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Les zones a defendre: d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique

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par Antoine Vieu
Université de Bordeaux - Master 2 2016
  

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Promotion d'un modèle autogestionnaire et autonome :

Dans un texte publié le 24 novembre 2014 intitulé « Eloge de la ZAD »4, les auteurs détaillent le programme d'une zad : «se passer des institutions pour construire leurs vie ». Ainsi le combat mené par les zadistes ne s'inscrit pas uniquement dans le registre du rejet - combattre un projet d'aménagement- il est aussi dans le registre de la proposition à savoir construire un autre mode de vie.

Dans un article intitulé « Pourquoi cultiver la Zone ? Au-delà de la « sauvegarde des terres agricoles »... »5, l'organe « clandestin » POTES 44 (Partisans Organisés pour Terroriser l'Etat Socialiste) explicite l'objectif des tentatives menées sur une zad en l'occurrence celle de Notre-Dame-des-Landes : construire une contre-économie et expérimenter des formes d'auto-organisation en s'éloignant des logiques marchandes, policières et gestionnaires. Deux éléments vont alors apparaître pour mettre en place ce mode d'organisation sans reproduire

1 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : histoires croisées..., Op.cit., p.30.

2 ZADIST, « Toujours plus vite ... », Op.cit., p.1.

3 CAMILLE Le petit livre noir... Op.cit. p.10.

4 ZADIST, « Eloge de la ZAD », zad.nadir.org [en ligne] le 24 novembre 2016 ; URL : http://zad.nadir.org/spip.php?article2779 [réf. 5 décembre 2015]

5 POTES 44, « Pourquoi cultiver la Zone ? Au-delà de la « sauvegarde des terres agricoles »... », zad.nadir.org [en ligne] ; URL : http://zad.nadir.org/IMG/pdf/compilactivite.pdf [réf. 25 mai 2016].

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l'ancien système compétitif, hiérarchisé et destructeur. Il s'agit de l'autogestion ou auto-organisation et de l'autonomie.

Concernant l'autogestion, l'objectif est de réussir à s'organiser sans déléguer son pouvoir de choisir à une personne ou une institution. Comme le rappelle un occupant de la Zad de Notre-Dame-des-Landes interrogé sur France Culture : « Le problème des institutions est qu'elle dépasse les individus. L'institution a pour vocation de se maintenir et se perpétuer »1. Ainsi, par leur vocation elles sont amenées à reproduire des rapports hiérarchiques entre les individus. Pour le collectif Mauvaise Troupe, l'institution est « une instance supérieure et hégémonique pour arbitrer et intervenir »2 dont il faut se passer. Mais sans institution ou chef, il faut trouver des moyens de régler les conflits et prendre des décisions. Pour les zadistes l'enjeu est de quitter un modèle de vie calqué uniquement sur les besoins individuels pour « habiter en collectif » tant du point de vue matériel (habitat, outils...) qu'affectif. Ainsi il faut créer des infrastructures liées à l'usage commun (comme des machines agricoles, des ateliers mécaniques, des moulins...) ; collectiviser les terres agricoles pour éviter d'engendrer de nouvelles inégalités et des rapports de domination, construire des lieux de rencontre sans rapport marchand (salle de spectacle, de conférence, de réunion, café, université...).

Un élément important de l'univers zadiste apparaît avec la question de l'autogestion. Il s'agit de l'anonymat lorsque des zadistes prennent la parole en public en utilisant un nom d'emprunt et en se masquant le visage. Dans « Le petit livre noir des grands projets inutiles »3, les auteurs précisent que l'anonymat permet d'éviter l'émergence d'un porte-parole du mouvement zadiste ce qui aurait pour conséquence, même indirecte, l'apparition d'une situation hiérarchique dans le groupe. Le porte-parole serait dans une position différente - d'infériorité ou de supériorité- face aux médias ou à l'Etat par rapport aux autres membres. Pour le journaliste Hervé Kempf, auteur d'un ouvrage sur Notre-Dame-des-Landes, ne pas rendre la lutte personnalisable permet de préserver l'horizontalité et d'éviter l'émergence de leaders charismatiques4.

Le collectif aborde alors l'exemple des « assemblées du mouvement5 » mises en place à Notre-Dame-des-Landes qui sont des moments où les habitants se réunissent, règlent leurs

1France Culture, « Zad partie 1 » Terre à Terre [en ligne] le 28 avril 2016 ; URL : http://www.franceculture.fr/emissions/terre-terre [réf. 8 juillet 2016], 32min47.

2 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Défendre la ZAD, L'éclat, Paris, 2014.

3 CAMILLE Le petit livre noir..., Op.cit., p.113.

4 KEMPF Hervé, Notre-Dame-des-Landes, Paris, Seuil, 2014, p86.

5 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : histoires croisées..., Op.cit., p.189.

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conflits et prennent des décisions pour leur vie commune. Pour lutter contre les rapports hiérarchiques informels ou cachés existant dans tous les groupes humains, les zadistes ont recours à des outils d'éducation populaire afin de réguler les prises de paroles.

Pour l'historien Pierre Rosanvallon, le terme autogestion n'est pas nouveau et s'inscrit dans une « démarche réaliste »1 en ce qu'il crée sur ce qui ne fonctionne pas. Il détaille les différentes définitions de l'autogestion en fonction du langage idéologique utilisé. Deux définitions semblent utiles pour qualifier la vision zadiste de l'autogestion : le « langage libertaire » avec un refus de l'Etat et la suppression de toute autorité, le droit à la spontanéité et le culte de la démocratie directe et le « langage humaniste »2 dans lequel l'autogestion apparait plus comme une manière d'être, où il faut rétablir des rapports sociaux plus ouverts en prônant l'altruisme et le dévouement au groupe social.

Pierre Rosanvallon précise que le développement d'une société autogestionnaire est lié au développement d'un mode de production autonome3. Le deuxième élément qui constitue l'alternative zadiste est l'autonomie.

Comme le rappelle un habitant de la Zad de Notre-Dame-des-Landes, interrogé sur France Culture4, l'autonomie vient du grec autos qui veut dire soi-même et logos qui signifie les lois, les règles. Ainsi rechercher l'autonomie c'est vouloir être soumis à des règles que l'on a choisies. Il s'agit de sortir de sa dépendance à une institution supérieure comme l'Etat. L'autonomie peut être politique, alimentaire ou économique. Dans le cadre des zads, le collectif Mauvaise Troupe aborde la question de l'autonomie dans un de ses ouvrages5. Il ne s'agit en aucun cas de rechercher une quelconque autarcie qui consisterait à se couper totalement du monde, une sorte de repli sur soi. Pour les zadistes, l'autonomie n'est pas une utopie mais bien « une ligne directrice »6.

L'autonomie politique repose sur le refus d'appliquer des règles ou des lois qui n'ont pas été choisies par ceux qui doivent les appliquer. Les zadistes ont ainsi pris un certain nombre de règles en fonction de leurs expériences de vie en communauté qui ne relèvent pas de « l'intérêt général incarné par l'Etat, marché ou volonté divine »7. Pour Bruno Retailleau,

1 ROSANVALLON Pierre, L'âge de l'autogestion, Paris, Seuil, 1976, p.16.

2 Ibid., p. 10-12.

3 Ibid., p.16.

4 France Culture, « Zad..., Op. cit. 17 :56.

5 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Défendre la zad... Op.cit. p.29.

6 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : histoires croisées..., Op.cit., p.293.

7 Ibid., p.29.

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président du conseil régional de Loire-Atlantique, « les zadistes n'ont que faire du droit et de la démocratie »1. Les zadistes, en recherchant l'autonomie politique, essaient en effet de s'affranchir des lois dont ils ne reconnaissent pas la légitimité. Et Concernant la démocratie, comme nous l'avons vu précédemment ils construisent bien un modèle alternatif contre « l'idéal démocratique »2 représentatif. L'autonomie politique implique aussi d'assurer la viabilité de la zad face à l'Etat. Ainsi se constituent sur les zads des équipes juridiques qui ont pour objectif de défendre les zadistes face à la justice ou à la police en prodiguant des conseils en cas de garde à vue ou en préparant les procès des occupants.

L'autonomie économique consiste à rechercher l'indépendance alimentaire, énergétique et d'habitation afin de s'émanciper de la logique marchande qui régule les relations entre les individus. Il s'agit alors de produire sa nourriture, construire son lieu de vie et créer et organiser les biens communs. Le collectif Mauvaise Troupe explicite la notion de « non-marché »3 sur Notre-Dames-des-Landes : il s'agit d'un lieu où chacun ramène ce qu'il a produit et le laisse à disposition des autres. Le prix est libre donc l'individu paie ce qu'il peut ou ce qu'il veut. Cet instrument a pour objectif de ne plus conditionner l'acquisition de la nourriture - un besoin premier et vital- aux ressources financières. Mais les zads ne sont pas complétement coupées du monde. Ainsi, pour se procurer des biens matériels et pour subsister, les occupants travaillent à l'extérieur de la zad, reçoivent des aides de l'Etat et des dons ou encore, comme l'explique le collectif, ont recours à de « menus larcins de la grande distribution »4. L'utilité de l'autonomie économique comme le rappelle un zadiste interrogé sur France Culture et de gagner en « autonomie sur notre temps »5 et s'émanciper individuellement.

Pour Philippe Subra, les résultats de l'autonomie économique des zadistes ne sont pas « probants »6 en raison du fait qu'ils n'ont pas atteint l'autoproduction et ils ont besoin des soutiens, financiers notamment, extérieurs. Il reconnait en revanche l'autonomie politique

1 « Bruno Retaillau : à Notre-Dame-des-Landes, il faudra utiliser la force » [en ligne], Lepoint, le 8 janvier 2016 [réf. Le 12 janvier 2016] ; URL : http://www.lepoint.fr/societe/bruno-retailleau-a-notre-dame-des-landes-il-faudra-utiliser-la-force-08-01-2016-2008084 23.php .

2 ZADISTE, « En quoi l'organisation ..., Op.cit.

3 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : histoires croisées..., Op.cit., p.297.

4 Ibid., p. 297.

5 France Culture, « Zad partie 1 » Terre à Terre [en ligne] le 28 avril 2016 ; URL : http://www.franceculture.fr/emissions/terre-terre [réf. 8 juillet 2016], 18min15.

6 SUBRA Philippe, Zones A Défendre : De Sivens à Notre-Dame-des-landes, La Tour d'Aigues, L'Aube, 2016, p45.

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des zads. Mais pour les zadistes, comme nous l'avons vu, l'autonomie constitue une ligne directrice et non une utopie à atteindre.

L'alternative choisie et la critique du système ont des conséquences sur la manière zadiste d'aborder la lutte contre les projets d'aménagements. Les valeurs d'autogestion et d'autonomie y jouent un rôle important.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard