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Projets culturels transnationaux : enjeux et perspectives

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par Roxane Garo
Université de Cergy Pontoise - Master Développement Culturel 2013
  

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3. La France et l'histoire des rapports sociaux de sexe, de nouveaux enjeux

En France, on a longtemps employé l'expression « l'histoire des femmes » pour désigner le champ historique qui met en oeuvre une analyse sexuée des phénomènes historiques. On

14 Chiffres datant de 2012 trouvés sur le site du Haut-Commissariat au Plan. http://www.hcp.ma/

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parle aujourd'hui plutôt de « l'histoire du genre » ou de « l'histoire des rapports sociaux de sexe » que de « l'histoire des femmes » car cette expression semble trop réductrice15.

Le concept de gender qui est défini comme un élément constitutif des rapports sociaux fondés sur les différences perçues entre les sexes est lié aux travaux des historiens et sociologues américains des années 1970. Il s'agirait de considérer la différence des sexes comme un produit de la culture et de l'histoire qu'il faudrait remettre en question. Suite à cette prise de conscience, la recherche historique a fait évolué la société française avec pour conséquence une prise en compte institutionnelle. Trois textes l'attestent, le premier étant la loi d'orientation du 10 juillet 1989 qui précise que le service public de l'Education doit contribuer à favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes. En 2000, la Convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, insiste sur la nécessité de mettre un terme à une orientation stéréotypée. Puis en 2005, la loi d'orientation pour l'avenir de l'École consacre un titre à la promotion de l'égalité entre les filles et les garçons.

Le gouvernement français semble donc avoir pris position afin de mettre en oeuvre un système éducatif formateur d'individus égaux et éduqués de la même façon, dans le but de construire une société plus égalitariste. Du point de vue des chiffres, la France est un pays relativement bien avancé concernant l'égalité hommes-femmes puisque son classement ISDH est meilleur que son classement IDH (15e et 16e). Il semble cependant nécessaire de s'interroger sur les éléments se cachant derrière ces lois. Si les crises identitaires viennent impacter en premier sur les minorités sociales, les femmes en étant historique une (le long combat pour le droit de vote, finalement atteint en 1944, soit après de nombreux autres pays, le prouve), ne seraient-elles pas victimes d'inégalités malgré les dispositions prises par le pays ? Pourquoi le gouvernement aurait-il lancé l'année de l'égalité de la femme en 2011, si elle ne risquait plus rien ?

En France, les femmes, qui représentent 45 % de la population active (11,2 millions) connaissent un taux de chômage de 9,1 %, contre 7,8 % pour les hommes (Ministère de l'Emploi, chiffres 2007). Elles ont plus de difficultés que les hommes à monter en grade et en salaire. Certes, les mouvements féministes des années soixante-dix ont permis la création de lois ayant changé le paysage social du pays (création du Planning familial en

15 Françoise Thébaud, Ecrire l'histoire des femmes, ENS Editions, 1998

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1956, loi Neuwirth autorisant la contraception en 1967, loi Veil légalisant l'avortement en 1975). Cependant, les multiples débats ayant lieu actuellement tant à propos des femmes (questions touchant à la parité, au harcèlement de rue) que du genre (mariage homosexuel, éducation genrée) et les réactions qu'ils provoquent permettent d'éviter de poser un regard trop caricatural sur la France qui aurait réussi à vaincre les inégalités présentes au sein des rapports sociaux. Pourtant, dans les travaux réalisés par les pays se présentant comme développés, seuls les pays plus pauvres semblent ne pas parvenir à résorber ces problèmes sociaux.

Si la mondialisation tend à unifier le monde et à redéfinir ses politiques culturelles, elle semble aussi générer des incohérences dans le rapport caricatural résidant dans la dichotomie entre les pays du Nord et du Sud. L'étude d'un projet culturel transnational autour de l'émancipation féminine liant la France et le Maroc peut permettre de mettre en lumière la façon dont la vision occidentale infiltre les politiques internationales. Ce type de projet peut au contraire participer à la cohérence transnationale, en permettant à deux civilisations au passé difficile de se retrouver, se comprendre, s'apprivoiser.

II) Un projet culturel transnational comme révélateur d'enjeux variés : « Regardons nous grandir »

Le projet « Regardons nous grandir » est le fruit d'une collaboration entre l'ONG Bani de Tiznit (zone rurale du sud du Maroc), les associations Dar Taleb et Taleba et Tamount (de la commune rurale de Sahel) et la ville de Montreuil (située en Seine Saint Denis en France). Il s'agit d'une commande en matière d'outils de communication innovants de prévention visant à toucher la population féminine de la région rurale marocaine, passée par l'ONG Bani auprès de la ville de Montreuil avec qui Agadir est jumelée. La compagnie théâtrale montreuilloise Art dans le Jardin a proposé un projet qui a été accepté par l'ONG avec qui un travail autour de la prévention de la drogue chez les jeunes marocains avait été réalisé en 2009. Ce nouveau projet, réalisé en trois phases de juillet 2013 à août 2015, a pour but de faire travailler la compagnie avec les jeunes filles du pensionnat (136 jeunes accueillies) de Sahel ainsi qu'avec des encadrants et médiateurs des associations. Il s'agit de les former aux outils de communication et de vulgarisation afin

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que l'action puisse devenir pérenne et reproductible et mener le public cible, les jeunes filles, à découvrir toutes les étapes du travail d'une création spectaculaire. Mêlant les arts plastiques, l'écriture, l'interprétation, la vidéo et la photo, ce travail aboutira à des présentations publiques. La forme finale sera une pièce de théâtre intégrant la vidéo comme support scénographique, des bribes de témoignages textuels interprétés issus de questionnaires ainsi qu'un travail plastique sur la notion de la métamorphose qui prendra appui sur la projection de ces jeunes filles en femmes adultes. Les thématiques centrales de « l'émancipation et l'intime » ont été choisies en concertation avec les responsables des organismes partenaires. Une fois réalisé, ce travail servira de support de sensibilisation auprès des femmes de la région. Un relais de cette action sera pris par les associations locales partenaires afin qu'il soit diffusé suivi d'un débat dans les villages de la région. Un film témoignant de l'action mené sera diffusé en France et fera l'objet de rencontre autour des thèmes abordés suivis d'un débat.

Il s'agit là d'un projet culturel transnational qui mêle différents acteurs gouvernementaux ou non à savoir une ONG qui passe une commande auprès de la ville de Montreuil avec qui la ville d'Agadir est jumelée, bientôt rejointe par la compagnie théâtrale Art dans le jardin qui répond au projet. La compagnie est subventionnée pour cette action entre autre par la ville de Montreuil, le département de Seine Saint Denis, l'Institut Français au Maroc et des fondations à vocation de coopération internationale (fondation Elle, fondation EDF). Le projet, réalisé au Maroc, sera ensuite exposé en France aux yeux du public de l'association de la Maison des Femmes de Montreuil, implantée, comme la compagnie théâtrale, en Zone Urbaine Sensible (ZUS), expliquant entre autres le soutien budgétaire de la DRAC. Ce projet complexe rassemble beaucoup d'acteurs des politiques culturelles autour d'une même action. Si, en apparence, une dynamique coopérative l'entoure, ce projet peut-il réellement être porteur d'enjeux réunis par une démarche commune ? Peut-on être acteurs d'un projet de façon égale alors même qu'historiquement et économiquement résident de profondes disparités ? Confronter les différents enjeux des acteurs semble être indispensable.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery