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Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel

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par Christophe MABOUNGOU
Université Pierre Mendès-France - Master II 2011
  

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    DE L'HOMME FINI A L'INFINITUDE DIVINE

    La portée philosophique de la destinée humaine chez Maurice Blondel.

    Par Christophe Westar MABOUNGOU

    Introduction

    Dans son article intitulé « Une genèse de la vie sociale selon Maurice Blondel », Léo-Paul BORDELEAU dressant le panorama historique qui a prévalu en Europe après le grand siècle des Lumières écrit : « La seconde moitié du XIXe siècle est marquée d'un renouveau de l'esprit scientifique et philosophique. L'espèce de lassitude qu'éprouvent, à cette époque, la plupart des penseurs à l'égard des grands systèmes rationnels déclenche un regain vers la recherche sous le signe de la force et du dynamisme. Ainsi, dans le domaine de la science expérimentale, c'est sous le signe de l'agir que s'exécutent les travaux en laboratoire, que s'acquièrent des notions opératoires, que s'entassent de matériaux précieux, que progresse le savoir. De la même manière, beaucoup d'oeuvres philosophiques, françaises tout au moins, se présentent comme des Essais pour guider la réflexion vers une productivité spirituelle ; leurs démarches s'inscrivent dans la ligne d'un positivisme spiritualiste dont Ravaisson1(*) a bien discerné les signes dans son mémoire de 1867. Ce positivisme, « ayant pour principe générateur la conscience que l'esprit prend en lui-même d'une existence dont il ne connaît que toute autre existence dérive et dépend, et qui n'est autre que son action »2(*) , est essentiellement un effort pour saisir, par la réflexion critique, l'activité spirituelle dans sa production. Cette tendance vers le concret en parturition traduit l'urgence d'un examen de l'action »3(*).

    Or, il nous semble que de tous les philosophes4(*) ayant baigné dans ce contexte post-lumière encore largement dominé par le kantisme, Maurice Blondel est le seul sinon le premier à avoir osé, non seulement un examen philosophique approfondi de l'action, mais aussi et surtout l'inscription et l'adoption intégrale de ce concept (encore inconnu à l'époque) comme centre de perspective et de recherche philosophique.

    Toutefois, il est symptomatique de relever que l'idée de l'action ou d'une philosophie de l'action est vraisemblablement déjà en germe, dans la partie morale5(*), de la philosophie d'Aristote notamment dans sa théorie de la phronesis qui ouvre les horizons de la praxis. De plus, la conception de l'action initiée par le mouvement intellectuel nord américain au début du XXe siècle notamment Charles Sanders Peirce et William James, et ordinairement connu sous le vocable de pragmatisme6(*), a longuement occulté le vocabulaire lié à la philosophie de l'action.

    Par ailleurs, il est aussi indéniable que Karl Marx (et aussi Engels et Lénine) et le marxisme ont développé une philosophie de l'action basée sur la lutte des classes et la transformation de la nature et des structures économique et sociale7(*) telles que développées dans les thèses8(*) sur Feuerbach. De plus, la philosophie contemporaine9(*) a également développé toute une théorie de l'action10(*) qui repose, tout compte fait, sur l'analyse des concepts dans lesquels l'homme tente de concevoir, de décrire, d'expliquer et de justifier la pluralité de ses actions, une dimension largement influencée par l'analytique anglo-saxonne et les développements issus de Wittgenstein11(*).

    C'est dans cette perspective que dans sa thèse doctorale de 1893, l'Action. Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique, Blondel va entreprendre l'étude du phénomène de l'action à partir de ses plus élémentaires origines jusqu'à son large développement. La démarche phénoménologique de l'action qu'il déploie consiste à analyser le contenu de l'action voulue, afin d'y voir développée toute la diversité des objets qui apparaissent être des fins étrangères mais qui ne sont en réalité que des moyens pour combler l'intervalle entre ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Car l'expérience ordinaire semble démontrer que l'action humaine est souvent incomplète et inachevée. La difficulté qu'il s'attèle à vaincre est certainement celle de savoir : dans l'agir de l'homme, où se situe la solution positive au problème de la vie. Est-elle de l'ordre naturel des choses ? de la science ? ou faut-il recourir à un Transcendant ?

    D'où la problématique existentielle qui cristallise et ouvre l'Action de 1893 :

    « Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens, et l'homme a-t-il une destinée ? J'agis, mais sans savoir ce qu'est l'action, sans avoir souhaité de vivre, sans connaître au juste ni qui je suis ni même si je suis. Cette apparence d'être qui s'agite en moi, ces actions légères et fugitives d'une ombre, j'entends dire qu'elles portent en elles une responsabilité éternellement lourde, et que, même au prix du sang, je ne puis acheter le néant parce que pour moi il n'est plus : je serais condamné à la vie, condamné à la mort, condamné à l'éternité ! comment et de quel droit, si je ne l'ai ni su ni voulu [...] Voilà pourquoi il faut étudier l'action : la signification même du mot et la richesse de son contenu se déploieront peu à peu. Il est bon de proposer à l'homme toutes les exigences de la vie, toute la plénitude cachée de ses oeuvres, pour raffermir en lui, avec la force d'affirmer et de croire, le courage d'agir »12(*).

    Mais que faut-il entendre par cette confrontation des contraires, par cette sorte de dialectique ou d'impasse existentielle des choix humains, de notre agir, du caractère imparfait et inachevé sinon non voulu dont la décision délibérée et la liberté de notre action devraient constituer le principe ? Pourquoi partir, et reprendre à ses frais, ce qui ressemble bien, toute proportion gardée, au fameux argument du pari de Pascal13(*)? C'est à cette alternative que chaque homme est appelé à répondre. Car le problème de la destinée humaine ne s'éclaire en effet que si on le pose dans son ampleur et son intégrité comme fait inéluctable, comme fait universel auquel l'action vient nouer une problématique fondamentale à laquelle nul homme n'échappe. Bref, c'est en quelque sorte notre condition humaine nouée dans les disjonctions structurelles et les antinomies.

    Toutefois, il semble évident que l'action telle que la conçoit Blondel recèle une dimension phénoménologique particulièrement originale : « Plus qu'un fait, c'est une nécessité »14(*), écrit-il. Donc, non pas comme une partie de la philosophie ou seulement comme une thèse philosophique, mais bien plus comme l'expression même du questionnement existentiel qui est au coeur de toute recherche philosophique visant l'homme. Car, il se trouve que la problématique de la destinée et du sens de l'existence humaine, telle qu'énoncée dès l'introduction de la thèse de 1893, implique chez Blondel, la confrontation entre la puissance et l'impuissance, entre le voulu et le non voulu, entre ce que je veux et ce que je ne veux pas. Et que cette disproportion intime ne se manifeste que dans l'expérience vécue de l'action qui se rend opératoire par l'analyse de la finalité, des fins ou des limites de la volonté15(*). Mais, en réalité, que se propose la volonté et qu'est-ce qui la rapporte à l'action ? À distance des positions réductrices ou négatrices du sens de la vie humaine, Blondel s'est efforcé de penser l'homme selon sa méthode d'immanence. De la sorte, comme le note si bien J.-F Mattei, « Blondel part de l'action élémentaire de l'être humain, enraciné dans l'effort intentionnel de l'organisme issu des énergies obscures de la matière, pour suivre son expansion illimitée à travers tous les stades de l'action puis saisir au vif le déploiement et le terme de la destinée humaine [...] Un déploiement progressif, sans aucune solution de continuité, dirige l'action selon une conversion, une épistrophé disait Plotin, non pas vers l'Un ineffable du néoplatonisme, mais vers Celui que Blondel nomme l'Unique nécessaire »16(*) . Pour le dire de façon plus décisive : « en deux mots, la conscience de l'action implique la notion d'infini, et cette notion d'infini explique la conscience de l'action libre »17(*). Il devient évident que saisir le sens et la destinée humaine, dans ces conditions, c'est donc et avant tout chercher à saisir l'orientation de cette dynamique que le concept abstrait seul ne peut définir sans la dénaturer. C'est en un sens qu'on ne peut pénétrer la réalité qu'en se plaçant non pas du point de vue statique de l'entendement, mais du point de vue dynamique de la volonté. Voilà pourquoi chez Blondel, la volonté ou mieux une philosophie de la volonté détermine, comme pour ainsi dire, toutes les articulations de l'action. Et cela est symptomatique, car le premier mot qui ouvre les Carnets Intimes est : « Je veux » (24 novembre 1883)18(*). Mais, comme le souligne si bien R. Virgourlay : « Or la volonté n'est pas simple, elle recèle une complexité dont témoigne l'expérience morale. Le vouloir se heurte à une résistance qui le tient en échec. Contradiction éthique qu'exploite saint Paul dans sa théologie de l'Épitre aux Romains19(*) et que le début de l'Action transpose en termes de disproportion ontologique : « il y a toujours entre ce que je sais, ce que je veux et ce que je fais, une disproportion inexplicable et déconcertante...».20(*)

    Chercher donc à penser la volonté, c'est pour Blondel appréhender la vie non pas telle qu'elle a été ou telle qu'elle devrait être, mais telle qu'elle se révèle à l'homme dans l'immanence de son action. C'est dans l'expérience vécue par l'être humain, par son action et ses implications que se constitue à la fois la question et la réponse au problème de la destinée humaine. Il devient clair que c'est dans toutes les attitudes par lesquelles l'homme cherche à échapper aux exigences de l'action qu'il aboutit à l'expérience d'un inachèvement et qu'il y a nécessité d'ouverture à une action qui n'est pas nôtre, qui n'est pas de l'ordre naturel fini, mais d'un ordre surnaturel infini. C'est là justement qu'apparait l'idée d'une volonté en quête d'achèvement dans l'Unique nécessaire. Il ne s'agit donc pas ici d'une insuffisance de la volonté en tant que telle, mais apparemment d'une insuffisance de l'action. De la sorte, le sens de la vie et de la destinée humaine, à l'ordre dans le questionnement initial, se manifeste alors dans l'effort produit par l'homme pour égaler dans son action l'élan premier de la volonté. Mais si cet effort appelle un questionnement philosophique, c'est précisément parce que pour Blondel, il est toujours renouvelé, jamais achevé. Et c'est dans cette quête d'un achèvement que l'homme ne peut se donner à lui-même que Blondel perçoit l'action secrète et mystérieuse d'une volonté transcendante qu'il appellera l'unique nécessaire ou le tout Autre. Ce qui nous amène donc à un certain nombre d'interrogations qui vont structurer notre propos : quel est le statut de la volonté dans son articulation entre pensée et action (agir) ? Dans son action, l'homme peut-il se suffire à lui-même ou nécessite-il un apport extérieur ? qu'est-ce que pour Blondel la notion de l'Unique nécessaire et en quoi cette notion (sa configuration et son contenu) se rend-elle indispensable dans l'achèvement de l'action ? Comment le Transcendant (s'il existe) est-il découvert et expérimenté par notre volonté ?

    En conséquence, plus qu'une autre référence, c'est la pensée de Maurice Blondel qui nous permet donc d'esquisser les conditions d'une volonté fondée sur l'indissolubilité entre pensée et l'agir. Et l'idée d'une volonté en quête de la rencontre de l'unique nécessaire semble indiquer un projet de reconnaître à un sujet social la capacité de penser et d'évaluer le sens et la portée de son agir.

    Notre ambition, tout au long de ce travail est une tentative de revisitation de l'expérience de la volonté dans sa découverte et dans l'affirmation de l'Unique nécessaire ou le transcendant ou le tout autre selon l'expression de Blondel lui-même.

    Pour ce faire, trois moments importants vont caractériser l'articulation de notre travail.

    La première étape consistera à déployer le contexte d'émergence et de l'élaboration de l'Action de 1893. Elle exposera non seulement les motivations du choix d'un concept dont l'usage n'était pas encore courant à son époque, mais bien plus le dialogue qu'il savait entretenir avec la tradition philosophique et même théologique21(*).

    Le second moment consistera à analyser et à interpréter les différentes articulations de la volonté dans l'Action de 1893 et ses oeuvres ultérieures.

    Enfin, le troisième moment sera celui de la démonstration de l'indestructibilité de l'action volontaire dans cette expérience de l'annonce et de l'affirmation de l'expérience de l'Unique nécessaire.

    CHAPITRE PREMIER

    SITUATION HISTORIQUE DU PROBLÈME:
    Blondel en son Temps

    Introduction

    Il convient de présenter d'abord une vue d'ensemble de l'homme et de l'oeuvre. Le but principal étant d'aider à situer nos analyses ultérieures. Car, il est clair qu'en tant que philosophe, il s'inscrit inéluctablement dans une tradition philosophique. Et que dans cette tradition philosophique, il a marqué son originalité et sa démarche mieux sa méthode philosophiques. Nous commencerons par une esquisse biographique, nous examinerons le problème de l'élaboration de l'oeuvre principale, et enfin nous tenterons de le revisiter dans et à travers le dialogue qu'il a pu entretenir avec d'autres philosophes surtout à propos de la problématique de la volonté.

    1.1. Esquisse biographique

    Il est incontestable que c'est par une approche de deux ouvrages importants : les petits cahiers composés au fil des jours par le jeune Maurice Blondel, principalement de 1883 à 1949 22(*) et ses entretiens avec Frédéric Lefèvre en 192823(*), qu'il est facile de situer les motivations, mieux l'éclosion de sa vocation philosophique24(*). Mais aussi et surtout la rédaction, la soutenance et la publication de sa thèse(1893), malgré les controverses qu'elle suscita à l'époque. En effet, dans un mémoire envoyé à un prêtre de Saint Sulpice, le 9 septembre 1893, Blondel résume son itinéraire, mieux son parcours en ces termes :

    « Pénétré dès mon enfance, par de pieuses influences, élevé par une mère et une tante profondément chrétiennes, entouré d'affection par les bonnes soeurs du couvent.[...] J'ai fait paisiblement mes classes au lycée de Dijon...Sur l'avis de sages directeurs, mes parents, malgré leurs préférences, me laissèrent achever ma rhétorique et ma philosophie comme externe au Lycée. Cette décision était conforme à mon désir : car, dès lors, mon attrait c'était de connaître l'état d'âme des ennemis de la foi, afin de pouvoir efficacement agir sur eux [...] Au sortir du Lycée, très jeune encore, n'ayant point changé d'idée, mais n'entendant aucun appel, je me laissai tout naturellement aller préparer ma licence ès lettres [...]. D'après leur désir, je pris également mon baccalauréat ès sciences et mon baccalauréat en droit ; mais je sentais que ces études auxquelles je m'adonnais accessoirement par obéissance étaient sans intérêt pour moi. La vraie inspiration, qui me vint de mon arrière-pensée, ce fut, alors que j'étais étudiant à la Faculté de Droit de Dijon, de me présenter à l'École Normale : dans le milieu très peu universitaire où je vivais, timide comme je l'étais, très attaché à la vie de famille, de santé délicate, pusillanime à l'excès en face de tout inconnu, jamais je n'aurais seulement conçu ce projet, si je n'y avais pas été soulevé par l'idée qui me pressait secrètement. Sans même remarquer l'étrangeté du moyen, il me semblait que cette École (je ne la connaissais que de nom), qui inspirait autour de moi de l'effroi, était la voie qu'il me fallait prendre pour en venir à mes fins, pour m'armer contre ceux à qui je souhaitais de faire entendre la vérité, pour m'acquérir une connaissance plus directe et plus profonde des esprits égarés ou des incrédules sincères dont mon rêve d'adolescent était de dissiper les préjugés en leur parlant leur propre langage. »25(*)

    Ceci nous oriente à comprendre que le terreau qui préparait le futur philosophe était révélateur des ses origines, de ses choix et de son orientation. L'influence de l'éducation familiale, fortement marquée par le catholicisme constitue un élément essentiel et déterminant qui non seulement va structurer sa pensée, mais surtout sa métaphysique et son anthropologie. En effet, à ses yeux, la philosophie n'est complète en elle-même : elle prépare la voie à une expérience, celle d'abriter dans sa conscience un hôte intérieur.26(*)

    De fait, Maurice Blondel est né à Dijon le 2 novembre 1861, d'une très ancienne famille bourguignonne. La fortune de son père, notaire à l'époque, lui assurait une vie exempte des soucis d'argent. La tradition familiale lui transmettait une éducation délicate et un christianisme solide. Il fit ses études secondaires à Dijon . Il passe son baccalauréat de philosophie, puis, l'année suivante, celui des mathématiques. Sa famille souhaite qu'il prépare l'École polytechnique ; il a les dons nécessaires, puisque l'un de ses cousins, André Blondel (1863-1938), dont il sera proche toute sa vie, y entre et devient un physicien expérimenté réputé, membre de l'Académie des Sciences.

    Il prit ensuite aux Facultés les grades de licencié ès Lettres, de bachelier ès Sciences27(*) et en Droit. L'influence de deux professeurs, Alexis Bertrand au Lycée, et henry Joly à la Faculté des Lettres, contribua à l'orienter vers la philosophie. En 1881, il entre à l'École Normale (que Bergson venait de quitter). Aussi, dès le début de la deuxième année, il fixa son projet de thèse sur L'Action, sujet qui surprit alors et ne fut pas accepté sans difficulté28(*). Les années d'études de Blondel à Paris se terminèrent durant l'été 1886 lorsqu'il réussit, au second essai, l'agrégation. Il avait été étudiant à l'École Normale29(*), dans la promotion de 1881, avec pour condisciples Frédéric Rauh, Pierre Duhem et Victor Delbos (ces deux derniers étant de la promotion de 1882). Ses deux principaux professeur à la rue d'Ulm furent Léon Ollé-Laprune et Emile Boutroux qui le marqueront et l'influenceront considérablement. Le premier développa sur le jeune Blondel l'intérêt pour la philosophie de la religion et les rapports entre philosophie et théologie; tandis que le second l'initiera aux exigences d'une méthode philosophique rigoureuse et à une solide connaissance de l'histoire de la philosophie moderne. À l'automne 1886, il est nommé professeur de philosophie au Lycée Mignet d'Aix-en -Provence. C'est là qu'en 1887, il écrivit au doyen de la Sorbonne pour soumettre à son approbation les titres et sujets de ses thèses de Doctorat. Et c'est à Aix que vers la fin de l'année 1888 il commença la rédaction de sa thèse principale, l'Action. À la fin de l'année académique, en été 1889, il obtînt, un congé de l'Université pour se consacrer entièrement à la préparation de son doctorat30(*). La soutenance de thèse en Sorbonne eut lieu finalement le 7 Juin 1893. Le jury fut déconcerté à la fois par la méthode et les conclusions de l'ouvrage, mais dut en reconnaître la vigueur et la pertinence. La thèse complémentaire, en latin, portait sur le Vinculum substantiale de Leibniz. Cette curieuse théorie a été l'un des points de départ de la réflexion de Blondel. Il cherchait précisément dans « l'action ce lien substantiel qui constitue l'unité concrète de chaque être en assurant sa communion avec tous.»31(*)

    1.2. L'élaboration de l'Action de 189332(*)

    Maurice Blondel avait entrepris de rédiger une thèse sur un sujet assez insolite : l'Action33(*). De fait, il entreprit un travail de réflexion sur le sens de l'existence humaine qui définit une attitude d'ouverture vis-à-vis de l'Absolu. Pour y arriver, il fallait cependant mettre entre parenthèses toute conviction personnelle pour examiner, d'un point de vue rationnel, la cohérence des différentes attitudes prises vis-à-vis de l'existence. Or, il se trouve que dès le départ, ce sujet suscite suspicion et interrogation. En effet, dans son Itinéraire philosophique, Blondel évoque cet épisode, à l'intention de son interlocuteur Frédéric Lefèvre, de l'accueil mitigé réservé au thème de l'action :

    « Il me semble donc que c'est hier que, le 5 novembre 1882, tout au début de ma seconde année d'école Normale, je fixais le titre sur lequel vous voulez être renseigné. Je vois encore la place en la salle d'études, j'ai encore le feuillet où j'exposais pour moi-même mon projet. Mon cher voisin, Gabriel Audiat, au regard perçant, lut par dessus mon épaule et vendit mon secret. "une thèse sur l'Action, grand Dieu ! qu'est-ce que cela peut-être ? Le mot action ne figure même pas au Dictionnaire des sciences philosophiques d'Adolphe Franck", le seul que nous avions alors. En effet, quand je demandais en Sorbonne l'inscription de mon sujet qui me paraissait d'autant plus justifié qu'il provoquait une sorte d'étonnement, l'aimable secrétaire me répondit d'abord, après avis compétents, qu'on ne voyait point là qu'il y eût matière à thèse philosophique [...]. Un peu plus tard, Lucien Herr, qui s'y intéressait plus sérieusement à travers son ton goguenard de bon géant protecteur, me conseillait, lui pourtant déjà si érudit bibliographe : «mon petit Blondel, tu devrais ne point faire figurer un seul nom propre dans cette thèse-là qui mérite d'être taillée en plein drap ; c'est du neuf» ! Telle était bien ma résolution. »34(*)

    En outre la justification de ce choix semble être déterminée par cette évidence, à partir de ce que Blondel lui-même écrira environ 45 ans plus tard, c'est-à-dire après la publication de la première Action. En effet, il nous le précise, clairement, en écrivant ceci :

    « Si en 1888, on avait opposé à un projet de thèse sur "l'Action" une fin de non recevoir, en faisant remarquer que ce mot ne figure même pas dans le dictionnaire philosophique d'Adolphe Franck (le seul qui fût alors usité en France), et si en effet Descartes avait déclaré qu'il ne mettait point de différence entre l'action et l'idée de l'action afin de ramener la philosophie de l'agir à celle de la pensée et de la connaissance, d'où venait cette réduction dont s'autorisait la spéculation pour escamoter, si l'on ose dire, ce qui semblerait d'abord le plus ample, le plus vital, le plus émouvant des problèmes ? Agir ne serait-ce donc point un objet de science qui prétend à connaître, à embrasser, dominer toute la réalité ? Agir, pour le philosophe, devrait-il se borner à projeter, à construire des plans, des rêves,à former des systèmes de concepts, sans même aller jusqu'à des velléités ou à des ébauches d'exécution ? [...] Comment néanmoins a-t-on pu soutenir qu'il n'y a point de différence entre "l'action" et "l'idée de l'action" ? ».35(*)

    Le travail que va entreprendre Blondel est vraisemblablement un défi, une gageure. Car le mot action n'appartiendra à la langue philosophique que depuis la thèse de 1893. De fait, en 1882, lorsque Blondel se mit à réfléchir sur quelques textes de la Métaphysique et de l'Éthique d'Aristote traitant de la praxis et de l'energeia, le terme ne figure pas encore dans le Dictionnaire des Sciences philosophiques d'Adolphe Franck. Qui plus est, la signification ne semble être attestée par aucune tradition philosophique certaine. Néanmoins, l'absence même d'une détermination communément admise autorisait, mieux stimulait Maurice Blondel à charger le mot, encore impropre, d'un sens technique expliquant que son but est de surmonter le conflit entre la "science" et la "croyance". Il signale deux positions antithétiques : celle d'Aristote qui considère que la pratique engagée dans le contingent reste inférieure à la théorie portant sur l'être immuable et, en sens inverse, celle de Kant qui établit le primat de la raison pratique sur la raison théorique en opposant la certitude morale à toute considération d'ordre métaphysique. Néanmoins, les deux doctrines ont vraisemblablement un point commun : c'est qu'elles situent l'agir suprême de l'homme dans une activité pure, dégagée de toutes ses conditions matérielles, à savoir la pensée pour Aristote, l'obéissance à l'impératif moral pour Kant . Dès lors, Blondel peut s'autoriser à définir son projet en ces termes :

    « Entre la doctrine ancienne, selon laquelle la volonté agit conformément à un objet au point de ne plus faire qu'un avec lui, et le kantisme qui place la volonté en dehors et au dessus de la raison, il y a sans doute quelque chose à définir : il demeure vrai que pour bien agir, il faut bien penser ; il est plus vrai peut être de dire que pour bien penser, il faut bien agir. »36(*)

    1.3. Dialogue avec la tradition philosophique

    Nous avons noté que la thèse de Blondel n'a pas seulement suscité de l'admiration à la soutenance, mais que des controverses ou critiques surviendront plus tard. Ces controverses amèneront l'auteur à écrire la Lettre37(*) d'une part et d'autre part à repréciser autant que possible son orientation propre. Une orientation motivée par l'exigence de corriger « un milieu où l'on oscillait du dilettantisme au scientisme ; où le néo-christianisme à la Russe se heurtait à la dure virtuosité de l'idéalisme radical à l'Allemande ; où, dans l'art et la littérature comme dans la philosophie...me semblaient triompher le notionnel, le formel, voire l'irréel [...] Or l'Action me paraissait être ce "lien substantiel" qui constitue l'unité concrète de chaque être en assurant sa communion avec tous »38(*).

    Aussi s'impose-t- il à nous, l'impérieuse tâche de discuter la filiation ou les rapprochements possibles entre Blondel et certains philosophes dont les allusions sont, on ne peut hévidentes, dans l'Action de 1893. Nous pensons évidemment à Aristote, par ce qu'il est comme pour ainsi dire la source germinale de l'Action ; Leibniz, en tant qu'il lui a consacré sa thèse latine ; Kant, parce que la plupart des controverses, mieux des critiques (autant des philosophes que des théologiens) se fondent sur une méprise consistant à taxer Blondel de kantisme39(*) ; Schopenhauer, en tant qu'il est cité nommément dans l'Action et que l'axe de la volonté, tel que Blondel le développe constitue une réfutation du pessimisme et du nihilisme schopenhaueriens. Alors y' a-t-il eu entre Blondel et ces philosophes une dette, une filiation , une reconnaissance ou une source d' inspiration ?

    1.3.1. La source aristotélicienne

    Il ne fait l'ombre d'aucun doute que c'est d'abord dans le cadre d'une éthique que, pour la première fois, Aristote a conçu une analyse (subordonnée mais distincte) du volontaire et de l'involontaire. Cette analyse, recueillie dans le Livre III de l'Éthique à Nicomaque40(*), contient en germe, outre les développements que lui donneront la psychologie médiévale et celle du XVIIe siècle cartésien, l'annonce d'une conjonction possible entre analyse phénoménologique et analyse linguistique. La description du noyau volontaire de l'action humaine supposait, en effet, des choix. Aussi Aristote commence-t-il par délimiter la sphère des actes que nous faisons de plein gré, pour les distinguer de ceux qui sont contre le gré de l'agent.

    Dès lors, il faut partir du volontaire pour définir la volonté. Car, chez Aristote, la volonté est acte, et plus précisément acte volontaire. De la sorte, le volontaire se définit par l'union de deux facultés : le désir (c'est -à-dire agir par soi-même et dont le contraire est être craint) ; la seconde faculté est l'intentionnalité de la connaissance, c'est-à-dire agir en connaissance de cause et dont le contraire est d'agir par ignorance. Ce qui implique sinon fait intervenir la dimension de la responsabilité de l' agent. Dans cette perspective, la volonté devient donc la manifestation du volontaire dans l'union de ces deux facultés. Autrement dit, la volonté ne peut se définir que dans cette double détermination qui donnera l'acte volontaire. Ainsi peut on voir dans la philosophie de la volonté chez Aristote l'ancêtre à la fois d'un "volontarisme", qui met l'accent sur la force d'agir et sur l'initiative du choix, et d'un "intellectualisme", pour lequel seule une volonté éclairée par des motifs rationnels est proprement humaine. Ainsi le bon usage de la volonté, c'est finalement la sagesse pratique, que les latins ont appelée prudentia. Et ainsi, la médiation sur l'agir humain pointe, en effet, vers ce qu'Aristote appelle l'oeuvre ou la tâche de l'homme, ce qui se dit en grec ergon ; Or cet ergon désigne l'affleurement, au niveau humain, d'un fond d'activité, d'une energeia, qui est le sens même de l'être, en tant du moins que nous l'appréhendons sous cet aspect de la "puissance" et de l'acte".41(*)

    Plus fondamentalement donc, il est attesté que Blondel a, non seulement lu Aristote, mais l'a largement exploré et exploité. En effet, qu'on se rappelle bien, souligne Claude TROISFONTAINES42(*), que le mot "action" ne figurait pas dans le vocabulaire philosophique43(*) de l'époque et que le thème lui-même ne paraissait pas digne d'une étude philosophique. Pourtant il y avait bien un penseur célèbre qui s'était occupé de l'action, et c'était Aristote. Il ne faut donc pas s'étonner de voir Blondel, dans la toute première note de 1882 concernant sa thèse, recopier une série de citations de la Métaphysique et de diverses Éthiques. Ce qui le frappe, c'est que le disciple de Platon, contrairement à son maître, accorde à la ðñáîßò et au ðïéåÀí une originalité par rapport au èåùñåÀí, du moins dans certains de ses écrits. il déclare notamment : «C'est dans l'oeuvre que semble résider le bon et l'un44(*) ». «C'est en agissant, qu'ils connaissent »45(*). «Le bien est toujours dans l'action »46(*). «L'oeuvre est en un sens son producteur en acte. »47(*)

    Ainsi, pour Blondel, faire et se faire correspondent aux deux premiers niveaux de l'action que distingue Aristote entre poiein et prattein. Le verbe "poiein", dit Blondel, «s'applique à toute sortes d'opérations, depuis celles qui modèlent de la glaise jusqu'aux réalisations les plus hautes de l'artiste ou du poète. Mettre les mains à la pâte, sculpter une minerve, incarner la pure poésie dans la précieuse matière des mots évocateurs et des sons cadencés, c'est toujours exercer ce métier de fabrication idéaliste qui a fait définir l'homme : homo faber. Le premier jeu de l'enfant, c'est de manier les choses pour construire l'appui ou l'appartement de ses rêves. Et à partir des outils les plus rudimentaires du langage et de l'industrie jusqu'aux créations les plus libres du génie, partout se retrouve une matière animale, transfigurée, sublimée par l'ouvrier humain, mais dominé qu'il est par le besoin de refaire le monde à son service et de réaliser un ordre répondant mieux à ses aspirations »48(*). C'est ce faire humain qui distingue l'homme de l'animal. De plus, ajoute-t-il, dans tout poiein, il y a des degrés, une volonté de se faire, un prattein ; « agir en ce sens s'applique moins aux actions transitives qu'à l'oeuvre intime de notre propre genèse, comme si par nos actions, nous avions, selon la parole d'un ancien, à nous façonner d'abord nous-même, à constituer notre personnalité, à sculpter visiblement ou invisiblement notre beauté ou notre laideur, à devenir ce vivant poema pulchritudinis et virtutis dont parle Cicéron. Donc à la différence des industries qui fabriquent des objets, l'action immanente à l'homme informe le sujet lui-même, sans doute par des concours et des retouches multiples, miris et occultis modis, mais enfin, selon une norme intimement présente qui soutient et juge l'effort continu de l'être raisonnable et volontaire »49(*). Enfin, le prattein s'ouvre sur un troisième niveau d'action qu'Aristote appelle le théorein, l'action contemplative qui manifeste à l'homme un acte pur dont toute passivité est exclue.50(*)

    Cette analyse montre que Blondel était cependant conscient de certaines apories dans la philosophie d'Aristote. Ce dernier, tout en présentant l'originalité de l'action, maintient le primat de la pensée : « C'est le theôrein qui porte sur la substance ». En effet, «on ne peut trouver les éléments du poiein »51(*) qui sont innombrables tandis qu'« on peut déterminer les éléments des substances »52(*). Or toute la pensée grecque est tendue vers le déterminé, l'achevé. C'est la raison qui permet à l'homme d'entrer en contact, à certains moments privilégiés, avec l'Acte pur qui est Pensée de la pensée. D'où la supériorité de la théorie sur la pratique. Blondel se demande toutefois si c'est bien la conclusion à laquelle devrait aboutir l'aristotélisme. En effet, si l'on admet que l'être achevé est l'être en acte, celui qui rejoint sa perfection (entelechia) alors pourquoi ne pas admettre aussi que c'est la pratique, et non la théorie, qui porte sur la substance ? Blondel décide en conséquence de renverser l'ordre d'Aristote. Ainsi, dans l'Action, c'est cette décision qui conduira Blondel à esquisser une logique de l'action qui dépasse, tout en l'englobant, la simple logique de l'entendement. C'est en cela même que le thème de la destinée qui est le problème le plus sérieux soulevé par l'Action de 1893 est présentée sous toutes ses dimensions à partir de la distinction aristotélicienne du Ðïßéí et du Ðñáôåßí. La transformation du monde et de soi-même par la coopération avec les autres êtres. Car c'est en faisant que l'homme se fait.

    1.3.2. La mise en cause du formalisme kantien

    La philosophie kantienne fut introduite en France, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle par Charles Renouvier et Jules Lachelier. Et, elle y exerça une telle influence que même si un penseur , vivant à cette époque, lui refusait les conclusions essentielles, ne pouvait pas se soustraire à l'atmosphère créée par elle. Ainsi fit Blondel. Mais conscient du fait que le formalisme du devoir selon Kant53(*) et toute sa philosophie étaient admis d'évidence dans les les milieux universitaires du XIXe siècle, il avait bien pris soin de préciser son orientation afin d'éviter toute dette de pensée :

    « ...Qu'on ne fasse pas, après Kant, surgir je ne sais de quelle nuit je ne sais quel impératif catégorique ; car je le traiterais en suspect et en intrus... ainsi pour que le problème de l'action soit posé scientifiquement, il faut qu'on n'ait ni postulat moral, ni donnée intellectuelle à accepter. »54(*)

    Le motif évoqué dans ce sens est qu'« abordant la science de l'action »55(*) de manière qu'elle soit vraiment scientifique, c'est-à-dire exhaustive, il est nécessaire d'explorer toutes les attitudes possibles et n'accepter d'avance aucun présupposé intangible, « ni postulat moral, ni donnée intellectuelle »56(*).

    Or, après la soutenance et la publication de l'Action de 1893 et de la Lettre, les controverses ne s'atténuèrent pas. Bien au contraire. Les uns dirent : ce n'est pas là de la philosophie mais de l'apologétique ; les autres dirent : en devenant philosophie, le christianisme de l'auteur s'écarte de la doctrine sacrée reconnue par les théologiens catholiques.57(*)

    De fait, les multiples reproches faits à Blondel concernaient la valeur de la connaissance et la gratuité du surnaturel. Mais dans son rapport avec Kant nous nous attarderons sur le premier ; car le second trouvera sa justification dans la dernière partie de notre travail lorsqu'il s'agira de traiter de la question du surnaturel. Donc sur le premier point, il lui est reproché d'être justement kantien. On entendait par là : idéaliste, subjectiviste, fidéiste. C'est ce qui d'ailleurs amène le P. Schwalm à écrire :

    « M. Blondel est néo-kantien. La méthode de la philosophie, pour lui, c'est la méthode kantienne poussée à ses dernières conséquences phénoménistes : la raison spéculative sait que nous avons des idées, elle ne sait pas si ces idées correspondent à quoi que ce soit en dehors de nous. C'est la pratique, l'action qui lui apprend la vérité objective de ce qu'elle pense »58(*).

    Cependant, souligne Henri Bouillard, ce grief souvent repris et développé, manifestait chez ses auteurs, avec une notion trop sommaire du kantisme, une méprise sur la phénoménologie blondélienne de l'action59(*). Quel est donc le rapport du blondélisme au kantisme s'il n'est ni d'inspiration, ni d'opposition point par point ? Il faut répondre que c'est un rapport dialectique, au sens ou ce terme évoque à la fois contradiction et passage à un niveau supérieur60(*). Sans prétendre, pour autant revenir sur ce débat61(*), nous retiendrons exclusivement trois moments importants :

    D'abord, on sait que du point de vue de sa théorie de la connaissance, Kant a posé le problème du phénomène et du noumène. Il est clair que le phénomène, au sens kantien est l'objet indéterminé d'une intuition empirique qui se rapporte à cet objet par l'intermédiaire d'une sensation, qui est elle-même le résultat d'une affection de ce même objet. l'objet phénoménal est donc donné. Or de ce que l'esprit reçoit des représentations dont il n'est l'auteur, Kant conclut qu'il ne peut pas non plus connaître ces objets tels qu'ils sont en eux-mêmes, mais seulement tels qu'ils nous affectent.

    Ainsi, dans les Fondements de la Métaphysique des moeurs62(*), Kant montre que toutes ces représentations de notre arbitre (Willkir), comme celle des sens, ne nous font connaître les objets que comme ils nous affectent de telle sorte que ce que ces objets peuvent être en soi nous reste inconnu. En conséquence, en dépit des plus grands efforts d'attention et de toute clarté que peut ajouter l'entendement, nous ne pouvons arriver qu'à la connaissance des phénomènes jamais à celle des choses en soi. Et si, par là même, il est nécessaire de distinguer les choses connaissables ou phénomènes des choses inconnaissables ou noumènes, c'est parce que l'esprit accède seulement aux objets s'il est affecté par eux. Aussi, pour distinguer le phénomène du noumène, il suffit d'être attentif, selon Kant, à cette différence entre la passivité et l'activité de l'esprit.

    Cette distinction amène plutôt Blondel à poser que c'est justement par l'action qu'il est possible de percer les choses, de se les apprivoiser en quelque sorte. L'Action est ce principe d'unité et de synthèse, du vouloir, de l'être et de la connaissance. Il faut sans doute préciser ici ce que Blondel entend par volonté voulante : Il s'agit de la volonté63(*) qui se contredit elle-même dans ses actions. Il parle également de la structure métaphysique de l'acte volontaire comme étant composée d'une infinie relation déterminée qui s'actualise dans chaque opération. Aussi lorsque Blondel parle de deux volontés, la volonté voulante et la volonté voulue, il ne s'agit pas en réalité de deux volontés distinctes, mais de deux sortes d'opérations différentes de la même volonté. Ce qui le rapproche justement du double usage kantien de l'unique raison, à la fois spéculative et pratique.

    Par ailleurs, la possibilité d'un impératif est une question que pose la philosophie transcendantale. Ici l'impératif ne peut être conditionné par aucune fin et on ne peut se demander d'où il surgit. Car pour Kant, la liberté est une condition nécessaire pour l'existence de l'obligation. De la sorte, l'obligation constitue un élément à priori fondant la moralité. C'est d'ailleurs ce concept du devoir ou d'obligation que Kant formule dans l'impératif catégorique: «agis toujours d'après une maxime telle que tu puisses vouloir qu'elle soit une loi universelle ».

    Or Blondel trouve cet idéal dans la structure même de la volonté :

    « Si donc on semble lui imposer comme loi, l'obligation de s'ériger elle-même en maxime universelle, si l'on commande à chacun d'agir avec l'intention de faire ce que tous doivent faire: s'il faut avoir le sentiment de porter, en son action particulière, la volonté et l'action des autres, ce n'est là que la traduction , non pas seulement de ce qui doit être pour la volonté délibérée et voulue, mais de ce qui est déjà pour la volonté voulante et opérante »64(*).

    Enfin, Blondel recherche l'origine du pessimisme dans le criticisme kantien qu'il soumet à une critique aussi concise que pénétrante. Son erreur, selon lui a été de dissocier et d'opposer la métaphysique, la morale et la science, la raison pure et la raison pratique, le monde intelligible et le monde sensible, donnant ainsi lieu à un formalisme moral où l'intention n'a pas prise sur l'exécution :

    « Si donc, il y a antinomie entre le déterminisme des mouvements et la liberté des intentions ; si le formalisme moral est sans relation avec les lois de la sensibilité et de l'entendement ; si toute union est rompue entre la pensée, les sens et l'activité volontaire; si le corps des actes est séparé de l'esprit qui les inspire, et si dans ce monde qu'on représente comme le théâtre de la moralité, l'homme dépossédé de toute puissance métaphysique exclu de l'être et comme écartelé, se sent entouré d'impénétrables réalités où peut régner l'illogisme le plus absurde, alors la force de vivre est brisée avec l'audace de penser »65(*).

    En conséquence les antinomies kantiennes permettent à Blondel de démontrer que l'unité de l'action réside justement dans cette synthèse du vouloir, du connaître et de l'être. Ce lien du composé humain qu'on ne peut scinder sans détruire tout ce qu'on a désuni. L'action est le point précis où convergent le monde de la pensée, de la morale et le monde de la science; et s'ils s'y unissent pas, c'en est fait de tout66(*). Et comme le note si bien Michel Jouhaud : « Mis entre parenthèse comme position initiale, le formalisme sera aussi rejeté par Blondel comme position définitive, en vertu de ce que révèle la phénoménologie de l'action »67(*).

    1.3.3. L'apport conceptuel de Leibniz68(*)

    La revisitation de la philosophie de Leibniz se perçoit facilement chez Blondel à partir de l'intérêt qu'il attachera à la correspondance de Leibniz avec le Père Des Bosses dès 1879 alors qu'il était encore élève de philosophie à Dijon69(*). Cet intérêt se développera dans sa thèse complémentaire sur Le Vinculum leibnizien70(*) et conforté par l'énigme de 193071(*). Il est remarquable de souligner que Leibniz a joué un rôle déterminant pour notre auteur. Le rôle de médiateur entre les philosophies d'Aristote et de Kant.

    En fait, l'hypothèse du vinculum apparaît chez Leibniz, en 1712, dans sa correspondance avec le Père Des Bosses, pour répondre aux difficultés soulevées par la question de la transsubstantiation72(*). De fait, on sait que dans le système classique de Leibniz la réalité qui fonde les apparences consiste tout entière dans la monade qui ne change pas. Il faudrait alors trouver un lien substantiel qui constituerait l'unité organique d'un être vivant, substance composée qui dépasse la multiplicité des monades. Aussi, Leibniz pose-t-il l'hypothèse du Vinculum :

    « Si la substance corporelle est quelque chose en dehors des monades, comme il est constant que la ligne est quelque chose en dehors des points, il faudra dire qu'elle consiste en une union, ou plutôt en quelque chose de réel qui unifie et que Dieu ajoute aux monades ».73(*)

    Comme on le voit, Leibniz pose le problème en terme d'hypothèse. Elle consisterait donc en une sorte de lien réel compris entre les monades et les phénomènes. À cette étape, la substance composée serait naturellement périssable, et comme telle, ne serait pas différente du corps organique. Et pour y arriver à fonder hypothétiquement l'existence des substances corporelles, Leibniz recourt à l'alternative suivante :

    « Ou les corps sont de simples phénomènes et par conséquent l'étendue aussi ne sera qu'un phénomène, et seules les monades seront réelles ; mais l'union sera remplacée dans les phénomènes par l'opération de l'âme qui perçoit; ou bien si la vraissemblance nous pousse à admettre des substances corporelles, cette substance là consiste en cette réalité qui ajoute quelque chose (pourtant substantiel) quoi qu'en flux à ce qui doit être uni. »74(*)

    Ce "quelque chose" sera nommé par Leibniz, le Vinculum substantiale. Donc si le fondement des phénomènes était dans les monades au départ, il montre ici que la réalité des corps doit participer d'un lien substantiel. Le but qu'il souhaiterait atteindre est de montrer que si le corps est une substance, il faudrait alors un lien réel pour réaliser les phénomènes.

    C'est à partir de l'examen de cette mise au point que Blondel va s'atteler à cette question. De l'aveu même de Blondel, cette hypothèse pose déjà clairement le problème du rapport entre l'idéalisme et le réalisme. Sans doute aussi Blondel reconnait-il expressément que le Vinculum introduit par Leibniz pour justifier la réalité des substances composées n'a jamais eu chez lui qu'un statut d'hypothèse et qu'il ne s'y est jamais rallié entièrement. Mais en dépit des réserves de son propre auteur, on peut estimer que cette hypothèse indique la voie de sortie aux labyrinthes du criticisme. Voici en effet comment Blondel présente le résultat de son étude sur le Vinculum :

    « C'est un effort hypothétique, mais sincère de Leibniz, pour définir la condition d'une doctrine réaliste, en fonction de son idéalisme même. Ce Vinculum n'est rien de l'ordre sensible, rien de l'ordre scientifique, il laisse intact tout le monadisme, avec les relations idéales qui le constituent ; or, tout cela restant sauf en son rang, on ne peut en outre concevoir un ordre supérieur, où les composés ne symbolisent pas seulement avec les simples, mais forment une réalité nouvelle par l'union, le lien étant vraiment une nouvelle créature substantielle de la volonté divine, non plus une simple vue de l'entendement, de nos purs phoenomena Dei. »75(*)

    On comprend donc que si la doctrine de Leibniz reste marquée par l'existence de deux pentes, idéaliste et réaliste, Blondel va définir un réalisme intégral dont la portée est apte à mieux poser la question du réel. Autrement c'est la question de l'unité de l'agir, de la connaissance et de l'être qui est en jeu. Pour y arriver donc il faut que l'action puisse trouver dans le monde autre chose que des phénomènes utilisables à son gré. Elle devrait rencontrer des réalités organisées qui lui permettent de s'enrichir en les voulant. Et c'est justement ce qui a séduit Blondel dans l'hypothèse du Vinculum proposé par Leibniz. Au lieu de réduire les substances composées à des agrégats dont l'unité n'est jamais que mentale, on admettrait que ces substances ont une unité qui domine leur propre multiplicité. Et donc c'est dans l'action que peut se déployer ce genre de lien. Mais pas n'importe quelle action, il s'agit clairement et exclusivement de l'action voulue en tant que manifestation de la volonté voulante. Du coup, il faut réaliser la synthèse et la conciliation de l'action, de la pensée en conflit avec elle-même, de l'être avec les êtres.

    C'est ainsi que dans le commentaire de 1930, Blondel ébauchera un réalisme supérieur qui correspondrait à la manifestation du Vinculum. Le problème qui est posé est bien celui du rapport entre le point de vue de la connaissance et le point de vue de l'être. Si la réalité est morcelée en phénomènes et en choses en soi, son unité reste improbable et impossible et l'être demeure caché. Où trouver alors l'unité de toutes ces dissociations ? c'est dans le vinculum. Il dépasse l'ordre idéal et l'ordre des phénomènes, l'effort d'unité transcende les corps et les monades en les unifiant. Blondel montre alors que le problème du réel ne peut se résoudre dans l'ordre phénoménal mais dans la réalité du vinculum. La réalité du phénomène réside dans le fait d'être à l'intersection ou, plus précisément, d'être le noeud d'une attente intellectuelle et d'une réception sensible76(*). C'est là qu'il faut fonder l'unité sur le lien substantiel. Car il permet d'éviter et d'éliminer l'opposition artificielle qui fragmente la réalité. Aussi peut-il conclure en ces termes :

    « Car enfin de quoi s'est-il agi pour Leibniz ? Il s'est agi de savoir si ce qui, à nos sens et à notre entendement, parait complexe et multiple, ne comporte pas, ne manifeste pas une unité réelle, antérieure et supérieure à tout le reste du donné, quoique, dans sa vive et riche indivisibilité, cette unité soit inaccessible aux sens et à tout ce que l'intellect abstractif et discursif bâtit sur les phénomènes comme s'ils étaient l'être même. Leibniz parait bien avoir compris que la véritable assise des choses est autre que ces échafaudages du monde de la représentation, de l'industrie utilitaire et même de la science la plus authentique. [...] Ce qui a donc pour lui tout remis en question, c'est le besoin de rendre compte [...] des réalités concrètes, des ensembles organiques, des êtres complexes à tous les degrés. »77(*)

    1.3.4. La critique du pessimisme de Schopenhauer

    On estime assez généralement que la source de la philosophie chez Schopenhauer est l'expérience et l'observation. Mais il ne s'agit pas pour autant d'empirisme au sens où il peut être entendu habituellement. Car ce que nous prenons pour réalité et que nous appelons le monde n'est qu'une représentation subjective, une illusion. La vérité requiert pour cela de lever, ce que Schopenhauer appelle le "voile de Maya" (image empruntée à la philosophie Hindoue). Donc pour lui, la vraie réalité est celle de la volonté. Il circonscrit cette volonté ainsi : « Le concept de volonté est le seul, parmi tous les concepts possibles, qui n'ait pas son origine dans le phénomène, dans une simple représentation intuitive, mais vienne du fond même, de la conscience immédiate de l'individu, dans laquelle il se reconnait lui-même dans son essence, immédiatement sans aucune forme , même celle du sujet et de l'objet, attendu qu'ici le connaissant et le connu coïncident. »78(*)

    Pour Schopehnauer donc, la volonté ne vient pas des phénomènes. Elle est un effort sans fin qui n'a ni but, ni limite. Elle est en quelque sort une substance fondamentale pour toute chose, l'équivalent d'une chose en soi dont les phénomènes ne sont que l'expression objectivée. Elle est donc absurde au sens où elle est sans raison (raison entendue ici comme instrument de nos représentations, de nos productions d'illusions) et répétitive : sa seule fin est de reproduire éternellement.

    Comme on le voit, Schopenhauer transforme, comme pour ainsi dire la perspective de la philosophie kantienne (à propos justement du phénomène et du noumène) en une métaphysique d'inspiration platonicienne et même bouddhiste. Pour lui, évidemment, la chose en soi n'est autre que la volonté. Mais cette volonté (par une fatalité analogue à celle de la chute de l'âme dans la caverne) est tombée dans le monde des phénomènes pour devenir volonté de vivre dans un corps. Ce faisant, la volonté s'est rendue dépendante de tous les objets nécessaire à la survie et à la reproduction des corps. Elle est entrée dans la chaine des nécessités qui la voue à une insatisfaction perpétuelle :

    « Tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur [...] mais que la volonté vienne à manquer d'objets, qu'une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et (c'est) l'ennui. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui »79(*).

    Dès lors, la vision donc de Schopenhauer semble s'inscrire plus généralement dans une philosophie de la nature. La volonté (qui nous apparaît d'abord sous la forme de son effet immédiat, le corps phénoménal) nous amène à poser, par analogie, une volonté particulière à la racine de tous les objets du monde. Cette volonté comportant des degrés différents suivant qu'elle se réalise dans le minéral, le vivant ou l'homme. Finalement le monde pris dans sa totalité,apparaît comme le résultat d'une volonté unique dont toutes les volontés particulières ne sont que des degrés différents et que tout conduit au néant. Schopenhauer écrit d'ailleurs : « Nous autres, nous allons hardiment jusqu'au bout ; pour ceux que la Volonté anime encore, ce qui reste , après la suppression totale de la Volonté, c'est notre monde monde réel, ce monde si réel avec tous ses soleils et ses voies lactées, qui est néant. »80(*)

    Or l'on sait que Blondel récuse ou mieux critique la philosophie de la volonté telle qu' elle était élaborée chez Schopenhauer. En effet, Schopenhauer, auquel renvoie d'ailleurs explicitement l'Action, était connu de Blondel par les cours de Edme Caro et Olle-Laprune à l'École Normale (Cours dont son maître devrait tirer une réfutation, Le prix de la vie, en 1894). C'est dans ce contexte que s'éclaire la méfiance de certains de ses amis philosophes, notamment Jules Lachelier, à l'égard de l'Action de Blondel conçue comme volonté des phénomènes. Le rôle de la volonté dans la philosophie de l'action suscitait indignation, et à ce titre, Lachelier invitait Blondel à « renoncer presqu'à la philosophie ». Dans sa correspondance avec Laberthonnière, Blondel évoque et éclaire l'origine de l'incompréhension qu'avait manifestée Lachelier pour l'Action lorsqu'il écrit :

    « Il [Lachelier] me disait qu'il avait grand-peine à entrer dans mon point de vue, par ce que depuis Schopenhauer il s'était accoutumé à considérer la volonté comme le mauvais principe, et qu'une philosophie du vouloir et de l'agir lui paraissait congénitalement condamnée à condamner la pensée. »81(*)

    Or, la philosophie de Blondel se veut intégrale; elle est une synthèse de la pensée, de l'être et de l'agir. Revenant à cette même objection, Blondel montre qu'il faut dépasser le pessimisme de Schopenhauer et voir dans la volonté le principe même de notre action.

    « Lachelier m'objectait qu'il répugnait (sans doute à tort) à ma thèse sur l'Action, parce qu'il avait été habitué par Schopenhauer à voir dans la volonté le mauvais principe ; je lui ai répondu que si Schopenhauer a dénaturé la volonté, ce n'est pas une raison pour ne pas y voir la bonté normale et essentielle qu'elle est. »82(*)

    Dans l'Itinéraire philosophique, Blondel reviendra encore sur son entretien avec Lachelier et suggérer qu'à la fin, celui-ci semblait être convaincu de la nature philosophique de l'Action. Il reprend les paroles de Lachelier à propos de sa thèse :

    « Il m'est difficile de m'habituer à votre point de vue : j'ai été trop accoutumé, par Kant à me défier de la nature, et par Schopenhauer, à voir dans la volonté le mauvais principe. Avec votre Action tout communique. » 83(*)

    Ainsi, comme l'a si bien montré Claude Troisfontaines : « Schopenhauer prétend que le malheur de l'homme vient de sa volonté de vivre dans le monde et qu'il doit en conséquence aspirer au néant. Blondel remarque toutefois que sous la négation de l'être, il y a nécessairement affirmation dune volonté de l' être et d'une volonté du phénomène qui s'annulent tour à tour. Refusant cette disproportion dont l'origine remonte à Kant, l'auteur montre que la volonté de vivre prépare la volonté à s'affirmer intégralement. Là où le pessimisme voit une défaillance, une déchéance inévitable, le philosophe de l'action établit qu'il y a une promotion au moins possible de celle-ci »84(*). En réalité, si Schopenhauer ne voit qu'une déchéance dans le vouloir-vivre, c'est par ce qu'il estime, à la suite de Kant, que la volonté n'est elle-même que lorsqu'elle se ressaisit indépendamment de toute matière. C'est ce caractère immédiat du vouloir qui condamne d'avance son inscription dans le cours des choses. Pour Blondel, au contraire, ce n'est pas une perte pour l'action d'assumer les déterminations offertes par le corps, par le monde, par la société. Car, c'est paradoxalement en s'extériorisant que le sujet est susceptible de se vouloir lui-même.85(*)

    Conclusion

    Ce cursus n'avait pas la prétention de résumer toutes les filiations philosophiques86(*) de Blondel. Mais en sélectionnant (de façon délibérée), en limitant cette filiation à ces auteurs, celle-ci répondait au voeu que nous poursuivions :fonder les bases susceptibles de montrer les forces et les limites de la problématique de la volonté dans la dialectique de l'action. Et, il est clair que l'Action , pour Blondel, s'enracine dans une force qui la précède . Cette force, Blondel n'hésite pas à lui donner une dimension cosmique c'est-à-dire comme monde des phénomènes, car il y a un effort qui parcourt la nature et qui précède la volonté humaine. Cet effort n'est pas cependant une force irrationnelle à la manière de Schopenhauer. C'est au contraire comme l'avait bien perçu Leibniz, une force qui tend vers l'esprit et quiapparaît en l'homme comme volonté voulante. Cette volonté voulante, l'homme doit la vouloir de manière voulue mais il ne peut pas le faire de manière immédiate comme le prétend le formalisme kantien. l'homme ne peut vouloir son action qu'en s'insérant dans le monde des phénomènes. Et l'action, pour Blondel, est justement ce qui opère ce passage incessant du voulant au voulu par la médiation de la volonté. Mais existe-t-il une possibilité de dégager une loi manifeste de l'agir humain à partir de cette inadéquation fondamentale87(*) entre volonté voulante et volonté voulue ? . D'où la tâche qui incombera au second chapitre. Celle justement qui va consister à éclairer ce passage et les moments articulatoires de la volonté dans l'Action de 1893.

    CHAPITRE DEUXIÈME

    PROBLÉMATIQUE ET ARTICULATION DE LA VOLONTÉ DANS L'ACTION DE 1893

    Introduction

    Les analyses précédentes ont montré comment la pensée de Maurice Blondel s'est constituée en dialogue avec Aristote, Leibniz, Kant et Schopenhauer (pour ne citer que ceux-là). Ce dialogue avait pour but, en un certain sens, de montrer non seulement ce qui le rapprochait d'eux, par le thème abordé, mais beaucoup plus ce qui constitue à la fois leur dépassement et son originalité. Il est clair que la thèse centrale qui traverse l'Action est révélatrice du fait que l'action n'est pas une particularité de l'être (encore moins une force simple ni un élan singulier), mais une totalité88(*) : elle constitue la synthèse du vouloir du connaître, du pouvoir et de l'être. Elle est le point où convergent le monde de la pensée, le monde psychique et moral et l'univers de la science. Or, comme l'a si bien montré Victor Delbos, « ce n'est pas, par suite, ni de la nécessité ontologique de l'Absolu, ni de la nécessité pratique du Devoir qui peut servir de fondement à la pensée ; il faut un fait, un fait qui soit à la fois premier et dernier, qui contienne en lui seul ou qui soit capable de requérir par lui seul tout ce qui lui est indispensable pour être pleinement »89(*). Et ce fait, c'est la volonté, la volonté d'être. Montrer que cette volonté d'être est présente à la conception même du néant, voilà ce que entreprend Blondel lorsqu'il écrit d'ailleurs :

    « On a beau aiguillonner la pensée et le désir : du vouloir être, du vouloir n'être pas, du vouloir ne pas vouloir, il subsiste toujours ce terme commun, vouloir, qui domine de son inévitable présence toutes les formes de l'existence ou de l'anéantissement, et dispose souverainement de contraires. »90(*)

    Outre donc qu'il est inévitablement et volontairement posé, le problème de l'action réclame une solution positive. Mais qu'est ce que ce vouloir ? qu'est-ce qui fonde cette contradiction apparente à l'intérieur de la volonté même ? et comment expliquer que la recherche du néant s'explique par une solution positive ?

    Il nous faudra partir de l'énonciation du plan même de l'Action de 1893 d'abord, de dégager les fondements historiques ou philosophiques de la volonté chez Blondel ensuite, de proposer une approche définitionnelle pour mieux la circonscrire et enfin d'examiner les «étapes successives qu'accomplit la volonté pour se réaliser, sans pouvoir se satisfaire »91(*).

    2.1. Plan de l'Action (1893)

    L'ouvrage de Maurice Blondel, l'Action , est divisé en cinq parties (dont la troisième partie au centre, « le phénomène de l'action », comporte elle-même « cinq étapes »), précédées d'une introduction elle-même en cinq étapes. On peut supposer là un projet clairement établi et défini qui répond à une certaine herméneutique92(*). En effet, à partir de la question existentielle qu'aucun homme ne peut éluder et qu'il se pose inévitablement : « oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens et l'homme a-t-il une destinée93(*) ? », Blondel expose, tour à tour, l'apparente nécessité du problème moral, la solution pratique au problème moral, le problème scientifique de la pratique, la méthode de la science de l'action et enfin la philosophie de l'action. Tout un projet. Car parcourant toute la série des démarches par lesquelles l'homme tente d'échapper aux sujétions nécessaires, Blondel va manifester une inadéquation entre ce qu'on croit vouloir et ce qu'on veut profondément, entre l'objet voulu et le mouvement spontané du vouloir, ou selon la terminologie qu'il a consacrée, entre la volonté voulue et la volonté voulante94(*).

    Ainsi, après deux premières parties de deux chapitres chacune, et où il est établi contre l'esthétisme et le dilettantisme que l'action constitue un vrai problème et, contre le pessimisme, que ce problème admet une solution positive, on passe au coeur de l'exposé dans les trois autres parties. Celles-ci analysent, en profondeur le dynamisme, mieux la phénoménologie de l'action et aboutissent aux conclusions suivantes :

    a) Insuffisance de l'ordre naturel, entendu comme l'ordre dans lequel se déploie l'action humaine ;

    b) Nécessité d'un ordre surnaturel, entendu comme de l'ordre de l'Absolu, du divin, du transcendant, qui seul peut donner à l'action humaine son accomplissement ;

    c) Impraticabilité d'une voie d'accès au surnaturel, pourtant nécessaire, et Blondel invite à tenter la voie de la foi chrétienne, qui connait un ordre surnaturellement défini et historiquement offert comme don.

    C'est dans ces conditions que l'objet de l'analyse philosophique de l'action humaine va consister à dévoiler et à élucider la disproportion intrinsèque entre la fin du vouloir (la volonté voulante) et ses réalisations effectives (volonté voulue).

    Plus concrètement donc : « l'auteur [Blondel] montre d'abord qu'on ne peut supprimer le problème moral, qu'on le pose et qu'on le résout d'une certaine manière au moment où l'on feint de s'y dérober. Il se dégage ensuite des prétendues solutions négatives qui font du néant le terme apparent de l'expérience, de la science et des aspirations humaines, les affirmations positives qui y sont impliquées. Amené dès lors à définir peu à peu toutes les conditions que requiert notre action pour se développer, en constituant l'ordre scientifique, moral, social et religieux, l'auteur fait voir comment toutes nos oeuvres composent le drame profond de la vie et le mènent forcément au dénouement. Ainsi, tout le développement de la pensée et de la pratique est suspendu à une alternative, question de vie ou de mort, de salut ou de perte, que la volonté humaine n'évite point de trancher, parce qu'au fond elle consent à la nécessité de la poser. Comment donc la résoudre ? Là est le point délicat, parce que la science de la pratique ne peut suppléer à la pratique même, et parce que l'homme ne réussit point, par ses seules forces, à atteindre comme une fin par ses actions voulues tout ce qui est au principe de son action volontaire. Mais sans cesser de réserver à la pratique même ce qu'elle apporte d'incommunicable enseignement, sans empiéter sur le domaine de la religion positive, il est possible de déterminer les conditions auxquelles est subordonné l'achèvement complet de notre action ; car à notre vie préside une dialectique telle que, du principe secrètement posé de nos actes volontaires découlent des conséquences inévitables ; comme la courbe commencée détermine le segment qui complète la circonférence, ainsi sont définies les conditions de l'action religieuse, et sans que l'homme y ait accès par sa pensée ou par son effort propre, l'ordre surnaturel est postulé par l'ordre naturel [...]. l'étude de l'action permet ainsi de retrouver le noeud commun de la science, de la morale et de la métaphysique ; elle étend la compétence de la philosophie jusqu'à l'examen de la notion de surnaturel, et jusqu'à la détermination des conditions de la vie religieuse. »95(*)

    Cette approche, nous le savons suscita des controverses. Mais, il nous revient ici de clarifier le contenu sémantique de la notion ou du concept de volonté qui est au coeur même de notre entreprise. Qu'est-ce donc cette disproportion entre volonté voulante et volonté voulue ? En quoi, leur dialectique peut elle nous être utile pour la saisie, d'une part de l'inachevabilité de l'action humaine et d'autre part de la découverte de l'Unique nécessaire? D'où Blondel fonde-t-il son discours sur la volonté et les implications qui lui sont liées ? C'est à partir de cette dernière question que nous engagerons notre dialogue en revisitant, de façon suggestive les filiations philosophiques de Blondel en ce qui concerne, exclusivement, la notion de volonté. Or, il se trouve qu'il y a une influence pertinente de Maine de Biran dans la constitution du binôme volonté voulue/volonté voulante d'une part, et d'autre part une critique de front à l'égard du pessimisme de Schopenhauer (qui est d'ailleurs nommément cité dans l'Action).

    2.2. Dialogue avec les philosophes sur la volonté

    Nul doute qu'au temps où Blondel rédigeait sa thèse, le climat philosophique était déterministe. La science positive apparaissait comme le modèle de toute connaissance, et elle postulait un déterminisme universel. De la sorte, deux traits semblent caractériser, au mieux, la position de Blondel. D'abord par sa formation et à partir de ses années d'études à Dijon. A travers l'enseignement des ses professeurs, A. Bertrand et H. Joly, il se rattache à une tradition philosophique française que l'on peut dire spiritualiste. En fait, à des degrés divers, il a suivi Maine de Biran, Ravaisson, Lachelier, Boutroux, Ollé-Laprune. Ensuite, sa critique du pessimisme, du dilettantisme, du nihilisme le place frontalement devant Schopenhauer, dont l'héritage kantien est fortement exprimé. C'est donc ce cursus qui nous orientera et servira de piste à notre examen de la question de la volonté et de la méthode de Blondel dans L'Action.

    2.2.1. L'héritage biranien

    Il est clair que la recherche sur les racines philosophiques de la pensée blondélienne conduit d'abord vers les classiques du XVIIè siècle notamment Descartes, Pascal et Malebranche et à bien d'autres. Cependant, il est important de s'arrêter sur Maine de Biran (1766-1824). Blondel l'a rencontré, très tôt, par l'intermédiaire d'Alexis Bertrand96(*), son professeur de lycée à Dijon, en 1878-1879, qui devint ensuite professeur à l'Université et éditeur de certains textes de Maine de Biran. Le jeune Blondel a été profondément marqué par l'exemple du Journal de Maine de Biran (qui l'a inspiré dans sa préparation de la thèse, au point où il élaborera ses notes publiées plus tard dans ses Carnets Intimes). Il sera influencé par le cogito biranien (je veux donc j'existe) qui est repris et développé par l'Action, et qui analyse les implications de «je veux » : ses négations et ses objets, afin de montrer le caractère intrinsèquement inachevable de sa structure dialectique (volonté voulante/volonté voulue) et ses relations avec la connaissance et l'être. Les analyses biraniennes de l'effort fournissent également à Blondel un point de départ dans l'élaboration de sa propre philosophie de l'esprit et du corps dans la troisième partie de l'Action. Pour Maine de Biran, l'effort corporel est le fait primitif de conscience par lequel le sujet s'apparaît à lui-même. Blondel s'efforce de remonter en deçà, rappelant les passivités inconscientes qui préparent la vie consciente, et soulignant ainsi l'enracinement de la vie de l'esprit dans celle du corps et l'unité des deux. D'ailleurs, A. Bertrand (qui a initié Blondel à la métaphysique biranienne) résumait son cours du 9 novembre 1879 en précisant ce qui distingue radicalement le cogito cartésien du cogito biranien. Il écrivait (ou mieux disait) : « Si j'avais à résumer toute la théorie de Descartes sur l'âme, je dirais : "Je pense, donc je suis" ; pour résumer celle de Condillac, je dirais : "Je sens, donc je suis". La parole de Maine de Biran est plus profonde : "Je veux, donc je suis" : s'il est vrai qu'un être humain se définit par l'acte qui lui est propre, la volonté libre est le vrai caractère qui nous distingue des autres êtres ». Et Hainnaux d'ajouter : «Bertrand se rappelait sans doute de Ravaisson qui avait écrit à propos de Biran : "Descartes avait dit : je pense, donc je suis, on peut dire, mieux encore : je veux donc j'existe... »97(*).

    Enfin, il semble bien établi que, avant Leibniz et Ravaisson, Maine de Biran a joué un rôle déterminant pour orienter Blondel dans sa recherche d'un réalisme spirituel, après les tournants opérés par Descartes et surtout par Kant. D'ailleurs, Blondel rapporte ce mot que lui adressa un jour Jules Lachelier : « Maine de Biran peut nous dispenser de passer par Kant pour le libre développement de la pensée philosophique »98(*). Mais, en tant que reprise du cogito du point de vue de la volonté personnelle, la philosophie biranienne peut-elle rendre possible un dépassement (ou un contournement ?) de la critique kantienne99(*) de la métaphysique et ouvrir un nouvel accès à l'être, par une philosophie réflexive concrète de l'esprit ? Blondel pose au moins la question. Ainsi dans l'Action comme dans la Pensée, les recherches de Blondel sur l'intentionnalité de la conscience pensante prennent racine dans les réflexions de Maine de Biran, « à qui souligne-t-il nous devons toujours revenir pour comprendre le rapport des signes avec le développement de la vie réfléchie et libératrice »100(*).

    Comme on peut le constater, le cogito volitif biranien a constitué pour Blondel, un élément important dont la réappropriation lui permettra de poser les bases du binôme volonté voulante et volonté voulue. Cependant, étant entendu que cette influence semble, à tout le moins implicite, sinon indirecte dans l'Action de 1893, il nous faudra opérer un nécessaire détour par Schopenhauer (qui est d'ailleurs nommément cité dans l'Action) pour voir comment s'articule l'examen de la volonté.

    2.2.2. Du pessimisme de Schopenhauer à l'Action

    Dans son article intitulé « La critique de Schopenhauer dans l'Action », Claude Troisfontaines en arrive à une évidence selon laquelle tout l'effort de Blondel consiste à inverser complètement la perspective du pessimisme. Au lieu d'inviter la volonté à se nier elle-même pour aspirer au néant, il lui demande de se vouloir elle-même en cherchant plus que tout ce qui lui est donné actuellement. Ainsi à la démarche régressive du philosophe allemand qui tente de revenir à une impersonnalité originaire, le philosophe français oppose fermement une démarche progressive qui s'oriente vers une personnalisation de plus en plus grande. »101(*) C'est que justement dans les deux premières parties de l'Action, composées de quatre chapitres, Blondel fustige en quelque sorte un certain nombre d'approches philosophiques ou scientifiques qui ont semblé, soit évacuer le problème de l'action, soit poser l'inexistence d'une solution à ce problème. À cette tendance du pessimisme qui pose le néant comme solution au problème de l'action, Blondel oppose une solution positive. Et , ici, il s'en prend ouvertement à Schopenhauer :

    « Du jour où la critique a morcelé l'unité profonde de l'action, le pessimisme qui n'avait encore été qu'une disposition d'âme chez quelques uns, a revêtu la forme d'un système, et a pu chanter l'hymne métaphysique du néant [...] Et comme la notion du néant est toujours relative, se rapportant à un sujet déterminé qu'il s'agit de nier (c'est l'aveu même de Schopenhauer) ; comme le monde actuel n'exclut pas la possibilité d'une autre existence, et comme il reste beaucoup de marge pour ce que nous désignons que négativement par la négation même du "vouloir-vivre", le pessimisme entièrement conséquent est donc un optimisme radical. »102(*)

    Et les deux ouvrages fondateurs de cette théorie du volontarisme, du déterminisme phénoménal et de la liberté nouménale, à partir desquels Blondel fonde sa critique, ne sont autres que Le Monde comme volonté et représentation, Essai sur le libre-arbitre.103(*)

    C'est pourquoi, pour mieux situer les articulations à partir desquelles Blondel fonde sa critique, il nous faut revisiter avant tout l'approche même de Schopenhauer sur cette problématique de la volonté.

    De fait, il n'est pas sans intérêt de rappeler que Schopenhauer a subi une influence considérable de Kant, mais aussi de Platon et de la philosophie hindoue104(*). Mais c'est sur Kant (qu'il considère , à point nommé, comme ce" grand homme") que se focaliseront surtout les bases de sa philosophie. « Le plus grand mérite de Kant, déclare-t-il, c'est d'avoir distingué le phénomène de la chose en soi »105(*). En réalité, la critique a bien montré de manière définitive que le monde tel qu'il nous apparaît, tel qu'il se donne à nous dans la représentation, est le résultat de trois intuitions a priori, à savoir le temps, l'espace et la causalité106(*). Il nous est donc impossible de considérer les objets qui s'étalent devant nous autrement que comme des phénomènes conditionnés par notre mode de connaissance. Mais peut-on dire que toute connaissance de la chose en soi est impossible ? Assurément non. Pour Schopenhauer, en fait, il y a toujours une chose en soi qui nous est accessible. Et cette chose en soi est, à n'en point douter, la Volonté. Or, il est probable que Kant avait pressenti cette vérité dès lors qu'il soulignait que la valeur morale de l'action était totalement indépendante des lois des phénomènes. Mais sa présentation était tellement obscure et confuse qu'il revenait à son disciple de reconnaître clairement dans la volonté la chose en soi elle-même.

    Ainsi donc pour Schopenhauer, nous reconnaissons donc la volonté de deux façons : a priori comme chose en soi et a posteriori comme phénomène. Comme chose-en-soi, la volonté est le principe de toute connaissance d'objet et par là, elle échappe aux déterminations de l'objet : elle est liberté pure qui se déploie en dehors de l'espace et du temps. Mais la volonté nous apparaît aussi sous la forme de son effet immédiat, à savoir de notre corps phénoménal. Schopenhauer réfléchit donc sur la chose en soi (et ici il réalise un dépassement de Kant) et découvre qu'elle n'est pas si inconnaissable. Il pose, en fait une volonté particulière à la racine de tous les objets du monde. Cette volonté107(*) comportant des degrés différents suivant qu'elle se réalise« dans la matière inorganique d'abord soumise à la seule causalité et où l'individualité disparait sous l'uniformité des lois générales ; puis dans les plantes par les réactions aux excitations du dehors, dans l'animal enfin dont les mouvements sont réglés par des lois spécifiques et communes et enfin dans l'individu qui ne se trahit que par quelques modifications dues à des circonstances accidentelles. »108(*) Dès lors, quelles peuvent être les conséquences d'une telle vision du monde ?

    Il est clair que si chaque volonté particulière tend à se réaliser sous la forme d'un objet empirique déterminé, elle se perd dans le déterminisme implacable qui régit les phénomènes. Ceci s'exprime dans ces mots de Schopenhauer :

    « Déjà en considérant la nature brute, nous avons reconnu pour son essence intime l'effort, un effort continu, sans but, sans repos ; mais chez la bête et chez l'homme, la même vérité éclate bien évidemment. Vouloir, s'efforcer, voilà tout leur être : c'est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur : c'est par nature, nécessairement, qu'ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d'objet , qu'une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans le vide épouvantable, dans l'ennui : leur nature, leur existence leur pèse d'un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrances à l'ennui : ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme »109(*).

    Néanmoins, au delà de ce tableau, c'est dans l'homme que Schopenhauer trouve que va s'achever cette représentation et que la volonté en soi trouve le terme des ses manifestations. Doué, en effet, de connaissance abstraite et réfléchie, de raison discursive et, par là, capable de délibération, l'homme est, à chaque instant, susceptible de décisions multiples qui se traduisent en action. Or l'action réfléchie est «l'unique traduction de la maxime de sa conduite, le résultat de son vouloir le plus intime » : son vouloir-vivre. À contrario, la volonté qui s'affirme est donc engagée dans la poursuite sans fin d'objets qui ne pourront jamais combler ses aspirations. Quelle possibilité s'offre à elle ? C'est celle de la négation du vouloir-vivre. En fait, la négation du vouloir-vivre conduit plutôt à une attitude ascétique110(*) qui éteint progressivement la volonté elle-même soit par la voie de la connaissance, en se persuadant de la vanité des choses, soit par la voie de l'expérience, en assumant la douleur même : « Suivant ce que nous venons de dire, la négation, la négation du vouloir-vivre, qui n'est pas autre chose que la résignation ou la sainteté absolue, résulte toujours de ce qui calme le vouloir, à savoir la notion du conflit de la volonté avec elle-même et de sa vanité radicale (vanité qui s'exprime dans les souffrances de tous les hommes). La différence dans la négation du vouloir, que nous avons représentée par les deux chemins de la délivrance, consiste en ce que cette notion est produite ou bien par la connaissance pure de la douleur, librement appropriée, grâce à l'intuition du principium individuationis, ou bien immédiatement, par la souffrance directement subie. Sans la négation complète du vouloir, il n'y a pas de vrai salut, de délivrance effective de la vie et de la douleur »111(*). C'est donc cette résignation que Schopenhauer définit comme l'acceptation du néant : « Pour ceux que la Volonté anime encore, ce qui reste après la suppression totale de la volonté, c'est effectivement le néant. Mais à l'inverse, pour ceux qui ont converti et aboli la Volonté, c'est notre monde actuel, ce monde si réel avec ses soleils et toutes ses voies lactées, qui est le néant. »112(*)

    Ainsi, on aboutit à cette révélation : « la connaissance de l'essence des choses en soi est au contraire, pour sa volonté, un calmant. La volonté alors se détache de la vie : elle a horreur de ces jouissances, en qui elle voit une affirmation de la vie. L'homme atteint alors l'état d'abnégation volontaire , de résignation, de véritable abandon, et de totale libération du vouloir, (il ne reste plus que la connaissance, la volonté est abolie", et avec elle "supprimée également la totalité.) il n y a plus de volonté, plus de représentation, plus d'univers. Il reste plus désormais devant nous que le néant. »113(*)

    En définitive, on peut souligner avec C. Troisfontaines114(*), au moins trois moments importants qui caractérisent la critique du pessimisme dans l'Action. D'abord en examinant la version nihiliste du pessimiste, c'est-à-dire son incohérence même ; ensuite celui lié au scientisme de l'époque (XIX-XXe s.) ; enfin une troisième forme de pessimisme, plus radicale, est la critique métaphysique. Blondel n'a-t-il pas résumé ce parcours ainsi : « Qu'est-ce donc que croire et aspirer au néant de tout objet de pensée ou de désir ? C'est, par un aveu et un acte de foi spontané qui dépasse la science, par une décision originale qui manifeste l'initiative de la volonté, avouer au Grand Tout, dont aiment à parler ceux-là surtout qui se promettent l'anéantissement [...]. Le matérialisme dogmatique ou pratiquant est donc un mysticisme qui, dans la matière adore l'invisible réalité de ce qu'il voit et rend un culte à l'être sous l'espèce du phénomène »115(*).

    Mais, dès lors, comment reconnaître et admettre que nos actes sont fatalement conduits au néant ? En outre, comment ce néant (s'il existe) nous apparaît-il et que veut-il ce ? Ce sont là les questions que Blondel voudra bien élucider dès le début de l'Action pour mieux situer son sujet relatif à la volonté.

    2.3. Problématique de la volonté dans l'Action

    2.3.1. État de la question

    « Oui ou non la vie humaine a-t-elle un sens et l'homme a-t-il une destinée ? J'agis, mais sans même savoir ce qu'est l'action, sans avoir souhaité de vivre, sans connaître au juste ni qui je suis, ni même si je suis... ». Cette problématique, mieux cette interrogation existentielle qui ouvre l'Action de 1893, constitue pour Blondel tout un programme, tout un projet dont l'enjeu consistera à chercher l'articulation foncière entre l'existence humaine et sa destinée. Car, à l'époque où Blondel écrivait l'Action, positivisme, phénoménisme, criticisme imposaient à la majorité des esprits le refus de toute métaphysique, ou du moins une profonde défiance à son égard. C'est de cette attitude qu'il lui fallait partir. Son procédé consistera, note à ce propos H. Bouillard, à « descendre sur le terrain de l'interlocuteur, adopter son langage, accepter provisoirement sa problématique, en vue de montrer l'incohérence du système et la nécessité de s'élever à une vue supérieure. Ce souci du contact avec les doctrines alors vivantes explique l'usage fréquent [...] des termes tels que science (pour désigner la philosophie), déterminisme (pour nommer les implications nécessaires), phénomène (pour désigner le donné, l'objet de connaissance comme tel) »116(*). C'est dans cette perspective que se découvre ou se révèle cette conjonction entre la logique de la vie et l'action. Mais, il est clair qu'en tant qu'être agissant, c'est la volonté qui semble orienter les choses; aussi vrai qu'elle permet à l'homme de discriminer, de procéder à des choix, de vouloir, de désirer ou d'aspirer à quelque chose. D'où le premier moment sera , pour Blondel, celui de l'élucidation du contexte, de l'espace dans lequel peut sinon doit se déployer l'action. Or, plusieurs théories, notamment celle de Schopenhauer ont professé le néant d'une volonté, l'échec des actions humaines. Bien plus, le fait que certains évènements dépassent le propre du champ de la volonté, on en est venu à ne penser qu'à une solution négative. Blondel partira donc de cette apparente négation pour montrer que c'est là justement qu'il faudra découvrir la fécondité même d'un déploiement de la volonté. Car, on ne peut se dispenser d'être et d'agir. Cependant, «L'homme ne peut égaler ses propres exigences. Il ne réussit point, par ses propres forces, à mettre dans son action voulue tout ce qui est au principe de son activité volontaire »117(*). Car la volonté qui préside à chaque action ne parvient jamais à assouvir le besoin, à se clore au plan des réalités visibles et sensibles. La volonté est toujours portée et marquée par une sorte de finitude, une insatiabilité, et même une instabilité. Ainsi, les termes dans lesquels se pose le problème de l'action manifestent vraisemblablement qu'il s'agit là d'un problème nécessaire et que c'est dans le déterminisme progressif de l'action qu'il s'agira de le situer et de le résoudre. En conséquence la dialectique de la volonté va montrer que c'est dans les termes de l'option que s'exprime la possibilité de l'achèvement du problème de la destinée. Cette démarche a pour ambition de voir où aboutit la volonté en se plaçant justement à l'intérieur de la trame des actions sans autre présupposé. Or dans l'Action, cette dialectique de la volonté semble se déployer en trois moments. En effet, par un raisonnement dialectique subtile, Blondel propose une nomenclature triptyque qui consiste à montrer d'emblée que le discours sur le néant aboutit à l'affirmation de l'exigence même de la volonté (contre le dilettantisme118(*), l'esthétisme119(*), le pessimisme, le positivisme, le criticisme, la métaphysique) ; ensuite que la volonté, malgré, les obstacles liés à sa dualité interne ne peut ne pas se répandre dans les relations humaines (famille, patrie, humanité) ; mais qu'insatisfaite, chaque fois, elle se tourne ou s'ouvre résolument, à un tout Autre, une autre volonté qui possède en elle-même la satisfaction et l'achèvement des finitudes humaines (l'unum necessarium). Nous suivrons, en cela même, le plan mieux la méthode de l'auteur.

    2.3.2. La volonté comme négation du néant et ouverture à l'être

    2.3.2.1. Le problème du néant

    L'analyse de la volonté qui est très manifeste dans l'Action de 1893 a pour point de départ cette articulation que Blondel tente d'établir entre la logique de l'action et la complexité du vouloir. Ce qui va mettre en mouvement et déployer la dialectique de l'action en articulant l'agir et le connaître, c'est l'expansion de la volonté et le jeu de sa dualité interne120(*). Ce jeu de la dualité qui est manifeste entre le vouloir et le voulu, entre la volonté voulante et la volonté voulue. Mais plus précisément, cette dialectique qui caractérise cette volonté qui pour ne pas vouloir finit par vouloir le néant. La tentative d'annuler la volonté et l'impossibilité principielle d'y parvenir. J-L Marion121(*) peut alors s'interroger sur l'origine même de cette problématique : « Qui a fourni à Blondel cette question initiale ? . Sans aucun doute Schopenhauer, qui vise la suppression de la volonté : «Nous autres, nous allons hardiment jusqu'à au bout ; pour ceux que la Volonté anime encore, ce qui reste après la suppression totale de la Volonté, c'est notre monde si réel avec ses soleils et ses voies lactées, qui est néant »122(*) .

    En effet, dès les deux premiers chapitres, Blondel présente et critique certaines attitudes tendant à nier le problème de l'action. Il s'agit bien entendu de l'esthétisme, du dilettantisme et du pessimisme. Leur dénominateur commun demeurant justement qu'ils sont marqués par cette tendance forte à nier le problème de l'action ou à le réduire à ce qui est "subjectif", au sens d'arbitraire. Le problème ainsi conçu se ramènerait donc à l'illusoire et au relatif.

    Or, l'expérience commune nous révèle des situations existentielles complexes où, une fois accablé par la souffrance, l'homme cède au désespoir et va même jusqu'à désirer la mort. Il s'agit dans ce cas d'une attitude de la suppression de la volonté d'être qui se traduit par le choix du néant. Et Blondel associe cette forme de pessimisme à l'insuffisance de la science qui n'arrête pas de chercher jusqu'à l'infini ce que l'expérience ne peut donner : «néant de la vie et des actes humains, c'était la conclusion des sens clairvoyants et de l'expérience ; et c'est aussi celle de la science »123(*). Dès lors, le pessimisme conclut au néant de l'action humaine. Il présente le néant comme une voie vers le bonheur, à condition de cesser de vivre. Ici encore, on se retrouve devant un paradoxe : il y a d'un coté la volonté d'être, de l'autre on tend vers l'anéantissement de l'être.

    Par ailleurs, pour le dilettante124(*), « il n y a donc de vérité que dans la contradiction, et les opinions ne sont sures que si l'on en change ; non qu'on se fasse de la contradiction même et de l'indifférence une nouvelle idole »125(*). Dans le même ordre d'idées, le refus se trouve manifeste chez l'esthète dans le fait de postuler qu'il n'y a ni réalité ni vérité. L'esthète126(*) refuse ainsi tout ce qui est déterminé, et ce refus équivaut au refus de la vérité. Ainsi, l'esthétisme, par son caractère qui frise le « panthéisme subjectif », constitue une doctrine subtile qu'il faut cataloguer. L'impossible destruction du problème de l'action traduit donc une double volonté chez l'esthète : la volonté d'affirmer et la volonté de nier. Cependant, dans cette double contradiction, Blondel estime que le problème demeure. Il y a nécessité d'être et d'agir. Voilà pourquoi, dans la troisième section du second chapitre, il énonce un néologisme pour critiquer la posture de l'esthète et du dilettante : la nolonté127(*).

    Quant au pessimisme128(*), proprement dit, Blondel l'expose dans la deuxième partie de L'Action (« La solution au problème de la vie est-elle négative ? ») dans sa version nihiliste. Il s'agit dans ce cas d'une attitude de la suppression de la volonté d'être qui se traduit par le choix du néant : « Et ce qui, au regard du pessimisme, semble confirmer cette conclusion, c'est que le mal et la souffrance naissent justement de ce qu'on s'insurge contre le bienheureux anéantissement, en sorte que le néant a pour lui le témoignage même de ceux qui en ont l'honneur, et qu'il est senti, connu, avoué par ceux-là qui ne savent pas encore le vouloir »129(*).

    Ainsi, Blondel associe cette forme de pessimisme à l'insuffisance de la science qui n'arrête pas de chercher jusqu'à l'infini ce que l'expérience ne peut pas donner. «Néant de la vie et des actes humains, c'était la conclusion des sens clairvoyants et de l'expérience ; et c'est aussi celle de science. »130(*)Le pessimisme conclut au néant de l'action humaine. Il présente le néant comme une voie vers le bonheur, à condition de cesser de vivre. Encore une fois on est devant un paradoxe : il y a d'un côté la volonté d'être, de l'autre on tend vers l'anéantissement de l'être. l'erreur donc du pessimisme consiste à dissocier l'unité de l'action qui est le point focal même de la dialectique de la vie et de la volonté. Car pour Schopenhauer, l être étant illusion il faut le supprimer, ou plus exactement, puisqu'il n'est pas, il faut supprimer la volonté chimérique d'être. Car , ainsi s'acquiert la seule béatitude possible en renonçant à vouloir l'être qui n'est pas et en consentant au néant qui est. Pour pallier ces antinomies, Blondel propose la voie positive et pose l'action comme principe :

    « L'action est cette synthèse du vouloir , du connaître et de l'être, ce lien du composé humain qu'on ne peut scinder sans détruire tout ce qu'on a désuni ; elle est le point précis où convergent le monde de la pensée, le monde moral, et le monde de la science; et s'ils ne s'y unissent pas , c'en est fait de tout »131(*)

    P. Archambault peut donc renchérir lorsqu'il récapitule en ce sens : « oui, l'action a un sens. Ni le dilettantisme ne parvient à la décharger de ses responsabilités mystérieuses, ni le pessimisme à y insérer une idée claire et une volonté sincère du néant. Oui, sous nos éphémères volontés voulues, il y a une permanente volonté voulante, volonté de l'être, de l'Être absolu, éternel, infini. »132(*)

    De ce point de vue, pour supprimer le problème de l'action, il faudrait parvenir à ne rien vouloir, réussir une coïncidence pleine avec l'élan spontané de la vie que ne troublerait aucune réflexion, sans retour ni repli de la conscience. Si la voie du néant est contradiction, il reste à envisager la solution positive, celle de l'affirmation. Pour ce faire, il faut bien que l'action soit en accord avec elle-même, qu'elle soit en parfaite cohésion. Cette solution peut être envisagée soit par la voie du phénomène soit par celle de l'être pour arriver à l'unité de la volonté sans la sacrifier. C'est là ce qu'il nomme une analyse de la volonté ou plutôt de la nolonté de l'esthète. Car l'attitude de l'esthète recèle une duplicité qu'il importe de manifester. Ainsi, à défaut de ne pouvoir rien vouloir il lui reste de ne pas vouloir vouloir, nolo velle, qui se traduit immédiatement par « je veux ne pas vouloir », volo nolle133(*), ce que Blondel nomme la nolonté. Donc, à moins de faire violence aux lois de la conscience, non pas morale, mais psychologique, à moins de dissimuler sous une subtilité toute verbale la vérité des choses, le seul sentiment d'une absence de volonté implique l'idée d'une volonté qui ne veut pas et qui abdique, ajoute-t-il134(*). Ainsi, il n'y a pas d'accord possible chez l'esthète entre ce qu'il veut affirmer et ce qu'il veut nier. Il subsiste inévitablement une contradiction entre un vouloir artificiel du néant et un vouloir spontané. Le néant chez Blondel, bien loin d'être ce vide, cette négation du vivant, devient, paradoxalement lieu d'émergence d'une vie, d'une existence, et donc lieu d'affirmation et d'expression d'une volonté, d'un choix qui implique cette dialectique même de la volonté en l'être. De cet examen, faut-il déduire à un résultat apparemment négatif, à savoir qu'« il n'y a ni conception simple et distincte, ni volonté franche et homogène du néant ». Pas du tout. Blondel cherchera, en effet, à montrer « qu'en souhaitant l'anéantissement complet on requiert à la fois le phénomène et l'être pour les opposer l'un à l'autre et les supprimer tour à tour »135(*). Ce qui revient à dire que, sous la volonté du néant, il y a toujours une volonté qui veut quelque chose136(*). Qu'est- ce à dire ?

    C'est dans cette perspective que Jean-Luc Marion137(*), s'appropriant le texte de L'Action, peut commenter : « D'emblée, Blondel énonce un paradoxe, ou ce qui revient au même, une nécessité du concept : la volonté ne peut pas ne pas vouloir, puisque, si elle ne veut pas, elle ne peut pas ne pas vouloir le néant même de sa volonté ; bref pour ne pas vouloir , il faut vouloir ne pas vouloir, donc vouloir. L'ego est en tant qu'il veut : ego sum signifie ego volo, plus qu'ego cogito : [ Pour les dilettantes ]... leur nolonté c'est ce qu'ils nomment eux-mêmes leur Divin Égoïsme. ». Il montre que Blondel attaque une thèse dominante selon laquelle la volonté ne peut se suspendre ni se dépasser, car pour y parvenir, il faudrait qu'elle se redouble : « Ne pas vouloir, c'est toujours vouloir ». Si donc ne pas vouloir révèle une contradiction, la sophistique suppression de la volonté aboutit réellement à une volonté (positive) du néant : « ...la nolonté même dissimule une fin subjective. Ne rien vouloir, c'est se refuser à tout objet, afin de se refuser tout entier et de s'interdire tout don, tout dévouement, toute abnégation. On veut que l'être ne soit pas, et il fait plaisir d'être pour le nier ». Puisque, ici encore, ne pas vouloir manifeste la volonté d'être pour le nier, la nolonté, loin de s'opposer au vouloir-vivre (Schopenhauer), confirme le vouloir-vivre subjectif de celui qui ne nie tout autre étant que soi, qu'en restant un étant d'abord lui-même. Je nie, donc je suis. Le cogito volitif (Maine de Biran) l'emporte sur le cogito réflexif (Descartes), par une volonté positive du néant, non par un néant de la volonté : « Vainement s'opiniâtre-t-on dans une nolonté systématique, comme si le sujet et l'objet s'armant l'un contre l'autre réussissaient à s'entre-détruire : sur le néant du vouloir, il reste le vouloir artificiel mais positif du néant (...). Ne rien vouloir, c'est en même temps : avouer l'être (...), affirmer le néant 138(*)(...), se tenir aux phénomènes et s'enchanter de l'universelle féerie, pour jouir de l'être dans la sécurité du néant ». Aussi ajoute-t-il : « C'est une loi nécessaire de la pensée réfléchie : on ne peut, au point de vue subjectif, supprimer la volonté, nolle, sans qu'aussitôt on lui assigne le néant comme objet et comme fin »139(*) ; avant de conclure : « ...du vouloir-être, du vouloir n'être pas, du vouloir ne pas vouloir, il subsiste toujours ce terme commun, vouloir, qui domine de son inévitable présence toutes les formes de l'existence ou de l'anéantissement »140(*). De cette contradiction apparente qui participe même de la logique de la volonté peut-ton déceler ce qu'elle est réellement ? Autrement, qu'est-ce que la volonté ? Que recèle le binôme volonté voulante et volonté voulue141(*)? La volonté trouve-t-elle son achèvement dans son être ?

    2.3.2.1. Dialectique, sens et dynamisme de la volonté

    La question essentielle et existentielle qui ouvre l'ouvrage fondateur de Blondel ne nécessite pas, à première vue une réponse, mais plutôt engage chaque être humain à examiner le lieu de son émergence, la manière dont elle s'articule et les possibilités de solutions qui s'offrent à sa résolution. Et ce lieu de l'émergence est l'Action. Or l'action, en tant qu'agir humain ne trouve son fondement et sa possibilité d'être que dans la logique de la vie. Et celle-ci est manifestement déterminée par un concept-clé, un thème central, un thème sans lequel il nous serait impossible de penser une action humaine : la Volonté.

    En effet, la volonté constitue un concept-clé qui sous-tend l'oeuvre de Blondel. Ainsi, écrivait-il déjà, dans ses Carnets Intimes : « Il nous faut poser un principe définitif : rien ne va jamais comme nous le voulons, parce que, quoi qu'il arrive, fut-ce ce que nous avons voulu, nous voulons toujours autre chose. »142(*)Une insatisfaction qui fait écho aux premiers mots qui ouvrent les mêmes Carnets « je veux », et détermine la complexité et la dialectique présentes au coeur de tout vouloir humain. Définir la volonté, son ancrage et ses déploiements, c'est, à coup sûr, explorer ce dynamisme interne, cette ambivalence, cette dualité143(*), cette disproportion qui la dominent et la caractérisent. Aussi la définition la plus nette de la volonté se trouve-t-elle dans dans ce double plan du vouloir tel que Blondel la donne lui-même, dans sa contribution au Vocabulaire philosophique de Lalande144(*) : « Au sens A qui définit la volonté comme « forme de l'activité personnelle » et en énonce les composantes, Blondel fait l'observation suivante : Il y a un sens antérieur à A, qui maintient la tradition antique et médiévale d'une voluntas ut natura, appétit intellectuel, volonté voulante, inclination fondamentale qui détermine nécessairement l'aspiration, l'inquiétude, l'élan humain vers sa fin suprême. C'est ce mouvement congénital de «la volonté voulante » que spécifient la réflexion, « la volonté voulue vers », les fins partielles et successives qui s'offrent à nous comme les moyens ou les occasions d'accomplir notre destinée, dont tout le sens est d'aboutir à mettre en équation ces deux volontés, initiale et finale »145(*).

    Remarquons donc que Blondel pose la volonté comme point de départ, mais aussi et surtout comme effort continu dans la recherche d'une solution à cette complexité. Il s'agit chez lui de vérifier toutes les solutions, en passant du phénomène à l'être. Bien plus, il s'agit de trouver un vinculum (lien) qui soit à même d'unir, mieux de rallier volonté voulante et volonté voulue. Car en fait, l'inconsistance de la volonté, son action continue, constitue le moteur qui donne à la volonté la possibilité de progresser vers sa réalisation. Or la volonté est incapable de s'égaler ; il y a toujours une disproportion entre le voulant et le voulu. Ce qui se traduit par la dialectique même de la volonté dans ce binôme volonté voulante et volonté voulue. Blondel estime pourtant que c'est dans l'action, alors exclusivement dans et par l'action, qu'il est possible d'opérer. L'action est la synthèse de ce double vouloir. Son effort consistera alors à démontrer la permanence de la volonté voulante au delà des obstacles de tout genre. Elle a à surmonter autant les difficultés internes que les obstacles externes. D'un coté, la volonté s'affirme et donne sa raison d'être ; de l'autre, elle semble souvent être mise en échec. Cependant, il ne s'agit que d'une destruction apparente, puisqu'il s agit seulement de la volonté voulue qui est mise en échec. La volonté voulante restant invincible : «Les contradictions en apparence les plus répugnantes à la volonté ne servent qu'à mettre en lumière son invincible attachement à elle-même. Parce qu'elle nie, elle s'affirme et s'édifie indestructiblement »146(*).

    En outre, il est clair que le primat que Blondel accorde à la volonté comme terme-clef de l'expérience dans la logique de l'action tient au moins en deux axes importants : d'un coté, la volonté est définie par ce que l'être humain agit toujours (et cela est incontestable) dans le réseau infini des nécessités qui définissent l'horizon au départ de son action volontaire. D'autre part, on en arrive à admettre que l'action libre consiste justement à transgresser (non pas au sens d'une annihilation ; mais au sens d'un dépassement) toutes ces déterminations aussi nombreuses qu'elles soient. Que retenir de cette analyse ?

    En fait, selon Blondel, la nature de la volonté est de se vouloir elle-même. l'aspiration inépuisable à vouloir (qui la caractérise) et par conséquent à s'étendre fait partie de l'essence même de la volonté. l'origine de ce dynamisme nécessaire est placée dans la conscience et son mouvement ne connait pas d'interruption, car il s'agit là d'un phénomène qui se présente comme nécessaire et foncièrement intrinsèque à l'homme. l'homme, on l'a démontré déjà , ne peut pas ne pas vouloir; il ne peut pas ne pas agir. Or ce vouloir doit affronter et surmonter un certain nombre d'obstacles, dont le plus immédiat est celui lié à sa dialectique interne. De fait, la volonté qui se déploie reste constamment soumise à un déterminisme inflexible qui se produit souvent malgré soi. Il est comme constitutivement marqué et dominé par cette disproportion ontologique : l'homme n'a pas voulu vouloir et n'a pas voulu le déterminisme auquel il est soumis ; il s'agit là d'une primitive contradiction : « il veut, mais il n'a pas voulu vouloir. »147(*) Et pourquoi ?

    Parce que justement au coeur de la logique de l'action émerge inéluctablement une volonté voulante et une volonté voulue. La volonté voulante cherche toujours une pleine adéquation de soi avec soi. En d'autres termes, la volonté voulante tend à l'adéquation de soi avec la volonté voulue. Cependant, l'analyse phénoménologique du déploiement de la volonté voulante montre son impossibilité à trouver une parfaite adéquation à soi dans la réalité phénoménale mondaine. Le désaccord de la volonté voulante avec la volonté voulue trouve sa première racine à ce niveau le plus profond de l'être.

    De plus, l'homme a le sentiment très fort de sa propre impuissance. Impuissance marquée par le fait qu'il n'a pas voulu, et qu'il entend clairement ne pas pouvoir trouver en lui : ni l'origine, ni la substance, ni la fin de son action. Du coup, l'insuffisance des phénomènes mondains trouve une correspondance dans l'insuffisance de l'être humain. La volonté se montre nécessairement faible dans ses manifestations extérieures. Elle se découvre comme faible et percée. Et pour cause. La faiblesse de la volonté humaine s'exprime dans le caractère indélébile de ses actes .

    En conséquence, récapitulons en soulignant que la volonté voulue se traduit dans des actes qui ne sont pas efficaces, car exposés aux pesanteurs des phénomènes de l'environnement dans lequel ils émergent . Ainsi, pour égaler ses volontés voulues à sa plus profonde volonté voulante, le vouloir a successivement assimilé en quelque sorte tout ce qui se présentait à lui. Cependant, il a encore du mouvement pour aller toujours loin. C'est que rien de fini ne pourrait le satisfaire . Et c'est même dans ce mouvement indéfini et toujours insatisfait que se trouve en quelque sorte présent, au moins sous forme négative, l'infini. Ce besoin de l'infini, l'homme peut s'efforcer de le satisfaire, en plaçant l'infini dans des objets finis qu'il a rencontrés le long de son parcours. D'où pour tenter d'égaler l'action humaine au vouloir de l'homme surgissent les formes multiples de l'activité superstitieuse. Mais cette prétention de faire du relatif un absolu, du fini un infini est paradoxale. Ce qui nous accule à une véritable impasse, un dilemme :« il est impossible de ne pas reconnaître l'insuffisance de l'ordre naturel et de ne point éprouver un besoin ultérieur ; il est impossible de trouver en soi de quoi contenter ce besoin religieux. C'est nécessaire, et c'est impraticable. Voilà toutes brutes, les conclusions du déterminisme de l'action humaine»148(*) souligne encore Blondel.

    En d'autres termes, la volonté se veut nécessairement et cependant elle ne peut s'atteindre pleinement. La seule issue pour elle serait donc de s'ouvrir à une autre Volonté qui la ferait être. D'où le rôle de la philosophie consisterait à conduire à une option qu'il ne lui appartient pas de résoudre. À ce stade, l'action reste ouverte, si l'on peut dire, par en haut. Il faut alors concevoir pour elle une réflexion, une hypothèse qui lui permettrait de se réaliser enfin et d'accomplir son achèvement. C'est ici que Blondel pensera à la méthode d'immanence, car : « En quoi consistera donc cette méthode d'immanence sinon à mettre en équation dans la conscience même, ce que nous paraissons penser et vouloir et faire avec ce que nous faisons, nous voulons et nous pensons en réalité : de telle sorte que dans les négations ou les fins artificiellement voulues se retrouveront encore les affirmations profondes et les besoins incoercibles qu'elles impliquent. »149(*)

    Mais avant tout, essayons de revisiter cette dimension où des volontés sont capables et de se fondre à savoir la famille, la patrie et l'humanité.

    2.3.2.2. Du rapport action-volonté : un mot ?

    Le besoin de l'homme, c'est de s'égaler soi-même, en sorte que rien de ce qu'il est ne demeure étranger ou contraire à son vouloir, et rien de ce qu'il veut ne demeure inaccessible ou refusé à son être. Agir, c'est chercher cet accord du connaître, du vouloir, et de l'être, et contribuer à le produire ou à le compromettre. Dès lors, l'action apparaît comme le double mouvement qui porte l'être au terme où il tend comme à une perfection nouvelle, et qui réintègre la cause finale dans la cause efficiente150(*). Que dire alors et comment préciser ce rapport qui lie ou qui détermine l'action à la volonté ou la volonté par l'action151(*) ?

    Dans sa contribution au colloque sur le Centenaire de Blondel, Pierre Livet s'attache à montrer la spécificité de la philosophie de l'action chez Blondel par rapport à la théorie de l'action telle qu'elle se déploie dans l'univers de la philosophie analytique : « La philosophie de l'action de Blondel est aux antipodes de la théorie de l'action des Anscombe, Von Wrigt et Davidson. La première traite des relations entre le pur agir divin et les actions transitives humaines, la seconde étudie les catégories pertinentes pour interpréter les comportements comme des actions[...] l'objectif poursuivi étant de montrer, outre la réelle communauté des problèmes, que la différence tient à. une dissociation entre point de vue en première personne et le point de vue en troisième personne ».152(*) Qu'est-ce à dire ?

    En fait, la philosophie de l'action de Blondel suppose une distinction entre point de vue en première personne (c'est-à-dire de l'agent qui pose l'acte sur la base du "je veux") et le point de vue en troisième personne (c'est la position de celui qui interprète l'acte). Or pour lui, il n'est jamais question de l'interprétation ou de l'identification de l'action (vue de l'extérieur). Il s'agit chaque fois de se placer du point de vue l'agent mais qui suscite la coopération des autres.

    Dans la thèse de 1893, cette distinction se justifie doublement : D'abord, par la méthode utilisée : pour parler de l'action, il faut expérimenter l'action. Le faire en première personne sans jamais sortir de ce point de vue. Ensuite selon les perspectives ouvertes en conclusion : l'action se dépasse vers l'extérieur, vers les autres (famille, patrie, humanité) : «L'action volontaire est donc le ciment qui édifie la cité humaine, c'est la fonction sociale par excellence. L'action est destinée à la société, et nous ne tenons les uns aux autres que par l'action »153(*) Mais, souligne l'auteur, il s'agit là d'une expansion, non d'un changement de point de vue. Quand enfin, on saisit à la fois l'ouverture de l'action sur l'infini et son incapacité à s'égaler au vouloir originel dont elle procède, on replace l'action dans le vouloir divin, et Dieu est ainsi tout à la fois troisième personne puisque transcendant et première personne puisqu'immanent à notre agir.

    Par ailleurs, Blondel distingue de façon toute classique les motifs (ce qui oriente vers l'action de manière signifiante) et les mobiles (les forces et les causes qui poussent à l'action). Néanmoins il les entrelace intimement de sorte que les motifs doivent devenir des mobiles, et les mobiles na valent que s'ils préparent un motif : «Un motif n'est pas un motif sans mobile. Mais un mobile, non plus, n'est pas un mobile sans motif [...]. Les mobiles ne valent que par le motif qu'ils préparent et se proposent. Mais le motif lui-même n'est plus, s'il ne devient à son tour un mobile. »154(*) Toutefois, il sied de relever tout de même que Blondel n'analyse jamais l'action comme un raisonnement pratique (selon le syllogisme d'Aristote). Et il ne conçoit pas l'intention comme un plan , mais plutôt comme une volonté ? Il commence par définir l'action comme "un système" de mouvements voulus ou spontanés, un ébranlement de l'organisme, un emploi déterminé de forces vives, en vue d'un plaisir ou d'un intérêt, sous l'influence d'un besoin, d'une idée ou d'un rêve"155(*)Blondel parlera ensuite de décision, mais il envisagera les alternatives non pas comme un arbre des possibles, mais bien comme des forces en conflits. Il insistera, en fin de compte, sur l'unité de l'action comme synthèse de forces orientées.Il met au centre de l'action le concept de volonté conçu d'une manière dynamique. En posant donc le concept de volonté comme primitif et central , dans l'articulation de l'action, il n'hésite pas à parler, au sein de notre vouloir, de conflit de volontés, comme s'il y avait des volontés subalternes, qui s'opposent à notre volonté principale. De plus, il soutient qu'il suffit de vouloir et d'engager une décision pour qu'aussitôt cela suscite une foule de volontés opposées, et que l'action devra (et pourra) se manifester comme action justement en triomphant de ce système de « puissances récalcitrantes »156(*).

    Ainsi, à ce niveau d'analyse, on peut dire que pour Blondel tout est volonté, y compris la volonté de ne pas vouloir (le nolle), comme il le démontre assez souvent. Cette démonstration met en jeu une sorte de privilège d'essence de la volonté. Car il n'est pas de position (fut-il nihiliste) qui ne soit vouloir. Or l'idée de volonté oppositive ne relève pas de cette analyse d'essence, mais de la description des nécessités d'une dynamique de l'action. Aussi toute décision doit-elle affronter ou s'affronter aux puissances qui se révèlent en conflit157(*) avec elle par cette décision même. Ces puissances, dans la mesure où elles entrent ainsi en conflit, jouent le rôle de volontés. Mais on peut aussi soutenir que chez Blondel, la volonté dominante doit au fond s'anticiper elle-même quand elle suscite ses antagonismes, grâce à la dynamique de l'action qui la caractérise et lui permet de procéder à un choix, à une coopération. Aussi nous faut-il revisiter l'un des lieux de déploiement et de coopération de l'action et de la volonté.

    2.4. L'expansion de la volonté : famille, patrie, humanité

    Dans la cinquième et dernière étape de la troisième partie de l'Action, Blondel traite, à propos de l'expansion de la volonté, de la problématique cruciale de l'union féconde des volontés et l'extension universelle de l'action.158(*) Et le chapitre qui nous intéresse et nous interpelle ici, est évidemment celui portant sur l'unité de l'action volontaire et l'action féconde de la vie commune. Comme quoi, l'auteur, par une approche qu'on qualifierait de psycho-sociologique, s'attache à explorer les déploiements de la volonté dans la famille, la patrie et l'humanité. De fait, Blondel est convaincu que l'action n'est pas au terme de son expansion naturelle, tant qu'elle se limite à l'individu. « La vie individuelle est forcément amenée à s'ouvrir et à se répandre ; elle fait concourir d'autres forces à ses fins ; elle cherche au dehors un complément ; elle espère une confirmation et comme un redoublement de sa propre énergie. Puisque l'individu ne peut se fermer ni ne veut se garder seul et tout en soi, il aspire à revivre en autrui »159(*).

    C'est que le point de départ de cette affirmation est la conscience. La conscience est selon Blondel doublement ouverte, en deçà et au delà : elle puise ses aliments dans l'immense milieu qu'elle résume en soi et s'élargit aux dimensions de l'univers. l'action devient alors l'intention en acte. Elle est d'abord «l'intention vivant dans l'organisme et modelant les énergies obscures dont elle avait émergé »160(*). Toutefois, elle ne saurait se restreindre à la seule enceinte de la vie individuelle. Nulle résolution ne peut se réaliser dans l'intimité de l'intimité de la personne sans intéresser le monde environnant, sans y chercher un concours, sans y provoquer une action correspondante. Dès lors agir, c'est se confier à l'univers, c'est organiser un monde conforme à son voeu. Et cela ne peut se faire que dans le passage de l'action individuelle à l'action sociale. De ce point de vue, toute la dialectique blondélienne désormais suivra le progrès de l'action depuis l'enceinte de l'individu jusqu'au point où la volonté qui anime toujours ce mouvement d'expansion attend et réclame l'intime concours avec autrui. D'autant plus que la coopération avec les autre ne suffit pas. Le vouloir éprouve le besoin de l'union réelle et totale : l'amour, tel est l'objet auquel il tend incoerciblement.

    C'est ainsi que la volonté de l'homme engendre la famille où l'unité de deux êtres à la fois désirée et impossible s'objective et se réalise dans l'enfant, la patrie qui dépasse les affections familiales et précède le sentiment de l'humanité comme synthèse originale et définie entre eux, l'humanité enfin qui apprend à voir dans l'esclave, dans le sauvage, dans le pauvre, dans le malade ou l'infirme un autre soi-même161(*) : « La loi de l'égoïsme actif et conquérant, c'est de se contredire et de se raviser en quelque sorte pour s'étendre à ce qu'il semblait d'abord repousser. Ce n'est plus assez de porter en soi comme une nation entière et de ne faire qu'une âme avec elle : l'homme aspire, pour ainsi parler, à épouser l'humanité même et à ne former avec elle qu'une et une seule volonté »162(*).

    Aussi va-t-il constituer les différentes sociétés dont l'homme devient le membre, mais qu'au fond il soutient et enveloppe de son vouloir personnel. Ce que l'auteur appellera «une coenergie»163(*) . Elle réalise une union féconde des volontés particulières pour les fédérer dans une patrie, car l'homme est toujours mû par ce désir de solidarité. La volonté épuise tout, invente tout, admet tout, même l'impossible, pour se suffire et se contenter : elle n'y réussit pas ; et cette prétention même est contraire à son voeu le plus intime.

    Comment ce mouvement qui nous porte vers d'autres volontés réussit-il à franchir le seuil fermé des consciences ? Blondel montre que tout en formant un système fermé et exclusif, chaque société aspire à s'étendre, et s'ouvre pour avoir accès à une synthèse plus large : « Là dans ce besoin et cette volonté, réside le secret mystère de l'amitié...S'aimer soi-même en aimant sincèrement un autre ; se donner et se redoubler par ce don ; se voir autre en soi-même, et se voir soi-même en autrui... »164(*). Il faut donc suivre le mouvement de la volonté depuis la plus simple et la plus intime union du seul à seul, jusqu'au point où cette coenergie tend à dépasser les limites de la vie sociale elle-même. Analysant la dimension familiale, en passant par la vie de la cité, il découvre que même la vie sociale constitue bien un besoin spontané et une construction naturelle de la volonté. Il aboutit au fait que c'est toujours l'action volontaire dont le progrès engendre et justifie ces formes successives de la vie humaine ; que ces formes se superposent et se complètent mutuellement ; que chacune ajoute à celle qui la prépare une perfection nouvelle, mais sans supprimer pour cela l'indépendance relative et la perpétuité des formes antécédentes.

    En outre, l'expansion de la volonté dans la famille et l'humanité avec la patrie comme point focal devient le lieu de l'expression même de l'action collective qui devient volonté dans la solidarité de ses membres. Car si l'action trouve nécessairement sa source dans la subjectivité humaine ; et que la constitution intrinsèque qui caractérise le sujet implique mieux inclut la nécessité des relations sociales que Blondel plaide pour ce qu'il nomme coenergie qui n'est pas coaction. Car l'action a une nature expansive. Elle procède par étapes successives pour se voir réaliser la volonté qui préside à son déploiement. Dans cette expansion donc, l'action va de l'intériorité des actes à l'action extérieure dans sa rencontre avec d'autres volontés telles qu'elles émanent de la famille, de la patrie et de l'humanité tout entière.

    En définitive, la vie en société constitue une conséquente où volonté voulante et volonté voulue cohabitent au delà de la dialectique ou du dilemme qui les caractérisent. La volonté, en société, est toujours en quête de son accomplissement ou de son achèvement donc de sa réalisation effective. La recherche et la quête de l'autre n'en demeure pas moins ce salut, ce désir, ce besoin de posséder l'autre. Car, par exemple, si d'un coté l'exercice de la liberté individuelle semble conditionner, socialement par un degré d'organisation ou de concours psychologique et physiologique, ceci concourt tout simplement à créer des mécanismes susceptibles de participer à la conservation de l'être dans ce vivre-ensemble. D'autre part, ceci est bénéfique dès qu'une action volontaire, qui puise sa force dans l'univers matériel tente de réagir sur lui, dès que la décision commence à se traduire en mouvement, il est clair qu'elle rencontre des résistances des corps propres, puis celle des objets extérieurs, et enfin celles d'autres individus comme des volontés rivales. Néanmoins, dans cette expansion la volonté finit par se réconcilier avec toutes celles éparses qui lui résistaient grâce au concours d'une gestion ordonnée de la liberté. Ainsi, par exemple, en se pliant en toute liberté aux lois civiles, aux règles d'association, la volonté de l'individu en vient à se réconcilier avec celle des autres ; la concurrence fait place à la coopération, et par l'institution de la famille, de l'État, la volonté humaine trouve dans la vie sociale les moyens d'accroître, de régler et de maîtriser efficacement son vouloir et ses penchants ou désirs. Ainsi, entre le coeur à coeur de l'intimité familiale et le tous à tous du partage de l'humanité, la patrie constitue ce relais irréductible de la volonté qui se déploie vers sa fin. L'ouverture du sujet au-delà du soi et du premier cercle familial fait halte en quelque sorte dans la particularité nationale pour que la liberté jouisse du bien qu'elle a contribué à créer avec les autres. Mais si la patrie constitue ce vouloir , cette synthèse des vouloirs individuels et privés et ceux éparpillés dans l'humanité, le problème est-il résolu ? Assurément pas. Car Blondel pense que l'élan de la volonté, au delà de la patrie exige, mieux s'élargit à la quête d'un Autre, d'un Infini, d'un Absolu en qui se réconcilient définitivement tous ces vouloirs.

    2.5. De l'infini de la volonté à l'expérience de l'être

    L'analyse philosophique de l'action humaine a dévoilé une disproportion intrinsèque entre la fin du vouloir (la volonté voulante) et les réalisations effectives (la volonté voulue), disproportion indicative d'un besoin de l'absolu ou du transcendant, ou du tout autre, qui en vient à constituer le point d'intersection. Or, il se trouve que ce que montre Blondel, entre autres, dans l'Action de 1893, c'est que pour être fidèle au principe moteur, aux exigences de la volonté voulante en l'homme, l'action ne peut s'arrêter ni se contenter aux divers paliers constitutifs de l'activité humaine, et que, nécessairement, l'action humaine est rejetée vers un au-delà, un transcendant qui ouvre au don surnaturel. Pour cela, il est important de souligner alors que la conscience de l'action pour Blondel doit impérativement impliquer l'idée de l'infini, l'idée de l'Être transcendant. Comment comprendre cela ?

    Blondel part d'un fait indiscutable l'Action pour montrer qu'il existe toujours une inadéquation profonde entre la volonté voulante et la volonté voulue. l'homme se découvre fini, mais il se veut infini. Il veut l'infini. Mais ce qu'il exige n'est possible que si l'infini se donne gratuitement, et l'homme peut alors le reconnaître et l'accueillir. Pour le Cardinal Poupard : « De la découverte de l'insuffisance à l'accueil de la surabondance, c'est la totalité de l'expérience vécue qui nourrit l'analyse où la matièreapparaît vitalisable, la vie spiritualisable et l'esprit divinisable. De la sensation à la perception, de la science au sujet qui la fait, de la famille à la cité, les dépassements successifs de l'action inscrivent la recherche perpétuelle de l'infini dans le fini, au point de jonction de l'immanence et de la transcendance»165(*).

    Dès lors, la volonté est donc infinie de multiples manières166(*) . D'abord parce que j'agis dans le réseau infini des nécessités qui définissent l'horizon au départ de mes actions volontaires. Ensuite parce que l'action libre consiste justement à transgresser ces déterminations aussi nombreuses et rigoureuses qu'elles soient. Enfin, cette volonté de l'infini traduit une quête de l'Autre par la charité ou l'amour.

    Ce que confirme d'ailleurs Blondel lui-même : « Nul ne pense agir, s'il ne s'attribue le principe de son action et s'il ne croit être quelqu'un ou quelque chose, comme un empire dans un empire »167(*) ; par suite de cette transcendance envers les causes, les nécessités et même les motifs, l'action libre évolue dans l'inconditionné, que Blondel nomme l'infini : « En deux mots : la conscience de l'action implique la notion d'infini ; et cette action infinie explique la conscience de l'action libre»168(*). l'infini est donc pensée en rapport étroit avec l'action. On retrouve donc la volonté qui a présidé au choix déterminant de cette action. C'est autant dire que la volonté ne quelque sorte se retrouve en quête de son infini. De ce point de vue, l'infini de l'acte volontaire marque en fait l'irréductibilité de la liberté aux phénomènes (en termes kantiens), ou l'irréductibilité de la personne à la nature (en termes patristiques). Aussi pour Blondel, la volonté transcende tous ces objets comme idoles169(*). Car l'idole apparaît quand l'acte qui en fait vise et accomplit l'infini, veut reposer son élan, dans un étant, ou bien comme un étant, pour n'avoir plus à persévérer dans l'extase de la la volonté libre.

    En outre, en agissant par une volonté qui transcende infiniment ses propres intentions réales, l'homme se découvre toujours déjà déporté dans l'infini, comme un horizon170(*) . Car « Il y a un infini présent à tous nos actes volontaires, et cet infini est moins dans la connaissance que dans la vie ; il n'est ni dans les faits, ni dans les sentiments, ni dans les idées, il est dans l'action »171(*). Et J.-L. Marion peut renchérir : « Sous l'apparence d'une faculté telle qu'en débattent les métaphysiciens (Schopenhauer, Nietzsche, Descartes), la volonté doit ainsi se reconnaître comme la trace d'une trace qui, peu à peu, redevient elle-même en s'admettant le vestige de l'infini. L'Action a pour ambition de reconduire la volonté de son infini strictement métaphysique à la fonction théologale de cet infini : vestgium Dei... Il s'agit, en reconnaissant à la volonté son infinité, de la rendre à elle-même afin qu'elle sache se rendre à l'infini. »172(*)

    Ainsi selon J-B J Vilmer : « L'aspiration vers l'infini, qui est désir de Dieu, n'est autre que la volonté voulante de Blondel - ou encore la volonté de la volonté, volonté de puissance de Nietzsche - qui décrit le dépassement de l'homme et qui donne l'impulsion aux volontés voulues, les volitions quotidiennes sur les objets particuliers contingents. Le désir de Dieu est alors ce conatus qui nous fait persévérer dans notre être voulant. Ce qui implique aussi, inversement, que cet être voulant préexiste et amorce le désir de Dieu qui le conserve»173(*). C'est donc cette dernière tentative de l'effort humain, dans sa quête et son aspiration marquées par l'apparent échec de l'action de sa volonté, qui nous amène à poser la problématique de l'Unique nécessaire avec ce caractère de nécessité et de gratuité tout ensemble qui convient à la détermination ultime de l'idée du divin comme surnaturel174(*). «C'est nécessaire et c'est impraticable».175(*)

    Conclusion

    Au terme de cette analyse, il est clair que c'est dans la dialectique de la volonté qu'il faut percevoir le sens des actions humaines ; il est d'autant plus clair aussi que l'homme ne peut pas échapper à l'exigence de l'option, du choix ; et que y renoncer, c'est paradoxalement poser son adhésion. Blondel montre alors que dans chaque vouloir humain persiste toujours le sentiment de manque, d'une inachevabilité de l'action. Car, si l'homme surpasse certains phénomènes (désirs, besoins...), il reste cependant vrai qu'il ne domine toujours pas son propre vouloir. Il n'arrive pas souvent à épuiser les secrets et profonds ressorts de sa volonté. Sa volonté voulue (celle qui est une volonté de surface) entre perpétuellement en conflit avec la volonté voulante (celle qui est justement une volonté profonde et spirituelle). Les principes de celle-ci ne gouvernant pas toujours celle-là, la volonté spontanée de l'homme ne s'accorde pas souvent avec sa volonté réfléchie. Bien souvent, derrière la volonté de ne rien vouloir profile et s'affirme la ferme volonté de vouloir. C'est pourquoi, l'homme n'affirme le néant que parce qu'il a besoin d'une réalité plus solide et plus comblante. Et l'activité scientifique, personnelle, individuelle et sociale qui engendre la famille et la patrie et qui tend, sous l'influence de certaines doctrines, à vouloir borner la destinée humaine à tel ou tel secteur de la vie, s'avère un échec. Car, à côté de l'hypocrisie176(*) de la pensée qui croit tout savoir, il y a la tendance humaine à se créer des idoles telles que la science, la nation afin de leur conférer une valeur absolue qu'elles ne possèdent pas. Mais là encore, la prétention de se suffire « avorte parce que , dans ce qu'on a voulu et fait jusqu'ici, ce qui veut et ce qui agit demeure toujours supérieur à ce qui est voulu et fait ». De cette insuffisance de l'ordre naturel apparaît l'exigence d'un besoin supérieur, un recours qu'aucun fait ni phénomène ne pourra combler de sorte qu'« il est impossible de ne pas reconnaître l'insuffisance de tout l'ordre naturel et de ne point éprouver un besoin ultérieur. C'est nécessaire, et c'est impraticable. Voilà toutes brutes les conclusions du déterminisme de l'action humaine177(*). Ce que Blondel lui-même ouvre par ces mots : « En me heurtant à la suprême nécessité de la volonté, j'ai donc à déterminer ce que je veux, afin que je puisse, en toute plénitude, vouloir vouloir. Oui, il faut que je veuille moi-même ; or il m'est impossible de m'atteindre directement ; de moi ) moi, il y a un abime que rien n'a pu combler. Point d'échappatoire pour me dérober, point de passage pour avancer seul : de cette crise, que va-t-il ? 178(*) ».Voilà qui ouvre la voie à l'examen du Vinculum (lien) possible entre volonté voulante dans son ouverture et son achèvement dans l'expérience de l'Unique Nécessaire.

    CHAPITRE TROISIÈME

    DE L'ACHÈVEMENT DE LA VOLONTÉ
    À L'UNIQUE NÉCESSAIRE

    Introduction

    L'examen de l'expansion de la volonté ou du déploiement de son action, qui a focalisé les recherches du second chapitre, a révélé ses limites. Car la dialectique qui la caractérise est inexorablement marquée par la finitude alors qu'elle tend toujours à une infinitude. De la sorte, l'étude des conditions et des exigences déployées depuis, ayant montré successivement autant dans le milieu organique et matériel, que dans la vie sociale puis dans l'idéal de l'infini autant d'éléments constitutifs de la réalité de ce que nous devons être ou que nous voulons être. C'est au seuil de cette inachévabilité qu'apparait l'exigence et la nécessité de l'Unique nécessaire qui constitue comme pour ainsi dire l'aboutissement du raisonnement pratique.

    En effet, l'Unique Nécessaire apparaît au troisième moment de la quatrième partie « au moment où se noue le conflit entre l'apparent avortement de l'action voulue et l'indestructibilité de l'action volontaire d'une part et d'autre part la manifestation de l'inévitable transcendance de l'action humaine »179(*). Et dans la pensée de Blondel, en faisant surgir cette réflexion, les preuves de existence de Dieu constituent une charnière parce que tout le domaine où se déploie l'action humaine a été inventoriée sans que le problème ne soit résolu : « impossible de s'arrêter », parce que la volonté continue de vouloir alors qu'elle semble n'avoir rien à vouloir ; « de reculer » parce que le problème reste posé ; « d'avancer seul », parce que ce qui est au delà est inaccessible180(*) . C'est donc à une option vitale , à une alternative qu'est appelée la volonté humaine. Pour cela notre propos partira donc de l'analyse de l'insuffisance de l'ordre naturel. Il examinera ensuite les trois moments par lesquels semble passer toute action volontaire et enfin l'articulation de l'option de l'Unique nécessaire à travers les différentes preuves de l'existence de Dieu telles que Blondel se les approprie pour résoudre la difficulté liée à l'insuffisance de la dialectique de la volonté.

    3.1. De l'insuffisance de l'ordre naturel

    Il nous semble important de rappeler que l'Action de 1893 est divisée en cinq (5) parties. De fait, on remarque que l'enchainement que l'auteur suit consiste en ceci : Par une critique du dilettantisme, la première partie démontrait qu'on ne pouvait éluder ni se soustraire à la problématique de la destinée ; La seconde partie avait pour rôle de montrer, par une critique du pessimisme, qu'on ne pouvait s'en tenir exclusivement à une solution négative, car la volonté du néant impliquait, par voie de conséquence, une contradiction. Laquelle contradiction révélait qu'il y avait "quelque chose" au delà du dilemme ; enfin la troisième partie a posé le problème de l'action avant que la quatrième ne s'attèle à la démonstration de l'achèvement de ce problème par affirmation de l'Unique Nécessaire. Or, on ne peut poser cette affirmation sans revisiter cette troisième partie qui sert comme pour ainsi dire de charnière parce que justement il pose le problème de l'insuffisance de l'ordre naturel comme il l'énonçait déjà :

    « Dans mes actes, dans le monde, en moi, hors de moi, je ne sais où ni quoi, il y a quelque chose. De cette donnée consentie surgira, par une secrète initiative qui apparaîtra de plus en plus clairement, tout l'ordre sensible, scientifique, moral et social [...] Et en suivant jusqu'au bout de ses exigences l'élan du vouloir, on saura si l'action de l'homme peut être définie et bornée dans ce domaine naturel».181(*)

    Mais avant tout qu'est-ce que l'ordre naturel ? À en croire H. Bouillard,182(*) l'ordre naturel désigne, dans la langue des théologiens modernes, le plus souvent l'ordre de la création y compris la relation fondamentale de la créature au Créateur ainsi que la connaissance de cette relation par la lumière naturelle de l'esprit. Blondel, dans sa Trilogie, se conformera à cet usage. Mais dans L'Action de 1893 et les autres écrit de cette époque, il s'en tient plutôt à l'usage qu'a accrédité dans la philosophie moderne le développement des sciences physiques et naturelles et qu'a consacré l'apparition du positivisme. Nous en sommes avertis dès le début de la troisième partie : « Faire entrer dans le champ de la connaissance et de la puissance humaines tout ce qui nous semble d'abord le moins accessible [...], fonder la vie individuelle ou sociale sur la Science seule, se suffire, c'est bien l'ambition de l'esprit moderne. Dans son désir de conquête universelle, il veut que le phénomène soit, et soit tel qu'il le connait et qu'il en dispose ; il admet que constater les faits et leur enchainement, c'est les expliquer complètement ; il considère comme à demi prouvée toute hypothèse qui lui permet d'éviter l'intervention de la Cause première ; la crainte de la métaphysique n'est-elle pas le commencement de la sagesse183(*) ? ». Ainsi donc s'adressant aux philosophes qui sont ses contemporains, il donne le même sens qu'eux à l'expression qu'il emploie comme eux : le terme d'ordre naturel, loin d'inclure la relation fondamentale du monde et de l'homme à la cause première, en fait systématiquement abstraction ; il désigne tout simplement le champ de l'activité humaine. Nous pouvons donc présumer que, lorsque Blondel en viendra à conclure que l'homme ne peut se borner à l'ordre naturel, il voudra dire simplement que l'homme ne peut se contenter d'exercer la domination de son savoir et de son pouvoir sur le monde. C'est ce qui transparait, d'ailleurs, dans ces termes : « Oui ou non, pour qui se borne à l'ordre naturel, y a - t-il concordance entre la volonté voulante et la volonté voulue ; et l'action qui est la synthèse de ce double vouloir trouvera-elle enfin en elle-même de quoi se suffire et se définir ? Oui ou non, la vie de l'homme se restreindra-t-elle à ce qui est de l'homme et de la nature, sans recours à rien de transcendant ? »184(*).

    Il faut donc partir d'une analyse phénoménologique de l'action pour comprendre le déploiement de la volonté et ses visées. Cette démarche, pour Blondel, a comme horizon «d'analyser le contenu de l'action voulue, afin d'y voir développée toute la diversité des objets qui paraissent être des fins étrangères mais qui ne sont en réalité que des moyens pour combler l'intervalle de ce que nous sommes à ce que nous voulons »185(*). Aussi cette démarche révèle-t-elle que dans les actes de l'homme, dans le monde, dans l'homme lui-même ou hors de lui, il y a quelque chose. Ce quelque chose demeure encore une donnée indéterminée, mais de lui surgit tout l'ordre sensible, scientifique, moral et ou social. Vouloir, désirer ardemment cet ordre qui n'est que la résultante d'un autre ordre, c'est manifestement tomber dans la superstition. Qu'est-ce à dire ?

    En fait, Blondel va déployer successivement les différentes sphères de l'activité humaine, justifiant chacune d'elles par l'impossibilité de s'en passer, et dépassant chacune d'elles par l'impossibilité de s'y borner. l'auteur commence par une relecture de la donnée la plus élémentaire : la sensation. Elle porte en elle, nous semble-t-il, une insuffisance, à laquelle on remédie en créant la science. Celle-ci, à son tour, suppose une activité synthétique, l'action constituante d'un sujet. Le mouvement de cette conscience fait nécessairement apparaît la liberté. Pour se maintenir et se développer, la liberté se déploie et s'incarne dans l'exécution : aux prise avec les résistances du corps et du monde, elle construit l'individualité. À son tour, l'individu cherche et obtient au dehors un complément : il veut fonder une société. C'est ainsi que le vouloir engendre la famille, la patrie, humanité. Mais l'intention de l'homme s'étend encore plus loin, elle suscite une morale impliquant l'absolu du devoir. Dès lors, le terme auquel l'action réfléchie semble éprouver le besoin de se suspendre, c'est un absolu. Or, le fait que l'homme prétende trouver sa suffisance dans l'ordre naturel et qu'il n'y réussisse pas constitue pour lui une crise et l'expose à la superstition en tentant d'achever son action et de se suffire : « C'est le phénomène de la superstition qu'il faut étudier ; le phénomène, c'est-à-dire la manifestation nécessaire d'un besoin, sous quelque forme qu'il cherche à se contenter ; la superstition, c'est-à-dire l'emploi d'un reliquat de l'activité humaine, hors du réel.»186(*) Blondel le découvre dans l'idolâtrie de la science ou de l'art, dans les pseudo-mystiques, et même dans le déisme rationaliste ou le moralisme. Pourtant aucun d'eux, on l'aveu, ne suffit à combler l'amplitude du vouloir. De ce point de vue, on peut arguer qu'en tout acte humain réside une ébauche de mysticité naissante. Et pour essayer d'achever son action et de se parfaire, l'homme tente d'absorber ce divin, de se fabriquer un dieu à sa façon et d'accaparer par sa seule force de quoi se suffire. C'est ainsi que« l'action superstitieuse consiste donc à prendre pour absolu un objet dont la finitude même marque mieux qu'il est créature de l'homme, puisque c'est l'homme qui le valorise en fixant sur lui son aspiration infinie »187(*). Celle-ci s'étend bien au-delà du culte des idoles. Blondel la relève en maintes pratiques de l'homme civilisé, en divers mysticisme. Tel est le cas de la vie domestique fondée sur des pratiques rituelles (respect, vénération, amende honorable, civilités), de la vie politique (cérémonial) liée au respect traditionnel des dévotions cérémonielles etc. De cette manière, tous les essais d'achèvement s'annulent. Car la prétention de se suffire « avorte parce que, dans ce qu'on a voulu et fait jusqu'ici, ce qui veut et ce qui agit demeure toujours supérieur à ce qui est voulu et fait188(*) ». Et Paul Archambault d'ajouter : « En vain, par une suprême démarche et une suprême illusion, l'homme tente-t-il de réaliser au dehors cet infini qui lui échappe au dedans, de s'offrir, sous la forme d'un symbole ou d'une idole, son propre besoin d'achèvement, de se fabriquer un Dieu à sa façon pour y enfermer enfin de quoi devenir suffisant. Grossière ou raffinée, matérielle ou spirituelle, naïvement idolâtrique ou parée de grands mots de la science ou du sentiment, la superstition n'arrive pas à boucler l'ordre maintenant étalé des phénomènes naturels et humains. Aliquid superest. Dans tout ce que nous avons voulu et fait jusqu'ici, il y a plus, en quelque sorte, que nous n'avons pu réussir à vouloir et à faire »189(*).

    Dans cette même optique, Blondel dénonce aussi, le risque d'idolâtrie, y compris de l'idolâtrie du métaphysicien qui s'imagine que « par ses conceptions et par ses préceptes, par ses systèmes et par sa religion naturelle, il va mettre la main sur l'Être transcendant, le conquérir et le maîtriser en quelque sorte »190(*) : ce métaphysicien « n'est-il point idolâtre à sa façon ? »191(*). Néanmoins cette chute dans l'idolâtrie appelle quelque précision. Selon Bernard Sève192(*), « La clé de cette explication tient à une distinction fondamentale dans la problématique blondélienne : la distinction entre la volonté voulante et la volonté voulue. l'homme est d'abord un être agissant, un être de volonté. Mais aucune des réalisations concrètes de la volonté humaine n'est capable de la satisfaire, aucune n'épuise son ampleur initiale : « la volonté, traversant comme d'un bond toutes les apparentes satisfactions qu'elle rencontre, se retrouve, après, en face d'un vide plus insondable»193(*), mais cette volonté déçue par ses actions c'est-à-dire par ses objectifs) ne peut éprouver cette déception que parce qu'en fait elle voulait autre chose et plus que ce qu'elle peut atteindre dans le monde des phénomènes ; cette volonté voulue (volonté explicite et consciente) était mue par une volonté plus profonde et plus secrète, la volonté voulante : « quoi que la volonté ait réussi à atteindre par ses seules forces, l'action n'est point encore égalée au vouloir dont elle procède ; la volonté ne s'est pas encore voulue tout entière.»194(*) B. Sève souligne l'importance du concept "égalée", car ce concept constitue indéniablement le pivot de la dialectique de l'action.

    Il s'ensuit donc que la volonté n'arrive jamais à s'égaler elle-même, à se vouloir intégralement elle-même : cette dénivellation ou disproportion intime entre elle-même nourrit l'action et la pensée, qui doivent creuser toujours plus loin pour arriver enfin à une adéquation entre soi et soi. De la sorte, l'idole, c'est l'interruption prématurée de cette dialectique : « ce reliquat de force et de volonté qui semble ne savoir à quoi s'en prendre, c'est une tentation naturelle de lui assigner un objet, un objet qui, fini et insuffisant comme les autres, n'aurait point par lui-même la capacité de recevoir l'hommage qu'on prétend lui rendre, mais qui justement, à cause de cette petitesse, satisfait au double besoin qu'a l'homme et de créer et de maîtriser son dieu.[...] ; il le prend dans la série des choses pour le mettre hors de la série195(*) ». Et B. Sève peut renchérir en montrant que « la série ne peut être épuisée, puisque la sérialité même des choses exprime l'infinité de la volonté voulante ; arracher un objet fini quelconque à la sérialité, le fétichiser, c'est vouloir (chose impossible) renoncer à l'infinité de cette volonté voulante, c'est vouloir se satisfaire de la volonté voulue. Mais l'action volontaire est indestructible : il faut d'abord reconnaître et même «avouer l'insuffisance de tout objet offert à la volonté »196(*), et donc reconnaître «la nécessité [et] le besoin d'autre chose, d'une chose au prix de laquelle le phénomène ne semble plus que néant»197(*). Pour égaler le sujet au sujet même, pour « vouloir vouloir »198(*), il va falloir affirmer l'unique nécessaire, Dieu199(*)

    En conséquence, l'analyse phénoménologique, par un procédé qu'on peut qualifier de métaphysique, conduit implicitement au désir d'un au-delà qui se donne la tâche de mettre en forme l'affirmation implicite de l'absolu. Une telle affirmation ne jaillit pas d'ailleurs, mais surgit, bien entendu, du conflit entre l'insuffisance de l'ordre naturel et l'épreuve d'un besoin ultérieur, entre la volonté contredite et vaincue d'une part , et, la volonté affirmée et maintenue d'autre part. C'est cela même qui constitue ce que Maurice Blondel appelle l'expérience humaine à travers l'avortement de l'action . Donc « Il est impossible de ne pas reconnaître l'insuffisance de tout l'ordre naturel et de ne point éprouver un besoin ultérieur ; il est impossible de trouver en soi de quoi contenter ce besoin religieux. C'est nécessaire, et c'est impraticable. Voilà, toutes brutes, les conclusions du déterminisme de l'action humaine »200(*).

    3.2. Fondement du rapport volonté-action : les trois moments de l'action

    Il est indéniable que l'analyse phénoménologique des instances ou des sphères socio-organiques (espace et temps) dans lesquelles la volonté semble ne pas s'achever et s'accomplir doit amener à explorer concrètement son articulation dans le cadre d'une dialectique de l'action. Ce que d'ailleurs fait l'auteur au début de la quatrième partie avant d'évouquer précisément la question de l'Unique Nécessaire. Car cette sorte d'impasse, aussi négative soit-elle, prépare en quelque sorte le terreau, cette fois-ci positif, à partir duquel il bâtira son raisonnement mieux la logique de la démonstration de ce à quoi tend effectivement tout vouloir humain. Il devient alors symptomatique de constater que les concepts "clés" qui ouvrent le vocabulaire de la quatrième partie sont , à n'en point doute ceux de : avortement , indestructibilité, transcendance.

    Ils ne sont donc pas seulement des concepts ou des mots-clés, mais en réalité des moments ou des étapes qui partent d'une expérience d'un apparent échec à l'ouverture d'une réalisation complète. L'apparent avortement de l'action prépare le terrain, l'indestructibilité renforce son caractère inévitable (il faut nécessairement poser le problème) et la transcendance récapitule et transforme l'échec en un dénouement favorable.

    D'où pour R. Vigourlay : « Le premier moment présente l'aspect négatif dont il convient de préciser deux traits : il s'agit d'un avortement « apparent » et il est celui de « l'action voulue». L'échec de celle-ci provient d'abord des obstacles qu'elle rencontre et dont les plus graves ne sont pas ceux du dehors mais ceux du dedans [...].

    Le deuxième moment s'oppose dialectiquement au premier, sans risque de contradiction car il s'agit ici de l'action volontaire alors que l'avortement est celui de l'action voulue. Or cet avortement n'est qu'apparent. Il est contredit par tout le pouvoir de la volonté déployée jusque-là dans la dialectique antécédente, notamment dans l'organisation des phénomènes par la science et de la vie par l'action morale. Il est contredit surtout par «l'indestructibilité de l'action volontaire», par l'exigence persistante de la volonté voulante qui a toujours du mouvement pour aller plus loin.

    « L'immense ordre des phénomènes où se répand la vie de l'homme semble épuisé et le vouloir humain ne l'est pas. La prétention qu'il a de se suffire avorte, mais non par pénurie ; elle avorte, parce que, dans ce qu'on a voulu et fait jusqu'ici, ce qui veut et ce qui agit demeure toujours supérieur à ce qu est voulu et fait »201(*).

    [...] Le troisième moment est celui de « l'inévitable transcendance de l'action humaine ». Nous dépassons ici l'apparente contradiction de l'avortement et de indestructibilité, du voulu et du volontaire, dans la synthèse intégrale de l'action humaine. Arrivé à ce stade, l'homme se trouve pris dans un ensemble d'impossibilités. Impossibilité de reculer, car le mouvement est irréversible, l'action volontaire est « indestructible ». Impossible de s'arrêter, car l'avortement n'est qu'apparent et le vouloir ne s'égale pas encore. Impossibilité d'avancer, car l'adéquation parfaite est irréalisable par l'homme seul, comme en témoigne l'échec, l'avortement qui viennent d'être analysés. C'est alors que se présente la seule issue envisageable, après que toutes les autres aient été fermées. Cette issue se trouve dans l'idée de « l'Unique Nécessaire» [...]202(*) ». Examinons à présent l'articulation ou l'ancrage de chaque moment.

    3.2.1. L'apparent avortement de l'action volontaire

    Pour comprendre le caractère parfois ambigu ou obscur de certaines expressions de l'auteur, il ne faut pas perdre de vue le contenu qu'il donne à chaque concept, et que cela se situe dans une construction dialectique qu'il s'est imposé. Ce qui revient à dire qu'il faut toujours se situer dans la dynamique des deux fameuses volontés à l'oeuvre dans la structure de l'expérience humaine à savoir une volonté voulante (spirituelle et interne) à une volonté voulue (extérieure et de surface). Blondel précise d'ailleurs les termes de cette opposition fondamentale lorsqu'il écrit : « Dans ce qui est volontaire, y a-t-il donc quelque chose qui peut n'être point voulu ; dans ce qui est voulu, quelque chose qui peut n'être point volontaire ? -Oui ; et c'est cette contradiction qui est la mort de l'action».203(*)

    Blondel, en effet, passe en revue (au début de la troisième partie) toutes les contradictions204(*) que la volonté voulue affronte de façon permanente montrant par là qu'il est pleinement conscient des difficultés inhérentes à la condition humaine. Que révèle l'examen final de l'action dans le monde des phénomènes ? Il révèle qu'en dépit de toutes ses réussites partielles, il y a toujours une nécessité radicale qui précède, enveloppe et dépasse l'initiative personnelle : au départ, la volonté ne s'est pas voulue ; dans ce qu'elle veut, elle découvre des conséquences qui lui échappent. C'est ce qui marque son impuissance.

    Ainsi, pour Blondel, l'action humaine est toujours en bute à cette primitive contradiction qui gouverne en quelque sorte notre volonté. Et le scandale de cette disproportion vient justement de la prétention qu'a l'homme de vouloir se suffire à lui-même alors que des forces et des obstacles extérieurs s'opposent à sa volonté. Il est en quelque sorte pris dans ce déterminisme naturel qu'il ne peut ni prévoir, ni éviter, ni contourner. Blondel souligne le caractère inéluctable de ce conflit inhérent à l'être en ces termes :

    « Supposez que l'homme fasse tout selon ce qu'il veut, obtienne ce qu'il convoite, anime l'univers à son gré, organise et produise comme il le souhaite l'ordonnance totale des conditions où il appuie sa vie : il reste que cette volonté même, il ne l'a pas posée ni déterminée telle qu'elle est. Et même s'il ne trouve pas, dans l'emploi qu'il en fait, rien qui la contrarie, il découvre pourtant, en son fond, cette primitive contradiction : il veut ; mais il n'a pas voulu vouloir ».205(*)

    Cette observation souligne qu'il y a toujours une contrainte initiale qui pèse sur la volonté et qui n'a toujours pas été levée. Par ailleurs, il est clair qu'au cours de son déroulement, l'action rencontre sans cesse des déceptions : « mis dans l'action, l'univers ne la comble pas ; s'approcher du but, c'est s'éloigner du désir[...] Mais il n'est pas nécessaire d'épuiser le monde pour sentir qu'on ne s'y désaltère pas. Une amertume plus forte [...] nous instruit des contradictions injurieuses où nous sommes exposés : cette leçon, c'est la souffrance »206(*). Et ce n'est pas seulement du dehors, c'est surtout du dedans que nous viennent les démentis qui nous blessent, comme les passions qui semblent dévorer le meilleur de nous-mêmes : «Subir ce qu'on ne veut pas, ne pas faire tout ce qu'on veut, faire ce qu'on ne veut pas et finir par le vouloir, jamais on échappe entièrement à cette fatalité humiliante et douloureuse »207(*). Dès lors, nous tolérons, par exemple, la souffrance par ce que nous escomptons toujours un bien futur. Mais notre attente à cet égard ne peut être que déçue, car dans les actes que nous avons posés, les défaillances survivent et elles vont même en s'aggravant, en sorte que nous n'arrivons plus à en maîtriser les conséquences. Et « le pire n'est pas peut être de ne pas changer nos actes, c'est que nos actes nous changent, au point que nous ne pouvons plus nous changer nous mêmes»208(*). Bref, l'impuissance de notre action nousapparaît totale : « avant, pendant, après nos actes, il y a dépendance, contrainte, défaillance»209(*).

    De le dire plus clairement : « nous voudrions nous suffire : nous ne pouvons pas. Contre le déterminisme de l'action voulue parait se dresser, plus fort et plus évident encore, un déterminisme opposé »210(*). Et ceci semble annuler les efforts humains à vouloir dépasser ces vouloirs contraires ou mieux à les orienter ou à les canaliser autrement. S'élève alors alors un aveu d'impuissance : « l'homme aspire à être pleinement ce qu'il veut, mais il ne le peut absolument pas l'être malgré lui211(*) ». C'est autant dire que l'auteur observe que la volonté humaine ne semble pas s'être voulue elle-même, car dans ce qu'elle veut, elle rencontre perpétuellement d'invincibles obstacles ; dans ce qu'elle fait se glissent toujours et déjà d'incurables faiblesses dont elle ne peut réparer les suites. De plus l'homme se trouve incapable de remédier aux suites de l'action défaillante, d'annuler le mal dont il est l'auteur, de refaire ce qu'il a été capable de défaire. Fondamentalement donc, la volonté se heurte à son propre principe, à ce déterminisme antérieur et plus profond qui le précède, enveloppe et dépasse notre initiative personnelle. L'homme veut mais il n'a pas voulu vouloir. Pour R. Vigourlay, « la faiblesse de la volonté est donc l'expression d'une foncière impuissance, non seulement par rapport à ce qu'elle prend pour objet, mais par rapport à elle-même. l'obstacle fondamentale tient à sa nature, à l'excès inépuisable du voulant sur le voulu, à l'impossibilité de se vouloir complètement. »212(*)

    En conséquence, l'apparent avortement n'est que celui de l'action volontaire alors que l'avortement est celui de l'action voulue. Donc si les termes extérieurs du vouloir s'épuisent dans les obstacles et les contradictions, les échecs (souffrance, malheur, mort), il reste que de toute son existence, demeure cette volonté voulante qui pousse à vouloir toujours tant qu'elle n'a pas trouvé en un Être complet sa raison d'être et de se suffire. Car l'action qui a commencé à s'accomplir dans le monde des phénomènes, ne peut renier son premier mouvement de réalisation mais qu'elle est obligée, par fidélité à elle-même à le poursuivre. D'où l'examen de cette section portant sur : «La volonté affirmée et maintenue. Indestructibilité de l'action volontaire»213(*).

    3.2.2. L'Indestructibilité de l'action volontaire

    Ce second moment de l'expansion de l'action volontaire part du fait qu'il y a impossibilité de ne point poser le problème de l'action, qu'il y a impossibilité de trouver refuge dans un néant, qu'il y a impossibilité de se contenter de tout ce qu'embrasse l'ordre immense des phénomènes, qu'il y a impossibilité de ne pas reconnaître l'insuffisance de l'ordre naturel, de ne point éprouver un besoin ultérieur, et impossibilité de ne pas trouver en soi et par soi de quoi contenter ce besoin. Cette quête donne l'impression d'un échec de l'action. l'action humaine avorte. Et elle avorte dans la dépendance, la souffrance, l'impuissance et la mort. Tous ces éléments cités sont des faits. C'est un fait que nous sommes conscients des déficiences de la vie actuelle, et c'est un fait que nous connaissons le caractère inéluctable de la mort. Mais, pour Blondel, ces faits ne résultent pas d'une constatation empirique : ils ne surgissent à la conscience que parce que celle-ci est traversée par l'exigence d'une vie meilleure. Ainsi : « avouer l'insuffisance de tout objet offert à la volonté, sentir l'infirmité de la condition humaine, connaître la mort, c'est trahir une prétention supérieure214(*) ». Et quelle peut être cette prétention supérieure, sinon une prétention à l'immortalité ? « On ne comprend le fait de mourir que parce qu'on possède la certitude implicite de survivre215(*) » souligne encore Blondel. Et donc «L'attachement à la vie est, malgré un caractère de nécessité apparente, l'effet d'une foncière adhésion de la volonté à sa propre nature. »216(*)

    Dans ce même ordre d'idées, nous pouvons insinuer que l'indestructibilité de l'action volontaire signifie donc l'indestructible attachement de la vie à la vie. Elle est l'effet d'une foncière adhésion de la volonté à sa propre nature (sic). Par cet inéluctable attachement à la vie, la mort, la souffrance, la douleur et l'échec apparaissent comme autant de sentiments constatés a posteriori dans l'action humaine. Ces faits apparaissent, néanmoins, par contraste, c'est-à-dire «comme la négation de ce qu'on voulait ou comme l'affirmation de ce qu'on ne voulait pas »217(*).

    C'est pourquoi, on peut observer que ce conflit et cette limite par rapport à l'obstacle extérieur ne font que traduire et signifier la faille interne qui sépare les deux plans de la volonté, l'impuissance de la volonté voulue (en ce que le non voulu du malheur s'impose à elle) et l'exigence irrépressible de la volonté voulante qui risque ainsi d'apparaitre comme une nécessité, une contrainte tyrannique impossible à satisfaire. Or, c'est cette exigence de la volonté voulante qui donne toute leur dimension négative aux expérience du mal, de la souffrance et de la mort, leur faisant dépasser le plan de la pure facticité. C'est la complexité même de la volonté qui est à l'oeuvre ici : D'une part, elle apparaît comme une énergie affirmative dont la présence constitue une sorte d'argument ontologique non dialectique mais réel. « Qui pose le problème de l'être et de l'immortalité en a déjà en soi la solution, par la vertu cachée d'une sorte d'argument ontologique, mais d'un argument qui ne se fonde pas sur une dialectique des idées, d'un argument qui développe simplement l'énergie réelle et actuelle du vouloir humain. Ce n'est donc pas l'immortalité, c'est la mort même qui est contre nature et dont la notion a besoin d'être expliquée »218(*). D'autre part, la présence de cette affirmation fondamentale exprime une nécessité qui s'impose avec autant de netteté que la volonté voulue semble inopérante, qu'elle est tenue en échec . Les contradictions en apparence les plus répugnantes à la volonté ne servent qu'à mettre en lumière son invincible attachement à elle-même. Ces expériences non voulues permettent finalement de dégager la volonté voulante dans son caractère positif. La volonté profonde est ce qui subsiste en présence de ce qui n'est pas voulu et qui le fait éprouver comme négatif. Ainsi, le mal, la souffrance et la mort ne sont pas de faits simples. Ce sont des négations, des contradictions qui ne peuvent être expérimentées comme telles que par la présence du positif à quoi elles s'opposent.

    Ceci arrive par le fait que la volonté ne se contente pas dans un monde fini, elle cherche ailleurs pour trouver sa nature dans ce qu'elle a toujours voulu : l'infini. Toujours exigeante en effet, elle dépasse les limites du temps pour s'installer dans ce qu'elle n'est plus. C'est donc ce continuel regain d'énergie qui nous prouve le besoin d'aller plus loin puisqu'elle n'épanche jamais toute la vie intérieure dans l'objet fini du monde. Voilà pour quoi, par une sorte d'argumentation ontologique qui ne se fonde pas sur une dialectique des idées, mais développe tout simplement l'énergie réelle et actuelle de notre vouloir qui demeure indestructible, Blondel découvre la voie de la résolution de ce conflit : « Les satisfactions apparentes ou provisoires le dévoilent ; dans ce qu'on veut comme dans ce qu'on ne veut pas, il y a quelque chose qu'on veut par dessus tout. Il se trouve donc, dans l'action voulue, un contenu réel dont la réflexion n'a pas encore égalé l'ampleur [...] Là donc où l'on dit : néant du phénomène, insuffisance du phénomène, avortement et insignifiance de l'action humaine, il faut traduire : nécessité et besoin d'autre chose, d'une chose au prix de laquelle le phénomène ne semble plus que néant. » 219(*)

    De plus, c'est donc de ce conflit qui s'élève en toute conscience humaine que jaillit vraisemblablement l'aveu de l'unique nécessaire. Sans doute, cet aveu ne revêt pas encore et toujours la forme explicite d'une affirmation de l'existence de Dieu. Mais la connaissance intellectuelle n'est pas la seule voie, la seule forme sous laquelle Dieu puisse révéler sa présence à la conscience : « Sans en connaître le nom et la nature, on peut deviner son approche et comme éprouver son contact, tout ainsi que dans le silence et la nuit l'on entend les pas, l'on touche la main d'un ami qu'on ne reconnait pas encore. »220(*)

    Dès lors, même contredite et vaincue dans les faits, la volonté humaine toutefois demeure et n'avoue même pas sa défaite. Car tous ces biens dont nous croyons un moment pouvoir nous satisfaire, la dialectique de l'action n'établit pas seulement que nous les désirons et les voulons en fait ; nous ne pouvons pas ne pas les désirer et les vouloir, par un engrenage inévitable à notre liberté même. En conséquence, toutes ces déceptions dont souffrirait l'homme, ne viendraient pas de la lassitude, mais de l'insatiabilité. l'aliment manque, l'appétit subsiste. Nous sommes faits pour autre chose. Il y a un sentiment de surabondance sous le sentiment de notre indigence221(*).

    Enfin de compte, la prise de conscience de notre impuissance actuelle, loin de nous arrêter, nous met dès lors devant une dimension nouvelle de notre volonté voulante : il y a quelque chose à vouloir que nous n'avons pas encore voulu jusqu'à présent. Et pour sortir du dilemme et retrouver le vrai fond de notre vouloir, Blondel en appelle à une option, à une alternative. Chaque homme doit reconnaître dans son action ce qui s'y trouve déjà. Ainsi le conflit se résout donc en une alternative qui, en face des termes contradictoires du dilemme, exige une option suprême et permet seule à la volonté de se vouloir librement elle-même telle qu'elle le souhaite être à jamais. C'est cette exigence d'une option suprême qui conduit à l'affirmation de l'Unique nécessaire . Et c''est donc l'objet de cette dernière section : l'analyse phénoménologique de l'Unique nécessaire222(*).

    3.3. De la volonté à l'Unique Nécessaire : la transcendance de l'action

    3.3.1. État de la question

    C'est d'un point de vue phénoménologique que la problématique de l'unique nécessaire est abordée au troisième moment de cette quatrième partie de l'Action en posant bien ce que l'auteur nomme précisément «l'inévitable transcendance de l'action humaine». Pourtant, il convient de bien situer la démarche qui permet à Blondel d'en arriver là, et surtout l'ancrage de la volonté dans son articulation avec cette idée de l'Unique nécessaire. En effet, la philosophie blondélienne est une philosophie dialectique. Blondel s'emploie à explorer la dialectique de la vie afin de dégager une logique propre de l'action qui permet d'interpréter la volonté . De là donc surgit le déterminisme inflexible qui nait de l'acte de vouloir à partir des multiples implications pour arriver à l'idée de cet Absolu. Et pour Blondel, les différents termes du dilemme, les différentes étapes de la dialectique de l'action suffiraient à elles seules pour arriver à démonter la valeur philosophique de l'Unique nécessaire ou de l' idée de Dieu.

    En effet, pour traiter de l' idée de Dieu, Blondel sent la nécessité de revisiter tout le discours relatif à la critique du pessimisme de Schopenhauer. L'auteur prend tout d'abord acte des contradictions qui affectent la volonté dans l' ordre des phénomènes : le sujet découvre qu' il ne maîtrise son action ni dans son principe, ni dans son déroulement, ni dans ses conséquences. L' auteur remarque ensuite, qu' en dépit de ses échecs actuels, le sujet ne peut supprimer sa volonté d' être ni considérer comme irréalisables. Il y a donc un conflit radical qui surgit au sein même de la volonté : « de moi à moi, il y a un abîme que rien n' a pu combler»223(*).C'est dans ce contexte qu' une nouvelle hypothèse se fait jour. Car si les phénomènes ne permettent pas au sujet de se rejoindre lui-même, il est inévitable que celui-ci conçoive un être qui soit pour lui l'Unique nécessaire. Aussi, dans l' examen qui suit, il s'agit uniquement d' examiner comment s'engendre l' idée de Dieu, sans conclure prématurément que Dieu existe. Ce sera le rôle du renouvellement des preuves ou arguments sur Dieu.

    3.3.2. L'Unique Nécessaire

    Les analyses liées à l'insuffisance de l'ordre naturel et à l'inévitable découverte d'un besoin supérieur montrent bien que tout le mouvement du déterminisme nous porte à l'affirmation de l'Unique Nécessaire. En effet, par une sorte d'analyse phénoménologique de l'action, Blondel en pose le point de départ  :

    «Dans mon action, il y a quelque chose que je n'ai pu encore comprendre et égaler ; quelque chose qui l'empêche de retomber au néant, et qui n'est quelque chose qu'en étant rien de ce que j'ai voulu jusqu'ici. Ce que j'ai volontairement posé ne peut donc ni se supprimer ni se maintenir ; c'est ce conflit qui explique la présence forcée dans la conscience d'une affirmation nouvelle ; et c'est la réalité de cette présence nécessaire qui rend possible en nous la conscience même de ce conflit. Il y a un unique nécessaire. Tout le mouvement du déterminisme nous porte à ce terme : car c'est de lui que part ce déterminisme même, dont tout le sens est de nous ramener à lui224(*)

    Dès lors, l'affirmation de l'Unique Nécessaire s'appuie donc sur l'action entendue comme : « ce lien substantiel qui constitue l'unité concrète de chaque être en assurant sa communion avec tous [...] le lieu géométrique où se rencontrent le naturel, l'humain et le divin »225(*). Mais s'il est entendu que l'affirmation de l'unique nécessaire s'appuie sur l'action, il n'en demeure pas moins que pour démontrer l'existence de cet être transcendant et absolu dans lequel s'évanouit et s'achève définitivement notre volonté, il faut faire recours à un certain nombre de preuves qui justifient ou prouvent la réalité même de cet Absolu. Mais plutôt que de preuves, c'est une expérience, une nécessité que la conscience rencontre dans l'action . Cette nécessité tient sa force et sa légitimité du seul fait qu'il est impossible de s'arrêter, de reculer, d'avancer seul. C'est la voie où il est impossible de ne pas passer. »226(*) En réalité, pour Blondel, la volonté qui n'a plus d'objet fini à vouloir, ne peut plus vouloir, néanmoins elle n'arrête pas son élan. De la sorte, l'inventaire complet de tout ce qui peut être voulu relève de l'adéquation du volontaire et du voulu. Et sur ce, la volonté voulante est elle-même conduite à se retourner sur elle-même, à vouloir non plus l'objet, mais l'acte ou l'être même de la volonté. Ainsi, parvenue à ce stade, la volonté dépasse l'ordre de la nature et la métaphysique lui sert de médiation puisqu'elle seule ne peut combler l'abime qu'elle creuse entre la nature et la morale. Ainsi la pensée s'élève à concevoir ces vérités régulatrices pour l'action comme une nécessité qui n'est pas de même nature que les prémisses. Car « la pensée de l'idée de Dieu en nous dépend doublement de notre action. D'une part, c'est parce qu'en agissant nous trouvons une infinie disproportion en nous-mêmes, que nous sommes contraints à chercher l'équation de notre propre action à l'infini. D'autre part, c'est parce qu'en affirmant l'absolue perfection nous ne réussissons jamais à égaler notre propre affirmation, que nous sommes contraints à en chercher le complément et le commentaire dans l'action. »227(*)

    Pour cette raison, R Virgoulay peut affirmer que « l'idée de Dieu apparaît donc mais ne s'impose pas encore ; elle n'est point nécessaire tant qu'on n'a pas cherché par tous les moyens à en faire l'économie. » 228(*)Car celle-ci se trouve dans le surcroit qui résulte de l'action, dans le dynamisme inépuisable de la volonté voulante. C'est donc de là qu'il faut partir pour comprendre et assumer l'usage que Blondel fait de l'argumentation classique relative à l'existence de Dieu par un procédé dialectique. Mais lorsque nous parlons ici d'une dialectique de l'idée de Dieu, il ne s'agit aucunement d'une argumentation toute abstraite. Certes, se trouve toujours maintenu le point de vu de la logique, mais l'enjeu n'est pas de pure spéculation ; Car Dieu ne relève pas seulement d'une exigence théorique mais pour Blondel, il relève bien du mouvement total de la volonté. Ainsi, s'il est plus qu'une idée nécessaire de l'entendement, c'est qu'il est un postulat de l'action : « Penser à Dieu est une action, mais nous n'agissons pas sans coopérer avec lui et sans le faire collaborer avec nous, par une sorte de théergie nécessaire qui réintègre dans l'opération humaine la part divine, afin de mettre l'action volontaire en équation dans la conscience. »229(*)

    Plus fondamentalement encore, Blondel est clair en montrant que l'idée de Dieu (nous précisons bien qu'il s'agit de l'idée de Dieu et non d'une affirmation même de Dieu), quand il l'a rencontrée, il ne l'a considérée que sous un aspect tout pratique :

    «En montrant que cette conception, inévitablement engendrée dans la conscience, nous force à affirmer au moins implicitement la vivante réalité de cette infinie perfection, il ne s'est nullement agi d'en conclure l'être de Dieu ; il s'est agi de constater que cette idée nécessaire du Dieu réel nous mène à la suprême alternative d'où il dépendra que Dieu soit réellement ou ne soit pas pour nous.»230(*)

    C'est dans ce sens que dans des pages assez brillantes et au raisonnement serré, Blondel, modifiant en cela la disposition kantienne231(*), va réinterpréter les preuves classiques de Dieu et les retraduire dans le langage de l'action :

    «Aussi est-il légitime ici, et ici seulement, d'identifier l'idée à l'être, parce que sous cette identité abstraite nous plaçons d'abord celle de la pensée et de l'action. Il ne faut donc pas dire seulement que nous allons de l'idée à l'être ; il faut dire que nous trouvons d'abord l'idée dans l'être et l'être dans l'action. Nous découvrons en nous la perfection réelle, et nous passons à la perfection idéale. Nous allons, si l'on peut dire, de nous en elle, afin d'aller d'elle en elle. Sans doute la preuve ontologique n'a jamais, pour nous, toute la valeur qu'elle a en soi ; car elle n'est absolue que là où il y'a l'idée parfaite de la perfection même, là où l'essence est réelle et l'existence idéale. Il est donc vrai que pour atteindre «l'unique nécessaire», nous ne le saisissons pas lui-même en lui-même où nous ne sommes ; mais nous partons de lui en nous où il est, afin de mieux voir qu'il est en comprenant un peu ce qu'il est. Nous sommes en train de l'affirmer dans la mesure où nous en avons l'idée : car cette idée même est une réalité232(*)

    De ce point de vue, cette citation peut être comprise comme le fait que Blondel n'affirme pas exactement la preuve de l'existence de Dieu. Mais l'idée de Dieu est plutôt posée en terme d'hypothèse ou de postulat à la conscience. Ce qui fait dire à B. Sève233(*) qu'«on ne se méprenne pas sur le "nous sommes contraints" final : Blondel veut dire que la logique de l'action doit nous amener à opter pour Dieu ; mais cette option reste libre, c'est-à-dire qu'elle est bien une option et non la conclusion nécessaire d'un système de prémisses. Cette option prend la forme d'une alternative : ou bien être sans Dieu, vouloir se suffire ; ou bien être dieu par Dieu et avec Dieu ou bien «vouloir infiniment»234(*), ou bien «vouloir l'infini235(*) . »

    Ainsi l'idée de Dieu selon Blondel suppose, pour être saisie et même pour être produite, la dialectique réelle de l'action agissante. Le lien entre idée (ou pensée) de Dieu et action est double : d'un coté, cette idée ne se trouve que dans l'expérience de la disproportion intime entre le voulant et le voulu ; de l'autre, c'est parce qu'en affirmant l'absolue perfection nous ne réussissons jamais à égaler notre propre affirmation, que nous sommes contraints à en chercher le «complément et le commentaire dans l'action»236(*). À ce stade, l'affirmation de Dieu semble donc être provoquée par notre incapacité à nous égaler à nous-mêmes ; mais à cette affirmation non plus nous n'arrivons pas à nous égaler : c'est l'action qui va permettre de compléter le sens vrai et plein. Car l'affirmation de Dieu est provoquée par l'action et reconduit à l'action. De sorte que « dans l'action volontaire, il s'opère un secret hymen de la volonté humaine et de la volonté divine [...] L'action est une synthèse de l'homme et de Dieu »237(*). Blondel parle même d'action théandrique, où volonté humaine et volonté divine sont coextensives. Ainsi, l'affirmation blondélienne de Dieu est-elle une affirmation indissolublement logique et pratique, remontant dialectiquement des exigences de la vie à l'Unique Nécessaire qu'elle appelait à son terme parce qu'elle le contenait dans son principe :

    «Ainsi se révèle peu à peu l'ambition intégrale de la volonté qui se cherchait elle-même sans se connaître d'abord tout entière. C'est ne prétendant s'égaler effectivement sa propre puissance qu'elle cesse de trouver sa suffisance en elle seule. Nous voulions, semble-t-il, tout faire de nous-mêmes ; et voici que, par ce dessein, nous sommes amenés à reconnaître que nous ne faisons rien, et que Dieu seul, agissant en nous, nous donne d'être et de faire ce que nous voulons. Quand donc nous voulons pleinement, c'est lui, c'est sa volonté que nous voulons. Nous demandons qu'il soit, qu'il soutienne, achève, reprenne en sous oeuvre toutes nos opérations ; nous ne sommes à nous que pour nous réclamer de lui et nous rendre à lui ; notre vraie volonté, c'est de n'en avoir point d'autre que la sienne ; et le triomphe de notre indépendance est dans notre soumission238(*) ».

    La citation peut prêter à équivoque, mais en réalité, elle traduit à juste titre la conviction pour Blondel de rester philosophe et de poser philosophiquement le problème de l'unique nécessaire en des termes philosophiques. Pour cela donc, nous avons à en suivre l'éclairage dans l'articulation des trois preuves de l'existence de Dieu : la preuve cosmologique en tant qu'elle reflète tout ce qui a été voulu et dont la volonté a éprouvé l'insuffisance ; la preuve téléologique c'est-à-dire de l'acte même de la volonté qui se réfléchit ; enfin la preuve ontologique où il sera perçue l'équation de la pensée et de l'action dans l'être239(*). Néanmoins, quand bien même, ils seraient nommés preuves, cela ne doit pas s'entendre au sens logique d'une démonstration qui viserait une satisfaction de l'esprit ; mais plutôt comme des voies, mieux des approches susceptibles de favoriser la saisie et la compréhension des étapes qui participent de l'achèvement de la logique de l'action à travers l'action volontaire. De plus, tellement liés que Blondel240(*) ne les considèrera jamais comme trois arguments différents, mais plutôt comme des voies qu'on pourrait prendre indifféremment pour arriver au même but : « ils ne sont qu'une seule voie semblable à une avenue qui changerait de nom en traversant les localités différentes»241(*).

    3.3.2.1. L'argument cosmologique

    Ce qui sert de base ou de fondement à l'argument cosmologique est, à n'en point douter, tout ce qui existe dans l'ordre des phénomènes , c'est-à-dire les choses visibles, les sciences humaines, les phénomènes de la conscience, les arts et les oeuvres, la religion etc. Or tout ceci est apparu à la volonté sous le mode , d'une part de «ce qui parait n'être pas» (c'est-à-dire le vide de sa propre déception), et d'autre part de «ce qui parait être» (c'est-à-dire le chemin parcouru). L'expansion de la volonté en a fait l'expérience de leur insuffisance. La volonté a fait l'expérience de la plénitude du néant , mais aussi de la nécessité de l'être qui se dissimule en eux. Le point de départ semble donc être un résultat négatif : de tout ce qui a été fait et pensé, l'insuffisance a été éprouvée. Or, « sous ces voiles se cache un hommage à l'être ; c'est le néant forcément qui le confesse242(*) ». Qu'est-ce à dire ?

    «En réalité, écrit Blondel, en se déployant dans l'univers, la volonté prend clairement conscience d'elle-même et de ses exigences : la nature, la science, la conscience, la vie sociale, le domaine métaphysique,le monde moral, n'ont été pour elle qu'une série de moyens : elle ne peut y renoncer ni s'en contenter ; elle s'en sert donc comme de tremplin pour prendre son élan»243(*). Pour C. Dhotel : « Deux points importants sont à remarquer dans ce texte : d'abord, c'est l'ordre entier des phénomènes qui sert de base à l'argument , c'est-à-dire tout ce qui existe dans le monde fini, dans l'ordre même où la volonté en a fait la découverte ; le premier pas de l'argumentation est bien donc une récollection de l'expérience de l'expérience totale. D'autre part, l'argument ne s'appuie pas seulement dans sur le fait de la contingence des êtres reconnue objectivement, mais avant tout sur une contingence éprouvée comme besoin et insatisfaction par la volonté elle-même [...] Ainsi considéré, l'argument de la contingence n'est autre que la traduction dialectique de l'inadéquation du volontaire et du voulu »244(*). Ceci dit, l'argument cosmologique ne cherche pas le nécessaire hors du contingent, il le trouve dans le contingent même, comme une réalité déjà présente. Mais dans le cadre de ce raisonnement, même si l'élan du vouloir tend à quelque chose, il semble que l'unique nécessaire n'est pas encore nommé. Il est pressenti en ce sens qu'il ne peut partir des phénomènes, mais de nous, c'est-à -dire de notre conscience.

    Autrement dit, si la volonté continue de vouloir après avoir obtenu ce qu'elle voulait d'abord dans les phénomènes ; si ces phénomènes lui sont nécessaires sans être pour elle suffisants, c'est qu'il y a pour soutenir dans l'être ces phénomènes, c'est-à-dire pour les faire participer, mais seulement participer, à sa nécessité absolue, quelque chose «qui n'est ni le néant ni le phénomène»245(*). Ainsi donc l'argument cosmologique ne permet pas encore de nommer ce quelque chose, car pour le nommer il faut l'avoir trouvé et d'abord le rejoindre. Néanmoins, l'argument cosmologique n'est donc pas à proprement parler une preuve, car il n'établit rien. Il ne fait qu'indiquer le sens de la marche : celui qui va vers le centre de l'âme. Puisqu'en effet il n'y a plus rien à trouver en extension dans l'ordre des phénomènes et puisque d'autre part, l'unique nécessaire n'est encore que pressenti, c'est donc de nous-même qu'il faut partir. Dans ces conditions, l'argument cosmologique amène ou conduit inexorablement à l'argument téléologique.

    3.3.2.2. L'argument téléologique

    Après le premier argument qui reposait sur le monde des phénomènes, Blondel nous conduit à l'argument téléologique. Il représente comme pour ainsi dire le moment de la réflexion de l'action sur elle-même. Le moment où on l' on prend nécessairement conscience des limites de l'esprit humain par la perception de la disproportion continuelle de l'action et de la pensée. Donc c'est autant dire que celui-ci porte sur l'expérience : « Il ne suffit donc pas d'établir, par un syllogisme, l'harmonie des moyens, la grandeur des fins, et la nécessité d'une cause sage et intelligente pour ordonner l'univers et la pensée»246(*). En fait, dans L'Action il s'agit principalement d'exploiter le rapport et la disproportion qui existent entre le réel et l'idéal . Il s'agit précisément de s'appuyer sur l'expérience en tant qu'elle recèle à la fois le monde des phénomènes et l'histoire subjective de sa découverte : « Que l'on comprenne bien l'étendue de cette épreuve. Elle rassemble tout ce que nous avons trouvé hors de nous ou en nous-même d'intelligibilité et d'intelligence, de mouvement et de force, de vérité et de pensée »247(*). C'est autant dire que cette preuve porte sur l'examen de la totalité du monde extérieur, mais en tant qu'elle est intériorisée dans l'expérience totalisante de la pensée et de l'action. Plus le dire autrement, Blondel écrit :

    La force de cette preuve, c'est de prendre son point d'appui dans notre expérience la plus intime. Ce n'est pas en faisant la somme de nos petites qualités, ce n'est pas en extrayant des choses la beauté et la puissance qu'elles manifestent, ce n'est ni par abstraction ni par contraste, que nous découvrons l'unique nécessaire, comme s'il était un idéal extérieur à nous et sans racine dans notre vie. Loin d'être une projection et comme un prolongement fictif de ma pensée et de mon activité, il est au centre de ce que je pense et de ce que je fais ; je l'environne ; et pour passer de la pensée à l'action ou de l'action à la pensée, pour aller de moi à moi, je le traverse sans cesse [...] Et quoi que je trouve en moi cette présence et cette action, je ne puis dire qu'elles soient. Cet unique nécessaire n'a de raison d'être que parce que nous ne nous égalons pas nous-mêmes. Pour donner l'équation de notre action volontaire, il faut regarder en nous jusqu'où cesse ce qui est de nous [...]. Il y a au fond de ma conscience un moi qui n'est plus moi.248(*)

    Nous observons donc que loin d'être un idéal fictif que l'homme projette toujours en avant de lui-même et auquel il s'aliène, l'unique nécessaire est essentiellement le principe constitutif qui fonde la condition humaine dans ce qu'elle a de nécessaire. Ainsi, à la différence de l'argument cosmologique qui mettait en relief la contingence, la nécessité relative des phénomènes afin de ressortir la nécessité absolue, la preuve téléologique détermine cette nécessité en montrant qu'elle ne peut pas relever seulement des phénomènes , mais qu'elle englobe la totalité de l'existence et de l'expansion de la volonté. L'argument téléologique détermine donc, sur ce plan, cette nécessité en montrant qu'elle ne peut pas relever des phénomènes, moins encore davantage de nous bien que nous le découvrons en nous. une telle nécessité n'est pas une simple abstraction. Elle est la perfection nécessaire pour penser et agir ; c'est une lumière de notre pensée, une efficacité de notre action, en tant que sagesse et puissance. À n'en point douter cette perfection existe bel et bien. c'est l'expérience intime, celle de la disproportion constante en nous. En tant que "acte pur de la pensée parfaite", cette condition de possibilité de notre agir ne peut être de nous bien que nous la trouvions en nous. De cet acte pur de la pensée : « La vraie preuve téléologique montre que la sagesse de l'homme n'est pas dans l'homme. Elle cherche comment la pensée et l'action coïncident et par où s'unissent la sagesse et la puissance »249(*). Le témoignage de l'expérience révèle qu'une union si parfaite ne se réalise pas en nous, de sorte que pensée et action ne parviennent pas à coïncider durablement. Nous tournant donc au plus profond de nous, cet argument nous fait découvrir  quelqu'un qui est plus que nous-même, comme il y a, note Blondel, « au fond de ma conscience un moi qui n'est plus moi, j'y reflète ma propre image. je ne vois qu'en lui : son mystère impénétrable est comme la tain qui réfléchit en moi la lumière. Mais s'il est en moi plus que moi, il n'est pas plus que moi je ne suis lui.250(*)» La récurrence des concepts tels que mystique, miroir, lumière suggère donc une perfection, une sorte d'illumination qui n'est pas dans l'homme, mais qui lui vient d'un Être autre que lui-même. C'est cet Autre, en tant qu'il est plus et différent mais proche de moi que révèle cet argument. Ainsi pour donner l'équation de notre action volontaire, il faut regarder en nous jusqu'où cesse ce qui est de nous. C'est ce que Saint Augustin appelle l'intimior intimio meo, le lieu où l'immanence de la transcendance détermine l'inévitable transcendance de l'action humaine. L'Unique nécessaire n'est pas seulement postulé, puisque c'est à partir de notre expérience la plus intime (de moi à moi) qu'elle prend appui. Il n'est donc pas réductible à un besoin de ma pensée ou de mon action, ce qui reviendrait à le relativiser, ou à le compromettre dans sa réalité; il est réel pour moi, non par moi, parce qu'il est en soi. C'est autant dire que ce sentiment de perfection en moi n'est pas de moi puisque c'est à travers l'expérience de mon impuissance et avec le sentiment d'une disproportion que je découvre l'Unique nécessaire. De ce point de vue, l'argument téléologique appelle l'argument ontologique.

    3.3.2.3. L'Argument ontologique

    L'argument téléologique a préparé ce troisième argument comme la clef de voute251(*) des approches précédentes. L'ambition sinon la prétention de la preuve ou de l'argument ontologique est d'affirmer sinon l'idée de Dieu, du moins l'existence de Dieu à partir de la dialectique de l'action et donc de la logique de la volonté dans son expansion. Or, au cours des développements antérieurs, Blondel semble avoir déclaré que quand il a rencontré l'idée de Dieu, il ne l'a considérée que sous un aspect tout pratique :

    «En montrant que cette conception, inévitablement engendrée dans la conscience, nous force à affirmer au moins implicitement la vivante réalité de cette infinie perfection, il ne s'est nullement agi d'en conclure l'être de Dieu ; il s'est agi de constater que cette idée nécessaire du dieu réel nous mène à la suprême alternative d'où il dépendra que Dieu soit réellement ou ne soit pas pour nous252(*)

    On peut être tenté de comprendre ce constat de la manière suivante : la logique de l'action fait surgir dans la conscience l'idée de Dieu, non comme affirmation, mais uniquement comme idée ; celle-ci entraine simplement la nécessité d'une option ; seule cette option affirme l'existence de Dieu. En cela il suit un peu le développement de l'idée de perfection telle qu'on la trouve dans le Proslogion de Saint Anselme253(*), mais aussi son affirmation chez Descartes ou Malebranche254(*).

    Ainsi, pour P. Lachièze- Rey : « Primitivement, et on le constate non seulement dans la première Action, mais surtout dans le compte rendu de la soutenance de Thèse255(*), M. Blondel se plaçait sur un plan exclusivement phénoménologique [...]. Dieu apparaissait donc d'abord uniquement comme une idée, une idée dont on faisait la genèse et dont on montrait comment elle devait naitre nécessairement à un moment du processus spirituel [...].Mais, quand il s'agissait de de sa valeur ontologique, l'idée de Dieu n'entrainait par sa présence que la nécessité d'une option, option à laquelle nous n'avions aucun moyen d'échapper. l'affirmation de Dieu apparaissait comme une sort de postulat, et la position de M. Blondel ne semblait pas très éloignée de celle de KANT.[...] Il semble au contraire que, désormais, dans les derniers ouvrages, on est directement installé dans l'être, que l'existence de Dieu n'est plus l'objet d'une affirmation exigée par l'achèvement voulu de la pensée et de l'action, par une décision en faveur de cette réussite, mais qu'elle est considérée comme réellement donnée dans le mouvement propulseur et que l'option ne porte maintenant que sur l'attitude intellectuelle et pratique prise par l'esprit en présence de cette situation. La démonstration n'est plus que l'élucidation d'une possession originaire et il ne s'agit plus de faire un acte de foi rationnelle en courant le risque de l'affirmation, mais de consentir à ce que révélera inévitablement la recherche 256(*) ».

    De fait, la force de l'argument ontologique c'est que, selon Blondel, elle ne surgit pas, elle ne résulte pas d'une construction logique de l'entendement, mais du mouvement total de la vie. Elle saisit dans l'action volontaire « précisément ce qui s'y trouve déjà, ce qui par conséquent s'exprime nécessairement à la conscience et y est représenté toujours sous quelque forme que ce soit. »257(*) Aussi l'exposition dialectique de cette preuve spontanée doit montrer que par elle s'unissent en une synthèse démonstrative tous les arguments partiels, qui, isolés, demeurent stériles. Loin de critiquer à la manière de Kant la preuve ontologique, la preuve cosmologique et la preuve téléologique, Blondel montre comment elles puisent au dynamisme de l'action une vertu contraignante258(*). Ainsi renouvelé, dit-il, l'argument qui procède de la contingence «a un tout autre caractère, un ressort plus puissant qu'on ne l'a cru d'ordinaire. Au lieu de chercher le nécessaire hors du contingent, comme un terme ultérieur, il le montre dans le contingent même comme une réalité déjà présente ». l'argument ontologique aussi reprend un sens et une vigueur nouvelle. Il est légitime ici, et seulement ici, d'identifier l'idée à l'être, parce que nous trouvons d'abord l'idée dans l'être et l'être dans l'action259(*). Sans doute, pour atteindre l'unique nécessaire, nous ne le saisissons pas lui-même en lui-même où nous ne sommes pas ; mais nous partons de lui en nous où il est, afin de mieux voir qu'il est en comprenant un peu ce qu'il est. Nous sommes contraints de l'affirmer dans la mesure où nous en avons l'idée : car cette idée même est une réalité260(*).

    Plus concrètement, l'idée de perfection en cet Être absolu chez Blondel n'est pas la résultante d'un a priori, c'est-à-dire « une fiction arbitrairement construite sans fondement réel»261(*)À vrai dire, elle n'a pas été découverte comme une idée de l'intelligence, mais dans l'action comme un principe d'action, qui donne à toutes nos démarches leur relative consistance tout en nous faisant éprouver leur insuffisance. C'est donc en fait l'action, mon action qui ,en s'approfondissant découvre l'être, c'est-à-dire, non une notion, mais un sujet au sens hypostatique et non notionnel, sujet où sagesse et puissance coïncident, et dont il est possible de dire qu'il est en moi sans être moi, bien qu'il puisse être encore nommé par son nom ; et enfin, à l'intérieur de ce sujet que je découvre l'idée de perfection, qui est identité de l'action et de la pensée, à moi donnée pour que je puisse penser et agir. N'est-ce pas que ces trois preuves se co-pénètrent ?

    3.4. L'unité des preuves comme action et dialectique de la volonté

    En suivant le déploiement et l'expansion de la volonté, à partir de la dialectique de l'action, ce qui est découvert, selon le mot de C. Dhotel, « c'est un être personnel dont l'action, en retour, va se manifester nécessairement. Blondel attribue ce résultat à deux faits : la dialectique des preuves prises dans leur ensemble, et le caractère total de l'action comme fondement de la certitude acquise au terme »262(*). En effet les trois preuves, qui ne doivent pas être prises isolément ont abouti à démontrer la présence au terme de notre action d'un être personnel dont l'action se manifeste nécessairement comme achevée et définitive; alors que les actions humaines souffrent de leur insuffisance et de leur pénurie intrinsèquement naturelles.

    Néanmoins, prise isolément, chaque preuve n'aboutirait qu'à élever une idole, à étaler un fruit sans raison qui pourrait se manifester comme cause première dans la preuve cosmologique, comme idéal moral dans la preuve téléologique et comme idée de perfection dans la preuve ontologique. Ce qui n'est évidemment pas de l'avis de notre auteur. Car aucune notion, aucun résultat ne s'est dégagé de la preuve cosmologique, sinon le fait que toutes choses sont à considérer comme à la fois nécessaires et insuffisantes aux aspirations de la volonté. Rien non plus du coté de la preuve téléologique, sinon que l'expérience exige l'identité de la pensée et de l'action soit donnée, puisqu'elle ne peut pas être de nous. De même pour la preuve ontologique laissée au pouvoir de la raison, elle n'eut abouti qu'à une idée vide de contenu. Ces preuves, ajoute-t-il il a fallu les offrir ensemble. Ensemble, mais en ordre, « dans une unité synthétique »263(*). Ces preuves, pouvons-nous ajouter, ne montrent pas la constitution progressive d'une idée, mais la progression de l'esprit vers la rencontre de la réalité. C'est tout le mouvement de la vie et de l action qui est en jeu ici. Aussi, Blondel les considère-t-il comme découlant de l'action, entretenant la vie et retournant à l'action. Voilà bien le sens de leur adéquation dans un mouvement d'action et un mouvement dialectique. Car si l'action se heurtait aux bornes du fini, elle cesserait d'agir. Du coup, l'au-delà du fini, que ces preuves manifestent l'ouverture de l'action à un champ infini d'implications : « en ce qui touche à la complexité de la vie, seule l'action est nécessairement complète et totale. Elle porte tout et d'elle seule l'action ressort l'indiscutable présence et la preuve contraignante de l'Être»264(*).

    En conséquence, surgie du déterminisme de l'action humaine, l'idée de transcendance n'entend donc pas mettre en relief la prétention de l'inaccessibilité au transcendant, mais plutôt son ouverture inconditionnelle aux êtres finis. En même temps qu'il renvoie l'homme à lui-même, ce Transcendant, cet Unique nécessaire suscite en l'homme l'exigence irréductible de se donner à Lui, comme à l'auteur de son accomplissement total. Le lien ainsi établi de nous à lui inclut l'homme dans une sorte de coopération infinie avec Dieu. Néanmoins,que la volonté humaine participe à l'Absolu, cela lui vient d'un enjeu infini. Et donc, c'est en tant que liberté qu'il entre dans cette coopération comme un lien qui le fonde et qu'il a à promouvoir : « s'il doit y avoir, pour que la volonté trouve son équation, synthèse de l'homme et de Dieu, il ne faut pas oublier que l'acte commun qui consacre toute alliance, est en un sens, tout entier l'oeuvre de chaque coopérateur».265(*)

    Or cette façon de procéder et la manière dont il a abouti à l'option de et pour Dieu suscita maints débats. Mais, même si ces interprétations suscitèrent beaucoup de méprises et de contradictions, il n'en reste pas moins que Blondel a voulu maintenir le caractère philosophique et l'interprétation philosophique de l'expansion de la volonté et l'urgence d'une option en face de l'idée de Dieu ou de l'Unique nécessaire. Pour Blondel, c'est la philosophie seule qui permet d'opérer une telle option et doit en présenter exactement les termes. D'où cette mise ne garde « que personne ne se méprenne sur le dessein proprement philosophique de cette recherche »266(*). Ce qui se dit de façon plus tranchée et claire comme une mise au point final en ces termes :

    «Ainsi se révèle peu à peu l'ambition intégrale de la volonté qui se cherchait elle-même sans se connaître d'abord tout entière. C'est en prétendant s'égaler effectivement à sa propre puissance qu'elle cesse de trouver sa suffisance en elle seule. Nous voulions, semble-t-il, tout faire de nous-mêmes et voici que, par ce dessein, nous sommes amenés à reconnaître que nous ne faisons rien et que Dieu seul, agissant en nous, nous donne d'être et de faire ce que nous voulons. Quand donc nous voulons pleinement, c'est lui, c'est sa volonté que nous voulons. Nous demandons qu'il soit, qu'il soutienne, achève, reprenne en sous oeuvre toutes nos opérations ; nous ne sommes à nous que pour réclamer de lui et nous rendre à lui ; notre vraie volonté, c'est de n'en avoir point d'autre que la sienne ; et le triomphe de notre indépendance est dans notre soumission267(*)

    Plus concrètement et résumant les implications entre action et dialectique depuis le début, on peut dire ceci : toute volonté humaine est embarquée dans un conflit interne entre le voulant et le voulu. Or, notre "moi" en réclamant son autonomie nous accule à entreprendre la recherche pratique d'une solution à ce conflit : c'est l'expansion de la volonté. Cependant, cette expansion exige et suscite une action. L'action s'impose et en s'imposant, se met elle-même en question (origine de la disproportion entre la volonté voulante et la volonté voulue). Nous voilà donc conduit à constater en nous une tension. Nous sommes pris entre ce qui s'impose à nous et la tendance de notre volonté à tout vouloir . Or ce vouloir butte à un certain nombre d'écueils car l'espace de son déploiement est sujet à beaucoup d'implications. On ne peut donc les surmonter ou les dépasser qu'en posant ou en adoptant, mieux en désirant quelque chose c'est-à-dire un univers toujours hors et en dehors de nous, mais qui est aussi en nous. Et cet univers, nous essaierons de l'épuiser. C'est ici que va se révéler le gros des implications et des obstacles. En essayant de restreindre cet univers à notre vouloir, nous retrouvons le monde des intuitions sensibles, des phénomènes, des idéologies, des sciences positives, des libertés individuelles etc. Ainsi, c'est de la manière infinie dont nous voudrions nous approprier cet univers que surgit inévitablement et inexorablement l'aveu de l'Unique Nécessaire. Le vouloir de cet univers nous impose de postuler l'Unique nécessaire qui doit être accepté par une option libre. Car, pour atteindre quoi que ce soit, en effet, il faut passer par lui et tout lui donner. De sorte qu'en toutes choses voulues, c'est au bout du compte, lui que nous rencontrons, que nous ne pouvons ne pas vouloir.

    Dès lors, il devient indéniable que toutes ces implications de notre action déploient ainsi l'univers que nous voulons et deviennent, par voie de conséquence, des vérités pour l'action et des haltes pour la pensée, c'est-à-dire des exigences de l'expansion de notre propre volonté. Ces implications sont comme posées par le mouvement de la volonté en quête de son équation, de ce qui la satisfera pleinement. Or, au moment où notre volonté nécessaire découvre sa situation au sein de ce monde concret, elle ne peut ne pas s'arrêter, arrêter son élan pour affirmer et reconnaître l'Être Transcendant ou Dieu.

    Concrètement donc, nous n'arrivons à notre ultime vérité, celle de notre être, que par l'anéantissement de toute volonté propre et l'accueil ou l'ouverture de l'universelle médiation sans laquelle nous ne sommes rien et nous ne pouvons rien.

    Conclusion

    Au regard de tout ce qui précède, force est de noter que la volonté part d'une expérience de conflit. Il y a un conflit évident et immanent entre le voulant et le voulu, entre la volonté voulante et la volonté voulue. Ce conflit qui n'épuise pas l'ordre des phénomènes naturel aboutit à un échec de l'action. Mais celui-ci n'est qu'apparent puisque la tentative perpétuelle de la volonté à se vouloir elle-même et à se suffire l'expose à un besoin supérieur. De ce conflit qui s'élève en toute conscience humaine jaillit forcément l'aveu de l'Unique nécessaire. mais sous quel mode s'est-il apparu ? Évidemment sous le mode du néant, de la négation. Ainsi c'est en explorant la distance creusée en moi que l'idée de l' Unique nécessaire se précise.

    « Oui ou non la vie de l'homme se restreindra-t-elle à ce qui est de l'homme et de la nature sans recourir à rien de transcendant ? ». C'est donc cette problématique qui a orienté la démarche employée dans ce chapitre. En effet, nous sommes partis du point où il fallait évaluer l'insuffisance de l'action humaine dans l'ordre naturel. L'exploration des implications liées à cette insuffisance a révélé l'inévitable problématique de l'Unique nécessaire. En effet, l'action humaine ne peut se renfermer dans l'ordre naturel. Elle n'y est que partiellement parce que l'élan du vouloir le provoque toujours à vouloir plus au delà ce qui a été fait et voulu à cause justement de cette disproportion qui lui est intrinsèque. Mais par ses seules forces, l'action ne réussit jamais à restituer volontairement dans ses actes tout ce qui s'y trouve spontanément. S'il prétend se borner à ce qu'il peut, s'il prétend tirer de soi ce qu'il fait, il se prive du principe même de sa vie. Aussi Blondel considère-t-il l'action bonne n'est pas celle réduite à ses seules ressources ; elle est plutôt celle qui, dans l'homme, le dépasse. De sorte que toutes les fois que l'homme accomplit un devoir, il est toujours amené à postuler un Unique nécessaire.

    Le procédé qui a conduit à l'Unique nécessaire est vraisemblablement celui où «toutes ses actions paraissent suspendues à l'acte sacré qui en est la fin et qui en devient le principe, qui en contient l'esprit caché et qui en constitue le sceau, la terre, la pierre angulaire ». Ainsi, dès lors que l'homme éprouve l'insuffisance de l'ordre naturel, il surgit en lui un désir d'infini. partagé entre ce qu'il fait sans le vouloir et ce qu'il veut sans le faire, ce vouloir s'affiche plus que jamais indestructible. Donc au fond dans sa quête pour atteindre l'unique nécessaire qui seul peut le combler parfaitement, l'esprit se voit devancé, mais il découvre ce qu'il cherchait. Ainsi se trouvent détruite la prétention d'agir et de vivre par ses seules forces, mais en même temps une obligation de continuer à approfondir cette quête. Et comme il y a au sein de l'action humaine, à ce stade, impossibilité de s'arrêter, de reculer et d'avancer seul, c'est par l'analyse ou mieux l'examen des preuves de existence que l'option finale peut être engagée. Ce à quoi nous avons abouti dans notre recherche, c'est à la fois de montrer les limites humaines de sa volonté, mais aussi l'adéquation qu'il est possible d'ériger entre le choix, l'option que l'homme est capable de faire en face de l'exercice de sa liberté. Dans cet échange l'autonomie devient hetéronomie.

    Conclusion générale

    Notre travail a porté sur « Finitude et destinée humaine chez Maurice Blondel. La problématique de la volonté dans l'Action de 1893». En effet, le point de départ est ce fait réel que l'homme demeure un être fini, mais sensiblement marqué par un désir ou une prétention à vouloir l'infini ou à se voir infini. Or, c'est vraisemblablement dans ce mouvement entre l'expression profonde de mon vouloir (volonté voulante) et l'extériorisation de ce vouloir (volonté voulue) que surgit l'expansion de ma volonté en tant qu'expression de la dialectique mon action. Aussi, s'est-il agi pour nous d'examiner comment et en quels termes s'opère ce déploiement de la volonté. Plus précisément, nous avions cherché à comprendre comment et pourquoi, à partir du dilemme constitutif des choix humains, à partir de ce conflit interne soulevé par l'auteur (cette disproportion ontologique entre ce que je veux, ce que je sais et ce que je connais) quel moment ou quelle étape finale permet à la volonté de s'accomplir et d's'achever, d'être réellement la traduction ou l'expression exacte de ce que l'homme a toujours et réellement voulu.

    Or, il ne fait l'ombre d'aucun doute que la grandeur, mais aussi la complexité de la pensée de Maurice Blondel tient à l'articulation métaphysique de certains concepts. Et parmi ceux-ci figure bien celui de la volonté. En effet, l'on sait que la question originelle qui ouvre l'Action de 1893 est celle relative à l'adéquation entre l'agir et la destinée humaine : « Oui ou non la vie a-t-elle un sens et l'homme une destinée ? mais plus encore, oui ou non l'homme se restreindra-t-il à ce qui est de la nature sans vouloir autre chose ? ». Étudiant et revisitant les implications que cette problématique soulève, Blondel en est arrivé à comprendre que chaque agir humain est déterminé par une volonté. Cependant, celle-ci se trouve confrontée à une disproportion ontologique entre ce que l'homme veut, ce qu'il sait et ce qu'il fait. Autrement dit, entre son vouloir et son connaître, il se dégage forcément une évidence telle que l'homme étant un être fini, il est toujours tendu vers un infini qu'il ne peut ni achever, ni dépasser. C'est ainsi que analysant l'action dans tout son déploiement, le but de Blondel sera de parvenir à dégager une loi manifeste de l'agir humain à partir de cette inadéquation fondamentale entre la volonté voulante et la volonté voulue.

    Voilà pourquoi, trois moments importants, de longueur et d'étendue variables, ont focalisé la structuration de notre propos.

    Le premier chapitre a consisté à situer historiquement Maurice Blondel et ses oeuvres qui traitent du thème que nous avons choisi à savoir celui de la volonté en ayant mis un accent particulier sur L'Action de 1893 et aussi ses Carnets Intimes. Dans ce même contexte, il nous a semblé important de revisiter les filiations de Blondel, notamment son inscription dans la tradition philosophique non seulement en vue de mieux le situer, mais surtout de mieux percevoir son originalité. C'est ainsi que délibérément, nous avons limité cette filiation à quelques philosophes, entre autres Aristote, Leibniz, Kant, Maine de Biran et Schopenhauer, en vue de répondre et d'atteindre le voeu que nous poursuivions : montrer les forces et les limites de la volonté notamment ses implications dans la dialectique de l'action. Car, il est clair que l'Action , pour Blondel, s'enracine dans une force qui la précède. Cette force, Blondel n'hésite pas à lui donner une dimension cosmique268(*) c'est-à-dire comme monde des phénomènes,d'autant plus qu'il y a un effort qui parcourt la nature et qui précède la volonté humaine (Ce qu'il nomme justement l'ordre naturel ). Cet effort n'est pas cependant une force irrationnelle à la manière de Schopenhauer. C'est au contraire comme l'avait bien perçu Leibniz, une force qui tend vers l'esprit et qui apparaît en l'homme comme volonté voulante. Cette volonté voulante, l'homme doit la vouloir de manière voulue mais il ne peut pas le faire de manière immédiate comme le prétend le formalisme kantien. l'homme ne peut vouloir son action qu'en s'insérant dans le monde des phénomènes ou l'ordre naturel.

    Dans cette perspective, le deuxième chapitre s'est concrètement penché sur l'examen des différents axes qui participent de l'articulation de la volonté dans l'Action de 1893. En effet, partant de l'architectonique même de l'ouvrage, l'auteur montre que c'est à partir de l'action c'est-à-dire de tout l'agir humain qu'il faut poser et résoudre le problème de la volonté. Il nous est apparu l'impérieux devoir de clarifier le contenu sémantique de la notion ou du concept de volonté. De fait, nous nous sommes rendu compte que la volonté se saisit, chez Blondel, d'abord à partir d'une disproportion intrinsèque entre deux mouvements internes : la volonté voulante et la volonté voulue. Leur dialectique ou mieux le conflit qui les caractérise nous a conduit à l'évidence qu'en tant qu'être agissant, c'est la volonté qui semble orienter les choses ; aussi vrai qu'elle permet à l'homme de discriminer, de procéder à des choix, de vouloir, de désirer ou d'aspirer à quelque chose. Cependant, étant un être de finitude, l'homme ne peut égaler ses propres exigences. Il ne réussit point, par ses propres forces à mettre dans son action voulue tout ce qui est au principe de son activité volontaire. Car la volonté qui préside à chaque action ne parvient jamais à assouvir le besoin, à se clore au plan des réalités visibles et sensibles. La volonté est toujours portée et marquée par une sorte de finitude, une insatiabilité, et même une instabilité. En conséquence la dialectique de la volonté a fini par démontrer au moins trois niveaux importants de son déploiement : D'abord que le discours sur le néant aboutit à l'affirmation de l'exigence même de la volonté (contre le dilettantisme l'esthétisme, le pessimisme, le nihilisme,...) ; ensuite que la volonté, malgré, les obstacles liés à sa dualité interne ne peut ne pas se répandre dans les relations humaines (famille, patrie, humanité) ; mais qu'insatisfaite chaque fois, elle s'ouvre résolument à une autre Volonté qui possède en elle-même la satisfaction complète et l'achèvement des finitudes humaines : c'est l'Unique nécessaire.

    Enfin, le troisième chapitre a examiné l'achèvement de la volonté humaine dans le choix ou l'option de l'Unique Nécessaire. En effet, partie de l'insuffisance de l'ordre naturel où l'expansion de la volonté a rencontré les phénomènes comme des volontés voulues, celle-ci n'a pu s'épuiser en eux ni se suffire, ni s'égaler. Il s'est donc apparu la nécessité de fonder son achèvement sur la base des preuves de l'existence de Dieu. Autrement dit, la volonté aboutit à une sorte de transcendance de l'action humaine Aussi le moment de l'achèvement de la volonté, s'il n'a pas a posé clairement l'existence de Dieu, mais l'a du moins postulé. Et c'est d'ailleurs là qu'on a découvert l'option proprement philosophique de sa démarche. Arrivé à ce stade, l'homme se trouve pris dans un ensemble d'impossibilités. Impossibilité de reculer, car le mouvement est irréversible, l'action volontaire est «indestructible». Impossible de s'arrêter, car l'avortement n'est qu'apparent et le vouloir ne s'égale pas encore. Impossibilité d'avancer, car l'adéquation parfaite est irréalisable par l'homme seul. C'est alors que se présente la seule issue envisageable, après que toutes les autres aient été fermées. Cette issue se trouve dans l'idée de «l'Unique Nécessaire».

    Eu égard à tout ce qui vient d'être souligné, nous pouvons en conséquence résumer les résultats de notre recherche : Chaque moi, chaque être humain se trouve existentiellement embarqué ou engagé dans l'univers. C'est à ce moment que s'impose l'inévitable problème de notre action. L'action s'impose et en s'imposant exige et définit les conditions de déploiement de notre volonté. Voilà pourquoi le dilettantisme qui nie cette nécessité devient une attitude intenable, donc à dépasser. Nous voilà alors amenés à constater une tension en nous : nous sommes pris entre ce qui s'impose à nous et la tendance de notre volonté à tout vouloir. De plus, on ne peut pas non plus adopter une attitude nihiliste, car nous voulons toujours quelque chose, c'est-à-dire un univers. Or, cet univers où s'exprime l'expansion de la volonté, nous ne pouvons le restreindre à notre seul vouloir. Car la manière infinie dont nous voulons cet univers nous force à postuler l'Unique nécessaire qui doit être accepté par une option libre. Et pour atteindre quoi que ce soit, il faut passer par lui et tout lui donner. En toute chose, en tout phénomène, par ce qu'ils sont voulus infiniment : c'est lui que nous rencontrons. Aussi a-t-il été pour nous important de dégager e qui est nécessaire et inévitable dans le déploiement total de la volonté ; de démontrer qu' il était inévitable de partir des déterminations qu structurent la chaîne des nécessités qui composent le drame de la vie et donc de proposer le dénouement qui lui est inhérent à savoir le choix de l' Unique nécessaire.

    Bibliographie

    I. OEuvres de Maurice Blondel

    L'Action, Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique, Paris, Alcan, 1893.

    L'Action, tome I : Le problème des causes secondes et le pur agir, Paris, PUF, 1936.

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    De vinculum substantiali et de substantia composita apud Leibnitium, Paris, Alcan, 1893. Repris dans C.TROISFONTAINES, Maurice Blondel, le lien substantiel et la substance composée d'après Leibniz, Louvain- Paris, 1972. Cf. OEuvres Complètes, I, 538-687.

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    La Pensée, tome I : La genèse de la pensée et les paliers de son ascension spontanée, Paris, PUF, 1954 (1934) ; tome II : Les responsabilités de la pensée et la possibilité de son achèvement, Paris, PUF,1954 (1934).

    Une énigme historique : Le « Vinculum substantiale » d'après Leibniz et l'ébauche d'un réalisme supérieur, Paris, Beauchesne, 1930.

    Lettres philosophiques de Maurice Blondel, Paris, PUF, 1961

    La philosophie et l'esprit chrétien, tome I : Autonomie essentielle et connexion indéclinable, Paris, PUF, 1944; tome II : Conditions de la symbiose seule normale et salutaire, Paris, PUF, 1946.

    L'Itinéraire philosophique de Maurice Blondel, propos recueillis par Frédéric Lefèvre, Paris, 1928.

    La psychologie dramatique du mystère de la passion à Oberammergau, Paris, Bloud, 1911.

    « Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique et sur la méthode de la philosophie dans l'étude du problème religieux », in Annales de philosophie chrétienne,131, janv. 1896.

    Lutte pour la civilisation et philosophie de la paix, Paris, Flammarion, 1939.

    Patrie et Humanité, Semaines sociales de Bordeaux, Lyon, 1928.

    Premiers Écrits, Paris, PUF, 1956.

    OEuvres Complètes, trad. et prés. de Claude Troisfontaines, Paris, PUF : tome I (1893) : Les deux thèses, 1995 ; tome II (1888-1913) : La philosophie de l'action et la crise moderniste, 1997.

    Principe élémentaire d'une logique de la vie morale, Paris, A. Colin, 1903.

    « Le problème de la mystique » dans Qu'est-ce que la mystique ? Quelques aspects historiques et philosophiques du problème, Cahiers de la Nouvelle Journée, n°3, Paris, Bloud & Gay, 1929.

    II. Critiques et Commentaires sur Blondel

    ARCHAMBAULT, P., Vers un réalisme intégral. L'oeuvre philosophique de Maurice Blondel, Paris, 1928.

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    BIDERI, D., Lecture blondélienne de Kant dans les principaux écrits de 1893-1930. Vers un dépassement de l'idéalisme transcendantal dans le réalisme intégral, Editrice Pontificia Università Gregoriana, 1999.

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    TRESMONTANT, C., Introduction à la métaphysique de Maurice Blondel, Paris, Seuil, 1963.

    TONQUEDEC (De),J., Immanence. Essai critique sur la doctrine de Maurice Blondel, Paris, Beauchesne, 4e éd., 1993 (1930).

    __________, Deux études sur la pensée de Maurice Blondel, 1934.

    TOURPE, E. (éd.), Penser l'être de l'Action. La métaphysique du dernier Blondel, Louvain, Peeters, 2000.

    VALENSIN, A. et MONTCHEUIL (De), Y., Maurice Blondel, Paris, J. Gabalda et Cie, 1934.

    VIGOURLAY, R., L'Action de Maurice Blondel, 1893. Relecture pour un centenaire, "Bibliothèque des Archives de Philosophie", n° 54, Paris, Beauchesne, 1992.

    III. Autres ouvrages

    ARISTOTE, La Métaphysique, I, II, trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1986.

    __________, Éthique à Nicomaque, trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1990.

    AUGUSTIN, Saint, La cité de Dieu, trad. G. Combès, Paris, Desclée de Brouwer, 1959, 1960.

    ANSCOMBE, G.E.M., Intention, Oxford, Basil Blackwell, 1979 (1957).

    ARENDT, H., La condition de l'homme moderne (1958), trad. fr G. Fradier, Calmann-Lévy,1961.Réédité avec une préface de Paul Ricoeur, Pocket, 1988 (1992).

    BARTH, K., « Fides quaerens intellectum ». La preuve de l'existence de Dieu d'après Anselme de Cantorbery, trad. Jean Carrère, Paris, Delachaux et Niestlé, 1960.

    BRUAIRE, C., L'affirmation de Dieu. Essai sur la logique de l'existence, Paris, Seuil, 1964.

    DELBOS, V., Le problème moral dans la philosophie de Spinoza et dans l'histoire du spinozisme, Paris, 1893.

    __________, La Philosophie pratique de Kant, Paris, PUF, 1969.

    GIBELLINI, R., Panorama de la Théologie au XXe siècle, trad. Jacques Millon, Paris, Cerf, 1994.

    GODIN, C., La totalité, I. De l'imaginaire au symbolique, Seyssel, Champ Vallon, 1998.

    HUMMES, C., Le renouvellement des preuves traditionnelles de l'existence de Dieu dans L'Action (1893) de Maurice Blondel, 1963 (Thèse de doctorat).

    JANICAUD, D., Une généalogie du spiritualisme français. Aux sources du bergsonisme : Ravaisson et la métaphysique, La Haye, Martinius Nijhoff, 1969.

    KANT, E., Critique de la faculté de juger, trad. de Delamare, Paris, Gallimard, 1985.

    __________, Critique de la raison pratique, trad. Ferry et Wismann, Paris, Gallimard, 1985.

    __________, Critique de la raison pure, trad. Tresmaygues et Pacaud, Paris, PUF, 1963.

    Karl MARX, Thèses sur Feuerbach XI, Berlin, Werke, Dietz Verlag, 1845.

    KONTOS, P., L'action morale chez Aristote. Une lecture phénoménologique et ses adversaires actuels, coll. "Thémis", Paris, PUF, 2002.

    LEIBNIZ, G. W., La monadologie. Notes et exposition du système de Leibinz par Boutroux, Paris, Delagrave, 1978.

    MABOUNGOU, C., Performativité et problématique du langage religieux chez Jean Ladrière, Mémoire de Master I en Sciences Humaines et Sociales, Grenoble, 2010.

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    PETIT, J.-L., L'action dans la philosophie analytique, Paris, PUF, 1991.

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    __________, Jésus-Christ, Rédempteur de l'Homme, Ed. du Carmel, 1986.

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    __________, Du texte à l'action. Essais d'herméneutique, Paris, Seuil, 1988.

    ROCKE, L., Introduction à la question de la volonté. Approche philosophique et analytique de l'action (Thèse de doctorat sous la direction du Pr Jean-Marie Lardic), Grenoble, UPMF, 2004.

    SALTEL, P. (dir.), La volonté, Paris, Coll. "Ellipses", 2002.

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    __________, Le fondement de la morale, traduction de Ch. Jaedicke, Paris, Alive,1966.

    VERNANT, D., Introduction à la philosophie contemporaine du langage. Du langage à l'action, Paris, A. Colin, 2011.

    __________, Du discours à l'action, Paris, PUF, 1998.

    IV. Dictionnaires

    FOULQUIÉ, P., Dictionnaire de la langue philosophique, Paris,PUF, 1962.

    HUISMAN, D., Dictionnaire des philosophes , Paris, PUF, 1984 (2e éd.).

    LAPLANCHE, F.(dir.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine. Tome IX. Les sciences religieuses. Le XIXe siècle : 1800-1914.

    LALANDE, A., Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF., 1968 (10e éd.).

    MORFAUX, L.-M., Vocabulaire de la philosophie et des Sciences humaines, Paris, A. Colin, 1980.

    ZARADER, J.-P., Le vocabulaire des philosophes. III, Philosophie moderne (XIXe siècle), Paris, Ellipses, 2002.

    V. Articles

    BRUAIRE, Claude, « Dialectique de l'action et preuve ontologique », Revue philosophique de la France et l'étranger, 4, 1986, p. 425-433.

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    GOUHIER, H., « Allocution » in Le Centenaire de Maurice Blondel (1861-1961) en sa faculté des Lettres d'Aix-Marseille, Publications des annales de la faculté des Lettres , Aix-en-Provence, Nouvelle série 35, 1963.

    HAYEN, A., « Le testament d'un maître », Études philosophiques, t. 7, oct-déc. 1952, p.324-325.

    Maurice Blondel. Notes philosophiques 1880-1890. texte établi et annoté par Peter Henrici (version électronique par Albert RAFLET).

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    TROISFONTAINES, C., « Entre la force et la forme, l'action. Le parcours blondélien » in Pierre MAGNARD (Dir.), «Métaphysique de l'Esprit. De la forme à la force. Actes du colloque tenu en Sorbonne les 17-18-19 nov 1995, Paris, Vrin, 1996, p.235-248.

    SAINT-SERNIN, B., « L'action selon simone Weil et Hanna Arendt», in Modernité, démocratie et totalitarisme (Sous la dir. de Marina Cedrionio), klinesksieck,

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    THIRION B., « La lecture ricoeurienne de Ravaisson dans le volontaire et l'involontaire », Les études philosophiques3/2002, (n°62), p.371-390, url: www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2002-3.

    TILLIETTE, X., «L'insertion du surnaturel dans la trame de "l'Action"», Revue philosophique, 4(1986), p.449-465.

    Table des matièresSommaire 3

    Introduction 4

    CHAPITRE PREMIER

    SITUATION HISTORIQUE DU PROBLÈME:
    Blondel en son Temps

    Introduction 12

    1.1. Esquisse biographique 12

    1.2. L'élaboration de l'Action de 1893 15

    1.3. Dialogue avec la tradition philosophique 17

    1.3.1. La source aristotélicienne 17

    1.3.2. La mise en cause du formalisme kantien 20

    1.3.3. L'apport conceptuel de Leibniz 24

    1.3.4. La critique du pessimisme de Schopenhauer 27

    Conclusion 30

    CHAPITRE DEUXIÈME

    PROBLÉMATIQUE ET ARTICULATION DE LA VOLONTÉ DANS L'ACTION DE 1893

    Introduction 32

    2.1. Plan de l'Action (1893) 33

    2.2. Dialogue avec les philosophes sur la volonté 35

    2.2.1. L'héritage biranien 35

    2.2.2. Du pessimisme de Schopenhauer à l'Action 37

    2.3. Problématique de la volonté dans l'Action 41

    2.3.1. État de la question 41

    2.3.2. La volonté comme négation du néant et ouverture à l'être 43

    2.3.2.1. Le problème du néant 43

    2.3.2.1. Dialectique, sens et dynamisme de la volonté 48

    2.3.2.2. Du rapport action-volonté : un mot ? 51

    2.4. L'expansion de la volonté : famille, patrie, humanité 54

    2.5. De l'infini de la volonté à l'expérience de l'être 57

    Conclusion 59

    CHAPITRE TROISIÈME

    DE L'ACHÈVEMENT DE LA VOLONTÉ
    À L'UNIQUE NÉCESSAIRE

    Introduction 62

    3.1. De l'insuffisance de l'ordre naturel 63

    3.2. Fondement du rapport volonté-action : les trois moments de l'action 68

    3.2.1. L'apparent avortement de l'action volontaire 69

    3.2.2. L'Indestructibilité de l'action volontaire 72

    3.3. De la volonté à l'Unique Nécessaire : la transcendance de l'action 75

    3.3.1. État de la question 75

    3.3.2. L'Unique Nécessaire 75

    3.3.2.1. L'argument cosmologique 80

    3.3.2.2. L'argument téléologique 81

    3.3.2.3. L'Argument ontologique 83

    3.4. L'unité des preuves comme action et dialectique de la volonté 86

    Conclusion 89

    Conclusion générale 91

    Bibliographie 95

    Table des matières 102

    RÉSUMÉ

    Texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte... (300 mots environ)

    SUMMARY SINTESI RESUMEN ZUSAMMENFASSUNG

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    MOTS CLÉS  : texte, texte, texte, texte, texte... (5 à 10 mots-clés en français traduits en anglais et/ou dans une autre langue)

    * 1 Félix Ravaisson (1813-1900 a entre autres écrit "De l'Habitude en 1838; Essai sur la Métaphysique d'Aristote en1837 ; La philosophie en France au XIXe en 1867), élève de Schelling, et maître de Bergson (qui lui consacra un hommage dans La Pensée et le Mouvant), est reconnu comme la figure la plus marquante de la philosophie française du XIX è siècle, annonciateur du "positivisme spiritualiste". Sa philosophie s'inscrit dans la tradition du spiritualisme français, largement influencé par Maine de Biran. Pour de plus amples informations, voir l'excellent ouvrage à lui consacré par Dominique Janicaud, Une généalogie du spiritualisme français. Aux sources du bergsonisme : Ravaisson et la métaphysique, La Haye, Martinius Nijhoff, 1969. Ce qui est confirmé par ces propos : «Comme l'écrit M. Gouhier, à propos de l'annonce par Ravaisson du rayonnement du "positivisme spiritualiste" : «Au moment où ces lignes étaient publiées, la manifestation la plus apparente de ce nouvel état d'esprit était l'oeuvre de Ravaisson lui-même ; mais les thèses de J. Lachelier en 1871, d'Emile Boutroux en 1874, de Bergson en 1889, de Blondel en 1893, allaient montrer combien Ravaisson voyait juste et loin. » D. Janicaud, op. cit., p. 5. Récemment, Benoit Thirion a, par exemple, consacré un bel article sur la filiation de Ricoeur à Ravaisson notamment sur la notion de volonté. Cf. Benoit Thirion, « La lecture ricoeurienne de Ravaisson dans le volontaire et l'involontaire», in Les études Philosophiques 3/2002(n° 62), p. 371-390. URL : www. cairn. info/revue-les-etudes-philosophiques.

    * 2 Cf. F. Ravaisson, Rapport sur la philosophie en France au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1867 (Fayard, 1984).

    * 3 Léo-Paul Bordeleau, «Une genèse de la vie sociale selon Maurice Blondel » in Revue Philosophique, Vol. 2/ n°1 (1975), p.1.

    * 4 Cet éclairage nous est suggéré par cet extrait de l'allocution de Henri Gouhier : « La thèse de 1893 appartient à cette série de thèses sorboniques qui, à des points de vue divers, très divers, éclairent le problème de la liberté et rendent à la liberté sa place dans un univers où la science semblait la lui refuser : 1838 l'Habitude, de Ravaisson; 1871, Le Fondement de l'induction de Lachelier; 1874, La contingence des lois de la nature d'Emile Boutroux, 1889, Les Données immédiates de la conscience, d'Henri Bergson, ; 1893, l'Action de Maurice Blondel. Il y a là une tradition dont Ravaisson rapportait l'origine à la pensée de Maine de Biran dans le fameux rapport sur la philosophie en France de 1867 où il annonçait et définissait l'oeuvre de ses successeurs de "positivisme spiritualiste". Vue de loin, il y a bien là une tradition qui manifeste la résistance de la conscience au scientisme du siècle. Vue de près, l'histoire est moins simple, et c'est dans cette histoire moins simple qu'apparaît l'originalité du jeune Blondel [...] Or l'auteur de l'Action nous semble poser les principes d'une philosophie de l'esprit se constituant pour elle-même et en elle-même. C'est dans le climat créé par cet ouvrage que se développeront plus tard les doctrines personnalistes et une partie de celles qui devaient couvrir la rubrique philosophie de l'esprit reprise par Louis Lavelle et René le Senne». Cf. Henri Gouhier," Allocution," in Le Centenaire de Maurice Blondel (1861-1961) en sa faculté des Lettres d'Aix-Marseille, Publications des annales de la faculté des Lettres , Aix-en-Provence, Nouvelle série 35, 1963, p.24-25. Voir également, Henry Duméry, «Blondel et la philosophie contemporaine», Études blondéliennes, 2 ; Pierre de Cointet (éd.), Maurice Blondel et la philosophie française, Paris, Parole et Silence, 2007; particulièrement les pages 9-17.

    * 5 Sur ce point, voir Pavlos Kontos, l'action morale chez Aristote. Une lecture phénoménologique et ses adversaires actuels, coll. "Thémis", Paris, PUF, 2002.

    * 6 C'est dans la Revue Philosophique de 1878 que Peirce signe son article : « La logique de la science : comment rendre nos idées claires » qu'apparait le mot pragmatisme. Il élabore cette notion en l'articulant à une conception de la croyance comme disposition à agir ou habitude d'action. Car ce mot venant du grec pragma signifie action. Dans ce sens, nos croyances sont en réalité des règles pour l'action, et Peirce soutient que pour développer le contenu d'une idée, il suffit de déterminer la conduite qu'elle est propre à susciter. Bien que le mot pragmatisme ne figure pas dans l'Action de 1893, Maurice Blondel semble, au départ, l'avoir adopté dans la préparation de sa thèse : « Dès 1888, écrit-il, sans l'avoir rencontré nulle part, je m'étais servi du terme pragmatisme en ayant nettement conscience de le forger ». Mais, il le contestera clairement dans sa contribution au vocabulaire de Lalande. Il déclare renoncer à ce mot pour éviter toute confusion avec le pragmatisme anglo-saxon. Il écrit : «Je proteste énergiquement contre le pragmatisme des anglo-saxons, dont je n'admets aucunement l'anti-intellectualisme et l'empirisme immanentiste ; lorsque j'ai employé ce terme, c'était en un sens tout différent. Soit que l'on considère les conditions corporelles que suppose ou qu'engendre la spéculation la plus idéale ; soit qu'on envisage, au sein de l'agent psychologique et moral, l'opération productrice d'une intention ou d'une oeuvre ; soit qu'on examine les les répercussions du milieu qui viennent instruire et comme remanier l'agent même, en s'incorporant partiellement à lui, durant tout son cours, l'action se traduit constamment par un ensemble de relations sui generis»...cf. Maurice Blondel, Oeuvres Complètes, C. TROISFONTAINES (éd.), tome II., p.804-805.

    * 7 Si il est établi qu'il n y a pas, à proprement parler, chez Blondel une théorie de la lutte des classes, encore moins d'un matérialisme dialectique, il n'en demeure pas moins que , sous le pseudonyme de Testis (le témoin), Blondel a articulé une critique de l'idéologie des mouvements d'extrême-droite, mais ce à partir d'une solidarité effective avec le peuple. C'est l'objet des articles regroupés sous le titre : Semaine sociale de Bordeaux et le monophorisme. Pour de plus de détails, lire Michael Sutton, « La critique du nationalisme, de la semaine sociale de Bordeaux à la lutte pour la civilisation et philosophie de la paix». p. 79-93 et Jean Flory, « Maurice Blondel et les Semaines Sociales » p.95-107.in Marie-Jeanne Coutagne et Pierre de Cointet (éd.), Maurice Blondel. Dignité du politique et philosophique de l'Action, Paris, Ed. du Carmel, 2006. De fait, le premier auteur fait un renvoi suggestif à l'introduction philosophique et théologique, en forme de préface, de Mgr Peter Henrici, Une alliance contre nature : catholicisme et intégrisme. La Semaine sociale de Bordeaux, 1910 (Bruxelles, 2000).

    * 8 Karl Marx, Thèses sur Feuerbach XI, Berlin, Werke, Dietz Verlag, 1845.

    * 9 Voir par exemple Jean-luc PETIT, L'action dans la philosophie analytique, Paris, PUF, 1991.

    * 10 Cf.Hanna Arendt, La condition de l'homme moderne (1958), trad. fr. G.Fradier, Calmann-Lévy,1961.Réédité avec une préface de Paul Ricoeur, Pocket, 1988(1992).On lirait avec intérêt le chapitre V intitulé «l'action».

    * 11 Voir par exemple les intéressants développements que y a consacrés Denis VERNANT, Introduction à la philosophie contemporaine du langage. Du langage à l'action, Paris, A. Colin, 2011.

    * 12 Maurice BLONDEL, l'Action (.1893). Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique. dans OEuvres Complètes, tome I. Claude Troisfontaines (éd.), Paris, PUF, 1997, Introduction, p.VII.

    * 13 Il est clair que si la rapprochement est possible en termes de formulation de la question du pari entre Pascal et Blondel, il en demeure pas moins qu'il y a une nuance évidente du point de vue des visées ou de la finalité. tandis que se demande si oui ou non il faut croire ; Blondel pose la question en terme existentiel comme la question même qui structure toute l'action humaine. l'homme agit et ne peut pas ne pas agir. Toute réflexion sur la vie et la destinée humaine doit être pensée de et à partir d'une praxis.

    * 14 M. Blondel, Op.cit.,p. VIII.

    * 15 Dans la note conclusive au second moment de la quatrième partie et qui ouvre sur l'analyse de "l'inévitable transcendance de l'action humaine", Blondel écrit : « Impossibilité de s'arrêter, impossibilité de reculer, impossibilité d'avancer seul : de ce conflit qui s'élève en toute conscience humaine, jaillit forcément l'aveu de l'unique nécessaire. Qu'on sache ou non le nommer, c'est la voie où il est impossible de ne pas passer », L'Action,1893, Paris, Quadrige/PUF, 1993, p. 338.

    * 16 Jean-François Mattei, « Maurice Blondel et la transcendante de l'action »dans M.-J. Coutagne et P. de Cointet (éd.), Maurice Blondel, Dignité du politique et philosophie de l'action, Paris, Ed. Parole et Silence, p.67.

    * 17 M. Blondel, l'Action, 1893,p. 118.

    * 18 M. Blondel, Carnets Intimes (1883-1894), Paris, Cerf, 1961, p. 17.

    * 19 Cf. Romains 7,15 : «Ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais». Paul semble reprendre ici un lieu commun de la littérature hellénique notamment les vers 1079-1080 de la tragédie de Médée d'EURIPIDE (Poète tragique grec 480-406 av. J.C) sur la passion violente (Thumos) qui est plus forte que la volonté (tôn bouleumâthon). Cette passion est la cause de grands maux pour les mortels.

    * 20 René VIRGOULAY, l'Action de Maurice Blondel,1893. Relecture pour un centenaire, "Bibliothèque des Archives de Philosophie" 54, Paris, Beauschesne, 1992, p. 55-56

    * 21 Cf. Maurice BLONDEL, Dialogues avec les philosophes. Descartes-Spinoza-Malebranche-Pascal-Saint Augustin. Préface par Henri GOUHIER, Paris, Aubier-Montaigne, 1966 ; L'Itinéraire (1928)..

    * 22 Ces cahiers seront publiés, à titre posthume, en 1961 sous le titre évocateur de Carnets Intimes. Cf. Maurice BLONDEL, Carnets Intimes,tome I (1881-1894), Paris, Cerf, 1961; Cartnets Intimes, tome II (1894-1949), Paris, Cerf, 1966.

    * 23 Maurice Blondel, Itinéraire philosophique. Propos recueillis par Frédéric Lefèvre, Paris, Spès, 1928.

    * 24 À partir d'une revisitation des Carnets Intimes, Yvette Périco a pu relever trois traits, mais qui ne sont en réalité que trois facettes d'une conviction qui aura caractérisé le jeune Blondel, à savoir : une vocation, un projet philosophique, une mission. Cf. Yvette PERICO, Jésus-Christ, Rédempteur de l'Homme, Ed. du Carmel, 1986.

    * 25 Maurice Blondel, op.cit, t.I, p.545-546.

    * 26 Cf. Bertrand Saint-Sernin, Blondel. Un univers chrétien. Paris, Vrin, 2009.

    * 27 En effet, le baccalauréat en mathématiques était obligatoire, à l'époque, pour passer l'agrégation en philosophie. Cf. Bernard SAINT-SERNIN, op. cit. p. 16 (note).

    * 28 Voir Henri BOUILLARD, Blondel et le Christianisme, Paris, Seuil, 1961, p16-18.

    * 29 Blondel traduit une reconnaissance à ses maîtres et condisciples ses professeurs : « ...Alexis Bertand (qui l'initia à la philosophie de Maine de Biran) ; Henry Joly (qui l'initia à la pensée de Leibniz), léon-Ollé Laprune (à Pascal) ; Émile Boutroux (à l'esprit critique); ses condisciples : Victor Delbos, Frédéric Rauh, André Pératé, Pierre Duhem; ses amis : Laberthonnière, l'abbé J. Wehrlé, Henri Bremond, Auguste Valensin, Paul Mulla, Candie, Jacques Paliard, Louis Ruy, Jules Chaix, Joseph Segond, André Giraud... » Cf. Itinéraire philosophique, p. 56-61.

    * 30 Dans son ouvrage, Michael SUTTON souligne par exemple :« Le titre de gloire de Blondel et sans doute le plus durable, était sa thèse de doctorat à la Sorbonne, l'Action ,qui avait suscité une certaine émotion et même un vrai scandale dans les milieux académiques lors de sa parution en 1893. La raison en est que, dans cet ouvrage d'universitaire destiné à l'université, Blondel avait eu l'audace de présenter une phénoménologie de l'Action dont la dialectique mène à poser le caractère intelligible et désirable d'une option ontologique et existentielle, qui en dernière analyse est un acte de foi catholique en bonne et due forme». Cf. Michael Sutton, Charles Mauras et les catholiques français 1890-1914 : Nationalisme et positivisme, Paris, Beauschesne, 1994, p.137-138.

    * 31 L'itinéraire philosophique de M. Blondel, p. 66-67.

    * 32 Nous sommes bien redevable à la notice sur l'Action de 1893 établie par Claude Troisfontaines dans Maurice Blondel. OEuvres Complètes, t.I,. Les deux thèses, Paris, PUF, 995, p.4-14.

    * 33 Le caractère insolite et certainement obscure est déjà souligné par Blondel lui-même, en note, en ces termes : « On connait les différences très précises que marquent les scolastiques entre acte de l'homme et l'acte humain et aussi entre le volontaire et le libre. De même une nuance assez tranchée sépare acte et action. L'acte , c'est plutôt (et sauf emplois particuliers) l'initiative de l'effort interne, soit que par nature tout doive se borner à cette opération spirituelle, soit que l'on envisage, dans l'oeuvre même, la part toute subjective de l'agent. Le mot action indique plutôt le passage de l'intention à l'exécution qui l'incarne, et souvent, par suite, le résultat ou l'oeuvre même de cette opération transitive. Entre acte et action il subsiste donc une différence analogue, mais contraire à celle qu'il y a entre oeuvre et opération. » Maurice Blondel, l'Action (1893). Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique. Paris, PUF, 1950, p. 116.

    * 34 Maurice BLONDEL, Itinéraire philosophique. Propos recueillis par Frédéric Lefèvre, Paris, Aubier-Montainge, 1928, p.34-35.

    * 35 Maurice BLONDEL, L'Action. t.II. Le problème des causes secondes et le pur agir, Paris, Alcan, 1936, p. 13-14.

    * 36 Lettre au Doyen de la Sorbonne, Lettres philosophiques, p. 12-13. Cf. Oeuvres complètes, p. 5.

    * 37 De janvier à juillet 1896, Blondel publia une série de six articles dans les Annales de la Philosophie chrétienne. Ceux-ci furent rassemblés sous le le long titre de : Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique et sur la méthode de la philosophie dans l'étude du problème religieux. Pour de plus amples détails, voir Maurice BLONDEL, OEuvres complètes, t.II. 1888-1913. La philosophie de l'action et la crise moderniste, Paris, PUF, 1997.

    * 38 Maurice Blondel, L' itinéraire philosophique, p. 35-36.

    * 39 On lira avec intérêt les grands développements que Michel Jouhaud y a consacrés. Michel JOUHAUD, Le problème de l'être et l'expérience morale chez Maurice Blondel. (Thèse pour le doctorat ès lettres, facultés des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Paris), Paris- Louvain, Ed. Nauwelaerts, 1970, p.193-293.Voir aussi, Henri BOUILLARD, Blondel et le christianisme, Paris, Seuil, 1961.

    * 40 À ce propos, René LEFEBVRE peut écrire : « À bien des égards, c'est à l'auteur de l'Ethique à Nicomaque, III,1-8, que pourrait revenir le titre de premier théoricien de la volonté». R. LEFEBVRE, «Volonté de mal faire et faiblesse de la volonté : aux origines grecques de la pensée philosophique de la volonté», in P. SALTEL (dir.), La volonté, Paris, Ellipses, 2002, p. 21.

    * 41 Paul RICOEUR, art " Volonté" dans Encyclopoedia Universalis, 1993,Corpus 18, p.1033.

    * 42 Claude TROISFONTAINES, « Entre la force et la forme, l'action. Le parcours blondélien», in Pierre MAGNARD (Dir.), Métaphysique de l'esprit. De la forme à la force. Actes du colloque tenu en Sorbonne les 17 -18- 19 novembre 1995, Paris, Vrin, p.240.

    * 43 Voir aussi Henry DUMÉRY, La philosophie de l'Action. Essai sur l'intellectualisme blondélien (avec une préface de Maurice Blondel), Paris, Aubier, 1948.

    * 44 Citation tirée en fait de l'Ethique à Nicomaque, A, 6, 1097b, 26-27.

    * 45 Métaphysique, XI, 9, 1051,a 29-32.

    * 46 Id., XIII, 3, 1078 a 31-32.

    * 47 Ethique à Nicomaque, IX, 7, 1168 a 5-9. Le feuillet où Blondel a recopié ces citations a été publié par A. Hayen, « Le testament d'un maître », Études philosophiques, t. 7, oct-déc. 1952, p.324-325 . (Nous devons cette exégèse à C. TROISFONTAINES, ibid). Voir aussi, Maurice Blondel. Notes philosophiques 1880-1890. texte établi et annoté par Peter Henrici (version électronique par Albert Raflet) ; Raymond Saint-Jean, Genèse de l'Action, Bruges, Desclée, 1965.

    * 48 Maurice BLONDEL, L'Action. t. I. Le problème des causes seconde et le pur agir, Paris, Félix Alcan, 1936, p.79-80.

    * 49 Ibid., p.84-85.

    * 50 Ibid. ,p. 91.

    * 51 Aristote, Métaphysique, XII, I, 1069 a 15.

    * 52 Id., I, 9, 992b 18-24.

    * 53 De larges détails du débat et ses conséquences se trouvent dans la thèse doctorale de Michel Jouhaud, Le problème de l'être et l'expérience morale chez Maurice Blondel, Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1970, p.183-320. l'auteur renvoie d'ailleurs, pour compléments, à la correspondance de Blondel et A. Valensin, à l'excellent ouvrage de Henri Gouhier, Blondel et le Christianisme. Voir aussi Maurice Blondel, Le problème de la philosophie catholique ; P. Archambault,Vers un réalisme intégral. L'Oeuvre philosophique de Maurice Blondel, Paris, 1928.

    * 54 Maurice BLONDEL, l'Action (1893), p. XXI.

    * 55 Ibidem

    * 56 Ibid.

    * 57 Henri Gouhier, « Allocution», in Le Centenaire de Maurice Blondel 1861-1961 en sa Faculté des Lettres d' Aix-Marseille, 1963, p. 26.

    * 58 Rapporté par Henri Bouillard, Blondel et le christianisme, Paris, Seuil, 1961, p.34

    * 59 Ibidem

    * 60 Cette vision est suggérée par A. Letourneau. En effet, s'appuyant sur les travaux de M. Jouhaud, il soutient que Blondel a un rapport dialectique à Kant, fait de négation/intégration et de passage à niveau supérieur. Blondel critique le formalisme kantien de la raison pratique, mais du même coup, il "phénoménalise"(l'expression est de M. Jouhaud) la raison pratique en faisant d'elle un moment du développement de l'action. Cf. Jean Lacroix, Maurice Blondel, Paris, PUF, 1963, p. 7

    * 61 Pour de plus amples détails sur ce débat, voir la thèse de Michel JOUHAUD, Le problème de l'être et l'expérience morale chez Maurice Blondel, Paris-Louvain, éd. Nauwelaerts, 1970 ; Alain LETOURNEAU, L'Herméneutique de Blondel. Son émergence pendant la crise moderniste, Montréal, Bellarmin, 1999 ; Diogène BIDERI, Lecture blondélienne de Kant dans les principaux écrits de 1893-1930. Vers un dépassement de l'idéalisme transcendantal dans le réalisme intégral, Editrice Pontficia Università Gregoriana, 1999 ; Claude TROISFONTAINES, art. cit., p.236-240.

    * 62 . Immanuel KANT, Fondements de la métaphysique des moeurs, tr. de l'allemand par Victor Delbos, Paris, Delagrave, p. 7

    * 63 À ce propos, Maurice Blondel utilise même un néologisme : la nolonté. «En vérité, écrit-il, sans même que la réflexion éclaire ce mécanisme subtil, sans qu'on ait besoin d'en connaître la théorie, la nolonté ne saurait subsister si elle n'est composée d'un double vouloir ; et en la convainquant de duplicité, on ne fait que révéler ce qu'elle est, à son insu peut être, mais sans que cette ignorance supprime le caractère volontaire du double mouvement qui la forme. », l'Action, p. 19.

    * 64 Maurice BLONDEL, l'Action, p. 277.

    * 65 Ibid., p. 28.

    * 66 Ibid. p. 28

    * 67 Michel Jouhaud, op. cit., p. 210.

    * 68 Pour une étude détaillée, voir l'article de Claude Troisfonfaines (supra) ; Et surtout la thèse de Diogène BIDERI, Lecture blondélienne de Kant dans les principaux écrits de 1893-1930. Vers un dépassement de l'idéalisme transcendantal dans le réalisme intégral, Editrice Pontificia Università Gregoriana, 1999.

    * 69 M. Blondel, Carnets Intimes, I., p. 547.

    * 70 Le titre de la thèse latine complémentaire à l'Action, selon l'usage courant à l'époque et dédiée à Emile Boutroux, porte comme titre : De Vinculum Substantiali et de Substantia Composita apud Leinitium (1893). Traduit par Claude Troifontaines. Maurice Blondel, Le lien substantiel et la substance composée d'après Leibniz, Louvain,-Paris, Nauwelaerts, 1972 ; M. Leclerc, l'Union substantielle, Paris, éd. Lessius, 1997.

    * 71 Maurice Blondel, Une énigme historique historique. Le Vinculum substantiale d'après Leibniz, Paris, Beauchesne, 1930.

    * 72 Voir l'étude détaillée de Xavier TILLIETTE, Philosophies eucharistiques de Descartes à Blondel, Paris, Cerf, 2006.

    * 73 Cité par Diogène Bideri, op cit., p.435

    * 74 Ibid.

    * 75 Cf. A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF., 10è éd. 1968, p. 1209.

    * 76 M. BLONDEL, L'Action, p. 453-455.

    * 77 Maurice Blondel, Une énigme historique, p. 86-87.

    * 78 Cf. A. Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation, trad. A. Burdeau, Paris, Alcan, t. 1, 1888, t. 2, 1889, t. 3, 1890.

    * 79 A. Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation, trad. A. Burdeau, Paris, Alcan, t. I, 1886, p. 325-326.

    * 80 Ibid., t.2, p. 431.

    * 81 Maurice Blondel, Correspondances philosophiques, p. 19-20.

    * 82 Maurice Blondel, op cit., p. 301

    * 83 Maurice blondel, Itinéraire, p. 152.

    * 84 Claude Troisfontaines, «L'approche phénoménologique de l'être selon Maurice Blondel», in Revue Philosophique de Louvain, vol 91/92, p. 603-609.

    * 85 Cf. Claude Troisfontaines, « Entre la force et la forme, l'action. Le parcours blondélien » in Pierre Magnard (Dir.), Métaphysique de l'Esprit. De la forme à la force. Actes du colloque tenu en Sorbonne les 17-18-19 nov 1995, Paris, Vrin, 1996, p.239.

    * 86 On lira avec intérêt l'Itinéraire philosophique. Nous avons expressément limiter cette approche .

    * 87 Cf.Roger TEXIER, « Maurice Blondel : le défi de l'action à l'athéisme actuel » in Nouvelle revue théologique,1992, p. 708-725.

    * 88 Christian Godin, La totalité I. De l'imaginaire au symbolique, Seyssel, Champ Vallon, 1998, p. 164.

    * 89 Victor Delbos, « Compte rendu sur l'Action (1893) », Revue Philosophique de la France et de l'étranger, 1894(07-12), p. 635.

    * 90 Maurice Blondel, L'Action, p. 37..

    * 91 Ibid. , p. 637. Voir aussi «Une soutenance de thèse» dans Maurice Blondel, OEuvres Complètes, t. I. 1893. Les deux thèses. texte établi et présenté par Claude Troisfontaines, Paris, PUF, 1995, p.691-760.

    * 92 «Pour arriver à cerner l'herméneutique de Maurice Blondel dans sa première période, écrit A. Letourneau, c'est d'abord à l'Action, puis surtout aux textes produits pendant la crise moderniste, qu'il faut accorder notre attention». Cf. Alain Letourneau, l'Herméneutique de Maurice Blondel. Son émergence pendant la crise moderniste, Québec, Bellarmin, 1998, p.10.Voir aussi, Rosino Gibellini, Panorama de la Théologie au XXè siècle.trad. Jacques Millon, 2è éd., Paris, Cerf, 1994 ; Cardinal Paul Poupard, «Maurice Blondel.1861-1949. L'intelligence de la foi, la sainteté au défi de l'histoire», Conférence de Carême 2003 à Notre Dame de Paris.

    * 93 Maurice Blondel, l'Action, p. I.

    * 94 Cf. Henri Bouillard, Blondel et le Christianisme, Paris, Seuil, 1961.

    * 95 Cf., OEuvres Complètes, t. I., p. 9.

    * 96 Cf. J.H. Hennaux, «Alexis Bertrand, professeur de philosophie du jeune Blondel», in Revue philosophique de Louvain, 2000, 3, p. 549 -571.

    * 97 Ce mot est rapporté par A. Hainnaux, Op. cit.,note 6.

    * 98 Maurice Blondel, Une énigme historique : Le «Vinculum substantiale » d'après Leibniz et l'ébauche d'un réalisme supérieur, Paris, Beauchesne, 1930, p. XVII; La Pensée, t. I, p. 151.

    * 99 Selon Henri Gouhier : «Maine de Biran semble ne pas voir entre le sujet nouménal et le sujet phénoménal le rôle décisif d'un sujet transcendantal irréductible aux deux autres. Pareille méconnaissance de ce qui est essentiel au kantisme nous parait stupéfiante (...) Maine de Biran n'a pas vu le sujet transcendantal, simplement parce qu'il n'en avait pas besoin. Devant les formes a priori de la sensibilité et les catégories de l'entendement, il n'a pas à choisir entre un sensualisme naïf qui essaie de les engendrer à partir des sensations et ce nouvel innéisme qu'est à ses yeux, le recours à un transcendantal : il a mis au point une méthode à la fois expérimentale et réflexive qui permet de rapporter leur origine au sentiment que le sujet a de son existence dans l'effort volontaire». H. Gouhier, Maine de Biran, Paris, Seuil, 1970, p.126-127.

    * 100 l'Intinéraire philosophique de Maurice Blondel (1928), Paris, Aubier-Montaigne, 1996, p. 95.

    * 101 Claude Troisfontaines, « La critique de Schopenhauer dans "l'Action" », in Revue philosophique de Louvain,91, n°92,1993,p.618.

    * 102 Maurice Blondel, L'Action, p.28-29.

    * 103 Blondel avait non seulement lu Schopenhauer, mais il possédait dans sa bibliothèque les traductions (vulgarisées en France à l'époque) entre autres:

    -Le monde comme volonté et représentation, trad. A. Burdeau, Paris, Alcan, t.I, 1888 ; t.II, 1889 ; t.III, 1890.

    -Le fondement de la morale, trad. A. Burdeau, Paris, Alcan, 1888.

    -Essai sur le libre arbitre, trad. S. Reinach, Paris, Alcan, 1888.

    -Pensées et fragments, 1889.

    * 104 Robert Maréchal résume cette dette philosophique en ces termes : « ...et, de fait, s'il part en métaphysique du criticisme kantien, c'est pour révéler la nature de l'inconnue qu'il laissait, la chose en soi et indiquer le rôle qu'elle joue dans l'évolution universelle et même phénoménale ; là se trouve la partie originale de sa doctrine. Dans le déroulement de ses pensées, il se montre surtout morale. Mais artiste aussi, il est séduit par les Idées de Platon et les adopte d'emblée [...] Enfin poète, il trouve dans la littérature Hindoue le revêtement oriental du mysticisme auquel aboutit sa doctrine. « Je ne crois pas que ma doctrine eût pu naitre avant que les Upanishads, Platon et Kant eussent jeté leur lumière dans l'esprit d'un homme», Cf. Robert Maréchal, « La liberté dans le volontarisme de Schopenhauer», in Revue néo-scolastique de philosophie, 26/1, 1924, p. 6.

    * 105 A. Schopenhauer, Le Monde comme volonté et représentation, t. 2, p. 6.

    * 106 En réalité, en insistant sur la trilogie temps-espace-causalité, Schopenhauer ramène, bien entendu, les douze catégories de l'entendement présentées par Kant à une seule, la causalité, et de plus, il fait de la causalité une intuition au même titre que l'espace et le temps. Cf. Claude Troisfontaines, Op.cit, note, p.605.

    * 107 On lira avec intérêt l'article de V. Stanek qui propose qu'il est suggestif de lire la volonté chez Schopenhauer en distinguant trois niveaux, selon que la vie est considérée d'un point de vue individuel, spécifique, ou cosmologique. Cf. Vincent STANEK, «l'objet de la volonté chez Schopenhauer» in P. SALTEL (dir.), La Volonté, Paris, Ellipses, 2002, p.173-182.

    * 108 Cf. R.MARECHAL Art. cit., p.9

    * 109 A. Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation,t.1, p. 325-326.

    * 110 Il suggestif de rappeler la réaction de Paul JANET qui demandait à Blondel de poser une nuance dans l'acceptation même par Schopenhauer du terme "néant" aussi vrai qu'il recelait une certaine ambiguïté d'emploi ou d'usage : « Je ne pense pas que Schopenhauer ait affirmé le néant absolu : il en parle comme un mystique et cache sous ce terme négatif, de profondes affirmations ». Cf. «Une soutenance de thèse», in Études blondéliennes, 1, Paris, PUF, 1951, p.88. La réponse de Blondel consistera à montrer qu'il critique moins les personnes que les systèmes : « Pour ce qui concerne Schopenhauer, je souscris entièrement à votre interprétation. J'ai remarqué, en termes presqu'identiques, ce mysticisme dont vous parlez, et j'ai cherché à analyser ce que le pessimisme enveloppe de positif dans l'idéal négatif qu'il propose, comme un objet encore, à notre aspiration », id., Op. cit. p. 89.

    * 111 A. Schopenhauer, Op. cit., t. 1, p. 415.

    * 112 A. Schopenhauer, Op. cit., p. 430.

    * 113 A. Schopenhauer, Op. cit., t.2, p.13-19.

    * 114 Cf. Claude Troisfontaines, art. cit., p. 609-611.

    * 115 Maurice Blondel, L'Action., p.34.

    * 116 H. Bouillard, Op. cit., p. 166.

    * 117 Maurice Blondel, l'Action, p.338.

    * 118 Dans ses Essais de psychologie contemporaine, Paris, A. Lemerre, 1883, à propos de E. Renan, P. Bourget présente le dilettantisme comme « une disposition de l'esprit, très intelligente à la fois et très voluptueuse, qui nous incline tour à tour vers les formes diverses de la vie et nous conduit à nous prêter à toutes ces formes sans nous donner à aucune ».Cf. R. Vigourlay, L'Action de Maurice Blondel, Paris, Beauchesne, 1992, note 1, p. 31.

    * 119 Ibid., p. 32.

    * 120 Ibid., p.58.

    * 121 Jean-Luc MARION, «La conversion de la volonté selon "l'Action" », in Revue Philosophique de la France et de l'étranger, 1, 1987, p.34.

    * 122 Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation,(8è éd.) trad. Burdeau, Paris, 1942, p. 431

    * 123 Maurice Blondel, l'Action, p. 25.

    * 124 Selon M. LECLERC, même si Blondel « ne cite pas les auteurs auxquels il se réfère implicitement, dans la thèse de 1893, il vise en fait le dilettantisme d'E. Renan (1823-1892) à la fin de sa vie, ainsi que l'essayisme du jeune M. Barres (1862-1923), (comme il le reconnaitra en 1937),tout en donnant alors la raison d'une telle discrétion. » Marc LECLERC, La destinée humaine. Pour un discernement philosophique, Namur, 1993, p.11O. voir aussi R. VIGOURLAY, l'Action de Maurice Blondel, p. 31-32.

    * 125 Maurice Blondel, L'Action, p. 11.

    * 126 Sur le terme esthète, R. Vigourlay fait un rapprochement avec Kierkegaard. « Le mot esthète ici utilisé et qui à cette époque est ressenti comme un néologisme (Blondel avait le sentiment de l'avoir inventé) évoque irrésistiblement pour nous cette première sphère de l'existence que Kierkegaard dénomme précisément esthétique». Et l'esthétisme comme système, Blondel l'attribue à "l'idéalisme allemand"Cf. R. Vigourlay, Op. cit.,p32 et 34.

    * 127 Le néologisme nolonté (nolition seule est admis par Littré) désigne la volonté qui, pour tenter de ne pas vouloir et de ne vouloir pas, se contraint à la fin à vouloir le néant, faute d'annuler son vouloir propre. Cf. Jean-Luc Marion, art. cit., p. 34.

    * 128 Dans ses Carnets Intimes, Blondel écrivait à propos du pessimisme :« Kant, en ruinant la raison spéculative pour relever la raison pratique, a tué, sans le vouloir et sans le savoir, la force de vivre avec l'audace de penser. Le pessimisme est issu de sa critique, parce qu'il y a brisé la plus haute faculté de l'homme, a éteint toute lumière et , en nous montrant je ne sais quelle réalité obscure, impénétrable et illogique, nous a plongés dans une nuit pleines de cauchemars »(CI. I, p. 223-224).

    * 129 Maurice Blondel, L'Action, p. 24.

    * 130 Ibid., p. 25.

    * 131 Ibid., p. 40.

    * 132 P. Archambault, «La théorie de la connaissance dans la philosophie de Maurice Blondel», in Revue Néo-scolastique de philosophie, 26/1930, p. 163. http :www.persée/web/revues/home/prescrit/art. consulté le 14 avril 2011.

    * 133 Ibid., p.12.

    * 134 Ibid.

    * 135 Ibid., p. 38.

    * 136 Ibid.,p. 37.

    * 137 Jean-Luc Marion, art.cit, p. 34.

    * 138 Maurice Blondel, L'Action, p.21.

    * 139 Ibid.,p. 20.

    * 140 Ibid., p. 37.

    * 141 Nous nous approprions une note de Roger TEXIER stipulant que « dans le vocabulaire de Maurice Blondel, volonté voulue désigne le choix que nous faisons d'un objet ou d'un acte particulier ; volonté voulante, le mouvement du vouloir qui se porte toujours au delà de nos choix particuliers vers le bien absolu dont nous n'avons souvent qu'une connaissance obscure», Cf. Roger TEXIER, Socrate enseignant : De Platon à nous, Paris, l'harmattan, 1998, p.130.

    * 142 Maurice Blondel, Carnets,t. I., p.434.

    * 143 Pour R. Vigourlay, « La complexité du vouloir se précise en une dualité qui trouve ici ses expressions caractéristiques : volonté plus profonde et volonté déclarée (A, 44)...la volonté voulante et la volonté voulue. Cette distinction entre le voulant et le voulu est évidemment forgée par analogie verbale sur le modèle du binôme natura naturans-natura naturata qui remonte au Moyen-Âge et que Spinoza a rendu célèbre ». Op. cit. ,p. 51.

    * 144 Voir note de M. Blondel relative au mot volonté, in André Lalande, Vocabulaire technique et Critique de la philosophie, Paris, PUF, 8è éd., p. 1218-1219.

    * 145 Bulletin de Société française de Philosophie, 1922, p.82-83. Cité par R. Vigourlay , et qui se référant à A. Graty, dans la note ajoute : « À cette époque, Blondel est devenu soucieux de trouver des références traditionnelles. Si en 1893, il ne connaissait pas de première main la tradition médiévale, il a pu cependant la rencontrer indirectement. «Saint Thomas distingue admirablement, dans l'âme, deux volontés, volonté improprement dite, naturelle, impersonnelle (voluntas ut natura) et la volonté raisonnable (voluntas in quantum est rationalis...ut est voluntas formalier). La volonté renferme deux éléments, l'impulsion naturelle et la propre détermination... » , R. Vigourlay, L'Action de Maurice Blondel, p. 58.

    * 146 Maurice Blondel, l'Action, p. 335.

    * 147 Ibid., p. 127.

    * 148 Maurice Blondel, L'Action, p. 319.

    * 149 Maurice BLONDEL, Premiers Ecrits, t. II, p. 34.

    * 150 Maurice Blondel, l'Action, p.467.

    * 151 Dans l'analyse du vouloir, mieux de la volonté, il nous semble que Paul Ricoeur ne partage pas sinon ne souscrit pas au point de vue de Blondel. Cela est très suggestif dans ces propos: «Ce souci d'arrêt au stade du moi explique sans doute que nous ne fassions aucun usage de la notion de l'action telle que Maurice Blondel l'a mise en oeuvre depuis 1893.[...] La notion si large et si précise d'action nous parait avoir son sens plein au niveau d'une poétique ou mieux d'une pneumatologie de la volonté, telle qu'on la trouve chez Pascal, chez Dostoïevski, chez Bergson et chez Gabriel Marcel. À ce plan règnent des notions essentiellement unitives, par delà la diversité des actes et en particulier par delà la dualité du connaître et de l'agir dont nous avons dû respecter la divergence de visée et d'objet. L'action est une de ces notions unitives. Mais peut être Maurice Blondel sous -estime-t-il les difficultés de cette méthode d'immanence, en particulier celles qui procèdent de l'accident de la faute [...] Peut être après tout l'oeuvre de Maurice Blondel est-elle non seulement une méthode d'immanence, mais une méthode d'innocence. J'ai parfois l'impression qu'à travers les détours de l'Eidétique, de l'Empirique et de la Poétique de la volonté, est recherchée une assurance onéreuse qui est tout de suite donnée au maître d'Aix... ». Paul RICOEUR, Philosophie de la volonté. I. Le volontaire et l'involontaire, Paris, Aubier (1950), 1988, p. 33-34.

    * 152 Pierre LIVET, « Philosophie de l'action et théorie de l'action » in M.-J. Coutagne (éd.), L'Action. Une dialectique du salut. Colloque du centenaire d'Aix-en-Provence, Mars 1993, Paris, Beauchesne, 1994, p. 83. On consultera avec intérêt aussi Jean-Luc PETIT, L'Action dans la philosophie analytique, Paris, PUF, 1991.

    * 153 Maurice BLONDEL, L'Action, p.251.

    * 154 Ibid., p.106-107

    * 155 L'Action, t. I., p. 61.

    * 156 Blondel parle ici de passions comme : «cette action qui sort de nous contre notre vouloir, comme si elle était volontaire, cette action déraisonnable dont on se fait une raison nouvelle, c'est à proprement parler la passion». Cf; l'Action, p.176.

    * 157 Blondel semble affronter ici le fameux problème de l'acrasie d'Aristote. On peut agir pour une raison alors que ce n'est pas notre meilleure raison. Blondel le transpose lorsqu'il estime que nous ne faisons toujours pas ce que nous voulons. On voit là une réappropriation du conflit interne tel qu'il est énoncé chez Saint Paul. aux Romains (Rm 7, 15).

    * 158 En fait, la IIIè partie de L'Action repose sur une taxinomie présentant le phénomène de l'action en étapes. Chaque étape examine ce phénomène en un triptyque de chapitre : Première étape (3chap.): de l'intuition sensible à la science subjective ; Deuxième étape : Du seuil de la conscience à l'opération volontaire ; Troisième étape (3 chap.) : De l'effort intentionnel à la première expansion extérieure de l'action ; Quatrième étape (3 chap.) : De l'action individuelle à l'action sociale ; Cinquième étape (3e chap.) : De l'action sociale à l'action superstitieuse (3 chap.) ; Et c'est justement, dans cette partie que se trouve le chapitre I traitant de la famille, patrie, humanité. Cf, L'Action, p. 253-

    * 159 Ibid., p.245.

    * 160 Ibid., p.146.

    * 161 Cf. Jean LACROIX, Maurice Blondel. Sa vie, son oeuvre avec un exposé de sa philosophie, Paris, PUF, 1963.

    * 162 Maurice Blondel, L'Action, p. 274-275.

    * 163 Ibid.

    * 164 ibid, p.254.

    * 165 Cf Paul Cardinal Poupard, « Maurice Blondel, 1861-1949. l'Intelligence de la foi » Conférence de Carême 2003 à Notre Dame de Paris.

    * 166 Nous suivons en partie les développements de Jean-Luc Marion, « La conversion de la volonté selon "l'Action" », in Revue philosophique de la France et de l'Étranger, 1, 1987, p.33-47.

    * 167 Maurice Blondel, l'Action, p. 118

    * 168 Ibid., p. 118.

    * 169 Dans l'action, M. Blondel repère et critique les idolâtries successives de l'enfant, de l'amant, du citoyen, du penseur, de l'État, du rite religieux, de la patrie, de la science...,Cf., p. 306-314.

    * 170 J-L MARION fait un rapprochement entre Blondel et Descatres. À ce stade, apparaît notamment une sorte de réappropriation par Blondel de développement effectués par Descartes sur la volonté de l'infinie comme désir de Dieu dans Principia Philosophiae, I,§ 6; Méditationes, AT, VII et VIII, Cf. art. cit., p. 40-41.

    * 171 Maurice Blondel , Op. cit., p. 422.

    * 172 J-L Marion, Art. cit. , p. 42.

    * 173 Cf. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « Descartes. l'infinitude de ma volonté ,ou comment Dieu m'a fait à son image », Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 92/2, 2008, p. 287-312.

    * 174 R. Vigourlay, L'Action de Maurice Blondel, 1893, p.107.

    * 175 M. Blondel, l'Action, p.321.

    * 176 C'est ce que Blondel appelle"action superstitieuse". l'Action., p. 336.

    * 177 Id., p.319.

    * 178 Ibid.,p.338.

    * 179 Blondel considère ce passage comme obligatoire et nécessaire de sorte qu'il peut écrire en note : « Impossible de s'arrêter, impossible de reculer, impossible d'avancer seul : de ce conflit qu s'élève en toute conscience humaine, jaillit forcément l'aveu de "l'unique nécessaire". qu'on sache ou non le nommer, c'est la voie où il est impossible de ne pas passer. Aussi n'est-ce pas d'en chercher une définition métaphysique qu'il s'agit ici ; il faut l'étudier, non dans la mesure où la connaissance présume de pénétrer en lui, mais dans la mesure où son action pénètre et promeut la nôtre. Il entre aussi, dans le dynamisme de la conscience : par la présence de cette pensée qui travaille sourdement les âmes, la vie volontaire revêt forcément un caractère de transcendance. Le conflit se résout donc en une alternative qui, en face des termes contradictoires du dilemme, exige une option suprême et permet seule à la volonté de se vouloir librement elle-même telle qu'elle souhaite être à jamais. » M. BLONDEL, L'Action, p.338.

    * 180 Cf. C. DHOTEL, «Action et dialectique. Les preuves de Dieu dans «l'Action» de 1893», Archives de Philosophie, 26/1, Janv-mars 1963, p. 5-26.

    * 181 M. BLONDEL, l'Action, p.41.

    * 182 H. BOUILLARD, Blondel et le christianisme, Paris, Seuil, 1961, p. 83-84 ; Id., «Philosophie et christianisme dans la pensée de Maurice Blondel», in Le centenaire de Maurice Blondel 1861-1961 en sa Faculté des Lettres d'Aix-Marseille, Publication des Annales de la Faculté des lettres, Aix-en-Provence, Nouvelle Série n°35, 1963, p. 68-69.

    * 183 Maurice BLONDEL, L'Action, p. 42.

    * 184 Ibid.,p. 42.

    * 185 Ibid.,p. 43.

    * 186 Ibid., p. 304.

    * 187 R. Vigourlay, L'Action de Maurice Blondel, p.105. Pour une étude approfondie de la problématique de la superstition dans l'Action de 1893,Voir : B. Romeyer, «L'action religieuse et sa déviation superstitieuse». Etudes Philosophiques, oct-déc.1952, p. 421-436 ; H. Bouillard, «L'intention fondamentale de Maurice Blondel et la théologie». Recherches de sciences religieuse, juil-sept,1949, p. 321-402.

    * 188 M. Blondel, L'Action, p. 323.

    * 189 P. ARCHAMBAULT, Vers un réalisme intégral. l'oeuvre philosophique de Maurice Blondel, Paris, Bloud&gay, 1928, p.26 (version électronique). Il cite en réalité l' Action, p. 325.

    * 190 Maurice BLONDEL, L'Action, p. 314.

    * 191 Ibid.

    * 192 Cf. Bernard SÈVE, La question philosophique de l'existence de Dieu, Paris, PUF, 1994, p.132-136.

    * 193 M. BLONDEL, L'Action, p.328.

    * 194 Ibid., p. 332.

    * 195 Ibid., p. 307.

    * 196 Ibid., p. 334.

    * 197 Ibid., p. 336.

    * 198 Ibid., p. 138.

    * 199 Bernard SÈVE, Op. cit., p.133-134.

    * 200 Maurice BLONDEL, Op. cit., p. 319.

    * 201 Ibid., p.323.

    * 202 René VIGOURLAY, Op.cit., p.67-70.

    * 203 M. BLONDEl, L'Action,p. 360.

    * 204 Pour Claude TROISFONTAINES : « Dans ce bilan des impuissances de l'action, Blondel s'inspire très nettement de Schopenhauer et on pourrait mettre en parallèle ses déclarations avec celles de son prédécesseur. Par exemple, en ce qui concerne ce premier point, le philosophe allemand déclare également : « L'homme a toujours un but et des motifs qui règlent ses actions : il peut toujours rendre compte de sa conduite dans chaque cas. Mais demandez-lui pourquoi , ou pourquoi il veut être, d'une manière générale : il ne saura que répondre ; la question lui semblera même absurde » (Le monde comme volonté et comme représentation, p. 168-169. » Cf C. TROISFONTAINES, « La critique de Schopenhauer dans L'Action » Revue Philosophique de Louvain,91/92, 1993, p. 615 (Note).

    * 205 Maurice BLONDEL, L' Action., p. 326.

    * 206 Ibid., p. 328.

    * 207 Ibid., p. 329.

    * 208 Ibid., p. 331.

    * 209 Ibid.

    * 210 Ibid., p. 325.

    * 211 Ibidem.

    * 212 R. VIRGOULAY, Op cit., p. 67-68.

    * 213 M. BLONDEL, Op. cit., p.333.

    * 214 Ibid., p. 334.

    * 215 Ibidem. Spécifions que pour Blondel, ce n'est pas l'être-en-soi de l'homme qui est indestructible, mais sa prétention à être pour-soi. Toute la différence avec Schopenhauer est là. Ce dernier déclare qu'à la mort l'homme perd son operari mais non son esse. Pour Blondel, en perdant son action, l'homme perdrait aussi son être

    * 216 Ibid., p.335.

    * 217 Marc RENAULT, Déterminisme et liberté dans l'Action de Maurice Blondel, Lyon, E. Vitte, 1965, p. 219.

    * 218 M. BLONDEL, Op cit., p. 334.

    * 219 Ibid., p. 336. Signalons que cette déclaration est déterminante pour Blondel. En effet ,elle servira de point de départ au moment suivant consacré à l'examen de l'unique nécessaire. Par un subtil usage, Blondel voudrait bien montrer que la première manière de parler de Dieu est vraisemblablement de le désigner sous le terme de néant, car on reconnait par là qu'Il n'est rien de ce qui est objet immédiat de connaissance et de désir. C'est l'attitude mystique.

    * 220 Ibid., p.340.

    * 221 Cf. Paul ARCHAMBAULT, Initiation à la philosophie blondélienne en forme de court traité de métaphysique, Paris, Librairie Bloud & Gay, 1941.

    * 222 Les commentateurs de Blondel sont d'accords pour reconnaître que cette expression est une transposition métaphysique et originale pour désigner Dieu à partir d'une réappropriation (et d'un détour de sens) du texte de l'évangile de Luc 10,42. l'originalité de Blondel, c'est donc lui conférer la technicité d'un concept philosophique.

    * 223 M. Blondel, L'Action, p. 338.

    * 224 Maurice BLONDEL, L'Action, p. 339.

    * 225 M. BLONDEL, Itinéraire philosophique, p.36.

    * 226 M. BLONDEL, L'Action,p. 338.

    * 227 Ibid., p. 351.

    * 228 R. VIGOURLAY, Op cit., p. 104.

    * 229 M. BLONDEL, Op.cit., p. 352.

    * 230 Ibidem, p.426.

    * 231 On sait bien que Kant ne reconnait que trois preuves lorsqu'il écrit : « Il n'y a , procédant de la raison spéculative, que trois types de preuves possibles de l'existence de Dieu... La première preuve est la preuve physico-héologique, la deuxième, la preuve cosmologique, la troisième la preuve ontologique. Il n'y en a pas d'avantage, et il ne peut pas non plus y en avoir davantage ». Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, trad. Alain RENAUT, Paris, Garnier-Flammarion, 1997, p. 529.

    * 232 M. BLONDEL, Op. cit.,, p. 348.

    * 233 Bernard SÈVE, Op. cit., p. 134.

    * 234 M. BLONDEL, Op; cit.p. 356.

    * 235 Ibid., p. 355.

    * 236 Ibid., p. 351.

    * 237 Ibid., p.371.

    * 238 Ibid., p. 422-423.

    * 239 Notre ambition n'étant pas de traiter en profondeur cette problématique des preuves de l'existence de Dieu, le lecteur pourra se référer, pour approfondissement de la question , à :

    C. DHOTEL, «Action et Dialectique. Les preuves de Dieu dans "l'Action" de 1893».Archives de Philosophie, 26/1, janv-mars 1993, p. 5-26 ; Jacques PALLIARD, « Prière et Dialectique. Méditation sur le Proslogion de Saint Anselme», Dieu vivant, 6, 1946 ; Claudio HUMMES, Le renouvellement des preuves traditionnelles de l'existence de Dieu dans L'Action(1893) de Maurice Blondel, 1963 (Thèse de doctorat) ; Karl BARTH, «Fides quaerens intellectum». La preuve de l'existence de Dieu d'après Anselme de Cantorbery, trad. Jean Carrère, Paris, Delachaux et Niestlé, 1960 ; Claude BRUAIRE, L'affirmation de Dieu. Essai sur la logique de l'existence, Paris, Seuil, 1964.

    * 240 Notons que Blondel examine, plus profondément, cette question dans un article paru dans la Revista di filosofia neoscolastica, juillet 1937, reproduit dans, Maurice Blondel, Dialogue avec les philosophes. Descartes, Spinoza, Malebranche, Pascal, Saint Augustin, Paris, Aubier,1966. Voir particulièrement les p. 131-141. Un article intéressant y a été aussi consacré par Gregory B SADLER, « The Ontological Proof, the Option, the Unique Nécessaire : Maurice Blondel's Examination of the Proof in Anselm, Descartes and Malebranche», The Saint Anselm Journal, vol 2, fev 2005, p. 88-100

    * 241 M. BLONDEL, Op. cit., p. 341.

    * 242 Ibid., p.342.

    * 243 Ibid., p. 343 .

    * 244 C. DHOTEL, art; cit., p. 11.

    * 245 M. BLONDEL, Op. cit., p. 345.

    * 246 Ibid., p. 346.

    * 247 Ibidem

    * 248 Ibid., p. 346-347.

    * 249 Ibid., p. 346.

    * 250 Ibid., p.347.

    * 251 Cf. Maurice Blondel, Dialogue avec les philosophes, Paris, Aubier, 1966. Blondel a examiné l' argument ontologique de Descartes qu' il nomme justement la «clef de voûte du système cartésien».

    * 252 Ibid., p. 426.

    * 253 Cf. C. DHOTEL, Art cit.

    * 254 Voir l'intéressant article de Gregory B. SADLER (supra); et les considérations que l'auteur y apporte dans Blondel, Dialogues avec les philosophes, Paris, Aubier, 1966.

    * 255 Répondant, pendant la soutenance à une question de M. SÉAILLES, Blondel précise : « ...À un point plus avancé du développement de l'action, j'ai rencontré, tout aussi inévitablement et d'ailleurs sous des formes plus ou moins explicites, l'idée de Dieu : j'ai fait voir comment cette idée est nécessairement engendrée et comment, même anonyme, pseudonyme ou méconnue, elle engendre nécessairement à son tour. J'ai essayé, par des preuves classiques dont c'est en effet le rôle, de préciser, de purifier, de confirmer cette grande affirmation de l'humanité entière pour montrer ensuite, avec une fore accrue et une lumière qui oriente notre marche, comment l'idée de Dieu entre aussi dans le dynamisme de l'action : [...] Je l'étudie d'abord dans la mesure où cette connaissance nécessaire devient pour nous l'unum necessarium et nous impose la suprême alternative d'où il dépendra qu'elle soit salutaire ou délétère, que Dieu soit réellement ou qu'il ne soit pas pour nous.[...] Mais, ici plus que jamais, j'ai maintenu que ce que nous refoulons par notre volonté voulue, nous ne le supprimons pas, nous ne l'effaçons même pas de notre volonté voulante. Et j'ai indiqué comment, selon la réponse que nous aurons donné à l'alternative dont la présence de Dieu en notre conscience nous impose la nécessité, la connaissance et la possession que nous avons et que nous aurons de lui ne sauraient être les mêmes. Il y a donc une métaphysique à la seconde puissance, une métaphysique foncièrement réaliste, qui nous présente l'être non plus simplement comme un objet constitué par les contours logiques qu'on pourrait connaître du dehors et égaler par la pure idée, mais comme une vérité et une bonté à laquelle on ne participe davantage qu'en s'y conformant intérieurement ». Cf. « Une soutenance de thèse » dans Maurice BLONDEL, OEuvres Complètes, t. I.1893. Les deux thèses, (texte établi et présenté par Claude TROISFONTAINES), Paris, PUF, 1995, p. 737.

    * 256 P. LACHIÈZE-REY, « Réflexions sur la portée ontologique de la méthode blondélienne », in Hommage à Maurice Blondel, Cahiers de la Nouvelle journée,n° 12, 1946, p149-150.

    * 257 Maurice BLONDEL, l'Action., p. 340.

    * 258 Ibid., p.340

    * 259 Ibid., p. 348.

    * 260 Ibidem

    * 261 Ibidem.

    * 262 C DHOTEL, art. cit., p. 22.

    * 263 Maurice Blondel, L'Action, p. 350.

    * 264 Ibid., p. 350.

    * 265 Ibid., p. 402.

    * 266 Ibid., p. 406.

    * 267 Ibid. , p. 422-423.

    * 268 À en croire B. Saint-Sernin : « En résumé, Blondel prend l'action comme fil directeur de son exploration du réel. Il voit en elle la seule façon de passer de la phénoménologie à l'ontologie, ce mot technique désignant l'accession aux "choses mêmes"(c'est pourquoi il parle d'ontologie concrète). De l'analyse de l'action, il tire l'implication qu'agir nous fait éprouver notre solidarité avec l'univers. Sa perspective ne le pousse pas à isoler les individus les uns des autres ni non plus à dissocier l'ordre humain de l'ordre vivant (et donc de l'histoire naturelle) et de l'ordre physico-chimique (qu'il appelle cosmique) ».B. SAINT-SERNIN, Blondel. Un univers chrétien, Paris, Vrin, 2009, p. 172-173.






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