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Le projet géostratégique des à‰tats-Unis d'Amérique dans le golfe de Guinée. Analyse de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013.

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par François Xavier NOAH EDZIMBI
Yaoundé II Soa - Master II en Sciences politiques 2014
  

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CAMEROUN

Pour garder une influence au Cameroun, tout en prenant en compte l'âpreté de la compétition qui l'oppose aux États-Unis, la France utilise des recettes qui, depuis l'indépendance de cet État, lui ont permis de transformer cet espace aux mieux de ses intérêts. Il s'agit de la diplomatie, de la politique, de l'économique et du militaire. Nous l'illustrerons sur le plan politico-diplomatique (paragraphe 1) et par la suite socioculturel et économico-militaire (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'usage de la politique et de la diplomatie par la

France

L'intérêt porté par l'État français à la politique et à la diplomatie nous amène à les développer chacune dans un cadre spécifique. Nous présenterons d'abord dans un aspect bilatéral (a) puis multilatéral (b).

309 Pierre Péan 2010, Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, p.488.

310 Ibid.

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 93

Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

a- L'emploi de la politique et de la diplomatie dans le cadre des relations bilatérales

a- 1- L'utilisation de la politique contre les intérêts américains

Les richesses naturelles dont regorge le Cameroun sont d'un intérêt vital pour la France311. Aussi son sursaut d' « orgueil national » se renforce du moment où le rôle moteur du Cameroun, pays laboratoire de sa politique de « mise en valeur312 » des Etats d'Afrique Centrale, est menacé par l'intérêt que lui portent les Etats-Unis et la Chine. Dans la confrontation qui oppose la France aux États-Unis se mêlent en effet enjeux politiques, stratégiques et commerciaux. Ancienne puissance tutrice, la France, depuis l'indépendance camerounaise, s'appuie sur les régimes en place pour défendre ses acquis313 et garder la mainmise sur ses exploitations314. Contrairement aux États-Unis qui, voulant avoir droit au chapitre315, tentent de séduire une opinion camerounaise en quête d'émancipation politique316.

A travers l'extraversion politique dont souffriront les États Africains après leurs indépendances, la France va, au Cameroun, s'appuyer sur le régime politique d'Ahmadou Ahidjo pour préserver ses intérêts. Remarqué par Foccart317, ce dernier va parvenir au pouvoir frauduleusement318. Aussi, à travers la confiance qu'elle met en la personne du président Biya pour préserve ses intérêts319, cette situation d'extraversion sera maintenue. En effet, dans le but de conserver le pouvoir politique, qu'il détient depuis 32 ans, le président Paul Biya reçoit le soutien et l'aide de conseillers français, formels ou informels, constituant son proche entourage.

311 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux pétroliers en Afrique... », p.58.

312 W. Mvomo Ela, « Le concept de « mise en valeur » dans la politique de développement colonial de la France : cas du Cameroun » in Repenser le développement à partir de l'Afrique, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Afrédit, Africaine d'Edition, Yaoundé, mai 2011, p.299.

313 Alain Fogue T., « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p.292.

314 Tchetchoua Tchokonté, Op.Cit.

315 Idem.

316 Alain Fogue Tedom, Op.Cit.

317 Foccart parle, I, p 87 et 95 in La FRANÇAFRIQUE, le plus long scandale de la République, François-Xavier Verschave, p.99.

318 Selon l'ambassadeur Guy Georgy, qui commanda la région du nord Cameroun de 1951 à 1955, des paquets de faux bulletins, à la faveur du candidat Ahidjo, ont été mis dans l'urne. In La FRANÇAFRIQUE, le plus long scandale de la République, François-Xavier Verschave, p.98. De même, bien avant son accession à l'indépendance, le ministre français d'Outre-mer, monsieur Jacquet, répète à trois reprises au premier ministre camerounais André-Marie Mbida que l'indépendance du Cameroun annoncée le 1er Janvier 1960, sera une indépendance fictive. In Jeune Afrique Économique, février 1992, p.37, Déclaration en date du 27/02/1958. Citée par Dieudonné Oyono, Avec ou sans la France ?...

319 Cette idée est soutenue par l'ancien président français Jacques Chirac qui, le 24 février 1990 sur RFI, encore maire de Paris à l'époque, affirmait que : « Le multipartisme est un luxe superflu pour les jeunes pays en voie de développement comme les pays africains ; le parti unique leur convient mieux », in Maurice Kamto, L'urgence de la pensée : réflexion sur une précondition du développement en Afrique, Yaoundé, 1993, Mandara, p.23, d'où la confiance, pour préserver les intérêts français au Cameroun, mise dans le régime politique de Paul Biya.

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 94

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Nous avons comme exemple Patricia BALME, conseillère en stratégie et communication, et Stéphane FOUKS, expert en communication. Patricia BALME reconnait participer au succès des actions du président Biya320. Elle dit s'occuper de l'amélioration de l'image camerounaise à l'extérieur depuis 1999321. C'est elle qui a en effet préparé la défense du président sur la chaine télévisée française France 24, lors de la présidentielle de 2011, et s'est ensuite attachée les services de François MATTEI pour la rédaction du Code Biya322. Stéphane FOUKS, quant à lui, a établi le projet AFRICA 21 qui a rassemblé l'intelligentsia africaine et européenne, du 17 au 19 mai 2010. Il a ensuite, le 3 décembre 2010, suivi les conclusions de ladite conférence323. On peut ainsi, à travers ces conseillers français faisant partis de l'entourage présidentiel, démontrer la possibilité pour les autorités françaises d'anticiper sur les décisions et les agissements des responsables politiques camerounais.

Cette possibilité d'influence peut être démontrée au travers des relations amicales qu'entretiennent des responsables politiques camerounais et français. Tel est le cas de l'ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République du Cameroun, ancien ministre, Marafa HAMIDOU YAYA, avec des autorités françaises.

Avant son incarcération, « L'homme des français324 » a eu de bons rapports avec des personnalités d'horizons variés (homme d'affaires, anciens ministres et ancien président de la République) comme : Vincent Bolloré, Charles Pasqua, Claude Guéant en passant par Nicolas Sarkozy325. A partir des postes de responsabilités qu'il a occupé, surtout celui de SG de la Présidence, l'on peut conclure que la France exerçait, et exerce encore, une forte influence dans les décisions politiques camerounaises326.

L'influence de la France se ressent aussi dans les règlements juridiques avec l'aide de juristes français pour leur établissement. L'exemple le plus récent est l'apport du constitutionnaliste Guy CARCASSONNE dans la modification constitutionnelle, du 14 avril

320 Elle affirme en effet : « j'ai veillé à ce que la communication du président, dans ce pays et à l'étranger, et son aura soit bien faite et préservée. J'ai amené les professeurs Luc Montagnier et Robert Gallo au Cameroun. J'ai aidé la première Dame à développer tout ce qu'elle fait contre la lutte contre le sida. » In Repères, no 208 du 2 février 2011, p5.

321 Ibid.

322 Ibid.

323 Ibid.

324 Jeune Afrique, no 2670, mars 2012, pp.32-33.

325 Ibid.

326 Dans sa première lettre ouverte, publiée dans Le Jour, Marafa HAMIDOU YAYA fait part de son ancienneté aux postes de responsabilités que lui avait confié le président Paul Biya : « J'ai été votre collaborateur pendant dix-sept (17) années sans discontinuité. D'abord comme conseiller spécial, ensuite comme secrétaire général de la Présidence de la République et, enfin, comme ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation pendant près d'une décennie ». Aussi, de la confiance que lui a accordé le Chef de l'État en lui remettant le pouvoir de nomination, et la confidence de sa non-connaissance de la majorité de ministres : « Monsieur le Ministre d'État, vous êtes combien de ministres dans ce gouvernement ? Peut-être dix (10) ou quinze (15) tout au plus. Le reste, ce sont des fonctionnaires à qui j'ai donné le titre ». Le Jour no 1179 du 02 mai 2012.

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2008, qui a permis d'effacer l'article sur la limitation des mandats présidentiels327. Ces agissements permettent à la France, dans la lutte inégale qui l'oppose aux États-Unis au Cameroun, d'avoir une certaine avance par un processus d'assimilation des responsables politiques camerounais328. L'illustration de cet état des choses est la multiplication de rencontres entre les exécutifs des deux États.

C'est le cas de la dernière visite de travail du président Paul Biya en France, du 28 janvier au 8 février 2013329, ou encore la rencontre des deux présidents à l'occasion du XIVe sommet de la Francophonie, organisé octobre 2012 à Kinshasa en République Démocratique du Congo (RDC)330. Cette dévotion des élites camerounaises permet à la France de préserver ses intérêts. Cette influence est aussi perceptible dans l'aspect diplomatique.

a- 2- L'usage de la variable diplomatique pour réduire l'influence américaine

Les héritages coloniaux sont nécessaires pour comprendre la diplomatie camerounaise331. L'indépendance camerounaise, fictive selon le ministre français d'Outre-mer, monsieur Jacquet, est l'aboutissement d'une entente à l'ONU entre Jacques Foccart et l'israélien ABBA EBAN332. Alors ministre israélien des Affaires étrangères, ce dernier va rendre un service à Ahmadou Ahidjo programmé par la France pour devenir président du Cameroun333.

Dès cet instant, l'extraversion diplomatique camerounaise est avérée et, à travers les accords signés, le Cameroun fera montre d'un déficit d'autonomie stratégique et d'une incapacité à maitriser son destin en faveur de la France. Les propos d'Yvon OMNES, ancien ambassadeur de France au Cameroun, de 1984 à 1993, viennent affirmer cette idée. Devenu

327 La Nouvelle, no 151 du 16 janvier 2012, p.5.

328 Alain Fogue T., « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p. 292.

329 Cameroon Tribune no 10278/6479 du vendredi 08 février 2013, p.2.

330 Hot News, hebdomadaire bilingue no 086 du mardi 16 octobre 2012, pp.2-4.

331 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique, Editions Sedes, 2007, p.49.

332 In Mon pays, l'époque d'Israël moderne, Buchet-Chastel, 1975.

333 Il affirme en effet : « je l'avais rencontré sur le sol américain en 1959 ; Aryeh Ilan, un de nos plus talentueux diplomates (...), m'avait suggérer de jouer un rôle actif dans les discussions sur l'accession du Cameroun à l'indépendance. Pour rompre les difficultés qui freinaient son succès, Ahmadou Ahidjo, le leader du Mouvement National Camerounais, arpentait vainement les couloirs du bâtiment de l'ONU, baignant dans un environnement étranger. Au Cameroun (compte tenu de l'opposition), des groupes soutenus par le Caire déniaient toute légalité à Ahidjo. (...) Je m'intéressais au problème et, à la lumière de la longue histoire plutôt troublante de nos rapports avec les Nations-Unies, je fus à même d'offrir quelques conseils sur la manière de présenter le dossier du Cameroun avec des chances de succès. (...) Ahidjo m'en fut personnellement reconnaissant de nombreuses années» in Pierre Péan 2010, Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, p.173.

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par la suite conseiller du président Paul Biya334, il va déclarer que toute décision prise au Cameroun l'est avec le consentement de la France335. Les relations étroites entre le président Biya et des diplomates français, ayant été en place à Yaoundé, semblent confirmer ces allégations. Le président Biya, d'après des câbles du site WIKILEAKS datant de 2006 et de 2008, aurait expliqué à l'ambassadeur de cette période, Bruno Gain, les raisons de la suppression de la limitation des mandats présidentiels en 2008336.

Il reconnaissait l'atmosphère délétère dans lequel se trouvait le pays : « Qu'elle fierté aurais-je à laisser le Cameroun tel qu'il est aujourd'hui ?337 ». Avant de s'adjuger le rôle ultime d'assainir l'espace politique par l'Opération Épervier : « C'est à moi de le faire, car il sera impossible pour celui qui me succèdera de commencer par cela338. »

La confidence présidentielle illustre le manque d'autonomie dont souffre le Cameroun. Le président Biya préfère en effet confier ses intentions à l'ancienne puissance tutrice qui elle va profiter de la situation pour établir des stratégies dans le but de préserver ses intérêts et limiter la percée américaine dans le pays. La dernière visite du ministre des Affaires étrangères français au Cameroun, Laurent Fabius, va dans cette logique. Pour rappel, le 19 février 2013 dans la localité de DABANGA, la famille Tangui MOULIN-FOURNIER faisait l'objet d'un rapt. Accompagné de proches collaborateurs, Laurent Fabius sera reçu par le président Paul Biya et cette rencontre se soldera, les jours suivants, par la libération desdits otages339. Cette situation illustre l'influence qu'a en effet la France dans la détermination et même l'orientation des dossiers diplomatiques camerounais.

Cette influence se confirme par les interviews accordées par le président de la République du Cameroun aux médias français. Le président Biya va accorder, en octobre 2007, une interview à la chaine France 24 où il va dévoiler ses projets constitutionnels et annoncer que l'Opération Épervier ira jusqu'à son terme340. Aussi, la Présidence

334 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.237.

335 Un incident survenu entre Yaoundé et Paris quelque temps après l'accession du Cameroun illustre assez bien cette idée. Après avoir constaté que les autorités françaises lui envoyaient d'une manière anarchique et à une cadence anormale du personnel de l'assistance technique au titre de la coopération, le Cameroun entreprend une démarche auprès de l'ancienne métropole visant à rationaliser ce type d'aide de développement. Les responsables camerounais redoutent que la France n'utilise la coopération pour résorber le chômage de ses anciens cadres de l'administration coloniale, voire garder le contrôle sur le jeune État et proposent au ministère français de la Coopération un plan visant à encourager la camerounisation des postes de l'administration camerounaise sur une période de dix ans. Mais il est rejeté par la France qui demande au Cameroun de choisir entre la « confiance » et « la rupture » Cet incident suscite chez Christian Tobie KUOH, secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun, entre 1960 et 1964 et initiateur du projet ainsi enterré ce commentaire désabusé, « Ce n'est assurément pas l'exemple d'une politique d'assistance digne de ce nom, qui ne devrait point se départir de certaines règles et, parmi elles, celles-ci : (...) acceptation sincère de l'indépendance du partenaire (...) », « Mon témoignage. Le Cameroun de l'indépendance (1958-1970), Paris, Karthala, 1990, in Alain Fogue Tedom, Op.cit., p.61.

336 Jeune Afrique, no 2647 du 2 au 8 octobre 2011, p.24.

337 Ibid., p.25.

338 Ibid., p.24.

339 Cameroon Tribune no10303/6504 du Lundi 18 mars 2013, p.2.

340 Jeune Afrique, Op.cit., p.25.

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camerounaise achète, en raison de milliers d'euros, des pages de grands journaux comme Le Monde, Le Figaro, L'Express, ou encore le magazine parisien Jeune Afrique. Le Monde avait, selon le journal camerounais Le Jour, reçu en 2010 un peu plus de 124 millions de FCFA, tandis que Jeune Afrique recevait chaque année 650 millions de FCFA du gouvernement camerounais341. A partir de ces agissements du régime camerounais, la France assimile à leur politique étrangère les responsables politiques et diplomatiques. Aussi leur carrière et leur évolution professionnelle sont contrôlées. Ainsi, la France préserve de ses intérêts économiques vis-à-vis des velléités américaines342.

La France utilise, pour limiter le projet américain au Cameroun, la politique et la diplomatie dans l'aspect bilatéral. Cette manière d'agir est aussi perceptible dans un cadre multilatéral.

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