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Fécondité des adolescentes en RDC: recherche des facteurs explicatifs

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par Frédéric POUMBOU
Université de Yaoundé II - Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie 2008
  

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CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS

Cette étude s'est donné pour objectif de contribuer à l'amélioration de l'état des connaissances sur les facteurs explicatifs de la fécondité des adolescentes au Congo, afin d'éclairer les décideurs congolais sur les principaux éléments à prendre en compte pour améliorer et/ou mettre en oeuvre des politiques et programmes de développement adaptés pour les adolescentes. Plus spécifiquement elle cherchait à :

· Décrire les variations de la fécondité des adolescentes ;

· Etablir le profil des adolescentes les plus exposées au risque de maternité précoce ;

· Identifier les facteurs explicatifs de la fécondité précoce.

Elle partait du constat qu'au Congo le niveau de fécondité des adolescentes (15-19 ans) est resté quasiment stationnaire et relativement élevé au cours des vingt dernières années, le taux avoisinant les 131%o pour la période la plus récente, malgré une évolution croissante de la scolarisation des filles et de l'urbanisation depuis des décennies ; en outre, d'une proportion élevée de grossesses en milieu scolaire (10,7%) perturbant ainsi le parcours des jeunes filles.

Nous nous sommes donc servis d'une démarche intégrant les facteurs environnementaux, les facteurs familiaux, les caractéristiques individuelles des adolescentes et les facteurs comportementaux afin de déceler les principaux facteurs explicatifs de la fécondité des adolescentes. Ceci en se basant sur une littérature exposant les différentes approches explicatives ayant énoncé de diverses manières l'influence qu'exercerait différents éléments sur le phénomène.

De ce fait, un cadre conceptuel a été élaboré permettant de matérialiser une hypothèse générale qui s'énonce de la manière suivante : l'environnement global de l'adolescente influence directement et/ou indirectement ses caractéristiques individuelles et, à terme, son comportement sexuel et ses risques de fécondité précoce. Cette hypothèse a été explicitée en sept (7) hypothèses spécifiques.

Les données de la première Enquête Démographique et de Santé du Congo réalisée en 2005 (EDSC-I 2005) ont été exploitées pour tester ces hypothèses. L'évaluation de leur qualité révèle quelques insuffisances qui ne sont pas de nature à entraver l'atteinte des objectifs de l'étude.

Aussi pour atteindre à nos objectifs, nous avons recouru aux méthodes d'analyse statistique descriptive et explicative :

- Pour l'analyse descriptive bivariée, nous avons recouru aux tableaux de contingence pour la détermination des associations entre les variables en nous aidant de la statistique de Khi² ; et pour la description multivariée, l'analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) nous a permis de catégoriser les adolescentes en fonction de leurs caractéristiques socioculturelles, socioéconomiques, familiales, individuelles et comportementales.

- Vu la nature qualitative et dichotomique des variables intermédiaires et de la variable dépendante, l'analyse explicative s'est faite à l'aide de la régression logistique, dont le modèle pas à pas a permis de déceler les mécanismes d'action des différents facteurs. Par ailleurs, l'évaluation de la contribution des différentes variables nous a permis de hiérarchiser les facteurs par ordre décroissant de leur contribution à l'explication du phénomène.

Ainsi, quelques résultats intéressants ressortent de cette étude, et il convient d'en faire le point afin d'en tirer quelques recommandations à toutes fins utiles.

Au niveau de l'analyse descriptive bivariée, il s'est révélé que :

§ L'ethnie, la religion, le milieu de socialisation, le milieu de résidence, le niveau de vie du ménage, l'exposition à la télé et le niveau d'instruction sont des facteurs discriminants de la sexualité précoce des adolescentes au Congo.

§ S'agissant du premier mariage, il ressort que la religion et l'âge aux premiers rapports sexuels sont des facteurs de différenciation significative de la nuptialité précoce chez les adolescentes congolaises.

§ Une différentiation significative des adolescentes concernant la pratique contraceptive s'effectue à travers les facteurs suivants : l'appartenance ethnique, le milieu de socialisation, le milieu de résidence, le sexe du chef de ménage, le niveau de vie du ménage, le niveau d'instruction, la connaissance des méthodes contraceptives et la connaissance du cycle ovulatoire.

§ Enfin, la fécondité précoce des adolescentes congolaises est fortement différenciée par les facteurs suivants : l'appartenance ethnique, la religion, le milieu de socialisation, le milieu de résidence, le niveau de vie du ménage, l'exposition à la télévision, le niveau d'instruction, la connaissance des méthodes contraceptives et celle du cycle ovulatoire, l'état matrimonial, l'âge aux premiers rapports sexuels et l'âge au premier mariage.

L'analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) a permis de dresser deux groupes d'adolescentes. D'une part, les adolescentes les plus exposées au risque de maternité précoce (Groupe1), celles-ci ont les caractéristiques suivantes : la plupart appartiennent au groupe Sangha et sont adeptes des églises traditionnelles, socialisées et/ou résidant en milieu rural, les ménages auxquels elles appartiennent ont un niveau de vie relativement faible ; ces adolescentes n'ont jamais été exposées à la télévision et, la plupart, n'ont aucun niveau d'instruction sinon le niveau primaire, déjà en union et dont les premiers rapports sexuels ont été précoces.

D'autre part, celles qui sont moins exposées au risque de maternité précoce (Groupe2) et qui portent les caractéristiques suivantes : nombreuses sont de l'ethnie Kongo et pratiques les religions chrétiennes traditionnelles (ou autres chrétiennes), socialisées et/ou résidant dans les petites villes, elles appartiennent aux ménages de niveau de vie moyen, rarement exposées à la télévision ; elles ont le niveau d'instruction secondaire ou plus, en majorité célibataire et leurs premiers rapports sexuels ont été moins précoces.

Les analyses explicatives nous ont cependant révélées, premièrement, que seuls le milieu de résidence et le niveau de vie du ménage constituent des facteurs explicatifs de la précocité des premiers rapports sexuels chez les adolescentes au Congo. Les adolescentes résidant en milieu rural sont plus susceptibles que celles des petites villes d'avoir une sexualité précoce ; de même que celles issues des ménages de niveau de vie moyen sont plus exposées à la sexualité précoce que leurs homologues des ménages de niveau de vie élevé. 

Deuxièmement que, l'entrée précoce en union chez les adolescentes congolaises n'est expliquée que par l'âge aux premiers rapports sexuels. Les adolescentes ayant commencé précocement leur sexualité (10-15 ans) sont de même plus susceptibles d'être précocement en union que celles qui auraient commencé tardivement leur sexualité (16 ans et plus).

Troisièmement que, la pratique contraceptive moderne chez les adolescentes au Congo s'explique par les facteurs suivants : le milieu de socialisation, le niveau de vie du ménage, le sexe du chef de ménage et le niveau d'instruction de l'adolescente. Les adolescentes socialisées dans les petites villes ou celles appartenant à un ménage dirigé par une femme sont plus susceptibles d'utiliser les méthodes contraceptives modernes que, respectivement, les adolescentes socialisées dans les grandes villes ou celles appartenant à un ménage dirigé par un homme. Par contre les adolescentes membres des ménages de niveau de vie moyen et celles qui n'ont aucun niveau d'instruction ou d'un niveau primaire sont moins susceptibles d'utiliser lesdites méthodes que, respectivement, leurs homologues des ménages de niveau de vie élevé et celles qui possèdent le niveau d'instruction secondaire ou plus.

Quatrièmement, il s'est avéré que la fécondité précoce des adolescentes au Congo s'expliquerait par les facteurs suivants : la religion, le milieu de résidence, le niveau de vie du ménage, l'exposition à la télé, l'âge aux premiers rapports sexuels, l'âge au premier mariage et l'utilisation des méthodes contraceptives. Les adolescentes des religions traditionnelles sont plus susceptibles d'avoir une fécondité précoce que celles des religions chrétiennes traditionnelles ; contrairement aux adolescentes sans religion qui sont moins exposées que ces dernières. Selon le milieu de résidence, les adolescentes des grandes villes sont moins exposées au risque de maternité précoce que leurs homologues des petites villes.

Par ailleurs, les adolescentes appartenant aux ménages de niveau de vie moyen ont un risque plus élevé de connaître une maternité précoce que celles des ménages de niveau de vie élevé. Tandis que, les adolescentes qui suivent rarement ou souvent la télévision sont moins exposées à la maternité précoce que leurs homologues qui n'ont jamais suivi ce média.

S'agissant de l'âge aux premiers rapports sexuels, les adolescentes ayant connu leurs premiers rapports sexuels assez tardivement (à 16 ans et plus) sont moins susceptibles que celles qui les avaient connu précocement (10-15 ans) d'avoir une fécondité précoce. De même que les adolescentes mariées tardivement sont moins exposées à la fécondité précoce que celles dont le mariage était précoce. Enfin, les adolescentes qui utilisent les méthodes contraceptives traditionnelles ou modernes ont moins de chance que celles qui n'utilisent aucune méthode d'avoir une fécondité précoce.

En définitive, cette étude démontre qu'au Congo la fécondité des adolescentes s'expliquerait à la fois par les facteurs socioculturels, socioéconomiques, familiaux et comportementaux. Les caractéristiques individuelles de l'adolescente constituent, en quelque sorte, des canaux permettant de percevoir son comportement à l'égard de la procréation. En effet, le niveau d'instruction de l'adolescente est un facteur explicatif de la pratique contraceptive moderne qui constitue le deuxième comportement ayant la plus forte contribution à l'explication de la fécondité précoce des adolescentes au Congo. Le niveau de vie du ménage est un facteur qui différencie les adolescentes à la fois sur le plan de la sexualité précoce, de la pratique contraceptive et de la maternité précoce. Tandis que, le milieu de résidence explique à la fois la différenciation des adolescentes sur la sexualité précoce - facteur prépondérant de la maternité précoce - et la maternité précoce. Le mariage précoce n'est cependant différencié que par l'âge aux premiers rapports sexuels des adolescentes.

Ainsi, les hypothèses H2, H3, H5, H6 et H7 de cette étude ont été entièrement confirmées. Tandis que l'hypothèse H4, qui stipule que le niveau d'instruction de l'adolescente influence indirectement sa fécondité à travers son âge d'entrée en union et/ou en activité sexuelle et son utilisation des méthodes contraceptives, n'est que partiellement confirmée puisque le niveau d'instruction de l'adolescente n'est pas significativement associé ni au mariage précoce ni à la sexualité précoce, de même qu'à la fécondité précoce. Par contre l'hypothèse H1, qui supposait que les adolescentes des ethnies matrilinéaires seraient plus susceptibles d'avoir une maternité précoce que celles des ethnies patrilinéaires, a été entièrement infirmée.

Au terme de cette étude et tenant compte des résultats auxquels elle aboutit, il nous semble utile de formuler quelques recommandations dont la mise en oeuvre permettrait aux adolescentes d'avoir une sexualité et/ou maternité responsable et à moindre risque.

Les acteurs et décideurs congolais doivent :

Ø Introduire des programmes qui assurent aux adolescentes une éducation à la vie familiale (EVF) dans les écoles, voire à travers d'autres mécanismes sociaux ;

Ø Créer des programmes qui engagent les parents, les professeurs, les prestataires de soins médicaux et les leaders communautaires ou religieux, dans le but de fournir aux adolescentes une éducation sexuelle ;

Ø Etablir des services de santé de la reproduction (SR) sympathiques aux adolescentes, accessibles, confidentiels et sans préjugé, qui procurent des informations complètes dans un langage ordinaire, soutenues par du matériel informationnel (prospectus, dépliant, affiche, etc.) ;

Ø Faciliter l'émergence des programmes qui sensibilisent les adolescentes sur l'utilité des méthodes contraceptives modernes.

v Limites de l'étude et perspectives

Au regard de tout ce qui précède, nous estimons que cette étude a atteint son but qui était d'apporter une réponse relative aux facteurs explicatifs de la fécondité des adolescentes au Congo. Toutefois, cette étude n'est pas exempte de limites. La première limite vient du fait qu'elle repose fondamentalement sur une approche quantitative ; alors que la combinaison de celle-ci avec des données qualitatives du genre sociologique, anthropologique voire psychologique serait plus utile pour une compréhension optimale du phénomène. La seconde limite provient de l'absence de certaines informations dans notre base de données ; en effet, l'absence de certaines variables telles que la discussion de la PF avec les parents, l'âge à la puberté et surtout des variables relatives à l'environnement institutionnel n'a pas permis de mesurer leurs effets jugés pertinents dans la littérature. Il convient donc que les prochaines opérations de collectes de données au Congo, voire ailleurs, tiennent compte de ces aspects pour améliorer la qualité des informations.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus