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Fécondité des adolescentes en RDC: recherche des facteurs explicatifs

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par Frédéric POUMBOU
Université de Yaoundé II - Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie 2008
  

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II.1.2. ETUDES EMPIRIQUES SUR LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA

FECONDITE DES ADOLESCENTES

La recherche des facteurs de la fécondité des adolescentes a toujours suscité un intérêt particulier, parce qu'elle constitue l'élément déterminant de l'évolution à long terme d'une population, et qu'il s'agit d'un phénomène qui relève en partie des comportements individuels. Une revue de la littérature permet de constater que plusieurs facteurs peuvent intervenir, à différents niveaux, pour expliquer les comportements procréateurs des adolescentes. Ceux-ci intègrent aussi bien le contexte général dans lequel évolue l'adolescente (tradition, religion, législation, degré de modernité, etc.), les caractéristiques des parents et des familles (catégorie socioprofessionnelle, statut économique, le cadre ou niveau de vie, etc.) et les caractéristiques propres à l'adolescente (âge à la puberté, âge aux premiers rapports sexuels, âge à la première union, instruction, etc.). Plusieurs auteurs ont tenté de montrer de manière empirique comment certains de ces facteurs agissent sur la fécondité des adolescentes.

II.1.2.1. Les facteurs institutionnels

Ces facteurs constituent les éléments de l'environnement institutionnel dans lequel vit l'adolescente ; ils incluent la législation, les politiques et programmes nationaux en matière d'union (ou de désunion), de formation des familles, de procréation, d'éducation sexuelle des jeunes, de communication, d'approvisionnement et de diffusion des méthodes contraceptives modernes. Ils ont pour la plupart été identifiés suite à l'apport des théoriciens de l'approche institutionnelle. Ici, l'argument principal stipule que l'adoption d'un comportement sexuel responsable dépend, dans une large mesure, de la disponibilité de l'information et de l'accès des adolescentes aux services adaptés de santé de la reproduction (comme les centres d'écoute) et aux méthodes contraceptives modernes. L'absence de questions relatives à l'environnement institutionnel, généralement observée dans les EDS, empêche de mesurer l'effet des facteurs institutionnels sur la fécondité précoce en Afrique ; ceci est aussi valable pour ce qui est de notre étude. Toutefois, la prise en compte de la législation congolaise en matière d'union dans la définition de l'union précoce ou encore de la sexualité précoce permet, dans une certaine mesure, de tester des éléments institutionnels.

II.1.2.2. Les facteurs socioculturels

Mis en exergue par les approches socioculturelles, il s'agit notamment des caractéristiques de l'environnement socioculturel de l'adolescente. Ces facteurs s'appuient sur le fait que la fécondité des adolescentes est indissociable du contexte général auquel elle émerge. Elle s'inscrit dans les représentations, les normes, les valeurs et les pratiques culturelles de chaque société. Il s'agit notamment des facteurs relatifs à des représentations (religieuses), aux normes (en matière sexualité, éducation sexuelle) et aux valeurs sociales (en matière de sexualité, de mariage), de conception de la famille et de la fécondité. Les facteurs socioculturels mesurés dans notre étude sont : l'ethnie, la religion, le milieu de socialisation et le milieu de résidence.

a) L'Appartenance ethnique

De nombreux auteurs considèrent l'ethnie comme un élément crucial d'identification sociale. L'ethnie en tant que lieu de production et de manifestation par excellence des modèles culturels spécifiques apparaît ainsi comme un élément important dans l'étude des sociétés africaines dont la population est généralement composée de plusieurs groupes culturels (Wakam, 1994). Son caractère prépondérant dans la manifestation des phénomènes démographiques vient du fait que des populations vivent différemment ces phénomènes, soit à cause de leur localisation géographique ou soit à cause d'autres caractéristiques qui leur sont propres (SaLa-Diakanda, 1980). En Afrique, plusieurs travaux (Romaniuk, 1967 ; Rwengé, 2002) révèlent une hétérogénéité culturelle en matière de sexualité, de nuptialité ou de procréation, qui permet de regrouper les groupes ethniques en deux classes : d'une part les ethnies dont la sexualité et la procréation avant le mariage sont tolérées (Mongo et Tetela en RDC, Beti-Fang au Cameroun) et, d'autre part, celles dont ces pratiques sont strictement interdites (Luba en RDC, Bamiléké au Cameroun). Dans les ethnies où les relations sexuelles et la procréation prémaritales sont tolérées voire encouragées, la virginité de la femme n'a aucune importance. Souvent, une maternité avant union représente la preuve de la fertilité et la garantie d'un mariage potentiel. Dans un tel contexte, l'ethnie apparaît comme un facteur important dans l'occurrence de la maternité précoce des adolescentes. Par contre, dans le cas des ethnies où les relations sexuelles et la procréation prémaritales sont strictement interdites, la jeune femme est tenue de préserver sa virginité jusqu'à son mariage. Cette valorisation de la virginité féminine implique l'interdiction complète de la fécondité prémaritale (ou simplement hors union). Dans ce contexte, la fécondité avant ou hors union constitue une violation des règles de la communauté donc susceptible de sanctions voire de bannissement social.

Dans le contexte malgache, Gastineau (2004) observe que les jeunes filles Tañala, ethnie du Sud Est de Madagascar vivant en zone rurale où la sexualité prémaritale est tolérée, ont des grossesses plus précoces que les adolescentes de la capitale Antananarivo, qui appartiennent aux ethnies qui répriment la sexualité et les grossesses prénuptiales. S'agissant de la Côte d'Ivoire, Talnan et al. (2003) font remarquer que le fait d'appartenir aux groupes ethniques Krou et Sénoufo ou Malinké multiplie respectivement par 2,13 et 1,66 les chances d'avoir des rapports sexuels avant l'âge de 16 ans par rapport aux filles du groupe Akan.

L'ethnie à travers les normes, les idées et les pratiques quotidiennes qu'elle véhicule a une influence sur les variables telles que le niveau d'instruction, l'exposition aux médias, etc. qui à leur tour, influencent l'âge d'entrée en activité sexuelle et l'attitude à l'égard du sexe. Ainsi, du fait de son appartenance ethnique, l'adolescente aura intériorisé des valeurs et des normes particulières desquelles découlera son attitude spécifique à l'égard de la sexualité et de la fécondité.

b) La religion

Selon Durkheim (1912)26(*), « une religion est un système de croyances et de pratiques, relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une communauté morale, appelée Eglise, tous ceux qui y adhèrent ». Dans ce sens, la spécificité d'une société religieuse vient du fait qu'elle constitue un système (intellectuellement très élaboré) de représentations et de croyances relatives au divin. Cette organisation symbolique à haute capacité de mobilisation affective unit étroitement doctrine du salut, règles de l'existence privée, normes de la vie domestique, droits et devoirs de l'individu en société, principes de l'organisation sociale légitime. Au niveau le plus élémentaire de l'analyse, une religion est d'abord un groupe d'appartenance27(*), c'est-à-dire celui auquel l'individu dit ou est censé appartenir.

En fait, toute théologie définit une attitude de l'homme par rapport à la vie et à la mort. Toute croyance religieuse à une implication démographique. Pour les religions du Livre - Judaïsme, Christianisme, Islam - la croissance et la multiplication des hommes répondent au projet du créateur. Ce qui fait que les Eglises ont toujours condamné l'avortement, mais leur position à l'égard de la contraception a été plus variée et plus hésitante. Les autorités catholiques ont non seulement condamné toute légalisation autorisant l'avortement, pour quelque raison que ce soit, mais aussi toute pratique anticonceptionnelle. Dans les populations islamiques, l'encouragement au mariage précoce, la faible durée d'abstinence après la naissance et le statut subordonné de la femme sont parmi les facteurs qui favorisent une fécondité précoce et élevée (Tapinos, 1996).

Dans les sociétés traditionnelles, le message religieux et la nécessité de compenser une forte mortalité par une fécondité élevée se rejoignent pour favoriser la survie des populations. Ainsi, la religion tout comme l'ethnie, est un mobile de valeurs et de croyances qui, d'une manière ou d'une autre, imposent à ses adeptes des manières de penser et d'agir susceptibles d'influencer leur sexualité et leurs conduites à l'égard de la fécondité. La religion peut donc être un obstacle à l'accès à l'information, à la fréquentation des services de santé reproductive, ou à l'utilisation des méthodes contraceptives modernes chez les adolescentes.

Des études ont montré que les adolescentes chrétiennes ont relativement plus de risque d'être sexuellement actives ou mères avant le mariage que les adolescentes musulmanes ou celles des autres religions (Delaunay, 1994 ; Calvès, 1996 ; Kuate Defo, 1998) ; en effet Kuate-Defo, dans une étude sur les adolescentes camerounaises, révèle que comparées aux musulmanes et à celles des religions traditionnelles, les adolescentes chrétiennes sont d'au moins 40% plus susceptibles d'avoir leurs premiers rapports sexuels hors mariage avant 20 ans et elles ont aussi, parmi les femmes mariées avant cet âge, 22% plus de chances d'avoir un premier enfant après le mariage, et ces résultats s'avèrent robustes après contrôle pour les différences tant socio-économiques que mesurées et non mesurées entre les femmes (respectivement p<,01 et p<,05). Ce qui pourrait traduire un contrôle relativement faible sur la sexualité et la maternité des adolescentes dans la religion chrétienne que dans les autres religions.

c) Le milieu de socialisation

La socialisation en tant que processus de transformation de l'individu d'un être asocial en un être social (en lui inculquant des modes de penser, de sentir et d'agir), et d'intériorisation des normes, valeurs et représentations collectives, ne s'exerce pas avec la même intensité selon que l'individu grandit dans un milieu comme dans un autre. En Afrique, cette distinction s'établit souvent entre le milieu urbain et le milieu rural.

En milieu rural, les normes et les valeurs traditionnelles ont encore force de représentativité, l'individu évolue pratiquement dans un milieu homogène composé, en majeur partie, par les membres de son propre ethnie voire de sa tribu ou de son clan. Les représentations sociales sont les mêmes et les modèles comportementaux pratiquement identiques. L'ouverture au monde extérieur est limitée et les changements sociaux relativement faibles, ce qui fait que des adolescentes aient pratiquement les mêmes comportements socio-démographiques que leurs aînées.

Par contre en milieu urbain, l'évolution de la jeune fille, depuis l'enfance jusqu'à l'adolescence, s'effectue avec des représentations contradictoires. Les normes, valeurs et représentations culturelles inculquées dans le cadre familial ne sont toujours pas les mêmes que celles enseignées à l'école ou apprises dans le voisinage. La jeune fille est, en effet, confrontée de sa petite enfance à l'adolescence à diverses sources qui enseignent des valeurs et modèles différents : la famille, l'école, les médias et la rue. Ainsi, la socialisation en ville est porteuse de changements sociaux et de bouleversements des comportements socio-démographiques. Toutefois, l'influence du milieu de socialisation dépend énormément de la période d'exposition et de la durée effectuée dans ce milieu.

Bien que le milieu de résidence constitue aussi un facteur socioculturel, beaucoup d'auteurs l'identifient souvent en tant que facteur socioéconomique. De ce fait, les études empiriques sur ce facteur feront l'objet du paragraphe suivant.

* 26 Durkheim (Emile), 1912, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Presses Universitaires de France, 1990.

* 27 Le groupe d'appartenance se distingue du groupe de référence dans le sens que ce dernier désigne le groupe dont les attitudes, les comportements, les croyances ou les valeurs sont adoptés comme critères par un individu lorsque celui-ci définit une situation, l'évalue ou décide d'agir. Ils existent des groupes d'appartenance qui peuvent être en même temps des groupes de référence, tels que la famille, les amis, etc. Mais le groupe de référence est parfois différent du groupe d'appartenance, comme le cas du bourgeois qui adopte le mode de vie de l'aristocratie.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle