WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La traite des enfants immigrés dans les plantations de café- cacao de Côte d'Ivoire

( Télécharger le fichier original )
par Koffi Justin Dr KOUASSI
Université Félix Houphoà¼et- Boigny de Cocody - Thèse de doctorat unique 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion de la première partie

Au terme de cette première partie de notre travail consacré au cadre théorique et méthodologique, nous pouvons affirmer que la question de la traite des enfants immigrés, sujet de notre étude, est d'une importance capitale. La manifestation de ce phénomène pose le problème de la protection de l'enfant en général et de l'enfant immigré en particulier.

Cette affirmation ne peut être vérifiée que par une démarche méthodologique prenant en compte la situation familiale (l'extrême pauvreté des familles des enfants), l'approche historique (la colonisation), les formes structuralisme (l'organisation qui est fait dans le recrutement et le convoyage des enfants) ; à cela il faudrait ajouter le recueil des données fondées sur l'entretien, le questionnaire (direct ou semi-direct) et la documentation.

En ce qui concerne le terrain d'étude, il convient de noter que nous avons choisi la région de la Marahoué car la création de cette région obéit à une volonté politique de circonscrire une zone géographique à cheval sur la savane et la forêt. Cet atout naturel l'a ainsi dotée de réelles potentialités agricoles, cela fait d'elle une contrée qui attire les populations tant étrangères que nationales.

I- PRESENTATION DES PRINCIPAUX ACTEURS IMPLIQUES DANS LA CHAINE DE LA TRAITE

Au cours de notre enquête nous avons constaté que quatre principaux acteurs participent à la manifestation de la traite des enfants immigrés. Ce sont entre autres les employeurs des enfants, les intermédiaires, les parents des enfants, et les enfants eux-mêmes.

1-1 Présentation des employeurs

1-1-1 Typologie

Au cours de nos investigations, nous avons enquêté un effectif total de quatre-vingt deux (82) individus reconnus comme employeurs d'enfants. De cette catégorie, deux (02) types d'employeurs, repartis dans le tableau qui suit, ont été identifiés.

Tableau 11 : Répartition des employeurs selon leur nationalité

Typologie

Effectif

Pourcentage (%)

Les planteurs nationaux

22

26,80

Les planteurs non nationaux

60

73,20

Total

82

100

Le graphique ci-dessus indique que l'effectif total de l'échantillon des employeurs est composé de planteurs ivoiriens et de planteurs non nationaux. Ainsi, sur les 82 employeurs, les premiers (ivoiriens) représentent 26,80% contre 73,20% de non nationaux. Les non nationaux ont un pourcentage assez élevé. Du fait de l'origine de ces enfants, les planteurs étrangers ont un avantage par rapport aux nationaux par rapport à la langue. Ceci a été observé sur le terrain car nous avons constaté qu'il y avait une aisance de conversation entre employeur non nationaux et enfants employés contrairement aux nationaux qui durant toute notre enquête communiquait rarement avec les enfants employés.

1-1-1-1 Les planteurs nationaux

Cette catégorie d'acteurs est composée essentiellement de planteurs ivoiriens. Certains d'entre eux sont des autochtones c'est-à-dire originaires de la région de la Marahoué. D'autres, par contre, sont des populations allochtones venues d'autres régions de la Côte d'Ivoire.

Cette catégorie enquêtée utilise des enfants immigrés dans leurs plantations de café-cacao. Il est à noter que les planteurs nationaux en plus des enfants immigrés travaillent avec leurs propres enfants ou des enfants de la famille élargie (cousin, neveu, tante, nièce ou oncle).

1-1-1-2 Les planteurs non nationaux

Les employeurs planteurs non nationaux sont originaires de nombreux pays. Ils sont, pour la plupart, installés dans cette région depuis de longues années. Ils disposent de grandes exploitations agricoles qui ont besoin de nombreuses mains d'oeuvre. La plupart des planteurs non nationaux louent la terre avec les autochtones. Mais une bonne partie de ces planteurs possèdent de grandes surfaces qu'ils ont acheté avec des chefs de familles autochtones.

1-1-2 Typologie des employeurs par départements

Tableau 12 : Répartition des employeurs selon le département

Typologie

Bouaflé

Sinfra

Zuénoula

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Les planteurs nationaux

07

08,53

11

13,40

04

04,87

22

26,80

Les planteurs non nationaux

39

47,58

09

10,99

12

14,63

60

73,20

Total

46

56,11

20

24,39

16

19,50

82

100

GRAPHIQUE 3 : Répartition des employeurs selon le département

Il ressort de ce tableau que la structure de la répartition des employés par départements visités ne présente pas les mêmes similitudes. Sur l'ensemble des 82 employeurs interrogés, nous en avons rencontré 56,11% à Bouaflé, 24,39% à Sinfra et 19,50% à Zuénoula. Les résultats obtenus nous ont permis de voir qu'à Bouaflé, nous avons un taux élevé de planteurs non nationaux qui ont été interrogés 47,58 par contre, à Sinfra le taux d'employeurs non nationaux est de 10,99% et 14,63% pour le département de Zuenoula.

En ce qui concerne leur typologie, les planteurs ivoiriens constituent 08,53% de l'échantillon total contre 47,58% de non nationaux à Bouaflé, 13,40 pour 10,99% d'étrangers à Sinfra et 04,87% pour 14,63% de non ivoiriens à Zuénoula.

1-1-3 Caractéristiques des employeurs

1-1-3-1 Age des employeurs

Tableau 13 : Répartition des employeurs selon leur âge

Typologie

Age (Années)

Les planteurs nationaux

Les planteurs non nationaux

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

[25-30]

00

00

00

00

00

00

[30-35]

00

00

15

18,30

15

18,29

[35-40]

04

04,87

05

06,10

09

10,98

[40-45]

08

09,74

17

20,74

25

30,49

[45 et plus [

10

12,19

23

28,06

33

40,24

Total

22

26,80

60

73,20

82

100

Graphique 4 : Répartition des employeurs selon leur âge

L'âge des employeurs varie, de façon générale, de 30 à plus de 45 ans. Dans cette fourchette, l'observation du tableau montre que 70,73% ont plus de 40 ans. Il faut noter également que 18,29% d'employeurs ont entre 30 et 35 ans, 10,98% sont dans l'intervalle de 35 à 40 ans.

Il est à noter que la plus part des nationaux 12,19% qui se retrouvent dans ce trafic ont 40ans et plus. Les non nationaux impliqués dans ce phénomène ont un âge qui varie entre 30 et plu de 40 ans. Ceux qui ont 40 ans et plus sont les plus nombreux avec 28,06%.

1-1-3-2 Sexe des employeurs

Tableau 14 : Répartition des employeurs selon le sexe

Typologie

Sexe

Les planteurs nationaux

Les planteurs non nationaux

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Masculin

22

26,83

58

70,73

80

97,56

Féminin

00

00

02

02,44

02

02,44

Total

22

26,83

60

73,17

82

100

Les employeurs des enfants dans les plantations sont dans leur quasi-totalité (97,56%) de sexe masculin. Seuls 02,44% d'employeurs non ivoiriens de sexe féminin ont été interrogées. Cela peut s'expliquer par le fait que la plupart des grandes surfaces de plantations sont traditionnellement détenues par les hommes. Les quelques femmes que nous avons interrogé, nous ont avoué qu'elles ont hérité de ces plantations de leurs défunts maris. Au niveau des nationaux nous n'avons pas eu de femme possédant une plantation et qui engage des enfants.

1-1-3-3 Nationalité des employeurs

Tableau 5 : Répartition des employeurs selon la nationalité

Typologie

Nationalité

Les planteurs nationaux

Les planteurs non nationaux

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Côte d'Ivoire

22

26,83

00

00

22

26,83

Burkina Faso

00

00

48

58,54

48

58,54

Mali

00

00

09

10,97

09

10,97

Guinée

00

00

01

01,22

01

01,22

Autres

00

00

02

02,44

02

02,44

Total

22

26,83

60

73,17

82

100

Graphique 5 : Répartition des employeurs selon la nationalité

La structure de la nationalité des employeurs d'enfants dans la région de la Marahoué reste dominée par les employeurs originaires de trois pays frontaliers de la Côte d'Ivoire. Les plus nombreux sont issus du Burkina Faso (58,54%), puis viennent les Maliens (10,97%) et les Guinéens (01,22%).

Les employeurs ivoiriens et ceux des nationalités autres que celles susmentionnées sont représentés à hauteur de 26,80% pour les premiers et 02,44% pour les seconds.

1-1-3-4 Religion des employeurs

Tableau 16 : Répartition des employeurs selon la religion

Typologie

RELIGION

LES PLANTEURS NATIONAUX

LES PLANTEURS NON NATIONAUX

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Chrétien

07

08,54

05

06,09

12

14,63

Musulman

10

12,19

50

60,97

60

73,17

Animiste

03

03,66

04

04,88

07

08,54

Autres

02

02,44

01

01,22

03

03,66

Total

22

26,80

60

73,17

82

100

Les employeurs dans la région de la Marahoué sont, en général, de religion musulmane (73,17%). Le pourcentage est plus élevé chez les planteurs non ivoiriens (61%) que chez les planteurs ivoiriens (12,18%).

Par ailleurs, on note parmi les employeurs d'enfants, 14,63% de chrétiens, 08,54% d'animistes et 03,65% d'employeurs n'appartenant à aucune des catégories de religion que nous avons identifiées.

1-1-3-5 Niveau d'instruction des employeurs

Tableau 17 : Répartition des employeurs selon le niveau d'instruction

Typologie

Niveau d'instruction

Les planteurs nationaux

Les planteurs non nationaux

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Secondaire

00

00

00

00

00

00

Primaire

02

02,43

03

03,66

05

06,09

Ecole coranique

01

01,23

25

30,50

26

31,73

Analphabète

19

23,14

32

39,04

51

62,18

Total

22

26,80

60

73,20

82

100

Graphique 7 : Répartition des employeurs selon le niveau d'instruction

Le taux d'employeurs d'enfants ne sachant ni lire ni écrire est élevé (60,96% soit 23,14% chez les planteurs ivoiriens et 37,82% chez les planteurs non ivoiriens). En outre, 31,73% ont fait l'école coranique. Par contre, très peu de planteurs (06,09%) ont connu une scolarisation et n'ont pas atteint le secondaire.

1-2 Présentation des intermédiaires

L'intermédiaire est celui qui permet la livraison des enfants aux employeurs. L'intermédiaire peut être un recruteur ou un facilitateur du trafic et de la transaction de l'enfant. En somme, il est situé entre l'offre c'est-à-dire les parents des enfants et la demande représentée par les employeurs.

1-2-1 Typologie

L'enquête effectuée nous a permis de rencontrer un effectif total de quarante neuf (49) intermédiaires. Deux (02) types ont été distingués notamment les recruteurs et les passeurs repartis dans le tableau qui suit.

Tableau 18 : Répartition des intermédiaires selon leur typologie

Typologie

Effectif

Pourcentage (%)

Les recruteurs

Les intermédiaires placeurs

14

23,33

Les recruteurs occasionnels

08

13,33

Les passeurs

Les passeurs de frontière

17

28,34

Les organisateurs de convoie

15

25

Les transporteurs inter-Etats

06

10

Total

60

100

Graphique 8 : Répartition des intermédiaires selon leur typologie

Le tableau ci-dessus nous permet d'appréhender deux types d'intermédiaires. Nous avons 36,66% de recruteurs et 63,34% de passeurs.

Au niveau des recruteurs, il y a 23,33% d'intermédiaires placeurs et 13,33% de recruteurs occasionnels.

En ce qui concerne les passeurs, les passeurs de frontière représentent 28,34%, les organisateurs de convoie, 25% et les transporteurs 10%.

1-2-1-1 Les recruteurs

Les recruteurs sont chargés d'enrôler ou d'aller chercher les enfants. Ce sont :

1-2-1-1-1 Les intermédiaires placeurs

L'enquête nous a révélé que ce groupe d'individu était pour la plupart des personnes dont la notoriété était au dessus de tout soupçon. Nous pouvons citer les imams, les chefs de communautés, les chefs de villages.

1-2-1-1-2 Les recruteurs occasionnels

Il s'agit pour la plupart du temps de certains commençants, chauffeurs de cars inter-Etat, de personnes en mission à l'étranger qui profitent de l'occasion qu'ils ont pour appâter des enfants et les convoyer en Côte d'Ivoire. La particularité de cette catégorie d'individus est qu'ils exercent cette activité d'enfants pour leur traite dans les plantations de façon occasionnelle.

1-2-1-2 Les passeurs

Les passeurs sont des individus qui facilitent le passage du pays d'origine des enfants au pays d'accueil c'est-à-dire la Côte d'Ivoire.

1-2-1-2-1 Les passeurs de frontières

Ce sont des individus qui facilitent et permettent la traversée des frontières. On les retrouve au niveau des frontières. Ce sont des individus qui ont une connaissance relativement parfaite des pistes qui relient la Côte d'Ivoire aux pays frontaliers.

1-2-1-2-2 Les organisateurs de convoie

Les organisateurs de convoie sont des individus qui organisent des grands convoies de voyage à certaines périodes de l'année. Ce sont des occasions propices pour eux de convoyer les enfants vers la Côte d'Ivoire.

1-2-1-2-3 Les transporteurs inter-Etats

Ce sont des acteurs très actifs de la traite des enfants. Lors de l'embarquement ils prennent soins de contrôler les cartes d'identités des enfants et même d'en faire confectionner à ceux qui n'en n'on pas. Pour eux, cela leur évite les tracasseries policières.

1-2-2 Caractéristiques des intermédiaires

1-2-2-1 Age des intermédiaires

Tableau 19 : Répartition des intermédiaires selon l'âge

Typologie

Age (Années)

Les recruteurs

Les passeurs

Les intermédiaires placeurs

Les recruteurs occasionnels

Les passeurs de frontière

Les organisateurs de convoie

Les transporteurs inter-Etats

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

[20-25]

00

00

00

00

08

13,34

00

00

00

00

[25-30]

00

00

00

00

05

08,34

00

00

02

03,33

[30-35]

00

00

00

00

03

05

01

01,66

00

00

[35-40]

02

03,33

02

03,33

01

01,66

04

06,67

01

01,67

[40-45]

04

06,66

02

03,33

00

00

06

10

02

03,33

[45 et plus [

08

13,34

04

06,67

00

00

04

06,67

01

01,67

Total

14

23,33

08

13,33

17

28,34

15

25

06

10

Au regard de ce tableau, deux constats méritent d'être faits en ce qui concerne l'âge des intermédiaires.

Les recruteurs sont souvent moins jeunes. L'intervalle de leur âge part de 35 à plus de 45 ans.

Pour ce qui est des passeurs, retenons que l'âge varie d'une catégorie à l'autre. Ainsi, les passeurs de frontière ont l'âge qui oscille entre 20 et 40 ans pendant que les organisateurs de convoie sont de la tranche de 30 à plus de 45 ans. Quand aux transporteurs, l'intervalle de leur âge part de 25 à plus de 45 ans.

1-2-2-2 Sexe des intermédiaires

Tableau 20 : Répartition des intermédiaires selon le sexe

Typologie

Sexe

Les recruteurs

Les passeurs

Les intermédiaires placeurs

Les recruteurs occasionnels

Les passeurs de frontière

Les organisateurs de convoie

Les transporteurs inter-Etats

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Masculin

14

23,33

07

11,66

17

28,34

13

21,66

06

10

Féminin

00

00

01

01,67

00

00

02

03,34

00

00

Total

14

23,33

08

13,33

17

28,34

15

25

06

10

Plus de 95% des intermédiaires est de sexe masculin. Seuls 01,67% de recruteurs occasionnels et 03,34% des organisateurs de convoie sont de sexe féminin.

1-2-2-3 Nationalité des intermédiaires

Tableau 21 : Répartition des intermédiaires selon la nationalité

Typologie

Nationalité

Les recruteurs

Les passeurs

Les intermédiaires placeurs

Les recruteurs occasionnels

Les passeurs de frontière

Les organisateurs de convoie

Les transporteurs inter-Etats

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Côte d'Ivoire

03

05

01

01,67

07

11,67

00

00

01

01,67

Burkina Faso

09

15,01

05

08,33

05

08,33

09

15

04

06,66

Mali

01

01,66

02

03,33

01

01,67

04

06,68

01

01,67

Guinée

01

01,66

00

00

01

01,67

01

01,66

00

00

Autres

00

00

00

00

03

05

01

01,66

00

00

Total

14

23,33

08

13,33

17

28,34

15

25

06

10

Les intermédiaires sont de nationalité diverse. Au niveau des recruteurs, nous avons 06,67% d'ivoiriens, 23,34% de burkinabés, 04,99% de maliens et 01,66% de guinéens. Chez les passeurs, 13,34% sont des ivoiriens, 29,99% des burkinabés, 10,02% de maliens, 03,33% de guinéens et 06,66 de nationalités différentes de celles suscités.

1-2-2-4 Religion des intermédiaires

Tableau 22 : Répartition des intermédiaires selon la religion

Typologie

Religion

Les recruteurs

Les passeurs

Les intermédiaires placeurs

Les recruteurs occasionnels

Les passeurs de frontière

Les organisateurs de convoie

Les transporteurs inter-Etats

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Chrétien

03

04,99

01

01,67

06

10

01

01,67

00

00

Musulman

09

14,99

07

11,66

10

16,67

11

18,33

06

10

Animiste

02

03,35

00

00

01

01,67

02

03,33

00

00

Autres

00

00

00

00

00

00

01

01,67

00

00

Total

14

23,33

08

13,33

17

28,34

15

25

06

10

La religion dominante chez les intermédiaires (26,65% de recruteurs et 51% de passeurs) est la religion musulmane. Il existe aussi des individus de confession chrétienne (06,66% de recruteurs et 11,67% de passeurs) parmi les intermédiaires. Des animistes sont aussi présents dans cette catégorie (03,35% de recruteurs et 05% de passeurs). Les intermédiaires qui n'appartiennent à aucune de ces confessions religieuses représentent 01,67% et ce sont les organisateurs de convoie.

1-2-2-5 Niveau d'instruction des intermédiaires

Tableau 23 : Répartition des intermédiaires selon le niveau d'instruction

Typologie

Niveau d'instruction

Les recruteurs

Les passeurs

Les intermédiaires placeurs

Les recruteurs occasionnels

Les passeurs de frontière

Les organisateurs de convoie

Les transporteurs inter-Etats

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Ef.

(%)

Secondaire

00

00

01

01,69

00

00

01

01,67

00

00

Primaire

01

01,68

03

04,99

03

05

05

08,33

01

01,67

Ecole coranique

06

09,99

03

04,99

04

06,66

05

08,33

01

01,67

Analphabète

07

11,66

04

06,66

10

16,67

04

06,68

04

06,66

Total

14

23,33

08

13,33

17

28,34

15

25

06

10

Le tableau ci-dessus indique que 01,69% des recruteurs occasionnels et 01,67% des organisateurs de convoie ont connu le cycle secondaire. Au cycle primaire, il y a 06,67% de recruteurs et 15% de passeurs qui l'ont fait. Mais, ce sont les analphabètes (18,32% des recruteurs et 30,01% des passeurs) et ceux ayant fait l'école coranique (14,98% des recruteurs et 16,66% des passeurs) qui sont les plus ombreux des intermédiaires.

1-3 Présentation des enfants victimes de la traite

1-3-1 Typologie

Les entretiens ont porté sur un effectif total de soixante-onze (71) enfants immigrés victimes de traite dans les plantations de café-cacao de la région de la Marahoué qui se repartissent comme suit :

Tableau 24 : Typologie des enfants

Typologie

Effectif

Pourcentage (%)

Enfants travailleurs rémunérés

19

26,76

Enfants travailleurs non rémunérés

52

73,24

Total

71

100

Le tableau ci-dessus indique qu'il existe deux types d'enfants immigrés, victimes de traite dans les plantations de café-cacao de la région de la Marahoué. Il y a, d'une part, un nombre relativement faible d'enfants travailleurs rémunérés (26,76%), et d'autre part, un grand nombre d'enfants travailleurs non rémunérés (73,24%).

1-3-1-1 Enfants travailleurs rémunérés

Les enfants victimes de traite sont des enfants qui travaillent dans les plantations de café-cacao. A cet effet, les enfants travailleurs rémunérés sont ceux qui perçoivent une paye à la fin du service. De façon générale, cette paye est effectuée a la fin de chaque traite de café cacao.

1-3-1-2 Enfants travailleurs non rémunérés

Les enfants travailleurs non rémunérés sont ceux qui ne perçoivent aucune rétribution au bout du travail.

1-3-2 Typologie par départements

Tableau 25 : Répartition de la typologie des enfants selon le département

Typologie

Bouaflé

Sinfra

Zuénoula

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Enfants travailleurs rémunérés

10

14,08

03

04,23

06

08,45

19

26,76

Enfants travailleurs non rémunérés

26

36,62

14

19,72

12

16,90

52

73,24

Total

36

50,70

17

23,95

18

25,35

71

100

L'effectif total des enfants immigrés enquêtés est de 71 individus. La moitié (50,70%) de ceux-ci ont été interrogés à Bouaflé, 23,95% à Sinfra et 25,35% à Zuénoula.

A Bouaflé, nous avons 14,08% d'enfants rémunérés contre 04,23% à Sinfra et 08,45% à Zuénoula. Pour ce qui est des enfants non rémunérés, 36,62% sont installés à Bouaflé, 19,72% à Sinfra et 16,90% à Zuénoula.

1-3-3 Caractéristiques des enfants

1-3-3-1 Age des enfants

Tableau 26 : Distribution de la variable âge

Age (années)

Typologie

[08-10]

[10-12]

[12-14]

[14-16]

[16-18]

Effectif

(%)

Enfants travailleurs rémunérés

00

00

04

09

06

19

26,76

Enfants travailleurs non rémunérés

27

11

14

00

00

52

73,24

Effectif

27

11

18

09

06

71

100

Pourcentage (%)

38,03

15,50

25,35

12,67

08,45

 

La répartition de l'échantillon d'enfants rencontrés selon l'âge s'établit comme suit :

Les enfants de 08-10 ans sont les plus nombreux et représentent 38,03% de l'effectif et tous non rémunérés. Ils sont suivis de ceux dont l'âge oscille entre 12 et 14ans (25,35%) et également tous non rémunérés. On note également 15,50% d'enfants de 10 à 12 ans et 12,67% de ceux dont l'âge varie entre 14 et 16 ans. Les enfants de plus de 16 ans sont les moins nombreux et constituent 08,45% de l'effectif.

Nous devons constater, dans ce tableau, que les enfants (26,76%) sont rémunérés généralement à partir de 12 ans.

1-3-3-2 Sexe des enfants

Tableau 27 : Répartition des enfants selon le sexe

Typologie

Sexe

Enfants travailleurs rémunérés

Enfants travailleurs non rémunérés

Total

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Masculin

14

19,72

50

70,42

64

90,14

Féminin

05

07,04

02

02,82

07

09,86

Total

19

26,76

52

73,24

71

100

La grande majorité (90,14%) des enfants immigrés dans la région de la Marahoué est constituée d'individus de sexe masculin. Ce constat se fait tant au niveau des enfants rémunérés (19,72% d'hommes contre 07,04% de femmes) qu'au niveau des enfants non rémunérés (70,42% d'hommes contre 02,82% de femmes).

1-3-3-3 Nationalité des enfants

Tableau 28 : Distribution de la variable nationalité

Typologie

Pays

Enfants travailleurs rémunérés

Enfants travailleurs non rémunérés

Effectif

Pourcentage (%)

Mali

04

05,63

13

18,31

17

23,94

Burkina Faso

11

15,49

23

32,39

34

47,88

Guinée

01

01,41

05

07,04

06

08,45

Ghana

00

00

01

01,41

01

01,41

Togo

03

04,23

03

04,23

06

08,46

Bénin

00

00

07

09,86

07

09,86

Total

19

26,76

52

73,24

71

100

Graphique 9 : distribution de la variable nationalité

Plus de la moitié des enfants immigrés dans la région de la Marahoué proviennent essentiellement du Burkina Faso (47,88%) et du Mali (23,94%). Les autres pays pourvoyeurs sont le Benin (09,86), le Togo (08,46%), la Guinée (08,45%) et le Ghana (01,41%).

1-3-3-4 Répartition de la nationalité des enfants par départements

Tableau 29 : Distribution de la nationalité par départements

Typologie

Pays

Bouaflé

Sinfra

Zuénoula

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Mali

09

12,67

05

07,04

03

04,23

17

23,94

Burkina Faso

15

21,12

09

12,67

10

14,08

34

47,88

Guinée

02

02,82

02

02,82

02

02,82

06

08,45

Ghana

01

01,41

00

00

00

00

01

01,41

Togo

05

07,04

00

00

01

01,41

06

08,46

Bénin

04

05,64

01

01,41

02

02,82

07

09,86

Total

36

50,70

17

23,95

18

25,35

71

100

Sur un effectif de total de 36 enfants interrogés dans le Département de Bouaflé ceux en provenance du Burkina Faso (21,12%) et du Mali (12,67%) sont les plus nombreux. Ensuite, viennent les togolais (07,04%), les béninois (05,64%), deux guinéens et un ghanéen.

A Sinfra, les burkinabés (12,67%) et les maliens (07,04%) sont, également, relativement plus nombreux. Très peu de guinéens (02,82%) et de béninois ont (01,41%) ont été enquêtés. Par contre, nous n'avons vu aucun enfant en originaire du Ghana et du Togo.

En ce qui concerne le Département de Zuénoula, les enfants interrogés proviennent du Mali (04,23%), du Burkina Faso (14,08%), de la Guinée (02,82%), du Togo (01,41%) et du Benin (02,82%).

1-3-3-5 Religion des enfants

Tableau 30 : Distribution de la variable religion

Typologie

Religions

Enfants travailleurs rémunérés

Enfants travailleurs non rémunérés

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Chrétienne

02

02,82

12

16,90

14

19,73

Musulmane

14

19,71

30

42,25

44

61,97

Animiste

02

02,82

07

09,85

09

12,67

Autres

01

01,41

03

04,23

04

05,63

Total

19

26,76

52

73,24

71

100

Retenons de ce tableau que les enfants victimes de traite sont, dans leur grande majorité (61,97%) de religion musulmane. 19,73% sont de religion chrétienne. On note aussi parmi les enfants interrogés la présence de 12,67% d'animistes et 05,63% d'enfants n'appartenant à aucune catégorie de religion que nous avons identifiée.

1-3-3-6 Niveau d'instruction des enfants

Tableau 31 : Distribution de la variable niveau d'instruction

Typologie

Niveau d'instruction

Enfants travailleurs rémunérés

Enfants travailleurs non rémunérés

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Secondaire

00

00

00

00

00

00

Primaire

02

02,82

12

16,91

14

19,73

Ecole coranique

11

15,49

22

30,98

33

46,47

Analphabète

06

08,45

18

25,35

24

33,80

Autre

00

00

00

00

00

00

Total

19

26,76

52

73,24

71

100

Graphique 10: distribution de la variable niveau d'instruction des enfants immigrés dans les plantations de Café-Cacao

La plupart des enfants immigrés victimes de traite ont été peu ou pas du tout scolarisés. Seuls 19,73% ont fait l'école primaire, pendant 46,47% sont allés à l'école coranique et 33,80% sont des analphabètes.

II- CONDITIONS DE VIE ET DE TRAVAIL DES ENFANTS

2-1 Condition de vie des enfants travailleurs

2-1-1 Lien de parenté entre enfants et employeurs

Tableau 32 : Lien de parenté entre employeurs et employés

Typologie

Vivant avec

Enfants travailleurs rémunérés

Enfants travailleurs non rémunérés

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Parents biologiques

00

00

00

00

00

00

Parents éloignés

02

2,82

04

5,64

06

8,46

Employeurs

08

11,27

37

52,12

45

63,39

Seul

03

4,22

06

8,45

07

12,67

Tuteurs

01

1,40

03

4,22

04

5,62

Amis

05

7,04

02

2,82

07

9,86

Total

19

26.75

52

7325

71

100

Plus de 95% des enfants interrogés ne vivent avec aucun de leurs parents biologiques. La majorité de ces enfants vivent avec leur employeur (63,39 % des enfants concernés) ou un tuteur non employeur (5,62 %). Certains enfants vivent seuls (12,67%). Ils louent des cabanes ou des cases dans les campements où ils travaillent. Par contre d'autres se retrouvent avec des compatriotes dans la même région (9.86%)

La situation des enfants hébergés par leurs employeurs est particulièrement préoccupante eu égard aux conclusions de certaines études antérieures sur les conditions de vie des enfants travailleurs qui ont révélé que la vie chez l'employeur expose davantage les enfants à une exploitation exagérée et abusive de leur force de travail, parce qu'ils sont notamment plus enclins à :

- Être réquisitionnés par leurs employeurs pour l'accomplissement de certaines tâches domestiques en dehors des heures normales de travail.

- Percevoir une rémunération plus faible puisqu'ils sont partiellement pris en charge par les employeurs.

2-1-2 L'accès à un centre de santé

Tableau 33 : Recours sanitaire des enfants en cas de pathologie

Typologie

Recours

Enfants travailleurs rémunérés

Enfants travailleurs non rémunérés

Effectif

(%)

Effectif

(%)

Effectif

(%)

A un centre de santé

03

4,23

08

11,27

11

15,50

A un guérisseur

10

14 ,08

34

47,89

44

61,97

A une automédication moderne

02

2,82

03

4,23

05

7,05

A une automédication traditionnelle

04

5,63

07

9,85

11

15,48

Total

19

26,76

52

73,25

71

100

La situation sanitaire des enfants travailleurs n'est pas reluisante. Comparée aux résultats de la dernière enquête sur le niveau de vie des ménages en Côte d'Ivoire, la proportion d'enfants ayant accès à un centre de santé en cas de pathologie reste faible. Seulement une faible proportion d'enfants interrogés ont accès à un centre de santé en cas de pathologie (15,50 %), les autres ayant le plus souvent recours à des guérisseurs (61,97%) et à l'automédication moderne ou traditionnelle (22,53%).

2-1-3 La situation nutritionnelle

La situation nutritionnelle des enfants travailleurs interrogés est globalement satisfaisante et conforme aux habitudes rencontrées en Côte d'Ivoire .En effet, les enfants prennent en moyenne environ trois (3) repas par jour dont deux (2) avec de la protéine animale quelque soit le sexe.

2-2 Condition de travail des enfants travailleurs

2-2-1 Travaux exercés par les enfants

L'analyse du volume et du rythme du travail des enfants, nous pensons, peut nous amener à percevoir à quelle enseigne, ces enfants sont impliqués dans la production du café-cacao sur les sites d'étude. Ce qui revient à s'intéresser à la quantité de travail qui leur est confié, le temps de repos, la rémunération.

En fait, il s'agit d'apprécier les efforts physiques fournis dans les plantations, car a priori l'on pourrait penser qu'ils sont tous soumis aux mêmes conditions de travail que les adultes, dans le sens où ils travaillent dans le même environnement qu'eux.

Il est à noter que, rares sont, parmi les enquêtés ceux qui ont puis nous indiquer l'heure exacte à laquelle ils se rendent dans les plantations et en reviennent. La référence horaire, dans chez nos enquêtés est le soleil qui demeure un indicateur du temps dans le milieu paysan en général. Aussi, ont-ils pour la plupart utilisé les termes comme « avant le lever du soleil » pour indiquer qu'ils sont assez souvent matinales pour le départ dans les plantations et le « coucher du soleil » qui marque l'heure de l'arrêt des travaux l'après-midi et le retour au village ou au campement.

Ceci peut se comprendre, dans la mesure où le travail agricole est tout à fait différent de celui des services modernes, qui lui tient compte d'une certaine idéologie, notamment le respect des horaires relatifs à l'heure de prise de service, à l'arrêt du travail, au temps du repos. Toutefois, malgré l'absence de règlements dans le travail agricole, certaines contraintes s'imposent aux enfants. Elles sont fonctions des liens affirmés de parenté avec le producteur ou selon qu'ils aient de simples rapports d'employé à employeur72(*).

En ce qui concerne les enfants ayant des liens affirmés de parenté avec les employeurs, surtout lorsqu'il s'agit de liens proches, les enfants ont une marge de liberté quant au rythme et volume du travail.

Par ailleurs, il faut signaler que le temps de pause en milieu agricole, principalement dans les localités visitées, est déterminé par la capacité physique à soutenir le volume et le rythme du travail et dépend surtout aussi des objectifs à atteindre.

Remarquons qu'une particularité s'observe pour les enfants de sexe féminin. Les filles sont en effet moins engagées que les garçons dans les activités inhérentes à la plantation de café-cacao. Elles sont généralement les premières à arrêter le travail pour pouvoir se consacrer aux travaux ménagers et faire cuire le repas du soir.

S'agissant des enfants ayant des rapports basés sur des contrats formels ou tacites avec l'exploitant agricole, la situation de travail paraît tout à fait différente. Les enfants établissent avec les employeurs des contrats à durée déterminée d'un jour à un mois, ou plus.

Dans le cadre de ces contrats, notamment ceux d'une durée de plusieurs mois, les contractuels permanents avec cette obligation de rendement ou de résultat sont logés, nourris par l'employeur qui leur fournit le matériel de travail, les assiste par moment en cas de maladie.

A ce titre, ils sont soumis à un rythme intense de travail et exécutent généralement plusieurs tâches, autres que celles prévues par le contrat. Ce sont principalement les travaux ménagers, les travaux dans les plantations de produits vivriers.

2-2-2 Le travail avec manipulation de machines, produits chimiques ou outils dangereux

La chaîne de production du café et cacao comporte plusieurs étapes qui font intervenir beaucoup de manoeuvres. Il y a les grandes périodes de labour où l'on doit retourner la terre, remplace les anciens plants ou agrandi les plantations. En cette période, les grands planteurs ont besoins de plusieurs manoeuvres. Ensuite, vient la petite traite qui aussi a besoins d'une main d'oeuvre importante car elle ne dure pas et le planteur doit vite récolter pour pouvoir vendre à temps.

La charge de travail est à la fois déterminée par le secteur d'activité et les caractéristiques des enfants. Les travaux les plus souvent exercés par les enfants sont, les labours, le défrichage, la cueillette, le ramassage, le décabossage, le séchage, le triage et la mise en sac. Comme nous le voyons, les enfants interviennent pratiquement dans toute la chaîne de production. En somme, les risques liés aux conditions physiques de travail semblent uniquement déterminées par le secteur d'activités des enfants.

La quasi-totalité des plantations de CÔTE D'IVOIRE ne sont pas modernisées. Donc ces enfants travaillent avec des machettes, des dabas, des haches, des coupes -coupes, des bassines pour le ramassage des cabosses ou séries. L'utilisation de ces matériaux rudimentaires est souvent source d'accident pour les enfants. Les blessures corporelles sont le plus souvent occasionnées par ces matériaux.

En ce qui concerne les produits chimiques dangereux, leur manipulation est souvent fonction de la taille de la plantation. Les enfants qui travaillent dans de grandes plantations, susceptibles de manipuler des outils dangereux, sont plus nombreux à subir des accidents de travail. L'utilisation de produits chimiques pour le traitement des plantations est un danger pour ces enfants. Ces enfants exposés aux produits chimiques sont très vulnérables aux contaminations. Du fait de la non modernisation des outils de travail (machette, daba, pioche, hache, coupe-coupe), la plupart des accidents corporels sont des coupures par armes blanches.

2-2-3 Un revenu mensuel moyen inferieur au SMIG

La rémunération des enfants est souvent déterminée entre l'employeur et le tuteur placeur à l'insu de l'enfant. Cette rémunération qui n'obéit pas aux normes est le plus souvent versée au tuteur placeur qui doit prélever sa part avant de remettre le reste à l'enfant.

Au cours de notre enquête nous avons puis faire ces observations suivantes :

Le revenu des enfants est inférieur au SMIG en Côte d'Ivoire qui est de 36 000 FCFA environ par mois en CÔTE D'IVOIRE. Pour un contrat de six (6) mois l'enfant touche en général 150 000 (cent cinquante mille francs) ce qui fait 25 000 (vingt cinq mille francs) par mois73(*).

Les travailleurs non indépendants perçoivent une rémunération plus faible que le revenu net des travailleurs indépendants.

Les enfants qui ont fait l'objet de traite perçoivent les rémunérations les plus faibles, alors qu'ils ont des charges horaires plus élevées.

Les enfants qui vivent chez leurs employeurs, perçoivent une rémunération moyenne plus faible que ceux qui vivent chez leurs parents ou avec un tuteur non employeur.

C'est une conjugaison de facteurs divers, qui semblent expliquer la nature du phénomène de la traite et des pires formes de travail des enfants dans les plantations de café-cacao de nos trois départements.

I- FACTEURS SOCIO-CULTURELS

1-1 Le travail des enfants dans les exploitations agricoles, une tradition socioculturelle dans les pays pourvoyeurs d'enfants et en Côte d'Ivoire

Le travail des enfants s'explique aussi, comme nous allons le voir, par des facteurs traditionnels. En effet, sur le plan socioculturel, que ce soit les pays pourvoyeurs d'enfants (Burkina Faso, Mali, Togo) ou le pays d'accueil (Côte d'Ivoire), la transmission des valeurs sociales et la socialisation par le biais du travail est un fait avéré.

Dans le cadre de la famille élargie, l'éducation d'un enfant est considérée comme une affaire relevant de la responsabilité de tous. On peut par conséquent confier son éducation et sa socialisation à des membres de la famille, habitant la ville ou un autre pays, qui sont censés assurer l'épanouissement personnel de l'enfant, à travers le travail et l'instruction.

Cette solidarité familiale a permis, et permet souvent de masquer des pratiques de traite et d'exploitation d'enfants. Il faut ajouter à cela, cette conception socioculturelle du travail des enfants qui amène, naturellement, les acteurs à avoir une faible conscience de la gravité de ce phénomène. Nous en avons pour preuve les différents types de discours recueillis auprès des enquêtés dans nos trois départements.

« On ne peut refuser le travail des enfants en Afrique. Le travail contribue à la formation de l'enfant, et alors on ne voit pas le mal qu'il y a pour les enfants d'accompagner leurs parents dans les plantations de café-cacao. C'est à travers les difficultés liées au travail au champ, que l'enfant comprend que la vie n'est pas un jeu, et qu'il faut toujours chercher à surmonter les obstacles qui se dressent devant lui. Je ne comprends pas alors pourquoi on nous parle de traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'Ivoire. » (Un cadre de société vivant à Gonaté).

« Lorsque nous rentrons dans les cars des immigrés, nous constatons que les enfants présents dans les cars sont, la plupart du temps, accompagnés par des adultes qui disent qu'ils sont leurs parents. Quand on leur demande ce qu'ils vont faire à Zuenoula avec ces enfants, ils répondent tous que ces jeunes viennent pour travailler avec eux dans leur champ. Que voulez-vous qu'on leur dise ? N'est-il pas normal qu'un enfant travaille avec ses parents ? » (Un gendarme enquêté à Zuenoula).

« Les blancs nous fatiguent avec leur affaire de pires formes de travail dans nos plantations de cacao. S'ils ne veulent plus acheter le cacao, qu'ils le disent. Nous, quand nous étions enfants, nous avons toujours travaillé dans les champs de nos parents. C'est quoi, cette question de pires formes de travail et de trafic ? » (Un planteur autochtone).

« Les enfants que nous transportons dans nos cars du Burkina vers la Côte d'Ivoire, viennent aider leurs parents dans les plantations de café-cacao. Et puis, si d'autres viennent eux-mêmes dans ces plantations en Côte d'Ivoire, est-ce que ce n'est pas normal, puisqu'ils ont l'habitude de travailler dans les champs de leurs parents au pays. » (Un chauffeur de car à Hermankono).

1-2 Une tradition de flux migratoire

On ne peut comprendre le phénomène de la traite et des pires formes de travail des enfants immigrés dans les plantations de café-cacao, sans faire référence sur le plan historique aux migrations traditionnelles des peuples du Nord, Burkina Faso et Mali notamment, vers la Côte d'Ivoire.74(*)

Différents accords bilatéraux et multilatéraux ont été engagés par les pays d'Afrique de l'Ouest relativement aux questions de liberté de circulation des personnes, de droit de résidence et d'établissement. Le Burkina Faso, le Mali et la Côte d'Ivoire ont signé et ratifié un nombre important de ces conventions et accords internationaux et régionaux légiférant sur les migrations. Aussi, des outils bilatéraux ont été mis en place pour gérer la migration des travailleurs entre les deux pays. Ainsi, le 9 mars 1960, la Convention relative aux conditions d'engagement et d'emploi est signée dans le but de faciliter le recrutement et l'emploi de main-d'oeuvre en provenance de la Haute Volta vers la Côte d'Ivoire. Les deux pays se trouvent engagés depuis des décennies dans des échanges migratoires importants. Ainsi, la première moitié du 20e siècle se caractérise par le drainage de la main-d'oeuvre voltaiques vers les colonies avoisinantes, les autorités coloniales ne considérant la Haut Volta que comme réservoir de travailleurs dans lequel elles n'hésiteront pas à largement puiser. D'après les chiffres cités par Zanou (1991), 683 000 travailleurs burkinabè auraient été acheminés vers la Côte d'Ivoire entre 1933 et 1959. Leur effectif ne cessera d'augmenter en nombre absolu au fil du temps pour représenter, en 1998, selon les données du dernier recensement général de la population et de l'habitat (RGPH), 56,6% des étrangers en Côte d'Ivoire, soit 14,56% de la population ivoirienne totale.

Les tentatives d'organisation du recrutement de la main-d'oeuvre burkinabè vers la Côte d'Ivoire seront nombreuses durant le vingtième siècle, sans toujours avoir les effets escomptés. De nombreux protocoles et conventions ont été adoptés par les deux pays après les indépendances, avec notamment pour objectif l'orientation et la protection des travailleurs migrants.

Historiquement, les populations d'Afrique de l'Ouest ont toujours migré à l'intérieur de leurs frontières ou d'un pays à un autre. C'est dans cette logique qu'avant, durant et après la colonisation, des populations se sont déplacées à la recherche de terres arables ou de fourrage et de travail vers les zones forestières (Côte d'Ivoire et Ghana notamment).

Pour ce qui est du Mali (ex-Soudan français), il convient de dire qu'il a toujours existé une tradition de migration, principalement des peuples du Sud (région de Sikasso), proches de la frontière Nord de la Côte d'Ivoire actuelle, vers les zones forestières de ce pays. Il faut signaler que des accords ont été signés entre la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali pour faciliter la libre circulation des travailleurs entre ces pays. Que ce soit pour le Burkina Faso ou le Mali, retenons que les migrations ne concernaient pas seulement les adultes, mais également les enfants. Ceux-ci voyageaient avec leurs parents, ou émigraient seuls, pour trouver un emploi dans les zones forestières.75(*)

On peut dire que c'est à travers des mouvements migratoires continus dans l'histoire, et des conventions ou accords entre pays, qu'une tradition de flux migratoire saisonnier ou d'installation des populations burkinabés et maliennes, adultes et enfants, s'est instaurée, et ce en direction de la Côte d'Ivoire.

Nous pouvons donc considérer que c'est par le biais, ou sous le couvert d'une tradition de flux migratoire saisonnier ou d'installation en Côte d'Ivoire, perçue généralement, comme une situation normale, que va se mettre en place et s'organiser tout un système de traite d'enfants, à ramifications multiples, au plan transnational.

1-3 La conception socio-culturelle du travail des enfants

La conception socioculturelle du travail des enfants paraît être un facteur, qui détermine la perception positive que les employeurs semblent avoir du travail des enfants dans les plantations de même que l'acceptation, en général, par ces derniers de leurs conditions de travail et de vie dans ces exploitations agricoles. Une telle conception, qui contribue à créer un terrain propice à la traite et aux pires formes de travail des enfants, peut se révéler une contrainte peu visible, mais tenace au regard de la lutte contre ce, phénomène. Il n'est alors pas surprenant qu'un haut responsable de l'administration ait réagi dans la zone d'étude, en ces termes, par rapport aux campagnes de lutte contre la traite et les pires formes travail des enfants :

«On peut se demander où s'arrête l'éducation des enfants dans les plantations, et où commencent les pires formes de travail pour ces jeunes ?», c'est cette conception socioculturelle du travail des enfants qui rend certainement compte de la faible conscience chez des responsables institutionnels par rapport à la menace qui plane sur l'exportation de café-cacao ivoirien et donc sur l'économie du pays.

1-4 Les effets de la crise socio-politique en Côte d'Ivoire sur l'agriculture

Depuis la crise de 2002, différents témoignages montrent que, à quelques nuances près, il existe une certaine raréfaction de la main-d'oeuvre dans la zone d'étude à cause du retour de nombreux immigrés dans leur pays d'origine :

«Depuis le début de la guerre la main-d'oeuvre étrangère est devenue rare. La communauté Burkinabé et Malienne a subi des exactions qui ont obligé ces communautés à renter dans leur pays respectif. Des familles entières sont rentrées dans le but de sécuriser les enfants et les femmes considérés comme vulnérables. L'ambassade de ces pays a organisé des convois groupés pour faire partir ceux qui se sentaient menacés dans leur région d'accueil. Nombre de personnes adultes, anciennes victimes du trafic d'enfants, et qui n'ont jamais pu se faire une place en Côte d'Ivoire, ont profité des opérations de rapatriement, pour rentrer. Ce sont souvent de pauvres loques dépitées et découragées par l'aventure ivoirienne. Des employeurs planteurs en ont profité aussi pour renvoyer au pays et à moindre frais, des enfants, dont certains étaient devenus adultes, et à qui ils devaient beaucoup d'argent pour des années de travail non rémunérées. Le prétexte de la guerre a suffi aux parents, qui les ont remercié d'avoir ramené vivants leurs enfants.» (Un responsable du consulat du Burkina Faso de Bonon).

«De nombreux immigrés sont repartis vers leur pays. Le flux migratoire vers la Côte d'Ivoire est en baisse ; mais il demeure relativement important.» (Le Sous-préfet de Koupela).

«Depuis que la guerre existe, de nombreuses plantations de café et cacao sont abandonnées, faute de main-d'oeuvre. » (Un paysan à Koupéla).

«Aujourd'hui, il y a beaucoup de plantations qui sont abandonnées, parce que la main-d'oeuvre est devenue rare. Si on enlève les enfants qui travaillent dans nos plantations, ce sera la fin de la production du cacao. Si on retire les enfants, notamment ceux des burkinabés, qui sont les plus nombreux dans nos plantations de café-cacao, ça ne marchera pas ». (Un planteur autochtone dans la sous-préfecture de Bonon).

« Pour avoir aujourd'hui un travailleur pour son champ, c'est très difficile ; même les enfants des burkinabé qui sont là, ce n'est pas facile de les avoir, parce qu' 'ils travaillent pour leurs parents. » (Un planteur autochtone à Hermankono).

La raréfaction de la main-d'oeuvre a eu pour conséquence le fait suivant : la demande d'ouvriers agricoles étant supérieure à l'offre, le coût de la main-d'oeuvre expérimentée, a connu une assez nette augmentation. C'est ainsi que le coût du contrat annuel d'un manoeuvre adulte, qui variait, dans le département d'Hermankono, entre cent mille (100 000) et cent vingt mille (120 000) francs, est passé aujourd'hui à cent cinquante mille (150 000) francs, alors qu'à Bonon ce coût peut atteindre deux cent cinquante mille (250 000)76(*).

De nombreux planteurs (étrangers comme ivoiriens) ont naturellement déploré cette situation, qui contribue à augmenter leurs charges d'exploitation.

« Le coût de la main-d'oeuvre est devenue de nos jours trop élevé. Quand tu prends un manoeuvre aujourd'hui, tu ne sais pas comment le payer au bout d'un an. » (Un exploitant agricole burkinabé à Bonon).

« Les manoeuvres qui étaient moins chers avant la crise, sont aujourd'hui trop chers pour nous. Parce qu'ils savent qu'on a besoin d'eux, et parfois même, ils ne respectent pas le contrat, et vont travailler avec des planteurs qui leur disent qu'ils vont leur donner plus d'argent. » (Un exploitant agricole autochtone du département de Zuenoula).

Devant ce fort besoin de main-d'oeuvre que de nombreux planteurs ont du mal à acquérir, et face à son coût actuel, les planteurs (autochtones comme allogènes) préfèrent tous se rabattre, dans les trois départements visités, sur une main d'oeuvre infantile bon marché. Comme de nombreux exploitants agricoles le disent,

« Ils préfèrent avoir des enfants comme manoeuvres agricoles dans leurs plantations de café-cacao, parce que leurs contrats leur reviennent moins chers. » (Type de discours recueillis auprès des planteurs des trois départements).

Le coût de la main-d'oeuvre infantile restant plus supportable au niveau de leur charge d'exploitation, cette main- d'oeuvre demeure plus que jamais fortement prisée par les planteurs. La logique d'une telle rationalité économique, ne peut que contribuer à perpétuer et développer la traite et les pires formes de travail des enfants dans les plantations de café-cacao.

II- RAISONS ECONOMIQUES

2-1 La pauvreté des pays pourvoyeurs d'enfants

 

Mali

Burkina Faso

Côte d'Ivoire

Classement IDE

153

159

144

Taux d'alphabétisation (personnes âgés de 15 ans et plus)

39,8%

23,0%

45,7%

Taux brut de scolarisation

28,0%

23,0%

38,0%

PIB par habitant (PPA)

753 USD

965 USD

1653 USD

Personnes vivant avec moins d'un dollar par jour

72,8%

61,2%

12,3%

Enfants de moins de 15 ans au poids insuffisant

40%

36%

24%

 
 
 
 
 

Togo

Benin

 

Classement IDH

128

147

Taux d'alphabétisation (personnes âgés de 15 ans et plus

56,3%

39,0%

Taux brut de scolarisation

62,0%

45,0%

PIB par habitant (PPA)

1.410 USD

933usd

Personnes vivant avec moins d'un dollar par jour

n.d

n.d

Enfants de moins de 15 ans au poids insuffisant

25%

29%

Source IDH 2001 PNUD

PIB : Produit Intérieur Brut

IDH : Indicateur de Développement Humain

IDE : Indicateur de Développement Economique

Tableau : Indicateurs du développement humain Afrique de l'ouest

Au vue du tableau, on constat que les pays de provenance des enfants victimes de traite ont des taux de pauvreté parmi les plus élevé en Afrique de l'ouest. Le Mali et le Burkina Faso affichent un taux d'alphabétisation des personnes de 15 ans et plus respectif de 39,80% et 23,0%. Le taux brut de scolarisation au Mali est de 28,8%, contre 23,0% pour le Burkina Faso.

Le Togo et le Bénin ont un taux de scolarisation relativement élevé (62,0% et 45,0%). Ces taux (Mali et Burkina Faso) comparés à ceux de la CÔTE D'IVOIRE, sont faibles. Au niveau des taux brut de scolarisation, la CÔTE D'IVOIRE à un pourcentage de 38%. Seul le Togo et le Bénin ont un taux plus élevé que la CÔTE D'IVOIRE. Mais quand on prend le PIB par habitant, la CÔTE D'IVOIRE affiche 1654 dollars par habitant, quand le Togo et le Bénin affiche respectivement 1410 et 933 dollars par habitant.

Les inégalités augmentent et les niveaux de vie continuent à baisser. La vulnérabilité des enfants à la traite est accrue par des systèmes éducationnels défaillants.

La CÔTE D'IVOIRE connait des conditions économiques et sociales comparativement prospères et stables qui en fait un pôle d'attraction pour la traite d'enfants en Afrique de l'ouest.

Le Burkina Faso, le Mali et le Togo, principaux pays pourvoyeurs d'enfants dans nos départements, sont des Etats classés parmi les plus pauvres du monde, où le tiers (1/3) de la population de ces pays, vit en dessous du seuil de pauvreté. La majorité de la population agricole de ces Etats, dont les terres ne sont le plus souvent irriguées que par la pluie, connaît un chômage saisonnier. Durant la saison sèche, la population doit migrer à la recherche de travail. Cette situation de pauvreté contribue à l'exode rural et renforce le phénomène de migration vers d'autres pays, à l'image de la Côte d'Ivoire, qui ont connu, ou connaissent un taux de croissance relativement élevé.

2-2 Le coût élevé des intrants agricoles

La grandeur des plantations et les nombreuses maladies des plantes, emmènent les planteurs à utiliser les engrais et les produits phytosanitaires pour le traitement des plantations. Aujourd'hui les entrants agricoles ont un coût beaucoup élevés. Certains planteurs possèdent plusieurs hectares, donc traiter tous ces hectares a un coût très élevé. Ajouté à cela la non modernisation de notre agriculture, il est donc difficile à un planteur de pouvoir recruter des manoeuvres âgés qui coutent chers.

Lors de notre enquête les planteurs ont décrié le coût élevé des produits d'entretient des plantations. Nous nous somme approché des structures chargées de la distribution des produits phytosanitaires qui nous ont fait comprendre que ces dernières années le coût de ces intrants (engrais et produits phytosanitaires) a connu une augmentation de plus de 40% en huit (8) ans, au plan national, alors qu'on observe, sur le plan historique, une tendance à la baisse des cours du kilogramme de café et de cacao au niveau bord champ. C'est la raison pour laquelle, de nombreux paysans se sont plaints du prix des intrants agricoles :

« Le planteur n'est planteur aujourd'hui que de nom. A la récolte, nous n'avons rien ; nous sommes endettés dès la vente de nos produits agricoles, à cause du coût élevé de l'engrais et des produits phytosanitaires. » (Un grand planteur rencontré à Bouaflé).

« La terre n'est plus fertile comme avant ; les engrais et les produits chimiques sont devenus trop chers. Les commerçants ne veulent plus nous faire de crédit, or nous n'avons pas assez d'argent pour paye. »

Le coût élevé des charges d'exploitation, à cause du prix des intrants agricoles, permet de comprendre la réaction suivante des planteurs :

«Les enfants qui viennent travailler dans nos plantations nous arrangent beaucoup. Les enfants ce n'est pas cher et ils travaillent bien sans parler. Les produits pour traiter le café et le cacao coûte beaucoup d'argent pour prendre les grandes personnes ». (Type de discours recueillis auprès de nombreux planteurs dans les trois départements).

2-3 Les enfants : une main d'oeuvre corvéable à souhait

En dehors du coût relativement faible de la main d'oeuvre infantile, un facteur semble expliquer la préférence des planteurs pour cette majorité de manoeuvres agricoles. Cet élément réside dans le fait que, de manière générale, et selon les informations reçues, les enfants constituent une main d'oeuvre corvéable à souhait.

« Quand les jeunes immigrés arrivent ici, ils sont très sales et n'ont pas une belle allure au plan physique. Ils ont l'air malade, ils n'ont rien à manger, et ne savent même pas où dormir. Moi, dans ma cour, j'en recevais beaucoup qui restaient ici, en attendant d'avoir du travail dans les plantations. Quand ils trouvent du travail, ils s'accrochent vraiment à leur contrat qu'ils ne veulent pas perdre ; ils sont prêts à faire tout ce que vous leur demandez, par rapport aux travaux dans la plantation. » (Un planteur autochtone).

A ce propos, de nombreux planteurs autochtones nous ont dit :

« Qu'ils préféraient engager des jeunes étrangers qui arrivent pour, la première fois en Côte d'Ivoire, non seulement à cause de leur prix abordable, mais aussi, parce qu'ils obéissent toujours à leur patron. Ce qui n'est pas le cas des manoeuvres adultes et des jeunes immigrés qui ont duré ici. Quand ils sont anciens, ils se comportent comme des ivoiriens. » (Type de discours recueillis auprès de nombreux planteurs autochtones dans le département de Bouaflé).

Si l'on s'en tient à ces discours, nous avons certainement affaire à des jeunes, extrêmement exploitables par des employeurs qui ont bien voulu les engager dans leur plantation. Ces jeunes sont alors prêts à répondre à toutes les sollicitations des exploitants agricoles pour avoir leur estime, et surtout sauvegarder leur emploi. Ils savent qu'après tout, leur sort (au plan financier) ne dépend que de leur employeur, susceptible de rompre à tout moment leur contrat !

Si de tels rapports entre employeur et employé sont confirmés par les faits dans la zone d'étude, ceci se comprend au plan sociologique. En effet, il est prouvé qu'un individu, qui arrive pour la première fois dans un espace social (entendons ici un champ de relations sociales, d'acculturation et de conflits) qui lui est étranger, a tendance à en respecter strictement, et même parfois avec un certain zèle les normes et valeurs. C'est lorsqu'il a passé un temps relativement long dans cet espace, qu'il peut adopter ou adopte des comportements s'écartant des normes et valeurs prescrites.

Le fait que les jeunes immigrés constituent souvent une main d'oeuvre taillable corvéable à merci, ne peut qu'encourager la traite et les pires formes de travail des enfants.

2-4 La traite des enfants : un commerce juteux lié à un besoin de main-d'oeuvre bon marché

Une variable qui paraît également expliquer la traite et les pires formes de travail des enfants dans les plantations de café-cacao, est le commerce juteux lié à un besoin de main d'oeuvre bon marché dans la zone d'étude. Différents acteurs semblent tirer en effet des gains substantiels de la traite d'enfants, et c'est sans doute la raison pour laquelle, nous avons observé beaucoup de méfiance et de résistance à l'enquête chez nos interlocuteurs, lorsque que nous avons voulu aborder cette question.

Si des acteurs occasionnels (planteurs étrangers et recruteurs occasionnels d'enfants) peuvent tirer, au plan financier, quelques bénéfices du placement d'enfants, il semble que ce soit véritablement les locataires de cars, les convoyeurs qui s'adonnent à la traite des jeunes manoeuvres, les pisteurs de frontière et les coxer qui, parce qu'ils se sont aperçus très tôt que le «commerce des enfants» était rentable, se sont, avant la crise spécialisés dans cette traite, ou en sont devenus de véritables professionnels.

Ceci a été confirmé par les responsables de l'ONG providence, de l'agence de coopération technique allemande GTZ impliquée dans la lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants à Bouaflé :

« Lorsque de nombreuses personnes ont compris qu'il y avait beaucoup à gagner dans le trafic des enfants, des Burkinabé, Malien et des Ivoiriens du Nord, se sont lancés dans cette affaire. Certains ont même abandonné leur travail de commerçant, chauffeur, homme d'affaires, pour devenir les convoyeurs - trafiquants d'enfants des pays du Nord vers Bouaflé. » responsable du consulat du Mali à Hermankono (Bouaflé)

Le commerce des enfants a particulièrement profité, comme nous venons de le dire, aux acteurs suivants :

2-4-1 Les propriétaires de cars

L'enquête nous a permis de savoir qu'au niveau des responsables d'organisation de certains pays limitrophes (Mali, Burkina Faso, Ghana et Guinée), des convois étaient régulièrement organisés lors des grandes saisons de traites pour desservirent les plantations en main d'oeuvre. A Garangoro, sous préfecture de Bouaflé, un responsable de structure agricole (ANADER) m'a donné l'information selon laquelle : « lors de la période des grands travaux l'on observait au moins 30 arrivés de manoeuvres par jour et la plupart étaient des enfants », ce qui nous donne un total de 120 enfants par mois. Si nous faisons l'hypothèse que ces organisations plaçaient, dans le cadre des contrats annuels, les enfants à cent mille (100 000) francs en moyenne, les gains qu'ils tiraient par mois de cette traite, peuvent être estimés comme suit :

Pour un enfant placé à (100 000) francs, les organisations gardaient par devers eux les ¾ de cette somme, soit, soixante quinze (75 000 F) mille francs. Ceci signifie qu'elles pouvaient gagner par mois 75 000 francs /enfant x 120 enfants = 9 000 000 francs.

Au vue de ces chiffres, nous pouvons comprendre pourquoi certains planteurs ont abandonné leurs plantations pour se convertir en organisation d'accueil de main d'oeuvre. Les sommes collectées au niveau de ce trafic est énorme.

2-4-2 Les convoyeurs de cars

Comme les associations des ressortissants des pays limitrophes, les convoyeurs ont, semble-t-il, joué avant la crise, un rôle déterminant dans la traite d'enfants. C'est ainsi que, selon un agent la gendarmerie de Sinfra, autrefois en fonction à Abengourou, « les convoyeurs sont de vrais trafiquants. Le mot convoyeur couvre leurs activités illicites qui consistent principalement au trafic des enfants, dont ils tirent d'énormes bénéfices. Au corridor d'Abengourou, on a arrêté un convoyeur, dont l'âge se situe entre trente et quarante cinq ans, de nationalité burkinabé. Il a été déféré et traduit devant la justice. Le juge l'a reconnu coupable et condamné à seulement 6 mois de prison avec sursis».

2-4-3 Les pisteurs ou passeurs de frontières

Les pisteurs ou passeurs de frontière ont également obtenu et continuent d'obtenir des gains substantiels de la traite d'enfants dans la région. Lors de nos échanges avec ces pisteurs passeurs de frontières (jeunes déscolarisés autochtones), ceux-ci ont déclaré que

« Pour faire passer des enfants par les pistes rurales, entre le Ghana et la ville de Niable, ils prenaient entre trois mille (3 000) et cinq mille (5 000) francs CFA par personne. » Si nous estimons à deux le nombre d'enfants qu'ils font entrer par jour, cela correspond à un gain journalier six mille (6 000) à dix mille (10 000) francs, soit un gain mensuel variant entre cent quatre vingt mille (180 000) et trois cent mille (300 000) francs CFA ; ce qui constitue une somme non négligeable pour un jeune déscolarisé en Côte d'Ivoire77(*).

2-4-4 Les coxers

Les ramifications de cette transaction entre coxer va jusqu'à ceux du Burkina Faso qui en rapport avec ceux de Côte d'Ivoire, envoient les besoins des planteurs veiller à ce qu'ils arrivent à destination. Selon les informations, ils gagneraient entre 2 000 et 3 000 par enfants selon la zone de destination. On peut penser que ces coxers, en satisfaisant la demande de plusieurs enfants, peuvent s'en tirer, au plan financier, à bon compte, au regard du niveau de vie des habitants de leur pays. Les difficultés rencontrées dans la quête d'informations sur les avantages économiques obtenus à partir du «commerce d'enfants», nous paraissent être un fait tout à fait compréhensible : nous sommes dans un milieu relativement isolé, sinon fermé, où la loi du silence est la règle, dans le cadre de la protection d'intérêts et d'enjeux économiques particulièrement importants. Ces enjeux sont tels, qu'il existerait selon des informations reçues, des réseaux protecteurs de cette traite d'enfants. Des individus appartenant à ces réseaux, pourraient ainsi attenter à la vie de toute personne qui voudrait s'immiscer dans les activités liées à cette traite ou s'opposer à celles-ci

C'est certainement, dans cette même logique que des pisteurs (acheteurs de produits agricoles) ont déclaré, que des paysans, utilisateurs de jeunes manoeuvres agricoles, peuvent refuser de vendre leur café-cacao aux acheteurs de produits trop regardants vis-à-vis de la situation des enfants dans leur plantation.

III- FAIBLESSES DU CONTROLE SOCIAL

3-1 Le laxisme et la corruption d'éléments des forces de l'ordre

L'une des variables explicatives de la traite d'enfants dans les trois départements reste un certain laxisme et la supposé corruption d'éléments des forces de l'ordre. Cela transparaissent dans les déclarations des enquêtés :

« Le phénomène de la traite des enfants n'est pas perçu par les différents responsables institutionnels et même par les forces de l'ordre, comme un problème national ou un mal contre les enfants. C'est la raison pour laquelle, il y a un laisser-faire chez de nombreux responsables et agents de l'Etat face à ce phénomène ».Mr de sous préfet de Gonaté.

« Entre convoyeurs, chauffeurs et forces de l'ordre, il existe des rapports de complicité pour l'exploitation en commun d'un commerce juteux, celui du trafic des enfants. Les convoyeurs s'entendent avec le chauffeur, pour surcharger le plus possible les autocars. On peut se retrouver ainsi avec soixante-dix (70) Personnes dans un car de cinquante-cinq (55) places, cent (100) à cent vingt (120) passagers pour un de soixante-dix (70) places. Les convoyeurs ont des connaissances à tous les points de contrôle. Sachant qu'ils transportent les enfants, ils négocient avec ces agents des forces de l'ordre, et leur payent un droit de passage. Les cars peuvent alors continuer leur trajet sans aucun contrôle. » (Enquêtés ayant souhaité que leur statut et fonction ne soient pas révélés).

II est clair qu'un tel désintérêt manifesté par ces acteurs vis-à-vis de notre objet d'étude, ne peut que rendre compte du laxisme d'agents de base des forces de l'ordre ; laxisme qui explique évidemment la facilité avec laquelle les intermédiaires et enfants accèdent à nos différents départements.

Concernant le dernier discours qui a trait à la corruption d'agents de forces de l'ordre, qui favoriserait la traite d'enfants, notons que nous n'avons pas pu vérifier nous-mêmes cette allégation.

Si le laxisme et la corruption d'agents des forces de l'ordre semblent des réalités avérées, il est compréhensible que ces éléments ne puissent que contribuer à renforcer la traite d'enfants dans notre zone d'étude.

3-2 La porosité des frontières

En Côte d'Ivoire, comme d'ailleurs le plus souvent en Afrique, les frontières politiques ne sont des frontières que de nom, puisqu'en dehors des postes frontaliers de douane, de police, de gendarmerie, elles sont rarement matérialisées et faiblement contrôlées.

« Nos frontières sont de véritables passoires ; c'est la raison pour laquelle de nombreux trafiquants de personnes et de biens, peuvent accéder assez facilement au pays en contournant, par la brousse, les postes frontaliers où sont positionnées les forces de l'ordre. »

3-3 Les motivations des parents et des jeunes au départ du pays d'origine, le vécu de leur travail dans les plantations et leurs projets

En plus des variables explicatives de la traite et des pires formes de travail des enfants que nous avons étudiées, il convient de dire que ce phénomène semble prendre aussi racine dans les motivations des parents et des jeunes au départ du pays d'origine, le vécu du travail au niveau de la main d'oeuvre infantile, de même que dans les projets de vie des enfants. Pour les parents, il s'agit essentiellement de faire partir leurs enfants en Côte d'Ivoire, pour que ceux-ci y gagnent de l'argent qu'ils enverront à la famille. A ce sujet un responsable du consulat du Burkina Faso à abondé dans ce sens, à travers ses dires :

« Devant la pauvreté au pays, les parents souhaitaient que leurs enfants aillent en Côte d'Ivoire pour y travailler et ramener de l'argent à la famille. Des parents visent également la réussite individuelle des enfants sur le plan de leur formation et sur le plan économique. Cette réussite peut permettre d'acquérir des biens matériels qui font cruellement défaut à la famille qui est au pays »

Les motivations des parents sont renforcées par l'image positive que les différents acteurs de la filière de la traite des enfants présentent de la Côte d'Ivoire, lorsqu'ils rencontrent des responsables de familles et des jeunes dans les pays pourvoyeurs de main d'oeuvre infantile. Elles sont aussi soutenues par la réussite socio-économique apparente, en Côte d'Ivoire, de membres de la famille ou de connaissances, qui retournent régulièrement dans leur pays ou qui s'y installent définitivement. Que ce soit avant la crise, ou de nos jours, il semble que la perception de la Côte d'Ivoire comme l'eldorado ou une terre promise reste relativement invariante chez les jeunes migrants (comme d'ailleurs aussi chez leurs parents) qui y viennent seuls, parfois « pour se chercher », comme ils le disent eux-mêmes. Réussir en Côte d'Ivoire, n'est pas seulement chez les jeunes un projet vécu au niveau de l'imaginaire, mais aussi sur le plan du réel, dans la mesure où des enfants maliens, Burkinabé et Togolais restés au pays, voient arriver, chaque année au moins, leurs pairs de la Côte d'Ivoire, « les bras chargés d'espèces sonnantes et trébuchants et de biens matériels » qu'ils n'ont pas forcément l'habitude de voir dans leur vie quotidienne ! A ce propos, les discours qui suivent sont particulièrement significatifs :

« Quand mon patron m'a payé l'an passé j'ai acheté de nouveaux habits, des lunettes et une radio pour mon père. Arrivé au pays, j'ai acheté des pagnes pour ma maman et ma grande soeur. Tout le monde était content et fier de moi dans la famille. Dans le quartier, tous mes amis m'enviaient à cause de mes habits ; beaucoup de jeunes voulaient venir avec moi, lors de mon retour en Côte d'Ivoire » (Un jeune manoeuvre agricole).

« Je travaille dans cette plantation, parce que c'était trop dur au village ; on est beaucoup, et les parents n'ont rien pour s'occuper de nous. Quand mon oncle, qui est planteur de cacao en Côte d'Ivoire, est venu au pays, il a vu mon père, et je suis venu avec lui depuis 2001. Ici, je suis sûr que je vais devenir quelqu'un un jour, parce que je fais des contrats et je gagne beaucoup d'argent. Mon oncle est gentil avec moi. L'année dernière, quand je partais au pays, il m'a donné beaucoup d'argent. J'ai acheté plusieurs choses que j'ai emmenées au pays. » (Un jeune travailleur agricole Burkinabé à Bouaflé).

Devant de telles situations, le réel ne peut que renforcer l'imaginaire des enfants qui n'ont pas encore « tenté l'aventure ivoirienne ».

En ce qui concerne le vécu (pratiques, significations et représentations sociales) de leur travail, il faut retenir que les enfants semblent être, dans l'ensemble, assez favorables aux tâches quotidiennes exécutées dans les plantations de café- cacao, en dépit des contraintes liées à ces dernières. Au regard de ces considérations modernes relatives à la défense des droits des enfants, ceux d'entre eux qui travaillent dans les plantations de café en Côte d'Ivoire, sont souvent perçus comme des victimes de pires formes de travail, c'est-à-dire, qu'ils font l'objet d'une insertion sociale.

Quand on s'intéresse au vécu des enfants, travaillant dans ces plantations, on constate que la perception et les représentations sociales de leur travail semblent être tout autres. En effet, la grande majorité des enfants enquêtés pensent, d'après leurs différentes déclarations, que leurs conditions de travail et de vie sont acceptables, comparativement aux réalités quotidiennes qu'ils connaissent dans leur pays d'origine. Leur perception peut s'expliquer sans doute par le fait que, pour le même effort de travail fourni dans leur pays, ils tirent des revenus substantiels en Côte d'Ivoire, qui n'ont rien à voir avec qu'ils gagnent chez eux :

«  Au pays, je travaillais la terre ; par an, je gagnais vingt mille (20 000) francs CFA. Quand je suis arrivé en Côte d'Ivoire, j'ai pu avoir, la première année, cent soixante quinze mille (175 000) francs CFA. On dit que les enfants ne doivent pas travailler dans les plantations ; mais qui peut me donner une telle somme d'argent que je n'ai jamais attrapée dans ma main ? Pour gagner cet argent, on m'a payé mon contrat annuel, et j'ai fait d'autres contrats les jours de repos. » (Un jeune manoeuvre burkinabé rencontré à Zuenoula).

L'obtention, pour une première fois, d'une telle somme d'argent, peut paraître faramineuse aux yeux d'un enfant qui provient d'un pays où sévit, en général, une pauvreté endémique. On peut alors parfaitement comprendre que les conditions de travail et de vie des enfants dans les plantations, ne soient pas forcément vécues négativement par ces derniers. De notre analyse du vécu du travail chez les enfants, il semble que s'affrontent deux types de perception :

Enfants au travail dans les plantations de café - cacao , considérés par les uns, acteurs institutionnels impliqués dans la lutte contre ce phénomène, comme identités sociales négatives, et perçus par les autres, des enfants travaillant dans les exploitations agricoles, comme identités sociales positives. Les enquêtes menées auprès des jeunes de quatorze (14) à dix-huit (18) ans, et en rapport avec leurs projets, montrent aussi qu'en dehors des activités agricoles et des ressources financières qu'ils en tirent, ils n'ont apparemment pas d'autres horizons de vie. La majorité d'entre eux qui ont parlé de leurs projets, ont tenu le genre de discours ci-après :

« Je viens d'un pays pauvre où mes parents n'ont rien. Je suis ici pour travailler dans les plantations pour gagner beaucoup d'argent, et retourner chaque fois au pays, pour aider mes parents. Ils comptent sur moi ici. Moi, je ne connais pas papier, c'est donc dans la plantation que je peux gagner ma vie. » (Un jeune manoeuvre Togolais).

Etant donné, comme nous l'avons déjà vu plus haut, que les enfants sont pour la plupart d'entre eux analphabètes, et qu'ils sont issus de familles très pauvres et nombreuses, ils ont conscience qu'ils n'ont aucune possibilité de mobilité verticale dans le secteur formel, et que les opportunités financières qui peuvent se présenter à eux, et qui leur permettent d'aider leur famille résident essentiellement dans l'espace du travail agricole, auquel ils restent par conséquent, fondamentalement attachés.

L'étude des motivations des parents et des jeunes, au départ du pays d'origine, du vécu de leur travail dans les plantations et de leurs projets vie, prouvent que ce sont des variables culturelles et psychosociales, qui créent des conditions de perpétuation de la traite et des pires formes travail des enfants dans les plantations de café-cacao, de même qu'elle rendent compte.

Le travail des enfants a une réelle incidence sur l'avenir et le devenir de l'enfant. En effet vu la dangerosité des activités pratiquées, les enfants sont exposés à plusieurs problèmes. Au-delà de l'enfant, il faut aussi comprendre que c'est le cacao ivoirien qui est mis en danger si rien n'est fait car les institutions internationales menacent de ne plus acheter le cacao en provenance des zones où le trafic est signalé.

I- CONSEQUENCES AU NIVEAU DES ENFANTS

Les populations, acteurs directement impliqués dans le développement du phénomène, accordent très peu de crédits aux conséquences (conséquences négatives), ils se sont pour la majorité prononcée sur les avantages du travail.

Toutefois, nous avons pu en relever à partir des différents témoignages.

1-1 Inconvénients du phénomène pour les enfants

Selon le témoignage des enfants dans les plantations de café-cacao, nous avons pu entrevoir des conséquences négatives tant physiques que psychologiques.

En ce qui concerne ces impacts physiques, il faut essentiellement relever le cas des blessures causées dans l'ensemble par les machettes et qui laissent, en général des cicatrices, quand elles sont profondes.

Situées sur les membres inférieurs ou supérieurs, ces cicatrices paraissent banales pour la population agricole, les exploitants agricoles, les enfants contractuels et aides familiaux ayant terminé leur apprentissage. Ce qui se comprend, dans la mesure où ces acteurs utilisent des machettes bien aiguisées et très tranchantes de sorte à leur permettre une bonne performance et un rendement meilleur dans l'accomplissement des activités.

Au delà des risques relatifs aux matériels de travail, les enfants ont également donné leur point de vu sur la pénibilité à parcourir les distances qui séparent leur lieu d'habitation aux plantations, de l'intensité du rythme du travail et du volume élevé de travail.

Ces dernières difficultés (liées au rythme, volume de travail, et temps de repos) sont en effet imputables à l'absence des parents dans l'environnement immédiat de l'espace agricole et suscitent à la fois des conséquences d'ordre psychologique.

Au-delà de ces conséquences physiques et psychologiques, ces enfants (les plus grands) ne sont pas à l'abri de bien d'autres dangers dans leur milieu de vie, singulièrement la pandémie du VIH/SIDA.

Ces enfants loin du cadre familial, ont le devoir de s'auto- éduquer. Cette relative liberté peu être pour eux lourde de conséquences, car leur fréquentation sexuelle s'oriente pour la plus part vers les filles de joies.

1-2 Avantages du phénomène pour les enfants

Les travaux champêtres permettent aux enfants d'acquérir une relative expérience. Cette connaissance leur permet de réaliser leurs projets de vie et s'intégrer dans leurs communautés, voire dans la société.

Tandis que certains enfants, ceux qui n'ont aucune possibilité de mobilité verticale dans le secteur formel, (du fait de leur analphabétisme et des études écourtées au niveau du cycle primaire, ont dit acquérir les techniques culturales du café et du cacao), ont la chance d'évoluer dans cet espace de travail agricole, d'autres affirment encore pouvoir hériter des plantations de leurs parents, de satisfaire eux mêmes leurs besoins (fournitures scolaires, trousseaux de mariage, vêtements).

De même, les gains tirés du travail agricole permettent à la majorité des contractuels d'épargner pour la réalisation de leurs projets de vie, soit en investissant dans le secteur agricole ou en milieu urbain dans la mécanique auto.

Les rémunérations assurent parfois la survie des ménages en permettant aux enfants de contribuer aux dépenses du foyer parental et améliorer les conditions socioéconomiques de vie des parents qui ont des difficultés financières et matérielles.

Après avoir indiquer les avantages et conséquences négatives du travail dans les plantations de café- cacao sur les enfants, l'interrogation est de savoir ce qu'il en est de la Côte d'Ivoire, premier producteur du binôme café- cacao?

II- CONSEQUENCES DU TRAVAIL DES ENFANTS POUR LA COTE D'IVOIRE

La Côte d'Ivoire, premier pays producteur du binôme café - cacao au plan mondial, avec une offre moyenne annuelle de 1.250.000 à 1 .300.000 tonnes sur un total mondial moyen de 2.800 000 à 2.850.000 tonnes78(*), devra prouver qu'il n'est pas concerné par les accusations portées contre elle. Elle est d'autant plus mobilisée par cette lutte qu'elle est accusée à tort ou à raison d'utiliser les enfants dans des conditions périlleuses dans ses plantations de café- cacao.

Si cette accusation était avérée, elle devra en assumer les conséquences. Ce qui signifie qu'elle devra faire face aux effets pervers du protocole «HARKING-ENGEL»79(*) qui s'insurge contre tout travail abusif ou esclavage des enfants dans le monde. Ledit protocole ayant engagé les industries depuis l'année 2001 à faire en sorte qu'à partir du 1er juillet 2005, date différée aujourd'hui au juillet 2008, que le cacao Ivoirien soit cultivé de manière responsable. Il est interdit d'après ce protocole d'avoir recours à une main- d'oeuvre forcée ou infantile. Pour cela un certificat d'attestation est demandé à tout importateur de café- cacao américain.

L'économie de la CÔTE d'Ivoire dépend en grande partie du binôme café-cacao. Il est donc important que la situation des enfants dans les plantations soit clarifiée afin d'éviter des sanctions.

* 72 N. J. AGBADOU, Les enfants au travail dans les plantations de Café- Cacao en Côte d'Ivoire, Abidjan, Thèse Unique de Doctorat, Université Cocody, UFR Criminologie, 2009.

* 73 Bureau International de travail, la traite des enfants aux fins d'exploitation de leur travail dans le secteur informel à Abidjan, programme international pour l'abolition du travail des enfants(IPEC), 2005

* 74 A.SISSOKO, La lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants, Rapport de séminaire, Grand-Bassam, INTERPOL/GTZ, 2006.

* 75 A. SISSOKO, G. DENIS. et J. AGBADOU, La traite et les pires formes de travail des enfants dans les plantations de café-cacao, la situation dans les départements de Soubré, Abengourou, Oumé, GTZ, 2005.

* 76 A. SISSOKO, G. DENIS. et J. AGBADOU, La traite et les pires formes de travail des enfants dans les plantations de café-cacao, la situation dans les départements de Soubré, Abengourou, Oumé, GTZ, 2005.

* 77 A. SISSOKO, G. DENIS. et J. AGBADOU, La traite et les pires formes de travail des enfants dans les plantations de café-cacao, la situation dans les départements de Soubré, Abengourou, Oumé, GTZ, 2005.

* 78 E. N'GUESSAN., Gestion des filières Café et Cacao en Côte d'Ivoire, bilan et perspectives, Edition MUSE, 2004-2007.

* 79 I. ALLAH, Côte d'Ivoire : Café- Cacao pour une refondation de la filière, Abidjan, Edition Du Cacao, UCCI 2006.

précédent sommaire suivant










Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy



"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984