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Fiscalité et intégration économique régionale. Rôle de la TVA dans la constitution du marché unique UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine)

( Télécharger le fichier original )
par Youssouf KINDA
Ecole nationale des régies financières Burkina Faso - Diplôme de cycle A de l'école nationale des régies financières. Option: fiscalité 2012
  

Disponible en mode multipage

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BURKINA FASO

Unité À Progrès - Justice

Année Académique 2012-2013

MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES

SECRETARIAT GENERAL

ECOLE NATIONALE DES REGIES FINANCIERES

DIRECTION DES ETUDES ET DES EVALUATIONS

MEMOIRE DE FIN D'ETUDES

Pour l'obtention du Diplôme de cycle A de l'Ecole Nationale des

Régies Financières Option : Fiscalité

THEME :

Présenté et soutenu publiquement par :

KINDA Youssouf

Directeur de Mémoire
Monsieur Mayel DABIRE
Inspecteur des impôts

Mars 2013

Fiscalité et Intégration économique

régionale : rôle de la TVA dans la

constitution du marché unique UEMOA

II

AVERTISSEMENT

L'Ecole Nationale des Régies Financières n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire, qui doivent être considérées comme propres à leur auteur.

III

DEDICACE

A mon père qui a tout donné pour faire de moi un homme.
Papa, je t'aime.
A ma mère pour tous ses conseils.
Maman, je t'aime.

iv

REMERCIEMENTS

J'aurais voulu avoir les talents d'un poète ou d'un écrivain pour écrire une jolie page de remerciements à ceux et celles qui ont permis l'aboutissement de ce mémoire. Malheureusement, je n'ai aucun de ces talents, mais que chacun trouve dans la simplicité de ces quelques mots toute ma gratitude.

Nos sincères remerciements vont, tout d'abord, à notre Directeur de mémoire, Monsieur Mayel DABIRE, Inspecteur des Impôts, Chef de Service Assiette à la Direction du Centre des Impôts de Sig-nongin, pour son orientation, ses précieux conseils, sa constante disponibilité et pour avoir été un facilitateur durant le processus d'élaboration du Mémoire.

Nos sincères remerciements vont également à l'endroit de :

> M. Habass TRAORE, expert en fiscalité et chargé des questions fiscales à l'UEMOA pour ses conseils avisés, sa disponibilité et son appui documentaire ;

> M. Hamadoun DICKO, Inspecteur des Impôts à la Direction de la Législation et du Contentieux, pour les conseils techniques et pratiques

> M. Prosper Nomandé KOLA, économiste, pour ses conseils avisés, ses orientations et sa disponibilité ;

> Tout le corps professoral de l'ENAREF, pour toutes ces années consacrées à l'encadrement des étudiants, et à l'administration, pour l'intérêt qu'ils portent à notre formation ;

> Tous mes frères et soeurs pour leur soutien inconditionnel ;

> Tous mes ami(e)s et camarades qui m'ont soutenu d'une façon ou d'une autre ;

> Ma chérie Awa KAFANDO, pour son soutien constant ;

> Tous ceux qui ont contribué d'une manière ou d'une autre à l'aboutissement de ce mémoire.

Que tous trouvent ici l'expression de notre profonde gratitude.

V

Sigles et abréviations

BM

: Banque Mondiale

BNC

: Bénéfice Non Commercial

BTP

: Bâtiments et Travaux Publics

CA

: Chiffre d'Affaire

Commission

: Commission de l'UEMOA

Conseil

: Conseil des Ministres de l'UEMOA

DD

: Droits de Douane

FMI

: Fonds Monétaire International

IGV

: Impôt Général sur les Ventes

LASM

: Livraison A Soi Même

MC

: Marché Commun

MU

: Marché Unique

OCDE

: Organisation de Coopération et de Développement Economique

PAS

: Programmes d'Ajustement Structurel

RI

: Réel d'Imposition

TCA

: Taxe sur le Chiffre d'Affaires

TVA

: Taxe sur la Valeur Ajoutée

UE

: Union Européenne

UEMOA

: Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

vi

LISTE DES TABLEAUX

? Tableau 1 : caractéristiques de la TVA dans les Etats membres de l'UEMOA avant la réforme communautaire

? Tableau 2 : différents seuils d'assujettissement avant harmonisation

VII

Sommaire

INTRODUCTION GENERALE 1

1ère PARTIE : LA RELATION ENTRE L'INTEGRATION ET LA FISCALITE 4

CHAPITRE I : LES DETERMINANTS FISCAUX DE L'INTEGRATION 6

SECTION I : LES VERTUS DE L'INTEGRATION A TRAVERS LA FISCALITE 6

SECTION II : LES ENJEUX FISCAUX DE L'INTEGRATION POUR LES ETATS MEMBRES DE

L'UNION 10

CHAPITRE II : LA RELATION ENTRE LA TVA ET LE MARCHE UNIQUE 13

SECTION I : LES DIFFERENTS PRINCIPES D'UNE TVA COMMUNAUTAIRE 13

SECTION II : LES FONDEMENTS D'UNE HARMONISATION FISCALE 16

2EME PARTIE : LA TVA ET L'INTEGRATION AU SEIN DE L'UEMOA 22

CHAPITRE I : PROCESSUS DE MISE EN OEUVRE D'UNE TVA HARMONISEE AU SEIN DE

L'UEMOA 24

SECTION I : PRESENTATION DE LA SITUATION AVANT HARMONISATION 24

SECTION II : LES DIFFERENTES ETAPES DE LA MISE EN OEUVRE DE L'HARMONISATION 28

CHAPITRE II : L'IMPACT DES MESURES COMMUNAUTAIRES 34

SECTION I : LES DYSFONCTIONNEMENTS CONSTATES DANS L'APPLICATION DES

DISPOSITIONS 35

SECTION II : LES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS D'UNE TVA EN VUE DE LA

PROMOTION DU MARCHE UNIQUE UEMOA 38

CONCLUSION GENERALE 43

1

INTRODUCTION GENERALE

L'intégration est un processus par lequel deux ou plusieurs pays cherchent à éliminer les barrières douanières existant entre eux pour établir un espace économique unique. Devant les changements profonds qui affectent l'économie mondiale, l'intégration apparaît comme la réponse adéquate au phénomène de la globalisation. Elle vise, face à la compétitivité internationale et à la mondialisation, non seulement à accroître les capacités des pays intégrés, mais aussi à augmenter la crédibilité et à restaurer la confiance des opérateurs économiques de ces pays.

Bella Balassa (1965)1 distingue cinq degrés d'intégration économique dans l'ordre croissant suivant : zone de libre-échange, union douanière, marché commun, union économique (ou marché unique), union économique et monétaire. A travers cette typologie, il apparaît que l'union économique et monétaire est l'étape ultime du processus d'intégration. En analysant de près les différentes étapes du processus d'intégration selon Bella Balassa, la mise en place de l'intégration est conditionnée par quatre types de liberté de mouvement (biens, services, personnes, capitaux). Ces types de liberté de mouvement sont rendus possibles par la suppression des barrières physique, technique et fiscale. Ainsi, les différentes économies de l'Union deviennent interdépendantes. Par conséquent, il y a nécessité de coordination des politiques économiques notamment l'harmonisation des politiques fiscales dans l'Union.

La question de l'harmonisation des politiques fiscales a suscité d'importants débats contradictoires entre les partisans de l'harmonisation fiscale « concertée » et ceux de l'harmonisation fiscale par le marché ou la concurrence fiscale. Les premiers concluent à la nécessité de l'harmonisation fiscale dans la mesure où les différences nationales de pression fiscale deviennent des incitations puissantes à la délocalisation qui peut être source de perte de recettes budgétaires pour certains Etats. Selon les seconds, la concurrence fiscale met fin au gaspillage public, au coût économique exorbitant des recettes collectées, la production des biens et services publics devient efficaces (Emonnot, 2001).

1BelaBalassa, 1965 « Trade Liberalization and revealed comparative », Manchester school of Economics and Social Studies: 90-123

2

Si les différents pays membres d'une Union engageaient des réformes fiscales non concertées, elles pourraient engendrer des effets pervers. En effet, elles risqueraient de déboucher sur une concurrence entre les pays, désireux de soutenir la reprise économique en attirant, par le biais de la fiscalité, des activités économiques. Une telle concurrence fiscale pourrait conduire à des pertes excessives de recettes budgétaires, et se révéler néfaste en définitive pour l'Union dans son ensemble.

Au regard des dangers que ferait naître une intensification de la concurrence fiscale, l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), à l'instar de l'Union Européenne, a manifesté une volonté de parvenir à l'harmonisation fiscale afin de coordonner les politiques fiscales de manière à éviter des réductions non concertées et concurrentielles de taux ou d'assiette. Ainsi, le Conseil des Ministres de l'UEMOA en conformité avec les objectifs de l'Union a adopté les directives suivantes :

- la directive portant harmonisation des législatives des Etats membres en matière de TVA2 ;

- la directive portant harmonisation des modalités de détermination du résultat imposable des personnes morales3 ;

- la directive portant harmonisation des taux de l'impôt sur les bénéfices des personnes morales4.

La TVA apparait comme un élément important de la marche vers l'harmonisation des législations fiscales. Elle est un impôt indirect général organisé et important pour les administrations des Etats membres de l'UEMOA. Elle occupe une place importante dans le panier des recettes fiscales. De ce fait, elle semble le mieux adapté pour compenser les pertes de recettes et favoriser la dynamique de l'intégration au sein de l'Union. De plus, selon Chambas (1994)5 « seule la fiscalité indirecte interne, si elle est fondée sur une TVA bien gérée, peut fournir des recettes fiscales d'un niveau élevé sans entraîner, en raison des qualités de cet impôt, d'importantes distorsions ».

L'une des interrogations fondamentales qui en découle du fait du processus d'harmonisation fiscale entamé dans l'UEMOA porte sur le rôle de la TVA dans la constitution du marché

2 Directive N°02/98/CM/UEMOA portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée(TVA)

3 Directive N°01/2008/CM/UEMOA portant harmonisation des modalités de déterminations du résultat imposable des personnes morales au sein de l'UEMOA

4 Directive N°08/2008/CM/UEMOA portant harmonisation des taux de l'impôt assis sur les bénéfices des personnes morales dans les Etats membres de l'UEMOA

5«Fiscalité et développement en Afrique subsaharienne», CHAMBAS Gérard, Economica, Paris, 1994, 152p

3

unique. De cette question principale découlent d'autres interrogations auxquelles il est important d'apporter des réponses précises. L'absence d'harmonisation de la TVA est-elle susceptible d'entraver la marche vers le marché unique ? Quelle TVA communautaire pour favoriser la marche vers le marché unique ?

L'objectif de cette étude est de montrer précisément que si la fiscalité de façon générale est un élément déterminant dans la marche vers l'intégration, de quelle façon la TVA peut faire obstacle à la constitution d'un marché unique en l'absence d'harmonisation. Cette étude est d'une grande utilité pour aider les autorités communautaires à apprécier le rôle de la TVA dans le processus d'intégration.

La méthodologie adoptée pour apporter des réponses adéquates aux questions spécifiques est basée sur les entretiens avec les responsables de l'administration fiscale et sur la recherche documentaire qui s'appuie sur les nombreux ouvrages relatifs à l'intégration en général, l'intégration des pays de l'UEMOA, l'intégration européenne et à la fiscalité des Etats membres de l'UEMOA en particulier.

La restitution des résultats de la recherche se présente comme suit. Dans un premier temps, il s'agira de faire le rapprochement entre l'intégration économique et la fiscalité (1èrepartie). Il conviendrait ici de rappeler les déterminants fiscaux de l'intégration et également le lien entre la TVA et le marché unique. Dans un second temps, il sera question de faire l'état des lieux de l'application de la TVA au sein de l'UEMOA afin de tirer des implications en termes d'harmonisation (2ème partie).

4

1ère PARTIE : LA RELATION ENTRE L'INTEGRATION ET LA FISCALITE

5

Les nombreuses expériences d'intégration économique à travers le monde ont révélé l'importance des enjeux fiscaux pour les Etats intégrés.

En effet, la fiscalité joue un rôle essentiel dans le programme d'action actuel pour le développement. Elle fournit un flux stable de recettes pour financer les objectifs de développement, tel que la mise en place d'infrastructures économiques ; elle est aussi imbriquée dans de nombreux autres domaines de politique publique, qui vont de la bonne gouvernance à l'intégration économique en passant par la croissance.

Il est nécessaire, pour mieux appréhender le lien entre l'intégration et la fiscalité, de présenter d'abord les déterminants fiscaux de l'intégration (chapitre I) avant de mettre en exergue le caractère intégrateur de la TVA à travers la relation entre celle-ci et le marché unique (chapitre II).

6

CHAPITRE I : LES DETERMINANTS FISCAUX DE

L'INTEGRATION

La fiscalité peut influencer la promotion d'une intégration économique. Ce sont les modalités selon lesquelles la fiscalité peut influencer l'intégration qui sont convenues d'être appelées les déterminants fiscaux de l'intégration.

D'une manière générale, l'intégration économique est considérée comme un facteur efficace ou même une condition indispensable du développement. Dans ce processus, les législations fiscales et douanières peuvent être soit un frein, soit un moteur.

Pour bien saisir le mécanisme par lequel la fiscalité peut influencer une économie nationale et par là même les économies des Etats membres d'une union, il est à priori pertinent d'analyser le débat entre les défenseurs de l'harmonisation fiscale et ceux prônant la concurrence fiscale à travers la mise en évidence des vertus de l'intégration par la fiscalité (section I) et les enjeux fiscaux de l'intégration pour les Etats membres de l'Union (section II).

SECTION I : LES VERTUS DE L'INTEGRATION A TRAVERS LA FISCALITE

La souveraineté des Etats membres en matière de fiscalité semble aujourd'hui mise à mal par la complexité d'adaptation des systèmes nationaux à celui du système fiscal communautaire. La question de la mise en commun des mesures fiscales au sein d'une union suscite une controverse entre les tenants de l'harmonisation fiscale et ceux de la concurrence fiscale (paragraphe II), laquelle controverse découle de la relation entre la fiscalité et la typologie de l'intégration (paragraphe I).

PARAGRAPHE I : LA FISCALITE ET LA TYPOLOGIE DE L'INTEGRATION

La relation entre l'intégration et la fiscalité directe et indirecte peut être mise en évidence à travers la typologie de l'intégration de BALASSA. Ce lien est matérialisé au niveau de

7

l'intégration commerciale (zone de libre-échange, union douanière) et de l'intégration par les marchés (marché commun, marché unique, union économique et monétaire).

A. Au niveau de l'intégration commerciale

La fluidité des échanges commerciaux entre les pays d'un espace communautaire est déterminée par les droits de douane. Les pays membres pratiquent alors dans leur commerce mutuel, des tarifs douaniers nettement plus bas que ceux en vigueur dans leurs relations commerciales avec les autres pays.

L'objectif prioritaire dans cette intégration est le développement des échanges commerciaux intra-communautaires ; ce qui nécessitera par la suite l'élimination des barrières tarifaires et non tarifaires à la libre circulation des produits originaires6.

B. Au niveau de l'intégration par les marchés

A ce niveau, la fiscalité est déterminante pour favoriser la libre circulation des biens, des capitaux, des travailleurs et des services et ce, pour stimuler l'activité industrielle, permettre une meilleure allocation des ressources et améliorer les termes de l'échange.

Dans les conditions du marché unique, l'obstacle des droits de douane étant déjà levé à l'étape de l'union douanière, il ne se poserait plus que le problème de la fiscalité intérieure qui est composée de deux volets à savoir la fiscalité directe et la fiscalité indirecte.

Lorsqu'on s'en tient à la définition économique de l'impôt direct et à celle de l'impôt indirect, il ressort que l'impôt direct est adapté à l'exercice d'une fonction de redistribution. L'impôt indirect, par contre, est censé remplir la fonction d'allocation7.

Cependant, l'analyse de BENASSY et ALII (2005)8 révèle que le fondement économique de la fiscalité n'est pas respecté dans la pratique. Ce non-respect conduit donc les Etats intégrés à

6Cf. le Cacheux Jacques, 1996 : L'intégration européenne et la fiscalité, cahiers français n°274, pp. 65-66

7Musgrave Robert «Public Finance in theory and practice»,1989 8Benassy et Alii 'Politique Economique'Ç De Boeck, Bruxelles, 2005

8

utiliser la fiscalité directe dans un but d'allocation tel que les réductions d'impôts en faveur de tel ou tel type de consommation ou d'épargne, exemptions d'impôt sur les sociétés (IS) pour certains types d'investissements ou certaines catégories d'entreprises, allègements de cotisations sociales pour favoriser l'emploi.

En revanche, ces mêmes Etats ont dans la plupart du temps utilisé la fiscalité indirecte dans un but de redistribution (par exemple la pratique de la TVA à taux réduit sur les produits de première nécessité). C'est la raison pour laquelle le débat théorique sur la fiscalité communautaire a souvent essentiellement porté sur le choix entre l'harmonisation fiscale et la concurrence fiscale.

PARAGRAPHE II : HARMONISATION FISCALE VERSUS CONCURRENCE FISCALE

A- L'harmonisation fiscale

L'harmonisation fiscale consiste à coordonner les politiques fiscales de manière à éviter des réductions non concertées et concurrentielles de taux et d'assiette. En rappel, la politique fiscale participe à la politique économique de l'Union, en contribuant au financement des dépenses publiques et à la redistribution des revenus.

Pour les défenseurs de l'harmonisation fiscale, notamment Guichard et Lefebvre9, cette dernière trouve son fondement dans la lutte contre la délocalisation des entreprises dû au fait que certains Etats membres de l'Union appliquent des taux d'imposition plus bas ou d'autres méthodes de gestion fiscale plus favorables par rapport aux autres Etats.

Cependant, en l'absence d'une harmonisation fiscale, la coordination fiscale paraît nécessaire. La coordination fiscale consiste pour les Etats à coordonner leur politique fiscale respective, aussi bien pour les textes adoptés que les échanges d'information, de sorte que les décisions d'un Etat n'impactent pas sur l'économie d'un autre. Elle permet en outre de contrôler les effets indirects de la fiscalité sur l'intégration lorsque les dispositions adoptées par les Etats intégrés vont à l'encontre des principes de base du marché unique. Dès lors, la coordination apparaît comme un moyen de se garantir contre la concurrence fiscale.

9Guichard et Lefebvre, Pour ou contre le système commun de TVA ?, CEPI,1997

9

En somme, on peut dire que l'harmonisation fiscale est un moyen de réaliser pleinement l'intégration économique.

B- La concurrence fiscale

Dans le marché unique, l'interdépendance fiscale entre les différents Etats membres est la règle. Si un pays décide unilatéralement de baisser, par exemple, sa fiscalité sur les entreprises, le principe de libre circulation va favoriser la délocalisation de facteurs de production aux dépens des autres Etats membres. C'est là qu'apparaît la concurrence fiscale.

La concurrence entre les systèmes fiscaux des différents pays peut être saine, quand elle aboutit par exemple à la réduction des dépenses publiques excessives ou à l'allégement de la pression fiscale. Chaque pays évalue en permanence ses régimes fiscaux et ses dépenses publiques en vue de procéder, si nécessaire, à des ajustements pour améliorer l'investissement.

Mais elle est déloyale quand elle incite par exemple l'épargne à se localiser, non en fonction des besoins économiques locaux, mais de la fiscalité des Etats. Il s'agit de détourner l'épargne des autres pays et diminuer ainsi leurs recettes fiscales. Certains pays vont modifier leur système fiscal afin d'attirer l'épargne venue d'ailleurs pour élargir leur part de base imposable mondiale et exporter ainsi leur fardeau fiscal vers les autres pays.

Cette tendance est observée en particulier pour les bases d'imposition mobiles (bases d'imposition qui peuvent se déplacer à tout moment vers le pays offrant un système fiscal favorable) qui sont susceptibles de faire l'objet d'un arbitrage entre les différents systèmes d'imposition au sein de l'Union. C'est donc dans les domaines tels que celui de la fiscalité des entreprises et des épargnes que la baisse est plus visible.

En somme, le choix entre l'harmonisation fiscale ou la concurrence fiscale dépend de l'usage que les Etats intégrés font des recettes publiques, de la nature et de la destination des biens et services publics fournis, finalement du rôle même des Etats dans la consolidation de l'intégration économique.

10

SECTION II : LES ENJEUX FISCAUX DE L'INTEGRATION POUR LES ETATS MEMBRES DE L'UNION

Les économies des Etats membres de l'Union se fixent des objectifs économiques et sociaux fondamentaux qui nécessitent des dépenses publiques, elles-mêmes financées principalement par l'impôt. Or, la fiscalité se répercutant inévitablement sur la plupart des aspects de l'activité économique, sa conception requiert un soin tout particulier, de même que son niveau et donc celui des dépenses qui y sont liées.

A cet effet, deux caractéristiques de la fiscalité sont essentielles à retenir : Premièrement, les incitations fiscales à l'investissement (paragraphe I) Deuxièmement, l'incidence de la fiscalité sur la population (paragraphe II).

.

PARAGRAPHE I : LES INCITATIONS FISCALES A L'INVESTISSEMENT

Une incitation fiscale10 est une réduction temporaire ou permanente, partielle ou totale de la charge fiscale accordée à des agents économiques, à un secteur économique ou social ou à toute activité habituellement taxée. L'objectif étant généralement d'améliorer le comportement des agents sur le plan du civisme fiscal ou de fournir une aide sociale à des catégories données de la population.

Pour mieux assurer le développement économique au sein de l'Union, les Etats membres mettent en place des dispositifs d'incitation à l'investissement. Il s'en suit alors une forme de concurrence fiscale11 entre les Etats, ce qui créé des distorsions dans l'application des législations communautaires ou l'ineffectivité de ces dispositions.

Ces dispositifs se traduisent par des mesures de faveurs allant :

- de l'exonération pure et simple des entreprises aussi bien sur la fiscalité de porte que celle intérieure ;

10Les cahiers du Plan N°12 mars-avril 2007

11La concurrence fiscale est un phénomène dynamique, dans lequel les Etats acteurs interagissent de façon stratégique, parce qu'ils supposent que les impôts jouent un rôle important dans la localisation des capitaux et des investissements. Jean-Charles TREHAN, « quelle politique fiscale pour dynamiser le marché unique ? »

11

- à la délivrance d'attestations diverses constituant des modalités pratiques de prises en charge des divers droits et taxes par les Etats, surtout en matière de TVA pour éviter la rémanence des taxes ;

- au non-paiement de certaines taxes en amont pour les entreprises agréées, ce jusqu'à la réalisation d'opérations taxables par l'entreprise bénéficiaire ;

- Etc.

Certaines institutions internationales telles que le FMI et la Banque Mondiale12 sont unanimes à reconnaître que les régimes d'incitation fiscale n'ont pas atteint les résultats attendus.

Dans le cadre des ensembles économiques régionaux, il est nécessaire que les règles relatives aux mesures incitatives soient harmonisées pour éviter la concurrence entre Etats membres de manière à réorienter la concurrence fiscale vers la qualité du service13. Cette qualité du service pourra éventuellement profiter à la population.

PARAGRAPHE II : L'INCIDENCE DE LA FISCALITE SUR LA POPULATION

L'élaboration de toute politique fiscale devrait tenir compte des objectifs visés et des conséquences probables sur l'économie et sur la population. Le système fiscal a une incidence sur la répartition des revenus et peut avoir un rôle à jouer dans la réalisation des objectifs d'équité sociale.

En effet, l'augmentation des impôts a une incidence plus marquée sur les dépenses de consommation des ménages que l'augmentation de leur revenu. Or le pouvoir d'achat des ménages ne varie pas de manière substantielle du fait d'une stagnation du revenu.

La grande majorité de la population, surtout les ménages les plus pauvres endurent la pression de la fiscalité indirecte sur leurs capacités à effectuer des dépenses de consommation. D'ailleurs, une augmentation des impôts indirects non accompagnés d'une politique de transferts sociaux au profit des pauvres aggrave l'inégalité des distributions de revenus des populations.

Cependant, la mise en oeuvre de politiques de redistribution sociale(santé, éducation,...) au profit des plus pauvres à travers des ressources fiscales mieux mobilisées, a un impact positif

12Banque Mondiale-MICMNE. (2005), « Evaluation du climat de l'investissement » 13 L'observateur de l'OCDE, n°230, Janvier 2002

12

sur l'incidence de la pauvreté. Cette mesure est rendu possible grâce à l'application effective de la législation communautaire du moment où celle-ci prend en compte le bien-être des populations de l'Union.

En somme, la fiscalité joue un rôle essentiel dans le programme d'action actuel pour le développement. Elle fournit un flux stable de recettes pour financer les objectifs de développement, tels que la mise en place d'infrastructures matérielles et elle est impliquée dans de nombreux autres domaines de politique publique.

Dans l'ensemble, la politique fiscale établit le cadre dans lequel s'effectuent les échanges et les investissements internationaux. Par conséquent, le principal défi serait de trouver l'équilibre optimal entre un système fiscal qui soit favorable à l'ensemble des Etats membres, tout en dégageant suffisamment de recettes pour financer les investissements publics.

L'enjeu fondamental pour le système fiscal communautaire est d'établir le meilleur équilibre possible entre ces éléments pour les Etats membres.

13

CHAPITRE II : LA RELATION ENTRE LA TVA ET LE MARCHE UNIQUE

Depuis que le système commun de TVA a été mis en place au sein de l'Union Européenne, son objectif affiché est de créer les conditions nécessaires à l'établissement d'un marché intérieur caractérisé par une concurrence efficace, avec la suppression des taxes à l'importation et de l'exonération fiscale des exportations dans les échanges entre les Etats membres.

Cet objectif sous-tend la conception d'un système de TVA qui soit adapté au marché unique et fonctionne dans l'Union de la même manière que s'il s'agissait d'un seul pays, les biens et services étant taxés dans l'Etat membre d'origine.

Dans la pratique, il serait intéressant d'établir les fondements même d'une harmonisation fiscale (section II), prônée pour la bonne marche du marché unique, après avoir passé en revue les différents principes d'une TVA communautaire (section I).

SECTION I : LES DIFFERENTS PRINCIPES D'UNE TVA COMMUNAUTAIRE

Pour que le marché unique se comporte comme un véritable marché intérieur, sans frontière fiscale, un système « transitoire »14 est mis en place pour permettre aux Etats membres de l'Union de se conformer progressivement aux directives communautaires. Par transition fiscale15, il faut entendre le passage des régimes fiscaux nationaux actuels à un régime fiscal communautaire conçu dans l'optique de l'intégration économique des pays de l'Union.

Ce système doit être remplacé à terme par un régime définitif de taxation des échanges entre les Etats membres reposant sur la base de leur imposition dans l'Etat d'origine, faisant de l'union un seul et unique espace fiscal.

14 Jean-Charles TREHAN «Quelle politique fiscale pour dynamiser le marché unique ? », Fondation pour l'innovation politique, octobre 2006

15 opcit

14

Ce régime transitoire est fondé sur le principe de destination (paragraphe I) pour les entreprises et sur le principe d'origine (paragraphe II) pour les achats transfrontaliers individuels.

PARAGRAPHE I : LE PRINCIPE DU PAYS D'ORIGINE

A- le principe

Selon ce principe, les biens et services sont taxés là où ils sont produits, quel que soit le lieu où ils sont consommés. L'avantage est double : il n'y a pas besoin de contrôle aux frontières et, puisque les exportations ne circulent plus hors TVA, les possibilités de fraude fiscale devraient être moins nombreuses.

Considérons le cas de deux pays, le pays A où le taux de TVA est de 5% et le pays B où il est également de 5%. Une entreprise du pays A exporte vers B un bien dont le prix hors taxes est de 100f, et qui sera finalement vendu en B pour 300f hors taxes.

Selon le principe d'origine, le pays A lève une TVA de 5f sur le bien exporté, ce qui permet bien d'imposer à 5% la valeur ajoutée produite sur le territoire de A. Dans le pays B, l'entreprise importatrice collecte une TVA de 15f et déduit 5f (TVA effectivement supportée sur le bien importé). La TVA nette versée au gouvernement de B est de 10f, ce qui assure la taxation à 5% de la valeur ajoutée générée sur le territoire de B (soit 200f). Le pays A recouvre sur cette transaction une recette fiscale de 5f correspondant à la valeur ajoutée créée (100f) tandis que le pays B reçois 10f sur la valeur ajoutée créée sur son territoire (200f) ; Soit une TVA collectée cumulée de 15F répartie entre les deux pays.

B- Les conséquences

Le principe du pays d'origine est conforme au mécanisme selon lequel la TVA est une taxe sur la valeur ajoutée, donc chaque Etat prélève la taxe en fonction de la valeur ajoutée créée sur son territoire.

Le montant total de la taxe acquittée sur un bien ou un service est la somme des taxes acquittées sur la valeur ajoutée incorporée dans chaque pays, en appliquant le taux de TVA de

15

ces pays. Par conséquent, chaque Etat perçoit la taxe correspondant à la valeur ajoutée incorporée sur son territoire. Il y a alors une distribution du produit de la TVA entre les deux pays.

PARAGRAPHE II : LE PRINCIPE DU PAYS DE DESTINATION

A- Le principe

Le principe de destination est conforme au mécanisme selon lequel la TVA est un impôt sur la consommation et doit donc s'appliquer dans le pays de destination qui est le pays potentiel de consommation. Le taux appliqué est celui du lieu de consommation : les achats s'effectuent toujours hors taxes ; la TVA n'est plus perçue aux frontières mais à partir de la réception des marchandises dans le pays de destination.

Considérons toujours nos pays A et B. dans ce cas-ci, le pays A ne perçoit in fine aucune recette de TVA, puisque la consommation finale n'a pas lieu en A : soit l'exportation est exonérée, soit elle est taxée (à 5%), et la recette est rétrocédée à B par un mécanisme de compensation entre Etats. Dans le pays B, l'entreprise importatrice collecte 15f de TVA. L'importation est taxée par B à 5%. L'entreprise importatrice liquide cette TVA et la déduit immédiatement. La TVA nette versée au pays B est de 15f, ce qui correspond bien à une taxation du bien au taux du pays de consommation finale, le produit de la taxe étant intégralement versé à ce pays. De même que dans le cas du pays d'origine, on aboutit à une taxe finale collectée par un seul pays de 15f.

B- Les conséquences

Ce principe assure la neutralité au niveau de la production, puisque la taxe doit être déductible à tous les stades du processus de production (même si elle a été payée dans un autre Etat membre).Toutefois, l'application du principe rend possible une discrimination du système fiscal entre les biens produits dans le pays et consommés localement et ceux destinés à l'exportation. En effet, les biens produits dans le pays et destinés à la consommation locale supporteront la TVA alors que les biens destinés à l'exportation seront exonérés.

16

Par ailleurs, ce principe exige une surveillance des flux d'échanges transfrontaliers et une coopération administrative, puisque les biens et services circulent hors TVA. Cette exigence s'explique par le fait que le risque de fraude est élevé à cause des frontières qui sont souvent poreuses à certains endroits.

Ce principe a toujours été mis en oeuvre par l'application d'un taux zéro aux exportations et la taxation des importations, la taxe totale due sur une marchandise étant déterminée par le taux de TVA en vigueur dans le pays de la vente finale et par le montant de recettes lui revenant.

La mise en oeuvre du principe de destination par l'application d'un taux zéro aux exportations suppose un dispositif de suivi des flux de produits et services qui traversent les frontières. Les tendances récentes à l'intégration régionale et le développement de l'internet ont rendu la situation plus complexe. La TVA pose ainsi des problèmes particuliers s'agissant du traitement des échanges communautaires de services et de redistribution des recettes de TVA entre les pays.

Pour faire face à tous ces problèmes, il serait indispensable de recourir à une harmonisation plus poussée des législations fiscales nationales en général et de la TVA en particulier. Cela passe par une maîtrise des fondements mêmes de cette harmonisation afin de parvenir à un véritable marché unique.

.

SECTION II : LES FONDEMENTS D'UNE HARMONISATION FISCALE

L'harmonisation fiscale doit respecter des conditions (paragraphe I) et un certain contenu (paragraphe II) pour valider sa mise en oeuvre.

PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DE L'HARMONISATION FISCALE

Comme toute autre action communautaire, l'harmonisation des fiscalités nationales intervient dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché commun par le rapprochement des législations.

17

Cette définition indique une double subordination de l'harmonisation fiscale :

- elle est subordonnée sur le terrain économique ou du moins de la politique législative de la Communauté.

- elle est aussi subordonnée en tant qu'instrument au service d'objectifs. Ainsi une telle harmonisation devra justifier d'une base juridique appropriée.

A- La nécessité économique de l'harmonisation fiscale

Pour juger de la nécessité économique d'une harmonisation fiscale, il faut que les moyens de cette harmonisation soient mis en parallèle avec le contenu des objectifs à atteindre. Or ces objectifs ont évolué : d'un marché commun l'on est passé à un marché unique et aujourd'hui à la réalisation d'une Union économique et monétaire. Ainsi la modification des buts ne peut laisser indifférente l'appréciation de la nécessité de l'harmonisation fiscale.

Selon la Commission de l'UE, dans son livre blanc16, « l'abolition pure et simple des frontières fiscales est le seul moyen d'atteindre le but visé, à savoir la libre circulation des personnes et des biens au sein de l'Union ».

Un marché unique est donc un espace où les biens, les capitaux, les services et les personnes devraient circuler librement. Sa mise en place exige donc l'élimination des obstacles à cette libre circulation. Le marché unique reflète alors un approfondissement du marché commun où il ne saurait être question de frontières ou d'obstacles à l'intérieur d'une seule économie.

B- Les modalités de prise des décisions et de résolution des problèmes

Recenser les objectifs économiquement nécessaires à la réalisation du marché unique et à son bon fonctionnement ne signifie pas forcément que toutes les conditions soient réunies pour procéder à l'harmonisation fiscale.

16Livre Blanc, OPOCE, juin 1985, p.56.

18

En effet, entre la rationalité économique et les possibilités juridiques qu'offrent les Etats membres, il peut y avoir une marge non négligeable. C'est la raison pour laquelle, le législateur communautaire doit prendre en compte les capacités des Etats membres dans le processus de prise de décision et de résolution des problèmes. Pour ce faire, le législateur communautaire agit en suivant le principe de subsidiarité et le principe de proportionnalité.

1. Le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d'elle-même. C'est donc le souci de veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l'être avec plus d'efficacité à un niveau plus bas, c'est-à-dire la recherche du niveau pertinent d'action publique.

Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs envisagés ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. Ce principe nous montre combien, par un manque de compétence exclusive, il est difficile d'aboutir à une harmonisation. La communauté n'a donc pas une habilitation générale17.

2. Le principe de proportionnalité

Le principe de proportionnalité est un principe d'adéquation des moyens à un but recherché. Au sein d'une Union, le principe de proportionnalité implique que le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Dans l'Union européenne par exemple, le principe de proportionnalité dispose que la Communauté européenne ne doit pas, dans l'exercice de ses compétences, faire plus que ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs. Ainsi, dans la mesure du possible, elle doit :

? d'un point de vue formel, privilégier les moyens d'actions les moins contraignants pour les États membres (ex : la directive par rapport au règlement) ;

? sur le fond, éviter de prendre des législations excessivement détaillées.

17COMMUNIER Jean Michel, Droit fiscal communautaire, Bruxelles, Bruyant, 2001

19

En d'autres termes, ce principe implique que l'intervention de la Commission en charge de l'Union n'est exigée et justifiée que si la réalisation des objectifs communautaires n'est pas garantie, l'achèvement du marché unique est compromis et à condition que les Etats membres ne prennent pas de leur propre initiative les mesures qui s'imposent. L'intervention communautaire ne doit pas aller au-delà de ce qui est requis pour mettre en oeuvre les principes communautaires.

Si ces principes justifient et fondent une harmonisation fiscale, il n'est pourtant pas négligeable de noter que ces mêmes principes peuvent être l'objet d'un blocage politique. L'avancée que constitue la création d'un marché unique et de l'Union économique et monétaire, expression d'un volontarisme politique, doivent faire l'objet de réflexions suffisantes en termes de conséquences fiscales.

PARAGRAPHE II : LE CONTENU DE L'HARMONISATION FISCALE

Le contenu de l'harmonisation est en étroite dépendance des conditions requises pour son intervention. L'objectif poursuivi par le législateur va également influer sur le contenu qui sera donné à l'harmonisation. De ce point de vue, l'objectif devrait commander aussi bien la méthode que les principes nécessaires à sa réalisation.

Au-delà des méthodes utilisées, il est bien évident que les principes sur lesquels le législateur communautaire fonde son action vont commander surtout, sinon plus, les règles matérielles posées par les textes d'harmonisation.

A- l'harmonisation de la fiscalité directe

Les textes adoptés concernant l'harmonisation des fiscalités directes sont essentiellement guidés par l'idée de neutralité de l'impôt sur les transactions transfrontalières et de l'élimination des doubles impositions. Le processus est commandé et subordonné juridiquement à la mise en place et au fonctionnement du marché intérieur.

En conséquence, le législateur s'efforce d'adapter les fiscalités nationales pour gommer les effets cumulatifs issus de la territorialité des différentes lois nationales. Cette méthode consiste

20

à harmoniser les règles nationales applicables aux situations des transactions commerciales transnationales.

B- l'harmonisation de la fiscalité indirecte

Pour Hervé DIATA et Antoine N'GAKOSSO18, l'intérêt particulier accordé aux impôts indirects se justifierait par la définition même de cette catégorie d'impôts. Pour eux, les taxes sur les chiffres d'affaires (TCA) et les accises appartiennent aux impôts qui se répercutent intégralement et directement sur le consommateur.

Les impôts indirects étant ceux qui touchent la dépense, la consommation ou l'échange, ils ont donc une propension à porter atteinte à la concurrence pure et parfaite au sein de l'Union. Par conséquent, il paraît nécessaire d'harmoniser les fiscalités intérieures en mettant l'accent sur les impôts indirects.

Le rapprochement des législations fiscales intérieures visent notamment la cohérence des systèmes internes de taxations, l'égalité de traitement des opérateurs économiques au sein de l'Union et l'amélioration du rendement de la fiscalité indirecte intérieure.

La fiscalité indirecte, notamment la TVA, semble la mieux indiquée pour compenser les pertes de recettes issues du désarmement tarifaire et qui conviendrait à la dynamique d'intégration économique en conservant ses vertus de neutralité.

C- Le cas particulier de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)

La TVA est une invention française adoptée par plus d'une centaine de pays dans le monde19. Elle se développe davantage avec les processus d'intégrations économiques et monétaires20. Elle est un impôt général sur la dépense perçue selon un système de paiement fractionné sur la valeur ajoutée apportée par chacun des opérateurs intervenant dans le circuit de la production et de la distribution.

18Revue africaine d'Intégration, volume 1, N°1, janvier 2007

19En 1993, 85 pays à travers le monde pratiquaient la TVA. Aujourd'hui, c'est plus d'une centaine de pays qui pratiquent la TVA. Jean-Jacques Philippe, la TVA à l'heure de l'Europe

20Les pays membres de l'UE comme ceux de l'UEMOA ont adopté la TVA comme système d'impôts sur la dépense en remplacement de la taxe sur le chiffre d'affaire pour ceux d'entre eux qui appliquait ce dernier système.

21

La neutralité de la TVA est certainement une des qualités les plus importantes du point du traitement des opérateurs économiques et partant de la consolidation du marché unique. Elle peut s'apprécier sous plusieurs aspects : neutralité à l'égard de la structure des circuits de distribution par exemple, ce qui est fondamental dans un marché unique.

Cette neutralité n'existe cependant que si la TVA est convenablement préparée et administrée, c'est-à-dire avec une base plus large possible couvrant l'ensemble des biens et services, une structure de taux simple et des mécanismes de déduction et de remboursement efficaces. Force est de constater qu'il existe des faiblesses en ce domaine, notamment du point de vue de la persistance des exonérations et des pratiques d'abattement de l'assiette, voire du fonctionnement défaillant des procédures d'administration de la taxe.

L'harmonisation de la TVA semble mieux adaptée pour garantir sa neutralité et l'équité horizontale des populations de l'espace communautaire. En effet, des écarts de TVA trop importants altèrent les gains du libre-échange, à travers par exemple, les détournements de trafic et peuvent également fragmenter l'espace économique communautaire, d'où l'entrave à la constitution d'un marché unique.

Pour Chambas Gérard (2004), un des grands avantages de la TVA est qu'il est possible tout en l'adaptant au contexte particulier d'économies en développement, d'en conserver les propriétés de neutralité économique tout en recouvrant des recettes fiscales importantes, d'où la nécessité d'harmoniser les législations fiscales au sein des Etats de l'Union.

Au vu de cette importance de la TVA dans un espace communautaire, il est important que la règle communautaire délimite avec précision le domaine de compétence de l'Union et celui des Etats membres c'est-à-dire qu'il soit appliqué le principe de subsidiarité.

En somme, les pays dotés d'un régime de TVA bien conçu et mis en oeuvre sont susceptibles de rencontrer moins de difficultés dans le long terme. Les clés du succès sont le choix d'un bon modèle de TVA, une législation et des procédures simples, des administrations bien organisées et dotées de moyens suffisants. La bonne gestion de cette TVA augure une meilleure compréhension par les contribuables de leurs obligations, et donc une amélioration des comportements. Cela permettra de renforcer également le processus d'intégration par l'harmonisation des législations fiscales.

22

2EME PARTIE : LA TVA ET L'INTEGRATION AU SEIN DE L'UEMOA

23

L'UEMOA est née depuis la signature de son traité le 10 janvier 1994 à Dakar au Sénégal, par la conférence des Chefs d'Etat et mise en vigueur le 1er août 1994.

Conformément aux dispositions du traité de l'UEMOA et aux priorités définies par les Chefs d'Etat et de Gouvernement, la Commission a entrepris des actions en vue de l'harmonisation des politiques fiscales des Etats membres pour le bon fonctionnement du marché unique. Cette harmonisation permettra la création d'un marché régional favorisant une meilleure allocation des ressources et assurant plus d'équité entre et au sein des groupes d'acteurs (Etats, entreprises, consommateurs, populations, etc.) et à l'intérieur de l'Union.

La création du marché unique implique nécessairement la libre circulation des personnes, des biens et services. Dès lors, aucune restriction de quelque ordre que ce soit ne doit subsister. Or, la fiscalité peut constituer une source de distorsion de concurrence, voire une entrave à la libre circulation souhaitée. Le risque est, en effet grand que, malgré leur adhésion à l'objectif de création d'un marché unique, les Etats n'utilisent l'instrument fiscal pour restreindre la fluidité des échanges intra-communautaires et accorder ainsi une protection (illégale) à leurs productions nationales.

Le risque de distorsion est particulièrement grand quand il s'agit de la fiscalité indirecte. C'est elle qui affecte la consommation, et donc les échanges. Or, le marché unique doit se comporter comme un marché intérieur national. C'est-à-dire promouvoir l'intégration en garantissant une saine concurrence entre biens interchangeables.

C'est dans ce cadre qu'un programme d'harmonisation des fiscalités indirectes intérieures des Etats fut élaboré, avec l'appui du FMI et de la coopération française. La TVA, qui forme avec les taxes spécifiques de consommation, l'ossature de cette fiscalité indirecte intérieure, semble toute indiquée pour servir de tremplin à cette harmonisation. Il est donc nécessaire de passer en revue l'état de la mise en oeuvre de l'harmonisation de la TVA au sein de l'UEMOA (chapitre I) et d'entrevoir des perspectives en vue de la promotion du marché unique (chapitre II).

24

CHAPITRE I : PROCESSUS DE MISE EN OEUVRE D'UNE TVA HARMONISEE AU SEIN DE L'UEMOA

L'objet de ce chapitre est d'exposer le contenu de l'harmonisation de la TVA au sein de l'UEMOA en retraçant la situation avant harmonisation (section I) d'une part, et d'autre part, les différentes étapes de la mise en oeuvre de l'harmonisation de la TVA au sein de l'Union (section II).

SECTION I : PRESENTATION DE LA SITUATION AVANT HARMONISATION

Pour bien comprendre les fondements et modalités de l'harmonisation des législations en matière de TVA, il est important de rappeler succinctement les systèmes de TVA internes en vigueur avant la réforme communautaire.

La TVA en tant qu'impôt moderne a été l'un des points focaux des réformes préconisées par les institutions de Brettons Wood dans le cadre des Programmes d'Ajustement Structurel(PAS). Au début des années 1990 tous les Etats membres de l'UEMOA étaient sous programmes de la Banque Mondiale(BM) et du Fonds Monétaire International(FMI).

Le tableau suivant donne les principales caractéristiques de la TVA appliquée par les Etats membres avant les réformes :

25

Tableau 1 : caractéristiques de la TVA dans les Etats membres de l?UEMOA avant la réforme communautaire

 

Date d'institution de la TVA et référence de la loi

Taux
en vigueur

Date de
modification

Assiette

Bénin

12 avril 1991. Loi de finances n°91-014

18%

1994, extension de
la TVA au commerce
de détail

Généralisée

Burkina Faso

03 décembre 1992.
Loi n°04/92 ADP21

18%

Juillet 1996

Généralisée

Côte d'Ivoire

31 décembre 1959. Ordonnance n°59-261 portant nouveau
code des contributions indirectes

10% et 20%

1994, réduction du
nombre de taux

Généralisée

Guinée
Bissau

31 mars 1997. Loi n°16/97 IGV (Impôt Général sur les Ventes)

10% et 15%

ND

Sectorielle

Mali

30 décembre 1990. Loi n°90-115

10% et 15%

1994, taux

Sectorielle

Niger

19 septembre 1985. Ordonnance n°85-29 portant loi de
finances 1986

15% et 25%

Septembre 1994

Généralisée

Sénégal

1990

10% et 20%

1990

Sectorielle

Togo

1er Juillet 1995. Loi de finances

7% et 18%

1997, taux unique

Sectorielle

Source :construit à partir des données du Rapport sur l'Evolution des législations des Etats membres en matière de taxe sur la Valeur ajoutée(TVA) avant la réforme communautaire de 1998, Commission de l'UEMOA, Septembre 2008.

21 A l'institution de la TVA, les taux en vigueur étaient de 10%(taux réduit) et 15%(aux normal). Le taux unique de 18% a été institué en 1994

26

PARAGRAPHE I : LE CHAMP D'APPLICATION

Le champ d'application de la TVA adoptée individuellement par chaque Etat couvre des opérations diverses telles que les importations, la production, le commerce général et les services. Dans certains Etats, il a été étendu à des services publics comme la distribution d'eau, d'électricité et de téléphone. La plupart des Etats ne l'appliquent pas au secteur agricole, aux banques, aux assurances, aux transports et aux secteurs sociaux (éducation et santé).

PARAGRAPHE II : TAUX ET SEUIL D'ASSUJETTISSEMENT

Les taux pratiqués présentent des différences nettes. Deux conceptions s'affrontent, à savoir le taux unique et les taux multiples.

Le taux unique offre l'avantage de la simplicité et de l'efficacité dans la mobilisation des ressources. Il est fortement recommandé par le FMI dans les pays en voie de développement en raison de la faiblesse de leur administration fiscale.

Les taux multiples permettent une plus grande souplesse dans la prise en compte des aspects socio-économiques eu égard à la pauvreté quasi- généralisée dans les pays de l'UEMOA. La Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Mali ont adopté le système des taux multiples.

L'analyse du seuil d'assujettissement laisse apparaître de grandes divergences au regard du régime réel d'imposition. La situation se présentait comme suit :

27

Tableau 2 : différents seuils d'assujettissement avant harmonisation

 

Seuil d'imposition

Personnes assujetties

Livraisons de

biens

Prestations de

services

Benin

Toutes personnes morales quel que soit le CA ainsi que les personnes assujetties à l'impôt sur les BNC et les entrepreneurs de bâtiments(BTP).

CA supérieur à 40 millions FCFA

CA supérieur à 10 millions FCFA

Burkina Faso

Toutes personnes morales

CA supérieur à 30 millions FCFA

CA supérieur à 15 millions FCFA

Côte d'Ivoire

Toutes entreprises quel que soit le CA annuel

-

-

Guinée Bissau

Importateurs, Commerçants grossistes

-

CA supérieur à

1.400.000 FCFA

Mali

Toutes entreprises quel que soit le CA annuel

-

-

Niger

Toutes personnes morales

CA supérieur à 30 millions FCFA

CA supérieur à 10 millions FCFA

Sénégal

Toutes personnes morales

CA supérieur à 50 millions FCFA

CA supérieur à 25 millions FCFA

Togo

Toutes personnes morales ou physiques quel que soit le CA annuel

-

-

Source :construit à partir des données duRapport sur l'Evolution des législations des Etats membres en matière de taxe sur la Valeur ajoutée(TVA) avant la réforme communautaire de 1998, Commission de l'UEMOA, Septembre 2008.

28

On remarque que tous les systèmes de TVA en vigueur étaient caractérisés par leur manque de cohérence. De tels systèmes étaient donc peu favorables au processus d'intégration au sein de l'Union et aux traitements équitables des opérateurs économiques de l'Union.

Depuis lors on observait un mouvement naturel de convergence sous le fait de la pratique. En effet, les pays pour lesquels la TVA était sectorielle ont amorcé un mouvement de généralisation. Dans les pays comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso, les agriculteurs peuvent être soumis à la taxe sur option.

SECTION II : LES DIFFERENTES ETAPES DE LA MISE EN OEUVRE DE L'HARMONISATION

La mise en oeuvre de toute harmonisation est conditionnée par un certain nombre d'actes de portée juridique (paragraphe I) et d'un calendrier de mise en oeuvre (paragraphe II). Le processus de l'harmonisation au sein de l'UEMOA se présente comme suit :

PARAGRAPHE I : LE CADRE JURIDIQUE

Le programme d'harmonisation est adopté par décision édictée par le Conseil des Ministres. Le même acte charge la Commission d'élaborer des actes communautaires (directives ou recommandations) nécessaires à la mise en oeuvre du programme en concertation avec les Etats membres.

A- La décision du Conseil

Les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles désignent. Elles peuvent concerner des personnes autres les Etats membres. Lorsqu'elles engendrent une obligation pécuniaire, elles valent titre exécutoire. L'exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel elle a lieu.

29

Dans le cas précis de l'harmonisation de la TVA, la décision n°01/98/CM/UEMOA portant adoption du programme d'harmonisation des fiscalités indirectes intérieures au sein de l'UEMOA fut le point de départ. Elle a été adoptée par le Conseil des Ministres du 03 juillet 1998 à Dakar au Sénégal. Elle vient exprimée les besoins de convergences des méthodes de l'administration des fiscalités indirectes intérieures au sein de l'Union avec pour priorités la taxe sur la valeur ajoutée(TVA) et les droits d'accises.

Le schéma des réformes à entreprendre étant établi, la Commission chargée de préparer les actes communautaires élabore les projets d'actes pour la mise en oeuvre du programme. Ces activités sont réalisées en concertation avec les Etats membres. Toutefois, les Etats membres ont la latitude d'entreprendre ou de préparer des réformes internes nécessaires aux objectifs d'harmonisation.

B- Les actes communautaires

Le programme d'harmonisation est mis en oeuvre au moyen d'actes communautaires qui peuvent avoir une valeur juridique exécutoire ou facultative. Ces actes sont pris par le Conseil des Ministres et la Commission. Seront ainsi édictées, des directives et des recommandations communautaires.

Les directives lient tout Etat membre quant aux résultats à atteindre. Les Etats membres disposent d'une marge de manoeuvre assez large pour adapter leur législation aux objectifs fixés par la directive. C'est le cas de la Directive n°02/98/CM/UEMOA portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Elle précise et définit les éléments essentiels de l'harmonisation de la TVA notamment le champ d'application, les exonérations, les remboursements etc.

Conformément aux axes retenus dans le programme d'harmonisation, les recommandations sont émises pour le rapprochement des réglementations internes en vue de renforcer et de moderniser les méthodes d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts.

30

PARAGRAPHE II : LE CHRONOGRAMME DE MISE EN OEUVRE DES TEXTES

La mise en oeuvre du programme d'harmonisation de la fiscalité indirecte intérieure s'inscrit dans le chronogramme suivant :

A- La Décision du Conseil des Ministres

Le Conseil des Ministres a adopté la Décision mettant en oeuvre le programme d'harmonisation des fiscalités indirectes intérieures au cours de sa session de juillet 1998. Cette harmonisation sera réalisée conformément au programme annexé à la présente Décision, celui-ci faisant partie intégrante de la Décision.

B- La préparation des Directives et des Recommandations

Les travaux de préparation des directives et des recommandations sont dirigés par la Commission, en concertation avec les Etats membres, au cours du deuxième semestre de l'année 1998 et au cours de l'année 1999.

Ainsi, les projets de directives ou de recommandations seront successivement soumis à l'approbation du Conseil des Ministres à compter de la fin du deuxième semestre de l'année 1998 et au cours de l'année 1999.

Dans cette programmation, la priorité sera accordée à l'harmonisation de la TVA et des droits d'accises. En outre, Les Etats membres étaient tenus d'adopter les mesures internes nécessaires à la mise en oeuvre des Directives au plus tard le 31 décembre 2000.

31

PARAGRAPHE III : LE POINT DES LEGISLATIONS APRES HARMONISATION

On peut dire que l'Union a accompli de très grands projets et a réussi aujourd'hui à adopter une taxe sur la valeur ajoutée commune par Directive22. Ces efforts sont perceptibles notamment au niveau des taux, du champ d'application, des exonérations, des remboursements de crédit TVA etc.

A- Le champ d'application

Conformément à la directive, il est prévu que la TVA s'applique :

- aux livraisons des biens. Comme exemple de livraisons de biens on peut

citer : la vente, la fourniture d'eau, d'électricité, de gaz et de

télécommunication ;

- aux prestations de service ;

- aux prélèvements sur la production de l'entreprise communément appelés

livraison à soi-même (LASM) ;

- aux opérations de productions-ventes ;

- aux activités de construction ;

- aux importations.

Au regard de cette énumération, on peut dire que les autorités de l'Union ont généralisé la TVA à tous les secteurs d'activité. Toutefois, le secteur agricole n'est pas cité dans le champ d'application de la TVA par l'article 4 de la Directive, en attendant la définition d'une politique agricole commune.

Les transpositions sont pour l'essentiel, conformes aux dispositions de la Directive N°02/98 portant sur la TVA. Cependant, dans certains Etats membres, les activités agricoles et de transport sont soumises à la TVA de plein droit sans tenir compte des dispositions de l'article 4 de la Directive.

22 Directive n°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée

32

B- Lieu et seuil d'assujettissement

La Directive de 199823 a tenu à préciser aux termes des articles 12 et 13 son champ territorial. Il prévoit à ce propos que le lieu d'imposition d'une livraison est le lieu où le bien est réputé se consommer, et lorsqu'il s'agit d'une prestation de service, c'est le lieu où se produit l'exécution du service qui est considéré. Autrement dit, c'est le principe de destination qui prévaut ici.

Par ailleurs il y a lieu de savoir quand est-ce qu'une entreprise est assujettie à la TVA ? A cette question c'est les articles 15 et 16 qui nous renseignent que : « Les Etats déterminent le seuil de chiffre d'affaire annuel au-dessus duquel les entreprises ou tout autre prestataire ne sont pas assujettis à la TVA...Le montant du chiffre d'affaire annuel tous droits et taxes compris constituant le seuil d'assujettissement est compris entre 30 et 50 millions de FCFA pour les entreprises réalisant des opérations de livraisons de bien, et entre 15 et 25 millions pour les entreprises de prestations de services».

Certains Etats24 n'ont pas respecté les seuils d'assujettissement des entreprises définis à l'article 16 de la Directive. Cela s'explique par le fait que les réalités économiques varient d'un Etat membre à l'autre et le niveau de chiffre d'affaire est moyen dans certains Etats alors qu'il est très important dans d'autres.

L'expérience montre également que certains pays ont tendance à fixer un seuil trop bas et se trouvent confrontés à des difficultés considérables si les services fiscaux n'ont pas la capacité de gérer un grand nombre d'assujettis à la TVA.

C- Base d'imposition

En rappel, la base imposable est la quantité ou la valeur de matières sur laquelle est assis l'impôt.

23 Directive n°02/98/CM/UEMOA portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée(TVA)

24Bénin, Côte d'Ivoire, Mali

33

Les éléments constitutifs de la base d'imposition de la TVA définis dans les législations des Etats membres sont conformes à ceux prévus par l'article 27 de la Directive. Il s'agit :

- pour les livraisons de biens et de services, de la contrepartie obtenue ou à obtenir par les fournisseurs ou le prestataire de services ;

- pour les biens prélevés de leur prix de revient ;

- pour les prestations de services, du montant des dépenses engagées pour leur réalisation ;

- pour les utilisations de biens, de la valeur de l'opération.

Outre, le prix principal de la marchandise ou du service, la base d'imposition comprend les frais accessoires tels que les frais de commission, d'emballage, de transport et d'assurance demandés par le fournisseur à l'acheteur ou au preneur, ainsi que le montant des droits de douane, des droits d'accises et toutes autres taxes applicables aux produits ou aux services, à l'exception de la TVA elle-même25.

Toutefois, des abattements sur la base voire des suspensions d'application de la taxe ont été opérés périodiquement dans certains Etats, occasionnant des distorsions, une complexité dans la gestion administrative de la taxe et des pertes de recettes.

D- Taux d'imposition

Tous les Etats membres disposant d'une TVA se sont conformés aux dispositions de la Directive en matière de taux unique. La plupart des Etats ont choisi aujourd'hui le taux de 18% à l'exception du Niger qui lui applique un taux de 19%.

Au total, la construction d'un véritable marché unique dans lequel toutes les frontières fiscales auront disparues reste un des objectifs de l'UEMOA. C'est pourquoi il est souhaitable que le système actuel de TVA avec son mécanisme de compensations aux frontières puisse évoluer afin de faire disparaître définitivement les frontières fiscales intérieures au sein de l'UEMOA, frontières qui ont été fortement ramollies avec la communautarisation douanière.

25 Article 28 de la Directive n°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998

CHAPITRE II : L'IMPACT DES MESURES COMMUNAUTAIRES

Aujourd'hui, l'UEMOA s'est aperçue de l'effet des taxes sur les chiffres d'affaires sur la libre circulation des produits et marchandises au sein de l'Union. Et c'est pourquoi le premier champ de bataille en matière d'harmonisation des politiques fiscales des Etats membres fut l'institutionnalisation d'une Taxe sur la Valeur Ajoutée commune. Car comme l'a précisé le Conseil des Ministres en juillet 199826 « les objectifs d'harmonisation des politiques fiscales des Etats membres visent le renforcement de la compétitivité des Etats, le développement du commerce avec le reste du monde, la création d'un marché commun régional favorisant une meilleur allocation des ressources et assurant plus d'équité entre les consommateurs à l'intérieur de l'Union».

A lire attentivement les dispositions des Directives communautaires en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée, on se rend vite compte que des préoccupations majeurs en vue de la mise en oeuvre de ces instruments devant accompagner l'union économique (marché unique), voire le processus de l'intégration économique, ne sont pas absentes.

Nous nous proposons dans ce chapitre d'analyser les principaux dysfonctionnements constatés dans l'application des dispositions (section I) et d'entrevoir des perspectives pour promouvoir le marché unique UEMOA (section II).

34

26Décision n°O1/98/CM/UEMOA, bulletin officiel de l'UEMOA n°9 p5

35

SECTION I : LES DYSFONCTIONNEMENTS CONSTATES DANS L'APPLICATION DES DISPOSITIONS

Les dysfonctionnements majeurs relevés se situent au niveau des exonérations et de la base d'imposition (paragraphe I), du seuil d'imposition et du régime des remboursements (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES DYSFONCTIONNEMENTS AU NIVEAU DES EXONERATIONS ET DE LA BASE D'IMPOSITION

A- Au niveau des exonérations

Si le champ d'application est globalement défini dans les législations des Etats membres par des formules qui soumettent la totalité des opérations effectuées à titre onéreux par les assujettis (avec des nuances pour les secteurs agricoles et de transport), il n'en demeure pas moins que les exonérations et exemptions diverses limitent les effets de la taxe.

Souvent, les services fiscaux ne disposent pas d'une liste à jour des entreprises qui bénéficient d'exonérations dans le cadre des divers régimes (agrément, code des investissements, zones franches...)La dépense fiscale occasionnée par les exonérations légales est d'autant plus difficile à évaluer qu'elle se combine avec le coût de la fraude que facilitent les exonérations.

Par ailleurs, la multitude de régimes et la diversité des situations perturbent fortement l'application de la législation. Quoi qu'il en soit, le manque à gagner tant en matière d'impôts directs que d'impôts indirects s'avère important et des solutions s'imposent pour limiter la portée des exonérations.

B- Au niveau de la base d'imposition

La base d'imposition définie dans les législations des Etats membres est non seulement conforme à celle de la Directive, et constitue également un des points de

36

rapprochement des dites législations. Dans la pratique aussi, les Etats s'efforcent de prendre en compte les différents éléments constitutifs des bases taxables de la TVA.

A ce niveau, aucun dysfonctionnement majeur n'a été noté jusqu'à une date récente. Cependant avec la situation économique et sociale qui prévaut depuis un temps et qui est caractérisée par la réduction du pouvoir d'achat et la hausse des prix des biens et services de première nécessité, les pouvoirs locaux des Etats membres de l'Union ont eu recours à des abattements et à des réfactions sur la base taxable et, notamment la valeur taxable en douane.

A l'instar des exonérations, ces abattements réduisent la base de taxation de la TVA, compliquent la gestion de cet impôt et en fin de compte, privent les finances publiques nationales des ressources correspondantes et présentent donc une image déformée de la réalité budgétaire.

PARAGRAPHE II : LES DYSFONCTIONNEMENTS AU NIVEAU DU SEUIL D'IMPOSITION ET DU REMBOURSEMENT DE CREDITS TVA

A- Au niveau du seuil d'imposition

Les insuffisances relevées au niveau du seuil d'imposition ne proviennent pas de la non application par les Etats membres des dispositions de la Directive n°02 de 1998 en ce domaine. Elles indiquent simplement que le seuil d'imposition communautaire est de plus en plus inadapté à l'évolution économique des Etats membres.

En effet, pour certains Etats, ce seuil est devenu trop étroit et ne peut permettre à l'Administration fiscale de limiter le nombre d'entreprises à sa capacité de gestion. Pour d'autres en revanche, le seuil actuel est bon et mérite d'être maintenu, voire revu à la baisse. Dans ce cas-ci, compte tenu de la taille générale des entreprises, l'Administration fiscale se retrouvera avec un nombre extrêmement réduit d'entreprises admises au régime réel d'imposition(RI).

Il est évident que les réalités de chaque pays doivent être prises en compte mais il est bon de garder à l'esprit le souci de simplification et de capacité de la gestion de la TVA. En ce sens, le respect des critères établis par la directive évitera qu'on

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s'oriente vers un seuil excessivement élevé ou, au contraire, vers un seuil anormalement bas.

B- Au niveau du remboursement des crédits TVA

A ce niveau, il convient de souligner que le principe de remboursement n'est pas adopté tel quel par tous les Etats membres. Normalement en situation de crédit, on peut obtenir sur demande, le remboursement de ce crédit. Cependant, il y a des pays27 où seules les entreprises réalisant uniquement des opérations d'exportation ont vocation à obtenir le remboursement de leur crédit.

D'autres Etats payent les crédits, mais les mécanismes varient pour cette catégorie d'Etats avec des dispositifs qui ne fonctionnent pas encore bien. Par exemple au Sénégal, le principe de se faire rembourser au trésor public est reconnu aux entrepreneurs détenteurs d'un crédit TVA, mais ce dernier a aussi la possibilité d'aller négocier son crédit TVA à la banque avec l'inconvénient de supporter des agios.

Une dernière catégorie d'Etats qui ne manque pas de volonté de rembourser mais selon un dispositif de remboursement inefficace et qui fait que les remboursements ne se font qu'une fois l'an. Cela alourdi le crédit à rembourser qui va parfois jusqu'à des dizaines de milliards.

Au regard de l'ensemble des dysfonctionnements relevés, ce n'est pas tant les directives communautaires ni mêmes les principes fiscaux qu'elles renferment qui posent problème mais plutôt la manière d'administrer ou de gérer la TVA.

En somme, notons que malgré les avancées notables de la TVA, l'application des directives relatives aux législations en matière de cet impôt sur la consommation est encore partielle. Les failles et entorses qu'on note ici et là, si l'on y prend pas garde, risquent de conduire l'Union à l'ancienne structure divergente des fiscalités nationales et donc, de compromettre l'harmonisation des fiscalités si bien commencée. Cette dernière contribue non seulement à enrayer, au sein de l'Union,

27 Benin, Sénégal

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les sources de distorsion de concurrence ou les entraves à la libre circulation mais également à assurer une convergence durable des performances économiques réalisées par les Etats membres de l'Union.

SECTION II : LES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS D'UNE TVA EN VUE DE LA PROMOTION DU MARCHE UNIQUE UEMOA

Il ne suffit pas seulement d'éditer des textes pour créer une union, mais il faut veiller surtout au respect de leurs applications par tous les Etats membres. En outre, les procédures de gestion de l'impôt par les différentes administrations fiscales doivent être harmonisées au maximum par adoption de manuels de procédures de gestion de l'impôt et de contrôle fiscal unique à tous les Etats (Paragraphe I) et l'adoption d'un dispositif régional de lutte contre la fraude fiscale (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : ADOPTION DE REFERENTIEL DE MANUELS DE PROCEDURES DE GESTION DE L'IMPOT ET DU CONTROLE FISCAL

La gestion quotidienne de l'impôt ou de l'application des textes par les différentes administrations membres peut être source de distorsion et de concurrence diverses dans l'Union. En effet, un Etat qui aura tendance à accorder des faveurs aux entreprisses ou qui est laxiste dans l'application des textes va créer une niche fiscale dans laquelle s'engouffreront les investisseurs étrangers au détriment des autres Etats. Il y a lieu alors de créer des cadres de concertation entre administrations fiscales en vue de mutualiser les expériences de gestion fiscale. Ces concertations peuvent se matérialiser par l'adoption de manuels référentiels de gestion, aussi bien de l'impôt que du contrôle fiscal.

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A- De la nécessité d'harmoniser les systèmes des exonérations et les règles de remboursements de crédits TVA

Il faudrait pendre des dispositions juridiques appropriées concernant les exonérations en les limitant au maximum. Cependant, des efforts sont nécessaires pour supprimer les exonérations dans les années à venir. Les exonérations sont fondamentalement contraires à la logique économique de la TVA, créant leurs propres distorsions et leurs propres difficultés d'administration et de respect des obligations fiscales.

Une disparité des modes de remboursement des crédits TVA entre Etats nuira à la neutralité de la TVA et créera alors des distorsions entre les transactions et une concurrence fiscale déloyale. Un dispositif de remboursement efficace est donc impératif pour maintenir la TVA en tant qu'impôt sur la consommation et éviter des distorsions dans l'affectation des ressources. Si le remboursement va de soi en théorie, il pose des problèmes considérables dans la pratique, faisant du remboursement le véritable « talon d'Achille » de la TVA. Tout d'abord, rembourser les crédits de TVA peut être l'occasion de fraudes lucratives (par exemple, les exportateurs peuvent faire des demandes abusives en exagérant les montants de la taxe sur leurs achats). Ensuite, le pouvoir donné aux agents du fisc d'effectuer des remboursements peut favoriser la corruption. Enfin, le gouvernement peut être tenté de retarder les remboursements en période de tension budgétaire, créant ainsi des problèmes de trésorerie pour les entreprises. Ceci est particulièrement vrai dans les pays qui effectuent les remboursements à partir des montants bruts de TVA, et ne traitent pas les crédits comme des dépenses.

Révision à la souplesse des seuils de CA pour l'assujettissement d'une entreprise à la TVA ; (il faut que chaque pays, surtout les Etats économiquement faibles, puisse tirer le maximum de recette de la TVA ; ce qui encouragera chaque Etat membre à se sentir concerné par l'intégration et donc à respecter les règles communes établies).

40

B- De la nécessité d'harmoniser les procédures de contrôle fiscal

Dans la plupart des Etats membres de l'UEMOA, le contrôle est un aspect particulièrement faible de l'administration de la TVA. Certaines administrations fiscales n'ont pas de vrais programmes de contrôle et pour celles qui ont introduit quelques éléments d'un tel programme, celui-ci est souvent axé essentiellement sur la vérification préalable des remboursements de crédit TVA. On constate également une tendance à vouloir compenser la faiblesse du contrôle par l'adoption de procédures complexes telles des dispositifs de recoupement systématique et des obligations déclaratives excessives. Sans contrôle efficace, le taux de recouvrement de la TVA diminue, au même titre d'ailleurs que la crédibilité de l'administration fiscale. Le renforcement du contrôle fiscal constitue donc un défi majeur à relever, en particulier dans les pays en développement.

Il y a donc lieu d'harmoniser les procédures de contrôle fiscal car les Etats qui auront un système de contrôle inefficace créeront une niche fiscale c'est-à-dire que les investisseurs étrangers auront tendance à s'y installer au détriment des autres pays, et partant une concurrence fiscale déloyale sera créée.

La mise en oeuvre de programmes de contrôles efficaces est donc déterminante pour assurer le bon fonctionnement de la TVA dans le long terme.

Il faudrait rendre automatique les échanges d'information grâce à la mise en place d'un programme informatique adapté, efficace et surtout plus rapide et ce, dans la perspective de lutte contre la fraude fiscale.

PARAGRAPHE II : HARMONISATION DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'EVASION FISCALE

L'harmonisation du dispositif de lutte contre la fraude passe par la lutte contre la fraude transfrontalière et l'adoption d'un système unifié d'immatriculation des contribuables de l'Union.

41

A- La lutte contre la fraude transfrontalière

La TVA ne peut jouer efficacement son rôle dans l'Union que si des mesures sont prises pour lutter contre la fraude tant à l'échelon national qu'à l'échelle de l'Union. Pour ce faire, nous proposons que le dispositif suivant soit adopté par les différentes administrations fiscales, à savoir :

- augmenter la coopération administrative pour mieux coordonner les actions de la lutte contre la fraude. Il faut que chaque Etat membre soit disposé à échanger des informations à la demande d'une administration fiscale d'un autre Etat membre dans le cadre de toute enquête ;

- fournir les moyens financiers et humains nécessaires à la hauteur de la tâche qu'est la lutte contre la fraude. Il ne faut pas hésiter à mettre les moyens financiers et humains pour accomplir la mission de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Le décalage entre les moyens et l'ampleur de la tâche concernant les contrôles n'est plus à démontrer. Les pays membres ne doivent pas oublier que le bénéfice d'une lutte contre la fraude leur reviendrait automatiquement. Moins de fraude, moins d'évasion fiscale, c'est plus de recettes pour les budgets publics des Etats membres ;

- créer une brigade de contrôle anti-fraude à l'échelle de l'Union. Cette brigade pourra être constitué de compétences diverses ;

- développer des systèmes de communication avec les contribuables pour les informer sur le bien-fondé de l'impôt ;

- offrir aux entreprises des informations plus accessibles et de meilleure qualité au niveau de l'Union. En effet, la disponibilité d'informations précises, fiables et actualisées sur les modalités des régimes de TVA actuellement en vigueur dans les Etats membres est un élément clé pour faciliter le respect des règles par les entreprises en attendant l'introduction de règles similaires dans l'ensemble de l'UEMOA.

B- Un système unifié d'immatriculation des entreprises

Immatriculer un contribuable, c'est lui attribuer un numéro d'identification pour faciliter l'archivage, les recherches et les recoupements des informations le concernant28.

L'immatriculation doit alors permettre d'identifier et localiser toute personne physique ou morale dès lors qu'elle est assujettie à un impôt ou à une taxe. L'administration fiscale ne peut prétendre administrer correctement l'impôt, si elle ne peut localiser et identifier le contribuable.

Le système unifié d'immatriculation des entreprises à l'échelle de l'UEMOA permettra entre autres, de retracer tous les contribuables et de recouper l'information entre les administrations fiscales des Etats membres. A ce niveau on pourrait créer un code d'identification des entreprises de l'Union qui comporterait un certain nombre de chiffres et avec comme début le code postal ou le code bancaire de chaque pays. Chaque Etat immatriculera ses contribuables tout en suivant la codification adoptée.

Telle que présentée dans les perspectives, la TVA pourra pleinement jouer ses vertus au regard de son principe de neutralité et favorisera la dynamique du marché unique au sein de l'UEMOA. Il est donc souhaitable d'améliorer la procédure générale d'administration de la TVA.

42

28BARRO Zoumana, La maîtrise du fichier des contribuables au Burkina Faso : réalités et perspectives, mémoire de fin de cycle, ENAREF 2012

43

CONCLUSION GENERALE

Le rôle joué par la fiscalité dans l'intégration économique régionale au sein de l'UEMOA est un important sujet d'étude, tant théorique qu'empirique.

En vue d'assurer un véritable marché unique à l'UEMOA dans le cadre d'une intégration économique réussi, la TVA apparaît comme le seul impôt qui répond à l'objectif de la mobilisation des recettes fiscales supplémentaires suite au désarmement des barrières tarifaires et de l'intégration verticale entre les Etats, d'où la nécessité d'harmoniser les législations fiscales au sein des Etats.

Notre recherche a eu pour objectif de montrer que si dans l'ensemble, la fiscalité exerce une influence sur l'intégration, la fiscalité indirecte en l'absence d'une harmonisation de la Taxe sur la Valeur Ajoutée entre les Etats membres de l'UEMOA est susceptible d'entraver la marche vers un véritable marché unique.

Dans la première partie, nous avons essayé de présenter le cadre théorique de l'approche fiscale dans les décisions communautaires et leur impact sur le marché unique de l'Union. Cela a essentiellement porté sur le débat entre les partisans de l'harmonisation fiscale et ceux de la concurrence fiscale.

Même si pour certains Etats l'harmonisation de la TVA engendre une perte de recettes budgétaires, elle favorise au moins l'intensification des échanges communautaires, assure la neutralité de la TVA et limite les distorsions qui résulteraient d'une concurrence fiscale (Antoine NGASSOKO).

La question de l'harmonisation fiscale pose à son tour le problème du choix du régime de TVA communautaire. Pour apporter une réponse à cette question, la définition des critères d'une TVA communautaire devra être un prélude.

La suite nous a permis d'apprécier l'impact de l'harmonisation de la TVA suite à la reforme communautaire, laquelle harmonisation comporte toujours des distorsions notamment dans l'administration de l'impôt.

Pris isolément, le mécanisme de TVA institué dans la majorité des Etats de l'UEMOA entraîne certaines entraves au principe de la neutralité de la TVA, ce qui ne permet

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pas à la TVA de jouer pleinement ses vertus. C'est pourquoi, chaque Etat membre devra d'abord éradiquer toutes ces difficultés qui subsistent. Par la suite, une harmonisation plus poussée des législations entre les Etats s'avère nécessaire. Il s'agit d'un long processus dont l'aboutissement nécessite :

- la définition de bonnes règles qui est un exercice intellectuel ;

- le développement de l'efficacité des administrations ;

- un capital de ressources humaines expérimentées et motivées ;

- l'affectation de moyens de fonctionnement suffisants.

Tous ces facteurs ont pour vertu d'assurer la neutralité de la TVA à travers l'ininterruption de sa chaîne de déductibilité, et de favoriser également la promotion du marché unique au sein de l'UEMOA.

A travers les difficultés d'application des textes, on peut noter qu'il y a un travail pénible et divergent pour les Etats membres de s'entendre sur plusieurs points conceptuels de l'harmonisation. Cela démontre qu'il y a des grands travaux à faire au niveau de la conception et de l'application des textes pour la réalisation d'un véritable marché unique.

Toutefois, vu les efforts qui sont déployés dans le sens de la bonne marche de l'Union, nous croyons qu'il y a une lueur d'espoir pour la vie de l'Union dans l'intérêt général de la communauté.

A

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux

V' BALASSA Bela, The theory of Economic Integration, Homewood, Illinois, 1961, 123p

V' BENASSY Agnès, Politique Economique, De Boeck, Bruxelles, 2004, 204p

V' CHAMBAS Gérard, Afrique au sud du Sahara: mobiliser les ressources fiscales pour le développement, Paris, janvier 2005, 191p

V' CHAMBAS Gérard, Fiscalité et développement en Afrique Subsaharienne, Paris, Economica, 1994, 152p

V' COMMUNIER Jean Michel, Droit fiscal communautaire, Bruxelles, Bruylant, 2001, 555p

V' DOUVIER Jean Pierre, Fiscalité Internationale, Paris, Litec, 2001 V' LAURE Maurice, Science fiscale, PUF, Paris, 1993, 312p

V' MUCCHIELLI Jean-Louis et MAYA Thierry, Economie Internationale, Dalloz, Paris, 2005, 420p

V' MUSGRAVE Robert, Public finance in theory and practice, Economic policy

Rapports et revues

V' TREHAN Jean-Charles, Quelle politique fiscale pour dynamiser le marché unique ?, Fondation pour l'innovation politique, Octobre 2006

V' NGAKOSSO Antoine et DIATA Hervé, L'intégration et la nécessité d'une transition fiscale : cas de la TVA dans les pays de l'Union africaine, Revue africaine de l'intégration, volume 1, 2007, 25p

V' NGAKOSSO Antoine, La fiscalité et la dynamique de l'intégration : cas de la constitution du marché unique dans la CEMAC, Revue africaine de l'intégration, volume 2, 2008, 31p

B

V' LE CACHEUX Jacques, L'intégration européenne et la fiscalité, Cahiers français, n°274

V' UEMOA, Législation communautaire sur la fiscalité, 2è édition, collection DTE, Ouagadougou, 2009, 91p

V' UEMOA, L'évaluation de l'application des Directives de l'UEMOA portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée et de Droits d'Accises, Rapport final, Delta International, Cotonou, septembre 2008, 163p

Mémoires

V' POROGO Amadou, la politique fiscale de l'UEMOA et la mobilisation des ressources fiscales intérieures au Burkina Faso, mémoire de fin de cycle, ENAM, Ouagadougou, 2009, 60p

V' ZONG-NABA Mahamadé Amos, L'intégration économique régionale au sein de l'UEMOA et la mobilisation des ressources fiscales intérieures au Burkina Faso, mémoire de fin de cycle, ENAREF, Ouagadougou, 2012, 50p

V' HOMEVOR Alexandre Estri, Intégration régionale et promotion des investissements dans l'espace UEMOA, mémoire professionnel, Université de Cocody-Abidjan, 2005, 56p

V' COULIBALY Anatole, Fiscalité indirecte intérieure et intégration économique : cas de l'UEMOA, mémoire de fin de cycle, ENAREF, Ouagadougou, 1997, 77p

V' DABOUE François, La TVA dans le contexte d?intégration sous régionale, mémoire de fin de cycle, ENAREF, Ouagadougou, 2004

C

Textes législatifs et règlementaires

V' Code des impôts du Burkina Faso V' Code des impôts de la Côte d'Ivoire V' Code des impôts du Sénégal V' Code des impôts du Bénin

V' Décision n°01/98/CM/UEMOA du 03 juillet 1998 portant adoption du programme d'harmonisation des fiscalités indirectes intérieures au sein de l'UEMOA.

V' Directive n°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation

des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée(TVA).

V' Décision n°10/2006/CM/UEMOA du 23 mars 2006 portant adoption du programme de transition fiscale au sein de l'UEMOA.

V' Directive n°02/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant modification de la Directive n°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée(TVA).

V' Traité instituant l'UEMOA

Sites internet

V' www.uemoa.int

V' www.fondapol.org

V' www.impôts.gov.bf

V' www.izf.net

V' www.fontanneau.com

D

ANNEXES

E

ANNEXE 1 : parts respectives des recettes de TVA de 1997 à 2005

Montants en milliards

Parts en %

Années

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Recettes fiscales totales

2251 ,62

2401 ,36

2530,56

2512,24

2731,27

2993,91

2064,66

2354,70

2660,20

3794,06

TVA

604,276

689,32

728,066

763,29

891,1

949,2

1077,79

1208,837

1228,631

1355,66

Parts TVA

26,84

28,71

28,77

30,38

32,63

31,70

52,20

51,33

46,18

35,73

Source : construit à partir des données du rapport final de l'évaluation de l'application des Directives de l'UEMOA

F

ANNEXE 2 : Evolution des recettes de TVA par pays de 1997 à 2006

Réalisations en milliards

Années

Pays

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Bénin

74,945

76,95

89,16

103,45

110,90

128,05

125,90

144,621

147,026

161,05

Burkina Faso

 

58,94

63,65

62,56

84,78

86,83

104,03

119,64

125,04

135,07

Côte d'Ivoire

284

289,2

274,3

251,6

294,6

303,7

286,73

278,53

235,47

323,70

Guinée Bissau

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Mali

57,2

59,6

75,4

81,6

111,2

126,7

139,4

178

185,2

194,7

Niger

18,733

23,038

30,02

31,77

45,276

49,04

51,32

66,98

79,94

86,11

Sénégal

141,3

152,9

176,4

215,6

231,4

262,4

270,5

303,6

345

329,2

Togo

 

78,575

89,660

86,357

89,794

98,041

99,91

117466

110955

12583

Source : construit à partir des données du rapport final de l'évaluation de l'application des Directives de l'UEMOA

Table des matières

AVERTISSEMENT i

i

DEDICACE

iii

REMERCIEMENTS iv

SIGLES ET ABREVIATIONS v

LISTE DES TABLEAUX vi

INTRODUCTION GENERALE 1

1ère PARTIE : LA RELATION ENTRE L'INTEGRATION ET LA FISCALITE 4

CHAPITRE I : LES DETERMINANTS FISCAUX DE L'INTEGRATION 6

SECTION I : LES VERTUS DE L'INTEGRATION A TRAVERS LA FISCALITE 6

PARAGRAPHE I : LA FISCALITE ET LA TYPOLOGIE DE L'INTEGRATION 6

A- Au niveau de l'intégration commerciale 7

B- Au niveau de l'intégration par les marchés 7
PARAGRAPHE II : HARMONISATION FISCALE VERSUS CONCURRENCE

FISCALE 8

A- L'harmonisation fiscale 8

B- La concurrence fiscale 9
SECTION II : LES ENJEUX FISCAUX DE L'INTEGRATION POUR LES ETATS

MEMBRES DE L'UNION 10

PARAGRAPHE I : LES INCITATIONS FISCALES A L'INVESTISSEMENT 10

PARAGRAPHE II : L'INCIDENCE DE LA FISCALITE SUR LA POPULATION 11

CHAPITRE II : LA RELATION ENTRE LA TVA ET LE MARCHE UNIQUE 13

SECTION I : LES DIFFERENTS PRINCIPES D'UNE TVA COMMUNAUTAIRE 13

PARAGRAPHE I : LE PRINCIPE DU PAYS D'ORIGINE 14

A- le principe 14

B- Les conséquences 14

PARAGRAPHE II : LE PRINCIPE DU PAYS DE DESTINATION 15

A- Le principe 15

B- Les conséquences 15

SECTION II : LES FONDEMENTS D'UNE HARMONISATION FISCALE 16

PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DE L'HARMONISATION FISCALE 16

A- La nécessité économique de l'harmonisation fiscale 17

II

B- Les modalités de prise des décisions et de résolution des problèmes 17

PARAGRAPHE II : LE CONTENU DE L'HARMONISATION FISCALE 19

A- l'harmonisation de la fiscalité directe 19

B- l'harmonisation de la fiscalité indirecte 20

C- Le cas particulier de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) 20

2EME PARTIE : LA TVA ET L'INTEGRATION AU SEIN DE L'UEMOA 22

CHAPITRE I : PROCESSUS DE MISE EN OEUVRE D'UNE TVA HARMONISEE AU SEIN

DE L'UEMOA 24

SECTION I : PRESENTATION DE LA SITUATION AVANT HARMONISATION 24

PARAGRAPHE I : LE CHAMP D'APPLICATION 26

PARAGRAPHE II : TAUX ET SEUIL D'ASSUJETTISSEMENT 26

SECTION II : LES DIFFERENTES ETAPES DE LA MISE EN OEUVRE DE

L'HARMONISATION 28

PARAGRAPHE I : LE CADRE JURIDIQUE 28

A- La décision du conseil 28

B- Les actes communautaires 29

PARAGRAPHE II : LE CHRONOGRAMME DE MISE EN OEUVRE DES TEXTES 30

A- La Décision du Conseil des Ministres 30

B- La préparation des Directives et des Recommandations 30

PARAGRAPHE III : LE POINT DES LEGISLATIONS APRES HARMONISATION 31

A- Le champ d'application 31

B- Lieu et seuil d'assujettissement 32

C- Base d'imposition 32

D- Taux d'imposition 33

CHAPITRE II : L'IMPACT DES MESURES COMMUNAUTAIRES 34

SECTION I : LES DYSFONCTIONNEMENTS CONSTATES DANS L'APPLICATION

DES DISPOSITIONS 35

PARAGRAPHE I : LES DYSFONCTIONNEMENTS AU NIVEAU DES

EXONERATIONS ET DE LA BASE D'IMPOSITION 35

A- Au niveau des exonérations 35

B- Au niveau de la base d'imposition 35

PARAGRAPHE II : LES DYSFONCTIONNEMENTS AU NIVEAU DU SEUIL

D'IMPOSITION ET DU REMBOURSEMENT DE CREDITS TVA 36

A- Au niveau du seuil d'imposition 36

B- Au niveau du remboursement des crédits TVA 37

III

SECTION II : LES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS D'UNE TVA EN VUE

DE LA PROMOTION DU MARCHE UNIQUE UEMOA 38

PARAGRAPHE I : ADOPTION DE REFERENTIEL DE MANUELS DE PROCEDURES

DE GESTION DE L'IMPOT ET DU CONTROLE FISCAL 38

A- De la nécessité d'harmoniser les systèmes des exonérations et les règles de

remboursements de crédits TVA 39

B- De la nécessité d'harmoniser les procédures de contrôle fiscale 40

PARAGRAPHE II : HARMONISATION DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA

FRAUDE ET L'EVASION FISCALE 40

A- la lutte contre la fraude transfrontalière 41

B- un système unifié d'immatriculation des entreprises 42

CONCLUSION GENERALE 43

BIBLIOGRAPHIE A

ANNEXES D






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams