sont ceux qui ont eu le privilège exceptionnel de pénétrer dans son univers si restreint pourtant et si mystérieux..Ceux -là seuls sont aptes à créer,à bouleverser les tabous centenaires,pour en faire sortir la beauté,et les secrets profonds des choses inconnues139(*).

On est incapable de produire sans le secours efficace de l'art,et c'est par l'art seul,qu'on illumine le monde,qu'on efface les ténèbres qui voilent l'esprit humain.

Dante et Milton,sont descendus,rien que par l'art,dans les lieux infernaux et macabres,pour dévoiler les secrets millénaires de l'humanité éplorée,et mettre du même coup sous les yeux des générations successives les longues litanies des âmes meurtries.

Le réalisme flaubertien,comme tout autre réalisme littéraire,est irréversiblement mis en doute par Marcel Proust,qui s'obstinait à en démentir la valeur,en dépit de l'authenticité des tendances réalistes des oeuvres,qui avaient pourtant marqué leur époque et les époques suivantes de leur sceau indélébile en faisant naître toute une véritable révolution réaliste touchant à tous les domaines.

«La littérature qui se contente de décrire"les choses",de donner un misérable relevé de leurs lignes et de leur surface,est malgré sa prétention réaliste,la plus éloignée de la réalité.140(*)»

Les frères Goncourt ont produit des oeuvres en apparence immortelles,mais que la postérité,ingrate et orgueilleuse,n'a pas daigné prendre en considération au même titre,par exemple,que celles d'un Guy de Maupassant ou d'un Flaubert.

Et pourtant les Goncourt auraient pu être placés au même rang que ce dernier du moins,dont les oeuvres pourtant ont suscité plus de controverses et de polémiques abracadabrantes que d'intérêt.

Littérature et réalisme,deux termes liés indissolublement par leur sens même,car qui dit littérature dit réalisme et vice versa..En ce sens que la littérature peut et doit être réaliste ou elle n'est rien.Or, de la littérature de fiction et fantastique à la littérature réaliste,c'est-à-dire de la condition humaine,le chemin est fort long,scabreux et difficile.

Cependant,les deux pôles ne se rejoignent absolument jamais,puisque,de la fiction,il n'en est sorti le plus souvent que des choses évanescentes et éphémères,tandis que du réalisme,c'est le coeur de l'humanité, toujours meurtri dans ses longues agonies,enveloppé dans le voile d'un pessimisme sombre,étalé sur l'autel de la réalité,et impeccablemen exposé sous nos yeux,tangible,sans fioritures ni retouches141(*).

Cependant,si en littérature,on est parfois amené à dépasser le cadre du réalisme cru,en ppeinture,en revanche,l'on se tient souvent dans les limites prescrites par le sujet et toute exagération,dans ce contexte,s'avérerait insipide et stérile:que l'on regarde "le moulin à vent" de Jacob ruysdale,que l'on scrute de plus prés tous les éléments compiosant ce tableau merveilleux,l'on s'aperçoit que tout est véridique et qu'il n'y a sous ce rapport aucune exagération manifeste.

Dans tout produit intellectuel,il y a selon toute évidence,une cause et un effet,deux concepts que l'on ne peut pas dissocier et que l'on a tendance au contraire à relier étroitement l'un à l'autre.

«Ni le peintre,ni le poéte,ni le sculpteur non plus ne doivent séparer l'effet de la cause qui sont invinciblement l'un dans l'autre142(*)».Cette assertion de Balzac est très plausible,puisque,dans le tissu inextricable et complexe des événements romanesques,l'effet et la cause,se complètent généralement,pour se fondre l'un dans l'autre:la cause est déterminée par un acte fortuit,aléatoire et mystérieux,que l'esprit ne saurait avoir le pouvoir de concevoir et d'en préciser même les implications ou les contingences..

Donc les causes des incidents scéniques et des faits événementiels,résultant inéluctablement d'une logique d'essence artistique,restent cependant enveloppées dans un voile de mystère et d'obscurité,que ni le lecteur ni même l'auteur ne parviendront à clarifier...Quant aux effets,ils sont le corollaire nécessaire des causes,ce qui prouve une fois de plus,leur cohésion dynamique et leur caractère inséparable143(*).

Par un beau temps,très ensoleillé,je sors de la maison pour aller méditer dans un lieu solitaire,dans une forêt compacte et touffue,loin du regard des importuns;et au moment où j'étais absorbé ainsi dans mes réflexions ,la pluie,que rien n'annonçait tout à l'heure,commença à tomber pour devenir bientôt une pluie diluvienne.

Il n'y a pas de lieu sûr où je puisse m'abriter,et,par conséquent,réduit à subir magré moi ce contre-temps affreux,je me laisse trempé jusqu'aux os...

Or,dans un pareil cas,pourrait-on déterminer la cause de cette pluie torrentielle dont j'ai été terriblement incommodé?

Pourrait-on imputer cet incident subi à la malchance ou plutôt à la fatalité qui m'a poursuivi jusque dans le fond de la solitude!

Il en est presque de même pour le créateur qui,entamant son oeuvre par une idée fortuite,se laisserait ensuite malgré lui bercé d'une manière tout à fait inconsciente par un déluge d'autres idées,incompatibles certes avec l'idée initiale, mais qui viendront malgré tout s'y greffer machinalement pour créer finalement l'oeuvre inattendue.

Ainsi,d'une part entre la pluie que rien n'a auguré d'ailleurs et dont la cause s'est avérée en fin de compte incomprise et incompréhensible,et d'autre part, l'architecture progressive,fortuite ,inconsciente de l'oeuvre,il est impossible de percevoir le moindre degré de différence.

Certes,l'effet procède de la cause,mais il n'y aura pas d'effet sans cause,ce qui m'amène à induire que,la cause et l'effet,de par leur nature universelle,de la conception métaphysique et agnostique de l'oeuvre,sont caractéristiques de l'immanence transcendentale144(*).

Cependant l'intérêt que l'on donne souvent au contenu de l'oeuvre est généralement minime,voire dérisoire,car ce qui noous intéresse d'emblée dans une oeuvre d'art,c'est évidemment la forme.

«Le contenu peut être tout à fait indifférent et ne présente pour nous ,dans la vie ordinaire,en dehors de la représentation artistique,qu'un intérêt momentané145(*)

Par un paradoxe étrange,la forme seule assure la survie de l'oeuvre,que ce soit un tableau,un roman ou même un poéme,puisque la forme s'inspire et s'édifie par l'art et l'art,en soi,est immortel,inépuisable et infini,une chose abstraite,capricieuse et sérieuse à la fois,qui ne se révèle pourtant qu'à des gens très rares,des initiés ou plutôt des inspirés ,lesquels,grâce au maniement habile des canons de l'art,transforment une idée ou un objet informe en une forme divine.

Ce que l'on apprécie plus que tout,dans les piéces de Shakespeare ou les poémes de Byron,ce n'est pas du tout le contenu en soi,c'est plutôt la manière avec laquelle s'élaborent et s'enchaînent les événements ou les sentiments exprimés.

Donc, on ne saurait répéter que la forme ,dans ses limites déjà connues,prime et dépasse en valeur le fond des choses.

«Le style,c'est l'homme146(*)"cet axiome de Buffon ne révéle rien en vérité,sinon que la forme demeure et demeurera toujours le signe ou le symbole de beauté dans l'oeuvre d'art147(*).

Un Boileau,par les sujets souvents insignifiants et oiseux,qu'il traitait,soit dans ses Epîtres ou dans ses Satires,n'aurait pas acquis cette grande notoriété doint il jouissait depuis des siécles,s'il n'eût pas enveloppé l'architecture de son oeuvre par la magie de l'art,en conférant tout d'abord à la forme plus d'intérêt et de soin qu'il n'en avait donné au contenu.

C'est pourtant là un phénomène dont on ne saurait que déplorer amèrement les conséquences facheuses..Puisque,les créateurs de génie,toujours hantés par l'obsession de l'art et de ses principes draconiens,faisaient souvent fi du fond pour consacrer exclusivement tous leurs efforts à l'embellissement de la forme,aliénés qu'ils étaient par les dogmes esthétiques de la tradition et de leur emprise viscérale sur les esprits.

Balzac,ou tout autre écrivain de la même envergure,n'a pas été un homme démuni d'expérience vitale,au contraire,c'était un homme qui avait mené de front une vie très agitée,une vie pleine de vicissitudes,toujours en butte à des obstacles et à des difficultés sentimentales et pécuniaires,ce qui lui a permis de posséder une vaste expérience qui s'est projetée avec bonheur dans toute son oeuvre,que la postérité prend aujourd'hui pour un vrai miroir de toute une société disparue,et dont seuls les vestiges des moeurs,des sentiments,des habitudes et coutumes,restent encore vivaces,grâce à la hardiesse et à la vigueur d'un écrivain dont la volonté et la persévérance n'ont pu être entamées par des difficultés matérielles inimaginables148(*).

Et toutes ces péripéties,véhiculées par la Comédie Humaine,avec leurs détails minutieux,leurs faits et méfaits romanesques,parfois grossiers et monstrueux,leurs conséquences plus ou moins crédibles,leurs cortéges interminables de jubilations et de malheurs,tout cela suscite en nous des impressions à la fois d'admiration et de malaise.

«Une image offerte par la vie,nous apporte en réalité à ce moment-là des sensations multiples et différentes149(*)

D'autre part rien qu'à voir le tableau de David «le serment des Horaces»ou encore celui de Fragonard«la leçon de musique» pour se rendre compte des effets de contradictions et d'étranges paradoxes que pouvait englober l'oeuvre d'art:ainsi à la vue de ces deux tableaux l'on se sent comme frappé par un étonnement à la fois merveilleux et blasé,très proche de l'admiration offusquée tout à coup par un changement brusque des tons et des coloris,un changement surprenant en vérité qui avait gravement gâché et faussé les proportions et l'équilibre des lignes et des images.

On a l'impression de sentir la présence de l'auteur dans chaque touche et retouche:les caractères et les figures s'éclipsent comme par enchantement pour laisser apparaître les traits dominants du peintre,ses sentiments,ses déceptions,ainsi que ses passions,qui s'y manifestent avec profondeur et persistance.

Donc on peut percevoir dans chaque création,l'empreinte évidente de son créateur,d'autant plus que le réalisme,un réalisme cru ,s'imprime dans la contexture profonde et intime de la chose créée,ce qui nous amène à dire que l'oeuvre et l'auteur ne font souvent qu'un,uni et indissociable.

Ceci est,sans conteste,vrai,car pour lui,tout existe déjà,bien avant qu'il suggère l'idée à interpréter ou l'image à peindre puisque la société existe déjà avant la venue de l'artiste et ce dernier,pour exprimer les faits qui s'accomplissent régulièrement au sein de cette société,,n'a plus qu'à traduire et à développer ce que lui inspirent les événements.

«Si j'essayais de me rendre compte de ce qui se passe,en effet en nous au moment où une chose nous fait une certaine impression,je m'apercevais que,pour exprimer ces impressions,pour écrire de ce livre essentiel le seul livre vrai,un grand écrivain n'a pas,dans le sens courant ,à l'inventer,puisqu'il existe déjà,en chacun de nous,mais à le traduire.Le devoir et la tâche de l'écrivain sont ceux d'un traducteur150(*)

Chaque créateur ne fait que traduire ses impression,ses sensations obscures,en les valorisant avec cette exubérance inhérente à sa nature de poéte ou de peintre.

Coléridge ou Wordsworth,au même titre qu'un Lamartine ou un Musset ,aucun d'eux pourtant, n'a exprmé un seul mot issu de sa propre individualité,au contraire,chaque terme,chaque vers,chaque expression même la plus insignifante,se réfère directement au thème universel,à savoir l'humanité,déjà soumise passivement au destin et à la providence151(*).

Chaque poéte,chaque peintre,depuis les temps immémoraux jusqu'à nos jours,n'a jamais obéi à des ressorts d'égoïsme individuel ou au pouvoir de la vanité,il s'ingénie toujours à dépasser ce cap mesquin,à s'affranchir de ses fantasmes et de ses propres illusions,pour embrasser les problèmes de l'humanité et produire une image authentique réflétant sans nulle complaisance la grandeur et la décadence de son temps.

Créer la beauté,c'est avoir le pouvoir de maîtriser l'impossible,car la beauté est une chose récalcitrante et coriace,et la mâter,nécessite donc des efforts colossaux et une persévérance inlassable,comme l' abien souligné Balzac:

«La beauté est une chose sévère et difficile qui ne se laisse point atteindre ainsi,il faut attendre ses heures,l'épier,la presser et l'enlacer étroitement pour la forcer à se rendre152(*)

Honoré de Balzac,Théophile gautier,ou encore Leconte de Lisle,tous les trois avaient passionnément idolâtré la beauté pour elle-même;ils sont nés et ont vécu pour elle seule,et même en mourant,pendant que leur âme se consume dans les affres de l'agonie,l'ultime et vibrant soupir que leurs lèvres livides ont exhalé,l'unique vision qui s'est estompée sous leurs yeux flétris et exsangues,c'était à n'en pas douter, l'image éternelle du beau,du merveilleux et de l'exceptionnel.

On ne crée pas la beauté selon une méthode et des principes applicables.La beauté est immanente et apparaît dans des moments inattendus et sous une forme étrange:un tableau de Rubens ou de son génial disciple Van Dyck,nous offre le sens de la beauté,dans ses contours comme dans ses limites,,si bien qu'on se sent amené à dire que c'est la beauté elle-même.Quand on regarde de plus près cette"Jeune fille accroupie"de Maillol ,sculpteur de grand talent,on est impressionné par les charmes si émouvants,par cette élégance captivante dans les lignes,cette finesse ingénieuse qui caractérise chaque élément,cette régularité parfaite des formes,enfin cet air superbe qui émane d'elle,:tout vous séduit et vous fascine!

Ou encore ce tableau de Claude Monet intitulé modestement"femmes dans un jardin"si simple en soi,si prestgieux pourtant,si grand,si remarquable par les nuances des tons,les sentiments nobles qui s'en dégagent et les idées pathétique qu'il inspire153(*).

Pour tout dire,la création de la beauté,relève au premier degré,non de l'inspiration accidentelle,ou de tout autre expédient,qui ne serait en définitive qu'un moyen fallacieux,illusoire,mais au contraire d'un acte de foi,de croyance profonde dans l'immanence métaphysique de la beauté.

On peut dire néanmoins que l'artiste est un puissant prestidigitateur,non pas un prestidigitateur qui fait des miracles trompeurs,mais un prestidigitateur qui crée la beauté,qui transforme un objet laid en un objet qui incarne la beauté sublime,la beauté divine,en un mot,un prestidigitateur qui,à partir du néant,il fait naître les sensations vibrantes de la vie,du beau inviolable et transcendant "toute figure est un monde,un portrait dont le modèle est apparu dans une vision sublime,teint de lumière,désigné parune voix intérieure,dépouillé par un doigt céleste qui a montré,dans le passé de toute une vie,les sources de l'expression154(*)

La magie n'est pas l'apanage de l'artiste (il y a eu un temps où l'on accusait le poéte de magicien et de sorcier perfide)mais ce temps là est déjà révolu depuis bien longtemps,c'était le temps de l'obscurantisme,de l'ignorance et de la cécité intellectuelle,alors que dans les temps modernes,le poéte est adulé,juché sur le piédestal de l'idolâtrie et de la gloire.

Son influence sur la masse est infinie:c'est un éclaireur,un démiurge, un flambeau dans un monde ténébreux,c'est un guide révolutionnaire,chargé de la haute mission de relever les âmes abattues,d'élever l'humanité au rang de la transcendance divine,de contribuer enfin à bâtir l'armature d'une civilisatiion supérieure et éternelle,loin de tous préjugés mesquins et de toute gloriole oiseuse.

C'est justement dans cette action,dans cette entreprise de longue haleine,que réside la magie de l'artiste,sa sorcellerie se limite uniquement à cette transformation profonde des choses de la vie et du monde.

L'artiste éprouve une joie immense à la vue de son oeuvre achevée;elle lui procure une satisfaction morale,une félicité infinie,paradisiaque,parce qu'il est conscient de l'étendue civilisationnelle et de la nature divine de l'oeuvre qu'il venait de créer:ainsi par cette création,il n'a pas seulement surmonté les souffrances dues à l'enfantement,et les tourments profonds qui taraudaient ses entrailles,mais il a le sentiment bienheureux d'avoir maîtrisé le néant,l'infini insondable et d'en avoir dégagé la lumière universelle nécessaire au développement du monde et de l'humanité155(*).

«Mais ce qui,dans cette idéalité formelle,nous intéresse surtout,ce n'est pas le contenu même,mais la satisfaction que procure son extériorisation.La représentation doit ici apparaître naturelle,mais ce n'est pas naturel comme tel,c'est l'acte par lequel se trouvent réduites au néant et la matérialité sensible et les conditions extérieures,qui constitue le poétique et l'idéal au point de vue formel156(*)

Falconet a fait preuve d'un génie incommensurable dans son oeuvre intitulée «Amour» c'est une oeuvre à la fois émouvante et merveilleuse,qui prouve une fois de plus,la magie intrinsèque de l'artiste,avec cette sensation extraordinaire de béatitude qu'il ne cesse de répandre autour de lui,contribuant ainsi à instaurer un climat permanent de bonheur dans le monde et à l'épanouissement de la vie.

Il en est de même pour l'oeuvre de Pigalle "l'enfant à la cage» qui n'en est pas moins attachante et sublime,parce qu'elle implique des sentiments nobles et d'idées lumineuses.

Ainsi,l'artiste,par sa transformation du monde,a su vaincre le mystère de la vie,atteindre l'inaccessible et conquérir l'impossible trophée de la victoire sur le néant,restaurer un monde nouveau fait d'optimisme,de tolérance et d'esprit de solidarité et d'amour.

?III?

L'oeuvre produit-elle un univers nouveau?

Les piéces de Molière ou celles de Racine sont faites d'abord pour être présentées sur la scène,mais paradoxalement,grâce au prestige du style et à l'élégance magnifique de la forme,ces piéces sont de nos jours beaucoup plus goûtées par la lecture qu'au théâtre,dont la primauté,à l'époque classique du moins,était tout à fait absolue et incontestable.

Le lecteur moderne ne s'empêche pas de savourer ,de se laisser en quelque sorte griser par le style enchanteur et le génie profond qui sont incontestablement à l'origine de la survie de ces piéces,qui,bien qu'elles aient traversé des siécles et subi des controverses infinies parfois hostiles et dénigrantes,sont souvent d'une fraîcheur suave et vivace157(*).

Son excitation s'accroît au fur et à mesure qu'il avance dans sa lecture,si bien que,tantôt délicieusement bercé par le ton émouvant,les tirades expressives et bouleversantes,tantôt délibérément enivré par la cohérence dramatique,le suspense des coups de théâtre spectaculaires.

Il a l'impression en effet de vivre lui-même la scène,d'être le principal protagoniste,de décocher des traits violents,d'aplanir les obstacles,de combattre le fanatisme et la haine,d'instaurer le régne de la justice158(*).

L'univers produit par la piéce est un univers authentique,quoique né de l'imagination,c'est un univers découvert,non seulement par l'auteur,mais aussi par le lecteur lui-même,qui y participe pourtant d'une manière directe et immédiate,c'est univers enfin où ce dernier,volontiers complice,se baigne complaisamment,constamment grisé par la nature des passions dépeintes ou le décor pathétique où se meuvent cependant momentanément les personnages.Lire en vérité c'est découvrir,c'est retrouver un nouveau monde,c'est faire une percée dans l'inconnu et dévoiler le mystère qui se cache derrière chaque ligne159(*),précisément comme s'il eût été lui-même l'auteur de la piéce,puisque,écrire n'est pas du tout prendre la plume et entreprendre d'écrire des idées préconçues,au contraire,écrire pour l'auteur,c'est aussi découvrir,c'est faire des retrouvailles insolites,«L'oeuvre en prose ou en poésie a réussi à nous imposer cette idée que la littérature est une expérience et que lire,écrire,ne relèvent pas seulement d'un acte qui dégage des significations mais constitue un mouvement de découverte160(*)

Or,écrire,c'est se connaître soi-même,'est découvrir;c'est se dévoiler à son insu,ouvertement,sans barrières ni obstacles,,car l'écriture suppose vraisemblablement une découverte et une recherche ,un sondage au plus profond de soi-même,enfin une exploration dans les fibres intimes du subconscient et de l'âme.

Saint-Augustin dans ses "Confessions» ou même Pascal dans ses "Pensées et Opuscules161(*).»se sont volontairement livrés à l'exercice de l'écriture,dans le but évident bien entendu de s'extérioriser ,d'éclairer les coins obscurs de leurs âmes tourmentées par des aspirations déjà inavouées..

L'un tiraillé par la foi,une foi immense et ardente,par un désir constant d'élévation vers une illumination céleste,vers le paradis tant souhaité.

L'autre,obsédé par le repentir et déchiré par les remords, dans une ultime aspiration ,se rapproche, après avoir reconnu et expié par dés pénitences et des mortifications ses péchés,dus par ailleurs à la faiblesse de la nature humaine,vers la pureté de l'Etre Suprême.

Ainsi,par ce moyen infaillible,en l'occurrence l'écriture,l'artiste ,au lieu de chercher à camoufler la vérité qui gît en son sein , s'ingénie au contraire à la révéler et à l'exposer telle qu'elle se manifeste à son esprit.

M.Blanchot,en écrivant,avait fait l'expérience et savait mieux que personne la portée de l'écriture et son influence sur la personne même qui écrit,«L'artiste,déclara-t-il,dont l'esprit est toujours en éveil,s'évertue à faire preuve de beaucoup de persévérance surtout au moment où il écrit,pour ne pas se laisser paralyser par les mouvements saccadés de l'inspiration ,car souvent ,il en vient soit à se sentir,quand il écrit,l'agent des forces supérieures soit-plus modestement-à reconnaître dans cette activité une expérience originale,une sorte de moyen de connaissance et de voie de recherche162(*)

Ainsi,écrire,c'est sentir et se sentir;c'est savoir s'affranchir des velléités et des arrière-pensées mesquines,pour rejoindre l'état de pureté divine.163(*)

L'oeuvre ne permet pas seulement à son auteur de se connaître et de dévoiler son être, en un mot,d'être transparent et clair comme la lumière du jour,mais lui permet aussi de trouver à foisons des idées insoupçonnées,des idées auxquelles il n'a jamais pensé,et qui affluent en son esprit indéfinément,jusqu'au moment oû il s'aperçoit que le sujet qu'il traitait est déjà épuisé.

L'oeuvre est donc génératrice d'idées universelles ,qui demeurent infiniment vastes,soit pour l'auteur lui-même,soit pour le lecteur,qui est cependant plus apte à découvrir à travers l'oeuvre des choses auxquelles l'auteur lui-même,en les enfantant inconsciemment,ne semble cependant nullement en avoir la moindre image dans son esprit .

L'oeuvre ne réflète pas le monde tel qu'il est en réalité,mais le transforme,pour en créer un monde nouveau,plus beau et plus grand,comme l'a laissé entendre M.Blanchot."Mais reconnus comme moyen de connaissance ,l'art et même le roman sont forcément appelés à se rencontrer avec d'autres disciplines intellectuelles.Cette rencontre n'a rien d'extraordinaire ,elle a été presque constante dans toute l'histoire de la pensée.Des présocratiques à Dante,de Léonard de Vinci à Goethe ,de Cervantès à Kafka,l'histoire est jalonnée d'oeuvres d'art qui n'exposent pas seulement des idées mais les trouvent,ne se contentent pas d'illustrer une certaine image de notre condition,mais l'approfondissent et le changent164(*)

Karl Marx,grâce à son oeuvre surprenant à plus d'un titre,a modifié le monde en y semant le germe du changement,d'une révolution inattendue,qui a mis en question tout un univers d'institutions ,toute une panoplie de dogmes ,de traditions,d'idéologies ,de mentalités sclérosées et archaïques.

La Révolution Française,qui a eu également le pouvoir de tout changer de fond en comble,est l'oeuvre,non d'un seul homme,mais d'une multitude d'hommes,dont les oeuvres ont été bâties à peu près sur les mêmes idées et les mêmes principes,visant avant tout la félicité et la dignité de la race humaine165(*).

De Voltaire à J.J.Rousseau,en passant par D'Alembert ,Diderot et les grands encyclopédistes,tous ont plus ou moins contribué à la chute de l'ancien régime,pour édifier sur ses cendres croulantes,un nouveau monde,où régneraient la liberté,l'égalité et la tolérance.Ceci sans généralement tenir compte des abus effrayants et des actes d'injustice et de tyrannie,qui ont dû jalonner la mise en application de leurs principes fondamentaux.

Pour tout dire,l'oeuvre,qu'elle soit littéraire ou picturale,implique en elle -même le sens d'expérience et de recherche...Elle est née à la suite d'une longue exploration de la vie et ne reflète en ce sens que la vie,puisque,une oeuvre sans vie n'est pas du tout une oeuvre,c'est plutôt une tentative oiseuse et d'esprit stérile.

L'oeuvre est donc porteuse de significations,du sens réel de l'existence.Elle est le résultat d'un effort immense,d'une riche expérience réaliste, en vue de transmettre à la postérité un message authentique pour fonder un monde,transformer les mentalités des peuples,en provoquant cette espèce de sympathie qui a consacré le rapprochement et la réconciliation entre les esprits166(*).

Chaque oeuvre donc porte en son sein un objectif particulièrement salutaire,tendant essentiellement à promouvoir et à galvaniser énergiquemeent le sens du bonheur des peuples du monde,sans frontières d'aucune sorte.

De là,nous pouvons avancer que le célébre roman de Don Quichotte,de Cervantès,celui du Roland Furieux de Baccace,ou même les Liaisons Dangereuses de Choderlo de Laclos et d'autres romans innombrables écrits avec le même génie et le même talent,sont de vrais monuments de l'esprit humain:et pourtant tous étaient à l'origine d'une vision imaginaire et purement fictive,mais que,avec le temps,devenus ainsi d'une vogue notable,sont considérés de nos jours comme d'autant de miroirs reflétant sans camouflage et en toute évidence l'âme des peuples167(*).

Ce qui est vraiment extraordinaire,c'est que,ce passage de la fiction à l'expérience,a été accompli dans le cadre d'une certaine croyance particulière,propre en effet à l'esprit de la société moderne,qui a tendance cependant à voir dans toute oeuvre bien écrite une réalité et une expérience.

«La possibilité,disait encore M.Blanchot,pour une fiction de devenir une expérience révélatrice hante toute notre littérature moderne168(*)

Il fut un temps où Don Quichotte,par exemple,n'était qu'une oeuvre de cocasseries époustouflantes et de distractions grotesques et ridicules,une vision des choses que Cervantès avait eue pour montrer l'aspect proprement comique et burlesque de la vie humaine.En réalité ce passage de la fiction à l'expérience n'a pas été réalisé fortuitement,cette transformation a été opérée à l'issue de graves méditations,émaillées de réticences,d'hésitations parfois déchirantes,de polémiques et de querelles interminables qu'avaient connues les peuples tout au long des siécles.

De plus,le mythe, comme le phénix,renaît toujours de ses cendres.Tantôt le mythe reste tel qu'il est,c'est-à-dire quelque chose auquel l'on ne croit guère,quelque chose qui relève de la fiction et de la légende et qui ne posséde aucune parcelle de vérité :les traditions orales en particulier sont largement farcies de faits contradictoires et étranges:tantôt il incarne une réalité indéniable,entretenue complaisamment par les peuples de tous les lieux et à toutes les époques "le mythe,derrière le sens qu'il fait apparaître,se reconstitue sans cesse.»

Cependant la fiction se mue en un mythe et de là à une réalité qui devient avec le temps un fait vécu,une expérience pure et authentique.169(*)

L'oeuvre rabelaisienne est une fiction certes,engendrée à la suite d'une idée fantaisiste,mais cela ne nous empêche pourtant pas de dire que c'est une oeuvre réelle,qui s'est inspirée directement du vécu et du sensible,mais que l'auteur,fuyant l'écriture banale et les poncifs a cherché une autre forme d'expression,en l'occurrence l'ironie et l'humour à la fois sarcastique et impassible,pour réaliser la construction de son oeuvre170(*).

De là,l'on peut dire que Cervantès et Rabelais,que j'ose ranger dans la même catégorie,ont la même affinité,les mêmes tendance spirituelles et le même génie,surtout dans leur conception du monde.

D'autre part,il n'est pas moins vrai que la peinture en particulier se caractérise par le silence,mais un silence éloquent,profondément plus suggestif que le roman même,-puisque à travers un tableau,nous percevons une vue d'ensemble,une vision globale et claire de tout un monde de pensées et de faits,alors qu'un roman,quoiqu'il présente les événements dans un cadre plus précis et plus net,ne nous offre souvent que des détails abondants mais inutiles,des problèmes cernés avec munitie,mais toujours insuffisamment éclaircis,car la faconde ou la tendance à la volubilité exagérée empêche l'écrivain d'être souvent objectif dans ses interventions.

Dès lors,il m'est possible d'affirmer que le peintre,par le silence au sein duquel il se réfugie,par sa manière de suggérer les faits avec plus ou moins de vraisemblance,est plus expansif,plus ouvert et même plus franc que le romancier,quoi qu'il ait«perdu,comme disait Malraux171(*),les sentiments de sa dépendance:il en a chassé les maîtres,il en a chassé la réalité à laquelle il a substitué le silenc.» Or «La mort d'Ophélie»un des tableaux de Millais,préraphaélite de génie,est plus suggestif,plus émouvant que tous les romans du monde.

Dans ce tableau pathétique,comme d'ailleurs dans celui de Courbet "un enterrement à Ornans.»,un silence macabre,profond et effarant,se substitue comme de force à l'écriture jugée par ailleurs inutile et stérile.

Ce silence,c'est la réalité transparente,profonde et humaine;c'est l'esprit,l'âme même de l'univers qui s'est exprimée à travers ce silence indescriptible.172(*)

le créateur est souvent fasciné par l'objet qu'il crée..C'est un Pygmalion sans le savoir,un Pygmalion pourtant éternel,il est pris dans le chausse-trape de ses propres sensations,dont il peint les effets sur le papier pour les rendre visibles à l'oeil et sensibles à nos sens.

Tout son art réside en principe dans ce phénomène insolite,qui lui permet de s'évader de la quotidienneté,de l'univers sensible où il évolue,pour plonger dans le fond de son être,créer ne serait-ce que par l'imagination,l'idéal auquel il aspire et vivre les moments d'une extase infinie.

C'est là un état psychologique propre à l'artiste,un état naturel en quelque sorte et ne diffère en rien de sa vie ordinaire dont Malraux connaît à fond les secrets.

«il s'agit d'un état psychologique sur quoi repose presque tout l'art tragique et qui n'a jamais été étudié parce qu'il ne ressortit pas à l'esthétique:la fascination173(*).+

La fascination provoque l'inverse des sens,enflamme les nerfs,et conduit l'artiste à l'euphorie et à l'enthousiasme frénétique et de là à l'expression profonde des passions.

La fascination enveloppe le sens esthétique de lumière,stimule l'intuition et l'intelligence,pour assurer à l'oeuvre son unité intrinsèque et profonde.

Par la fascination,qui est un état psychologique tout à fait particulier,l'artiste descend en lui-même,pénétre et s'infiltre dans les replis profonds de son être et s'engage dans le chemin tortueux de l'exploration de soi174(*).

Les belles trouvailles ne se manifestent pas à l'esprit de l'artiste pendant qu'il est dans un état normal:il lui faut alors subir un certain vertige étourdissant,entrer en transe,être sujet à des à-coups d'un aiguillon insidieux,enfin une certaine fiévre délirante,qui torpille toute activité gestuelle,paralyse les mouvements de son être et le mène lentement vers l'enfantement douloureux certes,mais en tout cas non dépourvu de délectation et d'extase infinie.

«De même que l'opiomane ne rencontre son univers qu'après la drogue,le poéte tragique n'exprime le sien que dans un état particulier,dont la constance montre la nécessité175(*).» Les génies modernes,tels que Van Gogh ou Baudelaire,ne se sont pas privés de ce plaisir,en se procurant cet élixir,cet onguent magique qui les excite tellement qu'ils s'attribuent les pouvoirs même de Dieu!En ce sens qu'on ne crée pas alors qu'on est dans un état psychologique ordinaire,il faut donc provoquer une sorte d'anarchie des sens,une mise de sens dessus dessous de toute la logique rationnelle des choses,ébranler toutes les facultés psychiques et faire naître cet état d'inconscience,de sang-froid et d'insensibilité totale,opération absolument nécessaire à toute création artistique176(*).

Une frénésie extatique,un mouvement désordonné et instable de tous les sens,une espèce de fiévre intense,ardente,inexorable ,accomppagnée d'un déluge de sueur,une réquisition totale de toutes les facultés,toutes convergeant déjà vers le même but,bref une impossibilité absolue de sentir le monde exogène,pour ne voir qu'en soi,en son âme:tel est enfin l'état où se trouve l'artiste de génie au moment où il produit son oeuvre.

Baudelaire -et il n'est pas le seul d'ailleurs-usait d'un procédé généralement assez connu pour vaincre l'excitation nerveuse et en particulier l'angoisse:l'opium dont il se servait fréquemment et abondamment ,pour échapper aux souvenirs déchirants de sa situation de désespéré et d'orphelin malheureux,aussi pour tromper l'angoisse qui le dévorait au moment où il se mettait à cogiter et à produire ,cet opium avait insidieusement affecté la santé du grand poéte visionnaire177(*).

Et pourtant,pour Baudelaire,comme d'ailleurs pour tout artiste,l'opium constitue un moyen efficace pour se protéger contre les influences extérieures,c'est un moyen pour voir au plus profond de soi ,pour pouvoir s'accrocher constamment à l'image que l'on entretient délicieusement à l'intérieur de soi.Car exprimer et dépeindre l'angoisse,c'est non pas pour fuir l'angoisse,c'est-à-dire s'en délivrer par confession directe,mais au contraire,c'est pour l'exacerber davantage,l'accroître démesurément et l'artiste,qu'il soit un Baudelaire,un Musset ou un Raphaël,s'en trouverait pourtant bien à l'aise,comme quelqu'un qui,ayant par malheur un gros poignard dans le coeur, aurait beaucoup de mal à l'en arracher,de peur d'expirer instantanément178(*).

«L'artiste ne se défend pas contre l'angoisse en l'exprimant,mais en exprimant autre chose avec elle,en la réintroduisant dans l'univers.La fascination,la plus profonde,celle de l'artiste,tire sa force de ce qu'elle est à la fois l'horreur et la possibilité de le concevoir179(*)

Malraux,explorateur génial des secrets des artistes anciens et modernes,a su définir impeccablement ce sentiment d'angoisse et de malaise perpétuel qui se dégage de toute oeuvre qui tomberait entre ses mains.

En général,ce qui exaspère prondément les passions du poéte ou du peintre,c'est naturellement l'angoisse incisive et le mortel ennui:l'un et l'autre sont autant de virus impitoyable,qui,s'infiltrant dans l'âme,provoquerait irréversiblement,non pas une anémie intellectuelle,mais plutôt un ébranlement profond de tous les organes psychiques,qui le pousserait finalement au désespoir et de là directement au suicide.

D'ailleurs,aucune oeuvre,que je sache,depuis le moyen-âge jusqu'à l'ère contemporaine,qu'elle soit de caractère burlesque ou tragique, n'a échappé tout à fait au miasme de l'angoisse et du désespoir!

L'oeuvre poétique de Ronsard respire,au-delà de l'effluve de cette passion amoureuse qui se consume d'elle-même dans une vanité grossière,la tristesse d'un coeur déchiré par les tracas matériels et l'ennui d'une vie monotone et pesante..Tout autant que l'oeuvre de Rabelais ,où,à travers ses deux personnages grotesques Pantagruel et Gargantua ,il exprimait un état de désespoir infini,qui sourdait au-dessous de chaque ligne.

Tous les grands classiques s'étaient montrés à nu dans leurs oeuvres immortelles:il suffirait de relire un Racine,un Corneille ou un Molière,ou même,pour parler d'une oeuvre de moindre importance, un Chapelain180(*),pour se rendre compte de cette vérité fondamentale181(*).

De tout temps l'artiste est un isolé,un pauvre solitaire en butte aux anicroches de la vie quotidienne.C'est un solitaire au milieu de la multitude,au milieu d'une société qui parfois refuse de le reconnaître et de lui accorder une juste place en son sein182(*) et pourtant l'artiste est un "albatros»,fier et plein d'orgueil,auquel rien ne résiste cependant,puisque,par son génie,par sa capacité de saisir l'insaisissable,par son autonomie qui est en fait essentielle pour lui,par son originalité indéniable,il est en droit de vivre seul»toute grande oeuvre nous atteint en démiurgie :un grand artiste n'est pas autonome parce qu'il est original,mais il est original parce qu'il est autonome,d'où sa part de solitude183(*)

J'ai l'impression que Malraux a eu raison d'avancer un tel argument d'ailleurs plein de sens et de vérité,car l'artiste se trouve souvent devant un dilemme des plus cruels:

ou bien être autonome,c'est-à-dire ne dépendant ni de personne ni de rien,sacrifiant ainsi toute ambition d'ordre matériel,et par là être original,ce qui l'amenerait à subir inéluctablement les effets de la solitude et les frustrations douloureuses qui en découleraient,ou bien faire partie de la communauté,en être un membre comme n'importe quel autre,et par là perdre à la fois son autonomie et son originalité,ce qui le réduirait à accepter en derenier ressort le statut d'un membre stérile et consentir à être le satellite du pouvoir ou d'une coterie littéraire mondaine184(*).

Donc l'originalité de l'oeuvre dépend avant tout du degré d'autonomie dont devrait jouir éventuellement tout "créateur"et ce dernier n'atteindrait en vérité la gloire et l'honneur qu'en s'affranchissant de la dépendance matérielle ou spirituelle même des autres ou même de la société.

Une telle caractéristique ne saurait être dénigrée ,d'autant plus que,tout au long des siécles ,l'artiste autonome est toujours celui que la postérité reconnaît comme un vrai créateur et par là immortel.

L'artiste en peinture,en littérature,en sculpture ou même en architecture,je veux dire tout homme qui est capable de produire du beau est avant tout un artiste,un visionnaire qui transforme le monde,pour créer un monde idéal,pur et humain185(*).

L'artiste est donc un dominateur,un potentat en puissance,qui surveille de loin son monde,en régle les mécanismes et supervise de plus près les rouages complexes.Il domine par là,non pas par la pensée,mais aussi par sa présence ,le monde environnant,sur lequel il exerce son pouvoir et sa volonté indomptable.

Néanmoins,l'artiste,qui était dominé par les contingences manifestement abstraites de son sujet ou de l'objet,qu'il avait entrepris de manipuler et de traiter selon les principes de son art,devient tout de suite,une fois l'oeuvre entreprise finalement achevée,«dominateur,non pas seulement de l'objet crée,mais que depuis cinquante ans il choisisse de plus en plus ce qu'il domine,qu'il ordonne en fonction des moyens de son art186(*)

L'oeuvre est certes un produit de l'esprit,mais aussi le produit d'un désir charnel,d'une espèce de concupiscence latente et obscure,qui lui procure vie et lumière187(*).

Une fois édifiée et l'architecture générale achevée,consacrant ainsi l'ambition initiale de l'artiste,l'oeuvre implique en soi une authentique vision de la vie et de l'univers.

C'est pourquoi la mission qu'elle assume vise principalement à la réorganisation du monde,à l'instauration du régne de l'idéal et de la paix parmi les peuples,réalisant ainsi par là,les aspirations profondes de son "créateur"

«La grande oeuvre d'art n'est pas tout à fait vérité comme le croit l'artiste:elle est,elle a surgi.Non pas achèvement,mais naissance,vie en face de la vie,selon sa nature propre;et animée,au sens étymologique,,par la coulée du temps des hommes,qui la métamorphose et s'en nourrit188(*)

Un roman,un ouvrage amorçant des questions purement théoriques,ou même un traité philosophique,une oeuvre littéraire ou même théologique,est par définition,une oeuvre ,bien comprise et pertinemment interprétée,vise un seul et unique objectif:c'est d'assurer le bonheur pour les générations présentes et futures.189(*)

De Platon à J.J.Rousseau,en passant par Locke,Hume,Newton,Leibniz,Descartes et Voltaire,tous les génies des siécles révolus,ont contribué avec presque le même effort et la même persévérance au bonheur matériel et moral de l'humanité,à l'universelle ascension de l'esprit humain,en jetant les bases fondamentales des lumières..

Une seule idée a pu généralement modifier en profondeur toute une multitude infinie de structures archaïques et décadentes,pour élever à leurs places d'autres structures plus modernes et plus évoluées,assurant ainsi au genre humain,les garanties de sa survie et de sa gloire.

L'art,c'est combattre l'impossible,c'est vaincre le néant:c'est un moyen de vivre une aventure,avec ses obstacles infinis,ses soucis et ses mortels ennuis,comme ses immenses tribulations.C'est aussi un but bien circonscrit dans la pensée de l'artiste, un but auquel il tendrait de toute son âme,de toutes ses forces,pour transcender l'infini,s'affranchir des frontières étroites qui le retiennent ici-bas et prendre l'essor vers le monde de la lumière et de l'extase190(*).

«L'art naît précisément de la fascination de l'insaisissable,du refus de recopier des spectacles,de la volonté d'arracher des formes au monde que l'homme subi pour les faire entrer dans celui qu'il gouverne.

«L'artiste pressent les limites de cette incertaine possession;mais sa vocation est liée à son origine puis à plusieurs reprises avec moins d'intensité,au sentiment violent d'une aventure.Il n'a peut-être ressenti d'abord que la nécessité de peindre.191(*)»

Or,l'art,ne reconnaissant pas l'impossible,est au-delà même de l'infini,car il est immanent et profondément très proche de l'esprit divin,dont il est par ailleurs l'élément essentiel.

La nature céleste a créé l'art,car l'art n'est pas de création humaine,l'art est un phénomène mystérieux,métaphysique,au même titre que la mort ou la naissance.L'esprit humain,qui pratique et maitrise les mécanismes de l'art,sous toutes ses formes,est un esprit que l'on peut considérer comme ayant effectivement atteint l'apogée de la perfection céleste et par là doué d'essence divine.

Shakespeare,Racine ou Corneille,se sont rapprochés de Dieu par la magie de leur art et restent par conséquent très proches de Lui ,aussi sublimes,puissants et infiniment grands que le Tout-puissant dont l'oeil immensément perspicace converge spontanément vers ce monde qu'ils ont modifié et qu'ils continuent encore à modifier192(*).

Et pour clore cet essai,aurait-on le droit de dire enfin que l'oeuvre offre le sens de la vie et qu'elle donne un sens à la vie ?Pourrait-on encore croire qu'elle s'inspire non pas du pouvoir transcendant de l'artiste,mais de Dieu même?

La nature,qui est en principe l'oeuvre de l'Etre Suprême,était à l'origine une nature brute,compacte,rigide,abrupte et sauvage,mais avec la venue de l'homme,elle est d'ores et déjà devenue plus humaine,plus hospitalière et plus serviable.Et cette grandes métamorphose ne fut accomplie que par l'intelligence de l'homme,qui a su avec détermination vaincre et conquérir tous les éléments inaccessibles et faire fleurir les déserts les plus arides.

Dieu a donc créé une nature inflexible,non-malléable et inexorablement impitoyable,que l'homme a amadouée,apprivoisée et embellie par son génie.

De toute cette entreprise gigantesque faite par l'homme pour rendre la vie plus vivable,le bonheur une réalité permanente,la paix terrestre un fait tangible et concret,le rapprochement entre nations de civilisations différentes un principe fondamental et irréversible.la culture intellectuelle au développement perpétuellement progressif un dogme vital,l'instauration des valeurs spirituelles indéfectibles une chose sacrée et intouchable.

Tout cela enfin se trouve contenu en quelque sorte dans l'oeuvre infiniment magistrale et grandiose de tous les créateurs qu'ils soient peintres,musiciens,poétes,romanciers ou même sculpteurs,des siécles passés.

Et cependant,en dépit de l'évolution du monde,qui avait nécessité essentiellement un nouvel esprit,une nouvelle sève et un idéal nouveau,tirés des oeuvres antérieures,que nous n'avons jamais cessé de bénir et d'apprécier,avec un goùt toujours renouvelable,notre monde a encore besoin d'une nouvelle forme d'art,une nouvelle vision des choses,susceptible de lui insuffler une nouvelle âme et une nouvelle redemption.

C'est là encore la nouvelle mission de l'artiste contemporain ,car lui seul a la faculté d'accomplir cette nouvelle renaissance,cette nouvelle résurrection tant souhaitée.

L'artiste est à la fois un Promethée et un Pygmalion:il capte les lumières célestes qu'il fait descendre sur terre pour purifier l'humanité et demeure en même temps prisonnier de ces lumières,dont il ne pourrait plus se défaire,puisqu'elles sont devenues une partie de lui-même.

INDEX DES THEMES

(I)

Fonction de l'art.

P.1

òLe génie de l'artòLe talent et l'artòArt et inspirationòPoésie et intelligenceòInspiration et raisonòle poéte et la prophétie divineòL'inconscient et le germe de l'oeuvreòPrétention commune aux intellectuelsòInconscience et luciditéòTranscendance de la conscienceòL'idée inconsciente traduite en images concrètesòCulture et créationòMystère de l'acte créateuròL'obstacle est nécessaire au processus de la créationòLe génie est commun à tous les créateursòLe génie n'est pas l'apanage de l'artisteòArtiste et non-artiste òConcrétisation de l'idée abstraiteòLa perfection en art est subordonnée à la richesse intérieureòLa raison et l'oeuvre achevéeòPortée du message de l'oeuvre poétiqueòPerméabilité magnétique de la poésie.

(II)

Les particularités de la sensibilité.

P.15

òL'artiste et le sensibilitéòL'insensibilité est inhérente à la nature du poéteòL'inspiration et ses limitesòL'incidence de l'émotionòDon inné et individuelòL'artiste est un alchimisteòDésir de produireòL'imagination et le désiròConstruction de l'idée par des motsòLe rêve et la poésieòL'action de l'intelligenceòIl y a une faculté raisonnante à la base de toute créationòCohésion et solidarité entre les facultés psychiquesòLa masse populaire et l'émotionòLa masse et l'art moderneòInteraction transcendentale entre le poéte et son lecteurò

(III)

Formation de l'oeuvre.

P.31

òL'inpiration et le poéteòLe poéme et le poéteòL'étendue de l'inspirationòLes images oniriquesòLes images mentales et leur influenceòL'homme et DieuòLes caractéristiques du travailòL'homme héritier du patrimoine divinòL'oeuvre de l'homme est impérissableò

Deuxième Partie

(I)

L'oeuvre refléte-t-elle le réel

p.42

òL'art et la vieòPhases de la vie vécueòL'oeuvre,réceptacle de nos souvenirsòExploration de l'imaginationòInfluence de l'imagination poétiqueòRôle de la sensibilité et de l'imaginationòLe poéte est créateur de rêvesòOrigginalité et imitationòPrestige de l'oeuvre originaleòL'artiste et son proppre universòL'artiste est un maladeòL'ambition de l'artisteòL'auteur étudie la nature humaine à travers ses hérosòL'auteur s'identifie à ses hérosòL'auteur incarne les désirs et les r^ves de ses hérosò

(II)

L'oeuvre transforme-t-elle le réel?

P.60

òL'action de l'art sur la matière viergeòLa métamorphose de l'objet par l'artòL'action de l'art et du tempsòLa haute mission de l'artòL'art,c'est l'expression pure de la natureòGénie et puissance de l'artòL'art est un phénomène métaphysiqueòLittérature et réalismeòL'effet et la causeòLa forme prime le fondòIncidence des sentimentsòL'artiste,interpréte divin des sentiments de l'humanitéòLa beauté,une chose récalcitrante et insoumiseòl'artiste est-il un visionnaire universel ou un puissant prestidigitateur?òLa maîtrise des contingences de l'inconnuò

(III)

L'oeuvre produit-elle un univers nouveau,

P.80

òLa vraie découverte de l'esprit,c'est lire et écrireòL'oeuvre génératrice d'idées et de sentimentsòLa notion d'expérience et de rechercheòDe la fiction à l'expérienceòRéalité et silenceòL'état psychologique du «créateur»òPropulseurs de création poétiqueòProcédé artificiel pour vaincre l'excitation nerveuse et l'angoisseòOriginalité et autonomieòL'artiste dominateur et dominéòL'oeuvre est une vision du mondeòL'art,c'est combattre l'impossibleòl'oeuvre est la vie mêmeò

BIBLIOGRAPHIE GENERALE

òAlain:Système des Beaux-Arts.Gallimard 1920

òAlain:Vingt leçons sur les Beaux-Arts. Gallimard 1931

òAndré Malraux:Préface à Sanctuaire de W.Faulkner ;gallimard 1933

òAndré Malraux.Les voix du silence.Gallimard 1951

òBalzac:Le chef-d'oeuvre inconnu ,édité en 1845.

òBalzac:Préface de la Peau de Chagrin .Edition Formes et reflets 1953

òBaudelaire:Curiosités esthétiques.T.II Gallimard 1932

òBergson:L'effort intellectuel ,in l'Energie spirituelle P.U.F 1925.

òBoris de Schloezer:Introduction à J.S.Bach,essai d'esthétique musicale,Gallimard 1947.

òBuffon :Discours sur le style.Edition classique 1984

òCondillac:Traité des sensations.Edition Plon 1957.

òDiderot :Ecrivain d'art.Hatier 1964

òEckerman:Conversations avec Goethe.Gallimard 1930

òEugène de Lacroix:Journal T.II. Plon 1950

òFreud:Introduction à la psychanalyse.Edition Payot 1921

òG.Bachelard. L'air et les songes.Edition Corti 1942/La terre et les rêveries de la volonté.Corti 1948.

òHegel:Esthétique T.III .Aubier 1944.

òHenry Focillon:Vie des formes .P.U.F 1947.

òHenry James:Préface du roman"Les dépouilles de Poyton "Denoel 1954.

òIgor Strawinski:Poétique Musicale .Plon 1952

òJ.P.Sartre:Saint-Genet:Comédien et Martyr.Gallimard 1952.

òKant:Critique du jugement.Edition Plon 1942.

òKarl Jaspers:Strindberg et Van Gogh.edition de Minuit 1953.

òMarcel Proust:A la recherche du temps perdu T.VIII :Le temps retrouvé II.Gallimard 1927.

òMarcel Proust:Contre Sainte-Beuve.Gallimard 1954.

òMaurice Blanchot:la part du feu.Gallimard 1949.

òMichel-Ange:Poésies.Aubier 1950.

òNietszche:Humain trop humain ,1ère partie ,Mercure de France 1910.

òPaul Claudel:Sur l'inspiration Poétique,dans Positions et Propositions,Gallimard 1928.

òPaul Valéry:Au sujet d'Adonis,in Variété,Gallimard 1924.

òPaul valéry:Leçon inaugurale du Cours de Poétique au Collège de France ,Gallimard 1944;

òPaul Valéry:L'esthétique,in Variété IV,Gallimard 1933.

òPaul Valéry:Mémoire d'un poéme,in Variété V,Gallimard 1944;

òPaul Valéry:Poésie et pensée abstraite,in Variété V.Gallimard 1944.

òPlaton:Ion,Garnier 1945.

Platon:La République.Les Belles-Lettres 1940.

òPlotin:Ennéades V,8,I ,Les Belles-Lettres 1931.

ED.Poe:La philosophie de la Composition,dans trois manifestes,Ed.du Sagittaire 1927.

òRené Huyghe:Vers une psychologie de l'Art,la Revue des Arts,Juillet 1951.

òReynolds:Discours sur l'Art,Garnier 1950.

òSchiller:Correspondance entre Schiller et Goethe.T.IV Plon 1923.

APPENDICE A LA BIBLIOGRAPHIE

GENERALE

Lectures compplémentaires

(les chiffres entre guillemets renvoient aux pages

correspondantes)

òOeuvres de tendances générales:

-Alfred Tonnellé :Fragments sur l'Art et la Philosophie .Edition Plon 1950.(P.57)

-Eugène Fromentin:Les Maîtres d'Autrefois. Edition Garnier 1940) (P.39)

-Les Goncourt :L'art au XVIIIe siécle édition Flammarion 1920.(P.33)

òCritique d'Art:

-A.Bougot :essai sur la critique d'art,ses principes,sa méthode,son histoire en France.Edition Plon 1940 (P.39)

:Essai sur le principe et les lois de la critique d'art Edition Fontemoing,1903 (P.39)

-Adolphe Boschot:Histoire d'un romantique :Hector Berlioz (Une vie romantique) Edition Plon 1932.(P.54)

-Gabriel Séailles:Lépnard de Vinci .Edition Garnier 1940 (P.45) :Eugène Carrière .Edition Garnier 1906 (P.45)

-Camille Bellaigue:Etude Musicale .Edition Garnier 1907.(P.66)

-Camille Mauclair:Psychologie musicale.Edition Larousse 1920 .(P.58)

:L'art en silence .Edition larousse 1900 (P.66)

:Histoire de l'impressionisme .Edition NRF 1903.(P.50)

:la beauté des formes.Edition NRF 1909 (P.52)

:Trois crises de l'art actuel.Edition Larousse 1904;(P.64)

-Gustave Geoffroy:La vie artistique.Edition Larousse 1904 (P.42)

:Les musées d'Europe .Edition Balland 1913.(P.42)

-Jules Breton :la vie d'un artiste Edition Larousse 1940 (P.52)

:Art et Nature,Edition Balland 1920 (p;46)

-Robert de la Sizeranne:La peinture anglaise contemporaine.Edition José Corti 1937 (P.43)

:Ruskin et la religion de la beauté.Edition NRF 1940

:Les questions esthétiques contemporaines .Edition Bloud et Gai 1921.(p;43)

:Le miroir de la vie.Edition Desclée et Brouwer 1924.(P.45)

:l'art pendant la guerre .Edition Lib.Pijollet 1918.(P.45)

Romain Rolland :L'histoire de l'Opéra .Edition Mercure de France.1895.(P.54)

:Voyage musical au pays des passés .Edition du Siécle 1919.

Théodore Duret :histoire des peintres impressionnistes.Edition Bloud et Gai 1876.

Ce mémoire est confectionné (typographie et reliure)

dans les ateliers de la Faculté des Lettres

d'Aix-En-Provence.

10 exemplaires tirés sur papier normal.

N° de série :0024/75

Mai 1975

* 1 _ Cf Kant .« Critique de la raison pure. »p.24

* 2 _ Voir à ce sujet l'excellent ouvrage de Charles Baudouin intitulé « La Psychologie de l'Art »Ed Gallimard 1926 (Ouvrage non réédité:un seul exemplaire se trouvant actuellement à la bibiliothèque de la Faculté des Lettres d'Aix)

* 3 _ .Celui qui illustre le mieux cette vision de l'art,cest sans conteste Victor Hugo...L'art lui a permis de faire l'anatomie de la société contemporaine et et à explorer l'esprit du temps.Son oeuvre demeure pour toutes les générations un monument impérissable.

* 4 _ .Platon,dans sa fameuse République,avait soulevé la question de l'art,tout en définissant son caratère universel « En effet,si les poétes savaient traiter par art un sujet particulier,ils sauraient aussi traiter tous les autres sujets »

* 5 _ .Opus.cité p;50

* 6 _ -Voir à ce sujet l'ouvrage d'André Michel ½Histoire de l'art.+ Edition A.Colin 1926.C'est un ouvrage d'un vrai érudit,puisque le tableau historique qu'il y a brossé est large exhaustif.

* 7 _ .CF le Banquet (passim) p.52

* 8 _ -Consulter dans ce contxte le remarquable traité de Verne et Chavance ½Pour comprendre l'art décoratif moderne+ Edition Hachette 1925.

* 9 _ Cf.Paul Valéry ,in Varité II,p.50

* 10 _ -Pour pouvoir avoir une vision très claire dans ce contexte,voir R.Lalou ½Le roman français depuis 1900.+ edition Puf 1946.L'auteur y aborde cette question cruciale avec intelligence et tact.

* 11 _ -Cf.Op.cité p.120

* 12 _ .Cf Platon  +Téetete + p.40

* 13 _ .Presque tous les créateurs de génie sont sujets à cet état psychanalytique qui frise la folie.

La démence est aussi un facteur de création ,comme on le verra plus loin.

* 14 _ -Pour mieux connaître ce phénomène,voir l'oeuvre de Focillon ½La peinture aux XIXe et Xxe siécles,du réalisme à nos jours..+Edition Laurens 1928.Un e synoptique très suggestive.

* 15 _ .Cf Schiller.½Correspondance entre Schiller et Goethe + édition Plon 1923 p;92

* 16 _ -Cf Schiller .Ouvrage cité ci-dessus.p.106

* 17 _ -Ed Poe ½La philosophie de la composition+ Edition du Sagittaire p.41

* 18 _ .Ed.Poe « la philosophie de la composition » Ed du Sagittaire.p58 Voir bibliographie à la fin du mémoire.

* 19 _ -Les voix du silence.p80 Ed.Gallimard 1951

* 20 _ -Se reférer à M.Arnavon ½Histoire littéraire des Etats-Unis.+ Edition Hachette 1953.

Ce livre comporte dans ses derniers chappitres une anlyse stnthétique très caractéristique,aboutissant au phénomène du magnétisme créateur.

* 21 _ -Ed.Poe op.cité p 90

* 22 _ -Schiller. «Correspondance entre Schiller et Goethe » Ed; Plon 1923 p.70 

* 23 _ -Voir L.Gishia et N.Vedrès ½La sculpture en France depuis Rodin+ Edition du Seuil 1945.

L'entregent,l'habileté,l'adresse,alliés à l'intelligence et à la délicatesse spirituelle,tout permet de transformer un objet sauvage,déformé,amorphe,en un objet sublime et beau.

* 24 _ -Schiller.Opus.cité p.80

* 25 _ -Proust. «Contre Sainte-Beuve » Ed Gallimard p40 

* 26 _ -Paul Valéry. «Poésie et Pensée abstraite » in Variété V Ed Gallimard 1944. 

* 27 _ -Voir Gombarieu ½Histoire de la Musique.+ A.Colin 1924.

* 28 _ -Nietzsche . «Humain,trop humain. » Ed.Mercure de France p90 

* 29 _ -Voir à cet effet B.Dorival :½Les étapes de la peinture française contemporaine.+Gallimard 1946.Excellent ouvrage pour mieux comprendre la dynamique de la créativité.

* 30 _ -Ibid.p.70

* 31 _ -Ibid.p90

* 32 _ .cf.l'oeuvre d'art est,selon Jean Rousset,«l'épanouissement simultané d'une structure et d'une pensée » et cependant la forme ne se réduit pas là à une structure ,mais elle est«une ligne de force,une figure obsédante,une trame de présences ou d'échecs,un réseau de contingences. »  

* 33 _ -Op;cité p 80

* 34 _ .Schiller.Op.cité p120

* 35 _ -D'où Georges Poulet ,dans son excellent essai «la métamorphose du Cercle» «Quête d'un secret,d'une origine antérieure à la création verbale,chaque étude va du sujet au sujet en passant par l'objet » 

* 36 _ -L'image est,selon Bachelard,substance et forme et elle se définit comme totalité,il développe le retentissement de l'image dans une démarche généralisante;

* 37 _ -Pour plus d'informations,voir à ce propos P.Benichou.«Le sacre de l'écrivain » Ed.José Corti 1973o .Voir également Jean Delon « Sur Edgar Poe publié en 1933. Ou encore Charles Mouron et son excellent ouvrage « Des métaphores obsédantes au mythe personnel » publié par José Corti en 1963  

* 38 _ -C'est en particulier dans le domaine de la musique que la sensibilité la plus fine et la plus délicxte apparaît avec plus de netteté:Voir à cet effet .Ch.Nef ½Histoire de la Musique.+ Edition Payot 1927.

* 39 _ -A.Malraux « Les Voix du silence » p.40

* 40 _ -Consulter à ce sujet l'ouvrage de J.P.Richard. «Littérature et Sensation. » Ed.du Seuil 1954. 

* 41 _ -Pour de plus amples détails,voir l'ouvrage de J.P.Richard «proust et le monde sensible »Ed.du Seuil 1971 

* 42 _ -Cf.se reférer à l'oeuvre de Pierre Machrey « Pour une théorie de la production littérairz. »Ed Maspéro 1966.

* 43 _ -P.Valéry « Mémoire d'un Poéme. »Ed Gallimard.p92

* 44 _ -Voir à ce sujet « Le Paradoxe du Comédien. » de Diderot.

* 45 _ -Igor Strawinski « Poétique musicale » Ed Plon 1952

* 46 _ -C'est ce qu'affirme Platon dans sa République.Mais l'assersion PLATONICIENNE est très controversée par les esthètes modernes.

* 47 _ -Paul claudel « Sur l'inspiration poétique » in Positions et Propostions Gallimard 1928,ouvrage non réédité depuis cette date.

* 48 _ -Pour plus d'informations sur ce passage,consulter avec fruit les ouvrages de P.Benichou. et en particulier « le Sacre de l'écrivain. » José Corti 1973.

* 49 _ -Pour mieux connaître la technique de production littéraire et ses multiples aspects,se reférer à l'ouvrage de H.Meschonnic « Pour la poétique » Gallimard 1970,de même que celui de Léo Spitzer « Etude de Style » Gallimard 1970. 

* 50 _ -Cf;Strawinski;OP.cité p.90

* 51 _ -Strawinski.Op.cité p89

* 52 _ -Consulter à ce sujet l'ouvrage de Marie Bonaparte « Sur Edgar Poe » Gallimard 1933

* 53 _ -André Malraux Préface à Sanctuaire de W.Faulkner.Gallimard 1933 p94

* 54 _ -Pour plus de détails sur ce point,voir Erich Auerbach « Mimésis,essai sur la représentation de la réalité dans la littérature occidentale. » Ed.Gallimard 1968

* 55 _ -Cf.Strawinski.Opus.cité p81

* 56 _ -Pour avoir une vision plus nette sur les mécanismes de la créativité chez les écrivains de génie,consulter l'ouvrage de Lucien Goldman « le Dieu caché » Ed Gallimard 1956;ýýIl revient sur le même thème dans un second ouvrage intitulé « Pour une sociologie du roman  » Ed Gallimard 1964.C'est d'ailleurs dans ce dernier qu'il développe mieux la problématique qui nous intéresse.

* 57 _ -Paul Claudel Opus.cité p 40

* 58 _ -Ibidem p.82

* 59 _ -Paul Claudel Opsc.cité p.52

* 60 _ -Paul Valéry; «L'esth étique » in Variété IV Gallimard 1944. 

* 61 _ -CF Voir à cet effet les ouvrages de Gaston Bachelard « L'eau et les Rêves »José Corti 1940 et « l'air et les songes » José Corti 1942.Bachelard avait souligné avec vigueur ,en particulier dans ces deux ouvrages , les spécificités du rêve en relation avec la créativité artistique.

* 62 _ -Paul Claudel Op.cité p.80

* 63 _ -Ce phénomène est traité avec plus de tact et de finesse par Gibert Durant,surtout dans son oeuvre principale; «Les structures anthropologiques de l'imaginaire. » Ed. Bordas 1960. 

* 64 _ -Cf.Strawinski.Opusc.cité p.85

* 65 _ -Paul Claudel.opusc.cité .p.60

* 66 _ -L'artiste,s'il n'est pas doué de talent,un talent instinctif ,ayant son origine dans le subconscient,c'est-à-dire né avec l'artiste et non pas un talent acquis par l'expérience,ne pourra jamais construire une oeuvre qui se singularise par la beauté et par le génie.

* 67 _ -Consulter à ce propos l'oeuvre de Gilbert Durand « Le décor mythique de la Chartreuse de Parme » Ed José Corti 1961.L'auteur y soulignait,avec sa vigueur habituelle,les mécanismes des événements souvent irréels,mais qui nous donnent l'impression d'être réels.

* 68 _ -A.Malraux « Les Voix du Silence » Gallimard 1951 p.85

* 69 _ -Pour mieux être éclairé sur les caractéristiques de la poésie moderne,voir les oeuvres de J.P.Richard,en particulier « Poésie et Profondeur » Ed du Seuil 1958, ou bien «L'Univers imaginaire de Mallarmé"Ed du seuil 1964. 

* 70 _ A.Malraux.Opusc.cité p.92

* 71 _ -Voir à ce sujet le remarquable ouvrage de Jean Bellemin Noel « Texte et avant texte » Ed. Larousse 1972.

* 72 _ Cf.M.Blanchot.«La part de Feu. » Ed Gallimard 1949 p.42 

* 73 _ -Pour mieux saisir le degré d'amplitude de l'inspiration dans la formation progressive de l'oeuve ,voir l'ouvrage de Marthe Robert « Roman des origines et Origine du roman » Grasset 1972.

* 74 _ -M.Blanchot. « La part du Feu. » Ed Gallimard 1949 p;85(ouvrage non réédité)

* 75 _ -Cf Voir Descartes ½Le discours de la méthode.+

* 76 _ -Cf.Eckerman.½ Conversations avec Goethe + Gallimard 1930 (ouvrage non réédité)

* 77 _ -Voir à cet effet régine Robin et Marc Angenot ½La sociologie de la littérature:un historique.+

* 78 _ -Voir ½Correspondance entre Schiller et Goethe + Ed. Plon 1923 p.50

* 79 _ -Marcel Proust demeure à cet égard le pionnier du « Souvenir » allié indissolublement à la mémoire.Toute son oeuvre,globalement,comporte cette vision ,la vision du souvenir enfoui dans le creux de la mémoire et dont la résurgence s'accomplit à l'improviste.

* 80 _ -Opusc.cité p.86

* 81 _ -Parfois,ce sont les mauvais souvenirs qui persistent dans la mémoire,tandis que les souvenirs attachés à la joie et au bonheur disparaissent avec le temps.Pourquoi?Je crois que c'est parce que les mauvais souvenirs sont rares et ne frappent l'imagination que dans des circonstances exceptionnelles,alors que ceux inhérents au bonheur sont multiples et ne peuvent pas être décomptés.

* 82 _ -C'est peut-être là une image utopique et fantaisiste,mais c'est la réalité,car tout l'itinéraire des poétes et des écrivains de génie, est jalonné par des illuminations,des visions extraterrestres,et des voyances certes incroyables pour les esprits sceptiques.

* 83 _ -Eckerman ½ Conversation avec Goethe.+ Gallimard 1930 p.89

* 84 _ -Cf. Taine. ½La philosphie de l'art+ Excellent ouvrage existant en plusieurs éditions.Voir également.Eugène Fromentin.½Les Maîtres d'autrefois+Ed en date de 1876.

* 85 _ -pour mieux apprécier le processus de la mise en place de l'idée matérialisée,consulter A.Bougot:½Essai sur la critique d'art,ses principes,sa méthode,son histoire en France+ed.de 1877.

* 86 _ -Maurice Blanchot.½La part de feu.+ Ed Gallimard 1949.p.98

* 87 _ -Voir également .A.Bougot.:½Essai sur les principes et les lois de la critique d'art.+ Ed.Fontemoing 1903

* 88 _ -Eckerman.½Conversations avec Goethe+ Ed Gallimard 1930 p.78

* 89 _ -Cf Eckerman .Opusc.cité p.78

* 90 _ -Pour mieux connaître l'oeuvre de l'homme sur terre,consulter Gustave Geoffroy½La vie artistique+,ouvrage datant de 1904,sans être réédité.Voir également du même auteur .½Les Musées d'europe+ édition datant de 1913.L'exemple le plus eclatant,où l'homme ne s'empêche pas de se détruire,c'est à l'issue des guerres dévastatrices,telles ques les guerres religieuses ou encore la 1ère et la 2ème guerres planétaires.de plus,on assiste aujourd'hui à l'invention des armes meurtrières très raffinées,capables de pulvériser en un clin d'oeil des nations entières.

* 91 _ Cf.Sur la survie de l'oeuvre,voir Robert de Sizeranne ½La peinture anglaise contemporaine.+ dans sa vieille édition datant de 1895 ainsi que son autre ouvrage,qui n'est pas moins important que le premier.½Les questions esthétiques contemporaines.+

* 92 _ -Voir dans ce contexte les ouvrages de gabriel Séailles ½Léonard de Vinci+ MF.(1892)

½Eugène Carrière+MF (1906)

* 93 _ -Marcel Proust.Opusc.cité.p78

* 94 _ -Consulter l'ouvrage de Robert de Sizéranne.½Le miroir de la vie.+ et surtout son ½L'art pendant la guerre.+ NRF .1918

* 95 _ «Les Confessions » soit celles d'un Saint-Augustin ou encore celles d'un JJ.Rousseau,illustrent parfaitement notre propos dans ce contexte.

* 96 _ -Marcel Proust.½Contre Sainte-Beuve.+ Ed.Gallimard.1954 p.87

* 97 _ -Marcel Proust.Opusc.cité p.95

* 98 _ -Des enquêtes munitieuses entreprises à tous les niveaux,ont déterminé que la Comédie Humaine est le reflet de toute une société,en l'occurrence la société du Second Empire.Balzac n'a rien inventé,mais il a interprété des faits sociaux qui sont authentiques.

* 99 _ -Saint-Simon est un bon écrivain,je dirais même qu'il est un écrivain de talent et de génie,puisqu'il a eu l'audace de nous dire tout sur la cour de Louis XIV.

* 100 _ -Pour plus de détails sur la véracité des faits rapportés par l'oeuvre d'art,voir Lukacs.½Le roman historique.+ ouvrage traduit et publié en 1965.

* 101 _ -CF.Voir à ce sujet l'excellent ouvrage de Mikhaïl Bakhtine .½L'oeuvre de Rabelais et la culture populaire au moyen âge et à la renaissance.+ Ed.Gallimard 1970àConsulter en même temps cette belle étude qu'il a consacrée à Dostoevski intitulée précisément ½la Poétique de Dostoevski+ed:du Seuil 1970.

* 102 _ -Hégel.½Esthétique.+T.III Ed.Aubier 1944 p.74

* 103 _ -L'imagination est un outil de créativité,un outil psychique et psychologique,qui engendre des images récessives,mais qui apparaissent fortuitement à la surface du conscient

* 104 _ -Cf.Voir l'oeuvre magistrale de L.Todorov .½Théorie de la littérature.+ ed.du Seuil 1965.

Todorov a mis le point dans cette oeuvre l'influence de l'imagination sur la production du texte littéraire.Consulter aussi avec fruit l'oeuvre du critique Georges Blin.en particulier,son ½La crise du roman :des lendemains du naturalisme aux années vingt.+Ed José Corti 1967.

* 105 _ -Cf.Hégel Opus.cité pý56

* 106 _ -Cf Marcel Proust .Opus.cité p68

* 107 _ -Cf.Voir à cet effet l'ouvrage de Robert de Sizéranne ½Ruskin et la religion de la beauté.+ édité en 1901, non réédité,ouvrage d'une excellente facture. Consulter aussi ½Histoire des peintres impressionnistes+MF 1876 de Théodore Duret,un ouvrage qui ne manque pourtant pas de parti pris et de partialité.Tout comme celui de Camille Mauclair intitulé ½Histoire de l'impressionnisme.+paru en 1903 dans édition de luxe ,déjà épuisée,puisqu'il n'en existe plus qu'un seul exemplaire,conservé précieusement par la Bibliothèque.

* 108 _ -Cf.Voir ½Paysage de chateaubriand.+ de Jean-Pierre Richard ;Edition du Seuil 1967.

Il serait probablement utile de consulter en même temps un autre texte du même auteur,intitulé.½etudes sur le romantisme.+.Ce dernier livre met l'accent sur la fonction du rêve dans l'élaboration de l'oeuvre.

* 109 _ -Cf.Freud.½Introduction à la psychanalyse.+ Ed.Payot.1921 (réédité par plusieurs maisons d'édition.)

* 110 _ -Cf.Consulter à cet égard ½Stendhal et les problèmes du roman.+ de George Blin.Edition José Corti 1954àVoir également du même auteur ½La cribleuse de blé:la critique.+ Ed.José Corti 1968.L'auteur,dans ce dernier ouvrage,avait mis en exergue le rôle éminent de l'imagination dans la structure de l'oeuvre littéraire.

* 111 _ -Cf.Voir à ce sujet,Camille Mauclair ½La beauté des formes.+ Edition de 1909 déjà épuisée.

* 112 _ -cf.Pascal ½Pensées et Opuscules+ Edition classique.

* 113 _ -Voir à cet effet ½La vie d'un artiste+ de Jules Breton et son ouvrage ½art et nature+ publié en 1850.Dans ses deux ouvrages,Jules breton,un critique perspicace,avait souligné avec brio la recurrence des mêmes thèmes dans l'oeuvre littéraire classique.

* 114 _ -Cf.Planton ½Ion+ Edition Garnier 1952 p.85

* 115 _ -Cf Voir à ce sujet ½Voyage musical au pays du passé.+ de Romain Rolland édition MF (1919) .Consulter également ½l'histoire d'un romantique:Hector Berlioz+ d'Adolphe Boschot édition Mercure de France (1945)

* 116 _ -Cf.Freud ½La pensée et le rêve dans la Gradiva de W.Jensen+ Traduit et publié en 1949.

* 117 _ -Cf.Freud.Opusc.cité p.78

* 118 _ -Cf.Jean-Paul Sartre.½Saint-Genet:comédien et martyr.+ Edition Gallimard 1952.p54

* 119 _ -Consulter à ce sujet ½Fragments sur l'Art et la philosophie.+ de Alfred Tonnellé :existe à la bibliothèque dans son ancienne édition qui remonte à l'année de 1859.

* 120 _ -Voir Camille Mauclair .½Psychologie musicale+ édition de 1893,ouvrage fondamental pour connaître les mécanismes de l'objet créé.

* 121 _ -J.P.Sartre.Opusc.cité p 54

* 122 _ -L'illustration la plus )pertinente de cette assersion est vraisemblablement la piéce de J.P.Sartre ½Huis Clos+ Edition du seuil 1985,où chacun des acteurs (trois en tout)exprime de façon frappante les idées de l'auteur,qu'il matérialise ensuite dans des romans remarquables.

* 123 _ -j;p;sartre.½Saint-genet,comédien et martyr.+ edition Gallimard 1954 p74

* 124 _ -Cf.Consulter dans ce contexte l'oeuvre remarquable des Goncout .½L'art au XVIIIe siécle+édition de l'année de 1859.

* 125 _ -Cf.Plotin. ½ Ennéades V.+ Edition Bréhier «Les Belles-Lettres» 1931.p.32

* 126 _ -Voir l'ouvrage de Jean Starobinski.½Sur Racine.+ édition Gallimard 1986.Toujours dans ce contexte,il serait utile de consulter également l'excellent ouvrage de critique de Stendhal intitulé.½Racine et Shakespeare.+ édition Plon 1988.

* 127 _ -En réalité,Iphigénie n'aurait pas dû subir ce sort implacable,si les coutumes et les traditions si singuliers , n'étaient pas d'une influence incoercible sur l'esprit du peuple athénien.

* 128 _ -Cf.Hegel.Opusc.cité p.75

* 129 _ -Cf.Voir Hégel,ouvrage déjà cité ci-dessus.

* 130 _ -Voir Camille Mauclair et son ouvrage très caractéristique .½Trois crises de l'art actuel.+,édité en 1906 par José Corti.

* 131 _ -Un hégel,un Nietzsche ou encore un Dostoïeski,pour ne citer que ceux-là,sont parvenus à un tel degré de génie qu'on les prendrait,non pas pour des visionnaires ou des démiurges,mais des dieux.

* 132 _ -CF.Balzac ½Le chef-doeuvre inconnu.+ édition de 1854 p.45

* 133 _ -Voir l'ouvrage de Camille Bellaigue intitulé ½Etudes musicales+ édité en 1907 par la NRF.Consulter en même temps celui de Camille Mauclair ½L'art en silence+ paru en 1900 et édité par la même maison.Ce dernier ouvrage dont la lecture n'en est pas moins passionnante,est considéré comme vadé-mécum par les jeunes peintres de la génération du début du siécle.

* 134 _ -Cf-Balzac.ouvrage cité ci-dessus.p.78

* 135 _ -Voir à ce sujet l'excellent traité de Jean Starobinski intitulé ½L'invention de la liberté.+ Edition Skira 1964.

* 136 _ -Cf Plotin .ouvrage cité ci-dessus.p75

* 137 _ -Consulter ½Poésie et Profondeur.+ de Jean-Pierre Richard ,édition du Seuil 1958.Voir également ½Onze études sur la poésie moderne.+du même auteur et la même édition 1967.L'auteur,un des meilleurs critiques de ce temps,a su avec talent déceler le processus de la création,en particuliet au niveau de la poétique de la poésie.Il en a systématiquement mis en relief des détails précis sur l'évolution continuelle de la poésie moderne.

* 138 _ -Cf Balzac. Ouvrage déjà cité plus haut. p.85

* 139 _ -Cf.Reynolds.½Discours sur l'art.+ Ed.Garnier 1970.C'est un excellent traité,qui mérite d'être lu ,puisqu'il définit avec beaucoup de talent les principes de l'Art.

* 140 _ -Cf marcel Proust.Ouvrage cité plus haut.p.45

* 141 _ -Cf.L'ouvrage de Jean Delon intitulé ½Sur André Gide.+ ed.Gallimard 1957,est d'une perspicacité remarquable,car l'auteur situe son contexte dans un cadre plutôt universel,sans qu'il perde cependant de vue l'objet réel annoncé par le titre+

* 142 _ -Cf.Honoré de Balzac:Préface འLa Peau de chagrin+ Ed Gallimard 1953 P.45

* 143 _ -Voir l'ouvrage du russe Youri Lotman ½la structure du texte artistique+ Gallimard 1973.Il serait également de consulter avec fruit celui de propp et Souriau ½Les deux cents mille situations dramatiques+ Edition flammarion 1950.Ce dernier livre souligne pertinemment les mécanismes et les corrélations de la cause et de l'effet dans l'oeuvre artistique.

* 144 _ -Cf.T.Todorov .½Théorie de la littérature.+Edition du Seuil 1965,voir également ½La morphologie du conte.+de Propp ,édition du Seuil 1970.Ces deux ouvrages ont mis l'accent -et de façon implicte- sur l'immanence métaphysique de l'oeuvre d'art,qui part du signe et revient au signe,comme la représentation divine.

* 145 _ -Cf .Hegel ,ouvrage cité plus haut,p.78

* 146 _ -Cf .Buffon .½Discours sur le style.+ edition Larousse 1965 p.15

* 147 _ -consulter dans ce même ordre d'idées ,R.Barthes ½Le degré zéro de l'écriture.+ Ed du Seuil 1953 ainsi que son autre ouvrage ½Michelet par lui-même+ dans la même édition 1954.

* 148 _ - Voir su le même thème Umberto Eco ½L'oeuvre ouverte+ édition du Seui 1965.L'auteur-par le biais d'une démarche sémiologique,avait éclairé avec bonheur la progression thématique qu'élaborait tout écrivain qui voulait être l'interpréte de sa société.

* 149 _ -Cf Marcel Proust.Ouvrage cité plus -haut , p.45

* 150 _ Marcel Proust ½A la recherche du temps perdu.+ T.VIII Edition Gallimard 1927. p.95

* 151 _ -Pour avoir plus de précisions à ce sujet voir l'ouvrage de Jacques Derrida ½L'écriture et la différence+ Edition du Seuil 1970.L'auteur revient sur le même thème mais avec moins de profndeur dans son autre livre intitulé ½Marges de la philosopphie+Edition du seuil 1972.

* 152 _ -Cf.Balzac.Ouvrage cité précédemment.p.85

* 153 _ -Pour plus de détails sur ce sujet,se reporter à Alain ½Vingt leçons sur les Beaux-Arts.+Edition Gallimard 1931:L'auteur passe en revue toutes les formes artistiques et brosse un tabeau synoptique sur les aspects multiples de la beauté.

* 154 _ Cf-Balzac.Ouvrage cité ci-dessus.p.84

* 155 _Pour mieux saisir le sens de ce phénomène,se reporter particulièrement à l'ouvrage de Nicolas Ruwet intitulé .½Langage,Musique,Poésie+édition du Seuil 1972.un autre ouvrage qui traire de la même approche est celui de Jean Cohen ½Structure du langage poétique+ édition Flammarion 1966.

* 156 _ -Cf Hegel .½Esthétique+ Edition Aubier 1944 p.75

* 157 _ -Pour mieux voir ce qui fait exactement la valeur d'une oeuvre littéraire,se reporter essentiellement à ½Linguistique et poétique+ de M.Riffaterre et Julien Greimas .Edition Larousse 1973.Voir également dans le même contexte ½Structure du langage poétique+de Jean Cohen Edition Flammarion 1966.

* 158 _ -Une poétique de la lecture est actuellement en gestation.Des prémices sous forme d'articles sérieux commencent déjà à faire jour dans les milieux critiques.

* 159 _ -Voir à ce sujet l'excellent ouvrage du critique Jean Starobinski ½la relation critique+ édition Gallimard 1970.

* 160 _ -Cf .M.Blanchot ½La part du feu.+ Edition Gallimard 1954 p.59

* 161 _ -Plusieurs éditions existent déjà soit de celles « Des Confessions » soit encore dee « Pensées et Opuscules ».Les meilleures sont celles de Garnier-Flammarion.

* 162 _ -Cf.M.Blanchot.Ouvrage cité plus haut . p.123

* 163 _ -Il serait utile de consulter-pour cette approche-l'opuscule ingénieux de Paul Claudel « Sur l'inspiration poétique » in Positions et Propositions Edition Gallimard 1928.

* 164 _ -Cf.M.Blanchot.ouvrage cité plus haut. p.89

* 165 _ -Voir à ce sujet l'oeuvre monumentale de Michelet intitulée précisément ½la Révolution Française+ édition Larousse 1968.C'est une oeuvre partiale certes et sur laquelle domine d'ailleurs l'emprise de la passion,mais elle n'en est pas moins d'une portée capitale pour la connaissance de cet évément extraordinaire.

* 166 _ -Certes l'oeuvre artistique a pour fonction essentielle d'engendrer des traansformations radicales au sein des sociétés.

* 167 _ -Les romans cités,malgré le temps écoulé depuis leur création,sont encore l'objet d'étude et d'exégèse de la part de nombreux critiques et commentateurs modernes.Ils sont des réserves inépuisables pour toutes les générations passées et peut-être à venir.

* 168 _ -Cf.M.Blanchot.Opuscule cité précédemment .P.79

* 169 _ -Il serait utile de consulter à ce propose l'ouvrage de Henry Focillon ½Vie des formes.+édition PUF 1947 ainsi que celui de Paul valéry ½Au sujet d'Adonis+ édition Gallimard 1928 ,une plaquette de portée remarquable pour connaître ce poéte ,qui devenu au fil du temps,un mythe,auquel on ne croit plus.

* 170 _ -Voir à ce sujet le célèbre critique ½l'activité structuraliste.+ édition du Seuil 1964;

* 171 _ Cf.A.Malraux .Préface à ½Sanctuaire+ de W.Faulkner.édition Gallimard 1933. p.4

* 172 _ -Il est souvent vrai que le silence est parfois plus éloquent que les mots,et dans ce cas,un tableau,qui est en quelque sorte différent d'une oeuvre littéraire,nous permet de lire à travers les lignes et les contours les péripéties d'un roman.

* 173 _ -Cf.A.Malraux.Opuscule cité ci-dessus.p.74

* 174 _ -Consulter l'excellent livre de Diderot ½Ecrivain d'Art.+ édition hatier :c'est un traité qui n'a pas encore perdu de sa fraîcheur.

* 175 _ -Cf.A.Malraux .Opuscule cité plus haut. p.46

* 176 _ -Voir dans ce contexte Bergson ½L'effort intellectuel+in l'Energie spirituelle édition puf 1925

* 177 _ -Voir à cet effet l'oeuvre même de Baudelaire ½Les curiosités esthétiques.+ édition Gallimard 1932,consulter également l'édition classique intitulée « Badelaire:critique d'art. et surtout l'article où Baudelaire fait l'éloge de la morphine.

* 178 _ -Il serait plus utile de revoir les deux ouvrages de Jean Rousset,édition José Corti:½L'intérieur et l'extérieur.+(1968) et ½Narcisse romancier+(1973)

* 179 _ -A.Malraux.ouvrage cité plus haut.p89

* 180 _ -Cet auteur,bien qu'il ne manque pas tout à fait de virtuosité,fut à multiples reprises fustigé et ridiculisé par Boileau dans ses Satires,qu'il considérait comme un rimailleur à gage et un écrivain stérile.

* 181 _ -D'abord,on n'écrit pas pour le plaisir d'écrire,on écrit en réalité pour dire ce qu'on sent dans le fond de notre être,puisqu'on ne pleure pas à sec,mais on pleure pour faire jaillir les larmes;il en est de même pour l'écriture,qui a pour but d'exprimer des sentiments de joie ou d'angoisse enfouis dans les fibres de l'âme.

* 182 _ -L'artiste ou l'écrivain,dans les sociétés du tiers-monde sont des individus effacés et mal vus ,en particulier par le pouvoir politique.

* 183 _ -Cf A.Malraux.Ouvrage cité précédemment .p96

* 184 _ -Le cas de Mallarmé et de quelques autres poétes symbolistes illustre à merveille ce phénomène social:le poéte novateur reste pour la plupart du temps incompris de la masse,c'est-à-dire la majorité des lecteurs,ce qui le réduirait à la solitude et à la marginalisation.

* 185 _ -Pour moi,la mission de l'artiste est avant tout la transformation du monde vers le bien ,vers ce qui est meilleur :c'est une mission difficile certes,mais c'est le temps qui en assure la consecrétion finale.Et les exemples abondent dans ce sens.

* 186 _ -Cf.A.Malraux .ouvrage cité plus haut.p.91

* 187 _ -Voir dans ce contexte ,l'ouvrage de Freud ½Le roman familial des nevrosés+.Il va sans dire que toute oeuvre est à l'origine d'un désir,d'un fantasme obscur,mais qui se précise à travers l'oeuvre.

* 188 _ -Cf.A.Malraux.½Les voix du silence+ édition Gallimard 1951 p.95

* 189 _ -Un exemple frapppant,c'est que l'oeuvre de Racine a contribué à polir les passions d'amour dans la société française,celle de Corneille,l'épanouissement du sentiment d'orgueil et l'amour de la gloire,même au péril de la vie;celle de Molière,la haine des préjugés,de l'hypocrisie morale ou religieuse et surtout l'éviction des tares nocives sociales.

* 190 _ -L'art n'est pas dû à la fantaisie créatrice de l'individu,l'art est d'essence divine,c'est un esprit occulte et immanent et ne saurait être réduit à un objet matériel,à une technique,une pratique,un savoir-faire ingénieux et habile.

* 191 _ -A.Malraux.Ouvrage cité plus haut.p123

* 192 _ -Cet argument pourrait paraître à premiere vue naïve et fantaisiste,mais en réalité ce n'en est pas le cas,car le poéte ou l'écrivain se rapproche de Dieu et sa création n'est pas loin de cette de dieu même.






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