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Le conte et l'éducation chez les Lokpa du Bénin

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par Akéouli Nouhoum BAOUM
Université d'Abomey- Calavi (Bénin ) - Maà®trise en lettres modernes 2010
  

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Conclusion partielle

La performance d'un conte chez les Lokpa respecte une certaine norme. Le conte peut être dit en famille, entre amis, entre jeunes ou entre différentes couches sociales réunies. Il n'est l'apanage de personne. Dire un conte chez les Lokpa n'est pas une affaire de spécialistes. Tout le monde peut dire le conte à condition que ce "tout le monde" soit doté de talents oratoires, d'éloquence et de créativité, car le conte, comme toute oeuvre de l'esprit requiert une imagination et une inspiration fertiles sans lesquelles elle reste sans sève, sans substance, sans attrait, sans originalité. Le conte se dit traditionnellement le soir et ce n'importe où. Il est aujourd'hui grâce à l'évolution des technologies dit à la radio. Il permet de se distraire. Mais il est surtout un moyen pour garder générations après générations, les connaissances, l'histoire, la culture d'un peuple.

2.3 Analyse des contes du corpus

Après avoir répété comme une sentence, que le conte éduque, le moment est venu de voir comment le conte Lokpa s'y prend pour éduquer. Le conte, par définition, est un récit. Le conteur pour arriver à ses fins, celles de faire passer le message, le fait à travers ce récit.

La structure du conte est au service du projet, de la leçon de morale ou de la philosophie que le conteur soutient. En clair, la forme n'est pas du tout gratuite dans les contes Lokpa. Elle

reste rattachée au style du conteur, qui lui aussi est à dessein élaboré pour la cause. Ils sont parfois intentionnels, voulus par leur créateur : le conteur.

A ce titre la forme joue plusieurs rôles. La forme ou structure dont nous voulons ici parler, c'est ce que Propp (Morphologie du conte), Paulme (Morphologie du conte africain) et Bremond (Morphologie d'un conte africain) désignent par « Morphologie » du conte. C'est la structure du conte en tant que récit. Etudier la forme ou structure du conte, revient donc à étudier sa morphologie, autrement à en faire une étude structurale, selon les mots de E. Mélétinski (L'étude structurale et typologie du conte). Etudier la structure d'un conte, c'est de le décomposer « en une succession de phases, de « mouvements » qui perçus dans l'optique d'un personnage reçoivent une valorisation positive (« ça va bien ») ou négative (« ça va mal »). La rupture d'une situation d'équilibre initial donne le branle à l'intrigue : soit qu'un mouvement d'amélioration tende à faire passer tel personnage d'un état initial insatisfaisant à un état final relativement plus satisfaisant, soit qu'un mouvement de dégradation tende le faire passer d'un état initial satisfaisant à un état final relativement moins satisfaisant. Une fois atteints, ces états d'équilibre peuvent marquer la fin du conte99. » Cette structure comme vient de nous le montrer Bremond est malmenée par le conteur Lokpa à sa guise. Il taille la forme du conte à la mesure de la philosophie, de l'enseignement ou de la morale (nous ne voulons pas trop user de ce mot car les contes ne traitent pas forcément de morale au sens propre comme au sens figuré du mot. Les contes donnent des outils, des idées, pour connaître le monde. Certaines de ces idées n'ont rien de "morale", elles sont plutôt pratiques et tous les coups sont bons pour sortir d'une situation donnée) qu'il veut donner. Elle est dictée par le savoir faire du conteur.

En plus de la structure qui est choisie à dessein par le conteur, les personnages subissent également le même traitement. Ils sont choisis par affinité. Le conteur leur attribue les fonctions qu'il veut selon le but qu'il veut atteindre. Ce choix des actions à attribuer aux personnages donne également des indications sur la structure du conte.

2.3.1 Présentation du corpus

Le corpus est constitué de onze (11) contes. Le choix de ces contes est guidé par la pertinence des sujets traités et la façon dont le conteur traite ces sujets.

Le premier conte, intitulé Le peul, raconte l'histoire d'un peul qui s'est vu arracher sa femme
par un autre peul. Les tortues l'aident à reprendre cette femme contre le plus gros boeuf de son
troupeau. Mais les tortues une fois le boeuf en leur possession ne savent comment faire pour

99 Claude BREMOND. « Morphologie d'un conte africain »., Cahiers d'études africaines. Vol. 19 N°73-76. 1979. pp. 485-499.

l'abattre. Le lièvre propose son aide que les tortues acceptent. Le lièvre cherche des stratégies pour avoir plus de viande que les tortues. Alors qu'il est chargé de retourner la marmite au roi, il mange la viande que celle-ci contient et la brise. Malheureusement pour lui, il est surpris par les épouses du roi. Il est arrêté et ligoté. Le lièvre parvient à échanger sa place avec le singe en faisant croire à ce dernier que les épouses royales l'avaient attaché là pour qu'il couche avec elles. Le singe sera molesté au retour des femmes du roi. Il parvient à s'échapper grâce à la corde qui s'est coupée. Assis sur un rocher pleurant et se plaignant des douleurs atroces qu'il ressent, une tortue, cachée sous le rocher, se commence à rire. Le singe trouve un moyen de vengeance. Il dit à la tortue d'aller chercher du feu pour qu'il la grille avec. Un chien aide la tortue à éviter une telle fin. Pourchassé par le chien, le singe fuit. Mais dans leur fuite, ils heurtent une hyène et brisent sa meule. Elle exige réparation. Très vite le singe fait croire à l'hyène que la famille du chien est spécialisée dans la réparation des meules brisées. Le chien joue au même jeu et affirme qu'il peut arranger si et seulement s'il a sa possession du miel et la peau d'un singe. L'hyène dit avoir les deux : du miel elle en a dans son sac, la peau du singe, il y en a justement à côté d'eux. Elle déchire la peau, la remet au chien, celui-ci la trempe dans le miel et la remet à l'hyène qu'elle la mâche afin de la rendre molle. A toutes les fois l'hyène avale la peau. Le singe n'en pouvant s'enfuit dans la forêt pourchassé par l'hyène. Quant au chien, il retourne à la civilisation. Ce conte soulève les différentes formes d'injustice dans nos sociétés.

Le deuxième conte, titré L'aventurier, est l'histoire d'un jeune homme dont la femme attend un enfant. Ne sachant comment assurer les besoins de sa famille, il décide de partir en exode afin d'avoir les moyens nécessaires. Il travaille plusieurs années durant et obtient trois chameaux. Sur le chemin de retour, il rencontre un vieillard à qui il donne les trois chameaux contre trois conseils. Les trois conseils ainsi obtenus lui permettront d'éviter la morsure d'un serpent, d'hériter le troupeau et toute la richesse d'un peul et de sauver son mariage. Le conte de l'aventurier est une exhortation au respect des personnes âgées.

Le poisson et la perdrix est le titre du troisième conte. Un homme, Cásoyo, a fait un champ de sorgho que les animaux dévastaient. Toutes les tentatives pour y remédier et attraper les coupables restèrent vaines. Il tend un piège et décide de monter la garde. Une perdrix alla voir un poisson et convainc celui-ci d'aller au champ de Cásoyo pour manger. Comme promis, la perdrix emporte le poisson quand Cásoyo cria. Mais à la deuxième tentative, elle s'envole et laisse le poisson. Prisonnier du paysan, le poisson s'en sort grâce à un chant. C'est un conte qui nous rappelle l'imperfectibilité de l'être humain et nous prévient de toute confiance aveugle.

Le quatrième conte, L'enfant terrible, raconte le drame d'une famille paysanne qui a vu sa récolte baissée totalement. Les enfants déçus décident d'abandonner l'agriculture, de changer de métier et aussi de village. Trois enfants décident de ne pas partir : le premier veut être charlatan, le deuxième veut retourner à la terre et le dernier ne veut rien faire du tout. Le père accepte tout ceci. Le dernier qui ne veut rien faire est resté à la maison un an durant, ne faisant rien d'autre que manger et dormir. Un matin, il sort et revient tard le soir avec une chicotte qu'il prie son père d'utiliser pour le frapper. Après insistance de l'enfant le père s'exécute et l'enfant se transforme en cheval. Il est vendu à trois reprises et a rapporté à chaque fois plus de fortune à son père. C'est une utopie du conteur pour un idéal éducatif dans lequel l'enfant trace lui-même le chemin de son destin.

Pourquoi la terre mange les hommes explique que la terre et le ciel étaient des amis. Un jour, alors que la terre creusait un trou, elle y trouve deux oeufs. Le ciel en visite chez la terre voit les oeufs et décide de prendre un et de laisser l'autre à son ami. La terre impatiente mange son oeuf après sept jours. Le ciel ne fait pas de même. Il attend patiemment et son oeuf éclot et donne une femme. Ciel invite la terre chez lui et lui fait gouter la boisson préparée par la jeune femme. Surprise par la douceur de cette eau, la terre voulut savoir d'où elle venait. Le ciel lui présente la femme fruit de l'oeuf qu'il a emporté. Il donne la femme à la terre. Après des années, la femme mourut de vieillesse. La terre appelle le ciel et lui demande ce qu'elle devait en faire. Le ciel lui dit de manger, comme elle a mangé l'oeuf. C'était aussi un humain. Un essai d'explication de la sagesse divine, ce conte nous permet de mesurer la supériorité de Dieu.

Le sixième conte s'intitule Le malin et le bête, est l'histoire du cabri et du mouton. Le mouton et le cabri sont tombés dans un piège tendu par les hyènes. Le mouton avait peur; il avait la morve partout. Mais le cabri était courageux. Il frappe violemment le mouton et le jette à terre. Surpris l'hyène voulut savoir ce qui se passe chez le mouton. Le cabri lui explique que le mouton entre en transe quand il veut dévorer un charlatan. Plusieurs charlatans du coin ont déjà subi le même sort. L'hyène qui jouait le charlatan s'enfuit et les deux amis eurent la vie sauve. Ce conte nous invite à l'union et à la cohésion sociale.

Un roi veut imposer la tyrannie dans son village. Il réunit les jeunes et leur fait croire que le village est sous-développé à cause des vieillards. Il faut tuer tous les vieux pour que le pouvoir revienne aux jeunes. Tous les jeunes s'exécutent sauf un seul. Il cacha son père en forêt. Le roi demande alors à tous les sujets de tresser chacun un panier pour que ses épouses s'en servent pour puiser de l'eau. Choqués par une tâche aussi absurde et impossible, le jeune homme demande conseil à son père. Le jour de la présentation des paniers, il demande au roi

de lui montrer un ancien modèle pour qu'il puisse s'en inspirer. Le roi comprit que ce jeune homme n'avait pas tué son père. Ainsi se résume le conte n°7 : Le démagogue. Le respect des anciens est selon ce conte la condition nécessaire pour un développement harmonieux de toute société.

Les deux amis comme l'indique le nom raconte l'histoire d'une amitié. Le hérisson et l'escargot sont de très bons amis. Un jour le hérisson rend visite à l'escargot et emprunte à celui-ci un piège contre la promesse de partager le butin. Le hérisson rentre chez lui, attrape toutes sortes d'animaux, fait croire à son ami et à toutes que les prises sont très petites. Celuici le prie de manger mais de lui en donner quand la prise est grande. Le hérisson prend le soleil. Il essaie de le manger mais n'y parvient pas. Alors il appelle son ami pour partager. Alors qu'il devrait tourner une fois le derrière de l'escargot pour empêcher le soleil de sortir, il tourne plusieurs fois et tente de tuer son ami. Les deux amis est un conte qui dévoile la face sombre de l'être humain et qui met en garde contre la cupidité humaine.

Le crabe paresseux hérite d'une mal constitution à cause de sa paresse. Dieu a décidé de créer les êtres vivants. Tous les êtres de la terre sont allés. Mais alors que Dieu avait prévu de leur planter un cou ce jour-là, le crabe refuse de s'y rendre sous prétexte qu'il est fatigué. Dieu construit le cou et la tête ce même jour car il voulait se reposer le jour suivant. Alors que tous les autres êtres vivants dansaient de joie, le crabe était sans cou ni tête. Il décide d'aller se faire construire aussi la tête et le cou. Malheureusement pour lui, Dieu n'avait plus de matériaux. Par pitié, il lui colla les yeux sur les épaules. Ce conte est satirique et permet de voir le traitement de Dieu dans la croyance Lokpa : Dieu n'aide que celui qui l'aide à l'aider. La tortue a compris au prix de sa vie Pourquoi éviter l'homme. Il était une fois un chasseur qui chassait et tuait toujours. Un jour, il ne trouva rien sauf un boa à qui il sauve la vie. Le boa décide de le dévorer. Indigné, le chasseur exige un procès. Le cheval et l'âne jugèrent l'homme coupable de beaucoup de méchancetés et qu'il mérite la mort. Un tortue qui passait par là use d'astuce et sauve le chasseur. Il décide de faire connaître à toute sa famille celle à qui il doit la vie. Lorsqu'à la maison, on lui apprend que sa femme était mourante et seule la tête d'une tortue pouvait la sauver, le chasseur fait exécuter son bienfaiteur. C'est un conte tragique qui montre la fixation de l'être humain sur lui-même, sur ses intérêts personnels même aux dépens de la vie de ses bienfaiteurs.

Les quatre enfants, titre du onzième et dernier conte, raconte une tragédie familiale. Une mère de quatre enfants va en forêt et ne rentre plus. Ses enfants dotés, chacun, d'un pouvoir, décident de partir à sa recherche. Le premier suit l'odeur de la mère jusque dans la forêt et la retrouve sans vie, et découpée en morceau. Le deuxième reconstitue le corps. Le troisième

redonne le souffle à la mère. Alors qu'ils se préparaient pour partir, un aigle géant prend la mère. Le dernier fils, d'un coup de gourdin tue l'aigle, et la mère atterrit saine et sauve. Le quel de quatre a sauvé la mère ? L'unité et la cohésion sociale sont le message qu'adresse ce conte.

Ces contes, réunis pour servir de corpus, sont choisis pour illustrer un thème ou pour montrer comment un même thème est traité différemment par deux conteurs différents.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard