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Dilemme du rapprochement américano-iranien: réflexion sur une politique étrangère d'adaptabilité

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par Christophe BALEMA LIMANGA
Université de Kisangani - Licence 2015
  

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Chapitre deuxième

LES ETATS-UNIS ET L'IRAN : DE L'EUPHORIE AUX ECHAUFFOUREES

Aucune collectivité sociale, culturelle ou nationale n'est absolument fermée sur les autres ; leurs interactions permanentes se règlent en fonction de structures d'échanges et de pouvoir, organisant le système international50(*). Cet aphorisme a servi de base dans la rédaction de la politique étrangère iranienne vis-à-vis des Etats-Unis; il leur avait permis de faire de va-et-vient entre « la solidarité naturelle » et « la solidarité artificielle51(*) ».

Dès lors, les relations américano-iraniennes sont caractérisées par deux climats : la cordialité et la tension. Pour mieux comprendre ces relations, il est donc important de les situer avant et après la révolution iranienne.

II.1. Les relations américano-iraniennes avant la révolution iranienne

Les Etats-Unis ont été fondamentalement libéraux durant presque la totalité de leur histoire. La finalité à long terme de la politique étrangère et de sécurité américaine a été la défense du libéralisme. Ceci n'a, cependant, pas empêché les Etats-Unis, pour de raisons liées à la préservation de son intérêt national, de s'engager dans la realpolitik en s'alliant ou même en soutenant activement des régimes autoritaires ou mêmes totalitaires52(*).

C'est en voulant profiter de ce pain béni que l'Iran a mis sur pied la vision musulmane qui visait moins à nier ni à éviter l'innovation, mais à la rendre possible par le recours à une pratique de compensation53(*). Partant, l'Iran qui autrefois rejetait la modernisation sous prétexte que c'est l'imitation de l'infidèle, l'a du moins découvert principalement en prenant conscience de la supériorité occidentale; et cela lui a poussé de saisir l'opportunité en établissant un rapprochement avec le gouvernement américain.

Du moins, jusqu'à la seconde guerre mondiale, conformément à la doctrine Monroe, les États-Unis s'intéressent peu à l'Iran. Cependant, dès la première moitié du 19ème siècle, avant le début des relations politiques entre les deux pays, des Américains, principalement des docteurs et des missionnaires, se sont rendus en Iran. Ceux-ci ont joué un rôle important dans le pays en ouvrant les premières écoles modernes du pays dont la première pour filles, en fournissant des services médicaux et en accomplissant d'autres travaux d'intérêt général.

Durant cette période, les relations entre l'Iran et les États-Unis sont restées cordiales, et de nombreux constitutionnalistes iraniens ont considéré les États-Unis comme une « troisième force » dans leur lutte pour se libérer de la domination et de l'ingérence des Britanniques et des Russes dans les affaires iraniennes. La présence américaine avait cependant eu un prix54(*).

La révolution constitutionnelle de 1906 a créé un courant de sympathie parmi les libéraux américains et britanniques, mais les Anglais et les Russes ont activement manipulé les diverses factions iraniennes afin de protéger leurs intérêts. Les Constitutionalistes ont reconnu avoir eu besoin de l'aide extérieure pour redresser l'état lamentable des affaires du pays hérité des Qadjars et avoir fait appel à l'expertise étrangère.
Pour les aider à mettre de l'ordre dans les finances, ils ont trouvé en l'Américain William MORGAN SHUSTER leur conseiller économique. SHUSTER a provoqué l'ire des Anglais et des Russes, qui ont rendu sa tâche aussi difficile qu'ils le puissent en le contrariant malgré ses plaintes officielles.

Dans les années 1920, un autre Américain, Arthur G. MILLSPAUGH, a été invité par REZA Shah pour conduire une mission technique afin de mettre encore une fois de l'ordre dans les finances iraniennes. La motivation géopolitique des shahs était identique à celle des Constitutionalistes : attirer Washington pour contrebalancer l'influence des Russes et des Britanniques. Téhéran avait même offert de nouvelles concessions de pétrole aux principales sociétés pétrolières américaines que les manoeuvres britanniques et russes avaient étouffées dans l'oeuf55(*).

Il faut noter que le premier contact à grandes échelles entre Iraniens et Américains eut lieu lors de la seconde guerre mondiale, lorsque ces derniers acheminaient leur aide aux Soviétiques à travers le territoire iranien. A la fin de la guerre, 26 % de l'aide accordée à l'URSS a transité par l'Iran. Depuis, les officiels iraniens, satisfaits de la présence accrue des Américains, portent une méfiance historique aux Russes et aux Britanniques56(*).

À partir de 1952-1953, le premier ministre nationaliste, Mohammad MOSSADEGH élu démocratiquement, a entamé une période de consolidation rapide du pouvoir, qui a débouché sur le bref exil du monarque constitutionnel de l'Iran, le Shah Mohammad REZA PAHLAVI. Les États-Unis et la Grande-Bretagne, lors d'une opération secrète (maintenant reconnue de la CIA) appelée Opération Ajax57(*), ont aidé à organiser les manifestations afin de renverser le gouvernement de Mohammad MOSSADEGHet ont aidé à faire revenir le Shah en Iran.

Après son retour d'un bref exil, les tentatives de l'Iran pour se diriger vers la démocratie se sont vite transformées en une dictature puisque le Shah a défait les limitations constitutionnelles liées à sa position et a commencé à régner en monarque absolu.Pendant son règne, le Shah a reçu un soutien américain significatif, faisant fréquemment des visites officielles à la Maison-Blanche et gagnant les faveurs de nombreux présidents américains. Les Américains, qui avaient réinstallé et protégé le Shah dans son trône, avaient scellé leurs intérêts à sa survie politique. Ainsi, depuis 1953 le gouvernement américain a fourni l'assistance technique principale à l'administration publique du gouvernement iranien. Cela incluait de grands projets pour les ministères iraniens, y compris la police nationale iranienne (dont les conseils menèrent à la création de la très redoutable police secrète iranienne, la SAVAK).

Les liens proches du Shah avec Washington et son agenda pour occidentaliser l'Iran ont vite rendu furieuses certaines franges de la population iranienne, et particulièrement les conservateurs islamiques58(*). Quand le Shah amorça « la révolution blanche59(*) » en 1963, la position des Américains est demeurée ambivalente. Dans le gouvernement on observa que ces réformes étaient médiocrement structurées et exécutées de façon incompétente. Cependant, la presse américaine les a exaltées et a vu en elles la matérialisation des rêves de l'administration KENNEDY pour un Iran plus démocratique et plus libéral. Les agences américaines d'aide y étaient également enthousiastes au moins au début. L'ironie de la situation est que les Iraniens ont perçu derrière cette « révolution blanche » le bras puissant des Etats-Unis et son influence diabolique. En fin de compte, la révolution blanche eut un bilan mitigé entre réussite et échec.

Il est intéressant de noter que les mollahs étaient opposés aux réformes liées à la terre parce qu'elles ont réduit la richesse de leurs établissements religieux et affaiblis les propriétaires terriens qui les soutenaient. Ayatollah KHOMEINI, qui s'est mobilisé contre la révolution blanche, qualifiait ces réformes de menace sérieuse contre l'Islam, position qui l'a fait connaître à l'échelle nationale60(*).

Après les chocs pétroliers des années 1970, l'Iran connut, grâce aux considérables revenus pétroliers, un développement économique et une modernisation, bien qu'inégaux. Le Shah dépensa des sommes importantes dans l'achat d'armes aux Etats-Unis. Cela a permis le recyclage des pétrodollars au bénéfice de l'économie américaine, mais accrut les questions soulevées par les experts militaires qui se focalisaient surtout sur la sécurité réelle que fourniront de telles armes. Les immenses richesses pétrolières, insuffisamment distribuées, n'avaient pas traduit un appui populaire au Shah ; par contre, ont contribué à sa chute en 1979, à la surprise des Américains qui pris au dépourvu n'avaient pas perçu l'imminence de la crise.

Quand le Shah perdit son pouvoir après la révolution, les Etats-Unis, et en dépit des objections du gouvernement révolutionnaire iranien, autorisèrent le Shah à entrer sur leur territoire pour y subir un traitement contre le cancer. En conséquence de cette décision, la dramatique occupation de l'ambassade américaine à Téhéran le 4 novembre 1979 par des étudiants iraniens militants avec le soutien de l'Ayatollah KHOMEINI. Cinquante-deux Américains étaient détenus en otage. Après l'échec d'une mission secrète de secours, les négociations ont abouti à leur libération après 444 jours de captivité. Les Américains tiennent depuis une rancune historique envers l'Iran61(*).

* 50 Bertrand BADIE, Les deux Etats : pouvoir et société en occident et en terre d'Islam, Paris, Fayard, 1995, p.11

* 51 La solidarité naturelle concoure à la rupture de relations entre la civilisation musulmane et d'autres civilisations, d'autant plus qu'elle unit les hommes entre eux, conformément à l'idéal communautaire de l'Umma. Par contre, la solidarité artificielle favorise le contacte entre la civilisation musulmane et d'autres civilisation, puis qu'elle oblige les hommes à consentir face aux risques de destruction de la cité et qui n'est réglée que par une justice humaine. TUSI N., The NasireanEthics, cité par Bertrand BADIE,Ibdem, p. 48

* 52EKOVICH, S., op.cit., p.2

* 53 Bertrand BADIE, op.cit., p.55

* 54Relations entre les États-Unis et l'Iran, in https://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_ entre_les_%C3%89tats-Unis_ et_l%27Iran

* 55 EKOVICH, S., op.cit., p.4-5

* 56Idem

* 57 BEAULIEU-BROSSARD, Ph., Opération Ajax, 1953 : Le mythe fondateur des tensions entre l'Iran et l'Amérique, Etude Raoul-dandurand n°19, p. 9

* 58 EKOVICH, S., op.cit., p.6

* 59 Cette révolution concernait la réforme agraire, la nationalisation des forêts et des pâturages, la distribution des bénéfices aux ouvriers, la privatisation des usines d'Etat, plus de lois électorales participatives et un programme d'alphabétisation.

* 60 EKOVICH, S., op.cit., pp.7-8

* 61 EKOVICH, S., op.cit., p.9

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