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Le calcul de l'horreur comme instrument psychologique de prévention de la violence directe. Cas du Nord Kivu en RDC

( Télécharger le fichier original )
par Falk Litane PETEGOU
Université protestante d'Afrique Centrale (Cameroun ) - Master 2 en paix et développement 2012
  

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UNIVERSITE PROTESTANTE PROTESTANT UNIVERSITY

D'AFRIQUE CENTRALE OF CENTRAL AFRICA

UPAC PUCA

Faculté des Sciences Sociales et

Faculty of Social Sciences and

des Relations Internationales International Relations

B.P. 4011 Yaoundé-Cameroun
Tél. : + (237) 22.21.26.90 Fax : + (237) 22.20.53.24

Site: http// www.upac-edu.org E-mail : rectorat@upac-edu.org

Department of Peace and Development Studies

LE CALCUL DE L'HORREUR COMME INSTRUMENT
PSYCHOLOGIQUE DE PREVENTION DE LA VIOLENCE
DIRECTE : CAS DU NORD KIVU EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO

MEMOIRE DE MASTER
Présenté et défendu en vue de l?obtention du

MASTER OF ARTS IN PEACE AND DEVELOPMENT
(MAPD)

Par
PETEGOU Falk Litane

Sous la supervision académique de

Jr. Prof. Célestin TAGOU

EXAMINATEUR : Prof. Alain Didier OLINGA

Année académique 2010-2011

Yaoundé-Cameroun

i

UNIVERSITE PROTESTANTE PROTESTANT UNIVERSITY

D'AFRIQUE CENTRALE OF CENTRAL AFRICA

UPAC PUCA

Faculté des Sciences Sociales et

Faculty of Social Sciences and

des Relations Internationales International Relations

B.P. 4011 Yaoundé-Cameroun
Tél. : + (237) 22.21.26.90 Fax : + (237) 22.20.53.24

Site: http// www.upac-edu.org E-mail : rectorat@upac-edu.org

Department of Peace and Development Studies

LE CALCUL DE L'HORREUR COMME INSTRUMENT
PSYCHOLOGIQUE DE PREVENTION DE LA VIOLENCE
DIRECTE : CAS DU NORD KIVU EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO

MEMOIRE DE MASTER
Présenté et défendu en vue de l?obtention du

MASTER OF ARTS IN PEACE AND DEVELOPMENT
(MAPD)

Par
PETEGOU Falk Litane

Sous la supervision académique de

Jr. Prof. Célestin Tagou

EXAMINATEUR : Prof. Alain Didier OLINGA

Année académique 2010-2011

Yaoundé-Cameroun

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : DEFINITION DES CONCEPTS CLES ET CADRE THEORIQUE 16

CHAPITRE I : DEFINITION DES CONCEPTS CLES 17

CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE 39

DEUXIEME PARTIE : DIMENSIONS DE LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD KIVU 54

CHAPITRE I : LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD KIVU 58

CHAPITRE II : LES APPROCHES DE RECHERCHE DE PAIX AU NORD KIVU : ANALYSE CRITIQUE DE L?ACTION DES ACTEURS LOCAUX ET

INTERNATIONAUX 78

TROISIEME PARTIE : CONSIDERATIONS SUR LE CALCUL DE L'HORREUR 90

CHAPITRE I : INSTRUMENTS ET APPROCHES DU CALCUL SYSTEMATIQUE DE

L?HORREUR AU NORD KIVU .... 91

CHAPITRE II : IMPLEMENTATION ET EVALUATION DU CALCUL DE L?HORREUR

AU NORD KIVU 98

CONCLUSION GENERALE 106

BIBLIOGRAPHIE 112

ANNEXES 120

TABLE DES MATIERES 123

DEDICACE

A

Ma maman, Mme SIMO née MEGNI FANKEP Valentine.

REMERCIEMENTS ET AVERTISSEMENT

Qu?il me soit permis de remercier les efforts conjugués de plusieurs personnes sans qui la réalisation de ce travail n?aurait pas été possible. Il s?agit particulièrement :

du Jr. Prof. Célestin TAGOU, mon encadreur, pour sa disponibilité, sa rigueur scientifique, et pour avoir accepté de diriger cette recherche ;

du Rev. Prof. ANYAMBOD Emmanuel ANYA, recteur de l?UPAC pour avoir créée le Département de Paix et Développement ;

du Rev.Dr. KÄ MANA, de Madame WANY PALUKU, de Monsieur MALIYAWATU Gilles, de Monsieur MUGANGU Pierre, de Monsieur TSONGO Alex, de Monsieur CISHAMBO CISHAMBO, de Monsieur BASEMBE Jean, de Madame KANYAMUHANDA Elisabeth pour avoir accepté nous accorder des entretiens de par leurs origines congolaises ;

du Dr. Didier.T. DJOUMESSI, pour son appui documentaire ;

du Prof. Cage BANSEKA et à tous les enseignants de la FSSRI pendant tout notre cursus académique en premier et second cycle à l?UPAC, pour leur disponibilité et ces connaissances acquises ;

de Monsieur Claude Olivier BAGNEKEN, Secrétaire Général EMIDA-Cameroon, qui a accepté nous accueillir dans le cadre de notre stage académique ;

du Dr Emile KENMOGNE, enseignant à l?Université de Yaoundé 1, pour son appui documentaire ;

de Monsieur, Innocent Meutcheye, sous-directeur du protocole (Ministère des Relations Extérieures), pour son soutien moral ;

de Monsieur EFFA EFFA Parfait, pour ses observations critiques et conseils sur le plan méthodologique ;

de Madame BAGNEKEN Nadège, pour son appui technique ;

de mes grands parents : Maman NGUEHOU Pauline, Prof. Isaac TCHOUAMO, SIMEU Georgette, KOUAMO Justin, SIMEU Dagobert, KOUAMO Jacqueline, pour leurs prières et leur soutien ;

De mes oncles et tantes, mes amis et collègues, pour leurs encouragements ;

de tous ceux et celles dont le nom ne figure pas ici mais qui ont d?une manière ou d?une autre participé de près ou de loin à la réalisation de ce travail ;

du Seigneur Dieu Tout Puissant, pour sa miséricorde.

Malgré toutes les aides, conseils et critiques multiformes, je suis le seul responsable de la forme et du fond de ce travail et la Faculté des Sciences Sociales et des Relations Internationales de l?Université Protestante d?Afrique Centrale n?entend approuver ni désapprouver les opinions émises dans ce mémoire. Elles doivent être considérées comme propres à leur auteur que je suis.

RESUME

La présente étude analyse la violence directe au Nord Kivu depuis 1990 et cherche à comprendre si le calcul de l?horreur, à savoir l?évaluation des conséquences négatives des atrocités et pertes en vies humaines pouvant résulter des potentielles escalades de la violence, peut créer des conditions favorables pour une Paix Positive dans cette région de la République Démocratique du Congo. A partir des données documentaires et d?entretiens semi directifs qualitatifs, renforcés par une grille d?analyse constructiviste, cette contribution a permis d?aboutir à deux principaux constats. Primo, les groupes en conflit au Nord Kivu sont « fatigués » de vivre dans la violence et regrettent énormément les pertes qu?ils ont encourues depuis l?embrasement de toute la région dans la violence. Pour ceci, l?évaluation systématique des conséquences de la violence directe peut dissuader des futurs affrontements. Secundo, les groupes en conflit s?investissent pour faire la paix et veulent réduire leurs objectifs pour cette effectivité. En ceci, la perception de l?horreur permet d?établir un compromis en réconciliant les intérêts et enjeux liés aux conflits. Il en ressort que, le calcul de l?horreur peut être un facteur limitant des nouvelles violences au Nord Kivu. Pour cela, un principal élément est à considérer : il s?agit de la création des instances intragroupes et intergroupes d?alertes de la violence qui, s?attèleront essentiellement à étudier et à faire prendre conscience des atrocités et des souffrances humaines causées par les précédentes violences. Cette stratégie de prévention de la violence à partir de la psychologie des groupes en conflit, va atténuer, voire transformer les conflits qui constituent des enjeux d?une paix positive et d?un développement durable au Nord Kivu. Elle constitue aussi un plus dans l?approche non-violente de gestion des conflits.

ABSTRACT

This study analyzes the direct violence in North Kivu since 1990 and seeks to understand if the calculation of the horror, that is the assessment of negative consequences of atrocities and casualties that may result from the potential escalation of violence, can create conditions for positive peace in this region of the Democratic Republic of Congo. From the background data and qualitative semi-structured interviews, reinforced by a constructivist analytical framework, this contribution has resulted in two major findings. First, groups in conflict in North Kivu are "tired" of living in violence and greatly regret the losses they incurred from the conflagration of the whole region into violence. For this, the systematic evaluation of the consequences of direct violence may deter future confrontations. Second, groups in conflict are involved to peace and want to reduce their goals for this effectiveness. In this, the perception of the horror allows for a compromise reconciling the interests and issues related to conflict. It shows that the calculation of the horror can be a limiting factor of further violence in North Kivu. For this, a key element to consider is: to create instances of intragroup and intergroup warnings of violence, mainly to study and strive to raise awareness of the atrocities and human suffering caused by previous violence. This strategy of violence prevention from the psychology of groups in conflict will mitigate or transform conflicts that are issues of positive peace and sustainable development in North Kivu. It is also more in the non-violent approach to conflict management.

LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES

ACP : Afrique -- Caraïbe- Pacifique ADF: Allied Democratic Front

AGR : Activités Génératrices de Revenus BM : Banque Mondiale

CIJ : Cour Internationale de Justice

CNDP: Congrès National pour la Défense du Peuple

CMM : Commission Militaire Mixte CPI : Cour Pénal International

FAR: Forces Armées Rwandaises

FARDC : Force Armées de la République Démocratique du Congo

FDLR : Forces Démocratiques de Libération du Rwanda

FMI : Fonds Monétaire International FPR: Front Patriotique Rwandais G10 : Groupe des Dix

LRA: Lord Resistance Army

MLC : Mouvement de Libération du Congo

MPLA : Mouvement Populaire de Libération de l?Angola

MONUC : Mission des Nations Unies au Congo

OCHA: Office for the Coordination of Humanitarian Affairs

OIG : Organisation Intergouvernementale ONG : Organisation non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies

OTAN : Organisation du Traité de l?Atlantique Nord

PARECO : Patriotes Résistants Congolais PAS : Programme d?Ajustement Structurel PDI : Personnes Déplacées Internes

PIB: Produit Intérieur Brut

PIOMM : Programme Interdisciplinaire de Recherche sur les Causes de Violations des Droits Humains

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

RCD-G: Rassemblement Congolais pour la Démocratie- Goma

RCD-ML: Rassemblement Congolais pour la Démocratie- Mouvement de Libération

RDC : République Démocratique du Congo SIDA : Syndrome d?Immunodéficience acquise

TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda

TPIY : Tribunal Pénal International pour l?ex-Yougoslavie

UA: Union Africaine

UCAC : Université Catholique d?Afrique Centrale

UE : Union Européenne

UNITA : Union Nationale Pour l?Indépendance Totale de l?Angola

UPAC : Université Protestante d?Afrique Centrale

URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

USA: United States of America

VIH: Virus de l?Immunodéficience Humaine

WNBF: West Mile Bank Front

INTRODUCTION GENERALE

i: IMPORTANCE DU SUJET

Le présent mémoire sur le Nord Kivu se justifie par trois arguments : le changement de paradigme dans les approches de construction de la paix en Afrique autour des années 90, l?exacerbation des atrocités imputables aux scènes de violence et la nécessité d?intégrer la non-violence dans la construction contemporaine de la paix en Afrique.

Premièrement, dans les années qui ont suivi les indépendances des Etats africains, le développement socio-économique était leur première préoccupation. A ce titre, des voies et moyens leur ont été proposés pour réaliser leurs objectifs de développement. L?on est ainsi passé de l?approche de la modernisation au modèle néolibéral actuel par le truchement du développement planifié, des politiques institutionnalistes et des dynamismes endogènes1. Au vu de ces expériences, un constat persiste : celui des échecs répétés de ces modèles de développement entraînant avec eux l?excroissance de la pauvreté ; car, la plupart des Etats ayant appliqué ces modèles de développement restent encore sous-développés. Plusieurs explications jaillissent sur ces échecs. Celles-ci tournent autour des thèses de l?infériorité et de la dépendance des Etats africains2. Les partisans de la première thèse expliquent par exemple que la primitivité du noir ne lui laisse aucune possibilité de s?auto déployer, d?autant plus que son architecture mentale est foncièrement attardée et par essence liée à la nature et n?a pas encore côtoyé la raison3. De là, les causes du sous-développement sont d?origines culturelles. Les seconds parlent de la prédominance des structures du Nord qui ne vivent que parce qu?elles aliènent celles du sud. En contrôlant les ressources du sud, elles perpétuent les chaînes du sous-développement par la dépendance. Pour cette seconde catégorie, le sousdéveloppement est d?ordre structurel4 et systémique.

En fonction des explications du sous-développement, des voies palliatives ont été proposées. A titre illustratif nous pouvons évoquer la déconnexion des Etats sous-développés du système international, l?institution des modèles de développement endogène et le renforcement de l?intégration entre Etats du sud par le transfert des technologies. Toutefois, les Etats du tiers-monde trouveront un consensus autour de l?institution d?un nouvel ordre économique mondial dont les accords UE-ACP en sont une matérialisation. La pensée dominante comme autre tendance proposant des issues de sortie du sous-développement vient

1 Schwerkens, Ulrike : Le développement social en Afrique contemporaine : une perspective de recherche inter et intrasociétale. L?Harmattan, Paris, 1995, p.36

2 Nga Ndongo, Valentin : Développement, émancipation et originalité in : David, Simo : La politique de développement à la croisée des chemins, le facteur culturel. CLE, Yaoundé, 1998, p.45

3 Id.

4 Samir, Amin : Impérialisme et sous-développement en Afrique. Anthropos, Paris, 1988

de l?occident. Celle-ci propose l?imposition des cultures et valeurs occidentales aux africains5. Ainsi, à travers les droits de l?homme par exemple, l?on peut sortir l?Afrique du sous-développement. Ce courant trouve son apogée au début des années 90 avec la conditionnalité de l?aide publique au développement par la démocratisation. Désormais, pour avoir accès à l?aide bilatérale et multilatérale, le respect des libertés sociopolitique, civile et économique des individus6 se posait comme une condition sine qua none. A cela s?ajoute aujourd?hui la bonne gouvernance. Le problème qui se posait était celui de démocratiser les régimes politiques africains car, l?autoritarisme et la dictature étaient du jour au lendemain considérés dans l?imaginaire occidental comme un frein au développement. L?absence de la liberté d?expression et du respect des droits de l?homme étaient autant de facteurs qui maintenaient les Etats africains au stade de sous développés et accentuaient les tensions sociales. Les tensions sociales débouchaient sur des conflits ouverts, qui se posent comme une négation aux processus de développement entamés au lendemain des indépendances. Pour donc déconstruire ces conflits, voir les « prévenir », c?est-à-dire instituer un état durable de paix, la conditionnalité démocratique de l?aide au développement était un moyen efficace. L?on comprend donc que l?objectif stratégique était pour les donateurs occidentaux d?arrimer les Etats africains à la nouvelle donne géopolitique internationale qu?était l?émergence de la démocratie et surtout de la mondialisation.

La déduction en est que pour la pensée dominante, le développement se pose aujourd?hui en termes de paix en Afrique. De nombreux analystes politiques pensent alors que la paix est l?angle sur lequel il faut attaquer et booster le développement en Afrique. A ce titre, des théoriciens ont proposé plusieurs stratégies devant amener les africains vers cette paix7. Il s?agit par exemple de la théorie de la paix démocratique8. Partant de l?idée que les régimes démocratiques ne se font pas la guerre, cette théorie postule que l?instauration des Etats démocratiques partout dans le monde entraînera la communauté internationale vers une paix durable. Dans un contexte africain, cette théorie est d?avis que, instituer des régimes politiques démocratiques est l?alternative aux conflits qui embrasent tout le continent. En

5 Ela, Jean-marc : ,Innovation sociales et renaissance de l'Afrique noire, les défis du monde d'en bas. L?Harmattan, Paris, 1998.

6 Ceci est une perception du discours sur la démocratisation prononcé à La Baule par le président français François Mitterrand lors du sommet Afrique France en 1990.

7 Bien que la pensée dominante soit d?avis que la paix peut conduire au développement, d?autres penseurs justifient que la paix ne peut conduire au développement, mais, que c?est plutôt l?inverse qui est possible ; c?està-dire que seul le développement peut conduire à la paix. A ce titre Cf Banseka, Cage: Development for peace: In search for solution to conflict in Sub-sahara Africa. Boca Raton, Florida, 2005

8 L?essentiel de cette théorie a été fomentée par Emmanuel Kant .Cf. Kant, Emmanuel : Vers La Paix Perpétuelle, Que signifie s'orienter dans la pensée ? Qu'est-ce que les lumières ? Flammarion, Paris, une présentation de Françoise Proust, 1991

second lieu, l?on peut évoquer la théorie de la paix libérale9 qui postule que l?interdépendance économique et la liberté du marché peuvent transcender toutes les sociétés ainsi que celles africaines. Au niveau de l?implémentation, ces deux principales théories s?unissent pour former l?approche libérale de la consolidation de la paix bien connue sous le vocable anglosaxon de liberal peace constitué de trois grands embranchements : l?approche maximaliste, l?approche minimaliste et une approche intermédiaire qui fait la synthèse entre les deux précédentes. Notons par exemple que, les minimalistes pensent qu?on peut juste calmer un conflit par le désarmement10. Les maximalistes quant à eux pensent qu?on peut résoudre un conflit en attaquant les causes structurelles ayant entraîné le conflit11. Mais le constat qui se dégage est que les stratégies utilisées par ces diverses approches pour résoudre les conflits restent les mêmes et le débat persiste plutôt sur le timing des opérations, le but et les stratégies à mettre en oeuvre ainsi que sur le contexte dans lequel la consolidation de la paix doit être effective12.

Le paradoxe est que depuis les années 90, la démocratisation comme le libre échange en Afrique n?a fait qu?accroître les conflits et favoriser les ethnocentrismes13. Toujours depuis ces années, les conflits en Afrique ont un ancrage ethnique profondément constitué14 et se transmettent comme par effet domino15.

Au Cameroun par exemple, les élections présidentielles de 1992 ont débouché sur des affrontements sanglants dont les opérations villes mortes, pays morts ou carton rouge exprimaient bien la quintessence16. A Sangmélima comme à Ebolowa, le clivage entre Bamiléké17 et Bulu18, historiquement constitué, trouvait alors un stade d?expression favorable avec le soutien des hommes politiques. Quelques deux années plus tard, c?était au tour du

9 Cette théorie est l?oeuvre des interdépendantistes qui atteignent leur apogée autour des années 1980 comme courant de pensée radicalement opposé au réalisme dans les relations internationales

10 www.peacebuildinginitiative.org

11 Id.

12 F.Diehl, Paul: Paths to peacebuilding, the transformation of peace operations in: T.David Mason and James D.Meernik: conflict prevention and peacebuilding in post-war societies, sustaining the peace. Routledge, London, 2006

13 Banseka, Cage: Democratic peace, in the spectrum of conflicts in sub-Saharan Africa. Boca Raton, Florida, 2005.

14 Bercovitch, Jacob and Fretter, Judith: Regional guide to international conflict and management from 1945 to 2003. C Q Press, Washington D C, 2004

15 Id

16 Mbock, Charly Gabriel : Les conflits ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? Saagraph, Yaoundé, 2000, p.111. Il est à relever ici que les opérations villes mortes et pays morts constituent des blocus général des institutions et activités nés dans les villes africaines dans les années 1990 avec la démocratisation. Au Cameroun, c?est un appel à la grève générale caractérisée par la fermeture des commerces, des services et des entreprises ayant débuté en avril 1991. Cf aussi pour une lecture approfondie sur la transition démocratique au Cameroun. Bitee, Françine : Transition démocratique au Cameroun de 1990 à 2004.L?Harmattan, Paris, 2008

17 Groupe ethnique de l?Ouest du Cameroun

18 Groupe ethnique majoritaire du Sud Cameroun

Rwanda de montrer à la face du monde à quel point l?ethnocentrisme conséquence d?une politisation de l?ethnicité pouvait dégénérer en génocide entre Hutu et Tutsi19.

Le second argument justifiant la rédaction d?un mémoire sur le Nord Kivu découle du précédent. En effet, en RDC, objet de cette étude, la démocratie a aussi favorisé la fragmentation des structures politiques, économiques et sociales si bien que le pays tout entier ne vit que dans le cycle de la violence depuis le début des années 90. L?entame du processus de démocratisation a été ici une quête révolutionnaire lorsqu?en 1996 une coalition de rebelles soutenus par le Rwanda, le Burundi et l?Ouganda avec pour leader Laurent Désiré Kabila remonta à Kinshasa, s?empara du pouvoir et contraint Mobutu à s?enfuir. Cette union fut moins fructueuse lorsqu?en 1998, les ex alliés de Laurent Désiré Kabila 20(Rwanda, Burundi, Ouganda) décident de se défaire de celui-ci. Comme conséquence, L.D Kabila est assassiné en 2001 et remplacé par Joseph Kabila. Depuis lors, la RDC connaît une succession de crises et son quotidien ne s?exprime plus qu?en termes de violence. Le Nord Kivu, foyer des tensions dans ce pays, est traversé par une spirale de violence interethnique, intraethnique, interétatique et régionale au point de laisser penser à Rusamira21 que la guerre du Nord Kivu est de nature complexe. Pour juguler le désastre humanitaire et bâtir un avenir de paix au nord Kivu, des stratégies de sortie de crise ont été proposées, allant des accords entre parties belligérantes à l?engagement des institutions internationales et régionales telles l?ONU, l?UA22 et l?Union Européenne.

A priori, nous pensons que ces mesures ne semblent pas trouver d?effet car la guerre persiste au Nord Kivu. Ces stratégies de gestion des conflits ne semblent pas mettre un terme à la crise humanitaire, aux viols massifs, à l?extorsion des ressources naturelles, aux meurtres et mutilations, aux déplacements forcés des populations et à la famine qui sévissent au Nord Kivu. Cette région telle que le précise Stephen Jackson est la « poudrière » et le « far west »23 de l?Afrique Centrale où l?on recense depuis 1996 plus d?un million de réfugiés et de déplacés. Les affrontements entre belligérants y ont causé des dégâts environnementaux

19 Pour plus de détails Cf Eboussi Boulaga, Fabien et Olinga, Alain Didier : Le Génocide Rwandais. Les interrogations des intellectuels africains. CLE, Yaoundé, 2006

20 Dans la suite de notre travail, nous utiliserons L.D.KABILA pour signifier Laurent Désiré Kabila.

21 Rusamira, Etienne : La dynamique des conflits ethniques au nord Kivu, une réflexion prospective.in : Afrique contemporaine 3/2003 no 207, pp 147-163

22 Les accords principaux signés à ce titre sont les suivants : l?accord de Lusaka (10 juillet 1999), l?accord de Sun city (1er avril 2003 l?acte d?engagement (janvier 2008). Toujours pour mettre un terme à ce conflit, l?ONU à crée la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC), chargée d?oeuvrer pour les opérations de démobilisation, de démilitarisation et de réinsertion des ex-miliciens et même des civils. L?Union Africaine à aussi oeuvrer à travers l?envoie de plusieurs missions de médiations, l?institution d?une action commune avec l?Union européenne dans l?optique de ramener la paix en RDC en général et au nord Kivu particulièrement.

23 Jackson, Stephen : « Nos richesses sont pillées ! »Economies de guerre et rumeurs de crime au Kivu in : Politique Africaine no 84 décembre 2001, p.117

énormes et ont donné naissance à une génération d?enfants qui ne connaissent que la violence. Dans l?ensemble, ces stratégies concernaient des options de gestion et de consolidation de la paix post conflit. Aussi, ces stratégies de consolidation de la paix ont été formulées en ne prenant en compte que l?approche néolibérale de gestion des conflits, à savoir la démocratie et l?institution des mesures économiques autorégulatrices. Ce qui ne constitue qu?un pas vers la nécessaire Paix Négative24. Ces stratégies ont dès lors ignoré la capitalisation des effets psychologiques des précédentes violences dans la construction d?une Paix Positive25.

Troisièmement, il n?est jamais de trop de mener une étude sur les conflits. Les considérations sécuritaires sont d?une importance capitale car, la violence ne permet pas de bâtir un avenir humain radieux, mais plutôt amenuise les chances d?exaltation et d?expression des fortes potentialités que l?être humain peut faire transparaître. Dans le combat pour la réappropriation de la nature humaine qui est d?essence pacifique, plusieurs personnages emblématiques tels que : Nelson Mandela, Mohandas Gandhi et Martin Luther King ont opté pour l?éducation à la paix via la non-violence26. La non-violence pour ces personnages historiques était un moyen pour réduire les risques d?implosion de la violence et par ricochet la réduction des énormes pertes en vies humaines enregistrées lors des combats violents. Ce challenge qu?est la non-violence était aussi pour eux, un moyen d?asseoir le progrès et l?émancipation des hommes par des voies pacifiques ceci pour un développement équitable, durable devant bénéficier à tous. Quoi que les approches développées par ces personnages soient très pertinentes, elles ont faillis à une limite fondamentale, qui est celle de ne pas considérer les conséquences négatives27 de l?application de la non-violence. En effet, la nonviolence telle que classiquement pensée par ces personnages pourrait avoir des répercussions humaines, politiques et matérielles néfastes. De plus, la violence à des effets aussi bien sur le violenté que sur le violent. Celui qui commet la violence peut aussi subir soit directement ou par effet boomerang les impacts négatifs de l?acte posé. Dans ce sens, la non-violence peut

24 La paix négative renvoie à l?absence de guerre, de violence perceptible, de conflits armés ou de toute autre forme d?affrontements entre des entités constituées.

25 « Paix qui va au-delà d?une simple absence de guerre et de violence et présuppose une condition qui réunit harmonieusement les dimensions de justice sociale, d?égalité, de libertés politiques et individuelles, de plein épanouissement des potentialités de l?humain tout court et une existence harmonieuse avec l?écologie ». C?est donc l?absence des violences structurelle, culturelle et directe dans une société établit. Cf Tagou, Célestin (dir) : La dynamique des conflits, de la Paix et du Développement dans les Sociétés Africaines, du local au global. PUPA, Yaoundé, 2010, p. 31

26 Id,pp 51-55

27 A titre illustratif, la désobéissance civile entamée par Gandhi en 1920 à produit comme effet le départ des colons anglais et plus tard l?acquisition de l?indépendance en 1947. Or l?ancien empire britannique des indes à l?indépendance est partitionné en deux à savoir l?Inde et le Pakistan. A partir de cette partition, l?Inde et le Pakistan vivront des séries de violences interétatiques dès l?année 1947 qui ont entrainé près de 12 millions de déplacés la même année.

être bénéfique et appliquée par l?ensemble des parties en conflit. Ceux-ci peuvent être éduqués par la prise de conscience de la bêtise humaine de leurs actes violents et par la psychose des dégâts qui en résultent. Ainsi, le Calcul de l?Horreur, c?est-à-dire l?évaluation systématique des pertes et surtout des pertes en vies humaines encourues dans les violences antérieures, peut être un élément supplémentaire aux approches traditionnelles de nonviolence.

Il est donc utile pour nous dans l?entreprise de paix au Nord Kivu, d?attaquer les causes des violences directes dans l?espoir d?y trouver un mécanisme de leur prévention, lequel mécanisme prend en compte de façon globale les conséquences des affrontements, les enjeux et intéréts relatifs aux conflits. Ainsi, le calcul de l?horreur pourrait-il être la thérapie au mal qui secoue le Nord Kivu depuis des décennies.

ii : LIMITATION DU SUJET

Dans un travail scientifique, limiter le sujet de recherche est essentiel pour l?appréhension du contexte dans lequel se produit notre analyse. A cet égard, notre sujet présente une triple délimitation : temporelle, géographique et théorique.

Au plan temporel, cette étude porte sur le calcul de l'horreur comme instrument

.

1990 marque le début de la démocratisation dans les Grands Lacs en général et en RDC en particulier ; démocratisation qui a entraîné les tensions sociales dans cette région. Cette date marque aussi le début des recherches des modèles de paix devant être appliqués en RDC et au Nord Kivu après le triomphe de l?idéologie du free market. Tandis que, 2011 marque la date de la tenue de la seconde élection présidentielle en RDC après les catastrophes humaines du début des années 2000. Cette élection est d?un enjeu déterminant pour le climat sécuritaire et se pose comme potentiel facteur d?escalade de la violence d?autant plus que les plaies issues des déchirements et des scènes de violences passées n?ont pas encore étépansées.

Au plan géographique, le choix du Nord Kivu vient du fait que, cette région connaît des cycles de violence permanents et abrite un des foyers de tensions les plus importants en Afrique subsaharienne. Le Nord Kivu est écartelé entre plusieurs pays dont le Rwanda,

l?Ouganda et le Burundi et, en plus, possède d?énormes réserves en coltan, or, cassérite et en wolframite très prisée dans le développement des industries de télécommunications28.

Au plan théorique, nous nous situons dans la perspective de la transformation des conflits qui asserte qu?on peut résoudre voire prévenir la violence en changeant le violent en humaniste29. Selon cette perception, les conflits doivent être transformés de façon pacifique pour la réalisation de la paix. Cette transformation nécessite toute une action non seulement sur les structures, les comportements, les attitudes et les interrelations, mais surtout sur la psychologie des parties en conflit qui favorisent la violence. La transformation intègre la résolution et la prévention. C?est elle qui est susceptible de créer les conditions d?une paix positive. Notre option est donc orientée vers la prévention de la re-escalade de la violence dans l?optique de la transformation à long terme des conflits au Nord Kivu.

iii : REVUE DE LA LITTERATURE

Réaliser un travail scientifique nécessite la consultation d?ouvrages centraux dans lesquels le problème a déjà été traité. Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt précisent que « les lectures aident à faire le point sur les connaissances concernant le problème de départ...il s'agit en quelque sorte d'un premier tour de piste avant d'engager des moyens plus importants »30. Ainsi, pour mener à bien notre recherche nous nous sommes situés dans le sillage de plusieurs publications afin de mieux comprendre l?objet de notre étude et de proposer des pistes nouvelles de réflexion pour la prévention de la violence directe au Nord Kivu.

Jean Emmanuel Pondi31 présente les causes historiques, militaires, politiques et les dimensions stratégiques qui ont débouché sur la crise congolaise de 1996-1997. L?auteur soutient l?idée selon laquelle l?absence d?une élite intellectuelle dès l?indépendance est la cause du chao que vit la RDC. Par ailleurs, il propose la transition démocratique et une bonne gestion de la chose publique pour résoudre le conflit à ce stade. Dans notre travail, nous allons souligner que la transition démocratique telle que proposée par l?auteur n?a fait qu?accroître

28 Braeckman, Colette : Les Nouveaux prédateurs, politiques des puissances en Afrique Centrale. Fayard, Paris, 2003

29 L?approche de la transformation des conflits se situe dans une longue tradition dans la pensée et les plans de paix. Elle prend véritablement corps de façon pratique avec Ghandi dans l?application de sa stratégie de nonviolence à travers l? « ahimsa », qui est l?amour du violent en vue de le transformer. Des auteurs tels Galtung Johan et John Paul Lederach viendront en fournir une conceptualisation épistémologique.

30 Quivy, Raymond et Van Campenhoudt, Luc : Manuel de Recherche en Sciences Sociales. DUNOD, 2è Edition entièrement revue et augmentée, Paris, 1995, p.63

31 Pondi, Jean Emmanuel : Du Zaïre au Congo Démocratique : les fondements de la crise. Les éditions du CRAC, Yaoundé, 1997

les conflits de façon générale en RDC et plus particulièrement au Nord Kivu. Nous insisterons sur le fait que rechercher une voie de paix positive au Nord Kivu exige le dépassement de la démocratie libérale et impose aux acteurs une transcendance en vue de transformer le conflit en une nouvelle situation.

Colette Braeckman32 analyse la guerre qui éclate en RDC en 1998. Elle relève que l?escalade de la violence dans ce pays à cette période précise peut être comprise comme le désir de prédation des richesses naturelles de la RDC par ses Etats voisins avec la bénédiction des Etats occidentaux. Ces nouveaux prédateurs tels que Braeckman le précise utilisent des arguments sécuritaires sous régional pour foisonner la RDC afin de s?accaparer des ses richesses naturelles pour construire leur développement. Mais, l?analyse de l?auteur se limite à l?année 2002. Il n?en ressort pas non plus une proposition de sortie de crise ou de prévention de nouvelles violences. Nous allons montrer dans notre travail que les ressources naturelles expliquent en partie la violence et que, la prise de conscience de leurs effets négatifs par les parties en conflits peut établir les préalables d?une paix durable.

Stephen Jackson33 présente les facteurs psychologiques qui nourrissent la guerre aux Kivu. La « Rumeur » est considérée comme le principal instigateur de la violence. Cette rumeur à travers les tracts et affiches dont on ne connaît les auteurs dénonce l?annexion des ressources de la RDC par le Rwanda et appellent les autochtones à éliminer tous les Tutsis. Il est vrai, la rumeur peut accentuer la violence, mais dépasse-t-elle les facteurs historiques socio-économiques et/ou politiques pour ne citer que ces cas, pour que l?auteur l?érige comme facteur principal ? Nous relèverons dans notre travail que tous les facteurs alimentant une crise se valent et s?enchevêtrent et, qu?aucun n?explique mieux le conflit sans les autres. L?auteur a fait recours à la psychologie des violences comme cause. Mais nous allons en faire recours comme instrument de gestion et de prévention.

Joseph Gahama34 analyse les violences répétitives dans les Grands Lacs comme étant dü aux facteurs historiques (lié à la manipulation coloniale et à l?action de l?élite) aux problèmes structurels (liés au sous-développement), aux facteurs psychologiques (entretenant le cycle de la violence) ainsi qu?à la dégradation des valeurs socioculturelles (liée à la perte des notions relatives à la paix). L?auteur soutient l?idée que le mythe hamitique35 est le

32 Braeckman, Colette, op.cit

33 Jackson, Stephen : « Nos richesses sont pillées ! Economies de guerre et Rumeurs de crime au Kivu » in : politique Africaine no 84, décembre 2001

34 Gahama, Joseph : Les causes des violences ethniques contemporaines dans l'Afrique des grands lacs : une analyse historique et sociologique. CODESRIA, Paris, 2006

35 Les hamites selon la table des peuples figurant dans l?ancien testament en Genèse 10 sont les descendants de Cham fils de Noé. La théorie hamitique émerge à partir du XIXe siècle comme thèse raciale de différenciation

fondement des violences actuelles que vivent la région des Grands Lacs et l?Est de la RDC particulièrement. Or, avec la dynamique de l?évolution du conflit dans le Nord Kivu, l?on constate la présence de nouveaux facteurs qui alimentent la guerre à l?instar du développement technologique nécessitant une plus grande alimentation en colombo tantalite (coltan), ressource dont la RDC regorge d?une immensité. De ce fait, le cycle de violence est aussi bien une question d?intérêts économiques qu?identitaires. L?on ne pourrait donc penser que le mythe hamitique explique seul toute la violence que connaît actuellement le Nord Kivu ; ce que nous allons relever dans notre travail en y ajoutant l?élément de l?oubli des horreurs antécédents.

Georges Berghezan et Félix Nkundabagenzi36 présentent les causes du raidissement des relations entre le régime de L.D.Kabila, le Rwanda et l?Ouganda. En effet les auteurs soutiennent l?idée selon laquelle les questions relatives aux droits de l?homme constituent les facteurs de l?agression rwando-ougandaise contre la RDC de L.D.Kabila qui pourtant quelques années plus tôt étaient des alliés dans la guerre de libération du Congo de 1996 qui marqua la fin du règne Mobutu. Nous allons relever dans notre travail que les questions identitaires et les ressources naturelles sont aussi des enjeux de cette agression dont les atrocités sur le plan humains sont incommensurables.

Jean François Ploquin37 explique les raisons de la pénibilité à ramener la paix en RDC. En effet, pour lui, la société civile censée jouer un rôle pacificateur au lendemain de la première guerre internationale africaine présente « l?image confuse d?un corps divisé »38 car beaucoup de ses leaders sont instrumentalisés par les partis politiques. Ceci va battre en brèche le dialogue intercongolais. Or, que comprendre par société civile ? À quoi se ramène ce concept ? Dès lors que l?auteur ne peut nous dire concrètement ce qui rentre dans la catégorie « société civile », l?analyse reste biaisée sur les acteurs qu?il nomme comme primordiaux devant jouer un rôle essentiel dans le processus de construction de la paix en RDC. Dans notre étude, nous allons déterminer les éléments entrant dans la société civile pour juger des potentialités de construction de la paix endogène au Nord Kivu et surtout le rôle de la société civile dans la conscientisation des populations sur les atrocités du passé.

entre les peuples. La théorie hamitique suggérait que la race hamite est supérieure à celle noire d?Afrique au Sud du Sahara et que, toutes les avancées technologiques, les innovations voir la civilisation que l?on retrouve en Afrique est l?oeuvre des Hamites. Par conséquent, le Hamite est un seigneur dotée d?une supériorité absolue.

36 Berghezan, Georges et Nkundabagenzi, Félix : La guerre du Congo-Kinshasa, analyse d'un conflit et transfert d'armes vers l'Afrique Centrale, GRIP, 99/2, 1999

37 Ploquin, Jean François : « Dialogue intercongolais : la société civile au pied du mur »in : Politique Africaine no 84, décembre 2001

38 Id p.11

Ludo Martens39 présente les limites de l?accord de Lusaka. L?auteur ressort que les USA sont en grande partie responsables d?une négociation perdue pour la RDC au profit du Rwanda, du Burundi et de l?Ouganda. Il tente donc de persuader que la perpétuation de la guerre en RDC et au Nord Kivu est l?oeuvre américaine. De facto, les USA sont pointés comme responsables du mal que vit la RDC. Il s?agit là d?une approche explicative basée sur la théorie du complot40 car l?auteur néglige la part de responsabilité de la RDC dans le conflit et la présente uniquement que comme victime. De là nous relèverons dans notre travail que c?est la confluence des actions des acteurs en même temps internes qu?externes qui produit la guerre en RDC et donc au Nord Kivu, tous n?étant pas conscients au même degré des conséquences de la violence directe.

Philipe Biyoyo Makutu41 propose un nouvel ordre politique et institutionnel comme voie de sortie de crise et de retour à la paix en RDC. Pour lui, cet ordre est susceptible de redonner espoir, fierté et prospérité à un peuple dont l?histoire a toujours été dramatique. Mais notre auteur présente juste cet idéal qu?est le nouvel ordre politique et institutionnel, ses atouts, vante ses mérites sans toutefois en présenter les mécanismes et les modalités de mise en oeuvre. Est-ce un nouvel ordre basé sur la démocratie, l?autoritarisme ou une monarchie pour ne citer que ceux-ci ? L?auteur n?en dit pas mot. Dans notre travail, nous allons proposer une contribution de prévention non-violente de la violence pouvant conduire à cet avenir de paix, cet idéal que décrit Makutu.

Célestin Kengoum42 analyse la dynamique du conflit en République Démocratique du Congo sous les régimes Mobutu et Kabila Laurent Désiré. L?auteur présente la mauvaise gestion des affaires politiques et économiques comme facteurs ayant accentué et débouché sur ce qu?il appelle la première guerre internationale africaine43. Il pense toutefois que le conflit dans les Grands Lacs n?est pas la conséquence de la fin de la guerre froide car dans cette région, des tentatives de prise de pouvoir se dessinaient depuis les années 1960. De plus, pour

39 Martens, Ludo : $cents76il RIi 7rffRERIIRIIRIXiIAMERIe iei SIalli, les plans américains pour la division et la mise sous tutelle du congo. 2000

40 L?approche basée sur le complot désigne la croyance en l?existence d?une conspiration secrète, criminelle ou politique en vue de détenir un pouvoir politique, économique ou culturel. Celles-ci interprètent les événements selon un plan concerté et orchestré par des groupes malveillants. Ainsi, une approche du complot discrédite les informations officielles et présume l?avènement d?un fait par la conspiration en vue d?une domination. Dans ce cas précis, le complot que Martens relève voudrait montrer que les USA veulent s?accaparer des richesses

minières de la RDC. C?est pourquoi en soutenant le Rwanda et l?Ouganda, ils fragilisent la paix, donc n?ont aucun intérêt à ce que ce pays retrouve la stabilité et le développement.

41 Biyoyo Makutu, Philipe : Pour un autre Avenir congolais de paix. CEDI, Kinshasa, 2002

42 Kengoum, Célestin : La dynamique du conflit congolais(RDC) : crise et sortie de crise. Mémoire présenté en vue de l?obtention du DEA sécurité internationale et défense, Université Pierre Mendes France, Grenoble II, 2002-2003

43 Id,p.13

notre auteur, le conflit dans les Grands Lacs donc au Nord Kivu est essentiellement la cause des européens qui viennent y reproduire leurs antagonismes. Kengoum conclut que les congolais ne sont pas responsables de la guerre qu?ils vivent. Nous allons montrer dans notre travail que les Congolais ont bel et bien une part de responsabilité dans les cycles de violence qui les embrasent. Ils en sont les principaux auteurs.

Richard Borigas et Bouguil Jewsiewicki44 présentent la part des jeunes (cadets sociaux) dans la guerre en RDC. Ils expliquent que pour les jeunes, la guerre est une forme de résistance ainsi qu?un moyen de survie car d?elle découle les moyens financiers pour assurer le quotidien. Ce sont eux qui constituent pour le plus grand nombre les milices. Mais nos auteurs ne déterminent pas ce qui encourage ces jeunes à entrer dans l?activité guerrière. Ainsi, dans la présente étude, nous allons relever les facteurs déterminants l?implication des jeunes dans les scènes de violences et surtout leur ignorance des horreurs du passé.

Ayafor Emmaculate Mefor45 examine les facteurs liés à l?implication des jeunes dans les conflits en tant que combattants et comment le programme de démobilisation et de réintégration essaie d?apporter une contribution pour réintégrer les ex-enfants soldats dans la société. L?auteur est d?avis que la réintégration des ex-enfants soldats mettra fin à l?insécurité et promouvra le développement économique de la RDC. Elle détermine ainsi seuls les enfants soldats comme facteurs d?insécurité, ignorants d?autres acteurs internes et externes qui motivent ces enfants à entrer en guerre. De là, la recherche d?une solution pour la crise en RDC doit se trouver dans une perspective globale, éclectique, prenant en compte de manière transversale tout ce qui constitue un obstacle à la paix.

Ces différents ouvrages, articles et mémoires consultés sont focalisés sur trois aspects : les causes des conflits, les stratégies de résolution et les enjeux et intérêts y relatifs en RDC en général et au Nord Kivu en particulier. Ils n?expliquent cependant pas deux choses :

· Qu?une option pour la non-violence est déterminante pour le retour à la paix au Nord Kivu ;

· Que si les parties prenantes aux conflits au Nord Kivu avaient été amenées à calculer systématiquement le poids des pertes et les atrocités de potentiels affrontements, ils s?abstiendraient de s?enrôler dans l?activité belligérante.

44 Borigas, Richard et Jewsiewicki, Bouguil : Vivre dans la guerre : Imaginaires et pratiques populaires de la violence en RDC in : Politique Africaine no 84, décembre 2001

45 Ayafor, Emmaculate Mefor: The social reintegration of demobilised child-soldiers as a means of peace and development in central Africa: the case study of DR-Congo. master thesis presented and defended for the obtention of the academic diploma of master of arts in peace and Development, Yaoundé, October 2009,protestant University of Central Africa

En plus d?avoir créée le concept du Calcul de l?Horreur comme instrument psychologique de prévention non-violente de la violence directe, c?est en ces deux éléments que notre étude est novatrice de celle des auteurs que nous avons lu et dont les idées nous ont fortement orientées.

Bien plus, dans toute la littérature par nous parcourue, nous n?avons pu trouver d?auteur proposant l?évaluation des conséquences négatives de potentiels escalades des conflits comme moyen de prévention de la violence directe. D?où, la nécessité pour nous d?explorer cette nouvelle piste de reflexion.

iv : QUESTIONS DE RECHERCHE

Les conflits comme l?exacerbation de la violence sont des constructions. Ceci dit, s?ils sont construis, par le mécanisme inverse, ils peuvent également être déconstruis, l?homme étant doté par nature de la notion du bien et de la rationalité. Aussi bien que l?atteinte de ses objectifs qu?il calcule systématiquement peut s?effectuer par le truchement de la violence, aussi bien il peut réduire ces objectifs qu?il atteindra via des moyens pacifiques par un calcul systématique des conséquences qu?il encoure en utilisant la violence directe. C?est pourquoi nous nous posons les questions suivantes :

> Question centrale

Le calcul de l?horreur est-il pertinent pour la prévention de la violence directe au Nord Kivu ?

> Questions secondaires

? L?évaluation systématique des conséquences de la violence directe constitue-telle un facteur dissuasif de futurs affrontements ?

? La perception de l?horreur permet-elle d?établir un compromis en réduisant les intérêts et enjeux liés aux conflits pour les transformer en une nouvelle situation vivable pour tous ?

v : HYPOTHESES DE RECHERCHE

Dans un contexte de rupture de l?état de droit, de faillite de l?Etat et d?escalade des violences intergroupes sous l?autel des griefs, les parties en conflit développent une psychose de la violence. En évaluant les pertes enregistrées dans les moments de violences ouvertes,

elles deviennent conscientes du tort qu?elles ont causé aux autres et à elles méme par voie de conséquences. Cette conscientisation les prédispose dès lors à renoncer au recours à la violence comme moyen d?atteinte de leurs objectifs. Dans ce sens :

> Hypothèse centrale

Le calcul de l?horreur est pertinent pour la prévention de la violence directe au Nord

Kivu.

> Hypothèses secondaires

· L?évaluation systématique des conséquences de la violence directe peut dissuader les potentiels acteurs d?affrontements;

· La perception de l?horreur permet d?établir un compromis en réduisant les intérêts et enjeux liés aux conflits qui peuvent être atténués par les moyens non-violents.

Notre objectif est d?élaborer une stratégie de prévention de la violence directe basée sur la non-violence et l?idéal de paix.

Il est question de montrer que l?appropriation par les groupes communautaires des instances de prévention de futures violences et des conséquences négatives y relatives, est une « garantie » de paix positive et d?un développement durable au Nord Kivu. Aussi, il est question de montrer que l?escalade de la violence directe au Nord Kivu a des impacts négatifs très considérables et que, les approches de paix appliquées au Nord Kivu donnent lieu à de nouvelles violences.

vi : METHODOLOGIE DE LA RECHECHE

Comme position théorique, nous nous situons dans la perspective de l?école de Franckfort, laquelle indique que toute réalité sociale doit être abordée de façon critique. De là, le constructivisme est l?approche utilisée pour analyser les faits décris. La collecte des données s?est effectuée grace aux données documentaires et d?entretiens semi directifs et qualitatifs. Huit entretiens semi directifs et qualitatifs ont été réalisés avec des spécialistes des questions de paix au Nord Kivu et originaires de la RDC en général et du Nord Kivu pour la plupart. Les données documentaires ont été tirées d?ouvrages publiés, d?articles scientifiques, de revues, de mémoires et thèses, d?encyclopédies et de sources iconographiques se trouvant dans les bibliothèques de l?UPAC, de l?UCAC, de l?Université

de Yaoundé I, de l?Université de Yaoundé II Soa, de la Fondation Paul Ango Ella, des ambassades des USA et de la RDC au Cameroun, et d?internet. Enfin, l?analyse des données récoltées a été effectuée grace à la technique de l?herméneutique. Cette technique nous permet de déceler les non dits, les systèmes de valeurs, les idéologies et les croyances relatives à la violence et aux possibilités de construction de la paix à partir des groupes locaux, à condition qu?ils prennent conscience des horreurs des précédentes violences et se disent : plus jamais !

PREMIERE PARTIE :
DEFINITION DES CONCEPTS CLES ET
CADRE THEORIQUE

 

Tout travail scientifique nécessite une clarification des concepts, théories et approches qui lui permettent de bâtir les connaissances élaborées. Ceci est considéré comme une exigence devant obéir à la rigueur scientifique. Les fondements épistémologiques sont la clé du démarrage de tout travail de recherche. Dès lors, la nécessité s?impose de fournir une profonde explication des perspectives et orientations théoriques et conceptuelles qui seront employée tout au long de cette étude. Ainsi, nous présenterons tour à tour une définition des concepts clés et le cadre théorique de notre étude.

CHAPITRE I : DEFINITION DES CONCEPTS CLES

Ce chapitre fournit une précision sur les concepts clés utilisés pour forger notre sujet et définir les priorités de notre recherche. Ces concepts sont entre autre : calcul, horreur, violence et conflit.

I- Le Calcul et l'Horreur

Nous essayons de cerner ici d?une part ce qu?est le calcul (A) et d?autre part ce qu?est l?horreur (B).

A- Le Calcul

D?après le dictionnaire Le nouveau Petit Robert46, le « calcul » désigne une mise en oeuvre des règles élémentaires d?opérations sur les nombres ; la transformation d?une quantité mathématique en appliquant les règles des techniques opératoires correspondant aux opérations qui interviennent. C?est aussi l?action d?évaluer la probabilité de quelque chose ; l?ensemble des techniques d?aides à la prise de décision qui permettent de comparer les avantages et les inconvénients d?un choix économique. Le calcul désigne aussi l?ensemble de mesures habilement combinées pour obtenir un résultat. C?est une intention, une préméditation, un acte intéressé.

Dans le cadre de cette étude, nous considèrerons le « calcul » comme l?action d?évaluer la probabilité de quelque chose, éventuellement l?escalade des conflits.

46 Rey-Debove, Josette et Rey, Alain (dir) : Le nouveau Petit Robert de la langue française. Le Robert, 2009

Le calcul pris comme action d?évaluation de l?escalade des conflits se ramène à deux principales notions : celle d?évaluation proprement dite et celle de gestion des crises.

1- Le calcul comme évaluation

Se ramenant à l?évaluation, le calcul se réfère à l?activité de collecter systématiquement, d?analyser et de rapporter les informations pouvant être utilisées pour changer les attitudes ou améliorer une condition. Il répond à un nombre de critères et de standards. C?est aussi un processus qui vise à fournir des informations valides et utiles sur des opérations précises. Dans cette logique, le calcul intègre plusieurs éléments : c?est une collecte systématique des informations qui doivent être utilisées de façon spécifique par des groupes ou des personnes identifiables dans le but de prendre des décisions sur des questions les concernant. Bien que ses considérations soient vastes, le calcul a cette nature de comparer ce qui doit être d?avec les évidences, c?est-à-dire ce qui est.

2- Le calcul comme gestion des crises

Thomas Delavallade47 souligne que la formalisation de la notion de gestion des crises remonte à la moitié du XXe siècle avec notamment les travaux en Sciences économiques de Von Neumann et Morgenstern qui posent les bases de la théorie des jeux autour des années 40. Plus tard, c?est-à-dire dans les années 60-70, l?industrie initie le développement d?outils méthodologiques afin de limiter les coûts liés aux défaillances techniques et fonctionnelles. Les recherches sur les risques se font alors dans plusieurs domaines au gré des crises qui secouent les Etats. Par exemple, les catastrophes de Tchernobyl, les risques de catastrophes naturelles avec le Tsunami qui frappa l?Asie du sud-est en 2004 font émerger la conscience en matière d?évaluation des risques potentiels des crises. Aussi, le système bancaire s?en inspire pour déterminer les risques de marché et de crédit matérialisés par les accords de Bâle et de Bâle II entre les banques centrales du G10, lesquels ont spécifié des standards de bonne gestion afin de systématiser et rationaliser l?approche du risque. Dans le méme sillage, des institutions telles la BM, FAST international et l?ONU pour ne citer que ceux-ci, constituent des plateformes de recherche et de mise en oeuvre des mesures d?alerte des conflits à travers l?évaluation des potentialités d?escalade de ceux-ci. Le calcul renvoie alors à la mise en

47 Delavallade, Thomas : Evaluation des risques de crise, appliquée à la détection des conflits armés intraétatiques. Thèse de Doctorat de l?Université de Paris 6 présentée pour obtenir le grade de Docteur de

l?Université Paris 6(spécialité Informatique), Université Pierre et Marie Curie, Paris, 06 décembre 2007

balance des différentes politiques possibles visant à faire face aux risques identifiés ; risques d?escalade des conflits bien entendu. Dès lors, le calcul qui vise à prévenir la violence intègre deux principales dimensions, à savoir : l?incertitude quand à l?occurrence des scènes de violence, et la magnitude desdits phénomènes.

B- L'Horreur

Le Nouveau Petit Robert48 définit l? « horreur » comme une sensation d?effroi, de répulsion causée par l?idée ou la vue d?une chose horrible, affreuse, repoussante. L?horreur provoque la répugnance, l?effroi, le dégoüt.

1- Perceptions et rôles de l'horreur

L?horreur telle que perçue et considérée aujourd?hui est un concept doté d?une appréhension lointaine.

Considérant que l?horreur est liée aux sentiments, à l?état psychologique individuel, nous pouvons asserter qu?elle peut se reproduire en tous les hommes compte non tenu des traditions, appartenances et autres croyances. Chaque être humain peut ressentir la peur, la crainte face à une situation débordante ; quoi que le degré de cette peur ou de cette crainte dérive du conditionnement mental, donc peut varier selon les individus. L?horreur est donc un sentiment propre à l?humanité. Elle est civilisationnelle, culturelle et dépend du degré d?intégration des individus.

Dans l?antiquité, les considérations sur l?horreur tournaient autour des questions sur l?héliocentrisme et le théocentrisme. Il était question de déterminer la place de la divinité dans le développement de l?individu. Naquirent alors des écrits, des mythologies sur la représentation de la vie et de la mort en ce qu?elles sont intimement liées à la notion de divinité. Les argumentaires tournaient autour d?une force externe, supreme, dynamique qui possède le total contrôle sur l?homme. Accéder dès lors à cette force nécessitait une hygiène de vie, des représentations particulières et des comportements précis. La violation de ces règles était susceptible de punition en même temps par la société que par cette force suprême. La crainte était l?élément qui limitait les abus et autres déviances.

Dans l?époque contemporaine, les considérations sur l?horreur sont beaucoup plus développées dans les écrits théologiques et romanciers; méme si l?idée de guerre reste le fond

48 Id.

de la pensée occidentale. Sont alors abordés à cette époque et ce qui se reproduit jusqu?à l?époque actuelle, les notions du bien et du mal. Celles-ci expriment la vision manichéiste du monde dû par les religions. Les écrits apocalyptiques par exemple de Saint Jean, présentent l?image du diable, monstre répugnant cause des désastres des humains, mais qui finira par être vaincu par Dieu49. L?orientation biblique est essentiellement focalisée sur la peur, la crainte, l?horreur des événements à venir (la fin du monde). Les questions du bien et du mal seront au centre de toute une tradition exprimée en termes de civilisation qui se retrouvera plus tard dans les domaines politiques, économiques et socioculturel d?autres peuples. Il s?agit de la civilisation occidentale qui, sous l?influence de ces notions ira vers d?autres nations pour transformer et développer. Et c?est aussi dans cette logique que les guerres s?intensifieront et que les situations d?horreur se multiplieront.

Par ailleurs, à côté de cette littérature manichéiste, naîtra un champ critique de l?activité belligérante et des guerres. Se basant sur les atrocités de la guerre avec par exemple les pertes en vies humaines, les mutilations d?individus ainsi que des destructions matérielles, plusieurs auteurs et activistes de paix dénoncent la guerre et proposent des stratégies pour son éviction. Kant par exemple dans son projet de paix perpétuel50 quoi que défendant l?idée de ce qui sera plus tard la démocratie, propose la démilitarisation des Etats et la remise du droit d?aller à la guerre au peuple. Dans cette même logique plusieurs mouvements de paix créeront des assemblées, formeront des coalitions pour militer en faveur de l?arrêt immédiat de la guerre et l?application des principes non violents.

Ceci suggère que l?horreur à une valeur éducative, voire humanisant. Des leçons peuvent être déduites de l?horreur, des enseignements peuvent y être ressortis en termes de construction de l?idéal qu?est la paix.

2- L'Horreur dans la guerre

La guerre est ce qu?il y?a de plus ignoble. Elle participe à la destruction de l?humanité et au renchérissement. La guerre condamne les capacités de déploiement et amenuise les chances de réussite et de naissance d?un dialogue favorable à la paix. De par ses conséquences, de par les atrocités qu?elle met en lumière, elle est la représentation de la barbarie et de l?animalité humaine.

49 Lire à ce titre APOCALYPSE DE JEAN in La Sainte Bible. Traduite d?après les textes originaux Hébreu et Grec par Louis Secong, Alliance Biblique Universelle, 2008, pp.1250-1268

50 Kant op.cit, p.85-86

La condamnation de la guerre est sujette aux pratiques malsaines et déshumanisantes qui s?y réfèrent. Elle a un impact négatif sur l?ensemble des domaines d?expression des hommes. A savoir les domaines politiques, économiques, socioculturels et environnementaux. Tous ces impacts témoignent de l?horreur vécue pendant la guerre.

Tout d?abord, au plan politique, la guerre est source d?instabilité. Cette dernière se caractérise par la multiplication de milices et groupes armés, l?impossibilité pour l?Etat d?assurer sa légitimité et ses droits régaliens, la paralysie des institutions. L?instabilité politique légitime les réclamations des acteurs impliqués dans le conflit. Elle donne lieu aux tentatives de coup d?Etat et d?institution des régimes dictatoriaux. Sur ce méme volet politique, la guerre participe à la naissance et/ou à la perpétuation des systèmes tels la

corruption et la mauvaise gouvernance. Ceci est dû au fait de la quasi absence de légitimitéétatique et de la constitution des institutions étatiques en jungle, c?est-à-dire des lieux référant

l?état de nature tel que pensé par Thomas Hobbes.

Ensuite, au plan économique, l?horreur exprimée dans la guerre se manifeste aussi par la paralysie des institutions créant une stagnation voire un profond ralentissement de l?activité économique. Le rythme des exportations régulières est réduit et les importations s?intensifient. Ce qui crée l?Etat de dépendance de l?Etat vis-à-vis de l?extérieur. Très souvent en situation de guerre, seuls les trafics d?armes et l?illicite exploitation des ressources naturelles constituent l?activité économique principale. Les armes contribuent à accentuer et alimenter la guerre, les ressources naturelles également. Dans cet état de choses, l?Etat est le principal perdant en ce qu?il perd d?énormes potentialités naturelles à travers l?illégale exploitation des ressources naturelles ; et perd des ressources humaines drainées sous l?autel du trafic des armes.

Bien plus, les plans social et culturel n?en subissent pas moins les atrocités ou horreurs de la guerre. Pertes en vie humaines, énormes mutilations, déplacés et autres apatrides caractérisent l?activité belligérante. Celle-ci établit des rapports sociaux défavorables à la paix, voir au développement dans un sens. Dans un autre sens, elle fragmente le processus de réalisation culturel, fait perdre des repères historiques nécessaires à la conscience collective et aliène de façon générale la culture exprimée. La destruction des canons culturels va avec l?aliénation du peuple.

Enfin, au plan environnemental, la guerre renforce les maux d?essence naturelle et en crée d?autres. L?usage des armes chimiques, le déferlement des corps dans les eaux intensifient la pollution. La destruction de la faune et de la flore renforce cet état de fait. La

symbiose entre environnement et être humain se brise alors progressivement sous le poids de la guerre.

Par ailleurs, bien qu?il existe un Droit international humanitaire c?est-à-dire un droit de la guerre, les horreurs et atrocités s?observent toujours et parfois croissent davantage. La nécessité se porte méme sur l?existence d?un droit de la guerre. Car, faut-il permettre qu?il y?ait une guerre bien qu?on puisse la réguler. Aussi, l?émergence d?un droit international des Droits de l?Homme n?empêche pas que des horreurs soient commises lors des guerres. Le droit se pointe donc comme important mais non fondamental pour taire les antagonismes qui peuvent pousser à l?extrême les attitudes et comportements malsains des acteurs en conflit.

A ce titre, nous pouvons observer par exemple qu?en période de guerre froide, seul l?équilibre de la terreur marqué par la possession de l?arme atomique par les deux blocs en conflits, avait pu du moins en ce qui constituait l?affrontement direct entre blocs, calmer les antagonismes. La reconnaissance par les deux blocs des effets et impacts de l?arme atomique leur a permit d?avoir une relative paix.

Ce qui est important c?est le fait pour ces parties d?avoir réalisé qu?une atteinte à l?intégrité humaine pouvait avoir des conséquences infinitésimales, et de s?être abstenus de recourir à la violence. Ainsi, l?horreur quoi que néfaste en ce qui concerne le militantisme et la quête pour la paix, peut servir de jalon pour construire une Paix Positive.

Le Calcul de l?Horreur est alors l?évaluation systématique des conséquences négatives de la violence directe; lesquelles conséquences peuvent advenir en cas de l?escalade de ladite violence. Il s?agit de faire une estimation sur les atrocités de la violence afin d?empêcher que les situations conflictuelles ne dérivent en affrontement direct ou indirect. L?estimation est faite à partir de données récoltées sur l?état des besoins sociaux et de la paix sociale. Lorsque des scénarios établissant les possibilités d?escalade de la violence sont fait, une alerte rapide est adressée entre groupes conflictogènes qui, ont le mérite de mener des recherches sur les facteurs conflictuels les engageant. Le Calcul de l?Horreur pense de cette façon résoudre les antagonismes à l?instant et, prévenir l?escalade de nouvelles violences au Nord Kivu51. C?est une stratégie de transformation des conflits et d?établissement d?une paix durable et mutuellement acceptable par les parties en conflit. Aussi, en tant qu?instrument psychologique, le calcul de l?horreur agit comme un stimulus externe sur la conscience des parties en conflits et influence leur perception des relations humaines.

51 Dans la troisième partie de ce travail, nous présentons intégralement la stratégie du Calcul de l?Horreur ainsi que les voies d?opérationnalisation y relatifs.

II- violence et conflit

A- La violence

1- Conceptions sur la violence

« Toute analyse globale de la violence devrait commencer par définir les diverses formes de violence de manière à en faciliter l'évaluation scientifique »52.

Le concept de « violence » vient du latin violare. Il signifie porter atteinte, attaquer, transgresser, déshonorer. Les mots qui désignent la violence expriment en général un abus, une exacerbation de la force. Ce mot signifie qu?une atteinte illégitime ait été portée à quelqu?un, qu?une ligne ait été franchie.

La violence caractérise ce qui se manifeste avec une force extrême, brutale, intense et traduit un abus de force. Ce terme est volontiers plus utilisé que le terme « agression ». Ce qui le renvoie à une attaque contre les personnes et les biens visant à les détruire. La violence suppose dès lors une rencontre, une relation. Dans cette relation ressort l?idée de l?autre déshumanisé. La relation concerne aussi une réalité abstraite qui n?interpelle pas l?individu dans ses capacités d?émotion, de réflexion et d?identification. Ceci montre que la violence est une déviance que l?on doit corriger par rapport à la société. Katheline Toumpsin soutient que la violence ce n?est pas le conflit, elle est plutôt ce qui envenime le conflit, « ce qui empêche de donner une issue positive au conflit »53.

Un acte de violence ne peut être considéré comme tel qu?en référence à une norme, à une situation et à un contexte. C?est pourquoi un acte de violence est un acte de transgression.

L?Organisation mondiale de la Santé54 définit la violence comme la menace ou l?utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi méme, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraine ou risque fortement d?entrainer un traumatisme, un décès, un mal développement ou des privations. Cette définition met l?accent sur l?intentionnalité de l?acte violent, sur l?usage du pouvoir. Elle couvre aussi plusieurs conséquences, y compris les dommages psychologiques, les privations et le mal développement. Cela traduit la nécessité, de plus en plus acceptée chez les chercheurs, d?inclure la violence qui n?entraine pas obligatoirement des traumatismes ou la mort, mais qui n?en représentent pas moins un fardeau pour les êtres humains.

52 Krug, G. Etienne et al (dir): Rapport mondial sur la violence et la santé. OMS, Genève, 2002

53 Toumpsin, Katheline : Qu'est-ce que la violence ? Pax Christi, Wallonie-Bruxelles, 2006, p.1

54 Krug , Etienne, Id, p.5

Galtung55 pour définir la violence statue d?abord sur les causes de l?agression et des conflits. Il conceptualise alors dans un premier temps la notion de violence et la catégorise. C?est ainsi qu?il détermine trois types de violences : la violence structurelle, la violence culturelle et la violence directe. La violence structurelle est celle infligée par les structures politiques et économiques. Elle est invisible mais se manifeste dans le tissu social car, consiste en une négation des éléments fondamentaux tels que : la vie, le confort physique, l?identité, la liberté . La violence culturelle est par contre l?ensemble des valeurs, des croyances et des attitudes apprises dès l?enfance et qui prédisposent à la violence. Celles-ci intègrent par exemple les histoires glorieuses et victorieuses de guerres, des victoires militaires bref des enseignements projetant au subconscient l?image de la violence quoi qu?en ce moment acceptable comme telle.

Violence structurelle et violence culturelle donnent naissance à la violence directe. La violence directe c?est alors une violence réelle, perceptible, dont les acteurs sont visibles. Elle consiste en l?atteinte physique à une personne tierce directement avec usage de la force. Les actes de guerres, les tortures, les combats, les meurtres, les mutilations, les viols personnels ou de masse sont des exemples de violence directe.

Dans un sens global, la violence intègre la violence interpersonnelle ou intergroupe, la violence collective (violence commise par des groupes de personnes ou par des Etats) et est de nature physique, sexuel et même psychologique. Elle peut être résolue voire être prévenue.

2- Types de prévention de la violence

La prévention de la violence renvoie aux mécanismes mis en oeuvre pour empêcher l?escalade du conflit. C?est un ensemble de moyens, de disposition sociopolitique, économique et intellectuelle dont l?objectif fondamental est de régler les antagonismes et d?empêcher que le conflit ne dégénère en affrontement direct, avec utilisation des armes et/ou tout autre moyen inhumain dont le but est de porter atteinte à l?intégrité physique d?une personne tierce, entre parties. Dans la littérature actuelle, bon nombre d?auteurs parlent plutôt de la prévention des conflits. Mais, nous pensons qu?on ne peut pas prévenir les conflits, mais plutôt prévenir l?escalade de la violence. Car, le conflit est inhérent à la nature humaine, c?est un fait de l?homme. Par contre, la violence est la résultante de l?action de l?homme, c?est pourquoi nous pensons qu?on peut la prévenir.

55 Cité par Grewal Singh, Baljit :Johan Galtung : Positive and Negative Peace, School of Social Sciences, Auckland University of Technology,2003

Toutefois, plusieurs perspectives s?offrent lorsqu?il faut prévenir la violence. L?OMS distingue entre autre trois types de prévention. Entre autre, nous avons la prévention primaire, la prévention secondaire et la prévention tertiaire56.

La prévention primaire vise à prévenir la violence avant qu?elle ne se produise. Tandis que, la prévention secondaire réagit immédiatement à la violence via des services d?urgences. Par contre, la prévention tertiaire se situe dans le long terme et intègre des mesures de rééducation et réinsertion pour atténuer les traumatismes ou réduire les handicaps liés à la violence.

Ces trois paliers de prévention sont temporaires, que la prévention intervienne avant, immédiatement ou après qu?a eu lieu la violence. Les paliers secondaires et tertiaires visent habituellement les victimes et sont pertinents pour poursuivre les auteurs de la violence en justice.

Par ailleurs, il faut noter que les chercheurs optent de plus en plus pour des stratégies axées sur les groupes cibles en termes de prévention de la violence directe. Trois principales formes d?interventions en vue de juguler la violence directe se pointent ici : Il s?agit des interventions universelles, des interventions choisies et des interventions indiquées.

Les interventions universelles visent des groupes bien ciblés ou l?ensemble de la population. Sont à ce titre mis en oeuvre par exemple des programmes sur la prévention de la violence enseignés à tous les enfants d?une école, d?un méme age ou d?une méme localité. Dans une optique non moins différente, les interventions choisies visent les catégories de personnes les plus exposées à la violence. Ici, sont mis en oeuvre par exemple l?éducation parentale (formation au rôle de parent) offerte aux parents à faible revenus. En fin, les interventions indiquées visent quant à elles les personnes ayant déjà manifesté un comportement violent. Le traitement des auteurs de violence familiale est un exemple à relever ici.

Plusieurs efforts sont menés dans le domaine de la prévention secondaire et de la prévention tertiaire. Des réponses sont apportées aux conséquences immédiates des violences, l?aide aux victimes et les châtiments des auteurs des violences. Ces réponses sont importantes comme le souligne l?OMS mais ne s?accompagnent pas d?un investissement dans le domaine de la prévention primaire. « Non seulement une réponse globale à la violence protège et aide les victimes de violence, mais, elle encourage également la non-violence, fait reculer les actes de violence, et change la situation propice à la violence au départ »57. C?est dans ce cadre que

56 Id, p15

57 Id, p.17

le calcul de l?horreur voudrait intervenir au stade primaire pour renforcer ces efforts nationaux et internationaux déjà présents de lutte et de réduction des effets de la violence. Ainsi, le calcul de l?horreur compte empécher l?escalade de la violence directe à travers le calcul systématique des impacts négatifs humains de futures violences directes et une conscientisation, voire une éducation à la paix des groupes concernés.

B- Le conflit

Le « conflit » est généralement défini comme un antagonisme, une opposition de sentiments, d?opinion entre deux individus, deux choses ou deux entités qui interagissent. Il est « une situation sociale caractérisée par une contradiction d'intér~ts »58. D?après Alex P. Schmid59, il y a conflit chaque fois que deux ou plusieurs parties s?aperçoivent que leurs intérêts sont incompatibles. C?est aussi ce qu?en disent Bercovitch et Fretter pour qui le conflit est un « process of interaction between two or more parties that seek to thwart, injure, or destroy their opponent because they perceive they have incompatible interests or goals »60. Des expressions comme « fights, violence, hostility »61 sont couramment utilisées pour décrire le conflit. Toutefois, il faut préciser que les conflits diffèrent les uns des autres suivant leur intensité, et qu?une opposition de points de vue ou de sentiments n?implique pas forcément un conflit. Le conflit peut être latent ou manifeste et suppose être perçu par au moins une partie engagée dans l?incompatibilité. Tout comme l?ordre social, il évolue et est dynamique. Il possède donc un cycle. Ce cycle montre que le conflit peut aller d?une contradiction ou d?une incompatibilité pour déboucher sur la violence. Lorsque cette violence devient manifeste et qu?aucune perspective ne lui est adressée, elle débouche sur l?escalade, généralement considérée comme phase maximale du conflit. Cerner le conflit nécessite dépasser le cadre définitionnel pour en déterminer des typologies qui renseignent sur les causes, les acteurs, les manifestations et la « résolution » des conflits.

1-Typologies des conflits

Une esquisse typologique des conflits se présente sous une double détente à savoir : la perception du conflit selon le type d?acteurs y impliqués (1) et l?appréhension du conflit selon son stade d?expression, soit le niveau où il se situe (2). Cette typologie ramène de manière

58 Mbock, Charly Gabriel, op.cit, P.12.

59 Schmid p. ,Alex(dir); Thesaurus and glossary of early warning and conflict prevention terms, abridged version, Erasmus University, May, 1998.

60 Bercovitch, Jacob et Fretter, Judith, Op Cit, P.3.

61 Ibid.

précise et quasi complète les perceptions de divers auteurs et de diverses écoles dont les érudits les plus représentatifs sont entre autre Jacob Bercovitch et Johan Galtung. Il est donc question ici de donner un schème intelligible des typologies des conflits, lequel regroupe divers aspects mis en exergue dans l?explication des conflits et de situations de violence en Sciences Sociales comme dans les Relations Internationales.

a- L'analyse du type d'acteurs en conflit

Bercovitch et Fretter62 catégorisent les conflits internationaux en quatre types majeurs : les conflits interétatiques, les conflits civils internationalisés, les conflits militarisés et les incidents politiques.

i- Conflits interétatiques et conflits civils internationalisés

· Les conflits interétatiques :

Ce sont ceux causés par des disputes territoriales, des oppositions idéologiques, des rivalités ou menaces sécuritaires entre Etats. Ce type de conflit implique deux ou plusieurs Etats qui s?affrontent.

· Les conflits civils internationalisés :

Il s?agit des conflits où un Etat tiers s?implique dans un conflit violent (ou une guerre civile violente) intra étatique soit directement par invasion ou indirectement en apportant un soutien actif (sous forme d?approvisionnement en armes, entrainement des troupes, envoi des conseillers) à une faction dans un autre pays. L?implication du Rwanda et de l?Ouganda dans les violences répétitives au Nord Kivu est un exemple de conflits civils internationalisés. Ces types de conflits sont souvent motivés par des faits tels : la tentative d?un groupe ethnique de faire sécession au sein d?un Etat, l?exacerbation de l?ethnicité ou alors des alliances ethniques ou identitaires transfrontalières.

ii-Conflits militarisés et incidents politiques

· les conflits militarisés :

Ce sont des conflits où deux ou plusieurs Etats s?affrontent directement militairement ou indirectement. En cas d?affrontement militaire indirect, cela peut résulter en l?éclatement des incidents ou des crises mais, sans toutefois résulter en un conflit militaire direct voire en une escalade. C?est le cas de la crise des missiles de Cuba de 1962.

62 Bercovitch op.cit, p.7

Bercovitch et Fretter63 précisent que ce genre de conflit apparaît dans un contexte de relations hostiles intense où les rapports entre les Etats sont généralement précédés par une histoire de violence. Dans ce cas, le risque de l?éclatement et de l?escalade d?une guerre ouverte et générale est réel.

. Les incidents politiques :

Il s?agit des conflits interétatiques qui peuvent s?annoncer au-delà des conflits normaux quotidiens tels que les disputes économiques ou commerciales, les disputes sur les visas, les disputes diplomatiques-existant entre les Etats. C?est le cas du conflit de pêche anglo- islandais qui survint entre 1972-1973.

o Ces conflits se manifestent ou se caractérisent par des démonstrations verbales et politique telles des dénonciations, des propagandes, des ? Name- calling'' (rappel des noms), des insultes diplomatiques, des menaces et des ultimatums.

o La particularité des incidents politiques est qu?ils ne peuvent survenir qu?entre des Etats politiquement amis, c'est-à-dire, qui entretiennent des relations. Qui plus est, il y en a qui estiment que des incidents politiques sont uniquement probables entre les grandes démocraties et que, par conséquent, les chances d?éclatement d?un conflit violent ne sont pas probant car ces démocraties ne se font pas la guerre64.

b-L'analyse de l'échelle du conflit

La typologie des conflits selon Galtung se ramène à quatre composantes : les micros conflits, les méso conflits, les macros conflits et les méga conflits. Nous allons tour à tour fournir la quintessence de cette typologie.

i-Micro et Méso conflits

Micro et méso conflits constituent des contradictions, des divergences d?opinion et d?objectifs entre des individus ou des entités à l?intérieur d?un groupe ou d?une communauté, d?un Etat ou d?une nation. Ces deux types de conflits se rapprochent en ce que l?échelle d?analyse de la conflictualité se situe à l?intérieur d?un Etat.

. les micros conflits

Deux sortes de conflits caractérisent les micros conflits : les conflits intra personnels et les conflits interpersonnels

63 Idem, p.8

64 L?ensemble de cette hypothèse est partagée par les partisans de la théorie de la paix démocratique.

Le conflit intra personnel dérive des contradictions à l?intérieur d?un individu sur des choix, la non satisfaction d?un désir ou l?incapacité d?atteindre des ambitions souhaitées. C?est un conflit lié à la psychologie interne de l?individu. Galtung affirme qu?il peut survenir lorsque nos objectifs sont irréalistes, dépassant nos capacités physiques et intellectuelles et nous condamnant ainsi à vivre dans la frustration65, déçu par nos propres limites. Il peut aussi survenir lorsque nos objectifs sont incompatibles, du fait d?un dilemme, ou d?un objectif obstacle à un autre objectif. Le dilemme est une situation qui emmène à choisir entre plusieurs objectifs entraînant des conséquences de mêmes natures, généralement douloureuses.

Plusieurs réactions s?observent dans des cas de conflit intra personnels. Tout d?abord, l?acceptation ou l?accueil, qui peut permettre à une personne d?accéder à un changement qui la satisfera au point qu?elle n?aura aucun regret quant à la situation antérieure. Ainsi, lorsque nous sommes face à la frustration, le conflit intra personnel se présente à nous comme un « art de vivre ». Il s?agit de ce que Galtung décrit comme le fait de :

« Tenir l'arc aussi haut pour que la flèche vole sur une longue distance et atteigne sa cible. »66

Par exemple, si notre grand père ne peut plus courir sur 100m, il peut au moins marcher sur cette distance c?est-à-dire changer d?objectif, ou décider de courir sur 10 m, c?està-dire réduire son objectif. Et lorsque nous sommes face à un dilemme ou un objectif obstacle à un autre objectif, le conflit intra personnel nous permet de faire des choix qui deviennent des principes qui, mis ensemble, constituent notre philosophie de vie. Ensuite, le refoulement ou le déni qui rejette les pulsions constitue la seconde réaction face à un conflit intrapersonnel. C?est même la pire des réactions possibles, lorsqu?on est face à un conflit qui nous oppose à nous même. En effet, la frustration conduit souvent à l'agressivité, d?abord vis-à-vis de soi même, la personne en viendra à l?auto mutilation, voire au suicide si elle considère qu?elle n?a pas d?alternatives. Or l?homme doit toujours faire face à ces frustrations, gérer les dilemmes et autres situations ambivalentes et contradictoires, en essayant de les modifier, modérer, interposer et combler le vide existant entre elles. Ne pas y faire face pourrait le conduire à se faire violence. Le refoulement peut aussi conduire à l?agressivité vis-à-vis des autres, et dans ce cas, le conflit intra personnel va se transformer en un conflit inter personnel.

65 Galtung, op.cit, 2010, p. 21.

66 Id

Un conflit entre personnes apparaît lorsque les parties s?affrontent. Ceci suppose la présence de deux personnes au moins. Il peut s?agir d?un couple, de voisins, d?amis, de collègues. Dans ces cas, appartenir à un groupe d?individus n?est pas déterminant. Mais il peut arriver que dans un conflit inter personnel, l?une des personnes s?attaque à une autre, en tant que appartenant à un groupe, une entité. Par exemple, les personnes attaquées en tant qu?appartenant à un groupe, une race, un sexe. Dans ce cas, méme si le conflit est inter personnel, il est l?expression d?un conflit intergroupe. Dans les conflits inter personnels, le conflit peut trouver son origine chez une seule des parties en présence, l?autre partie subit alors une agression qui peut l?obliger à réagir. Le conflit peut également commencer par une divergence d?opinions, un constat de comportements différents, une jalousie. Il peut également être justifié par des questions de valeurs ou de croyances. Les conflits inter personnels mobilisent chez l?homme la passion, la violence verbale ou physique. En tous cas, il entraîne une surenchère critique qui crée un blocage de l?empathie naturelle qui est la capacité naturelle de se mettre à la place de l?autre.

? Les méso conflits

Les méso conflits sont ceux qui opposent les communautés, les groupes constitués. Entre des groupes peuvent survenir des antagonismes liés aux ressources naturelles, à des questions idéologiques ou identitaires et même à la non acceptation. Les groupes ont ceci de particulier qu?ils sont très souvent constitués de fondamentalisme et de profondes revendications. Dès lors, brandir l?image du groupe ou ses perceptions est un moyen efficace pour s?assurer le contrôle total de la société et des avantages y relatifs. Ces types de conflits s?observent dans toute les sociétés mais leurs impacts diffèrent en fonction des objectifs poursuivis par les acteurs y impliqués. C?est ainsi qu?ils peuvent trouver une issue favorable ou alors dégénérer en violence. Les conflits intergroupes ou intercommunautaires opposent très souvent les races, les colonies de peuplement, les ethnies, les groupes de consommateurs pour ne citer que ces cas. Le conflit au Nord Kivu obéit à ces types de conflit où, des groupes de milices sous fond de revendication ethnique (Hutu ou Tutsi principalement) alimentent et nourrissent le cycle de la violence.

ii-Macro et Méga conflits

Macro et méga conflits se situent à une échelle plus grande, s?observant au niveau des Etats ou dépassant même le cadre de ces Etats.

. Les macros conflits

Aussi bien que des contradictions naissent entre les individus ou les groupes, aussi bien elles peuvent s?observer au niveau des Etats et/ou des nations. Les macros conflits sont donc ceux qui opposent les Etat et/ou les nations. Ils sont qualifiés dans le jargon académique de conflits interEtats. Ces types de conflits mettent en relation au moins deux Etats dont les objectifs sont divergents sur des questions économiques, politiques, sociales, idéologiques ou identitaires. Par exemple, le conflit entre le Cameroun et le Nigeria sur la presqu?île de Bakassi, le conflit Israélo Palestinien sont des cas vivants de macro conflits. Le conflit du Nord Kivu, avec l?agression ou le soutien à certaines milices par le Rwanda et l?Ouganda rentre aussi pleinement dans la catégorie des macros conflits.

. Les méga conflits

Les méga conflits sont ceux qui opposent les nations et les civilisations. Les causes peuvent être les mémes que dans des cas de conflits inter personnels. Mais ici, l?idéologie est le facteur permanent des contradictions. Même si des considérations politiques sont souvent évoquées pour ce type de conflit, la culture véhiculant une idéologie explique en profondeur la nature des antagonismes. Les méga conflits se situent au niveau de la nation ou la traversent pour interagir avec d?autres cultures. Par exemple, la colonisation européenne en Afrique qui n?était autre que le véhicule de la culture judéo-chrétienne comprise comme une culture de la modernisation et de la conquête, est un cas palpable de méga conflits. Les conflits interreligieux bien que pouvant se retrouver au niveau des conflits inter groupes rentrent dans cette même catégorie de méga conflits. A titre illustratif, nous pouvons évoquer le conflit entre l?Islam et le Christianisme répandus dans plusieurs Etats notamment au Nigeria. Les méga conflits ont une durée très longue, infiltrent toutes les couches sociales d?un Etat et

finissent par se constituer en habitus. Au nord Kivu, l?impact de la colonisation Belge quis?observe à travers le marasme économique et la culture des cadets sociaux explique en partie

les violences répétitives entre peuples.

Micro, méso, macro et méga conflits ont trois principales variantes67, ils peuvent être simples68, complexes69 ou structurels70. Aussi, le conflit au Nord Kivu obéit à cet ensemble

67 Les variantes des conflits chez Galtung se déterminent à partir du nombre d?objectif et du nombre d?acteurs en présence.

d?échelle de conflits. Il va ainsi du niveau intrapersonnel au plan interethnique et interétatique. Ce conflit est donc doté d?une certaine complexité.

Toutefois, des approches explicatives du conflit basées sur les acteurs en présence et sur l?échelle du conflit, quelle lecture comparative pouvons nous déduire ?

2-Etude comparative entre approches basées sur les acteurs et la nature du conflit

Faire l?étude comparative entre Galtung et Bercovitch revient pour nous à montrer les similitudes et les divergences qui existent entre ces deux auteurs en nous appuyant sur des chefs de comparaison précis à savoir essentiellement la perception du conflit et les perspectives théoriques. Tout d?abord, intéressons nous aux similitudes entre ces auteurs.

a-Similitudes

Pour ressortir les similitudes entre les auteurs, nous allons nous servir des chefs de comparaison suivant : la perception du conflit, l?introduction d?une tierce partie dans la gestion des conflits, la contenance de l?approche de Bercovitch par celle de Galtung.

i-Perception du conflit

Galtung et Bercovitch conçoivent le conflit comme inhérent à la nature humaine. Bercovitch s?exprime d?ailleurs en ces termes: « Of all the social processes, conflict is perhaps the most universal and potentially the most dangerous. A feature of every society and every form of relationship, conflict can be found at all levels of human interaction, from sibling rivalry to genocidal warfare. We all face conflicting emotions and impulses as we respond daily to situations of conflict in our personal relationship»71.

Galtung quant à lui, pense que la contradiction existe dans toute chose y compris chez l?être humain. Il s?exprime d?ailleurs en ces termes : la vie va de pair avec la contradiction. Pour l?auteur, la racine du conflit est la contradiction, d?où la liaison du conflit à la vie. C?est pour cela qu?il affirme que prévenir ou éviter qu?un conflit n?éclate n?a pas de sens.72

Ces deux auteurs pensent qu?une relation conflictuelle se caractérise par un ensemble spécifique des attitudes et des comportements incompatibles. Ils ont presque la même perception des trois composantes d?un conflit. Galtung parle de l?attitude, du comportement

68 Conflits où l?on a 01 acteur avec 02 objectifs ou, situation conflictuelle où l?on a 02 acteurs avec 01 objectif. Rappelons qu?ici, les objectifs renvoient aux problèmes à résoudre.

69 Situation où l?on a plus d?1 acteur avec plus d?1 objectif.

70 Ici, il n?ya ni acteur, ni objectif. C?est un conflit dans la structure qui se manifeste sans que soit directement
Perceptible la cause, non plus celui qui le commet. Seuls les intérêts sont présents dans les conflits structurels.

71 Bercovitch op .cit, p3

72 Galtung op.cit, 2010. pp 13 -14

et de la contradiction73. Bercovitch quant à lui parle de conflict situation, conflict attitude et de conflict behaviour74. Tous deux voient dans le conflit une certaine dynamique montrant que le conflit n?est pas statique et passif.

ii- Introduction d'une tierce partie dans la gestion des conflits

La médiation intervient lorsque les parties impliquées dans une dispute internationale se retrouvent dans l?incapacité de résoudre le problème par le moyen de la négociation. On fait ainsi appel à un Etat tierce ou une troisième personne qui servira de pont entre les Etats en conflit pour résoudre le problème ou sortir de l?impasse et trouver des compromis. Cette tierce personne ou Etat peut être choisie par les parties en conflit en raison de sa renommée, de son importance ou de sa position stratégique. Mais elle peut aussi être déléguée par les organisations internationales notamment l?ONU. Aussi cette troisième personne doit être neutre et impartiale pour qu?aucun Etat ne se sente léser et que chacun y trouve son compte. Elle a ainsi pour rôle d?encourager la reprise des négociations, de proposer une voie additionnelle de communication avec les parties en conflit ensemble ou séparément.

Galtung et Bercovitch reconnaissent que l?introduction d?une tierce partie pour trouver une solution à un différend est adéquate. Les deux reconnaissent que le médiateur doit être flexible dans le comportement, avoir des solutions créatives et faciliter le dialogue entre les parties en conflit. Bercovitch s?exprime en ces termes: « It is often said that mediation is more like to be successful in international politics because it retains the flexibility and control over the conflict management process, while adding extra resources and creativity. That is, mediation can break negotiation deadlocks, re-open channels of communication, provide face-saving for concessions, propose creatives solutions »75 .

Selon Galtung, la sphère intellectuelle, compétitive, belliqueuse et fragmentée est composée d'acteurs aspirant à une domination sur leurs comparses, tels des gladiateurs au sein d'une arène. Dans un tel contexte, le dialogue permet la stimulation de l'esprit tolérant et tend à flexibiliser les paradigmes alors plus perméables. Cette malléabilité s'accompagne d'une posture d'ouverture et non de rejet de paradigmes perçus comme antagonistes.

73 Ibid ,p163

74 Bercovitch, op.cit.3

75 Id

iii- La typologie de Galtung contient celle de Bercovitch

Certains types de conflit catégorisés par Bercovitch à savoir les conflits civils internationalisés, les conflits interétatiques peuvent être inclus dans la typologie de Galtung. Les conflits interétatiques évoqués par Bercovitch se retrouvent chez Galtung au niveau des macros conflits. L?une des causes des conflits interétatiques évoqués par Bercovitch est la dispute territoriale76.Galtung fait ressortir cette cause dans le conflit entre l?Equateur et le Pérou, le conflit entre la Norvège et le Danemark à propos de l?Est du Groenland.77

Les conflits civils internationalisés se retrouvent chez Galtung au niveau des méso conflits. L?une des causes de ces conflits évoqués par Bercovitch est la lutte pour l?indépendance, la décolonisation. Galtung illustre ce type de conflit à travers le cas d?Hawaï78.

b-Les divergences

Nous traiterons ici de l?opposition des approches typologiques des conflits entre Galtung et Bercovitch. Nous allons tour à tour nous appesantir sur les écoles théoriques de ces deux auteurs, sur les fondements des classifications qu?ils font des conflits ainsi que sur leurs propositions dans l?optique de réaliser l?idéal de paix.

i-Réaliste et pluraliste

En observant analytiquement la pensée de Bercovitch, nous pouvons déduire qu?il est réaliste. En effet, Bercovitch perçoit les Relations Internationales comme des rapports

essentiellement régulés par les Etats et/ou les nations. Ces derniers ont cette principale prioritéqu?ils ne se battent que pour préserver leurs intéréts par tous les moyens possibles. La
politique internationale est donc un jeu à somme gagnant où l?intimidation, la propagande et
bien d?autres moyens de dissuasion sont utilisés en vue de se positionner afin de faire peser la
balance de son côté. La déduction en est que les conflits sont alors conçus comme une
opposition entre les Etats qui veulent imposer leurs règles. A ce titre, l? auteur souligne
« International conflict like peace is a process ... It's behaviour consist of nation organise an
collective effort to influence control or destroy the persons and property of another
nations
»79. Les Etats existent dans un contexte anarchique où l?on note une absence de
normes devant réguler leurs rapports. Il est vrai Bercovitch ne nie pas l?existence des conflits

76 Id p.7

77 Ibid pp 96-97

78 Ibid pp99-101

79 Bercovitch op .cit, p 4

dont les acteurs sont intra étatiques mais ils minimisent leurs capacités à pouvoir produire des effets violents d?autant plus que les autorités les régulent aussi savamment. Ainsi la lutte des transporteurs publics par exemple « rarely produce extensive violence or numerous causualities. More over, the parties themselves or legal authorities can resolve such conflict. In oder word they are regulated »80.

Notons alors que, cette position théorique influence l?approche de la typologie des conflits de Bercovitch ne considérant un conflit international que s?il y a au moins deux Etats en jeu. Le cas du terrorisme peut être évoqué, mais quand bien méme Bercovitch l?évoque il ne rentre aucunement dans sa typologie ; à la seule condition qu?un Etat second ou tiers intervienne pour soutenir la faction qualifiée de terroriste ou le gouvernement investit contre lequel cette faction se bat.

Par contre, la perception ou l?approche de Galtung est beaucoup plus pluraliste, constructiviste.

Dans son schème d?intelligibilité, Galtung élargit son champ d?acception des relations internationales aux acteurs non étatiques tels que : les individus, les groupes constitués, les réseaux internationaux, les firmes nationales et multinationales pour ne citer que ces cas. Ainsi, pour cet auteur les relations internationales ne sont plus que l?apanage des Etats car quelques fois ceux-ci subissent l?influence des acteurs non étatiques. De là, l?infrastructure ne détermine plus la superstructure comme le croiraient les marxistes fondamentalistes ou des néo réalistes. Galtung en fait n?est pas pour l?opportunisme en politique, mais plutôt pour la recherche des solutions durables et mutuellement acceptable par les parties en conflits. L?objectif est donc pour lui d?agir par des moyens pacifiques pour arriver à la paix comme le dévoile son ouvrage Peace by peaceful means81 qui l?illustre bien. Notre auteur dans sa perspective théorique, propose alors de transcender c?est-à dire aller au delà du conflit pour en trouver non pas seulement un compromis, mais une solution positive censée restaurer les valeurs humaines aux parties en conflit. Ce qui s?oppose à la logique de Bercovitch qui, méme s?il propose des moyens pacifiques de résolution des conflits, évoque la force ou la violence comme moyens de restaurer la paix. Il faut le dire les propositions de Galtung en termes de suivi des sociétés relève de l?idéal. C?est le cas lorsqu?il parle de la paix positive comprise comme la réalisation totale de l?harmonie et de l?équité sociale, l?absence de tout affrontement, la restauration de la justice sociale et générationnelle.

80 Idem p 4

81 Galtung, Johan: Peace by peaceful means. Peace and Conflict Development and Civilisation. Prio/Sage, Oslo/London, 1996

Bien plus, percevons la méthode de Galtung. Aussi bien qu?il analyse les conflits, il recherche le sens, la signification de ces conflits pour les parties en présence. En traitant par exemple de l?infidélité dans son ouvrage transcendance et transformation des conflits82, Galtung présente trois manières de concevoir le mariage, conception inspirée des confessions effectuées par les trois belligérants au médiateur. La première partie pense que le mariage ne réussit que si basé sur la fidélité. La seconde partie pense à une réconciliation même après une situation d?infidélité. Tandis que la troisième partie se morfond d?avoir été l?objet d?un trouble dans le mariage de sa meilleure amie83Le sens ici décrit permet alors au médiateur de comprendre les positions des parties pour établir une bonne classification des objectifs dans l?optique de les transcender. Par là, notre auteur construit sa stratégie de paix.

De ce qui précède, il ressort que nos deux auteurs Bercovitch et Galtung sont respectivement réaliste et pluraliste ; ce qui les oppose et les différenciera au niveau des typologies de conflit qu?ils proposent, l?un ayant pour fondement l?Etat et l?autre ayant pour unité d?analyse tout autre acteur des relations internationales aussi bien que l?Etat.

ii-Causes et acteurs en présence

Dans sa classification des conflits Bercovitch insiste ou alors prend pour critère la nature, la cause de ce qui génère le conflit. Cette classification met en exergue l?objet du différend entre les parties. Il peut s?agir des questions territoriales (conflit Ethiopie Erythrée sur la région l?Ogaden), des luttes idéologiques et positionnement (l?Inde et le Pakistan en 1948), des ressources naturelles (la guerre du Biafra) ; des querelles diplomatiques pour ne citer que ces cas. A bien des égards, le choix est porté sur l?origine de la discorde entre les parties ; ce qui nous fait considérer que cette catégorisation présente plus la situation séant à l?émergence du conflit ou y dérivant. A ce titre Bercovicth affirme « we divided them into four mains types, which help to explain their causes and the form they take » 84

En plus de la cause, Bercovitch classifie les conflits selon la forme qu?ils prennent. Ainsi par exemple, une mésentente sur une question de visa peut déboucher sur des injures diplomatique bref un incident politique voir même un conflit militarisé et bien plus. Aussi, un irrédentisme ou une crise politique peut déboucher sur des considérations sécessionnistes avec pour parallèles des affrontements indirects entre superpuissances. A titre illustratif, nous

82 Galtung : transcendance..., op cit

83 Galtung op.cit, 2010, p.43

84 Bercovitch op.cit, p 7

pouvons évoquer le soutien des américains à l?UNITA de Jonas Savimbi et celle de l?exURSS au MPLA lors de la lutte d?indépendance en Angola.

Par contre, la classification de Galtung est en quelque sorte différente de celle de Bercovitch. En effet, il pose pour critère de classification les acteurs en présence dans le conflit, la dimension, l?ampleur et la taille du conflit. Des micros conflits jusqu?aux méga conflits, on assiste à un ordonnancement en fonction des échelles, du niveau auquel se situe le conflit. Ainsi, le conflit peut soit se situer au niveau intra personnel, interpersonnel, au niveau des groupes, des communautés, des Etats ou des réseaux transnationaux. De là, l?intensité du conflit sera fonction des acteurs qui y sont impliqués. Il est vrai, Galtung évoque les causes des conflits mais, il n?en insiste pas pour effectuer sa typologie. Le type d?acteur est donc ici l?unité de perception des incompatibilités et contradictions. Cette dernière approche est plus large en se sens qu?elle intègre tous les sujets de droit international. Elle est globalisante et va plus loin que l?approche classificatrice de Bercovitch en ce sens qu?elle l?intègre et la dépasse. Par exemple, Bercovitch ne reconnaît pas ou alors ne recense pas dans sa classification les conflits structurels. Pourtant, Galtung les classe parmi les méga conflits et en explique bien les mécanismes. Sans doute, les représentations théoriques et réalistes de Bercovitch susmentionné l?en empêchent, d?où la limite par rapport à la perspective de Galtung.

Ainsi, Bercovitch présente une typologie des conflits se référant aux causes tandis que Galtung présente une typologie se référant aux types d?acteurs impliqués dans le conflit.

iii-Gestion et transformation/transcendance des conflits

Ayant présenté les oppositions entre nos deux auteurs au plan épistémologique, conceptuel et typologique, essayons de déterminer leurs propositions en terme de construction de la paix.

Primo, Bercovitch est d?avis que les conflits ne peuvent être prévenus mais plutôt gérés (managés) ou résolus. A ce titre il distingue trois principales approches de gestion des conflits internationaux à savoir l?approche diplomatique, légale et politique85L?approche diplomatique est poursuivie par les Etats à travers la négociation bilatérale. Ici, le processus de négociation est entretenu uniquement par les Etats. Ceux-ci s?efforcent à résoudre leurs différends tout d?abord par les canaux diplomatiques normatifs. S?il y a échec ils vont à la négociation directe dans un environnement neutre. Si une fois de plus l?échec se présente alors les Etats font appel à une troisième partie pour assurer la médiation, engager une

85 Id pp 14-15

conciliation ou effectuer une enquête. Les Etats sont par là tenus d?utiliser une de ces méthodes ou toutes complètement.

L?approche légale est basée sur l?establishment du droit international pour régler les conflits internationaux. Ici, les Etats décident par leur gré de soumettre leurs différends à une instance judiciaire telle que la CIJ ou la CPI. Ils ont la possibilité de le faire soit à travers l?arbitrage ou le règlement judiciaire.

Quant à l?approche politique encore nommé fonctionnaliste, elle est celle basée sur l?establishment des organisations internationales. Ainsi, pour celles-ci, les conflits internationaux doivent se résoudre par le truchement des institutions telles l?ONU, l?UA pour ne citer que ces exemples.

Cette perception de la résolution des « conflits » selon Bercovitch est fondée sur la justice, la force ou le compromis, ce qui ne se situe pas dans le sillage de ce que propose Galtung.

Secundo, Galtung quand bien méme accepte l?idée d?un médiateur pour gérer le conflit, met beaucoup plus l?accent sur la façon donc il faut le faire. En proposant l?effort personnel dans la recherche des solutions durables, la créativité, la compassion et la passion. Cet auteur se situe beaucoup plus dans une perspective transformatrice. Sa méthode

Transcend86 le souligne bien, il faut transformer le conflit, le transcender pour permettre aux parties de vivre ensemble malgré les contradictions. L?effort est donc celui d?empêcher l?escalade des conflits via la prévention de la violence.

Nous dirons alors que, Bercovitch et Galtung en quelque sorte font renaître le débat académique entre minimalistes et maximalistes de la consolidation de la paix.

Toutefois, dans le cadre de cette étude, nous avons opté pour la typologie des conflits selon Galtung, c?est-à-dire celle qui met en exergue le type d?acteur impliqué dans le conflit. Deux raisons expliquent ce choix. Primo, la violence au Nord Kivu intègre toutes les catégories de conflit proposées par l?auteur et, secundo, la transformation des conflits intergroupes existant dans cette région de RDC constitue notre objectif principal, ce qui sied avec l?approche de construction de la paix selon Galtung.

86 Cette méthode suppose la construction d?un monde pacifique par des moyens tels l?éducation et la recherche pour transformer les conflits de façon non-violente. Ajouté à cela, l?empathie et la créativité pour de résultats meilleurs et durables. Pour une lecture approfondie sur la méthode transcend Cf www.transcend.org

CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE

Le cadre théorique de cette étude présente les théories qui nous permettent d?avoir une position épistémologique. Dans un premier temps, nous présentons quelques théories des conflits majeures (I) et dans un second temps, nous déterminons quelques approches de nonviolence(II).

I-Quelques théories des conflits

Nous présentons ici quelques théories majeures utilisées dans l?analyse des conflits et des cas de violences dans le schème des Relations Internationales. Il sera question d?une part d?aborder les théories restrictives (A). D?autre part, nous allons fournir une explication des théories extensives (B). L?objectif est à la fin de cette analyse d?en déduire notre position théorique.

A- Les théories restrictives

Les théories restrictives concernent essentiellement les théories réalistes (1) et les théories libérales (2). Il est à considérer qu?elles sont dites restrictives parce qu?elles polarisent les Relations Internationales et les situations conflictuelles et de violence au sein de l?Etat.

1- Les théories réalistes

Le réalisme se subdivise en 2 théories : le réalisme classique et le néo-réalisme.

Le réalisme peut être remonté à Hobbes. Cette théorie sera reprise après la deuxième guerre mondiale par Hans Morgenthau qui publie en 1950 un livre intitulé Politics Among Nations : The struggle for power and peace87. Dans son livre, il définit la théorie réaliste ainsi qu?il suit : le réalisme croit que le monde tout imparfait qu?il est d?un point de vue rationnel, est le résultat de forces inhérentes à la nature humaine. Pour rendre le monde meilleur, on doit agir avec ses forces et non contre elles. Ce monde étant par inhérence un monde d?intérêts opposés, et de conflits entre ceux-ci, les principes moraux ne peuvent jamais entièrement être réalisés mais doivent au mieux-être rapprochés à travers l?équilibrage toujours provisoire des

87 Morgenthau, Hans: Politics among nations, the struggle for power and peace. Alfred .A.Knoff, New York, Fourth Edition,1948

intérêts et le règlement toujours précaire des conflits88. Selon Morgenthau donc, il faut considérer l?humain et les rapports sociaux notamment les rapports politiques tels qu?ils sont et non tels que l?on voudrait qu?ils soient au nom de quelques idéaux. Les réalistes s?opposent donc à une projection idéalisée de l?homme et veulent le voir tel qu?il est réellement et l?homme est selon Hobbes auquel il se réfère : un loup pour l'homme. L?homme est donc de nature essentiellement égoïste ; dès lors les relations entre les hommes ne peuvent être qu?antagonistes et les relations entre les Etats dirigés par les hommes ne peuvent être qu?antagonistes. Chacun voulant toujours la part du lion. Les Etats sont donc selon les réalistes toujours en quête de puissance et cette quête effrénée de la puissance, est l?expression méme de la volonté de la sauvegarde de l?intérêt national. Au niveau individuel ou inter personnel, chacun cherche à prendre avantage sur l?autre. Dans l?intérêt national, les Etats se voient contraints de faire usage de la force ceci pour assurer leur sécurité. Dans la perspective réaliste, les relations internationales fonctionnent sur la base de 4 principes :

o Les Etats sont les seuls ou les principaux acteurs internationaux

o L?Etat est par nature unitaire

o L?Etat est rationnel et vise constamment à maximiser son intérét national. Ce qui implique le recours périodique à la force

o La sécurité et les questions politiques constituent l?unique ou la principale finalité de la politique étrangère.

Pour eux donc, les relations internationales sont dominées par l?anarchie et la prédominance des intéréts sur les considérations morales. L?instauration d?une paix définitive est donc une illusion en raison de la souveraineté, des ambitions, des inégalités et de la méfiance mutuelle.

Au Nord Kivu l?application de la théorie réaliste s?observe par la prégnance des Etats voisins qui sont le Rwanda et l?Ouganda sur les ressources naturelles de cette région. Mais, cette théorie reste limitée dans l?explication des facteurs psychologiques qui nourrissent la violence tels que la peur ou l?influence de la pauvreté.

88 Id , p.3

2- Les théories libérales

Le libéralisme est la théorie qui critique la théorie réaliste. On distinguera le libéralisme classique et le néo libéralisme.

C?est une théorie du consensus qui est née en opposition au réalisme. Désireux d?une société libérale c?est-à-dire dans laquelle les individus sont libres, et en même temps conscients de l?anarchie ou des conflits que peut engendrer une liberté de faire ce que l?on veut sans se soucier du préjudice qu?on fait à l?autre, les libéraux pensent que le gouvernement doit établir des lois qui respectent les libertés individuelles et prennent en compte les interactions entre les individus. L?Etat est donc l?instance qui peut garantir à chaque individu ses intérêts et ses besoins. Au niveau international, il faut des institutions qui fixent les normes et lois internationales auxquelles tous les acteurs doivent se conformer afin de promouvoir la paix. Les libéraux reconnaissent le postulat de l?anarchie à l?intérieur des sociétés et au niveau international, mais croit à la possibilité de neutraliser cette anarchie. Soit en recourant à l?Etat, soit en recourant à une instance comme l?ONU. Ils croient donc à la possibilité de constituer ou d?organiser des relations basées sur l?égalité, la liberté et la rationalité. Les libéraux rationalistes tels que Kant et Hegel estiment que seuls les Etats autoritaires donc non légitimes, ont constamment besoin de recourir à la force pour imposer leur volonté. Kant est donc persuadé que le triomphe de la raison et de la démocratie à l?échelle mondiale signifiera la fin de l?histoire des guerres et l?instauration d?une paix universelle durable89. Montesquieu pensait que les rivalités entre les Etats sont moindres dans la mesure où ceux-ci entretiennent des échanges commerciaux. Il reste persuadé que le commerce est un très bon instrument de paix.

Malgré des décennies de guerre dans les Grands Lacs, des échanges commerciaux s?établissent entre Nord Kivu et les Etats voisins de la RDC. Mais, la paix n?y est pas toujours effective. Les théories libérales sont donc insuffisantes pour proposer des voies adéquates de retour à la paix dans cette région.

B- Les théories extensives

Les théories extensives concernent essentiellement la théorie de la dépendance (1) et le constructivisme (2). Elles sont dites extensives parce qu?elles étendent le champ de compréhension de la violence à d?autres acteurs des Relations Internationales tels que les individus .

89 Roche, Jean Jacques: Théories des Relations Internationales. Montchrestien, Paris, 6è édition, 2006, p.88

1-La théorie de la dépendance

Au niveau des Relations Internationales, l?une des variantes les plus dominantes du marxisme est la théorie de la dépendance. Cette théorie s?est développée dans les années 60 en Amérique latine à la suite de la stagnation voire de la régression économique et de l?incapacité des modèles de développement issus de l?Amérique du nord à impulser la croissance. Pour expliquer les raisons du non développement et de l?inégalité persistante et grandissante entre les pays riches capitalistes et les pays pauvres du tiers-monde certains économistes notamment argentins et brésiliens développèrent la théorie de la dépendance. D?après cette théorie, le monde est constitué d?un centre ou d?un certains nombres de centre et d?une périphérie avec quelques Etats considérés comme pays intermédiaires. Cette théorie explique donc le déséquilibre entre le centre et la périphérie comme étant d?ordre structurel. Cela signifie qu?il y a un centre parce qu?il y a une périphérie et qu?il y a une périphérie parce qu?il y a un centre. Ce qui veut dire que dans le fonctionnement du centre, il y a certaines lois qui l?amènent automatiquement à exploiter la périphérie pour exister comme centre. Ainsi donc, la périphérie est maintenue dans un état de dépendance structurel par rapport au centre. Les relations au niveau international fonctionnent donc pour maintenir cet état des choses. Les relations politiques étant d?après la philosophie marxiste, dépendante des rapports économiques, la politique internationale est donc dictée par le centre puissant pour sauvegarder ses privilèges et perpétuer sa domination sur la périphérie90. Les Relations Internationales apparaissent donc comme marquées par un conflit structurel fondamental. La théorie de la dépendance fournit non seulement les causes du sous-développement, mais aussi donc les voies de sorties possibles. Les dépendantistes pensent que tous les modèles de développement euro-américains imposés par ces derniers et appliqués par les pays du tiers-monde par le centre, participent de la sauvegarde des intérêts des pays industrialisés et contribuent ainsi au développement du sous-développement dans les pays du tiers-monde. Cette structure des Relations Internationales ne sert que l?élite des pays sous-développés et favorise ainsi dans ces pays l?émergence d?une bourgeoisie comprador qui, à son tour exploitent la population et reproduit ainsi au niveau local, ce qui se passe au niveau global. Pour sortir de cette situation, Certains dépendantistes prônent un remplacement des modèles de développement imposés par le nord par des modèles endogènes91. D?autres prônent une révolution socialiste. Quelques-uns encore prônent un détachement du marché international et

90 Id pp.124-127

91 Celso Furtado par exemple est de cette approche

le développement d?un marché régional92. Certains prôneront même une véritable autarcie. La thèse qui sera la plus répandue et fondera une politique concertée des pays du tiers-monde sera celle d?un Nouvel Ordre Economique Mondial. Jusqu?à la fin des années 80, l?avènement de cet ordre économique mondial qui romprait avec les mécanismes de dépendance et permettrai enfin un développement dans les pays sous-développés sera le programme central des Institutions comme : l?Association des Pays non-alignés, l?Organisation de l?Unité Africaine (QUA).

Les accords UE-ACP constituaient des tentatives de réponses à une telle demande et étaient censés contribuer à la résolution du conflit entre le centre et la périphérie du moins pour ce qui est des pays européens et de leurs anciennes colonies. Ces démarches conciliantes même si elles ont été loin d?être efficaces, se sont imposées du fait de la bipolarisation du monde, donc de la guerre froide et de la nécessité pour les pays occidentaux de ménager les pays du Sud, pour éviter qu?ils ne basculent dans le camp ennemies socialistes. Avec la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, l?attitude du centre va changer radicalement. L?attitude conciliante visant à désamorcer la tension avec le tiers-monde va céder la place à un dur cisaillement et la formulation de conditionnalités comme pré requis dépendantistes pour cacher leur propre incurie, leur malversation et la mauvaise gouvernance dont ils sont responsables. Les recherches des causes exogènes au conflit dans les pays sous-développés se voient taxés de subterfuge pour se dédouaner de leur responsabilité historique de la situation de marasme dans lequel ils ont plongé leur pays, dans la corruption généralisée qui inhibe tout effort de développement et dans le tribalisme outrancier auquel ils recourt pour s?octroyer des avantages exorbitants et empêcher toute démocratie. Qn assiste alors à un véritable changement de paradigme. Les causes et les auteurs du sous-développement, de la pauvreté et du désordre social et politique sont désormais avant tout recherchés au niveau interne.

En ce qui concerne la RDC, le déséquilibre structurel avec la Belgique s?observe. Mais, les structures politiques et économiques ne suffisent pas pour cerner la dynamique de la violence dans ce pays en général et au Nord Kivu en particulier. Des éléments tels la socialisation de la haine à travers des générations d?hommes, de femmes et d?enfants permettent de mieux appréhender l?escalade de la violence.

92 Samir Amin par exemple est de cette approche

2- Le constructivisme

Le constructivisme s?est développé dans les disciplines telles que l?Anthropologie et la Philosophie. En tant que théorie des conflits, le constructivisme repose sur certaines théories fondamentales :

· Toutes les pratiques sociales sont en relation avec le contexte particulier dans lequel elles sont produites ou reproduites. Ces contextes peuvent être d?ordre historique, politique, économique ou géographique ;

· le constructivisme pense que toute situation est la résultante d?une vision des choses. Il n?y a donc pas de réalité en soi mais de réalité telle que vécue et telle que perçue. On peut vivre une situation comme oppressante à un moment donné, alors qu?à un autre moment on n?a pu la vivre d?une autre manière.

Dans la théorie des Relations Internationales, Nicholas Onuf est vraisemblablement le premier à appliquer le constructivisme à la fin des années 80 notamment dans son livre World of Our Making93. Dans ce livre, il s?oppose aux théories néo-réalistes et néo-libérales. Il reproche aux unes et aux autres d?être anhistoriques et d?être incapable d?expliquer le changement dans l?histoire. Ainsi donc, à ceux qui pensent que le comportement des acteurs est essentiellement guider par des contraintes de divers ordres, ou par une nature humaine immuable, les constructivistes répondent que les règles et les normes infléchissent certes profondément le comportement des acteurs, déstructure la vie internationale, mais que les acteurs sont capables à tout moment de faire des arrangements intersubjectifs pour ainsi créer de nouvelles situations en modifiant celles qui existent. C?est ainsi que de nouvelles institutions peuvent voir le jour tant au niveau national, qu?international. Le comportement des acteurs ne s?inscrit pas toujours dans un cadre préétabli et n?obéit pas à des règles figées mais crée de nouvelles possibilités et introduisent de nouvelles règles. Les constructivistes pensent que les institutions et les structures sont fondamentalement des constructions sociales, c?est-à-dire le résultat de l?imagination et de l?interaction entre les forces en présence, même si elles sont institutionnalisées et formalisées. De la même manière ils pensent que les buts et les comportements des agents sont conditionnés par les cadres institutionnels, mais également par les autres acteurs. Il en ressort clairement que le constructivisme s?inscrit en faux contre l?idée réaliste selon laquelle les institutions ne seraient que le reflet des intérêts des grandes puissances. Les constructivistes font valoir le fait que la mise en place des institutions au

93 Onuf, Nicholas: World of our making, rules and rule in social theory and international relations. University of South Carolina Press, Michigan, 1989

niveau international n?est pas le seul fait des Etats mais également celui des acteurs non étatiques qui sont perpétuellement en concurrence, proposent des normes et finalement aboutissent à des accords sociaux. Ils réfutent l?idée que tout soit prévisible et obéissent à une logique clairement identifiable pour introduire l?idée de la surprise, de l?inattendu et des voltes face. D?autre part, le constructivisme réfute les approches néolibérales et néoréalistes en ce sens qu?il ne perçoit pas les règles comme des moyens de régulation, comme une contrainte ou alors comme participant aux calculs, coûts, bénéfices des acteurs. En effet, la définition même ou mieux la perception des intérêts peut varier. Les règles du jeu et les aménagements sont l?aboutissement des comportements des acteurs. Il en ressort que le changement dans la politique internationale, mais également le changement dans un groupe se produit lorsque les acteurs par leur pratique changent les règles et les normes constitutives de l?interaction. La plupart des règles ne font que formaliser le développement d?une activité. Les règles créent donc la possibilité de l?activité, mais l?activité crée également les règles. Les constructivistes redéfinissent également les concepts d?intérêt et d?identité94. Ils pensent que les intérêts sont des constructions sociales et sont de ce fait dynamique et doivent être appréciés par rapport à des contextes historico-culturels et socio politique. L?identité est également une construction. La définition de ce que l?on est ou de ce que l?on n?est pas est tributaire du contexte et des enjeux. Dès lors, aussi bien la violence a des causes multiples, complexes et construites, la solutionner peut être l?issue d?une construction entre acteurs y impliqués.

Dans l?optique de la transformation des conflits au Nord Kivu, cette étude a utilisé la théorie constructiviste. En effet, les séries de violence observées depuis les années 1990 ressortent les antagonismes historiquement ancrés dans les relations sociales dues par la construction au sein des groupes du mythe de la supériorité ou de l?infériorité. Dès lors, les griefs tels la mauvaise redistribution des ressources naturelles, l?ouverture au dialogue politique, ne constituent que des manifestations de cette profonde fracture historique entre groupe qui vit dans l?imaginaire sociale et entretien le quotidien. Aussi, la dynamique des alliances entre groupes, milices ou ethnies au Nord Kivu, montre que les relations intergroupes peuvent prendre de nouvelles formes du jour au lendemain. Les alliances se nouent et se délient en fonction des objectifs visés par les acteurs en conflit. Il est donc considéré qu?elles font et défont la paix, c?est-à-dire la construisent ou la déconstruisent. A travers les alliances des acteurs en conflit au Nord Kivu, l?analyse décèle que la paix y est

94 Roche op.cit, p.142

construite. Le constructivisme est donc l?outil théorique qui explique le mieux l?escalade de la violence directe au Nord Kivu.

II-La non #177;violence

La non-violence définit l?ensemble des moyens utilisés en situation de conflit pour se faire respecter tout en respectant les adversaires. C?est non seulement un moyen de gérer et régler les conflits sans violence, mais aussi un moyen d?action qui restitue aux individus et aux peuples le pouvoir dont ils remettent habituellement une large part aux Etats. C?est donc une chance pour la paix positive. Rosenberg Marshall la définit comme « une attitude intérieure d'écoute par laquelle on s'exprime sans empiéter sur le territoire de l'autre, sans lui attribuer des sentiments ou des étiquettes, sans le juger »95.

Le terme non-violence apparait en 1920 dans la bouche et sous la plume de Gandhi qui traduit le mot Sanskrit « ahimsa » qui veut dire « non-nuire ». Mais, il faut relever que Gandhi n?a pas inventé le terme, il n?a fait que le traduire. En effet, plusieurs moyens non-violents (grèves, refus d?obéissance) sont très anciens. La différence en est que ces moyens étaient rarement associés au refus de la violence. Gandhi par contre a initié le refus de la violence. La non-violence est dès lors une forme de lutte qui cherche parfois à convaincre l?adversaire ou à l?empêcher de nuire tout en respectant sa personne, et s?opère à travers des moyens tels : la parole, la discussion, la négociation, le respect des personnes, l?information et l?opinion.

Martin Luther King, retraçant les origines de la ségrégation des noirs et de l?application des principes non-violents dans son combat, considère que la non-violence suppose la non atteinte à l?intégrité physique d?un individu quoi que soit ignoble le mal commis. Pour lui, la violence crée plutôt de nouveaux problèmes et favorise une surenchère critique. Ainsi, le recourt à la violence dans la lutte pour la justice créera des générations de vivants dans « la nuit désolée de l'amertume, et leur principal héritage sera le règne infini du chao »96. Dans ce cas, le recourt à une alternative à la violence est susceptible de créer de nouvelles relations viables. Cette alternative c?est la non-violence qui signifie aussi nonagression, paix du coeur et amour dans une situation conflictuelle. King assimile la non -- violence à la paix positive. A ce titre, il asserte que la présence de certaines forces positives

95 Rosenberg, Marshall : Les mots sont des fenêtres/ ou bien ce sont des murs. Initiation à la communication non violente, Syros, 1999, p.29 cité par Maurel, Olivier : La non-violence active. 100 questions-réponses pour résister et agir. La Plage, Montpellier, 2001

96 King, op.cit

tels la justice, la bonne volonte et la fraternite97 sont des vertus de la non-violence. Ce concept est alors legitime par cinq arguments : le rejet de la peur, la résistance non violente, l?acte non violent, l?amour et la justice.

La non --violence n?est pas la peur, mais une résistance authentique. Ceci est dff par le fait que le résistant non violent s?oppose aussi aux maux contre lesquels il proteste que le partisan de la violence. Sa méthode est dite passive ou non agressive parce qu?elle n?attaque pas physiquement son opposant. Mais, « son esprit et son coeur sont sans cesse en éveil, il cherche constamment à convaincre l'autre de ses erreurs »98. Si elle est passive par rapport au physique, elle suppose une action spirituelle intense, une agression spirituelle dynamique.

Par la suite, la resistance non violente ne vise pas à humilier son opposant, mais à gagner son amitié et sa compréhension. C?est un acte de réconciliation.

Les forces du mal et non les personnes saisies par le mal sont celles contre lesquelles la non-violence est dirigee. Dans ce cas, la destruction vise les forces mauvaises et non des personnes dont elles se sont emparees.

En meme temps qu?elle écarte toute violence extérieure, la non agression écarte aussi toute violence intérieure de l?esprit.99 L?amour est ainsi au coeur de la non-violence. Precisons qu?il ne s?agit pas ici d?un amour au sens philosophique platonicien ou d?une affection entre ami. L?amour caractère fondamental de la non-violence est un amour Agapé qui evoque une compréhension, un flot d?amour qui ne demande rien en retour, une bonne volonté comprehensive. De par cette perception, le resistant non violent est persuade que la justice est une valeur universelle.

La non-violence designe dès lors resistance, endurance, acceptation et volonte de construire une paix positive. King rencherit que « si nous utilisons cette méthode avec sagesse et avec courage nous sortirons de la nuit désolée et lugubre où l'homme manifeste son humanité envers l'homme et nous émergerons dans l'aube brillante de la liberté et de la justice »100.

Cerner la non-violence en tant que fondement du calcul de l?horreur exige d?aller plus loin en y presentant une typologie(A) et des atouts(B) pour la contribution au retablissement de la paix de façon durable et mutuellement acceptable.

97 King, Martin Luther : Je fais un rêve. Nouveaux Horizons, Paris, Traduction de Marc Sparta, 1987, p.23

98 Id, p.25-26

99 Ibid, p.27

100 Id,p29

A-Quelques approches de non-violence

Gene Sharp identifiant sa typologie de non-violence à la non-violence générique c?està-dire prise de façon globale, présente neuf types de non-violence classique et contemporaine. Entre autres, il identifie : la non résistance, la réconciliation active, la résistance morale, la non-violence sélective, la résistance passive, la résistance pacifique, l?action directe non violente, la satyagraha et la révolution non violente. Toutes ces catégories de non-violence se repartissent en deux sous groupes : les premières rejoignent le pacifisme et les seconds la transformation de l?ordre social.

1. Le pacifisme

Selon la critériologie de Gene Sharp, le pacifisme non-violent regroupe essentiellement : la non résistance, la résistance morale, l?action directe non violente.

La non résistance c?est le rejet pour des principes, de toute violence physique, qu?elle soit au plan individuel, étatique ou international. Cette méthode refuse la participation à la guerre et à l?Etat en arrêtant les bureaux du gouvernement, en votant ou en faisant recours à la cour. Les résistants non violents paient leurs taxes et font ce que demande le gouvernement si ce n?est inconsistant à ce qu?ils considèrent comme des devoirs recommandés par Dieu. Ce sont des mouvements essentiellement religieux et chrétien en particulier. Les mouvements de résistance non violent pensent qu?il n?est pas possible d?être libéré du pêché, à ce titre, le chrétien doit s?éloigner du mal.

La résistance morale est fondée sur la croyance selon laquelle le mal doit être résisté, rien que par des moyens moraux ou pacifiques. La référence à la responsabilité morale de l?individu est une part importante de cette approche. Elle refuse la participation des individus à des situations de mal telles les guerres, l?esclavage sous toutes ses formes.

De son côté, l?action directe non violente vise la réalisation de la paix par une intervention directe non violente visant à mettre en place un nouvel ordre. L?intervention directe se situe à plusieurs niveaux. Les intervenants mènent des investigations, discutent avec les responsables d?une injustice et/ou cause du mal et, font des appels publics et des publicités sur les griefs.

2. Des impacts sur l'ordre social

La seconde catégorie d?approches non-violente vise la transformation de l?ordre social. Elle est entre autre constituée de : la réconciliation active, la non violence sélective, la résistance passive, la résistance pacifique, le satyagraha et la révolution non violente.

La réconciliation active fait référence à la réconciliation personnelle et à l?amélioration de sa propre vie après avoir changée celle des autres. Ceux qui utilisent cette approche cherchent à convaincre l?adversaire et non la coercition. Ils se basent sur les actions positives du bien à utiliser plutôt que sur un catalogue d?actions violentes qu?ils n?utilisent pas. Ici, une forte référence est faite à la valeur d?un individu et en la croyance qu?il peut changer. Les quakers en sont un exemple.

La non-violence sélective à pour principale caractéristique le refus de la participation à tout conflit violent notamment les conflits internationaux. Dans certaines situations, cette approche recours à la violence pour atteindre ses objectifs. C?est le cas des objecteurs qui pensent que l?utilisation des manufactures et de l?arme nucléaire ne peut jamais être justifiée. La méthode couramment utilisée ici c?est la non coopération.

La résistance passive quant à elle est une méthode de gestion de conflit qui vise à transformer l?ordre social, économique et politique. Cette méthode est utilisée à l?endroit de la résistance violente en ce sens que les résistants n?ont pas les moyens de la violence ou ne peuvent gagner par ces moyens. L?objectif est de harceler l?adversaire sans utiliser la violence physique dans l?optique d?obtenir de lui des concessions qu?il le veuille ou non. C?est un substitut à la violence physique. C?est aussi un ensemble d?actions non initiées, motivées ou dirigées dès le début, mais, une réaction à l?initiative de l?adversaire. Le caractère, la force morale, les conditions spirituelles ne sont pas observées ici, ce qui est important c?est le combat mené contre le mal. Il est pratiqué à tous les niveaux : les boycotts, la non coopération y sont relatifs.

Par ailleurs, la résistance pacifique est une méthode de gestion des conflits et de transformation d?un ordre social, politique ou économique. Ici, il y a existence d?une discipline non-violente à laquelle chaque résistant est soumis. La croyance est fondée sur la non-violence comme supérieure à la violence. Le degré de conscience, la stratégie et la tactique utilisés ici sont très considérables. Les préjugés faits sur la violence permettent de maintenir la résistance non violente. Ceux-ci ont également un avantage psychologique qui encourage l?utilisation de la résistance pacifique. C?est de cette façon que cette approche réussit à changer les attitudes.

Bien plus, le satyagraha c?est l?approche de non-violence développée par Gandhi. Elle désigne l?adhésion à la vérité, signifiant ici réalité. Le satyagraha vise l?atteinte de la vérité à travers l?amour et une action directe ; c?est donc un ensemble de principes. Elle a été développée par Gandhi qui l?a expérimenté dans sa vie et ses efforts à combattre les fléaux sociaux et construire un meilleur ordre social. L?essentiel est ici d?améliorer le côté intrapersonnel afin de ne pas heurter l?opposé. Cette approche aborde des problèmes pratiques et en recherche des solutions à travers des principes moraux que sont : la vérité, l?équité et l?égalité. Ce côté pratique s?observe par la construction d?un programme de société abordant le social, l?économie et l?éducation pour ne citer que ces éléments.

Enfin, la révolution non violente relève que les problèmes sociaux majeurs trouvent leurs origines dans la vie individuelle et sociale et peuvent seulement être résolus par une révolution, un changement individuel ou social.

Les aspects principaux concernent : l?amélioration des conditions de vie, l?obtention des valeurs telles la non-violence, l?égalité, la justice, la coopération, la justice et la société comme fondement de la société, la construction d?un ordre social solide, le combat contre le mal. L?idée est de trouver une issue favorable à l?exploitation, à l?oppression et à la guerre.

B-Atouts de la non-violence

Deux faits principaux se constituent comme atouts de la non-violence. Elle transcende et transforme le conflit. Dans ce cas, elle favorise la réalisation d?une paix positive.

1- La transcendance des conflits

Transcender le conflit c?est le dépasser, en trouver un issue favorable qui satisfait à l?ensemble des parties. La transcendance en matière de conflits dérive d?une dialectique contradictoire où, des réflexions sont posées sur le conflit et des potentielles solutions imaginées dont l?objectif vise au maximum une issue gagnant-gagnant entre parties. Les scénarios imaginatifs de la transcendance des conflits dépassent le cadre des contradictions entre parties tout en évitant des réponses précipitées, à court terme. Elle propose des options de gestion des conflits et de prévention de la violence durable et à long terme. Galtung précise que dans sa conception, la transcendance se fonde sur les valeurs. C?est pourquoi, tout effort de transcendance doit avoir pour fond de toile les valeurs.

La non-violence développe et entretient l?aptitude au pardon. L?amour est sous-tendu par le pardon, la nécessité de pardonner à l?injustice et le mal présage l?amour.

Pardonner ce n?est pas ignorer le mauvais acte commis, mais agir de tel sorte que cet acte cesse d?être un obstacle aux relations. Le pardon est un acte catalyseur qui crée l?ambiance nécessaire à un nouveau départ et à un recommencement. Ce pardon non plus ne divise, mais se focalise sur la réconciliation et l?établissement d?une relation nouvelle. Ainsi, la non-violence, prônant ce principe est favorable à la paix via une transcendance positive.

En effet, l?acte mauvais n?exprime pas la nature de l?être qui le commet car la personnalité est fluctuante truchée de bon et de mauvais. De mauvais actes peuvent parfois dériver de l?incompréhension ; ceci doit entrainer une réduction de la haine.

King affirme que « si nous regardons sous la surface, sous l'impulsion mauvaise, nous trouvons en notre prochain ennemi ce qu'il y a de bon et nous constatons que la méchanceté et la malice de ses actes n'étaient pas une représentation adéquate de tout ce qu'il est »101. Des sentiments et attitudes tels la peur, l?orgueil, le préjugé, l?ignorance sont la cause de la haine. Ce constat amène à aimer l?ennemi et pardonner ses actes à travers un comportement non violent.

La non violence refuse d?abattre l?ennemi ou de l?humilier, mais cherche plutôt à le comprendre, à gagner son amitié. Pour cela, chaque mot et chaque acte contribuent à la compréhension de l?adversaire et ouvre des voies au dialogue bloqué par les murailles de la haine. En effet, la haine accroit la haine et développe une chaine inépuisable. « Rendre haine pour haine multiplie le haine, ajoutant une obscurité plus profonde encore à une nuit déjà privée d'étoiles. L'obscurité ne peut chasser l'obscurité ; seule le peut la lumière. La haine ne peut chasser la haine, seul le peut l'amour »102. Aussi, la non violence considère que la haine produit des effets boomerang. En depis de causer des dommages sur l?adversaire, la haine a des impacts négatifs sur celui qui le commet. Les psychiatres expliquent par exemple que les conflits intra personnels sont enracinés dans la haine. A ce titre, ils pensent que si l?on n?aime pas, on périt. L?amour est donc la force pouvant transcender des situations critiques de violence en de véritables havres de paix.

2. La transformation des conflits

La transformation des conflits c?est un terme exprimé par John Paul Lederach qui vise la mise en place de nouvelles relations sociales et des structures équitables dans des conflits. Elle englobe l?escalade, le plaidoyer, la réconciliation et le développement durable.

101 King, Martin Luther : La force d'aimer. Casterman, Paris, 3 e édition, traduit de l?américain par Jean Brus,

1965, p. 65

102 Id, p.67

Transformer c?est changer et mettre en évidence un processus et non des solutions rapides. Cette notion désigne l?ensemble « des processus dans lesquels la misère est atténuée et de nouvelles relations sont crées, la vérité éclate au grand jour et est pardonnée, des institutions sont mises en place, le dialogue sur des normes et des valeurs peut avoir lieu, des compétences sont créées et l'espoir voit le jour »103.

C?est donc la désescalade pour prévenir ou arrêter la violence, mais aussi entrer en confrontation et intensifier les recherches des causes du conflit afin de lancer un signal pour l?avenir. La non-violence prône la tolérance qui est une coexistence pacifique. Elle tolère l?existence de l?autre qui à son tour, facilite la transition de la violence à la paix positive.

La non-violence prône de joindre parole et acte, l?agir et le dire, la théorie à la pratique. Très souvent, les acteurs en conflit professent les principes nobles de paix mais pratiquent l?antithèse qu?est la violence. Des discours sur la paix sont tenus, des plaidoyers pour la justice sont faits mais la démarche relève de l?injustice. Cette dichotomie entre ce qui est et ce qui doit être représente le côté tragique d?une quete pour la paix truchée de pratiques contradictoires. Pour cela, la non-violence prône l?unité entre la parole et l?action.

Aussi, la non-violence prône la conscience. Bon nombre d?analyses estiment encore que la guerre et la violence répondent aux problèmes. Une forte croyance est due en la force des armes, la course aux armements. Or, l?expérience de la guerre montre sa surannée. Une alternative y est trouvée par l?adoption de principes non violents. En effet, aucune nation, aucun groupe ne peut prétendre à la victoire de la guerre. « Une guerre dite limitée ne laisserait qu'un héritage catastrophique de souffrance humaine, de désordre politique...une guerre mondiale... ne laisserait que du feu couvant sous la cendre, en témoignage muet d'une espèce humaine que sa folie aurait conduite à une mort prématurée »104.

La paix est menacée par une forte croyance en l?anéantissement, parce que trop nombreux sont ceux qui sont inconscients. La non-violence transforme donc cette mauvaise acceptation de la paix en de situations positives viables, en clamant sincérité et conscience de par les effets dévastateurs de la violence.

D?après John Paul Lederach, « Negociation is only possible when the needs and interests of all those involved and affected by the conflict are legitimated and articulated »105. Ceci dit, la non-violence est un complément nécessaire à cette négociation, en aidant les

103 Galtung, Johan : Repenser le conflit : l'approche culturelle, préparé pour le projet dialogue interculturel et prévention des conflits, conseil de l?Europe, Strasbourg, 2002, p.21

104 King op cit , p55

105 Lederach, John Paul: Preparing for Peace: Conflict Transformation across cultures. Syracuse University Press, New York, 1995,p.14 cité par Dudouet Véronique; Nonviolent Resistance and conflict transformation in power asymmetries, Berlin, Berghof Research Center for constructive conflict Management,2008,p.13

groupes marginalisés d?acheminer un processus de négociation effectif. La non-violence renforce les capacités des individus en matière de paix, elle accorde à ses partisans un changement, développe le sens du respect, de l?organisation et l?esprit de groupe.

Comme première phase du renforcement des capacités, la non-violence éduque, alerte sur les relations inéquitables et cherche à restaurer cette équité. La seconde phase concerne la mobilisation et la formation des groupes pour une action commune directe. Par exemples, ces groupes qui sont très souvent des activistes, mettent en oeuvre des stratégies pour être rallier même par ceux qui au début ne soutenaient par leur cause. Les actions symboliques, les démonstrations permettent de renforcer la cohésion entre résistants et influencent les attitudes des adversaires les appelant au dialogue. La non-violence mobilise aussi la conscience générale sur une situation conflictuelle. Elle appelle des organisations et autres groupes quoi que ne faisant pas partie des victimes à s?opposer par des moyens non violents à une oppression.

Bien que la non-violence perçoive le conflit comme négatif, elle pense tout de même que c?est une opportunité de rencontrer l?adversaire afin de bâtir un avenir meilleur. En plus, ses techniques et règles présentent une forte littérature visant à déconstruire les relations conflictuelles et rassurer les adversaires sur leurs intérêts et préoccupations.

DEUXIEME PARTIE :

DIMENSIONS DE LA VIOLENCE DIRECTE AU

NORD KIVU

Traiter des dimensions de la violence directe au Nord Kivu c?est en analyser les composantes, déterminer l?ampleur de ces situations de violence qui font que cette région des Grands Lacs soit l?une des plus instables en Afrique et par là motive l?espoir de construction d?une paix durable. Pour cela, nous rentrons dans l?histoire, la socioéconomie et le politique pour identifier dans un premier temps les structures de la violence directe (chapitre I) et les approches de recherche de paix (chapitre II) dans un second temps.

Mais, avant d?aborder ces questions, il est nécessaire de donner une esquisse de présentation du Nord Kivu.

Le Nord Kivu est une province de la RDC, située à l?est. Il est limité au Nord Est par l?Ouganda, au Sud Est par le Rwanda, au Nord par la province de l?Orientale et au Sud par la province du Sud Kivu. Il occupe 2.5% de la superficie du pays soit 59.483 km2. Sa population en 2005 est estimée à 4.5 millions d?habitants et comporte cinq grandes aires culturelles traditionnelles : Nande, Hunde, Nyanga, Tembo et Banyarwanda.

Le Nord Kivu est dirigé par un gouvernement provincial avec à sa tête un gouverneur assisté d?un vice gouverneur, tous deux élus par l?assemblée provinciale. Subdivisé en trois villes106, six territoires ruraux qui regroupent dix chefferies et sept secteurs pour environ 5.000 villages, le Nord Kivu est un scandale géologique doté de massifs montagneux, de terres fertiles et d?un sous sol très riche en ressources naturelles. L?économie de la province est essentiellement tournée vers l?agriculture dont les principaux produits vivriers sont : le manioc, le maïs, la pomme de terre, le haricot, la banane et l?arachide. Cette agriculture est pratiquée de façon traditionnelle avec utilisation d?outils rudimentaires. L?élevage du bétail constitue aussi une part importante des activités. L?activité minière y est intense, avec l?exploitation de l?or, du diamant, de la casserite et du coltan de façon artisanale. L?industrie y est très peu développée. Plusieurs industries de production du bois, du thé et des boissons sucrées jadis prospères ont fermé ou produisent en deçà de leurs capacités. Dans son rapport sur la pauvreté au Nord Kivu, le PNUD relève que ( l'activité économique tourne au ralenti, le chômage y a augmenté et les revenus des populations ont fortement baissé »107. Quelques indices renforcent ce constat : le taux de pauvreté est de 72.9%, le taux de sous emploi global de 78.3% avec 89.7% des actifs travaillant dans le secteur de l?informel. Dans le méme cadre, le Nord Kivu compte 27.8% de non instruis, 32.6% de la population a atteint le primaire, 37.1% le niveau secondaire et 2.1% le niveau supérieur. Ce qui explique qu?il compte 3.3 millions de pauvres en 2005108.

Entre 1990 et 2011, cette province a connu deux principales guerres et plusieurs autres scènes de violence. Les facteurs qui ont marqué sa situation sociopolitique sont essentiellement : la guerre de libération entamée en 1996 par l?AFDL sous l?égide de L.D.Kabila qui renversa par un coup d?Etat le régime de Mobutu Sesse Seko en 1997 ; la guerre d?agression de la RDC entamée en 1998 mettant aux prises deux principales alliances109 lorsque L.D.Kabila décide de mettre un terme à ses relations avec l?Ouganda et le

106 Les principales villes du Nord Kivu sont : Beni, Butembo et Goma

107 PNUD RDC : Nord Kivu Pauvreté et conditions de vie des ménages, Kinshasa, Mars 2009, p.4

108 Id, pp.4-11

109 La première alliance est constituée par le Rwanda, l?Ouganda et le Burundi. Elle est qualifiée de l?alliance des pays agresseurs. En réaction aux exactions de cette alliance qui menace la paix, la stabilité et la souveraineté de

Rwanda qui pourtant, l?avait aidé à conquérir le pouvoir. Cette province est dès lors en proie aux guerres et conflits armés où sont intervenus des pays voisins, des rebelles et des milices à dominance ethnique. Gaspard Muheme110 démontre que la compétition au Nord-Kivu se présente sous quatre éléments :

- Le conflit foncier (la terre) ;

- La domination politique (l?influence) ;

- Le pouvoir économique (l?argent) ;

- Le savoir intellectuel (le management).

De là, on se rendra compte que les guerres au Nord-Kivu découlent en grande partie

des mouvements de population entre ses voisins.

Les conflits au Nord Kivu sont multidimensionnels. Ils touchent à la fois un ensemble d?acteurs diversifiés et se situent à plusieurs échelles de l?analyse du conflit. De par la méfiance entre voisins, ils rentrent dans la catégorie des micros conflit. De par les affrontements entre les groupes ethniques ou entre des groupes de milices organisés, ils rentrent dans la catégorie des méso conflits. Du fait des affrontements entre neuf Etats sur le sol du Nord Kivu, les conflits qui alimentent cette région sont considérés comme des macros conflits. Aussi, du fait de la prégnance de la nationalité dans les manifestations conflictuelles et de l?opposition entre les nations qui sont en majorité celles Hutu et Tutsi, les conflits qui embrasent le Nord Kivu sont considérés comme des méga conflits. Ces conflits sont liés aux structures politique, économique et culturel donc, sont structurels. Par ailleurs, les mobiles des affrontements ou de la haine sont divers et tournent autour des questions de nationalités, de gestion du pouvoir, de la terre et du contrôle des ressources naturelles. Dans ce cas, les conflits au Nord Kivu sont de nature complexe. Les considérations sur les conflits au Nord Kivu montrent alors qu?ils obéissent à l?ensemble des typologies des conflits basé sur l?analyse de la dimension, la taille et l?échelle du conflit. Ces conflits sont donc micro, macro, méso, méga, complexes et structurels.

la RDC une alliance est constituée pour contre attaquer la première qui s?était savamment infiltrée dans le territoire congolais. Il s?agit de : la RDC, le Zimbabwe, l?Angola et la Namibie.

110 .Muheme Bagalwa, Gaspard : Ces guerres imposées au Kivu, A. Bruylant, Bruxelles, p. 77.

CHAPITRE I : LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD KIVU

La violence directe à des structures. Etant donné qu?elle obéit à un schème de faits et de représentations, elle peut titre décomposée afin de mieux titre cernée. Les structures ici concernent donc le développement, mieux la genèse de la violence directe (I) ainsi que les impacts et/ou effets de cette violence au plan interne et externe (II).

I- La genèse de la violence directe

La violence directe qui se pose comme obstacle à la paix au Nord Kivu trouve essor dans les domaines politique (A) et économique (B) internes et externes.

A- Le domaine politique

La colonisation Belge a favorisé les conflits internes, les instabilités politiques dans les Grands Lacs les ont accélérés et leur ont donné une dimension internationale ; ajouté à cela, l?action de l?élite dans la gestion de la chose publique n?a fait que phagocyter des tensions internes existant déjà surtout sous la forme du foncier et de l?identité nationale Congolaise.

1- Facteurs politiques exogènes

Les facteurs politiques exogènes concernent essentiellement la politique coloniale Belge et les problèmes accentués et nés au Nord Kivu avec l?assaut des réfugiés et rebelles rwandais, Burundais et Ougandais autour des années 1994.

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Lorsque nous nous inspirons des faits historiques dans le processus de construction de la violence directe au Nord Kivu, l?administration sous la colonisation Belge reste un fait saillant. En effet, si la violence a escaladé au Nord Kivu, c?est en partie lié à l?intervention de la Belgique dans la gestion des ethnicités et de l?éducation.

i)- La manipulation des identités ethniques

Dans sa politique coloniale, la Belgique, selon que le jeu lui était favorable, a créée des tensions entre les groupes ethniques. Ces tensions seront le socle des barbaries liées aux multiples scènes de violence s?observant au Nord Kivu.

En effet, selon une théorie des invasions successives préconisée par l?explorateur John Speke en 1863 dans le cadre du mythe hamitique, les administrateurs coloniaux Belges classèrent la population en Hamite, Bantou et Pygmée.

Selon des distinctions caricaturales, les Hamites dont les représentants seraient les Tutsis furent considérés comme une race de géants aux allures aristocratiques. Tandis que, les Bantous représentés par les Hutus étaient décris comme des gens trapus aux cheveux crépus et au nez épaté. De leur côté, les Pygmées représentés par les Twa sont qualifiés de « grotesques petites créatures »111 vouées à la disparition tel que le souligne Gahama. Cette critériologie de classification conduisit aux jugements moraux sur les ethnies. Par exemple, les Tutsis étaient considérés comme des gens intelligents, ayant des aptitudes de commandement, tandis que les Hutus étaient considérés comme des gens moins intelligents.

Autour des années 1930, des premiers signes de clivages s?observent entre Hutus et Tutsis, lorsque dans son administration, la Belgique décide de s?appuyer sur les Tutsis en destituant toutes les autorités traditionnelles Hutus. Aussi, dans cette même période, les écoles construites pour former les auxiliaires d?administration accueillent en majorité les Tutsi. De là, cette élite grandit en se nourrissant du mythe hamitique. Mais, autour de 1950, le discours opère un retournement. Les Tutsi n?étaient plus dans le plan d?action Belge. Ils étaient dès lors qualifiés de mauvais, d?envahisseurs venus coloniser les Hutus. A ce moment, les Hutus furent la priorité de la Belgique notamment dans la mise en ouvre de sa politique coloniale. Pour renforcer l?idée de haine, la Belgique construis dans l?imaginaire Hutu l?idée de victimes des exactions des Tutsi féodaux112. Dès lors, les tensions inter Hutu-Tutsi qui s?enchaînent au Nord Kivu dans les années 1960, 1990 et 2000, ainsi que les génocides Hutu-Tutsi dans toute la région des grands Lacs sont comprises sous ce prisme.

La gestion des ethnicités par l?administrateur colonial favorisait la haine interethnique selon le principe classique de diviser pour mieux régner. Cette gestion a aussi eu d?autres paramètres notamment dans la politique de l?éducation.

111 Gahama, op.cit p104

112 Id p.105

ii)- la politique de l'éducation

Dans toute la RDC en générale et au Nord Kivu particulièrement, la Belgique a défavorisé l?éclosion d?une élite intellectuelle. Comme l?asserte Pondi, « l'enseignement dispensé au Congo excluait systématiquement toute formation d'une élite »113. Les administrateurs coloniaux avaient à cette période créée un système d?éducation pyramidale. Ils y avaient édifié un enseignement primaire très largement diffusé, un enseignement secondaire très réduit et, « orienté vers des domaines de formation professionnelles tel que relieurs pour bibliothèque... »114. Tandis que, le sommet de la pyramide était presque inexistant. La manifestation en est que, sous la colonisation Belge, la RDC n?a connue qu?un seul universitaire, Thomas Kanza115. La raison en était que le colon Belge croyait former des agitateurs si les noirs accédaient à l?éducation. C?est pourquoi il institua le paternalisme, bien plus que les systèmes français et anglais où, quelqu?en soit la situation, les noirs devaient respect, docilité, reconnaissance et collaboration loyale au colon.

La résultante de cette absence d?élite intellectuelle s?observe en premier au lendemain de l?indépendance, où la RDC vit un chao suite à la fragmentation du pouvoir qui fait passer le nombre de province de 6 à 21. Pourtant, la classe politique congolaise était médiocre à cause du manque de formation dans le domaine de l?administration publique. Aussi, suite aux meurtres de Léopold ville le 06 juillet 1960 qui ont mis sur le Caro quelques Belges, l?appareil administratif essentiellement dirigé par ceux-ci se vide. « Sur les 8200 fonctionnaires Belges présents au Congo avant le 30 juin 1960, on n'en dénombrait que 1600 au mois d'aoit de la meme année ». L?appareil administratif étant vidé, il fallait le reconstituer le plus vite possible avec le personnel disponible, lequel ne jouissait pas toujours d?une formation adéquate.

Dans une perspective chronologique et historique, la violence directe au Nord Kivu remonte donc à cette gouvernabilité désastreuse des ethnies et de l?éducation. La sous scolarisation et les irrédentismes identitaires voire ethniques qui se posent comme frein inconditionnel au développement pluridimensionnel de cette région de la RDC, s?observent et s?analysent sous cet angle. Toutefois, d?autres facteurs tels que les violences politiques dans les Etats voisins fournissent des informations supplémentaires sur la question.

113 Pondi, op.cit p.11

114 Ibid

115 Ibid

b. Les instabilités politiques dans les Grands Lacs

Les Grands Lacs africains sont empreints à des séries de violence depuis les années 1960 c?est-à-dire après l?acquisition des indépendances des Etats de cette région. De par la proximité géographique, les alliances ethniques transfrontalières, le Nord Kivu subit le contre coup de ces violences. Essentiellement, Les instabilités politiques au Burundi, en Ouganda et au Rwanda autour des années 1994 accélèrent la violence directe au Nord Kivu. C?est dans cette perspective que Pamphile Sebahara pense que la paix et la stabilité restent fragiles à cause entre autre de la présence de groupes armés étranger et de milices ainsi que de soupçon des troupes étrangères sur le territoire de la RDC116.

En juin 1993, des élections présidentielles et législatives se déroulent au Burundi « dans des conditions exemplaires et elles aboutissent à une alternance politique délicate mais impeccable »117. A l?issu de ces élections, Melchior Ndadaye est élu avec 2/3 de voix, ravivant ainsi la victoire à l?ancien président Buyoya.

Dans la nuit du 20-21 octobre 1993, un coup d?Etat mené par le 11è bataillon blindé éclate et, le président Melchior Ndadaye (Hutu) est assassiné. Débute alors une vaste opération de massacres, un génocide interethnique entre Hutu et Tutsi. Ce génocide crée un vide juridique, administratif et politique au Burundi entraînant les populations à se réfugier en majorité vers le Rwanda et le Nord Kivu. Les problèmes qui naîtront avec les réfugiés Burundais au Nord Kivu seront liés à la gestion des ressources naturelles, à l?accès aux biens et services ainsi qu?à la constitution des jeux d?alliance interethnique.

L?Ouganda quant à elle fait face à des tensions internes dès le début des années 1980, qui s?accentuent autour des années 1995. En effet, plusieurs groupes rebelles sont en combats en Ouganda. Tout d?abord, le LRA depuis 1986 lorsque Museveni prend le pouvoir. Le LRA voudrait replacer l?ancien gouvernement sous la base des 10 commandements divins118. A partir de 1995, le WNBF basé au Nord Kivu commence les combats pour faire revenir le régime de Idi Amin au pouvoir. Il s?associe à l?ADF basé sur le même territoire pour intensifier ses attaques contre le gouvernement Ougandais. Ces groupes de rebelles, repliés vers le territoire du Nord Kivu lance des raids permanents contre leur gouvernement central. Dans ce cas, ce gouvernement qui ne prétend pas abandonner son contrôle politique réagit par

116 Sebahara, Pamphile : la conférence internationale sur les Grands Lacs, enjeux et impacts sur la paix et le développement en RDC. GRIP, 2006/2

117 Chrétien, Jean Pierre et Mukuri, Melchior : Burundi, la fracture identitaire, logiques de violence et certitudes « ethniques ». Karthala, Paris, 2002, p.17

118 Bercovitch, op.cit. p.106

des contre attaques armées, et vas jusqu?à la base de ces groupes de rebellions pour les traquer. Ces offensives participent alors à l?instabilité au Nord Kivu.

Bien plus, dans la perspective des instabilités dans les Grands Lacs, le génocide Rwandais est un événement profond qui tourbillonnera la paix au Kivu. Cette influence du génocide Rwandais sur la paix au Nord Kivu se résume en 3 principaux éléments : l?assaut des réfugiés, l?intensification des conflits internes et l?interventionnisme du gouvernement Rwandais.

Le génocide Rwandais a entraîné plus d?un million de réfugiés Hutu et Tutsi dans les Kivus et principalement au Nord Kivu. Ces réfugiés étaient essentiellement constitués de civils, d?ex FAR et d?Interahamwe119 taxés d?avoir commis le génocide. En plus de la pression démographique, ces Rwandophones ont accru les tensions internes existantes au Nord Kivu. Avant le génocide de 1994 au Rwanda, un conflit opposait déjà, comme les Banyarwanda120, d?un côté, et, de l?autre, les Nande, les Hunde et Nyanga au Nord-Kivu. Mais, « avec l'arrivée massive dans cette province des réfugiés rwandais encadrés par les milices hutu extrémistes Interahamwe et des éléments des FAR, les alliances locales changèrent de nature : dans le Masisi, par exemple, Tutsi et Hunde combattirent en commun contre les Hutu congolais et rwandais (ex-FAR et Interahamwe) »121. Vers mai 1996, presque tous les Tutsi de Masisi avaient pu trouver refuge au Rwanda où dominait maintenant le FPR, à l?exception de 2 000 déplacés122 cantonnés dans deux localités du Nord-Kivu, Kichanga et Mokoto. Le 12 mai, la dernière fut attaquée par les milices rwandaises et les ex-FAR qui y tuèrent une centaine de Tutsi. Un fait aussi important à noter est que les réfugiés rwandais (sous le contrôle des ex-FAR et des Interahamwe) avaient formé une alliance avec les Hutu congolais pour combattre contre les autres ethnies du Masisi. C?est ainsi que les Hunde et Nyanga étaient aussi victimes des attaques hutu et certains ont dû se réfugier au Rwanda. Bien plus, la formation des alliances locales entre Hutu et Nande, Tutsi et Nyanga ou entre Hutu et

119

Les Interahamwe constituent la plus importante des milices rwandaises créées dès 1992 par le président Rwandais Juvénal Habyarimana. Interahamwe signifie « ceux qui combattent ensemble » en Kinyarwanda. Ces milices sont responsables de la plupart des massacres pendant le génocide de 1994. Lorsque l?APR prend le pouvoir au Rwanda, les interahamwe se refugient pour la plupart au Nord Kivu où ils continuent leurs exactions. Ceux-ci recrutent civiles rwandais et congolais. Ils forment l?armée de libération du Rwanda et se retrouvent plus tard dans les FDLR.

120 Ce mot de la langue Swahili désigne les populations d?origine rwandaise à savoir les Hutu et les Tutsi.

121 Rusamira, op.cit p.7

122 Reyntjens, Filip (dir.) : L'Afrique des Grands Lacs : annuaire 1999-2000. L?Harmattan, Paris, 2000, p.7 cité par Rusamira op.cit

Hunde a fait naître des milices revendiquant des droits congolais officiellement123. C?est dans cette perspective que, le gouvernement central Rwandais dans une innovation de guerre préventive, mènera des opérations militaires contre la RDC sous prétexte de traquer les réfugiés Hutu et Interahamwe qui constituent une menace contre son régime. Aussi, le Rwanda soutient que, la zone du Nord Kivu fait partie intégrante de son territoire. Sa mission en RDC et au Nord Kivu est donc double : traquer les génocidaires Hutu et récupérer son territoire à la RDC. Ceci débouchera sur le soutien aux factions de rébellion à travers la fourniture d?armes et d?autres logistiques et moyens de guerre pour combattre le gouvernement congolais. Et, le fait le plus marquant reste, l?appui voire la construction de l?AFDL qui défiera les 32 ans de règne de Mobutu Sesse Seko en 1997.

Les instabilités politiques dans les Grands Lacs ont favorisé les violences par le processus de « diffusion »124 au Nord Kivu des tensions propres aux Etats de cette région. Les rebellions des pays voisins utilisent ce territoire comme base de leur insurrection. Ajouté à cela, les liens d?ethnicité entre peuples des pays de cette région africaine par le processus des alliances accentuent la violence directe au Nord Kivu. De là, présent sur ce territoire des revendications et autres protestations vont naître ; protestations visant l?acquisition de droits et autres avantages, ce qui entretient le cycle de la violence.

2- Facteurs politiques endogènes

Dans le processus d?appréhension de la violence directe au Nord Kivu, les facteurs politiques endogènes viennent renforcer ceux exogènes pour fournir une explication du « dedans »125 et du « dehors »126 telle que le préconise l?approche dynamiste balandierienne dans la compréhension des dynamiques sociales. Ainsi, le dedans de cette violence concerne principalement l?action de l?élite et la problématique du foncier et de la nationalité.

a. L'action de l'élite

La violence directe au Nord Kivu est également imputable aux élites politiques qui se sont succédé à la tête du gouvernement congolais. Chronologiquement, on peut identifier trois

123 Il est à préciser que plusieurs groupes mayi-mayi sont crées sous cette dynamique. Ceux-ci, à la base des groupes d?autodéfense, se constituent pour sécuriser leurs familles et leurs territoires contre l?invasion externes des étrangers à savoir Rwanda et Ouganda.

124 Tranca, Oana : la diffusion des conflits ethniques, une approche dyadique in, Etudes Internationales, vol.37, no 4, 2006, pp. 501-524

125 Balandier, Georges : Sens et Puissance, les dynamiques sociales. PUF, Paris, 1971

126 Id

periodes. La première periode qui va de 1960 à 1962 est marquee par une decolonisation manquee. En effet, celle-ci fut arrachee dans de très mauvaise conditions : assassinats et pertes des principaux leaders notamment Patrice Emery Lumumba, tentatives de secession au Katanga et aux Kivus. Cette periode fût marquee par de violents troubles consequences des divisions ethniques introduites par le colon Belge. La deuxième periode qui va de 1962 à 1990 vit l?institutionnalisation d?un régime autoritaire à partie unique durant lequel Mobutu fit appel à l?armée et aux solidarités ethniques et régionales pour asseoir son pouvoir. Sous Mobutu, le système politique ne favorise pas l?expression des libertés ; la concentration du pouvoir entre les mains d?une bourgeoisie comprador, le favoritisme et le tribalisme créent des frustrations et l?impunité entraînant la loi de la jungle. Dès lors, la débacle s?installe dans les institutions, « le décloisonnement de l'armée où s'affrontent les généraux à travers des recrutements massifs sur base ethnique pour préserver leur leadership vis-à-vis des autres généraux »127 devient une realite. Durant cette periode, la violence structurelle prit une très grande ampleur et l?administration politique n?était autre que la perpétuation du système colonial à travers le paternalisme, le mythe de la superiorite et une gestion calamiteuse des ressources publiques. La troisième periode qui va de 1990 à nos jours voit egalement les crises traversees tout le pays et, le Nord Kivu vie encore dans cette spirale. Ces violences sont dues par deux choses. D?une part, il y?a la mauvaise gouvernance et des politiques divisionnistes basées sur l?idéologie du génocide, de la haine et de l?exclusion. À ce titre Rusamira affirme « Le régime Kabila a déçu les Hutu congolais depuis le début de cette deuxième guerre. Les diplomates appartenant à cette communauté furent chassés au même titre que les Tutsi : c'est le cas par exemple du professeur Oswald Ndesho, qui était ambassadeur en Ethiopie, mais qui fut remercié au mois d'ao~t 1998, juste quelques semaines après le début de la guerre. Ceux qui sont restés à Kinshasa n'ont pas été non plus bien traités : ils ont obtenu certes un portefeuille ministériel, celui de la Santé publique, en faveur d'un des leurs, le Dr Mashako, mais on leur a refusé un siège au sein du parlement de transition mis en place par Laurent Désiré Kabila. Ce refus peut facilement s'expliquer par l'opposition farouche de certains extrémistes de l'est du Congo envers les Banyarwanda »128. Les grands services, la direction du pays, sont repartis selon des considerations ethniques. D?autre part, il y?a la dictature et le mauvais leadership. Les grandes decisions sont toujours prises par une poignée de personnes qui s?approprient tous les pouvoirs, les conservent jalousement et qui excluent les citoyens dans la gestion du pays. Et, lorsque le pouvoir

127 Ngbanda, Honore : Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du maréchal Mobutu. GIDEPPE, Paris, 1998, p.51

128 Rusamira, op.cit. p. 9

politique devient une source de revenus il se présente comme une question de vie ou de mort129. L?élite est donc en partie responsable de la calamité sévissant au Nord Kivu. Son action se matérialise également dans la gestion des terres et de la nationalité.

b-Le foncier et la question de nationalité

L?accès, l?utilisation et la gestion des terres sont inextricablement liés aux conflits au Nord Kivu. Pression démographique, retour des réfugiés et des déplacés, conflits liés à l?utilisation des terres, réclamation des terres spoliées, luttes locales de pouvoir sont autant de problèmes liés à la question foncière et de nationalité. Cette question est complexe de par ses dimensions : économique, politique, juridique, sociale et spirituelle. En effet, deux principaux liens peuvent être établis entre foncier, nationalité et violence directe au Nord Kivu. Primo, foncier et nationalité génèrent la violence directe, secundo, foncier et nationalité servent à alimenter cette violence.

Tout d?abord, le chevauchement entre pouvoirs décisionnels coutumier, légal et informel sur le contrôle de la terre produit la violence directe. Ces trois pouvoirs disputent leur autorité sur le contrôle de la terre au Nord Kivu. Le système coutumier est administré par des chefs traditionnels qui fondent leur autorité sur la terre par leur rôle de chef ethnique et des prétentions dues à l?histoire de la communauté de vivre et exploiter la terre dans une zone géographique précise. Le système informel est celui né de l?absence de l?Etat et auquel le système coutumier ne s?applique pas. Tandis que, le système légal repose sur les lois et les réglementations nationales, mais n?est pas appliqué partout dans le Nord Kivu. Seuls les grands domaines d?exploitation ou possédant des richesses sont du ressort légal (public), les petits sont du ressort du système coutumier. Ces systèmes se chevauchent géographiquement si bien que des groupes ou des personnes peuvent simultanément les réclamer. Dans le système coutumier l?appartenance ethnique détermine l?octroi de la terre par le chef. Ce système ne peut être dépossédé de la terre. Avant la période coloniale, l?accès à la terre par les étrangers était subordonné au paiement de la redevance au chef, mais, ceux-ci ne pouvaient jouir du même statut social que les autochtones. Le régime Belge changea le système d?acquisition des terres en introduisant le titre foncier. Désormais, on pouvait acheter des terres, mais il ne le fit pas partout. Ainsi, système légal et coutumier continuèrent à se chevaucher méme après l?indépendance quoique la majorité des terres reste sous le régime coutumier. La loi de propriété de 1973 annula en théorie ce double système, ramenant dans le

129 Gahama, op.cit, p. 106

ressort de l?Etat toutes les terres. Mais, aucune ordonnance de l?Etat ne clarifia le statut des terres, ce qui rendit superflu la décision. Dans cette perspective, les chefs locaux furent attribués le rôle d?administrateurs dans la vente des terres aux particuliers. Ils en profitèrent pour tirer profit par la corruption et la surenchère. De là, les terres commencèrent à se raréfier. Ajoutée à cela, la croissance démographique accentua le processus. C?est à ce moment que le concept de communautés autochtones trouva un stade d?expression favorable, entraînant avec elle la question de nationalité liée au pouvoir politique et au contrôle de la terre. Ceci est une résultante de l?action coloniale qui força certaines communautés à se déplacer pour servir comme main d?oeuvre pour des projets spécifiques. Il s?agit notamment de la « mission d?immigration des Banyarwanda » ayant drainé au Nord Kivu de milliers de Rwandais pour aller travailler dans les plantations agricoles au Nord Kivu. Il est vrai, certaines populations immigraient toutes seules ; cependant, très peu de ces communautés disposait d?un droit d?accès à la terre par le biais de leur chef. Le régime Belge en était le centre et l?octroyait à des groupes en fonction de ses alliances et intéréts. A ce titre, les Banyarwanda n?eurent qu?un statut controversé, ajouté à cela des tensions interethniques liées aux multiples vagues de migration. La conséquence en est que, les disputent entre Hutu et Hunde sur l?autorité des chefs locaux provoquèrent la guerre Kanyarwanda130. A ce moment, le concept d?autochtones sert de base pour toute sorte de revendications, conduisant à des conflits. Il est dès lors lié à l?appartenance à une lignée congolaise, politisé et ambiguë.

Ni les accords de paix de 2003, non plus la loi de 2004 même si elle définit deux catégories de citoyenneté : par origine et acquise, ne résout le problème des nationalités des Banyarwanda. En raison des crimes économiques et du service rendu à un Etat étranger, éléments de refus de la nationalité acquise, des communautés rwandophomes doivent se voir refuser la citoyenneté congolaise. La loi sur la citoyenneté se sert des groupes ethniques et de leur identification historique à un territoire comme critère premier d?acquisition de la nationalité. Ainsi, l?appartenance ethnique est le fondement de l?appartenance nationale.

Par ailleurs, la terre alimente la violence directe. Profitant du vide institutionnel pendant la guerre, des groupes occupent des terres prolifiques et n?ont aucun intérét à ce que la paix revienne. Les mouvements rebelles RCD-ML, RCD-G, CNDP ont bénéficié sur les plans politiques et économiques du contrôle des terres arables et des pâturages ainsi que des tracés de nouvelles limites administratives. Ils ont bafoués les autorités traditionnelles,

130 Conflit interethnique qui éclate au Nord Kivu en juillet 1963 et met au prise pendant plus de deux ans les différents groupes ethniques de la région. D?un côté, Hutu et Tutsi s?affrontent, de l?autre côté Hunde et Nande, Hunde et Nyanga ou Nande et Tembo. Cette série d?opposition fait suite aux tentatives d?autonomie des provinces de la RDC après l?accession à l?indépendance le 30 juin 1960.

utilisant l?argent des revenus miniers pour exproprier des populations et, gagner aussi de l?argent en échange de sécurité pour le compte de gros propriétaires terriens impliqués dans les conflits fonciers. Par exemple, le parc national de Virunga a été empiété par des milices où elles effectuent des trafics de bois, de charbon et crée des camps de pêcheurs afin de s?alimenter pendant la guerre. Le gouvernement a procédé à l?intégration du CNDP dans les forces armées congolaises, mais, le CNDP, divisé, garde un pied en dehors des structures de l?Etat. Bien plus, l?afflux des réfugiés rwandais depuis 2002 vers le Nord Kivu augmente la proportion de personnes réclamant la citoyenneté congolaise, donc la terre. Avec ces multiples déplacements, certaines personnes ayant fuis les guerres au Nord Kivu peuvent eux aussi revenir et réclamer leurs terres sans doute occupées par d?autres. Ce qui constitue un potentiel facteur aggravant la violence directe de par sa prégnance sur la revendication des terres donnant lieu à l?obtention de la nationalité qui, à son tour détermine l?accès au pouvoir pour le contrôle des ressources.

B- Le domaine économique

Aussi bien que les facteurs politiques, les facteurs économiques permettent d?appréhender la violence directe au Nord Kivu. En effet, pauvreté, gestion des ressources naturelles et questions liées au leadership aident à comprendre l?escalade permanente des méso conflits dans cette région. La pauvreté initie l?implosion de la violence et, les ressources naturelles l?entretiennent et apporte une autre dimension aux conflits. Le conflit passe ainsi du stade méso au macro conflit avec une prégnance des méga conflits, ici, essentiellement due par les luttes entre ethnies.

1- Facteurs économiques endogènes

a. La pauvreté

Le chômage, le sous emploi, les conditions de vie désastreuses sont dues par la pauvreté. Dès lors, cette pauvreté entraine le manque d?opportunité, de là à renforcer le cycle de perpétuation de la violence.

Dans son administration politique, Mobutu promut la Zaïrianisation ou authenticitéafricaine. Ce système, méthode de retour aux valeurs africaines traditionnelles, consistait à ne

consommer que des produits africains faits par les africains. Il intégrait aussi le système
culturel et même la pensée. Les effets de cette zaïrianisation ont été dévastateurs notamment
sur l?économie. D? après Ndikumana et Kisangani, la zaïrianisation a endommagé le secteur

privé, décrédibilisée l?Etat au plan international dérivant sur la faillite de l?économie131. Pour pallier à cette situation économique désinvolte, Mobutu se retourne vers les institutions financières internationales pour obtenir de l?aide. Les dettes sont concoctées, mais, une fraction infime est utilisée à bon escient, c?est-à-dire pour financer l?économie. Cette situation conduit à un endettement massif qui amène la RDC à appliquer les PAS dans la seconde moitié des années 1970. Mais, les effets des réformes proposées par la BM et le FMI sont insignifiants ; car l?économie continue à se détériorer. Par exemple, entre 1978 et 1988 le PIB annuel décroit de 1.2% et le taux d?inflation s?élève à 56% par an132. Le social en subit profondément le choc d?autant plus que, la pauvreté installe son nid dans les provinces de la RDC et au Nord Kivu. La pauvreté à son tour crée le manque d?opportunité qui encourage une part importante de la population et surtout les jeunes à entrer dans les milices. Ceci est une opportunité de mobilité sociale. Séverine Autessere133, reprenant les propos d?un enquêté lors de sa recherche sur les causes des violences en RDC asserte que les Mayi-Mayi ont très faim pour respecter certaines valeurs. L?appartenance à une milice donne à ses membres un sentiment de reconnaissance, de respect et la considération d?être distincts de la masse. L?appartenance à une milice permet aux groupes jadis marginalisés tels que les jeunes d?avoir une ascension sociale, de se positionner à des endroits qui leur étaient refusés. Dès lors, ils n?ont aucun intérêt à ce que la paix revienne ; la guerre étant un moyen d?atteinte d?une position sociale respectable et lucrative. Autessere affirme à Ce titre «many Mayi-Mayi chiefs knew that, should peace return to the Congo, they would lose their status as all-, kinglike leaders and become once again mere soldiers-often ill-trained and illiterate. This was one of their main motivations for refusing to be integrated into army»134.

Il y?a donc lieu de constater que la guerre et l?enrôlement dans l?activité belligérante constitue un moyen efficace d?émergence sociale et de lutte contre la pauvreté pour la plupart des populations intégrés dans les milices. Avec le poids des guerres, les infrastructures économiques et de développement sont détruites. Les terres s?amenuisent et l?emploi se raréfie. Il est vrai, l?on note quelques projets de développement au Nord Kivu, mais, ils sont beaucoup plus focalisés sur l?aspect humanitaire de la reconstruction post conflit. Dans ce contexte, l?enrôlement au sein des milices devient une activité génératrice de revenus. L?insécurité et la violence dans cette perspective sont donc retracées à partir de la pauvreté

131 Ndikumana, Leonce and Kisangani Emizet: The Economics of Civil War: the case of Democratic Republic of Congo in Political Economy Research Institute, number 63, 2003, p.18

132 Id, p.19

133 Autessere, Séverine : Local violence,National Peace ?Postwar « settlement » in the eastern D.RCongo(2003- 2006) in African Studies Review, volume 49,number 3?December 2006),p.13

134 Id, p.13

b. Les ressources naturelles

Nous le soulignions plus haut, le Nord Kivu est une zone riche en Cassérite, Coltan et Or. L?étude du positionnement des groupes armés décèle une forte activité de ceux-ci et des conflits majeurs dans les zones dotées des potentialités en ressources naturelles.

Les ressources naturelles constituent des facteurs de violence directe en trois principaux éléments. Premièrement, les acteurs nationaux se battent entre eux aussi bien que contre les groupes étrangers pour le contrôle des sites miniers. C?est le cas des FDLR et des Mayi-Mayi. Dans les sites miniers du Nord Kivu, les combats sont permanents135. Deuxièmement, l?exploitation illicite des ressources naturelles permet à tous les groupes armés de financer leurs efforts de guerre, qui entraine les conflits. Troisièmement, le contrôle des sites miniers par les groupes armés cause des violences massives sur les populations locales. Dans l?un de ses rapports, Global Witness relève des violations des Droits de l?Homme et du Droit International dans les mines du Nord Kivu. Il écrit à ce titre que tous les groupes armés sont impliqués dans les violences contre les civiles et que ces abus sont « integrally linked to natural ressources...as they were employed as methods by which to gain control either over resource-rich areas or over the ability to exploit them »136.

Plusieurs canaux permettent aux groupes armés de financer leurs activités. Le premier mode de financement de la guerre c?est la taxation directe par laquelle l?armée nationale et/ou les rebelles extraient les ressources naturelles en utilisant les soldats et la force du travail civile. La taxation aussi en l?obtention d?une taxe soit financière ou en ressource naturelle sur la production des creuseurs. A ce titre, entre janvier et octobre 2000, le coltan exporté à travers les comptoirs contrôlés par le RCD-G avoisine 6.7 millions de dollars US137. Ces groupes belligérants financent également la guerre par l?expropriation, la confiscation des ressources naturelles et toute autre forme de richesse. L?expropriation est effectuée soit directement dans les mines ou à travers la construction des barrages le long des routes d?acheminement des ressources naturelles extraites. Plusieurs barrages peuvent etre constitués entre des puits de mines et les comptoirs commerciaux. Par moment, lorsque la production s?avère insatisfaisante, les rebelles vont dans les villages pour s?approvisionner en main d?oeuvre ceci par la force, les sévisses corporelles ou les arrestations massives.

135 Global Witness: La paix sous tensions, dangereux et illicite commerce de la casserite dans l'est de la RDC, juin 2005, p.4, 8,16

136 Id, p.10

137 International Peace Information Service: Supporting the war Economy in the DRC :Europeans Companies and the Coltan Trade» , an IPIS Report, January 2002, 2002, p.12

Toutefois, la prédation des ressources naturelles alimente au plan interne la violence directe au Nord Kivu. Stephen Jackson relève qu?environ 72.000 kg de tantalite sont expédié une fois tous les 10 jours vers le marché international dont Londres, Amsterdam et Bruxelles constituent les destinations principales. Le rythme et la fréquence de l?exploitation des ressources naturelles ainsi que la géostratégie du positionnement des groupes armés prouvent tous que, les richesses naturelles ont une part importante dans la criminalisation de la guerre au Nord Kivu.

Aussi bien cette question des ressources naturelles se pose comme facteur interne, elle peut également être évoquée comme facteur externe de la violence directe. Mais, la différence en est qu?au plan externe, les questions idéologiques constituent de façon officieuse le mobile d?appropriation des ressources naturelles.

2- Facteurs économiques exogènes

a. Le leadership

La question du leadership est inextricablement liée à l?exploitation des ressources naturelles du Nord Kivu par des groupes et Etats voisins des Grands Lacs impliqués dans les violences. En effet, les ressources naturelles servent à construire une hégémonie sous régionale et réaliser par voie de conséquence le projet d'instauration de l'empire Hima-Tutsi. L?ONU dénonce la criminalisation de la guerre via l?exploitation intensive et illégale des ressources naturelles en RDC et au Nord Kivu par tous les groupes impliqués dans les conflits138. Les forces venues soutenir le régime L.D Kabila (Zimbabwe, Angola, Namibie) au même titre que les agresseurs (Rwanda, Ouganda, Burundi) sont impliquées dans les pillages massifs des ressources naturelles du Nord Kivu. Ces nouveaux prédateurs139 comme le souligne Colette Braeckman, sont en quête d?hégémonie, de pouvoir et surtout d?une intégration profonde à l?économie capitaliste.

Mais, les activités du Rwanda et de l?Ouganda sont encore plus intenses de par la proximité géographique et les alliances ethniques transfrontalières.

Les motivations économiques expliquent l?intérêt porté par ces deux pays sur le Nord Kivu. Plusieurs ONG et l?ONU notent la disparité entre les ressources limitées du Rwanda et de l?Ouganda, et leur exportation massive de la cassérite, du coltan et de l?or. Traitant du cas

138 United Nations Security Council: Report of the Panel of Experts on the illegal Exploitation of Natural Ressources and other Forms of wealth of the Democratic Republic of the Congo. United Nations, 2003

139 Braeckman, Colette, op.cit

de la cassérite, Global Witness140 explique comment le Rwanda est impliqué dans cet illégal trafique : premièrement comme premier bénéficiaire, deuxièmement comme acteur capable de sécuriser les sites miniers si possible. Le Rwanda a développé un vaste réseau d?échange avec des groupes de rebellions notamment le RCD-G qui lui fournissent les ressources naturelles à temps opportuns. Pour renchérir ce constat, le conseil de sécurité des Nations Unies141 affirme que les troupes du Rwanda et de l?Ouganda ont établis un monopole sur l?exploitation et la commercialisation des ressources minières en forçant les entrepreneurs locaux de se retirer par ce fait qu?ils desservent tout le Nord Kivu de produits importé du Rwanda, de l?Ouganda et du Burundi. Le commerce des ressources naturelles est très bénéfique au Rwanda et à l?Ouganda. Entre 1997-1999, la part du commerce international du Rwanda s?élève à 15.1 milliard de francs Rwandais, soit une croissance de 31% par rapport à l?année 1996. Dans cette méme perspective, l?exportation du coltan croit de 11.4 milliard de dollar US en 2000 à 44.5 milliards de dollar US en 2001142. L?appropriation de ces ressources naturelles et des revenus y relatifs permet alors de poser les jalons d?un empire Tutsi dans tous les Grands Lacs ; lequel dominera toutes les structures politiques et socioéconomiques de cette région

b. Le nord Kivu : un nouvel espace vital

Les questions identitaires, les ambitions politiques, l?exploitation des ressources naturelles n?explicitent que partiellement un conflit qui renvoie en dernière instance à des causes beaucoup plus profondes.

Les guerres de la région des Grands Lacs peuvent en effet s?analyser comme des violences du trop-plein. Les petits espaces du Rwanda et du Burundi, corsetés depuis la colonisation par des frontières rigides, sont pris au piège d?une nasse démographique. La forte baisse de la mortalité amorcée pendant la colonisation n?a pas été suivie par une baisse significative de la fécondité : celle-ci est encore proche de 6 enfants par femme au Rwanda, 6,8 au Burundi. Le taux de croissance approche les 3% par an conduisant à un doublement de la population en 25 ans. Or, avec près de 10 millions d?habitants au Rwanda en 2008 la densité atteint déjà 380 hab./km2, ce qui est beaucoup pour un pays rural à près de 90 %. Chaque famille paysanne ne dispose plus en moyenne que de 40 ares de terre à cultiver. Qu?en sera-t-il demain ? La

140 Global Witness, op.cit, p. 15

141 United Nations Security Council: Report of the Panel of Experts on the illegal Exploitation of Natural Ressources and other Forms of wealth of the Democratic Republic of the Congo. United Nations,2001

142 Economic Intelligence Unit: Rwanda Country Report. London, February 2002, 2002

question n?est plus seulement de savoir comment vivront une génération de 20 millions de Rwandais, mais où.

Comme les vents, les mouvements migratoires vont des hautes pressions vers les basses pressions, ici démographiques : la migration vers l?ouest, vers les terres moins peuplées du Kivu s?inscrit dans l?ordre des choses et dans le temps long. Elle n?a pas posé de problème tant qu?il y eut d?abondantes disponibilités foncières. Ce n?est plus le cas, méme si l?acuité des problèmes est inégale du fait d?une répartition différenciée des densités143: en quelques décennies, la saturation foncière a complètement changé la donne, multipliant les conflits pour la terre, dressant les autochtones contre les étrangers dans un contexte juridique confus où droits coutumiers et droit moderne incarné par l?Etat se chevauchent. Circonstance aggravante, les migrants tutsis sont principalement des éleveurs qui ont besoin de vastes étendues pour leurs troupeaux. Ils ont trouvé des conditions idéales pour leur activité dans les pâturages d?altitude, mais la constitution de grands domaines d?élevage réduit d?autant les terres de culture. La création du vaste parc national des Virunga sous l?administration belge a en outre soustrait 780 000 hectares à l?activité agro-pastorale, au coeur de la zone la plus peuplée du Nord Kivu.

En 1998, une tentative d?expansion territoriale manquée a laissé tout de méme le Rwanda pénétrer le Nord Kivu. La logique de l?expansion territoriale s?appuie sur l?idée que le Kivu constitue un espace vital pour le Rwanda. En raison des perturbations politiques dans ce pays, de la limitation de ses ressources naturelles ainsi que de la forte croissance démographique, le Nord Kivu est le lieu de refuge d?un très grand nombre de Rwandais. Trois démarches expliquent la tentative d?expansion territoriale :

· Les revendications du Président Bizimungu en 1996, portant sur certaines parties du Nord Kivu qui selon lui auraient fait partie du Grand Rwanda ;

· La campagne médiatique des diplomates Rwandais autour de l?espace territoriale du Grand Rwanda, en Belgique, avec carte à l?appui. Selon eux, le colonisateur aurait amputé au Rwanda certains territoires qui se trouvent actuellement au Kivu ;

143 Nicolaï, Henri : La répartition et la densité de la population au Kivu. Académie Royale des Sciences

d?Outre-mer, Classe des Sciences naturelles et médicales, Mémoire Nouvelle série Tome 24, fasc. 2, Bruxelles, 1998.


· L?idée d?une conférence de Berlin II pour obtenir une redéfinition des frontières étatiques conformément à ses revendications.

Les déclarations des instances internationales et régionales sur les principes de la souveraineté du Congo et de rejet de toute idée de révision des frontières des Etat-Nations en Afrique, n?ont pas permis au Rwanda de persister dans la logique de l?expansion territoriale. Mais, les faits établissent que les Kivu et précisément le Nord Kivu sont la seconde nation des Rwandais. Dès lors, la pression externe exercée par le Rwanda constitue un obstacle à la paix et par ricochet facteur de perpétuation de la violence directe au Nord Kivu.

Prégnants sur les plans politique, économique, social et humain, les facteurs de la violence directe y ont causé de dégâts incommensurables.

II. Les effets de la violence directe

La violence directe au Nord Kivu ne va pas sans effets. Les principaux impacts que nous relevons se situent aux plans économiques et sociaux (A) ainsi qu?aux plans humains et politiques (B).

A- Les impacts économiques et sociaux

1- Les impacts économiques

Le Nord Kivu était reconnu pour la fertilité de ses sols et, qualifié de grainier de la région des Grands Lacs. Mais, depuis 1990, il entre dans un cycle d?insécurité qui commence dans les territoires de Masisi et Rutshuru et, culmine avec les guerres successives de 1996 et 1998. L?agriculture en prend un coup avec les pillages et les déplacements des populations qui sont obligées de vivre dans des camps comme assistés. L?intensification des scènes de violence empêche aux fermiers et marchands de voyager à travers la région pour écouler leurs marchandises. La forte main d?oeuvre jadis attirée par les activités agricoles se trouve en voie d?abandonner pour fuir les combats entre belligérants. Dès lors, ce secteur économique connaît un déclin. Par ailleurs, la recherche des conditions de vie favorables quoique vivant dans une insécurité accrue entraîne une forte frange de la population à se diriger vers le secteur minier, susceptible de fournir des revenus à l?instant. C?est ainsi que ce secteur absorbe la ressource humaine exerçant dans le domaine de l?agriculture. Dès lors, l?extraction des ressources minières redéfini l?économie locale et détermine les avoirs des ménages. Pole institute relève que l?économie minière a fini par s?imposer comme complément à défaut d?être substitut à l?économie agricole. Ainsi, « les 2/3 des revenus du Nord Kivu dépendent

des minerais »144. L?absorption du secteur agricole dü par les minerais conduit le Nord Kivu au syndrome hollandais dans lequel tous les autres secteurs économiques sont abandonnés pour profiter de la rente minière. Aussi, le système d?offre est perturbé au Nord Kivu. Ce qui crée des tensions inflationnistes, la dépréciation de la monnaie nationale au profit du dollar. A ce titre, l?on peut relever la hausse du prix du carburant et des produits de premières nécessités. Ce cercle vicieux constitue un piège pour l?économie locale. Les impacts sociaux viennent renforcer cet état de fait.

2. Les impacts sociaux

Les impacts sociaux de la violence directe au Nord Kivu s?articulent en deux principaux schèmes : l?exacerbation des antagonismes sociaux que KÄ MANA145 appelle les identités meurtrières et les conditions de vie désastreuses des ménages.

La violence a fini par simposer aux moeurs et sa socialisation prégnante. Des années de luttes acharnées et de souffrances idiomes ont amené les diverses factions ethniques à vivre dans le cycle de la violence. L?ethnicité conditionne le vécu quotidien et explique en partie la haine qui se construit entre individus. Dès lors, porter l?étiquette Hutu, Tutsi, Nande, Hunde ou Nyanga peut être favorable ou non selon le lieu. L?étiquette ethnique explique que des groupes armés débarquent dans un village et assassinent tous ceux qu?ils rencontrent sous prétexte que ces derniers ne vivent que pour les détruire. Elle explique aussi que dans les marchés et les services de santé, les services rendus sont sujets au déclinement identitaire. L?identité examinée, le service est rendu de faveur ou non en fonction d?un potentiel lien ethnique. Des affrontements permanents sont observés entre populations, civiles ou non. La haine qui se construit se transforme aussitôt en violence vindicative et/ ou préventive tel que le souligne Gahama146. L?idée du génocide et de la victimisation est la plus présente et la plus partagée ; chaque groupe ayant pour projet primordial de se venger des exactions commises par l?autre. Les rapports sociaux sont donc essentiellement marqués par des rapports de belligérance. Ce qui entretient les conflits interpersonnels voir intergroupes et durcis tout effort de recherche de paix au Nord Kivu.

Bien plus, ces situations de crises perpétuelles et de tensions récurrentes ne vont pas sans impacts sur la nutrition, l?eau, l?assainissement voir la santé des ménages.

144 Pole Institute : les minerais de « sang » : un secteur économique criminalisé à l'est de la RD Congo, novembre 2010, p.5

145 Propos obtenus lors de l?entretien réalisé avec le Dr KÄ MANA le 18 novembre 2011 à l?Université Evangélique de Mbouo(Bandjoun).

146 Gahama, op.cit, p.109

OCHA147 relève qu?au 25 juin 2011, la province du Nord Kivu compte 571.685 déplacés internes depuis 2005. Comparé au mois de mai de la méme année où l?on notait 556.26 PDI, l?accroissement est de 2.81%. Ceci montre et explique la prédominance des violences et de leurs effets néfastes sur les populations. Ces PDI, sont confrontées à d?énormes obstacles lors de leurs multiples fuites des scènes de violences. Elles sont exposées à la famine, aux attaques par des bétes sauvages ainsi qu?à une hygiène dégradante et méme des maladies de tout bord. Quand bien même, les populations ne se retrouvent pas dans cette catégories, elles sont tout aussi confrontées aux aléas dans les domaines de l?éducation, de la santé et de la nutrition. Dans son rapport de mars 2009, le PNUD souligne qu?au Nord Kivu, très peu de ménages sont raccordés à l?électricité (4.3%) et à l?eau potable (16.6%). Il poursuit en soulignant l?insuffisance des services de santé dont 47 hôpitaux pour toute la province, 12 lits pour 100.000 habitants et 1 148médecin pour 24.030 malades. Aussi, l?assainissement n?est pas favorable. En effet, 99.8% de ménages ne disposent pas de voiries d?évacuation des ordures.

Les violences au Nord Kivu ont donc dégradé le tissu social et exacerbé la pauvreté. Car, dans cette province de la RDC, près de 3.3 millions de personnes sont pauvres. Ajouté à cela, la perte des emplois suite à la fermeture de plusieurs entreprises et des privatisations massives liées aux PAS renforce l?état de pauvreté et prédispose les populations à la guerre. Ainsi, aussi bien au plan des rapports intergroupes que sur le plan des aptitudes individuelles et/ou collectives à s?assurer une existence descente, la violence directe a foisonné la paix sociale au Nord Kivu.

B-Les impacts humains et politiques

1. Les impacts humains

Dans de nombreux rapports et publications, des ONG comme les U.N dénoncent des atrocités humaines commises lors des guerres et autres séries de violences au Nord Kivu. De graves violations des Droits de l?Homme et du Droit de la guerre sont relevées chez les belligérants. Viols, assassinats, traitements inhumains et dégradants, crime de génocide sont des principaux impacts au plan humain des violences répétitives. En plus d?utiliser les populations comme bouclier humain, les groupes de rébellion procèdent à de sévisses corporel

147 Nations Unies-Bureau de la coordination des affaires humanitaires : Nord Kivu-RD Congo, Rapport mensuel, juin 2011

148 Programme des Nations Unies pour le développement (unité de lutte contre la pauvreté) : Résumé et Conditions de vie des ménages au Nord Kivu, PNUD-RDC, mars 2009, p.5

ignobles. Certaines personnes sont brülées vives, d?autres décapitées à l?aide d?une machette, d?un couteau ou d?une lame de rasoir. L?on assiste à des scènes ou des nouveaux nés sont transpercés à l?aide d?un bois puis passés à la braise pour être rôti comme de la viande. Dans ses recherches, Global Witness rapporte l?histoire d?un homme dont les rebelles du RCD ont d?abord coupé les oreilles, puis les paupières avant de lui cisailler les lèvres, ceci à l?aide d?une lame de rasoir. Comme Braeckman149 le souligne, cette région a atteint le seuil de l?indignation. Le lait est injecté quelquefois à certaines personnes ; d?autres se voient traîner par terres à des dizaines de kilomètres avant de trouver la mort. Des torses atrocement carbonisés, des bras tordus et brûlés témoignent aussi de cette indignation dont parle Braeckman. Ces crimes et atrocités sont le plus souvent dirigés vers les femmes et les enfants principalement. L?essentiel des viols et autres mutilations sont commises contre les femmes. Individuellement ou en groupes, des soldats à tour de rôle viols femmes, jeunes filles et parfois des enfants de moins de 7 ans. En plus d?être violées, leurs organes génitaux sont mutilés à l?aide des lames de rasoir. Certaines femmes se voient enfoncées des revolvers dans le vagin avant d?en recevoir les balles, tandis que d?autres sont déportés vers des camps de rebelles pour servir comme ménagères et instruments sexuels des leaders de ces dits groupes avant d?être coupées en morceaux. Quelques fois, l?on a relevé des scénarios ou des femmes enceintes sont d?abord violées, puis éventrées. Les enfants quand à eux sont plus enrôlés et déportés pour être des soldats. Dans la plupart des cas, les atrocités les plus idiomes sont perpétrés par ces derniers. Tout ceci explique qu?environ 4 millions de personnes ont perdu leur vie suite aux violences au Nord Kivu depuis 1990, quoiqu?il y?ait une certaine opacité sur les drames en Afrique. L?influence de ces exactions tourne aussi bien autour de l?aspect psychologique, culturel que physique. A titre illustratif, suite aux viols, plusieurs femmes développent des phobies et des traumatismes150. Elles sont dès lors sujettes au rejet de leur familles voir de leurs époux. Dans ces conditions, elles n?ont plus autre choix que de vendre leur corps pour survivre. C?est ce qui explique par exemple qu?à Goma, l?essentiel des prostitués soient des femmes victimes des viols lors des guerres. Le risque encouru par ces

149 Braeckman, op.cit, pp 149-178

150 Dans les cultures congolaises, les femmes victimes de viols sont rejetées de facto par leur mari et leur famille. La raison en est que le viol est un acte de souillure, qui apporte la malédiction. C?est dans cette optique que très souvent, ces femmes préfèrent se pendre ou se refugier vers la ville pour chercher de quoi de vivre en pratiquant la prostitution. Les phobies concernent l?acte sexuel ; car, en contact avec leur mari ou partenaire, les femmes victimes de viol revivent ces scènes de viols, ce qui ne les en encourage pas. La conséquence se situe alors sur le système de procréation et par ricochet sur la démographie. Pour plus de detail Cf NDI, Mercy :The role of women in post-conflict peace building in the democratic republic of Congo :case study of South KivuBukavu.Master thesis presented and defended for the obtention of academic diploma of Master of Arts in peace and Development, Protestant University of Central Africa, Yaounde, October 2009

femmes en définitive est la contraction du VIH/SIDA dont la rumeur de son introduction au sein de la population par les soldats Ougandais, cours le long des villes du Nord Kivu.

Bien plus, les enfants soldats développent l?esprit de guerre et ne vivent que par et pour la violence. L?avenir est donc scellé car, si l?essentiel de la population du Nord Kivu a moins de 15 ans et constitué en grande partie d?enfants soldats, ceux-ci le retransmettront aux générations qu?ils formeront ; au risque de la perpétuation de la violence.

2. Les impacts politiques

L?ensemble des effets au plan économique, social, humain ont fini par s?imposer à l?Etat dont la souveraineté est bafouée. Etat mou, Etat faible ou Etat en faillite, tel est le point culminant de la violence directe au Nord Kivu. Le sabotage des institutions publiques par les groupes armés ; l?occupation arbitraires des terres sans une riposte efficace du gouvernement régional, ajoutée à cela, la forte prégnance des scènes de violences ont débouché sur la faillite de ce dit gouvernement. Quoique des efforts de réinsertion des rebelles aient été faits, ils n?ont contribué qu?à partitionner cette région entre milices et FARDC. Chaque groupe est maître d?un territoire et y détermine les règles du jeu. Dans la partie contrôlée, ces groupes édictent des lois, des codes de conduites voir même un Etat parallèle avec toutes les fonctions représentatives que possible. Les violences ont donc conduis à la faillite du gouvernement régional du Nord Kivu.

CHAPITRE II : LES APPROCHES DE RECHERCHE DE PAIX AU
NORD KIVU : ANALYSE CRITIQUE DE L'ACTION DES ACTEURS
LOCAUX ET INTERNATIONAUX

La paix est une quête perpétuelle, un projet construit sur des perspectives intergénérationnelles, c?est-à-dire à long terme. Dans l?entreprise de paix au Nord Kivu et, voulant juguler des décennies de violences répétées pour construire une société harmonieuse, plusieurs acteurs locaux et internationaux se sont mobilisés. Il s?agit en grande partie de la société civile, du gouvernement, et des institutions intergouvernementales à l?instar de l?ONU et de l?UA. Nous présentons ici les efforts menés pour rétablir la paix au Nord Kivu par ces acteurs locaux et internationaux (I), puis les limites liées à l?implémentation de ces dits efforts de paix (II).

I- Les approches de recherche de paix locales et internationales

Au Nord Kivu, la société civile, l?Etat et méme la communauté internationale se sont investis à travers des séries de négociation et médiation pour ramener la paix. Aussi, dans des cas où ces instruments politiques et diplomatiques de consolidation de la paix n?ont pas réussis, le recours à la force a été appliqué.

A-Les approches de recherche de paix par les acteurs locaux

Les efforts locaux de paix concernent essentiellement la contribution de la société civile et celle de l?Etat.

1. Le rôle de la société civile

La société civile est actrice de la paix au Nord Kivu. In limine litis, essayons d?apporter une clarification sur la notion de société civile dans cette province de la RDC.

Le concept de société civile au Nord Kivu renvoie à toutes formes organisées en dehors des structures du gouvernement, incluant les syndicats, les ONG, les organisations caritatives, les centres de recherche et les organisations religieuses.

Les acteurs de la société civile structurent leurs interventions en faveur de la paix autour de trois axes : les mécanismes non judiciaires de gestion des conflits, la recherche-action et le plaidoyer. Evoluant de façon indépendante ou en réseau, 81151 organisations travaillent pour la restauration de la paix au Nord Kivu. Les initiatives de paix qu?elles mettent en oeuvre sont de trois ordres : les expériences de gestion des conflits au plan local incluant les conflits fonciers et familiaux, la gestion des conflits aux enjeux multiples au niveau d?un territoire et impliquant plusieurs communautés, la gestion des conflits au niveau national et provincial impliquant des actions en direction des autorités publiques nationales et provinciales.

Tout d?abord, la gestion des conflits par la négociation se base sur des mécanismes non juridictionnels ou modes alternatifs de gestion des conflits et sont profondément inspirés des coutumes locales. En effet, face à l?aggravation des crises qui ont affecté les structures traditionnelles de gestion des conflits, les acteurs de la société civile ont développé de nouveaux espaces de gestion des conflits. Ces espaces concernent la recherche de solutions négociées et la restauration de la cohésion sociale. Ceci constitue une réinvention des pratiques des communautés pour lesquelles la conciliation prévaut sur la justice. A titre illustratif, une personne qui va au tribunal sans passer par la conciliation est considérée comme malhonnête. La référence à ces modes traditionnels de gestion des conflits est dû au fait qu?ils conviennent le mieux aux pratiques des communautés d?une part. D?autre part, les tribunaux connaissent un certain désaveu car exigent des coûts énormes et ne garantissent pas toujours l?impartialité.

Ensuite, les acteurs de la société civile passent par la compréhension des problèmes vécus par la population pour établir des propositions. Morvan et Kambala Nzweve affirment qu?en plaçant les communautés en conflits et leurs expériences au centre du savoir, ces acteurs locaux « visent à améliorer la connaissance des dynamiques de conflit par les acteurs eux-mrmes et, en conséquence, à favoriser l'appropriation et la responsabilisation de ces acteurs dans l'élaboration de solution idoines »152. C?est donc de la recherche-action se faisant à travers l?information des populations sur les conflits qu?ils vivent. Elle est par ailleurs poursuivie par le suivi et l?accompagnement des populations dans l?exécution des recommandations liées aux actions relevées sur les conflits et autres situations de violence.

151 Morvan, Hélène et Kambala Nzweve, Jean-Louis : La paix à petits pas, inventaire et analyse des pratiques locales de paix à l'est de la République Démocratique du Congo, cas du Nord et du Sud Kivu in International Alert, novembre 2010, p.14

152 Id, p.33

Enfin, le plaidoyer se fait au niveau national et régional. L?action de plaidoyer concerne la sensibilisation du grand public et des autorités sur la gestion des ressources naturelles et autres facteurs de violence. À travers une approche participative, les leaders de la société civile recensent les réclamations des populations et les adressent au gouvernement.

De façon globale, les acteurs de la société civile au Nord Kivu dans leurs efforts de construction de la paix utilisent des moyens d?interventions que sont la sensibilisation et le renforcement des capacités. La négociation, la médiation et la conciliation constituent aussi des stratégies prisées par ceux-ci en vue de résoudre les antagonismes dans cette province.

2. Le rôle de l'Etat

Dans l?ensemble, le gouvernement central de la RDC s?investit beaucoup plus dans le processus de paix au Nord Kivu après la seconde guerre du Congo c?est-à-dire à partir de1999. Mais, en ce qui concerne des initiatives prises singulièrement, son action se déroule de façon significative après la transition, c?est-à-dire autour de 2008.

La contribution majeure de l?Etat se retrouve en son déploiement pour la négociation avec les forces belligérantes ; la protection des civiles et l?application en vue de garantir une insertion sociale aux multiples déplacés, réfugiés et déshérités de guerre. Dans cette perspective, la conférence de paix de Goma constitue l?élément central d?analyse du rôle de l?Etat dans le retour de la paix au Nord Kivu.

Organisée par les pouvoirs publics en janvier 2008, la conférence de Goma, conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, aboutit à la signature d?un acte d?engagement par 09 groupes armés et le gouvernement congolais ; soit 10 parties belligérantes. Aussi, cette conférence débouche sur l?établissement d?un programme national de développement dénommé « programme Amani ». Celui-ci a pour objectif de créer les conditions de sécurisation, de pacification et de reconstruction des provinces du Nord et du Sud Kivu153.

En matière de paix, l?acte d?engament constitue la résolution pertinente de la conférence de Goma. Il est relatif à la paix et à la fin de la guerre. Cet acte contient 4 articles qui disposent : du cessez-le-feu ; du désengagement des groupes armés rebelles, de leur brassage et de la création des zones démilitarisées ; des principes humanitaires et du respect des Droits de l?Homme ; et, enfin, des mesures de garanties politiques et juridiques154.

153 Cellule Provinciale d?appui à la Pacification(CPAP) : Revue bibliographique des travaux principaux sur les causes des conflits dans le Nord Kivu, PNUD, 2008

154 Cf. Texte intégral de l?acte d?engagement in http://unionducongo.blogspot.com

En ce qui concerne le cessez-le-feu, les parties signataires s?engagent à arréter totalement et immédiatement les hostilités sur toute l?étendue du territoire du Nord Kivu. Celles-ci affirment arrêter tout acte de violence ainsi que tout recrutement dans leurs forces armées. Bien plus, l?abstention de poser des actes nuisibles à la paix et à la sécurité intègrent les mesures prisent par les factions. De là, l?approvisionnement en arme et en munitions, toute attaque ou provocation, toute déclaration de nature à favoriser les hostilités ainsi que toute tentative d?occuper des positions sur le terrain sont prohibées.

Pour renforcer cet état de fait, des dispositions communes sont prises pour le désengagement des groupes rebelles et de leur réinsertion sociale. Pour ce faire, les exactions sur les civiles principalement les femmes et les enfants doivent être arrêtées. Dès lors, ceux-ci doivent être rétrocédés de leurs biens enlevés par les groupes armés et, leur liberté notamment de circulation rétablie. Pour que l?ensemble de ces décisions soit effectif l?Etat a un très grand rôle à jouer. C?est pourquoi il s?engage tout d?abord à respecter les termes de l?acte d?engagement ; puis accorder une amnistie pour fait de guerre. L?Etat s?engage donc à décréter le cessez-le-feu et s?abstenir de tout appui militaire national ou étranger.

Tout le travail du gouvernement congolais a consisté de faire appliquer et respecter les principes de cet acte d?engagement. Mais, au prise des « agendas idéologiques et des stratégies de lutte des groupes locaux »155 , il fera recourt quelquefois à la force pour asseoir la paix. Tel est par exemple l?objectif des « opération Kimia I » et « opération Kimia II » lancées en vue de pourchasser les FDLR considérés comme menace principale à la paix au Nord Kivu.

B-Les approches de recherche de paix par les acteurs internationaux

Les acteurs internationaux se sont investis principalement à travers des négociations politiques. A ce titre, deux principaux accords de paix sont à relever. Il s?agit de l?accord de Lusaka et de l?accord de Sun City.

1. L'a}}ord de Lusaka

La guerre internationale africaine éclate le 2 août 1998 en RDC. Les combats entre forces gouvernementales et rebellions éclatent en méme temps dans la capitale Kinshasa qu?à l?est. Deux jours plus tard, L.D Kabila est sauvé par l?intervention des troupes angolaises, envoyées en renfort suite à une décision prise le 19 août à Harare quand Zimbabwe, Namibie

155 CPAP, op.cit, p.18

et Angola répondirent favorablement à une demande d?assistance du président Kabila156. Après de nombreux sommets impliquant la SADC, l?OUA et l?ONU, un accord est signé à Lusaka le 10 juillet 1999.

L?accord de paix signé à Lusaka157 est un accord de cessez-le-feu. Il comporte 03 articles concernant entre autre : le cessez-le-feu, les préoccupations en matière de sécurité et les principes dudit accord. Toutes les parties conviennent du cessez-le-feu, c?est-à-dire la cessation de toute hostilité, tout renfort militaire ainsi que la propagande hostile, selon les termes de l?accord. Le cessez-le-feu doit être effectif, et implique des éléments tels : les attaques aériennes terrestre ou maritime, toute tentative d?occupation de nouvelles positions sur le terrain, l?arrêt de toute violence contre les civiles telles que les exécutions sommaires, la torture, le harcèlement, les crimes ethniques. De façon générale, l?accord de Lusaka, esquisse des mesures politiques et militaires susceptibles de ramener la paix158. Dans son chapitre III (11a), l?accord institue la MONUC dont le rôle est d?assurer sa mise en oeuvre. Il est prévu une commission militaire mixte chargée d?exécuter immédiatement après l?entrée en vigueur de l?accord en collaboration avec le groupe d?observateur de l?ONU et de l?OUA les opérations de maintien de la paix jusqu?au moment du déploiement de la mission de maintien de la paix de l?ONU. La CMM est composée de 02 représentants de chaque partie à l?accord et d?un président neutre désigné par l?OUA en consultation avec les parties et, d?un comité politique composé de ministres des affaires étrangères et de la défense ou de tout représentant dûment mandaté par les parties. Il est aussi prévu le retrait de toutes les forces armées étrangères de la RDC. Cette commission donc a entre autre pour mandat de vérifier le retrait des forces étrangères et le respect du cessez-le-feu159. Au plan politique, l?accord de Lusaka dans un premier temps dispose d?agir sur les causes ethniques du conflit via la nationalité. A ce titre il affirme que la nationalité doit être attribuée à toutes les personnes ou tout groupe dont le territoire était situé dans le Congo(RDC) à l?indépendance. Dans un second temps, il institue le dialogue intercongolais, pourparler devant regrouper toutes les forces vives de la nation congolaise dans l?optique de mettre un terme au conflit qui embrasait le pays depuis des décennies.

156 Parqué, Véronique : Le rôle de la communauté Internationale dans la gestion du conflit en RDC in : L?Afrique des Grands Lacs, annuaire 1999-2000, avril 2000

157 Les parties signataires de l?accord de Lusaka sont entre autre : la RDC, l?Ouganda, l?Angola, la Namibie, le Rwanda, la Zambie, le Zimbabwe, le RCD et le MLC (31 et 01 août). Comme témoins nous avons : les représentants de l?ONU, de l?OUA, de la SADC et de la Zambie.

158 International Crisis Group : Le partage du Congo, anatomie d'une sale guerre, ICG rapport no 26, 20 décembre 2000, p.1

159 Willame, Jean Claude : Le processus de paix en RDC après Lusaka in : l?Afrique des Grands Lacs, annuaire 2002-2003, avril 2003

L?essentiel de ce dialogue entre également dans les efforts internationaux de gestion/résolution du conflit et violences en RDC et au Nord Kivu et mérite qu?on lui accorde une forte attention.

2. I 'accoLd de16Xn &1ty

Après Lusaka, plusieurs autres accords politiques de résolution des conflits160 en RDC ont été signés. Mais, l?un des plus importants reste l?accord de Pretoria signé le 17 décembre 2002 et ratifié le 01 avril 2003 à Sun City par le gouvernement congolais, l?opposition armée et l?opposition politique. Il débouche sur un accord Global et inclusif formulé sous forme de constitution de transition. Prévu depuis Lusaka, le dialogue intercongolais entériné à Sun City vise 3 choses : former une nouvelle armée nationale, organiser des élections libres et démocratiques et rétablir l?administration de l?Etat sur l?ensemble du territoire congolais.

Tout d?abord, l?accord global et inclusif porte sur la cessation des hostilités. A ce titre, toutes les parties acceptent la formation d?une armée nationale restructurée et intégrée. Toutes les parties réitèrent leur engagement à respecter la résolution de l?ONU sur le retrait des troupes étrangères, du désarmement des milices et de sauvegarder l?intégrité territoriale de la RDC. Les groupes armés rebelles et autres milices doivent être intégrés à l?armée nationale. De ce fait, ils bénéficieront de postes aux hautes instances de gestion des affaires publiques.

Ensuite, les bases d?une gestion consensuelle du pouvoir sont posées. Il s?agit du 1+4 au sommet de l?Etat et le partage des postes au niveau inférieur. L?article 80 de la constitution de transition pose la règle du 1+4. Au terme de cette disposition, « la présidence est composée du président et des quatre vice-présidents »161. Pour acheminer la réconciliation nationale, les parties décident de mettre en place un gouvernement d?union nationale qui permettra d?organiser des élections libres et démocratiques. En effet, la transition doit réunifier, pacifier et reconstruire le pays et, rétablir l?autorité de l?Etat, organiser des élections libres et démocratiques.

Enfin, pour assurer la souveraineté de l?Etat, les parties décident de cesser les hostilités et aussi de respecter l?organe de transition mis sur pied en vue d?organiser des élections transparentes. Le mécanisme de sécurisation que l?accord apporte à cette gestion consensuelle du pouvoir c?est l?octroi de la Commission politique, la Commission économique et

160 Entre autres, nous pouvons citer : l?accord entre Kinshasa et Kigali prévoyant le retrait des soldats rwandais signé le 30 juillet 2002 et l?accord entre RDC et Ouganda prévoyant le retrait de tous les soldats ougandais sur le sol de la RDC signé le 06 septembre 2002. Voir à ce titre Kengoum, Célestin op.cit

161 Cf. texte intégral de l?accord global et inclusif signé à Pretoria in www.congoonline.com

financière respectivement aux factions rebelles RCD et MLC. Tandis que, la Commission pour la reconstruction et le développement est attribuée au Gouvernement et, la commission sociale et culturelle reste sous la charge de la composante politique. Chacune de ces Commissions est répartit selon les postes de vice-présidents prévus par l?accord.

L?accord de Sun City redéfinit les fonctions des institutions et réoriente la politique nationale congolaise. De façon globale il pose les principes de la gestion de l?Etat et devient dès lors la constitution du pays.

II-Limites des approches de paix implémentées au Nord Kivu

Bien que des mécanismes de paix aient été appliqués au Nord Kivu, ils ne comportent pas moins des limites. Ce sont ces limites qui expliquent en définitives la perpétuation de la violence directe dans toute cette région de la RDC. Ainsi, les limites sont à la fois liées aux méthodes appliquées par la société civile et l?Etat(A) d?une part, et, d?autre part, elles sont liées aux accords politiques signés sous la pression de la communauté internationale(B).

A- Limites des approches de recherche de paix locale

1- Limites de la contribution de la société civile

Nous le précisions plus haut, les dynamiques locales de résolution des conflits sont prises en compte par les acteurs locaux notamment par la société civile au Nord Kivu. Ceux-ci interviennent en majorité en matière foncière et familiale à savoir : vente et occupation illégales des terres, conflits liés au retour des déplacés et réfugiés, conflits de succession séparation conjugale et infidélité. Les acteurs locaux se concentrent beaucoup plus sur ces types de conflits par manque de compétence ou de ressources pour s?attaquer aux conflits plus complexes mais aussi par l?importance de ces conflits fonciers et familiaux. « La contribution que peuvent apporter les mécanismes locaux de gestion des conflits dans la prise en charge des aspects plus structuraux de la violence s'avère limitée »162.

La médiation en offrant une solution « acceptable » peut contribuer à légitimer des rapports inégalitaires qui ne le sont pas. Les rapports de forces qui traversent la société influencent le processus de médiation par les acteurs de la société civile. Les intérêts corporatifs, tribaux et politiques influencent très souvent la médiation.

162 International Alert, op.cit, p.34

Aussi, Les acteurs de la société civile disent effectuer la médiation, mais il ne s?agit aucunement de la médiation. Ceci se justifie par plusieurs facteurs.

Le premier facteur concerne le choix des médiateurs. Au sein de la société civile, le choix des médiateurs se fait de 02 manières : les élections et la représentativité. Les élections des médiateurs sont sous-tendus par des critères tels : l?engagement, l?intégrité, la sagesse, la connaissance du droit et la crédibilité de la personne. Quant á la représentativité, des représentants des principales composantes de la communauté et des représentants des autorités sont intégrés.

Le second facteur concerne les qualités du médiateur. En théorie, le médiateur aide les parties en conflit á comprendre le différend qui les divise en garantissant un espace équitable de dialogue et en accompagnant celles-ci dans la recherche d?une solution. Au Nord Kivu, plusieurs cadres sont initiés par des organisations de défense des Doits de l?Homme et, placés sous l?autorité de juriste n?appliquant que le droit. Or, la prédominance de la référence à la loi est préjudiciable dans la recherche d?une solution équitable.

De ce qui précède, les médiateurs ne sont pas neutres. Bien plus, le principe de représentativité influence la proximité des médiateurs. En fait, dans certains cas observés, la médiation est toujours menée de manière collégiale par 02 médiateurs ou plus. Quelquefois, ils sont plus nombreux que les parties en conflit. Aussi, des pratiques clientélistes s?observent chez ces acteurs de paix. En effet, les plus nantis peuvent avoir de l?argent pour payer une décision politique et, sont souvent manipulés par les politiques.

2- Limites de l'intervention de l'Etat

Deux principaux facteurs expliquent les limites de l?intervention de l?Etat dans le processus de construction de la paix au Nord Kivu : la non applicabilité du Programme Amani et de l?acte d?engagement, et le recours à la force.

L?acte d?engagement constitue un panneau indicateur qui montre la direction á suivre. Il laisse le soin aux acteurs engagés dans le processus de négociation de prendre résolument la route et mener à bout la course entreprise. Ces acteurs l?ont massivement violé. Aussi, considérés comme la principale menace à la paix, la question des FDLR n?est pas adressée.

« Selon la MONUC, depuis la signature des actes d'engagement, il y'a eu 304 violations du cessez-le ~feu, dont 50 entre CNDP et milices diverses, 49 entre PARECO et CNDP, 46

concernant les FDLR, 32 entre FARDC et CNDP »163. Le CNDP explique les violations du cessez-le-feu par deux choses : l?échec du Programme Amani et la volonté de négocier de façon directe avec le gouvernement en dehors de ce cadre.

Le plan de désengagement proposé dans le cadre du Programme Amani n?a pas été respecté. En effet, ce plan demandait aux parties belligérantes de respecter trois lignes de désengagement au Nord Kivu : au sud et au nord de la zone CNDP dans le territoire de Masisi et à l?ouest de l?autre zone CNDP tamponnée aux frontières de l?Ouganda et du Rwanda dans le territoire du Rutshuru. Aussi, il définissait quatre zones de répartition où, d?après un calendrier précis, les forces en place devaient se désengager. « Le paradoxe maintenant est que le gouvernement a accepté le plan de désengagement mais refuse de l'appliquer sur le terrain, tandis que le CNDP l'a refusé mais de fait le respecte »164.

En plus, depuis son acceptation du plan de désengagement le 17 septembre 2008, les FARDC multiplient les attaques contre les rebelles et précisément les FDLR. Dans ce cadre, la MONUC relève que les FARDC constituent les premiers violeurs du cessez-le-feu. Aussi, des témoignages rapportent la contestation des casques bleus de la MONUC par ces soldats FARDC qui, manipulent la population pour saboter l?action de la MONUC et se maintenir dans les localités contrôlées.

Dans toutes ses actions entreprises, le gouvernement favorise l?option militaire, ce qui raidit la rébellion et ajourne l?espoir d?une paix positive au Nord Kivu.

B-Limites des approches de recherche de paix internationales

1- Limites de l'accord de Lusaka

Willame165 relève que l?accord de Lusaka a été contradictoire en ce sens qu?il conditionne une obligation non négociable en Droit International, à savoir, le respect de l?intégrité territoriale et de la souveraineté internationale d?un pays agressé par un autre, à l?obligation pour le pays agressé de mener avec succès un dialogue national. Nonobstant, les acteurs internationaux impliqués dans le processus de gestion des conflits ont axé toute leur diplomatie au processus de réconciliation nationale sans que soit réellement mis en exergue la réalité d?une agression extérieure condamnable en Droit International. L?accord légitime la

163 Johnson, Dominic : Construire la paix au milieu de la guerre ? Le désarroi de la communauté internationale, Goma, 26/9/2008, p.8 in Pole Institute : RDC, Nord Kivu, les guerres derrière la guerre, dossier Pole Institute, Goma, le 26 septembre 2008

164 Id , p8

165 Willame, op.cit

présence des forces étrangères en RDC en leur attribuant le qualificatif de « belligérants ». De ce fait, l?accord nie en quelques sortes l?agression dont la RDC est victime de la part du Rwanda, du Burundi et de l?Ouganda.

Dans son explication des causes des violences, l?accord de Lusaka ne mentionne que la dimension interne. Il parle plutôt d?un conflit ou des groupes rebelles se seraient insurgés, un conflit où l?exclusion politique a favorisé le conflit armé. Or, ignorer la dimension externe du conflit en RDC ne constitue qu?à rendre parcellaire toute tentative de recherche de paix.

L?accord prévoie aussi de poursuivre et désarmer les criminels de guerre ainsi que les milices. Mais, la contradiction en est que, l?accord assigne aux belligérants eux-mêmes « la tâche de contrôler le désengagement des forces pendant la période transitoire précédent le déploiement des forces onusiennes »166. Ce qui élargit le champ d?intervention des forces externes en RDC piétinant sa souveraineté.

Grosso modo, en ce qui concerne les modalités de cessation des hostilités, l?accord de Lusaka a plutôt renforcé au lieu de réduire les capacités d?intervention des forces externes agressives de la RDC. De deux, l?accord s?est focalisé fondamentalement sur la résolution politique des violences battant en brèche l?influence externe et les problèmes ethniques et du foncier qui alimentent à leur façon ces situations de violences. Un conflit complexe obéit à une méthode de résolution complexe. Pour ce qui est de la RDC, seules les approches militaires et Politiques ont été privilégiées par l?accord de Lusaka. Ce qui n?a fait qu?accroître les violences et potentialités d?actes génocidaires dans ce pays et précisément au Nord Kivu où les antagonismes connaissent progressivement des surenchères critiques.

2. Limites de l'accord de Sun City

L?accord de Sun City a permis de concrétiser le contrôle du système politique et économique de la RDC par les pays membres du comité International de la transition. Il s?agit des 5 membres permanents du conseil de sécurité et l?Afrique du Sud, l?Angola, la Belgique, le Canada, le Gabon, la Zambie, l?UA, l?UE et la MONUC. Ces pays et instances ont refusé de s?adresser aux causes liées à l?exploitation des ressources naturelles de la RDC, se résumant au fait que les congolais devraient s?entendre entre eux-mêmes. Ainsi, ils n?ont pas abordé la question des contrats léonins, la poursuite de l?exploitation des ressources naturelles et la persistance du ravitaillement en armes des groupes armés. Cette situation contribue dès

166 Id, p.1

lors à frustrer ceux qui n?ont pas profité des dividendes de l?exploitation des ressources naturelles.

Par ailleurs, il faut noter que les belligérants n?ont jamais respecté les conditions dudit accords. En effet, quelques jours après la signature des accords, des actes de violences continuent et, les gouvernements impliqués dans le conflit assurent l?approvisionnement des milices via des canaux illégaux.

En ce qui concerne la transition politique, dans un sens, le dialogue intercongolais a renforcé la légitimité politique des mouvements rebelles en tant qu?interlocuteurs prioritaires du gouvernement de la RDC. Le partage de la RDC est effectif, et se fait entre forces gouvernementales et groupes rebelles. En effet le système 1+4, ne donne pas de pouvoir déterminant au président de la République. Ce dernier voit sa souveraineté disloquée en de multiples parts attribuées aux rebelles. Le partage du pouvoir n?est qu?un facteur aggravant les tensions entre parties. L?accord n?a pas adressé les causes sociales des violences se focalisant sur l?aspect politique et institutionnel, oubliant les groupes qui ont subi des frustrations et qui vivent au quotidien de l?aide humanitaire. Dans toute sa perspective, l?accord de Sun City espoir d?un avenir de paix en RDC, à consister à renforcer les intérêts des belligérants sans y intégrer des milliers d?hommes , de femmes et d?enfants qui fuient les guerres, vivent dans une indécence tragique et une pauvreté accentué et dont les prières ne tournent qu?autour d?un retour à la paix en RDC167.

Il est à relever que, les voies politico-institutionnelles quand bien même sont utiles dans la résolution des conflits en RDC et au Nord Kivu, elles ne sont pas efficaces dans l?intégration de toutes les dimensions sociales touchées par le conflit dans le processus de résolution desdits conflits. Ainsi, les interactions ethniques ont été ignorées, le poids des guerres sur les plans sociopolitique, économique, culturels et environnementaux aussi, l?objectif étant de partager les dividendes dü par les ressources naturelles en totale oubli de l?humanité et des principes cardinaux de la paix que sont : le dialogue, l?équité, la justice et la non-violence.

Dès lors que ces différents aspects ne sont pas abordé dans une stratégie visant la paix, l?idée naît de les réorienter sous ces perspectives. Dans ce cas, tout effort de paix au Nord Kivu devrait prendre en compte les poids et atrocité des affrontements, tout en prévoyant l?introduction au sein des groupes conflictogènes des organes chargés d?alerter les belligérants

167 Le poids de la guerre pèse sur les populations. Les pertes qu?elles ont encourues ne leur permettent plus de continuer l?activité belligérante. Elles sont comme le précise le Dr. KÄ MANA, « fatiguées » de la guerre. Voir annexe 3

potentielles sur les risques encourus en cas d?escalade de la violence ; ce que notre approche tente de démontrer dans la partie suivante.

En définitive, toutes ces limites des voies de recherche de paix observables tentent de convaincre sur la nécessité d?étudier les possibilités d?établissement d?une stratégie de paix impliquant essentiellement les groupes locaux victimes et faiseurs de la violence. La paix au Nord Kivu doit être construite par la psychologie des groupes168. Les contrats de paix entre hauts belligérants et le recours à la force certes peuvent aider, mais ne sont pas pertinents en matière de réalisation d?une paix durable devant garantir stabilité et développement durable. Dans la partie suivante, nous nous attelons à présenter ce que peut être une option de paix obéissant à ce critère sus-évoqué et, garantissant les conditions d?une paix positive au Nord Kivu.

168 Les groupes ethniques, les alliances de défense des civiles sont des points focaux pour le début de

l?établissement de la paix. Ils s?investissent et commence à développer des discours favorable à la paix. Comme le précise Mr CISHAMBO CISHAMBO (interviewé le 08-12-2011, voir annexe 8), ils sont désormais conscients que la guerre ne leur servira à rien. La paix est ainsi d?abord pour les kivutiens du Nord avant d?être celle des voisins et de l?Etat congolais.

TROISIEME PARTIE :

CONSIDERATIONS SUR LE CALCUL DE

L'HORREUR

CHAPITRE I : INSTRUMENTS ET APPROCHES DU CALCUL
SYSTEMATIQUE DE L'HORREUR AU NORD KIVU

Nous présentons ici les éléments sous-tendant le calcul de l?horreur au fin d?une appréhension épistémologique d?une part, et, d?autre part, nous essayons d?examiner cette stratégie de prévention de la violence pour en maîtriser les contours ; enfin, nous examinons dans quelle mesure il est applicable.

I-Les Instruments du calcul de l'horreur

A-L'alerte précoce

La notion d?alerte précoce fait récemment son apparition dans le domaine de la décision politique et de la prévention des « conflits ". Elle a beaucoup plus été utilisée dans les domaines relatifs à la prévention des catastrophes naturelles et ceux militaires. Depuis la fin de la guerre froide, des plaidoyers dans les milieux académiques et politiques se font pour introduire cette notion dans le champ de l?étude des conflits.

La notion d?alerte précoce est difficilement définissable. Elle peut être reliée au concept de diplomatie préventive dont l?objectif est de contenir le conflit avant qu?il n?atteigne un niveau difficilement gérable. Dans cette approche de diplomatie préventive, le critère c?est l?intensité du conflit et la préconisation d?une action dans une phase de conflit de faible intensité. Ici, l?alerte précoce ne vise pas la prévention de la violence en tant que telle, mais vise à empécher le déclenchement d?hostilités sans retour. C?est donc une option de gestion des conflits.

D?autres auteurs assimilent l?alerte précoce à la notion de prévention des « conflits " qui concerne des situations où les objectifs différents (incompatibles) des adversaires sont contrôlés afin d?éviter le déclenchement des hostilités. D?après cette approche, le but de l?alerte précoce est la prévention de toute forme de conflit violent.

Le FEWER quant à lui et dans la même perspective que cette précédente définit l?alerte précoce ainsi qu?il suit : « la collecte systématique et l'analyse de l'information sur des régions en crise et donc la vocation est a) d'anticiper le processus d'escalade dans

l'intensité du conflit, b) de développer des réponses stratégiques à ces crises, c) de présenter des options d'action aux acteurs concernés afin de faciliter la prise de décision »169.

De cette définition, découle 3 conditions de l?alerte précoce à savoir : le temps, ses destinataires et son organisation.

D?après le PIOMM (Programme interdisciplinaire de recherche sur les causes de violation des droits humains), l?alerte précoce doit se situer dans un délai en amont de 6 à 12 mois. Un délai de 6 semaines á 6 mois correspond á une alerte donnée á temps et, en dessous de 6 semaines, le temps d?alerte est dépassé et correspond à une situation d?action dans l?extreme urgence170.

Les destinataires de l?alerte précoce sont les victimes et les auteurs de la menace ainsi que la communauté internationale et les médias. Quant à l?organisation, elle se fait à travers une structure permanente d?analyse de données, coordonnée et standardisée.

Deux étapes sont à considérer dans le processus d?alerte précoce, c?est-á-die dans l?utilisation des données relatives aux potentiels conflits.

Primo, la recherche et l?analyse des données pouvant etre interprétées comme signaux d?un conflit à venir. « S?il est prouvé que le passage à l?acte violent est imminent et qu?une réponse rapide peut encore faire la différence, la procédure d?une alerte précoce entre dans une seconde phase : un signal est transmis aux décideurs politiques qui doivent prendre la décision requise pour s?assurer de la prévention de la violence »171.

Plusieurs modèles permettent de prédire l?irruption d?un conflit violent. Ces modèles se distinguent par : les objectifs, la structure, la méthode de récolte de l?information, le mandat des autorités qui assurent la gestion.

L?institut Clingendael172 définit trois modèles de prévention des conflits : le modèle corrélatif, le modèle séquentiel, le modèle conjoncturel.

Le modèle corrélatif se concentre sur les indicateurs et les causes structurelles du conflit et cherche á expliquer comment ceux-ci contribuent à l?émergence des conflits (analyse quantitative, veille permanente). Cette approche utilise l?histoire et tend à mettre en

169 Cf Schmid, Alex (dir): Thesaurus and glossary of early warning and conflict prevention terms, abridged version, Erasmus University, FEWER, May 1998. Traduction faite par l?OIF in OIF :

Mécanismes des systèmes d'alerte : contribution à une comparaison internationale ; étude réalisée pour

l?organisation internationale de la francophonie, réunion du 5-7 avril 2004. Paris, Centre de Recherche sur la paix, Institut catholique de Paris, avril 2004, p.7

170 OIF, op.cit, p.7

171 Id, p.9

172 www.clingendael.nl

évidence les rapports de causes à effets. Elle est dite post-prédictive car utilise des informations et des événements du passé.

Le modèle séquentiel quant à lui privilégie l?alerte de court-terme en étudiant la séquence au sein de laquelle les événements déclencheurs des conflits sont apparus dans le passé (analyse quantitative, données relatives aux événements).

Enfin, le modèle conjoncturel identifie les moments dans le cycle du conflit où une intervention stratégique a les meilleures chances de déboucher sur un résultat. Cette approche recherche des conjonctures permettant l?intervention d?une tierce personne.

L?alerte précoce est orientée vers les conflits intraétatiques et repose sur des données fiables menées par des recherches standardisées et sur un usage rigoureux des indicateurs des conflits. Elle est aussi variable selon les institutions qui la prône, et touche en ensemble de domaines variés tels que : les droits de l?homme, l?économie et la politique.

B-/ IIDIIDION1- NMIDtégITX1-

L?analyse stratégique s?articule autour de la compréhension des relations entre acteurs interdépendants et/ ou l?action collective. A ce titre, elle analyse les systèmes d?action concrèt. Un système d?action concret est un ensemble de jeux structuré entre des acteurs interdépendants, dont les intérêts peuvent etre divergents voire contradictoires. l?analyse stratégique adopte une démarche hypothético-déductive pour construire et cerner son objet d?étude par étapes successives à travers l?observation , la compréhension et l?interprétation des multiples processus d?interaction et d?échange qui composent la toile de fond de la vie à l?intérieure du système d?action qu?elle cherche à analyser173 . Cette analyse est utilisée dès lors qu?un système d?action est mis en évidence dans le domaine de l?éducation, et comme modèle théorique d?analyse du changement.

Le changement concerne ici la construction des règles à partir du jeu des acteurs empiriques, calculateurs et intéressés. Ceux-ci sont rationnels et autonomes et rentrent en interaction dans un système qui contribue à structurer les jeux. Cependant, entre eux, il nexiste pas d?arrangement naturel c?est-à-dire automatique et incontrôlé, mais, uniquement des construis, ce qui suppose la présence d?une intentionnalité.

173 Crozier M., Friedberg E. : L'acteur et le système, les contraintes de l'action collective, Éditions du Seuil, coll. Points Essais, 1992

Dans le domaine de l?analyse de la violence, l?analyse stratégique permet de déceler cette intentionnalité pour en déduire des moyens de prévision afin qu?elle ne débouche sur l?escalade.

L?analyse stratégique désigne aussi le processus par lequel une situation donnée est décomposée en ses divers éléments et au cours duquel on étudie le rôle joué par ces éléments pour la détermination d?une stratégie.

Selon Alain Spoiden174, elle aborde l?étude d?une situation donnée par les composantes suivantes : les forces armées, les acteurs importants, l?économie, l?environnement stratégique, la politique, la science et la technologie, la population et la culture, les transports et les télécommunications pour ne citer que ces éléments.

Aussi, elle identifie les forces et les faiblesses des parties en présence afin d?en déterminer les centres de gravité. Entre les composantes, il existe des influences mutuelles transcendées par la science et la technologie. L?analyse stratégique se fonde sur l?histoire puisque les antécédents d?une situation sont critiques pour la compréhension du présent et l?analyse du futur. C?est donc une approche efficace qui aboutit à des conclusions utiles.

Bien plus, cette analyse est pratiquée par une participation à l?élaboration de la meilleure prévision, du meilleur pronostic et cela suffisamment tôt par rapport à la sphère du conflit ouvert pour que le champ des actions offert aux décideurs soit le plus large possible. Elle est aussi efficiente. Cette efficience est mesurée à l?aune des résultats qu?elle produit.

La prise en compte de toutes les composantes de l?analyse stratégique tend à maximiser le rendement du processus. Il est donc nécessaire d?approcher la violence potentielle sous cet angle.

II-Approches GffpINGEIGEIOKLLENL

A-/ 11:pproche comparative

En terme comparatif, le calcul de l?horreur se réfère aux faits passés et ceux actuels influençant la politique interne d?un Etat.

Pour etre implémenté, le calcul de l?horreur doit établir un rapprochement comparatif entre des événements passés et des faits actuels. Il s?agit d?analyser la donne socio politique et économique du pays et/ou de la communauté où des potentialités de violences ouvertes s?observent. Une analyse des événements passés doit par exemple considérer : la présence des conflits et leurs typologies, les facteurs causant les conflits, les mécanismes de gouvernance,

174 Spoiden, Alain : Un centre d'analyse et de prévision, Institut Royal Supérieur de défense, mai 2001, p.6

les conditions de vie des populations, le degré de cohésion sociale. Débouchant sur les conséquences négatives, l?analyse doit présenter de façon détaillée les pertes dues par les scènes de violence passées. Ces indicateurs dans une analyse historique permettent de définir la conflictualité et de déterminer les potentialités d?escalade de la violence. Coller et Hoeffler175 soulignent par exemple que la guerre civile accroit dans les années suivantes des risques d?implosion de la violence et de retour dans la guerre civile. Ainsi, un pays qui a par exemple connu des guerres récurrentes dans les dix dernières années serait exposé aux risques d?implosion sociale. S?il s?agit d?un conflit à béquille ethnique par exemple, les potentialités de résurgence de la violence s?avèrent croissant, ceci par le fait que l?ethnicité est une construction donc, difficilement malléable.

Les événements passés orientent sur les fondements de la violence, les pistes de résolution explorées et les modalités de mise en oeuvre des mécanismes de paix adéquats. Il s?agit donc de scruter le passé propre au pays ou à l?entité en situation potentielle de violence. Toutefois, ce passé doit être quasi idem que celui présent. En d?autres termes, les facteurs de la violence déterminés dans ce passé doivent être les mêmes que ceux observés dans le contexte contemporain.

Ayant produit des éléments d?informations sur les crises anciennes qui se rapprochent de celle contemporaine au sein d?une entité, une comparaison doit être effectuée d?avec les faits contemporains. Il est question d?avoir une lecture de ces événements passés en vue de mieux aborder des questions similaires qui peuvent soit renforcer ces faits passés ou dégénérer complètement la situation. Dans une optique d?intervention rapide voir de prévention liminaire de la violence, les conclusions obtenues de cet exercice comparatif permettent d?alerter les belligérants et autres acteurs en conflits des risques qu?ils encourent à aller en guerre.

B-L'approche scénario

L?approche scénario est estimative et se fait à deux niveaux : l?évolution de la donne sociopolitique, économique et culturelle interne et internationale qui tiennent lieu de composante.

Au plan interne, l?estimation mesure les indicateurs des conflits contemporains et fait des prévisions sur l?avenir en fonction de l?évolution et du dynamisme des composantes suscitées. Aussi, l?estimation analyse les informations recueillies sur les forces en présence,

175 Coller, Paul and Hoeffler, Anke : Greed and Grievance in Civil War in Oxford Economic Paper, no 56, 2004

leurs attitudes et comportement, l?évolution et la variation des alliances, les antagonismes pour définir les potentialités d?escalade des conflits.

A partir de l?analyse stratégique, des scénarios sont mis en relief pour déduire les risques ou impacts négatifs pouvant résulter d?une escalade de la violence.

L?accent est ici mis sur les groupes qui influencent la paix. En effet, intégrer les groupes conflictogènes dans le processus de résolution/prévention des violences c?est recomposer les constituants de la paix et considérer les intérêts et enjeux « cachés » qui alimentent la violence. Les groupes belligérants constituent les faiseurs de paix et de guerre. Dès lors, tout espoir de paix doit tenir en compte leur influence, leurs forces et leurs revendications. Prenons par exemple le cas de deux forces qui s?affrontent : les FDLR et le RCD-G. L?estimation dans l?optique de prévenir de nouvelles violences doit étudier de fond en comble les indices suivants : leurs approvisionnement en arme, les alliances qu?elles nouent, l?occupation de l?espace, les discours tenus, les griefs, les attitudes et les comportements conflictuels.

Inscrits sur une courbe de la dynamique des conflits, ces indices sont susceptibles de renseigner si les parties sont prétes pour le dialogue ou alors veulent aller dans l?affrontement direct. Dans un repère orthonormée, l?on place en abscisse les indicateurs et, en ordonnée le temps. S?il s?avère que la moyenne de ces indicateurs soit croissante dans le temps, l?on peut considérer que l?escalade pourrait advenir. Au cas contraire, elle ne pourrait se produire.

Graphique d'étude sur les potentielles violences ouvertes : réal'ser par nous

Toutefois, l?observation n?est pas qu?effectuée sur les groupes belligérants, elle l?est aussi sur les groupes civils classés en fonction de l?appartenance intergroupe. Ici, des indices tels la pauvreté, la satisfaction des besoins de base, la rumeur peuvent être relevés en plus d?autres indices sus-évoqués. L?analyse produit alors la perception sociale de la violence et de ses potentiels impacts sur les interactions sociales entre individus ainsi qu?entre individus et l?Etat. Le principe d?identification de potentielle violence est le même que celui précédemment abordé. Les indices sont en abscisse et le temps en ordonnées. La persistance de la pauvreté ou de mesures ségrégationnistes pourrait par exemple escalader en violence.

Pour une bonne effectivité, des projections sont effectuées sur les informations obtenues allant des périodes d?exacerbation de la violence aux potentiels impacts négatifs dans l?ensemble des parties et ou victimes.

Au plan international, c?est-à-dire au sein d?une méme sous région, l?estimation analyse la donne politique des Etats. Elle étudie par le méme mécanisme les liens d?ethnicité et les alliances transfrontalières pour en déduire les impacts négatifs sur les groupes internes à un Etat. Essentiellement, l?analyse se focalise sur les Etats partageant quasi similairement le méme contexte socio politique et économique. L?évaluation des crises et scènes de violence dans l?histoire est aussi intégrée à cette analyse. Bien plus, les rapports de dépendance, le poids des échanges commerciaux, la sensibilité et la vulnérabilité des groupes par rapport aux autres permettent de déterminer des risques d?implosion de la violence.

L?estimation tient donc lieu d?une bonne maîtrise des contextes de violence interne et sous régional. Elle est cependant sous-tendue par une alerte précoce non pas seulement aux autorités politiques mais aussi à tous les belligérants et victimes de la violence.

CHAPITRE II : IMPLEMENTATION ET EVALUATION DU CALCUL
DE L'HORREUR AU NORD KIVU

Comme tout mécanisme visant l?institution de la paix, le calcul de l?horreur présente des limites et des points forts. Aussi, une telle stratégie de construction de la paix ne saurait être viable sans une protection et encore plus sans un fonctionnement adéquat. A ce titre, nous présentons tour à tour les mécanismes de perpétuation(B) du calcul de l?horreur et une évaluation (A) y relative.

I-Les mécanismes de perpétuation du calcul de l'horreur au Nord Kivu

A-Le fonctionnement interne du calcul de l'horreur

Le calcul de l?horreur doit fonctionner à travers la constitution d?organes délibérants entre les groupes internes conflictuels. Il s?agit de créer dans chacun des cinq groupes ethniques du Nord Kivu un organe chargé d?évaluer les pertes encourues dans les violences passées et les potentielles pertes en cas d?une escalade de la violence. Constitués de personnes formées aux techniques du calcul de l?horreur à savoir l?analyse comparative et l?analyse de scénario sur l?escalade de la violence, ces groupes étudient les pertes qu?ils ont à s?investir dans l?activité belligérante et informent leur membre et le gouvernement dans une optique de dissuasion ou de non recours à la violence. Les organes du calcul de l?horreur sont constitués par des leaders de ces groupes directement impliqués dans les actes d?agression et les personnes non directement impliquées qui subissent la violence. Ceux-ci agissent chaque fois en alerte pour présenter aux protagonistes l?inutilité de recourir à la violence. Ces organes sont constitués de membres responsables et de plusieurs autres personnes pouvant s?investir dans les opérations de collecte de données via la revue documentaire et les enquêtes sur les conflits de leurs localités respectives.

Pour assurer une coordination des organes du calcul de l?horreur, les organes délibérants doivent se retrouver au sein d?une plateforme intergroupe, un réseau intergroupe afin d?échanger sur les informations obtenues. Le réseau est constitué de leaders choisis localement et appartenant aux organes délibérants. Deux principaux attributs concerneront ledit réseau : il sera chargé d?enregistrer l?état d?évolution sur la violence et les besoins des groupes afin de déterminer un cadre d?action général tout en mettant en oeuvre des projets économiquement rentables communs.

L?alerte doit se faire de manière transversale entre les différentes parties qui s?attèlent au calcul de l?horreur. Les groupes doivent informer les autres et les décideurs politiques et, ces derniers doivent en faire autant. Ceci est utile pour une collaboration dans la consolidation de la paix et, est susceptible à travers des dialogues permanents de calmer les ambitions destructeurs des parties. L?estimation dès lors intensifie le dialogue intergroupe et a deux impacts positifs sur la violence : il freine l?escalade et ouvre des voies à la négociation pacifique.

Le calcul de l?horreur a aussi une perception économique. En effet, le dialogue institué par les organes d?alerte doit être sous-tendu par la création des espaces de concertation et d?activités génératrices de revenus(AGR) intergroupes.

L?idée est ici de constituer un réseau de groupe qui se réunira au sein de l?office intergroupe d?échange sur l?alerte des conflits et l?évaluation des conséquences négatives de potentiels affrontements. Chaque groupe va apporter l?état des besoins sociaux de ses groupes cibles et élaborer un projet de financement des AGR censées améliorées leurs conditions de vie. La plus value des échanges sur l?alerte des conflits constitue ces AGR qui, ne s?opèrent pas indépendamment du réseau. Par exemple, des champs intergroupes pourront être crées, ou des micros entreprises qui vont employer des ressortissants de groupe différents. A travers la mise ensemble des forces pour la production de biens et services, des échanges relatifs à la paix s?effectueront entre les individus et, progressivement la paix et la non-violence seront une réalité.

Le mécanisme de financement des AGR se fera non par une aide internationale, mais par les bénéficiaires au sein d?un même groupe. Il est vrai, un appui international pourrait être utile, mais les ressources principales viendront des groupes internes. A ce titre, des cotisations de 01 dollar US par membre d?un groupe seront versées chaque mois auprès de l?instance d?alerte du groupe. Ces fonds serviront à financer les projets identifiés.

De manière concertée, les groupes adhérents au réseau doivent planifier des projets touchant des domaines divers et dénués de tout enchevêtrement. Chaque groupe produira ce qu?il sait le mieux faire, pour éviter toute concurrence susceptible de rehausser les antagonismes.

Le réseau intergroupe a donc une double fonction : rendre compte de la situation de paix via l?alerte précoce et, coordonner les AGR susceptibles d?occuper une forte frange des populations, diminuer les antagonismes et favoriser une insertion sociale aux individus.

Bien plus, les organes d?alerte de futures violences constitués vont s?atteler à informer via l?éducation les groupes cibles de leurs communautés sur les nuisances qui peuvent résulter

de l?escalade de la violence. Il s?agit de présenter les traumatismes qui peuvent résulter des affrontements, de préciser par des données chiffrées si obtenues de la barbarie qu?est la violence directe et de projeter des images à partir de scènes passées négativant l?usage de la violence. À ce titre, plusieurs canons se dessinent. Cet ensemble d?action peut se faire à travers les écoles, les Universités, les Eglises ainsi qu?à travers tout autre lieu de socialisation. Par exemple, des ossements humains, des photos de personnes mutilées et des images d?habitats décimés peuvent être exposés dans des musées. Ceci va renforcer l?état de peur du recours à la violence dans les prochains conflits par les belligérants. A ce stade, et, progressivement, la Paix Positive sera une réalité.

B-La protection internationale

Le calcul de l?horreur nécessite une intégration locale, nationale et internationale des acteurs à la prévention de la violence. La responsabilité de la communauté internationale est de s?assurer du bon fonctionnement des organes chargés du calcul et d?intervenir en cas de violation des codes desdits organes. L?UA et l?ONU pourraient par exemple créer un département chargé de s?occuper uniquement des questions relatives au calcul des conséquences négatives et potentielles pertes encourues par les parties belligérantes en cas d?affrontement dénommé « département des opérations du calcul de l?horreur ».

La nécessité d?une telle approche réside dans la redéfinition des intéréts des protagonistes externes de la guerre et autres situations de violence. Elle leur laisse la possibilité de prendre des mesures promptes pour éliminer la violence. Entre ces départements du calcul de l?horreur et les organes et réseau intergroupe, un mécanisme d?information rapide doit être mis en oeuvre pour la communication des données et l?étude des moyens à mettre en place pour prévenir la violence, ceci, chaque semestre.

Il ne s?agit pas là d?une tentative d?application du calcul de l?horreur à la responsabilité de protéger, mais, de s?assurer que les questions sécuritaires obéissent à une approche intégrée et globale. Pour éviter la prégnance de la communauté internationale sur des situations de violence, le calcul de l?horreur dispense du recours à la force au nom de la responsabilité de protéger tel que classiquement observée dans d?autres régions ou Etats en Afrique176. Il leur octroie plutôt la possibilité d?une concertation mutuelle avec les groupes locaux et non obligatoires. Aussi, il favorise le pouvoir de négociation et de recours à la non-

176 l?interventionnisme internationale dans les conflits africains au nom de la Responsabilité de protéger(R2P)

s?est observé en en Somalie en 1992 avec l?opération Restore Hope ; en Côte d?Ivoire pour mettre un terme à la congélation des institutions publiques par Laurent Gbagbo en 2011 ainsi qu?en Lybie pour instaurer la démocratie et faire chuter le régime de Mouammar Kadhafi en 2011 pour ne citer que ces cas.

violence dans l?optique de fédérer les parties pour éviter l?escalade de la violence. Ainsi, la communauté internationale informe via l?alerte précoce sur les conséquences de potentielles violences et observe l?évolution des crises. Elle n?y intervient pas directement ou militairement, mais à travers une diplomatie visant à regrouper les parties en conflit par la médiation, les bonnes offices ou la conciliation. Cette dernière perception repose sur l?idée selon laquelle des problèmes contextuels se règlent facilement et durablement par les acteurs directement concernés.

La communauté internationale peut donc s?investir beaucoup plus à travers le soutien technique aux groupes sur l?identification et la formulation de projets visant leur développement socioéconomique et par ricochet leur autonomisation.

Toutefois, au lieu d?une responsabilité de protéger, le calcul de l?horreur propose une nécessité d?alerter (N2A). C?est pourquoi, il propose comme pendant aux mécanismes de gouvernance dont le power sharing, l?adoption de textes internationaux par les OIG conditionnant l?assistance ou le soutien technique aux groupes locaux par un respect scrupuleux des décisions des organes chargé du calcul de l?horreur prises localement. Gellesci concernent par exemple : des données trimestrielles sur l?état des crises sociales et des impacts négatifs pouvant advenir, la participation aux décisions des organes du calcul de l?horreur, l?arrêt de toute attitude ou comportement belligérants, l?investissement dans les projets communs locaux. Ainsi, un cadre de prévention de la violence peut dès lors se dessiner au plan international, régional, sous régional, national et local adoptant l?approche du calcul de l?horreur.

II-Evaluation du Calcul de l'Horreur

A-La pertinence du Calcul de l'Horreur

L?intérêt porté par la communauté internationale pour la prévention, la prise de conscience de l?importance des facteurs lourds ou structurels dans la violence, et l?implication des acteurs du développement vont de paire avec une approche à long terme à la prévention de la violence. La phase concernée est celle de l?escalade de la violence. Ici, le calcul de l?horreur résout la difficulté liée à la capacité de prévoir la possibilité et la probabilité de l?escalade de la violence et à comprendre quelque chose qui n?existe encore qu?en germe. Les outils sont ceux de la coopération pour le développement, spécialement conçus dans l?optique d?une potentielle escalade de la violence. Aussi, le calcul de l?horreur complète l?approche do no harm qui s?assure que les actions de développement ne créent ni ne favorisent les conflits.

En termes de coopération au développement, cette approche est dite sur les conflits, puisqu? elle correspond à des actions ou programmes travaillant directement sur les conflits, méme s?ils ne correspondent qu?à des situations de violence potentielles. Le calcul de l?horreur renforce l?alerte précoce traditionnelle concernée par l?explosion de la violence et classiquement pensée relativement à court terme.

Dans les méthodes classiques de prévention de la violence, l?approche dite du travail autour des conflits (around conflict) concernait dans son aspect développementaliste à arrêter des programmes spécifiquement créées ou dessiné pour cette phase, devant contribuer au retour de la paix.

En phase post-conflit, correspondent les actions complexes et longues de construction de la paix, de réhabilitation et reconstruction post-conflit, de transformation du conflit, où toutes les actions diplomatiques ont un rôle à jouer. Le but est d?adresser les causes de la violence, de soigner les plaies et déchirures pour faire durer la consolidation de la paix. « Le post-conflit est très similaire au pré-conflit. Il est plus compliqué parce qu'il faut également guérir les blessures liées au conflit lui même. Il est plus simple parce que le conflit a eu lieu et donc les problèmes et acteurs connus... »177. L?objectif est ici de réduire l?escalade. Puisque les risques accrus de résurgence de la violence se prolongent pendant une dizaine d?année, les méthodologies du calcul de l?horreur sont opérationnelles pendant toute cette période afin de palier au risque de mettre en oeuvre des mesures de prévention à court terme n?ayant aucun impact sur le futur.

La période post-conflit fait suite à une cessation des hostilités. C?est une période marquée par une paix relative. Dans ce contexte, les groupes et belligérants sont souvent difficilement identifiables et leurs besoins peu connus. Le calcul de l?horreur agit sur les facteurs socioéconomiques pour tenir en compte l?ensemble des réclamations des parties en conflit ou subissant le conflit. Aussi, il agit sur la réconciliation et la reconstruction. Cette reconstruction cherche à garantir la stabilité et la durabilité de la paix, mais aussi celle du pouvoir politique et de sa légitimité, celle de la société civile et finalement celle du secteur économique, afin d?assurer la prospérité et d?ainsi limiter les possibilités d?une reprise des hostilités. Comme le précisent Schnabel et Ehrhart178, cette reconstruction est aussi devenue un enjeu de sécurité au même titre que la fin des hostilités en elle-même.

177 Lavoix, Hélène : Indicateurs et méthodologie de prévision des crises et conflits, évaluation, AFD, 2005, p.11

178 Schnabel, Albrecht, Ehrart, Has-Georg : Security sector reform and post-conflict peace building, United Nations University Press, New York, 2005, p.2

Par ailleurs, le calcul de l?horreur vise la conception d?un système d?information pour éviter l?escalade de la violence ou des conflits ainsi que les crises humanitaires qui obstruent le développement de la personne humaine et des groupes sociaux. Le développement humain renvoie ici à l?amélioration des conditions de vie humaine, adaptée au changement et la satisfaction des besoins fondamentaux tels que la sécurité, l?identité et la participation aux décisions communes. Aussi, le calcul de l?horreur prend du temps pour élaborer des stratégies, bâtir des supports pour implémenter des actions à long terme devant impulser le développement et réduire les catastrophes que sont la violence. il identifie et analyse les conflits latents et manifestes pour en déduire des pistes de dé-escalade.

Bien plus, le calcul de l?horreur génère des analyses qui identifient les facteurs majeurs conduisant à l?instabilité, proposant des bases d?évaluation de futurs scénarios, et recommande des options de préventions appropriées pour les décideurs locaux et internationaux.

Ces éléments renforcent le lien entre le calcul de l?horreur et violence et peuvent titre utilisés pour établir des programmes politiques et des coalitions entre potentiel bénéficiaires des initiatives de prévention de la violence. En plus, ces coalitions peuvent déterminer les acteurs locaux ou internationaux, du ressort public ou privé à s?investir pour établir la paix à long terme.

Le calcul de l?horreur agit ainsi sur les violations des droits humains, sur les atrocités de la guerre, restaure la légitimité de l?Etat, résout le problème des réfugiés et déplacés et autres dégâts posés par la violence directe.

B-/ Es EIFIEsAEsASXIMIXl SERIF BrrEXr

Evaluer l?efficience du calcul de l?horreur est assez complexe. Le calcul de l?horreur devrait aider à prévenir la violence, mais, il est difficile d?affirmer les liens de causalités entre cette action et l?absence d?un conflit. Les effets du calcul de l?horreur ne peuvent etre étudiés en l?absence d?un questionnement sur les causes de la guerre, qui ajoute une complexité aux ambitions visant à mener son efficience. Les solutions liables et générales doivent dès lors titre trouvées aux conflits. Ceci est difficile de par un manque de consensus entre chercheurs sur la définition de l?alerte précoce, et la conception du succès n?est conséquemment pas accordée entre eux. Le désaccord tourne autour des mesures préventives à aborder en premier et du contexte spécifique de l?action.

Woodhouse et Miall désignent le succès comme «the conjunction of a de-escalation of political tensions and steps towards addressing and transforming the issue in the conflict»179. Le risque est alors de considérer juste la gestion des conflits au lieu de la prévention de la violence. Une approche à long terme par contre insiste sur la visibilité des effets de la prévention dans une période longue.

La sélection des effets et les facteurs externes constituent des axes focaux qui doivent être considérés pour l?efficience du Calcul de l?horreur.

Wallensteen et Moller180 décrivent trois processus méthodologique : localiser les disputes sérieuses, lister les disputes où l?escalade n?a pas eu lieu, analyser les cas avec des expériences sérieuses de disputes répétitives. Quoique leur étude adresse d?importants aspects méthodologiques, elle ne montre pas comment le progrès peut être atteint dans l?étude du champ complexe de la prévention des violences et, le calcul de l?horreur tombe sous le poids de cette défaillance.

179 Cité par Wallensteen, Peter and Moller, Frida : Conflict prevention in ethnic conflict 1990-1998, Uppsala University, 2005

180 Id

RECOMMANDATIONS

Dans l?optique que cette étude serve à ses ambitions de construction de la paix, des recommandations sont assortis au gouvernement de la RDC, aux groupes en conflits au Nord Kivu, à la communauté internationale et à l?UPAC.

Le gouvernement de la RDC doit :

· Créer un organe du Calcul de l?Horreur qui échangera des informations sur la violence potentielle avec les groupes locaux ;

· Arréter d?user de la force pour traquer les milices, l?essentiel doit être la recherche permanente du dialogue.

Les groupes locaux doivent :

· Proposer des personnes compétentes qui seront formées aux techniques d?analyse de la violence ;

· Accepter fournir des terres pour la réalisation d?actions communautaires ;

· Se réunir tous les trois mois pour rendre des données collectées sur les violences potentielles ;

· Alerter rapidement les dissidents, le gouvernement et la communauté internationale des situations observées.

La communauté internationale doit :

? Créer un département des opérations du calcul de l?horreur ; ? Renforcer les capacités techniques des groupes locaux ;

· Ne pas recourir à la force en cas de violation par une communauté des initiatives prises localement.

A l?UPAC nous recommandons de :

· Créer un cours sur la prévention de la violence directe via l?analyse des conséquences négatives de potentiels escalade de la violence.

CONCLUSION GENERALE

Ce travail de recherche a étudié Le Calcul de l'Horreur comme instrument psychologique de prévention de la violence directe : cas du Nord Kivu en RDC. Il s?est proposé de répondre à la question centrale suivante : le Calcul de l?Horreur est-il pertinent pour la prévention de la violence directe au Nord Kivu ? Les questions secondaires suivantes ont permis de conforter la question centrale posée : l?évaluation systématique des conséquences de la violence directe constitue-t-elle un facteur dissuasif de futurs affrontements ? La perception de l?horreur permet-elle d?établir un compromis et de redéfinir les intérêts et enjeux liés aux conflits pour les transformer en une nouvelle situation vivable pour tous ? Pour ce faire, nous avons émis l?hypothèse suivante : le Calcul de l?Horreur est pertinent pour la prévention de la violence directe au Nord Kivu. L?objectif a été alors de proposer une stratégie de prévention de la violence dans cette région de la RDC laquelle redéfinit les relations pacifiques entre groupes. A travers deux principales méthodes de collecte des données à savoir : la revue documentaire et huit entretiens semi directifs qualitatifs réalisés, appuyée par une grille d?analyse constructiviste, nous avons constaté que le Calcul de l?Horreur peut créer des conditions psychologiques et des moyens favorables à la Paix Positive. Ceci étant, il peut permettre aux groupes de taire leurs querelles et se relancer pour la construction de rapports harmonieux susceptibles de conforter l?état de paix. Ce constat valide aussi nos hypothèses secondaires. En effet, l?évaluation systématique des conséquences de la violence directe peut dissuader de potentiels affrontements et la perception de l?horreur permet d?établir un compromis en redéfinissant les intérêts et enjeux liés aux conflits.

Le premier point présente les dimensions de la violence directe au Nord Kivu, à savoir les structures qui ont produites les violences observables dans cette région et les options de recherche de paix relative à cette violence. En effet, deux composantes expliquent l?escalade de la violence au Nord Kivu. Il s?agit entre autres des facteurs politiques et économiques internes et externes à la région.

Au plan externe, la politique de diviser pour mieux régner et de limitation de l?éducation, les instabilités politiques dans les Grands Lacs notamment au Rwanda, au Burundi et en Ouganda autour des années 1994 ont favorisé le réveil des différenciations ethniques et des replis identitaires de par la proximité géographique et les alliances transfrontalières. Elles ont aussi favorisé la constitution de milices et groupes de rebellions qui désormais définissent la paix au Nord Kivu sur les frontières ethniques.

Ces facteurs exogènes viennent renforcer un climat interne déjà fragilisé par la mal gouvernance, et l?instrumentalisation politique de l?ethnicité, le marasme économique due par

l?élite dirigeante qui en plus use des questions de nationalité pour définir l?appartenance à l?Etat congolais dans l?optique de définir la répartition des ressources.

Les facteurs politiques et économiques endogènes et exogènes plantent le décor pour des séries de violence qui ont débouché essentiellement sur deux guerres en l?espace de deux ans en RDC avec le Nord Kivu comme principal champ de guerre. Quoi que ces guerres se soient achevées, elles continuent sous d?autres formes et prennent des ampleurs considérables. La nouvelle attitude de guerre s?observe à travers le contrôle des portions de territoires par les groupes armées, les viols massifs, les actes d?agression, le pillage et l?illégale exploitation des ressources naturelles. Ceci ne va pas sans des conséquences sur les populations. A ce titre, l?on relève de millions de morts181, des femmes violées, éventrées et mutilées ; des lèvres cisailler à la lame de rasoir, des nourrissons rôtis sur des braises, des villages décimées, des apatrides, des réfugiés et déplacés et l?excroissance de la pauvreté. L?Etat n?existe pas au Nord Kivu, seule la force des armes définit les rapports sociaux. Le danger à long terme pourrait s?observer sur de multiples traumatismes, le syndrome de dépendance à l?aide humanitaire, ainsi que sur la résurgence de l?idéologie de la haine entretenant le cycle de la violence. La peur dessine le quotidien au Nord Kivu et les familles sont toujours prétes à s?en fuir. Dans cette optique toutes les structures économiques restent paralysées. Cette paralysie s?explique par l?absence de ressource humaine dument formées ainsi que par l?absence des forces aptes au travail. Car, quand bien même elles existent, ces forces sont souvent sommées par les milices d?aller travailler comme esclaves dans les mines d?extraction d?or, de coltan et de cassérite. Progressivement, le Nord Kivu qui fut le grenier des Grands Lacs perd ses capacités productives au profit de l?activité minière sous forme d?une économie de guerre. Dans ce cas, cette région risque de connaître le syndrome hollandais.

Divers processus de sortie de crise et de retour à la paix ont été élaborés pour la RDC et pour le Nord Kivu. Au plan interne et international, plusieurs acteurs s?investissent pour que cette région vive dans la quiétude et l?espoir de retrouver un jour la stabilité, la sécurité et la paix comme clamée dans les discours politiques.

Les instruments de paix majeurs et significatifs au plan interne concernent essentiellement dans un premier temps ceux proposés par les acteurs de la société civile qui, à travers le plaidoyer, la recherche-action et la résolution extrajuridictionnellle des conflits qui

181 Dans notre recherche, nous n?avons pas obtenu des chiffres exacts sur les morts enregistrés au Nord Kivu entre 1990 et 2011. Mais, plusieurs auteurs affirment par exemple qu?entre 1998 et 2002 la RDC dans

l?ensemble a enregistré trois millions de morts suite à l?escalade de la violence. Cf Braeckman, op.cit, p.7. L?auteur affirme à ce titre que l?opacité sur les drames en Afrique justifie le fait de l?absence de données certaines sur les pertes en vies humaines liées à la violence directe en RDC.

intègre la médiation apportent un soutien à la paix, bien que leurs stratégies soient désorganisées et les procédés contradictoires à cette médiation relevée. Dans un second temps, ces instruments de paix concernent l?apport du gouvernement congolais qui, à travers la pression par la force sur les milices et, la volonté de dialoguer avec les groupes armées ainsi que leur insertion dans les FARDC, contribue à faire revenir la paix au Nord Kivu. Mais, la force et le non respect des engagements pris par le gouvernement rendent tout effort de paix caduc.

Au plan externe, la communauté internationale notamment l?ONU et l?UA se sont investies pour l?effectivité de la paix au Nord Kivu. En amenant les parties belligérantes à la signature des accords de Lusaka et de Sun City, ils ont pu mettre un terme de façon officielle à la guerre de 1998. Aussi, ils ont pu obtenir un retrait des troupes étrangères de la RDC, un cessez-le-feu et l?organisation d?un dialogue intercongolais ayant débouché sur des élections démocratiques en 2006. Mais, ces accords ont favorisé la continuation du contrôle des Etats étranger sur la paix de la RDC. Il s?agit du Rwanda et de l?Ouganda qui d?après les textes de Lusaka sont chargés de contrôler le cessez-le feu et le retrait des groupes armées, pourtant, ils sont les principaux agresseurs de la RDC. Ces accords ont fragilisé la RDC, légitimant l?accaparement des ressources naturelles du pays par les forces étrangères qui, de façon officieuse soutiennent et arment les milices contre le gouvernement de Kinshasa. Bien plus, inspirés des mécanismes juridictionnels de résolution des conflits, les accords de Lusaka n?ont pas considéré la dimension locale de la violence. Les possibilités d?implémentation en rapport avec les cultures locales et les populations qu?elles ont totalement ignorées. « C?était en fait des accords de partage des richesses de la RDC », une « conférence de Berlin 2 » comme le dit Pierre MUGANGU182 dans l?entretien qu?il nous a accordé. La conséquence en est que, aussi bien le gouvernement, les milices que les populations, aucun acteur en conflit en RDC n?a pu observer les effets positifs de ces accords. C?est pourquoi le cycle de la violence est entretenu.

Il est vrai, en plus de s?investir par la médiation, la négociation entre parties, la communauté internationale a installé des organes d?alerte des conflits. Elle est beaucoup plus l?oeuvre des ONG internationales. Mais, à chaque fois la violence escalade. Ceci montre que cette alerte n?est pas en phase avec les communautés locales plus précisément les groupes locaux qui doivent bénéficier de la paix. En plus, ces mécanismes d?alerte présentent juste les

182 Interviewé le 07/12/11. Voir annexe 6

possibilités d?une guerre et non la nécessité de ne pas faire la guerre ou de ne pas entrer dans un cycle de violence directe au vue des atrocités et des horreurs.

A partir de ces observations, nous proposons un nouveau contenu du système d?alerte et d?information rapide de la violence dénommé « calcul de l?horreur » qui s?appesantit sur l?étude des conséquences négatives de potentiels affrontements, les mesures à partir d?approches comparative ou par l?établissement de scénarios. Ce calcul de l?horreur qui se fonde sur la non-violence correspond à l?idée profonde de construction de la paix par les groupes ethniques du Nord Kivu. Dans ce sens, des organes de calcul de l?horreur doivent être établis au sein des groupes. Ceci va satisfaire l?idée de faire participer les populations locales au processus de construction de la paix.

Par ailleurs, le calcul de l?horreur satisfait au besoin de communautarisme africain et des peuples du Nord Kivu en particulier. C?est pourquoi il prévoit la constitution d?un réseau intergroupe d?échange d?informations sur les potentialités de conflits. Ce réseau intergroupe produit des informations sur les conséquences négatives de potentiels affrontements, les traduits en feedback aux groupes et au gouvernement. En plus de cela, le réseau regroupe les besoins d?AGR des groupes et crée des projets de développement communautaire183. Dans cette optique, la production de l?information sur les crises potentielles et sur leurs dégâts, puis l?ordonnancement des projets de développement communautaires par le réseau, va permettre l?interconnexion, le développement des activités communes et des échanges sur la paix ; ce qui à long terme impacte positivement la paix et le développement du Nord Kivu.

Le calcul de l?horreur constitue alors l?arme de tout acteur faisant la paix ou la guerre, l?espoir de renaissance de la paix, l?option de la non-violence et du développement qui agissent simultanément pour produire la Paix Positive au Nord Kivu. Dotée d?une double dimension, (prévention de la violence et développement), le calcul de l?horreur obéit à la maxime kantienne de ne faire que ce qui est bon. Le bien découle de la véritable raison ; raison qui produit conscientisation et décourage toute tentative d?usage de la violence. Dès lors, si l?évaluation systématique des conséquences négatives relatives à des scènes de violences potentielles devient palpable, la paix positive est possible.

Le présent travail à deux principaux intérêts : théorique et pragmatique. Au plan théorique, il constitue une plus-value dans le domaine de la recherche sur la prévention nonviolente de la violence en particulier et des Peace Studies en général. Cette plus-value

183 Notons ici que tous nos interviewés pensent que la pauvreté étant un facteur aggravant des violences au Nord Kivu. La création d?espace d?AGR peut être un facteur limitant de nouvelles violences. Il suffit juste de laisser le soin aux parties en conflits de « dire elles mêmes ce qu?elles veulent pour leur bien-être » comme le dit Mr BASEMBE Jean.

s?explique par le fait qu?il propose un mécanisme de prévention de la violence via une étude analytique des conséquences négatives de la violence directe par les groupes qui expérimentent les conflits d?une part. D?autre part, il propose un graphique devant contribuer à cerner de façon palpable les possibilités d?escalade de la violence ou, déterminer si les parties en conflit sont prêt au dialogue ou à aller dans l?affrontement direct. En effet, en ce qui concerne le Nord Kivu, la culture endogène collective revient de par la prégnance de l?ethnicité qui a des implications sur la nationalité, le foncier, la distribution des ressources et la paix.

Au plan pragmatique, cette étude contribue à améliorer les conditions de vie des femmes, enfants et hommes du Nord Kivu. Dans un premier sens, elle promeut l?appropriation de la paix par ces catégories de personnes à travers la constitution d?un réseau intergroupe d?échange des informations sur l?évaluation systématique des conséquences négatives de la violence. Pour renforcer cet état de paix, l?étude présente propose l?établissement des AGR intergroupes coordonnées par ce réseau dont l?objectif est de lutter contre la pauvreté, élément qui influence de fond en comble la paix au Nord Kivu. Cette recherche fournit alors un quid de gestion des conflits que peuvent appliquer les instances de médiations ainsi que les bâtisseurs de la paix dans des conflits intraétatique où, les groupes dûment identifiés constituent les principaux obstacles à la paix.

Toutefois, cette étude ne peut prétendre à l?exhaustivité, car comme tout travail de recherche, elle comporte des limites. Ce sont ces limites qui nous ont empêchés d?approfondir les facteurs culturels de production de la violence directe, le degré d?influence psychologique que peut avoir le Calcul de l?Horreur sur les parties en conflit et les conséquences économiques et environnementales des violences au Nord Kivu qui pourraient sans doute éclairer sur le cadre général de la violence. En même temps que l?approfondissement de ces aspects et du graphique de détermination de l?escalade de la violence intergroupe, l?élargissement de cette étude aux pays de l?Afrique subsaharienne parmi lesquels le Cameroun et la Côte d?Ivoire pourra faire l?objet de recherches supplémentaires.

Quoi qu?il en soit, l?affaiblissement et l?éclatement de la belligérance par la conscientisation via l?éducation des acteurs sont des atouts de transformation des conflits. L?investissement pour la paix donnerait des résultats plus heureux, moins onéreux que l?investissement pour la guerre. Qui veut la Paix doit préparer la Paix et non la Guerre. Le calcul de l?horreur pourrait donc rendre à l?humanité ses valeurs, réduire les dépenses destinées à la violence pour l?investir dans le bien-être des individus. Il est pour cela nécessaire de l?appliquer pour juger de sa faisabilité.

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3- URL : Jeanpoitras.blogspot.com/~/les-approches-de-gestion-de-conflits.html

4- www.transcend.org

ANNEXES

ANNEXES 1
PROTOCOLE D'ENTRETIEN

Ce guide d?entretien vise à savoir si l?évaluation systématique des conséquences négatives de la violence directe peut amener les parties en conflits au Nord Kivu de s?abstenir du recours à la violence dans la résolution de leurs différends, de là à construire une paix durable. Get entretien est réalisé pour une recherche de Master en Paix et Développement au sein de l?Université Protestante d?Afrique Centrale de Yaoundé. Vos réponses seront strictement confidentielles.

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d?agression par un autre groupe ?

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d?hostilités.

3. Qu?est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ?

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ?

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant d?agir.

8. D?après vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

ANNEXE 2
LISTE DES INTERVIEWES

· Dr. KÄ MANA, Vice recteur Université Evangélique de Bandjoun, Chercheur à Pole Institute.

· Mme WANY PALUKU, membre de l?ONG Plateforme des femmes du Nord Kivu pour un Développement Endogène(PEFND).

· Mr MALIYAWATU Gilles, Ministre du Culte (Eglise la voix du Christ)

· Mr MUGANGU Pierre, Expert au réseau Recherche et Action pour la Paix.

· Mr TSONGO Alex, Expert auprès de l?Association d?Appui aux initiatives de Base.

· Mr CISHAMBO CISHAMBO, membre du réseau Recherche et Action pour la Paix.

· Mr BASEMBE Jean, diplomate.

· Mme KANYAMUHANDA Elisabeth, membre de l?ONG Campagne pour la Paix.

ANNEXE 3

ENTRETIEN AVEC LE Dr. KÄ MANA

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

Face à la violence, la réaction c?est coup pour coup. C?est la culture de la vengeance .Lorsque les gens se sentent menacés, ils usent de la force et de l?agression pour se protéger. La guerre n?obéit pas à la logique non plus à la raison. Si raison il doit en avoir, c?est d?utiliser les mémes moyens que l?agresseur pour assurer sa sécurité. En situation de guerre ou de violence, les parties en conflit ne réfléchissent pas, elles agissent tout simplement en recourant à la force. Ceci s?explique par le développement des identités meurtrières depuis l?époque coloniale.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

C?est en principe la méme chose que ce que je viens de dire. Dans la violence il n y a pas d?amis. La seule chose à faire c?est de se protéger. Et, les groupes en conflit font recours à la violence à ce titre. Donc, ils réagissent spontanément et avec les mêmes moyens que l?adversaire.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

La fatigue de la guerre. Les populations ont constaté que la guerre n?a rien donnée. Elles sont donc épuisées par ces décennies de guerre. Aussi, l?action des Eglises et des associations de la société civile a contribué à calmer les tensions. De plus en plus, les partis politiques tiennent un discours de paix.

4. est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ?

C?est une évidence, les groupes qui ont jadis combattus militent aujourd?hui pour la paix. Ils pensent qu?il est nécessaire d?abandonner tout ces égoïsmes qui ont conduis aux guerres pour revivre dans l?harmonie. La paix pour eux est désormais un atout.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ? Oui, il n y a qu?à voir l?action des Eglises et les messages véhiculés par les partis politiques. Pratiquement tous veulent le développement et la paix dans toute la région.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

Les parties en conflit ne réfléchissent pas. Ce sont les passions qui justifient la guerre. Il n y a pas de temps pour réfléchir. La réflexion est plutôt au niveau institutionnel.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant d'agir.

Je peux évoquer principalement la sagesse traditionnelle. Ici, les chefs sont des maillons pour la culture de la paix. Je peux également évoquer l?ubuntu c?est-à-dire l?humanisme africain, le retour à des valeurs africaines.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

Mobutu avait construis dans l?imaginaire le mythe de l?authenticité congolaise ; aussi, aujourd?hui on peut construire un autre mythe, celui de la paix, rêver un avenir ensemble. La paix doit être créée dans l?imaginaire à partir d?une conscience collective. La paix doit être locale, nationale et régionale et doit s?opérer à travers une éducation. Il faut créer des mythes porteurs d?avenir, des projets communs à partir des groupes locaux. L?effort est d?abord de les amener à appliquer leurs désirs de faire la paix en les formant sur des questions relatives à l?analyse des conflits et des conséquences qui peuvent en dériver. Ensuite, il faut l?action de plaidoyer auprès du gouvernement et enfin, l?établissement des lois sur le foncier. Les bases visibles pour la construction de la paix sont entre autre : les Ecoles, les Universités, les Eglises et la Société Civile.

ANNEXE 4
ENTRETIEN AVEC MADAME WANY PALUKU

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

Très souvent lorsqu?il y a des actes d?agression, les parties en conflits qui sont pour la plupart des cas les groupes ethniques réagissent par la violence. Rares sont les fois où elles restent calme. Ceux qui ne réagissent pas violemment sont quelques civiles qui ne se sont pas organisés en autodéfense où alors qui jugent la force de l?adversaire très grande. Dans ce cas, ils sont obligés de fuir, aller de village en village pour se protéger contre les attaques des gens armés.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

C?est en quelque sorte oeil pour oeil, dent pour dent comme le dit la loi du talion. Mais, il y en a qui cherchent parfois à dialoguer avec l?ennemi pour comprendre ses motivations. Si le dialogue joue en leur défaveur, ils sont parfois épargnés de la mort et sont plutôt détenus comme captif pour travailler dans les mines d?extraction de coltan.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

La société civile milite beaucoup pour la paix. Les ONG sensibilisent chaque fois les populations pour éviter le recours de la violence.

4. est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ? Bien sûr ! Beaucoup de leader d?ONG sont des autochtones. Il y a des actions concertées au niveau local. Lors des conférences que nous tenons par exemple, plusieurs parents issus d?ethnies différentes témoignent de leurs volontés à se mettre ensemble. Aussi, les alliances

entre Hutu modérés et Tutsi par exemple, sont des alliances qui visent la non-agression entre ces deux groupes quand bien même ils agressent les autres.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ? La paix et le développement rentrent dans le discours quotidien que ce soit des civils ou des milices. Tout le monde en parle. Au niveau de la volonté c?est aussi une évidence. Beaucoup qui ont perdu leurs terres par exemple se mettent ensemble pour influencer les autorités. Des alliances naissent ainsi que des projets de développement ruraux comme à Béni entre Hunde et Nyanga. Donc c?est clair que les populations veulent réellement construire ensemble.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

La réflexion n?est pas au rendez-vous ! C?est après l?acte posé que le constat des dégâts se dégage.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant d'agir

Dans les traditions locales il y a des adages et des façons de penser qui prônent la réflexion sur les actes qui doivent être posés. Ceci parce que la réflexion évite tout regret. Le principe de l?Amani, c?est-à-dire de la paix en swahili est de cette logique.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

Ce sont ces gens qui font et défont la guerre qui doivent construire la paix. Il faut partir d?eux pour espérer une paix durable au Nord Kivu. Il faut aussi sensibiliser et éduquer les populations à la non-violence. Le gouvernement doit de son côté renforcer les services des ONG qui travaillent beaucoup pour la restauration de la paix et, négocier plutôt que de combattre avec les milices.

ANNEXE 5
ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MALIYAWATU Gilles

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

Plusieurs réactions se dessinent. Il y a la réciprocité qui signifie l?usage de la violence, il y?a la fuite et l?entame du dialogue. Toutefois, la première option c?est-à-dire la réciprocité est la plus courante.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

C?est la peur généralisée. Certains se réfugient dans les forêts, d?autres vers des régions voisines. Les plus courageux restent sur place pour affronter l?ennemi ou alors se réfugient dans les Eglises pour prier.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

L?action des Eglises, la peur d?être tuer, la crainte de perdre les terres et les biens matériels. Les Eglises regroupent de milliers de fidèles et les sensibilise sur la paix constamment. Aussi, les populations ne veulent plus revivre les désastres causés par les guerres de 1996 et 2000 avec tout ce qui s?en est suivi comme atrocité.

4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ? Quand bien même la violence est une arme utilisée couramment, les communautés déploient des mécanismes pour restaurer la paix. Ils le font à travers des théâtres organisés par les chefs locaux ou des séances de discussion sous l?arbre à palabre pendant lesquelles les tors sont reconnus publiquement et l?harmonie reconsidérée.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ?

La volonté est manifeste quoique les forces externes manipulent la conscience sociale et arment les milices et même parfois les civils. Les gens commencent à comprendre que c?était inutile de vivre dans la violence. Dans les écoles par exemple, les enfants sont souvent appelés à produire des dessins sur les guerres et à déterminer comment ces guerres les ont marquées négativement ; et, c?est avec l?aide des parents qu?ils en arrivent. Par la suite, ils produisent des poèmes sur l?unité nationale.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

Les populations ne réfléchissent pas face à la violence. Ceci parce que la violence n?est pas prévu à l?avance. Si elles savaient qu?elles devaient être attaquées, à l?avance, elles réfléchiraient sur les décisions à prendre. Ce qui fait que la violence est immédiatement rendue.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant d'agir

Le développement de la conscience et de la raison est le fondement des cultures locales. Conscience et raison sont des valeurs qui tendent à disparaître avec le capitalisme.

Aujourd?hui seuls les intérêts préoccupent les gens d?où toutes ces scènes de violence observées. Mais, réfléchir avant d?agir, mesurer la teneur de ses actes avant de les posés restent encrés dans les traditions locales.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ? Je pense que les gens doivent juste prendre conscience de leur statut d?être humain, prendre

conscience de l?autre. Il faut un véritable humanisme jadis prospère. Le mal ne profite à personne. Il faut donc éduquer les populations à cela.

ANNEXE 6

ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MUGANGU Pierre

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

Les attitudes dépendent de la force de l?adversaire. Si l?adversaire détient les moyens de la violence et de la répression, la partie adverse s?incline. Mais, si cette dernière perçoit un équilibre dans les rapports de force, elle s?engage dans l?hostilité en recourant à la violence des armes.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

Plusieurs réactions s?observent en cas d?hostilités. Il y?a entre autre la fuite, la mobilisation des groupes pour arrêter la violence, le plaidoyer auprès des FARDC et du gouvernement, et le sabotage des institutions.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

Tout le monde comprend que la guerre ne permet aucune évolution. Avec le poids des guerres, les familles se sont séparées, des hommes par milliers sont tombés sur le carot, des biens ont été détruis, d?autres spoliés. La perception de tous ces éléments n?encourage plus les protagonistes des conflits à user constamment de la violence.

4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ? Les groupes le sont intégralement. Mais ils sont manipulés par les blancs qui utilisent le Rwanda pour semer la terreur dans le Nord Kivu. Lorsqu?ils perçoivent qu?il y a des tentatives de regroupement communautaires par exemple, ils font circuler des tracts pour défavoriser les efforts de paix. Mais, ce qui est bien est que ces groupes d?hommes et de femmes commencent déjà à comprendre les jeux dans lesquels les blancs les enrôlent.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ? C?est vrai il y a une socialisation de la violence ; il y a l?idée de vengeance qui revient. Mais, avec l?action des Eglises et des ONG qui prônent la réconciliation, la paix se pense progressivement en communauté. L?acceptation se construit progressivement.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

Non ! Le temps de réflexion est très court. Il n?existe méme pas du tout. Quand l?alarme des affrontements déclenche, tout le monde se met en position de riposte. C?est après qu?on essaie de voir ce qu?il y a eu comme dégâts.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant d'agir

L?ubuntu est une valeur partagée. C?est une tradition millénaire. Si elle est réintroduite, les résultats peuvent être favorables. L?ubuntu c?est en fait l?humanisme, la considération première, l?harmonie avec soi méme et son entourage, le partage qui se traduisent par la paix. Aussi, il intègre en plus du fait de ne pas attaquer son semblable l?idée du divin, de la solidarité et de la non-violence.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

Les ONG travaillent beaucoup plus avec les villageois, les groupes ethniques parce qu?elles lisent en ceux-ci l?espoir de toute véritable paix. Lusaka et Sun City nous ont énormément déçus parce que c?était des accords de partage de pouvoir, une conférence de Berlin 2 qui a consisté à balkaniser la RDC. Dès lors que ces limitent se constatent, nous pensons que les groupes ethniques du Nord Kivu sont des socles de paix. Il faut juste les amener à comprendre cela en les formant et en les éduquant à la paix.

ANNEXE 7
ENTRETIEN AVEC MONSIEUR TSONGO Alex

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

La force des armes est à la disposition de tous. Nul n?a le monopole de la force ou de

l?agression. C?est pourquoi les attitudes à l?agression sont réciproques et simultanées. Méme si la réaction n?est pas immédiate, la vengeance se construit progressivement et, lorsque les moyens de réaction sont regroupés, alors l?attaque violente est entamée.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

Les parties en conflit en cas d?hostilités se soumettent, du moins pour celles qui jugent ne pas pouvoir riposter. Au cas contraire, elles entrent également dans le cycle de la violence.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

C?est assez complexe. Mais il faut relever que le poids des traditions et des recommandations qui disposent de toujours rechercher l?harmonie, quoi que critique soit la situation, est le facteur dominant qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits à faire la paix.

4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ? De façon officielle, ils le sont mais, officieusement les dires contredisent les actes posés. C?est pourquoi je dirais qu?elles ne le sont pas.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ? La violence est devenue normale au Nord Kivu. Au sortir d?un affrontement par exemple, si le nombre de morts ne dépasse pas 50, les gens diront que ce n?est pas grave. Les groupes vivent

avec l?esprit de division et le manifeste. Donc, construire le développement et la paix pour eux n?est pas un défi commun.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

L?ampleur des atrocités souvent commises, de méme que la barbarie qui s?observe dans les scènes de violence au Nord Kivu montrent que les parties en conflit ne pensent pas à l?avance les actes qu?elles posent. Sinon, comment concevoir que des nourrissons soient passés à la braise et que des femmes enceintes soient par exemple éventrées ? L?indignation des crimes au Nord Kivu ne permet pas de dire que ces groupes réfléchissent réellement avant d?agir.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant d'agir

La sagesse traditionnelle dans son ensemble est très critique sur les notions de conscience et méme sur la raison humaine. C?est dommage que les gens ne s?en approprient pas. Mais, au fond il faut vraiment noter que cette sagesse d?essence est pour la méditation sur les actes posés avant toute action.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

Les FDLR constituent le problème majeur au Nord Kivu. Ce sont eux qui sèment la terreur et pousse les autres à des réactions violentes. Ils doivent rentrer dans leurs pays d?origines au Rwanda. Ils doivent être désarmés intégralement. Si ces milices retournent au Rwanda, la paix sera effective au Nord Kivu.

ANNEXE 8
ENTRETIEN AVEC MONSIEUR CISHAMBO CISHAMBO

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

La soumission est généralement l?attitude principale. C?est pourquoi les mines d?extraction d?or et de coltan sont pleines. Beaucoup de ces hommes et femmes qui travaillent dans les mines ne le font pas à leur propre intérét. C?est très souvent pour les miliciens qu?ils travaillent et ceci, pour protéger leur vie.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

Trois principales réactions se dessinent et ceci en fonction des acteurs. La communauté internationale mène souvent des efforts pour restaurer le dialogue entre les parties engagées dans le conflit. L?Etat de son côté utilise beaucoup plus la force que la négociation. Tandis que, les groupes locaux soit s?organise en autodéfense ou alors cherche à restaurer le dialogue.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

Le recours à la force par l?Etat a souvent eu des résultats fructueux. Mais, il faut noter que les parties prenantes des conflits ne veulent plus combattre parce que la guerre n?a produit que

d?énormes pertes.

4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ? Ils le sont entièrement pour les raisons que je viens d?évoquer.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ?

Oui. Des projets communs naissent. Il y a des initiatives interethniques visant à regrouper des enfants soldats issus d?ethnies différentes dans des camps de réinsertion sociale. Les parents encouragent bien ces initiatives, donc ça commence à marcher.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

C?est un peu difficile de le penser au vue des violations des droits humains qui dérive de la violence.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant d'agir

En termes de paix je peux évoquer l?ubuntu, ce sacré humanisme africain. Les valeurs de cet humanisme regroupent la sagesse, laquelle sagesse ne se définit que par la capacité de réfléchir avant d?agir.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

Les groupes ne sont pas formés aux techniques de gestion des conflits. Ils s?investissent pour la paix certe, mais leurs efforts restent limités par cette absence de formation. Mais aussi, l?effort de conscience sur le caractère idiome de la violence doit être fait par tout le monde. C?est par les groupes locaux que peut se construire une véritable paix d?autant plus qu?ils en sont les plus concernés.

ANNEXE 9
ENTRETIEN AVEC MONSIEUR BASEMBE Jean

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

L?agression répond à l?agression. Mais il faut noter que la force de coercition et le degré

d?alliances déterminent dans la plupart des cas l?attitude face à l?agression. Si cette force est jugée supérieure à celle de l?adversaire, le risque d?excroissance de la violence est important. Si celle-ci est jugée inférieure, alors la partie la moins âpre à résister se soumet ou décide

d?opter pour la fuite.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

En général la recherche d?un compromis est très partagée entre acteurs qu?ils soient étatiques, internationaux ou locaux.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

L?action de l?Etat a jusqu?ici été le facteur majeur de retour à la paix au Nord Kivu. L?Etat négocie avec les milices, encourage les ONG, les Eglises et les groupes locaux à créer des initiatives de paix.

4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ? L?unité reste à construire en RDC et même au Nord Kivu, mais la paix est un acquis. Plusieurs canons se dessinent à ce titre : les Eglises et les Ecoles ainsi que tous lieux de socialisation. Les groupes travaillent ensemble et l?accalmie revient progressivement.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ?

Les guerres sont désormais passées au Nord Kivu. Dans l?imaginaire sociale qui a été transformé avec beaucoup de tact par l?Etat, la paix est un ange. Donc les groupes locaux sont véritablement motivés et fiers de vouloir rebâtir leur région et par voie de conséquence toute la RDC.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

La réflexion est le fruit d?un état d?esprit qui n?est pas troublé, qui n?est pas en doute. Quand le doute se pointe l?émotion envahit la raison. Mais c?est juste parce que ces parties en conflit ne sont pas préparées d?avance à une potentielle violence ;au quel cas elles réagiraient peutêtre d?une autre façon.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant d'agir La notion de la paix, de l?harmonie, de la justice et de la tolérance se regroupe dans le terme Amani. Cette paix telle que pensée dans les traditions locales doit produire l?intégration entière de la sagesse dans les comportements, attitudes et actions. Et c?est elle qui dispose de bien mener la réflexion sur les actes devant être posés.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

Ce sont les milices qui causent d?énormes tors à la paix au Nord Kivu. L?Etat à travers les accords de Lusaka et Sun City a mené des efforts pour intégrer ces milices dans les FARDC. Il y en a qui ne veulent pas négocier. Nous pensons toutefois que les démobiliser et les réintégrer dans les FARDC donnera des résultats probants et, c?est notre combat.

ANNEXE 10
ENTRETIEN AVEC MADAME KANYAMUHANDA Elisabeth

1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas d'agression par un autre groupe ?

En cas d?agression, les attitudes sont en général la fuite et la soumission. D?ailleurs, les populations sont toujours prétes à s?en fuir dès la moindre attaque quoi qu?elles soient exposées aux fauves des forêts du Nord Kivu.

2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités

Quand bien même la fuite est observée, elle est précédée par une riposte violente. Il en est de méme pour la soummission. C?est pourquoi les captifs sont très souvent sévèrement punis et mutilés par leurs détenteurs.

3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?

Lorsqu?on perçoit toutes les pertes dues par ces séries de violence ; lorsqu?on entend au quotidien et méme dans les réves les cris et hurlement des gens à la recherche d?un secours ;

lorsqu?on s?aperçoit que nous sommes seuls au monde, sans famille, sans abri, sans rien, alors il y a de quoi souhaiter que la paix reviennent. Donc c?est cet ensemble d?éléments qui justifient l?option de paix par les parties prenantes.

4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont favorables à la paix ? La paix va bénéficier à tous et tout le monde le sait. C?est pourquoi progressivement les gens s?ouvrent au dialogue et combattent avec la plus grande énergie la guerre.

5. Malgré les violences répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le développement ?

Dans les communautés religieuses, les groupes commencent à vivre l?acceptation. Les Eglises ont une grande influence sur les populations. C?est pour cela que les ONG s?appuient sur elles pour initier des projets rassembleurs. Ça commence à être une réalité palpable, les groupes expriment la volonté de se mettre ensemble.

6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la violence ?

Je ne pense pas car faudrait bien être dans leurs états émotifs à l?instant de l?acte. Toutefois, l?incidence dégradante, les crimes ignobles observés peuvent permettre de dire qu?ils ne réfléchissent pas avant de recourir à la violence.

7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant d'agir Ces recommandation se trouvent dans la sagesse locale et visent le respect mutuel. Elles visent aussi la positivité et l?harmonie sociale dans le présent comme dans le futur.

8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire au Nord Kivu ?

Avec l?expérience des ONG et des Eglises, la paix peut réellement être effective si les groupes locaux sont mis ensemble, éduqués et formés. L?action du gouvernement touche rarement les populations et est toujours politisée. Or, les groupes ne veulent qu?une chose, revenir à la paix. Ils sont plus sensibles et plus engagés que tout autre acteur.

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE iDEDICACE iiREMERCIEMENTS ET AVERTISSEMENT iiiRESUME iv

ABSTRACT v

LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES vi

INTRODUCTION GENERALE 1

i: Importance du sujet 2

ii : Limitation du sujet 7

iii : Revue de la littérature 8

iv : Questions de recherche 13

v : Hypothèses de recherche 13

vi : Méthodologie de la recherche 14

PREMIERE PARTIE : DEFINITION DES CONCEPTS CLES ET CADRE THEORIQUE 16

CHAPITRE I : DEFINITION DES CONCEPTS CLES 17

I- Le Calcul et l?Horreur 17

A- Le Calcul 17

1- Le calcul comme évaluation 18

2- Le calcul comme gestion des crises 18

B- L?Horreur 19

1. Perceptions et rôles de l?horreur 19

2. L?Horreur dans la guerre 20

II- Violence et conflit 23

A. La Violence 23

1. Conceptions sur La violence 23

2- .Types de prévention de la violence 24

B. Le conflit 26

1. Typologies des conflits 26

a- L?analyse du type d?acteurs en conflit 27

i-Conflits interétatiques et conflits civils internationalisés 27

ii-Conflits militarisés et incidents politiques 27

b-L?analyse de l?échelle du conflit 28

i-Micro et Méso conflits 28

ii-Macro et Méga conflits 31

2-Etude comparative entre approches basées sur l?échelle et la nature du conflit 32

a-Similitudes 32

i-Perception du conflit 32

ii-Introduction d?une tierce partie dans la gestion des conflits 33

iii-La typologie de Galtung contient celle de Bercovitch 34

b-Les divergences 34

i-Réaliste et pluraliste 34

ii-Causes et acteurs en présence 36

iii-Gestion et transformation/transcendance des conflits 37

CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE 39

I. Quelques théories des conflits 39

A. Les théories restrictives 39

1. Les théories réalistes 39

2.Les théories libérales 41

B.Les théories extensives 41

1. La théorie de la dépendance 42

2. Le constructivisme 44

II. La non- violence 46

A- Quelques approches de non -violence 48

1- Le pacifisme 48

2- Des impacts sur l'ordre social 49

B- Atouts de la non-violence 50

1- La transcendance des conflits 50

2. La transformation des conflits 52

DEUXIEME PARTIE : DIMENSIONS DE LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD

KIVU 54

CHAPITRE I : LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD KIVU 58

I- La genèse de la violence directe 58

A- Le domaine politique 58

1- Facteurs politiques exogènes 58

a- L?intervention coloniale Belge 58

i-La manipulation des identités ethniques 59

ii-La politique de l?éducation 60

b. Les instabilités politiques dans les Grands Lacs 61

2. Facteurs politiques endogènes 63

a. L?action de l?élite 63

b. Le foncier et la question de nationalité 65

B-Le domaine économique 67

1. Facteurs économiques endogènes 67

a. La pauvreté 67

b. Les ressources naturelles 69

2. Facteurs économiques exogènes 70

a. Le leadership 70

b. Le nord Kivu : un nouvel espace vital 71

II. Les effets de la violence directe 73

A. Les impacts économiques et sociaux 73

1- Les impacts économiques 73

2- Les impacts sociaux 74

B. Les impacts humains et politiques 75

1. Les impacts humains 75

2. Les impacts politiques 77
CHAPITRE II : LES APPROCHES DE RECHERCHE DE PAIX AU NORD KIVU : ANALYSE CRITIQUE DE L'ACTION DES ACTEURS LOCAUX ET INTERNATIONAUX 78

I- Les approches de recherche de paix locales et internationales 78

A. Les approches de recherche de paix par les acteurs locaux 78

1. Le rôle de la société civile 78

2. Le rôle de l?Etat 80

B. Les approches de recherche de paix par les acteurs internationaux 81

1. L?accord de Lusaka 81

2. L?accord de Sun City 83

II- Limites des approches de paix implémentées au Nord Kivu 84

A- Limites des approches de recherche de paix locale 84

1. Limites de la contribution de la société civile 84

2. Limites de l?intervention de l?Etat 85

B. Limites des approches de recherche de paix internationales 86

1. Limites de l?accord de Lusaka 86

2. Limites de l?accord de Sun City. 87

TROSIEME PARTIE : CONSIDERATIONS SUR LE CALCUL DE L'HORREUR 90

CHAPITRE I : INSTRUMENTS ET APPROCHES DU CALCUL SYSTEMATIQUE

DE L'HORREUR AU NORD KIVU 91

I- Les instruments du calcul de l?horreur 91

A. L?alerte précoce 91

B- L?analyse stratégique 93

II- Les approches d?études de l?horreur 94

A-L?approche comparative 94

B-L?approche scenario 95

CHAPITRE II : IMPLEMENTATION ET EVALUATION DU CALCUL DE

L'HORREUR AU NORD KIVU 98

I- Les mécanismes de perpétuation du calcul de l?horreur au Nord Kivu 98

A- Le fonctionnement interne du calcul de l?horreur 98

B- La protection internationale 100

II-Evaluation du calcul de l?horreur 101

A- La pertinence du calcul de l?horreur 101

B- Les faiblesses du calcul de l?horreur 103

Recommandations 105

CONCLUSION GENERALE 106

BIBLIOGRAPHIE 112

ANNEXES 120

TABLE DES MATIERES 139






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore