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Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel

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par Christophe MABOUNGOU
Université Pierre Mendès-France - Master II 2011
  

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2.3.2.1. Dialectique, sens et dynamisme de la volonté

La question essentielle et existentielle qui ouvre l'ouvrage fondateur de Blondel ne nécessite pas, à première vue une réponse, mais plutôt engage chaque être humain à examiner le lieu de son émergence, la manière dont elle s'articule et les possibilités de solutions qui s'offrent à sa résolution. Et ce lieu de l'émergence est l'Action. Or l'action, en tant qu'agir humain ne trouve son fondement et sa possibilité d'être que dans la logique de la vie. Et celle-ci est manifestement déterminée par un concept-clé, un thème central, un thème sans lequel il nous serait impossible de penser une action humaine : la Volonté.

En effet, la volonté constitue un concept-clé qui sous-tend l'oeuvre de Blondel. Ainsi, écrivait-il déjà, dans ses Carnets Intimes : « Il nous faut poser un principe définitif : rien ne va jamais comme nous le voulons, parce que, quoi qu'il arrive, fut-ce ce que nous avons voulu, nous voulons toujours autre chose. »142(*)Une insatisfaction qui fait écho aux premiers mots qui ouvrent les mêmes Carnets « je veux », et détermine la complexité et la dialectique présentes au coeur de tout vouloir humain. Définir la volonté, son ancrage et ses déploiements, c'est, à coup sûr, explorer ce dynamisme interne, cette ambivalence, cette dualité143(*), cette disproportion qui la dominent et la caractérisent. Aussi la définition la plus nette de la volonté se trouve-t-elle dans dans ce double plan du vouloir tel que Blondel la donne lui-même, dans sa contribution au Vocabulaire philosophique de Lalande144(*) : « Au sens A qui définit la volonté comme « forme de l'activité personnelle » et en énonce les composantes, Blondel fait l'observation suivante : Il y a un sens antérieur à A, qui maintient la tradition antique et médiévale d'une voluntas ut natura, appétit intellectuel, volonté voulante, inclination fondamentale qui détermine nécessairement l'aspiration, l'inquiétude, l'élan humain vers sa fin suprême. C'est ce mouvement congénital de «la volonté voulante » que spécifient la réflexion, « la volonté voulue vers », les fins partielles et successives qui s'offrent à nous comme les moyens ou les occasions d'accomplir notre destinée, dont tout le sens est d'aboutir à mettre en équation ces deux volontés, initiale et finale »145(*).

Remarquons donc que Blondel pose la volonté comme point de départ, mais aussi et surtout comme effort continu dans la recherche d'une solution à cette complexité. Il s'agit chez lui de vérifier toutes les solutions, en passant du phénomène à l'être. Bien plus, il s'agit de trouver un vinculum (lien) qui soit à même d'unir, mieux de rallier volonté voulante et volonté voulue. Car en fait, l'inconsistance de la volonté, son action continue, constitue le moteur qui donne à la volonté la possibilité de progresser vers sa réalisation. Or la volonté est incapable de s'égaler ; il y a toujours une disproportion entre le voulant et le voulu. Ce qui se traduit par la dialectique même de la volonté dans ce binôme volonté voulante et volonté voulue. Blondel estime pourtant que c'est dans l'action, alors exclusivement dans et par l'action, qu'il est possible d'opérer. L'action est la synthèse de ce double vouloir. Son effort consistera alors à démontrer la permanence de la volonté voulante au delà des obstacles de tout genre. Elle a à surmonter autant les difficultés internes que les obstacles externes. D'un coté, la volonté s'affirme et donne sa raison d'être ; de l'autre, elle semble souvent être mise en échec. Cependant, il ne s'agit que d'une destruction apparente, puisqu'il s agit seulement de la volonté voulue qui est mise en échec. La volonté voulante restant invincible : «Les contradictions en apparence les plus répugnantes à la volonté ne servent qu'à mettre en lumière son invincible attachement à elle-même. Parce qu'elle nie, elle s'affirme et s'édifie indestructiblement »146(*).

En outre, il est clair que le primat que Blondel accorde à la volonté comme terme-clef de l'expérience dans la logique de l'action tient au moins en deux axes importants : d'un coté, la volonté est définie par ce que l'être humain agit toujours (et cela est incontestable) dans le réseau infini des nécessités qui définissent l'horizon au départ de son action volontaire. D'autre part, on en arrive à admettre que l'action libre consiste justement à transgresser (non pas au sens d'une annihilation ; mais au sens d'un dépassement) toutes ces déterminations aussi nombreuses qu'elles soient. Que retenir de cette analyse ?

En fait, selon Blondel, la nature de la volonté est de se vouloir elle-même. l'aspiration inépuisable à vouloir (qui la caractérise) et par conséquent à s'étendre fait partie de l'essence même de la volonté. l'origine de ce dynamisme nécessaire est placée dans la conscience et son mouvement ne connait pas d'interruption, car il s'agit là d'un phénomène qui se présente comme nécessaire et foncièrement intrinsèque à l'homme. l'homme, on l'a démontré déjà , ne peut pas ne pas vouloir; il ne peut pas ne pas agir. Or ce vouloir doit affronter et surmonter un certain nombre d'obstacles, dont le plus immédiat est celui lié à sa dialectique interne. De fait, la volonté qui se déploie reste constamment soumise à un déterminisme inflexible qui se produit souvent malgré soi. Il est comme constitutivement marqué et dominé par cette disproportion ontologique : l'homme n'a pas voulu vouloir et n'a pas voulu le déterminisme auquel il est soumis ; il s'agit là d'une primitive contradiction : « il veut, mais il n'a pas voulu vouloir. »147(*) Et pourquoi ?

Parce que justement au coeur de la logique de l'action émerge inéluctablement une volonté voulante et une volonté voulue. La volonté voulante cherche toujours une pleine adéquation de soi avec soi. En d'autres termes, la volonté voulante tend à l'adéquation de soi avec la volonté voulue. Cependant, l'analyse phénoménologique du déploiement de la volonté voulante montre son impossibilité à trouver une parfaite adéquation à soi dans la réalité phénoménale mondaine. Le désaccord de la volonté voulante avec la volonté voulue trouve sa première racine à ce niveau le plus profond de l'être.

De plus, l'homme a le sentiment très fort de sa propre impuissance. Impuissance marquée par le fait qu'il n'a pas voulu, et qu'il entend clairement ne pas pouvoir trouver en lui : ni l'origine, ni la substance, ni la fin de son action. Du coup, l'insuffisance des phénomènes mondains trouve une correspondance dans l'insuffisance de l'être humain. La volonté se montre nécessairement faible dans ses manifestations extérieures. Elle se découvre comme faible et percée. Et pour cause. La faiblesse de la volonté humaine s'exprime dans le caractère indélébile de ses actes .

En conséquence, récapitulons en soulignant que la volonté voulue se traduit dans des actes qui ne sont pas efficaces, car exposés aux pesanteurs des phénomènes de l'environnement dans lequel ils émergent . Ainsi, pour égaler ses volontés voulues à sa plus profonde volonté voulante, le vouloir a successivement assimilé en quelque sorte tout ce qui se présentait à lui. Cependant, il a encore du mouvement pour aller toujours loin. C'est que rien de fini ne pourrait le satisfaire . Et c'est même dans ce mouvement indéfini et toujours insatisfait que se trouve en quelque sorte présent, au moins sous forme négative, l'infini. Ce besoin de l'infini, l'homme peut s'efforcer de le satisfaire, en plaçant l'infini dans des objets finis qu'il a rencontrés le long de son parcours. D'où pour tenter d'égaler l'action humaine au vouloir de l'homme surgissent les formes multiples de l'activité superstitieuse. Mais cette prétention de faire du relatif un absolu, du fini un infini est paradoxale. Ce qui nous accule à une véritable impasse, un dilemme :« il est impossible de ne pas reconnaître l'insuffisance de l'ordre naturel et de ne point éprouver un besoin ultérieur ; il est impossible de trouver en soi de quoi contenter ce besoin religieux. C'est nécessaire, et c'est impraticable. Voilà toutes brutes, les conclusions du déterminisme de l'action humaine»148(*) souligne encore Blondel.

En d'autres termes, la volonté se veut nécessairement et cependant elle ne peut s'atteindre pleinement. La seule issue pour elle serait donc de s'ouvrir à une autre Volonté qui la ferait être. D'où le rôle de la philosophie consisterait à conduire à une option qu'il ne lui appartient pas de résoudre. À ce stade, l'action reste ouverte, si l'on peut dire, par en haut. Il faut alors concevoir pour elle une réflexion, une hypothèse qui lui permettrait de se réaliser enfin et d'accomplir son achèvement. C'est ici que Blondel pensera à la méthode d'immanence, car : « En quoi consistera donc cette méthode d'immanence sinon à mettre en équation dans la conscience même, ce que nous paraissons penser et vouloir et faire avec ce que nous faisons, nous voulons et nous pensons en réalité : de telle sorte que dans les négations ou les fins artificiellement voulues se retrouveront encore les affirmations profondes et les besoins incoercibles qu'elles impliquent. »149(*)

Mais avant tout, essayons de revisiter cette dimension où des volontés sont capables et de se fondre à savoir la famille, la patrie et l'humanité.

* 142 Maurice Blondel, Carnets,t. I., p.434.

* 143 Pour R. Vigourlay, « La complexité du vouloir se précise en une dualité qui trouve ici ses expressions caractéristiques : volonté plus profonde et volonté déclarée (A, 44)...la volonté voulante et la volonté voulue. Cette distinction entre le voulant et le voulu est évidemment forgée par analogie verbale sur le modèle du binôme natura naturans-natura naturata qui remonte au Moyen-Âge et que Spinoza a rendu célèbre ». Op. cit. ,p. 51.

* 144 Voir note de M. Blondel relative au mot volonté, in André Lalande, Vocabulaire technique et Critique de la philosophie, Paris, PUF, 8è éd., p. 1218-1219.

* 145 Bulletin de Société française de Philosophie, 1922, p.82-83. Cité par R. Vigourlay , et qui se référant à A. Graty, dans la note ajoute : « À cette époque, Blondel est devenu soucieux de trouver des références traditionnelles. Si en 1893, il ne connaissait pas de première main la tradition médiévale, il a pu cependant la rencontrer indirectement. «Saint Thomas distingue admirablement, dans l'âme, deux volontés, volonté improprement dite, naturelle, impersonnelle (voluntas ut natura) et la volonté raisonnable (voluntas in quantum est rationalis...ut est voluntas formalier). La volonté renferme deux éléments, l'impulsion naturelle et la propre détermination... » , R. Vigourlay, L'Action de Maurice Blondel, p. 58.

* 146 Maurice Blondel, l'Action, p. 335.

* 147 Ibid., p. 127.

* 148 Maurice Blondel, L'Action, p. 319.

* 149 Maurice BLONDEL, Premiers Ecrits, t. II, p. 34.

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