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L'Art dans ses rapports avec l'intelligence et l'imagination

( Télécharger le fichier original )
par Dr Mohamed Dr. Mohamed Sellam
Université d'Aix- en- Provence - Maitrise en histoire de l'art. 1974
  

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?I?

Le rôle du conscient et de l'inconscient

Quelle est la fonction de l'art?Comment assume-t-il sa mission et dans quelle perspective humaine se situe-t-il?

L'art est une notion intellectuelle et mentale,foncièrement inhérente à la pratique et au savoir-faire,soumise à des régles particulières relevant de l'aptitude et de la disposition de celui qui en détient les secrets..L'art est donc fondé sur des principes logiques,permettant d'agir selon la raison et non selon le caprice du moment .« A vrai dire,on ne devrait nommer art que le produit de la liberté,c'est-à-dire un vouloir qui fonde ses actes sur la raison»1(*)

Or,l'art,lorsqu'il agit conformément à la raison,réalise des prodiges surnaturels,s'intégrant dans le sphère de la pensée humaine et civilisationnelle..

La mission de l'art est donc une mission difficile et aléatoire,car elle est liée,non pas à l'essence de l'art,en tant que tel,mais à l'audace et à la virtuosité de l'homme en qui s'incarne l'esprit de l'art.2(*)

L'idée que l'art traduit seulement des faits et des choses,auxquels il confère une certaine image fantastique et plus ou moins réelle,ne se conçoit qu'au niveau de sa fonction propre,réalisée conventionnellement par des prosélytes qui sont loin de lui opposer d'autres prérogatives que celles déjà connues par le vulgaire.« Ce que voient en l'art ceux qui lui sont étrangers,l'art est un moyen de fixer les instants émouvants de la vie ou de les imaginer.En réalité,la détermination de la fonction de l'art est loin d'être fixée:il ne s'agit nullement de question de réhabilitation,mais disons plutôt de justice..car le profane ou le novice en matière d'art,qui se nourrit volontiers de préjugés et de concepts erronés et fallacieux,ne se donne guère la peine pour se rendre compte de la signification réelle qu'implique la notion d'art..L'art n'est pas un produit de l'homme,c'est un phénomène dû à une intervention divine,accidentelle et métaphysique,car il n'est pas donné à tout le monde de s'arroger le pouvoir de l'art et de sa puissance occulte..La fonction de l'art au sein de la société reste cepentant,indépendamment de son caractère surnaturel,civilisationnelle et profondément humaine..

L'art ne réside pas dans la conception et la réalisation de la «beauté »en tant que forme absolue du beau,l'art ne se borne pas uniquement à ce domaine,loin de là,ses frontières s'étendent en effet au-delà de toutes limites,pour atteindre au sublime,franchir l'inaccessible et soumettre l'éternel..

Le génie de l'art,c'est d'opérer une large percée dans le mystère de la vie,de sonder l'inconnu et de naviguer dans les régions ténébreuses de l'esprit divin,pour débrouiller l'écheveau de l'existence humaine.3(*) 

Or donc,l'art,qui englobe dans sa sphère lumineuse tous les aspects de l'inconnu,ne s'en est pas trouvé en difficultés pour vaincre le néant,et faire surgir ce qui a fait l'admiration et l'émerveillement de l'homme sur terre.4(*)

D'autre part,c'est l'art,un don naturel,une puissance visionnaire et mystérieuse,qui fait naître chez l'individu,les conditiions fondamentales du talent,qui est en effet une forme d'aptitude à la concrétisation matérielle des choses..Quand on parle d'un écrivain de talent,cela signifie en réalité,qu'il est doué d'un don exceptionnel et surnaturel,et par conséquent,il incarne cet esprit mystérieux que l'on appelle art,et cela,en dépit de la discrimination,non pertinente d'ailleurs,que l'on a tendance à afficher entre talent et art..

Un peintre de talent,c'est encore un peintre nanti de toutes les qualités impératives qui feraient de lui un peintre ayant atteint un haut dégré de savoir-faire et d'habileté et de là,à l'apogée de l'art..car l'art,comme l'a fait remarquer Kant « est ce que l'on n'a pas l'habitude d'exécuter tout de suite,alors même qu'on en posséde complétement la science,voilà seulement ce qui donne dans cette mesure l'art »5(*)

L'art,comme les différentes phases physiologiques qui s'accomplissent inconsciemment dans les entrailles de la mère,n'exécute pas en effet son oeuvre dans l'immédiat,il prend son temps,car il provient de Dieu,qui est sa seule et unique source..

Néanmoins,l'art ne s'acquiert pas,ne s'apprend pas mécaniquement,l'art nait et croît,telle une plante dans un terrain aride et sauvage,à l'intérieur de l'individu,sans que l'inspiration ou quelque autre phénomène,intervienne dans ce processus surnaturel6(*)..L'art est une tactique,une logique qui régle tout,selon la réalité des choses,alors que l'inspiration,s'il y a eu vraiment inspiration,reste loin du pouvoir de l'art,sa fonction en tant qu'inspiration,se limite à faire éclore le germe de l'idée,entreprend et poursuit son développement à l'état brut,sans que l'art n'ait aucune part,si bien que l'oeuvre produite,ne sera pas une oeuvre tout à fait artistique,mais une oeuvre brute,massive,à l'état sauvage,contrairement à ce qu'avait avancé Platon7(*) «Ce n'est pas en effet par art,mais inspiration et suggestion divine que tous les grands poétes épiques composent les beaux poémes » Et les poétes lyriques de même,l'Iliade ou l'Odyssée ne sont pas en réalité des oeuvres d'inspiration aléatoire,fortuite,ce sont au contraire des oeuvres d'art,où l'inspiration ne joue qu'un rôle en apparence infime..

L'inspiration ne produit rien,car elle est un acte,quoique subtil,qui reste pourtant marqué par l'inertie et l'absence d'ordre et de méthode,alors que la création de la beauté,qu'elle soit sous la forme d'un poéme ou d'un tableau,devra impérativement être due à un ordre supérieur et effectif8(*)..  

Le poéte sentit tout à coup émerger en lui une vision,une vision qu'il s'efforçait,grâce au pouvoir de l'art,de fixer dans l'espace intellectuel de sa mémoire,de la matérialiser dans la réalité environnante,d'en produire une oeuvre magistrale et durable,ce que l'inspiration n'aurait jamais pu accomplir à elle seule,d'où dès lors la distinction très nette entre inspiration et art...

On disait souvent que le poéte ou le peintre ne produit rien,lorsqu'il est dans un état psychologique normal,et que pour créer,pour accoucher de quelque chose de grand et de sublime,il lui faut pénétrer dans un univers différent de celui dans lequel il vit..

Un esprit obscur,mystérieux,impénétrable,s'insinue dans tout son être,insuffle en lui un pouvoir divin,une faculté céleste,qui l'engage à produire des choses insoupçonnées et tout à fait inattendues,quelque chose de profond et de divin,auquel l'intelligence ne prendrait aucune part directe,prétention que Valéry semblait d'ailleurs démentir catégoriquement«Je ne pouvais souffrir que l'on opposât l'état de poésie à l'action complète de l'intellect,cette distinction est aussi grossière que celle que l'on enseigne exister entre sensibilité et intelligence ,deux termes que l'on serait bien en peine de préciser sans se dédire ou se contredire. »9(*) 

Il ne serait pas logique,il est vrai,d'alléguer que l'invention de la lumière,ou encore du Cid ou de quelque autre chef-d'oeuvre que l'on juge de nos jours comme immortel,ne soit pas due à l'action de l'intelligence.10(*)

Le problème,c'est que des affirmations concrètes ont été d'ores et déjà avancées,concernant l'état oû l'on se trouve,au moment oû il nous est donné de produire,que ce soit dans le domaine poétique ou autre...Platon,plus versé qu'aucun autre en la matière,n'affirmait-il pas que,étant sous l'empire d'une force inconnue,le créateur se laisse emporter par un courant irrésistible,jusqu'à entrer en transe. «car le poéte,ajoutait-il,est chose légère,ailée,sacrée et il ne peut créer avant de sentir l'inspiration d'être hors de lui et de perdre l 'usage de la raison.Tant qu'il n'a pas reçu ce don divin,tout homme est incapable de faire des vers et de rendre des oracles.11(*) »

Il est tout de même probable que le fou n'est pas celui qui a perdu la raison ...La folie est capable de produire,d'inventer et même de se dépasser elle-même pour atteindre à la divinité,mais son action est éphémère et n'est pas durable.en ce sens que la perte de la raison entraîne inéluctablement la perte de toutes les facultés et ,en conséquence;la stérilité radicale de l'esprit,puisque l'inspiration,visiteuse inattendue et n'apparaissant que d'une manière intempestive,n'accomplira aucunement son action,si elle ne se soumet pas à la raison et à l'intelligence,même en cas de révélation ou de prophétie,comme l'avait souligné assez pertinemment Platon.«les beaux poémes ne sont ni humains,ni faits par des hommes,mais divins et faits par des dieux et que les poétes ne sont que les interprètes des dieux,puisqu'ils sont possédés,quel que soit le dieu particulier qui les possède »12(*) 

Homère qui,en psalmodiant en cadence les beaux vers de `l'Iliade` ou de `l'Odyssée' était-il pour de bon sous l'influence d'un esprit étranger?  

Dante,en écrivant la Comédie divine,s'était-il pris à son insu dans l'engrenage d'une domination incoercible,qui le maintenait de force sous son pouvoir?Etait-il dans un état cauchemardesque,un état d'inconscience absolument irréversible dont il ne pouvait se défaire,en dépit de ses immenses efforts13(*)?

Le poéte,les écrivains de génie,les peintres,bref tous ceux qui sont nantis de la faculté de transformer,tels des alchimistes habiles,une idée en un objet,intéressant et utile à la vie et à l'esprit,ces gens -là étaient-ils sous la fascination d'un mystère inaccessible ou plutôt les instruments passifs d'un esprit suprême et invisible?

Cette force mystérieuse,cette idée qui jaillit à la lumière de l'esprit,en traversant,tel un bolide,l'espace vital du cerveau,c'est à coup sûr dans l'inconscient qu'elle a couvé et c'est là en effet qu'elle a eu son berceau et sa source primitive14(*)..

L'inconscient,sphère obscure gisant au sein de notre être,s'extériorise et se manifeste à travers le germe qu'il a fait naître pour déclencher l'étincelle de la création..

L'expérience enseigne que le poéte prend son unique point de départ « dans l'inconscient,je dirai même qu'il doit s'estimer heureux,s'il parvient,tout au plus,en y mettant la conscience la plus claire possible,à retrouver,dans le travail achevé,non atténuée, la première et obscure idée totale qu'il a conçue de son oeuvre.15(*) »

Le poéte ou l'écrivain,trouve l'idée initiale de son oeuvre,comme une vision inattendue,dans l'inconnu,alors qu'il était dans l'inconscient,plongé dans un état,comme dans un état d'hypnotisme,d'où tout sentiment de son être s'en trouverait comme exclu..dès lors,les ressorts et les mécanismes de cette idée,se développent,s'affirment progressivement pour se donner une forme,que l'art embellit et pare ingénieusement de ces atouts magiques..

Or,une telle métamorphose ne peut jamais se concevoir sans le secours de la raison,dont le pouvoir si fécond confère à la forme créée du prestige et de l'éclat,car,comme l'a fait entendre le grand poéte allemand Schiller,« l'inconscient uni au réfléchi constitue l'artiste en poésie.16(*) »

Cela nous incline à dire que,bien que l'inconscient sans conteste joue un rôle de premier plan dans la conception de l'oeuvre,il n'en est pas moins vrai que la raison,ou si l'on préfère la conscience claire et lucide,dont le recours est plus que fondamental,je dirai même impérieux à plus d'un titre,car il ne serait absolument pas raisonnable de croire que le poéte produise dans un état hors de lui-même, demeure fondamentalement l'étincelle dominante dans toute production intellectuelle..

Ce qui est vrai,c'est que le créateur ne crée pas d'instinct ou suite à une intuition subtile,abstraite,survenue à l'improviste pour donner le branle-bas au génie créateur..Cela n'est pas du ressort de la création,cela relève plutôt de la fantaisie ou de l'insinuation capricieuse et Edgar Poe ,poéte expérimenté,versé dans tout ce qui touche à la création artistique,s'insurge contre ce préjugé inadmissible.«la plupart des écrivains,dit-il,les poétes surtout,préfèrent laisser entendre qu'ils composent ,dans une espèce de splendide frénésie,d'extatique intuition17(*). »

Cette opinion d'ailleurs commune à presque tous les écrivains,n'aurait pas de raison d'être,car ce n'était qu'une allégation fallacieuse,une sorte de prétention gratuite,avancée dans le but évident de donner à leur production le caractère d'une réalité sacrée et céleste,une tentative de sacraliser en quelque sorte le produit intellectuel «La vérité,c'est que l'originalité n'est nullement ,comme d'aucuns le supposent,une affaire d'instinct ou d'intuition.18(*). »

Tout est réduit à l'art et à son immense pouvoir..Il est vrai que l'art ne s'apprend pas,comme on apprend un métier,car l'art est quelque chose d'inné,quelque chose d'imperceptible,de fluide et de déliquescent,quelque chose enfin que l'on ne peut pas définir aisément et qui éclate,tel un bourgeon,dans le jardin de l'esprit et du coeur.Et pourtant l'on persiste à dire que l'art s'acquiert,comme n'importe quel autre métier,mais son acquisition requiert sacrifice,persévérance,

enfin un souffle inépuisable et énergique,comme le précise pertinemment Malraux.«Entre la vision de l'artiste et celle du non-artiste,la différence n'est pas d'intensité,mais de nature,c'est que la seconde est ordonnée par des actions ,alors que même pour le peintre le plus misérable,le monde est encore tableau19(*)

En effet,le vrai artiste manifeste une certaine curiosité,une certaine inclination presque instinctive vers ce qui est beau..Il essaie d'en comprendre tous les aspects,d'en déchiffrer tous les secrets et d'en dévoiler,sans trop de difficultés,tous les mystères,puisque,irrésistiblement,tout son être est attiré vers lui,comme vers un objet magnétique 20(*)

Le poéte puise son idée dans la source de l'inconscient.Mais cette idée s'avérerait insignifiante,si elle n'était pas façonnée,modelée dans le creuset de l'art;;L'art seul a le pouvoir absolu de mettre cette idée à exécution,de lui donner forme et corps,en un mot, de la rendre utile et significative.«La poésie consiste à savoir exprimer et communiquer l'inconscient,en d'autres termes,à l'incorporer dans un objet21(*).»L'inconscient se traduit en idées,en spéculations mentales abstraites,que l'art par des moyens subtils et ingénieux,métamorphose en une forme concrète et tangible,si superbement travaillée qu'elle suscite l'admiration et la joie.

«Celui qui n'est pas poéte peut fort bien,tout comme le poéte,être ému par une idée poétique,mais il est impuissant à l'incarner dans un objet,il est impuissant à l'exposer sous une forme qui puisse s'arroger le caractère de la nécessité;»22(*)

En effet,le passage de l'idée à l'objet,ne s'accomplit qu'en application de certaines régles logiques,subtiles et complexes,d'un savoir-faire rigoureux,enfin d'une aptitude psychique dont l'art seul posséde le secret.23(*)

Certes tout le monde peut avoir des idées,comme tout le monde ne manque pas d'imagination ou de culture,mais tout le monde n'est pas capable de mettre en valeur et de concrétiser ces idées,issues de l'inconscient et qui voguent vainement dans les horizons de l'esprit..

«On ne manque pas aujourd'hui d'hommes dont la culture soit poussée assez loin et pourtant ils sont impuissants à créer,le chemin qui mène du sujet à l'objet leur est interdit24(*)

D'autant plus que tout acte créateur suppose avant tout une disposition mentale adéquate,susceptible de favoriser l'épanouissement et la matérialisation de l'idée,sa transfiguration,sa transformation en une réalité concréte,opération que nul ne sera en mesure de faire,sauf pour quelques rares initiés ou nantis d'un pouvoir mystérieux qui les conduira à la réalisation de cette chose extraordinaire que l'on appelle «Oeuvre »

«Les actes créateurs procèdent en effet non de la connaissance de leurs lois,mais d'une puissance incompréhensible et obscure,et qu'on ne fortifie pas en l 'éclairant25(*).» 

De telles opérations s'accomplissent lentement,par étapes,et non pas d'un seul coup,comme on a tendance à le croire..Car engendrer une « oeuvre »peut supposer forcément bien des difficultés,maints soucis,des anicroches à franchir et des entraves à surmonter,bref de multiples combats intérieurs où se mêlent,dans des réseaux inextricables,le pour et le contre.«Car il faut bien,pour que la lumière soit,que la puissance vibrante se heurte à des corps d'où elle éclate.26(*)»

Paul Valéry,poéte profond et abscons,savait mieux qu 'aucun autre l'étendue des difficultés inhérentes à la création artistique,...Il en percevait les valeurs insignes et le bonheur qui en résultait,comme il en percevait également les déboires et les mortels chagrins,tribut qu'il payait obligatoirement à la joie de la création27(*).

On a laissé entendre précédemment que,en raison de la similitude génétique qui existe au niveau de l'humanité,tout le monde posséde la faculté de penser et d'agir,selon des lois imposées par une raison commune,si bien que,au-delà des possibilités psychiques et psychologiques que la nature confère au genre humain,on peut dire,dans le même ordre d'idées,que le génie,que l'on a coutume à expliquer par une vision exclusive,une puissance intellectuelle inattendue,vitale et profonde,liée étroitement à la spécificité psychique de tel ou tel homme, ne peut être le privilège d'une seule créature,mais plutôt son pouvoir s'étend également à toute la race humaine,sans discrimination,comme l'a fait connaître le grand philosophe Nietzsche,excellent connaisseur de la nature humaine et visionnaire de génie,auquel nul ne conteste l'immense influence sur tous les esprits contemporains.

«L'activité du génie ne paraît pas le moins du monde quelque chose de différent de l'éctivité de l'inventeur,du savant astronome,ou historien,du maître en tactique.28(*)»

Tout homme en qui se manifeste accidentellement ou non la moindre étincelle de génie,ou plutôt,le plus simple désir de créer,d'enfanter quelque chose de neuf et d'original,cet homme mérite bien de prendre place parmi l'élite des créateurs29(*).

La question de génie ne se pose donc pas avec cette acuité coutumière,car le génie n'est nullement l'apanage d'un individu ou d'un groupe au détriment d'un autre et Nietzsche sur un ton primesautier,renchérit de plus belle,en s'interrogeant sarcastiquement;«D'où vient donc cette croyance qu'il n'y a de génie que chez l'artiste,l'orateur ou le philosphe?Eux seuls ont une intuition?30(*)»

De plus,la suprématie du génie ne réside pas toujours dans l'édification intégrale de l'oeuvre,elle réside au contraire,aussi paradoxal que cela paraisse,dans les premières manifestations de l'idée.«Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres,ensuite à bâtir,que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme.31(*)»Une telle assertion avancée par un grand maître de la pensée contemporaine,ne sera que plus plausible et irréversible,puisque,le génie se manifeste,selon toute évidence,par à-coups,dans des moments où on l'attendait le moins,sous l'impulsion du hasard ou des contingences extérieures à toutes volontés.

Si l'art assure l'élaboration parfaite de l'objet,veille munitieusement à son achèvement dans les meilleures conditions possibles en lui donnant toutes les chances de se prévaloir et d'atteindre par là le sommet de la perfection,cela prouve indubitablement l'existence d'une faculté éminente,latente,une intuition,pourrait-on dire,qui préside au processus de l'exécution..Cette faculté,c'est un don divin,incomparable,et ne peut être assimilée à aucune autre faculté,,c'est une sorte de trésor organique,psychique,d'une force stimulante et vitale,qui enrichit substantiellement l'idée formulée32(*),en l'entourant d'une auréole de lumière interne,bref la perfection,à quelque niveau qu'elle soit,est impérativement subordonnée à la richesse intérieure du peintre ou de l'écrivain,«Son degré de perfection dépend de la richesse intérieure qu'il possède et que conséquemment,il produit au dehors et du degré de nécessité qu'impose son oeuvre.33(*)»

Ce n'est pas là une capacité physique,visant à l'emploi,pour maîtriser la matière brute,des moyens autres qu'intellectuels,c'est plutôt une aptitude psychique,un pouvoir spirituel,capable d'exhaler au-delà de toute limite,quelque baume vital,un philtre,une espèce d'elixir subtil,susceptible d'éveiller les sensibilités endormies.

«J'appelle poéte,j'appelle créateur,tout homme qui est capable d'incorporer son état de sensibilité pour que cet objet me contraigne à passer à cet état de sensibilité et par conséquent exerce sur moi une action vivante.34(*)»

Cette transmission indirecte des sentiments résulte évidemment d'un état exceptionnel,un état de mouvement intérieur,qu'aurait vécu le poéte lui-même,au moment même de l'apparition de l'inspiration,c'est un univers de visions et d'idées,complexes,désordonnées et confuses,gisant dans les entrailles intimes de l'inconscient35(*).

Son émergence claire et nette ne saurait être réalisée qu'à l'issue d'un calme relatif,au travers duquel le conscient saisit immédiatement l'image encore enrobée d'un voile obscur36(*),qu'il clarifiera et exprimera avec logique et clarté,ce qui permettra la réalisation d'une oeuvre sincère et véridique,transposant ainsi l'expérience de l'humanité dans toute son étendue.

«On est en droit d'exiger de toute oeuvre poétique qu'elle soit expressive dans toute la plénitude du terme,ou si non,elle est si peu que rien,mais ce qu'exprime le poéte parfait,c'est l'humanité dans toute sa totalité.»Schiller est en effet plus conscient que ses illustres contemporains,de la portée du message de l'oeuvre poétique,en tant que produit servant à garantir la suprématie de l'esprit sur la matière,puisque le poéte n'exprime pas sa propre expérience,en faisant état de ses souffrances au moyen d'un langage spécifque,ce serait une très grave méprise,car plus sa sensibilité est subjective,plus elle est contingente;la force d'objectivité repose sur ce qui participe à l'idée et de l'idée jaillit l'expérience humaine,avec son lot de joie et de misère.37(*)

* 1 _ Cf Kant .« Critique de la raison pure. »p.24

* 2 _ Voir à ce sujet l'excellent ouvrage de Charles Baudouin intitulé « La Psychologie de l'Art »Ed Gallimard 1926 (Ouvrage non réédité:un seul exemplaire se trouvant actuellement à la bibiliothèque de la Faculté des Lettres d'Aix)

* 3 _ .Celui qui illustre le mieux cette vision de l'art,cest sans conteste Victor Hugo...L'art lui a permis de faire l'anatomie de la société contemporaine et et à explorer l'esprit du temps.Son oeuvre demeure pour toutes les générations un monument impérissable.

* 4 _ .Platon,dans sa fameuse République,avait soulevé la question de l'art,tout en définissant son caratère universel « En effet,si les poétes savaient traiter par art un sujet particulier,ils sauraient aussi traiter tous les autres sujets »

* 5 _ .Opus.cité p;50

* 6 _ -Voir à ce sujet l'ouvrage d'André Michel ½Histoire de l'art.+ Edition A.Colin 1926.C'est un ouvrage d'un vrai érudit,puisque le tableau historique qu'il y a brossé est large exhaustif.

* 7 _ .CF le Banquet (passim) p.52

* 8 _ -Consulter dans ce contxte le remarquable traité de Verne et Chavance ½Pour comprendre l'art décoratif moderne+ Edition Hachette 1925.

* 9 _ Cf.Paul Valéry ,in Varité II,p.50

* 10 _ -Pour pouvoir avoir une vision très claire dans ce contexte,voir R.Lalou ½Le roman français depuis 1900.+ edition Puf 1946.L'auteur y aborde cette question cruciale avec intelligence et tact.

* 11 _ -Cf.Op.cité p.120

* 12 _ .Cf Platon  +Téetete + p.40

* 13 _ .Presque tous les créateurs de génie sont sujets à cet état psychanalytique qui frise la folie.

La démence est aussi un facteur de création ,comme on le verra plus loin.

* 14 _ -Pour mieux connaître ce phénomène,voir l'oeuvre de Focillon ½La peinture aux XIXe et Xxe siécles,du réalisme à nos jours..+Edition Laurens 1928.Un e synoptique très suggestive.

* 15 _ .Cf Schiller.½Correspondance entre Schiller et Goethe + édition Plon 1923 p;92

* 16 _ -Cf Schiller .Ouvrage cité ci-dessus.p.106

* 17 _ -Ed Poe ½La philosophie de la composition+ Edition du Sagittaire p.41

* 18 _ .Ed.Poe « la philosophie de la composition » Ed du Sagittaire.p58 Voir bibliographie à la fin du mémoire.

* 19 _ -Les voix du silence.p80 Ed.Gallimard 1951

* 20 _ -Se reférer à M.Arnavon ½Histoire littéraire des Etats-Unis.+ Edition Hachette 1953.

Ce livre comporte dans ses derniers chappitres une anlyse stnthétique très caractéristique,aboutissant au phénomène du magnétisme créateur.

* 21 _ -Ed.Poe op.cité p 90

* 22 _ -Schiller. «Correspondance entre Schiller et Goethe » Ed; Plon 1923 p.70 

* 23 _ -Voir L.Gishia et N.Vedrès ½La sculpture en France depuis Rodin+ Edition du Seuil 1945.

L'entregent,l'habileté,l'adresse,alliés à l'intelligence et à la délicatesse spirituelle,tout permet de transformer un objet sauvage,déformé,amorphe,en un objet sublime et beau.

* 24 _ -Schiller.Opus.cité p.80

* 25 _ -Proust. «Contre Sainte-Beuve » Ed Gallimard p40 

* 26 _ -Paul Valéry. «Poésie et Pensée abstraite » in Variété V Ed Gallimard 1944. 

* 27 _ -Voir Gombarieu ½Histoire de la Musique.+ A.Colin 1924.

* 28 _ -Nietzsche . «Humain,trop humain. » Ed.Mercure de France p90 

* 29 _ -Voir à cet effet B.Dorival :½Les étapes de la peinture française contemporaine.+Gallimard 1946.Excellent ouvrage pour mieux comprendre la dynamique de la créativité.

* 30 _ -Ibid.p.70

* 31 _ -Ibid.p90

* 32 _ .cf.l'oeuvre d'art est,selon Jean Rousset,«l'épanouissement simultané d'une structure et d'une pensée » et cependant la forme ne se réduit pas là à une structure ,mais elle est«une ligne de force,une figure obsédante,une trame de présences ou d'échecs,un réseau de contingences. »  

* 33 _ -Op;cité p 80

* 34 _ .Schiller.Op.cité p120

* 35 _ -D'où Georges Poulet ,dans son excellent essai «la métamorphose du Cercle» «Quête d'un secret,d'une origine antérieure à la création verbale,chaque étude va du sujet au sujet en passant par l'objet » 

* 36 _ -L'image est,selon Bachelard,substance et forme et elle se définit comme totalité,il développe le retentissement de l'image dans une démarche généralisante;

* 37 _ -Pour plus d'informations,voir à ce propos P.Benichou.«Le sacre de l'écrivain » Ed.José Corti 1973o .Voir également Jean Delon « Sur Edgar Poe publié en 1933. Ou encore Charles Mouron et son excellent ouvrage « Des métaphores obsédantes au mythe personnel » publié par José Corti en 1963  

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille