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Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel

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par Christophe MABOUNGOU
Université Pierre Mendès-France - Master II 2011
  

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2.5. De l'infini de la volonté à l'expérience de l'être

L'analyse philosophique de l'action humaine a dévoilé une disproportion intrinsèque entre la fin du vouloir (la volonté voulante) et les réalisations effectives (la volonté voulue), disproportion indicative d'un besoin de l'absolu ou du transcendant, ou du tout autre, qui en vient à constituer le point d'intersection. Or, il se trouve que ce que montre Blondel, entre autres, dans l'Action de 1893, c'est que pour être fidèle au principe moteur, aux exigences de la volonté voulante en l'homme, l'action ne peut s'arrêter ni se contenter aux divers paliers constitutifs de l'activité humaine, et que, nécessairement, l'action humaine est rejetée vers un au-delà, un transcendant qui ouvre au don surnaturel. Pour cela, il est important de souligner alors que la conscience de l'action pour Blondel doit impérativement impliquer l'idée de l'infini, l'idée de l'Être transcendant. Comment comprendre cela ?

Blondel part d'un fait indiscutable l'Action pour montrer qu'il existe toujours une inadéquation profonde entre la volonté voulante et la volonté voulue. l'homme se découvre fini, mais il se veut infini. Il veut l'infini. Mais ce qu'il exige n'est possible que si l'infini se donne gratuitement, et l'homme peut alors le reconnaître et l'accueillir. Pour le Cardinal Poupard : « De la découverte de l'insuffisance à l'accueil de la surabondance, c'est la totalité de l'expérience vécue qui nourrit l'analyse où la matièreapparaît vitalisable, la vie spiritualisable et l'esprit divinisable. De la sensation à la perception, de la science au sujet qui la fait, de la famille à la cité, les dépassements successifs de l'action inscrivent la recherche perpétuelle de l'infini dans le fini, au point de jonction de l'immanence et de la transcendance»165(*).

Dès lors, la volonté est donc infinie de multiples manières166(*) . D'abord parce que j'agis dans le réseau infini des nécessités qui définissent l'horizon au départ de mes actions volontaires. Ensuite parce que l'action libre consiste justement à transgresser ces déterminations aussi nombreuses et rigoureuses qu'elles soient. Enfin, cette volonté de l'infini traduit une quête de l'Autre par la charité ou l'amour.

Ce que confirme d'ailleurs Blondel lui-même : « Nul ne pense agir, s'il ne s'attribue le principe de son action et s'il ne croit être quelqu'un ou quelque chose, comme un empire dans un empire »167(*) ; par suite de cette transcendance envers les causes, les nécessités et même les motifs, l'action libre évolue dans l'inconditionné, que Blondel nomme l'infini : « En deux mots : la conscience de l'action implique la notion d'infini ; et cette action infinie explique la conscience de l'action libre»168(*). l'infini est donc pensée en rapport étroit avec l'action. On retrouve donc la volonté qui a présidé au choix déterminant de cette action. C'est autant dire que la volonté ne quelque sorte se retrouve en quête de son infini. De ce point de vue, l'infini de l'acte volontaire marque en fait l'irréductibilité de la liberté aux phénomènes (en termes kantiens), ou l'irréductibilité de la personne à la nature (en termes patristiques). Aussi pour Blondel, la volonté transcende tous ces objets comme idoles169(*). Car l'idole apparaît quand l'acte qui en fait vise et accomplit l'infini, veut reposer son élan, dans un étant, ou bien comme un étant, pour n'avoir plus à persévérer dans l'extase de la la volonté libre.

En outre, en agissant par une volonté qui transcende infiniment ses propres intentions réales, l'homme se découvre toujours déjà déporté dans l'infini, comme un horizon170(*) . Car « Il y a un infini présent à tous nos actes volontaires, et cet infini est moins dans la connaissance que dans la vie ; il n'est ni dans les faits, ni dans les sentiments, ni dans les idées, il est dans l'action »171(*). Et J.-L. Marion peut renchérir : « Sous l'apparence d'une faculté telle qu'en débattent les métaphysiciens (Schopenhauer, Nietzsche, Descartes), la volonté doit ainsi se reconnaître comme la trace d'une trace qui, peu à peu, redevient elle-même en s'admettant le vestige de l'infini. L'Action a pour ambition de reconduire la volonté de son infini strictement métaphysique à la fonction théologale de cet infini : vestgium Dei... Il s'agit, en reconnaissant à la volonté son infinité, de la rendre à elle-même afin qu'elle sache se rendre à l'infini. »172(*)

Ainsi selon J-B J Vilmer : « L'aspiration vers l'infini, qui est désir de Dieu, n'est autre que la volonté voulante de Blondel - ou encore la volonté de la volonté, volonté de puissance de Nietzsche - qui décrit le dépassement de l'homme et qui donne l'impulsion aux volontés voulues, les volitions quotidiennes sur les objets particuliers contingents. Le désir de Dieu est alors ce conatus qui nous fait persévérer dans notre être voulant. Ce qui implique aussi, inversement, que cet être voulant préexiste et amorce le désir de Dieu qui le conserve»173(*). C'est donc cette dernière tentative de l'effort humain, dans sa quête et son aspiration marquées par l'apparent échec de l'action de sa volonté, qui nous amène à poser la problématique de l'Unique nécessaire avec ce caractère de nécessité et de gratuité tout ensemble qui convient à la détermination ultime de l'idée du divin comme surnaturel174(*). «C'est nécessaire et c'est impraticable».175(*)

* 165 Cf Paul Cardinal Poupard, « Maurice Blondel, 1861-1949. l'Intelligence de la foi » Conférence de Carême 2003 à Notre Dame de Paris.

* 166 Nous suivons en partie les développements de Jean-Luc Marion, « La conversion de la volonté selon "l'Action" », in Revue philosophique de la France et de l'Étranger, 1, 1987, p.33-47.

* 167 Maurice Blondel, l'Action, p. 118

* 168 Ibid., p. 118.

* 169 Dans l'action, M. Blondel repère et critique les idolâtries successives de l'enfant, de l'amant, du citoyen, du penseur, de l'État, du rite religieux, de la patrie, de la science...,Cf., p. 306-314.

* 170 J-L MARION fait un rapprochement entre Blondel et Descatres. À ce stade, apparaît notamment une sorte de réappropriation par Blondel de développement effectués par Descartes sur la volonté de l'infinie comme désir de Dieu dans Principia Philosophiae, I,§ 6; Méditationes, AT, VII et VIII, Cf. art. cit., p. 40-41.

* 171 Maurice Blondel , Op. cit., p. 422.

* 172 J-L Marion, Art. cit. , p. 42.

* 173 Cf. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « Descartes. l'infinitude de ma volonté ,ou comment Dieu m'a fait à son image », Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 92/2, 2008, p. 287-312.

* 174 R. Vigourlay, L'Action de Maurice Blondel, 1893, p.107.

* 175 M. Blondel, l'Action, p.321.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus