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Idées politiques et révolutions au Maghreb arabe.

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par Joseph APOLO MSAMBYA
Université Officielle de Bukavu - Licence en Relations Internationales 2010
  

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§4. Conséquences suivies de la révolution en Libye

Depuis l'apparition des troubles dans le pays, la production libyenne, qui s'élève normalement à environ 1,6 million de barils par jour, a été réduite de moitié, voire de trois-quarts selon les estimations. Le prix du baril de pétrole (Brent) qui a terminé l'année 2010 à

194 Information suivi à Radio France Internationale (RFI) le 27 mai 2011.

195 Information suivie sur France24 le 30 mai 2011.

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94,59 dollars le baril (contre 78 dollars à la fin de 2009), atteint 110 dollars le 23 février 2011 et dépasse le niveau de septembre 2008196.

Alors que la Libye a toujours été depuis longtemps la gardienne de l'Europe en l'aidant à lui protéger contre l'afflux massif des migrants africains, surtout ceux de l'Afrique subsaharienne à partir des côtes libyennes et tunisiennes, et compte tenu des différentes réactions des pays européens contre le régime libyen, les autorités libyennes ont menacé l'Union européenne de cesser de coopérer dans la lutte contre l'immigration si elle continue à encourager les manifestations dans le pays. C'est ainsi qu'un afflux important des immigrés a été constaté en Europe, ceux-ci passant par les côtes tunisiennes ou libyennes pour pénétrer l'île de Lampedusa en Italie et profitant de s'éparpiller dans toute l'Europe par le fait de la libre circulation des personnes et de leurs biens consacrée par le traité de l'espace Schengen. Cette situation s'était accompagnée d'une déstabilisation politique dans les pays européens craignant de recevoir même des gens mêlés dans des fins politiques.

Egalement, les troubles en Libye sont susceptibles de s'accompagner avec l'émergence d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) pour la déstabilisation du Sahel, l'objectif que combattait farouchement le « guide ».

Commentaire et critiques

Malgré la légitimité de l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité, les opérations militaires contre le pouvoir de Kadhafi, surnommées « Odyssey Dawn197 » ou « Harmattan selon Sarkozy », « Opération Ellamy », « Opération Mobile » ou encore « Opération Unified Protecor », même limitées à l'emploi des moyens aériens et navals, risquent d'être à nouveau perçues par les peuples de la sphère arabo-musulmane, et même au-delà, comme une croisade des Européens contre un Etat « frère » peuplé de musulmans. Même si les Etats de la coalition s'évertuent à mettre en exergue la composante arabe qui la compose, et insistent sur l'objectif de la libération de l'expression démocratique du peuple libyen, chacun sait que c'est la France et le Royaume-Uni qui ont été à la pointe de l'offensive diplomatique qui a permis d'arracher l'adoption de la résolution 1973.

196 REUTEURS, a La production de pétrole libyen réduite de moitié » in Investir, édicté sur le http://www.investir.fr/infos-conseils-boursiers/actus-des-marches/infos-marches/la-production-de-petrole-libyen-reduite-de-moitie-aie-325287.php, mis en ligne le 28 février 2011, consulté le 1er juin 2011.

197 FRANÇOIS SOUDAN, « Objectif Kaddafi » in Jeune Afrique, n°2620, du 27 mars au 02 avril 2011, p.14.

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Alors que l'initiative d'un projet de résolution appartient aux membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité, cette résolution a été présentée uniquement par la France, le Royaume-Uni, et les Etats-Unis d'Amérique, associés à un seul Etat arabe, le Liban, mais sans aucun Etat africain, alors que parmi les dix membres non permanents qui ont pris part au vote, figuraient notamment trois pays africains, et non des moindres : l'Afrique du Sud, le Gabon et le Nigeria. Par ceci, Nicolas SARKOZY, David CAMERON et BARACK OBAMA, respectivement Président de la République de France, Premier Ministre britannique et Président américain, auraient, sans doute involontairement, dans la précipitation, fait preuve d'une forme de mépris à l'égard des chefs d'États africains en les mettant devant un fait accompli sans même faire mine de les consulter, alors que cinq d'entre eux s'apprêtaient, le 19 mars 2011, à se rendre en Libye pour une hypothétique médiation198. Le sommet de la coalition après l'adoption de la résolution onusienne s'est tenu en France, certainement pour espérer tirer de bénéfices politiques intérieurs, alors qu'il aurait pu avantageusement se tenir au siège de la Ligue des Etats arabes ou à celui des Nations-Unies.

Par ailleurs, était-il nécessaire de mettre en avant la part prépondérante prise par les occidentaux dans le traitement de la crise, alors qu'existent des systèmes régionaux de sécurité collective ? Le résultat est qu'on en vient presque à oublier que la Libye est située sur le continent africain et se considère comme un Etat arabe. La Libye est membre de l'Union Africaine, qui est pourvue depuis 2002 d'un système de sécurité collective, chapeauté par un Conseil de paix et de sécurité, qui prévoit , en partenariat précisément avec le Conseil de sécurité des Nations-Unies, une réaction aux situations de conflit et de crise en Afrique, avec l'aide d'une force africaine pré-positionnée, pour intervenir dans un Etat membre, dans des circonstances graves de crimes de guerre, de génocide, et de crimes contre l'humanité. Rappelons-nous que Mouammar Kadhafi qui était encore à la tête de l'Union africaine en février 2010, a été remplacé par TEODORO OBIANG NGUEMA MBASOGO, président de la Guinée Equatoriale, qui y a accédé au pouvoir par un coup d'Etat, il y a plus de 30 ans, qui réprime sévèrement toute aspiration démocratique dans ce pays199.

198 François SOUDAN, « Objectif Kaddafi », Op. Cit., p.16.

199 Edgard KIGANGA SIROKO, « Révolutions dans le Maghreb et le golfe : les institutions arabes et l'UA doivent être en première ligne », édicté sur le http://www.afrik.com/article22406.html, mis en ligne le 23 mars 2011, consulté le 21 mai 2011.

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Il est vrai qu'au début de la crise en Libye, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine s'était limité, comme beaucoup d'autres, à une préoccupation face à la grave menace sur la paix et la sécurité et avait rejeté l'idée de toute intervention militaire étrangère en Libye, quelle qu'en soit la forme, et avait condamné la transformation de manifestations pacifiques en rébellion armée.

Mais l'implication significative des Etats arabes et africains devrait être d'autant plus fondée sur le fait que le pouvoir en Libye viole précisément la Charte africaine de la démocratie qui reconnaît que les peuples en Afrique ont le droit de se libérer de leur état de domination en recourant à tous moyens reconnus par la Communauté internationale.

De plus, la Libye, bien qu'actuellement suspendue d'activités, est également membre de la Ligue arabe dont les Etats membres, hormis l'Algérie et la Syrie, ont appelé le Conseil de sécurité des Nations-Unies à imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, sans intervention militaire sur le sol libyen. Enfin, la Libye est également membre de l'Organisation de la conférence islamique qui a également appelé à l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne, mais sans opération militaire pour défaire l'armée libyenne.

Le fait est que pas un seul Etat africain, ni aucun des Etats arabes d'importance n'ont annoncé leur participation aux opérations militaires contre la Libye. Il apparaît que le texte même de la résolution va au-delà des positions de la Ligue arabe et de l'Union africaine, qui ont pensé, ou ont fait mine de croire que l'usage de la force armée devait se limiter à l'arrêt de l'offensive des militaires de Kadhafi sur Benghazi.

C'est ainsi que la Russie qui n'a pas voté en faveur de la résolution, l'Union Africaine, la Ligue arabe, voire aussi le conseil de sécurité des Nations unies par le canal de son secrétaire général, Ban Ki-Moon, mettaient en garde contre la déviation des objectifs qui restaient l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne protégeant les civils et non pas la défaite de Kadhafi ni la destruction de son armée, et appelaient à la solution politique ou diplomatique pour mettre fin aux hostilités. Ces derniers (surtout La Ligue arabe, l'Union Africaine et la Russie) commencèrent déjà de leur part à critiquer les bombardements sur la Libye, pour des considérations d'opportunité de politique intérieure des Etats membres, qui font également face à des revendications liées à l'aspiration à la liberté et à la démocratie. Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, après l'engagement des opérations militaires en Libye, déclara rejeter toute intervention militaire étrangère, et mandata des comités pour des consultations sur

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une solution pacifique à la crise, alors 3 de ses Etats membres ont voté pour l'adoption de la résolution pour l'emploi de la force armée. Les présidents des Etats africains, et les dirigeants des Etats arabo-musulmans, qui comptent parmi les plus infectés par le virus de la dictature, et dont plusieurs se maintiennent irrégulièrement depuis plus d'une vingtaine d'années au pouvoir, doivent être mis à contribution.

Même si l'Union africaine est encore dans une phase d'apprentissage, car composée d'Etats étranglés par des dettes importantes, d'armées peu équipées ; même si les Etats de la Ligue arabe disposent de capacités opérationnelles, logistiques très limitées, ces organismes régionaux auraient dû être utilement présentés en première ligne, soutenus par les Nations Unies , pour les amener à prendre leur part de responsabilité. C'est très important, d'une part, pour qu'ils aident à la solution d'une crise régionale, et d'autre part, qu'ils aient conscience que la résolution 1973 qui appelle à des réformes globales et des changements pour répondre aux aspirations à la liberté du peuple en Libye peut s'appliquer à leurs Etats respectifs, et faciliter ainsi des transitions pacifiques dans les différents pays.

Pour faire litière à la rhétorique d'une nouvelle croisade de l'Occident contre un pays africain, un Etat arabe, la coalition gagnerait à plus de visibilité de ses différentes composantes arabes et africaines qui soutiennent les aspirations à la démocratie dans un pays de la région, et adhèrent à la fin de l'impunité des massacres des populations sous le huis clos des frontières nationales, par des dirigeants qui tentent de perpétuer la confiscation à leur guise du pouvoir politique dont le peuple est le seul détenteur légitime.

La qualification de la situation en Libye pose aussi problème200. Pour certains, Jean PING, ancien président de la commission de l'Unité Africaine (UA), et Idriss DEBY ITNO, le chef de l'État tchadien : « ce n'est pas une révolution, mais une rébellion ». Jean PING, renchérit encore, avec quelques autres chefs d'États que « c'est une guerre tribale Est-Ouest » car la plupart des leaders du Conseil National de Transition (CNT) libyen, la plupart des diplomates qui ont fait défection, le général Abdelfattah YOUNES - ex-ministre de l'intérieur et le chef de la rébellion - ainsi que l'essentiel des troupes de la « Libye libre » sont originaires de Cyrénaïque dont la capitale, Benghazi, a toujours été un fief de l'opposition. Pour d'autres, « c'est de l'ingérence sélective ». Pourquoi la responsabilité de protéger (nouveau concept à la mode) n'a-t-elle pas été appliquée aux palestiniens en 2008-2009 où 1500 civils ont été tués, à

200 François SOUDAN, « Objectif Kaddafi », Op. Cit., pp.14-15.

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Bahreïn, au Yémen, en Syrie ou ailleurs aujourd'hui ? Pour les autres enfin, « c'est une guerre pour le pétrole, guerre pour abattre Kadhafi ».

Aussi, nous estimons qu'il serait exagéré de qualifier le mouvement libyen de révolution pour pouvoir le situer dans le même sillage de la Tunisie et de l'Egypte. Un discours plus modéré nous inviterait plutôt à parler de révolte ou de rébellion plutôt que de révolution, mais même ces derniers termes sont ambigus. Nous éprouvons quelques difficultés à accoler l'un ou l'autre de ces termes au mouvement sociopolitique libyen car quel que soit le cas, l'impulsion doit être endogène et non exogène au mouvement contestataire et la lutte (révolte ou révolution) doit être menée de l'intérieur et non de l'extérieur par des révoltés et les révolutionnaires et non par d'autres personnes (en l'occurrence les puissances impérialistes occidentales) à leur place. Lorsque la France et la « Communauté internationale » décident d' « aider » les insurgés en bombardant l'armée libyenne qu'on appelle pompeusement dans les médias occidentaux « l'armée loyaliste » traduisant ainsi le mépris de ces derniers pour les institutions de cet Etat, il ne peut y avoir révolution ! En aucun cas ! Au mieux, il y a un changement de situation, mais jamais on ne peut parler de révolution. Ce sont les français qui ont fait leur révolution en 1789, les russes en 1917, les japonais en 1939, les tunisiens en 2011 et la « révolution libyenne » viendra être faite pour les libyens par l'OTAN ? Nous croyons que ce qui se passe en Libye c'est de l'ingérence occidentale et pas la « révolution libyenne » car les tenants du "Nouvel Ordre Mondial" ne peuvent supporter de voir subsister au bord de la Méditerranée un pays qui refuse d'obéir à ses diktats et qui considère l'Etat sioniste comme un État raciste porte-avion de l'impérialisme dans cette région.

Les Américains ont intérêt aussi à briser toute dynamique qui pourrait mener à l'établissement d'une Grande Nation Arabo-africaine. C'est sous cet angle qu'il faut comprendre l'acharnement de Washington contre la Libye et l'Irak en 2001 : Briser la création d'une puissance unitaire autocentrée. Les USA, comme pour l'Irak, visent en Libye à s'assurer l'hégémonie sur le pétrole qui sera, avec l'eau, l'enjeu géopolitique principal du siècle à venir.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle