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Peche et conservation du poisson par les populations de Nziou et de Londji I dans la region du sud Cameroun: une analyse anthropologique des choix et finalités des savoir-faire des pecheurs


par Moise Mvetumbo
Universite de Yaounde 1 - Master en anthropologie 2013
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE DE YAOUNDE I
    THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I

    FACULTE DES ARTS, LETTRES FACULTY OF ARTS, LETTERS AND

    ET SCIENCES HUMAINES SOCIAL SCIENCES

    DEPARTEMENT D'ANTHROPOLOGIE DEPARTMENT OF ANTHROPOLOGY

    PECHE ET CONSERVATION DU POISSON PAR LES POPULATIONS DE NZIOU ET DE LONDJI I DANS LA REGION DU SUD CAMEROUN: UNE ANALYSE ANTHROPOLOGIQUE DES CHOIX ET FINALITES DES SAVOIR-FAIRE DES PECHEURS

    Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du diplôme de Master en Anthropologie

    Spécialisation: Anthropologie Médicale

    Moïse MVETUMBO

    Licencié en anthropologie

    Sous la Direction de:
    Antoine SOCPA
    Maître de Conférences

    Mars 2013

    i

    -A mes parents: Thomas FOMENOP et Pauline SONDEH;

    -Ma tante Playne FOUODJING;

    -Et à ma grande soeur Sarah NDONKO FOMENAP.

    ii

    REMERCIEMENTS

    Nos remerciements vont tout d'abord au directeur de ce travail, le Professeur Antoine SOCPA, pour avoir accepté de coordonner cette étude. Par ses conseils, suggestions, remarques et sa disponibilité, nous avons pu conduire à terme cette recherche.

    Au Professeur MBONJI EDJENGUÈLÈ, Chef du Département d'Anthropologie, qui nous a inculqué l'esprit de rigueur scientifique et la recherche de la perfection. Nous sommes reconnaissant à tous les enseignants du Département d'Anthropologie de l'Université de Yaoundé I, qui par leurs enseignements et leur disponibilité à répondre à nos sollicitations, ont grandement contribué à notre formation théorique et pratique. Nous pensons notamment au: Pr. Godefroy NGIMA MAWOUNG, Dr. Luc MEBENGA TAMBA, Dr. Paschal KUM AWAH, Dr. Paul ABOUNA, Dr. Flavien NDONKO, Dr. Paul Ulrich OTYE ELOM, Célestin NGOURA (Doctorat 3ème cycle), sans oublier M. Déli TIZE, Mme ELOUNDOU Germaine et Mme Marcelle EWOLO NGAH.

    La réalisation de ce travail a été rendue possible grâce au soutien moral, matériel et scientifique de plusieurs personnes parmi lesquelles: le Pr. Bernard Aloys NKONMENECK, Jonas KEMAJOU, Evariste FONGNZOSSIE, Elie NGUEKAM, Judith MAKOMBU et Prospare CHUANSI DOKO.

    Notre gratitude va à l'endroit de toutes les sympathiques populations de Nziou et de Londji I, qui nous ont reçu et ont accepté de se prêter à l'enquête.

    Je tiens à remercier tous mes camarades, amis, connaissances et membres de la famille pour leurs conseil, assistance et encouragement. Je suis particulièrement reconnaissant à Prospare Chuansi Doko, Alice Poufong, Florence Bekou, Admel Menzepoh,Constance Kwessié , Victor Kemuze, René Jiofacck, Jean Paul Zoagnong, Diane Dabové Pambop, Hope Scott Fomenap Wamba, Joseph Mendoko, Violet Zépop, Françoise Mbokoko, Godwill Tsombo Tsefong, Elisabeth Tchondap, Florette Kenne, Alphonse Pouokam, Francklin Sabtalla, Ndelle Makoge, Dieudonné Nguiefembop, George Hubert Menzepo, Mathieu Bilabi, Chanceline Noghuiewo, Oscar Fendoung, Christelle Wonkam, Junelle Makemteu, Evelyne Siribi, Marie Gyslène Kamdem Meikeu, Paule Pamela Tabi, Appaulin Pougnon, Mabelle Nzepghuieko, Verlin Mezepo, Maturin Fomenap, Prisca Maghuieze.

    Je prie toutes les personnes de près ou de loin ayant contribué d'une manière ou d'une autre à la réalisation du présent travail et dont les noms ne figurent pas sur cette liste de recevoir l'expression de ma profonde gratitude.

    iii

    RESUME

    Cette étude intitulée: «Pêche et conservation du poisson par les populations de Nziou et de Londji I dans la région du Sud-Cameroun: Une analyse anthropologique des choix et finalités des savoir-faire des pêcheurs», visait à cerner les facteurs qui sont à l'origine des changements techniques et du degré de participation des populations locales dans l'activité de pêche. Dans un contexte où s'applique une multitude de techniques de pêche et de conservation du poisson, un contraste demeure entre une adoption tous azimuts des savoirs par les différentes communautés et une faible participation et production des pêcheurs locaux dans l'activité de pêche. La question qui a servi de fil conducteur à cette étude est la suivante: Quels sont les facteurs socioculturels qui favorisent la dynamique des techniques de pêche et de conservation du poisson chez les pêcheurs de Nziou et de Londji I? Comme hypothèse centrale, nous avons formulé la proposition suivante: Au niveau des villages Nziou et de Londji I, la place prépondérante du poisson dans la médecine et l'alimentation des populations, les mariages interethniques, les rites en rapport avec la pêche devenus de moins en moins valorisés ont laissé libre cours à la mutation rapide des techniques de capture et de conservation du poisson chez les pêcheurs. Pour interpréter les données de terrain, nous avons convoqué les théories suivantes: l'ethnométhodologie, la théorie de l'écologie culturelle et la théorie de l'anthropologie du nouvel institutionnalisme.

    Après analyse et interprétation, il en ressort que les mutations des techniques de pêche et de conservation du poisson sont engendrées par des causes endogènes et exogènes au rang desquelles la place primordiale du poisson dans le système alimentaire et médical des populations, les mariages interethniques grâce à l'extension du réseau social de formation dont ils engendrent, les rites en rapport avec la pêche qui suscitent de moins en moins l'adhésion des populations. Cependant, l'efficacité d'une technique, le travail en synergie, la migration des populations de pêcheurs, le soutien de l'Etat et des partenaires au développement viennent accélérer le mouvement. Pour ce qui est du degré d'engagement des acteurs dans la filière de pêche, l'on note que la situation est influencée par un certain nombre d'éléments parmi lesquels: la perception des ressources halieutiques comme une denrée éternellement disponible par les acteurs locaux, ce qui élimine tout esprit d'une pêche de compétition de leur côté, tandis que la diversification des activités de production amène les différents acteurs à réserver une portion restreinte de temps à chacune de leurs occupations. En plus de cela, l'implication massive et stratégique des migrants dans le secteur des captures, crée une situation qui leur permet d'avoir une main mise sur tout le circuit de production. Les mutations des techniques de pêche et de conservation du poisson engendrent dans le quotidien des acteurs de pêche, une croissance des revenus, une réduction des contraintes du travail, une compensation des déficits en produits halieutiques. Mais aussi, l'on peut mentionner le maintien de l'hégémonie des acteurs de pêche issus de la migration, la surexploitation des ressources halieutiques et l'émergence de quelques conflits entre les pêcheurs.

    iv

    ABSTRACT

    This study entitled «Fishing and fish conservation by Nziou and Londji I populations in the Southern Cameroon region: An anthropological analysis of choice and purpose of fishermen know-how», aimed to identify the factors behind technical changes and the degree of participation of local fishermen in the fishing activity. In a context where permanent changes occur at the level of fishing techniques and fish conservation, contrast remains between an all-out adoption of knowledge and low participation and production of local fishermen. The main question that served as guideline of our research was to know what socio-cultural factors enhance the dynamics of know-how among Nziou and Londji I fishermen? This led to certain anticipated responses with the main one asserting that at the level of Nziou and Londji I villages, the preponderant place of fish in medicine and feeding, inter-ethnic marriages and rites in connection with the fishing which are losing value, given free rein to the rapidly changing fishing techniques and fish conservation amount fishermen. The theories on which the data analysis was carried out included ethnomethodology, cultural ecology and the theory of anthropology of new institutionalism.

    After analysis and interpretation, it was highlighted that the factors of the dynamics of fishing techniques and fish conservation are both internal and external. Amongst internal factors are the dominant place of fish in the feeding and medical system of the population, the interethnic marriages and fishing rites that are losing progressively their value. Meanwhile external factors gather the efficiency of a technique, work in synergy, migration, state and various development partners' support which accelerate the movement. Regarding the degree of the involvement of stakeholders in the fishing activities, the perception of availability of fishery resources ever available as a resource by local actors, the diversification of production activities leads fishing actors to reserve a small portion of time to each of their occupations. The massive involvement of migrants in the strategic sector fishing allowed them to maintain their position in the domain. Furthermore, the mutation of fishing techniques and fish conservation generates in the daily life of fishing actors an income growth, a reduction of workload and a compensation of the deficit of fishing products. But also, they increase the number of foreigner actors in the activity, the overexploitation of fish and the emergence of some conflicts between the fishermen.

    v

    SOMMAIRE Dédicace

    Remerciements

    Résumé

    Abstract

    Liste des illustrations

    Liste des acronymes et sigles

    Introduction

    Chapitre I: Description du cadre physique et humain des sites de l'etude

    Chapitre II: Revue de la littérature, cadre théorique et dfinition des concepts

    Chapitre III: Caractéristiques des techniques endogènes de capture et de conservation des

    produits de pêche dans les villages Nziou et Londji I

    Chapitre IV: Présentation des techniques émergentes de pêche et de conservation du poisson

    dans les villages Nziou et Londji I

    Chapitre V: Contribution à une anthropologie de la dynamique des techniques de pêche et de

    conservation du poisson

    Conclusion

    Sources

    Annexes

    vi

    LISTE DES ILLUSTRATIONS PAGES

    LISTE DES CARTES

    Carte 1: Localisation de l'arrondissement de Kribi II .....23

    LISTE DES PHOTOGRAPHIES

    Photo 1: Centre de santé de Londji ...13

    Photo 2: Ecole publique de Londji plage(ou Londji 1). ..18

    Photo 3: Course de pirogue entre les jeunes, les vétérants et les ressortissants nigérians de

    Londji I . 21

    Photo 4: Une compétition de bras de fer .. 21

    Photo 5: Ecole maternelle de Nziou ....26

    Photo 6: Ecole publique de Nziou 26

    Photo 7: Synthèse du savoir-faire Mabi figurant sur le pagne de fête du Nguma Mabi. 27

    Photo 8: Le chercheur reçoit les explications sur la canne à pêche. 48

    Photo 9: Instrument de pêche à la ligne conçu avec une grosse ficelle. 49

    Photo 10: Matériel de capture à la ligne conçu avec une petite ficelle 49

    Photo 11 : Présentation d'une palangre en réfection . 51

    Photo 12: Opération du `'tirez-tirez» par un groupe de pêcheurs de Nziou 53

    Photo 13: pirogue monoxyle dite «traditionnelle» . 57

    Photo 14: Fumoir constitué des piquets en fer . 59

    Photo 15: Fumoir constitué d'un saut en fer 59

    Photo 16: Fumage du poisson sur un demi-fût ouvert 60

    Photo 17: Fumage sur un demi-fût couvert 60

    Photo 18: Fumoir en piquet petit modèle ....62

    Photo 19: Pirogue chargée du nécessaire pour une pêche de trois jours. 69

    Photo 20: Petite pirogue en planches rassemblées 70

    Photo 21: Grande pirogue en planches rassemblées 70

    Photo 22: Filets bilolo et friture 71

    Photo 23: Filets bar 71

    Photo 24: Grande pêche 71

    Photo 25: Fumoir en piquet de grande de grandes dimensions 74

    Photo 26: Modèle de fumoir amélioré à un foyer 75

    Photo 27: Modèle de fumoir a quatre foyers 75

    Photo 28: Ecailles de poisson coloratrices 77

    LISTE DES TABLEAUX

    Tableau 1: Récapitulatif des pourcentages de réussites de l'école publique de Londji I

    2011-2012 18
    Tableau 2: Tableau presentant la saisonnalite des poissons dans certains village Londji I et

    ses environs. . 1

    19

    Tableau 3: Récapitulatif des pourcentages de réussite de l'école publique de Nziou 2011-

    2012. .....

    26

    Tableau 4: Production annuelle de poisson au Cameroun. .....31

    Tableau 5: Principales ressources halieutiques marines exploitées au Cameroun. ......32

    Tableau 6: Récapitulatif des dimensions de quelques modèles fumoirs améliorés . 7575

    Tableau 7: Liens entre le détenteur du savoir et l'apprenant en rapport avec quelques objets. ... 8181 Tableau 8: Récapitulatif des techniques phares de capture et de conservation du poisson et les

    communautés qui en font usage 95

    vii

    LISTE DES ACRONYMES ET SIGLES

    A- ACRONYMES

    BAD: Banque Africaine de Développement

    CARFAD: Centre Africain de Recherches Forestières Appliquées et de Développement

    CECOPAK: Centre Communautaire de Pêche Artisanale de Kribi

    CEM: Centre d'Estudies del Mar

    CEMAC: Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

    FAO: Food and Agricultural Organization

    IRAD: Institut de Recherche Agricole pour le Développement

    MEM: Musée Ecologique du Millénaire

    MINDEF: Ministère de la Défense

    MINEE: Ministère de l'Eau et de l'Energie

    MINEPIA: Ministère de l'Elevage, des Pêches et des Industries Animales

    MINEPDED: Ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et du Développe-

    ment Durable

    MINRESI: Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Innovation

    MINT: Ministère des Transports

    OPED: Organisation Pour l'Environnement et le Développement Durable

    PADPA: Projet d'Appui au Développement de la Pêche Artisanale

    SIDA: Syndrome Immuno Déficience Acquise

    UCAC: Université Catholique de l'Afrique Centrale

    B- SIGLES

    CBFF: Congo Basin Forest Fund

    IFC: Institut Français du Cameroun

    INC: Institut National de Cartographie

    IST: Infections Sexuellement Transmissibles

    MST: Maladie Sexuellement Transmissible

    ONG: Organisation Non Gouvernementale

    PPTE: Pays Pauvres Très Endettés

    SSRHSM: Station Spécialisée de Recherches Halieutiques et des Sciences Marines

    VIH: Virus Immuno Déficience Humaine

    1

    INTRODUCTION

    1-CONTEXTE

    La pêche est apparue dans l'histoire de l'humanité sous la forme d'une économie spécialisée tout en s'accompagnant d'un système de production organisée. En effet, l'exploitation des ressources aquatiques a une importance alimentaire, sociale et symbolique qui lui est attribuée (ACCÉUS VITALEME, 2009). Au Cameroun, le secteur de la pêche fait vivre directement et indirectement plusieurs milliers de personnes et contribue à la consommation nationale de protéine animale. Elle participe pour près de 298000 tonnes (dont 49,7% issu de la pêche artisanale) à la satisfaction des besoins alimentaires en produits halieutiques dans notre pays (MINEPIA, 1996; FAO, 2007). Cette activité se présente comme un secteur d'avenir et fait intervenir plusieurs catégories d'acteurs parmi lesquels: les pêcheurs, les fumeuses, les commerçants des matériels ainsi que des produits de pêche, etc. La zone côtière de Kribi, localité de pêche par excellence est une réserve importante en ressources halieutiques. Cette forte richesse représente une source d'attraction des pêcheurs nationaux et étrangers en quête des ressources disponibles et exploitables.

    En effet, depuis quelques décennies, l'on observe des migrations importantes d'étrangers en provenance de la côte ouest africaine, qui d'ailleurs n'ont pas tardé à devancer les camerounais dans leur propre territoire. L'enquête-cadre et l'étude socio-économique réalisée sur le littoral camerounais en 1995, a dénombré 24136 pêcheurs de différentes nationalités. Ces pêcheurs comprennent 6847 patrons de pêche et 17289 aide- pêcheurs. Ainsi, 83 % de pêcheurs recensés sont de nationalité nigériane, béninoise, ghanéenne et autres (togolaise, malienne...). Ils exercent d'une manière ou d'une autre une certaine influence sur les cultures de pêche des populations locales. Ces derniers avec leur nombre très significatif, intègrent progressivement l'histoire desdites localités en participant significativement aux diverses activités qui s'y déroulent. Ce qui fait de ces régions, des localités en transition, en constant changement ou tout du moins en construction du point de vue de la connaissance du milieu maritime, des techniques et savoirs employés dans l'exploitation des produits halieutiques. Cependant si plusieurs études socio-économiques ont été menées dans les pêcheries côtières camerounaises (MINEPIA, 1996; BIGOMBE P. et al., 2002; FAO,2007), l'on note un faible intérêt de ces travaux sur la dynamique des savoir-faire mis en oeuvre dans l'activité de pêche. Dans cette logique,

    2

    l'exploration de la transformation en cours dans la filière, de la situation de cohabitation et de la spécificité des techniques utilisées par les différents acteurs, pourrait nous permettre de rassembler quelques éléments explicatifs sur la situation critique de prépondérance des acteurs étrangers dans les pêcheries côtière au Cameroun.

    2-JUSTIFICATION

    Plusieurs raisons ont milité en faveur du choix de ce sujet pour notre projet de mémoire de Master. Elles sont d'ordre personnel et scientifique.

    2-1-Raison personnelle

    Le poisson est une composante majeure de notre alimentation, notamment à travers les protéines dont il nous procure au quotidien. Depuis quelques décennies en effet, la pénurie de cette denrée se fait de plus en plus ressentir tant dans les marchés qu'au niveau des ménages. Et cette carence a une incidence directe sur le régime alimentaire de plusieurs personnes dont nous faisons partie. Pour remédier à cette situation, la recherche est appelée à jouer un rôle primordial. C'est en ce sens que, nous avons initié cette étude qui vise à cerner les contours et le mode de fonctionnement de l'activité de pêche, afin de comprendre ce qui fait défaut dans ladite filière.

    2-2-Raison scientifique

    Les zones côtières sont, plus particulièrement aujourd'hui, au coeur des problématiques de gestion tant écologiques qu'humaines. Les situations de surexploitation, de diminution constante des stocks, de réglementation croissante, de conflits et de compétitions entre pêcheurs artisanaux locaux et pêcheurs industriels font de la pêche un domaine où se pose avec acuité une dynamique sans nulle autre pareille. Et puis, le statut des milieux maritimes et des ressources communes qui s'y trouvent rendent ces espaces moins évidents à appréhender et à gérer que les espaces terrestres délimités pour lesquels les propriétaires sont reconnus; il est donc d'autant plus important de multiplier les études à leur sujet (CAMPREDON P. et CUQ F., 2001; STOFFLE B. et STOFFLE R., 2007). Au cours de nos recherches bibliographiques, nous avons recensé de nombreux écrits dont les différents contenus tournent au tour de la présentation générale de la pêche au Cameroun, de la cogestion des pêcheries par les divers acteurs de pêche, du matériel de pêche utilisé etc. Cependant, ces études de grande importance n'ont pas épuisé toutes les questions relatives à la mutation des savoirs mis en oeuvre par les différents exploitants des pêcheries et au vécu quotidien des pêcheurs côtiers. C'est pour combler ce manquement que nous avons proposé de mener une étude sur la spécificité des connaissances utilisées dans l'activité de pêche ainsi que le quotidien des acteurs de ladite filière.

    3

    3- PROBLEME

    La pêche constitue une activité économique de grande importance dans le quotidien des populations camerounaises en général et celles des régions côtières en particulier. Ce domaine d'activité ne date pas d'aujourd'hui et il a amené à travers le temps, les riverains à inventer ou à adopter des techniques nécessaires afin d'assurer une bonne exploitation. Au Cameroun, malgré l'énorme potentialité des côtes, la production en matière de pêche est très loin de satisfaire la demande nationale. Parmi les causes évoquées, plusieurs études (MINEPIA ,1996; EFUET AKOA C., 2004) ont souligné la faible professionnalisation da la filière artisanale, les difficultés de transport et de conservation des produits de pêche, l'absence d'organisation des acteurs de pêche et le sous équipement dont souffriraient les pêcheurs locaux pour assurer leur plein épanouissement dans cette activité.

    Dans les villages Londji I et Nziou, marqué par une coexistence humaine et d'exploitation commune des ressources naturelles, chaque groupe de pêcheurs fait usage de ses connaissances et techniques, de sa capacité d'adaptation, des échanges d'expérience pour exploiter au maximum les ressources halieutiques disponibles. Dans ces localités, une observation de près permet de se rendre compte du changement radical au niveau des méthodes de pêche et de conservation du poisson. Cependant, dans ce contexte où s'opère un dynamisme technique pressant de la part des acteurs de pêche, la participation et la production des pêcheurs locaux restent faibles.

    4-PROBLEMATIQUE

    Dans l'exploitation des pêcheries de Nziou et de Londji I, plusieurs communautés de pêcheurs sont recensées. Dans le premier village, les Mabi et bien d'autres ethnies camerounaises partagent avec les ressortissants béninois(Popo) les mêmes ressources, tandis qu'au niveau du village Londji I, les populations locales majoritairement Batanga cohabitent avec les pêcheurs nigérians (Calabar et Ibo). Au-delà des dynamiques inhérentes à chaque groupe de pêcheurs, l'on note une intégration tous azimuts des mêmes techniques de capture et de conservation des produits de pêche, bien qu'avec cependant une tendance remarquable vers une adoption massive des techniques exogènes. Au niveau de la pêche, l'on peut mentionner l'intensification de la pratique des opérations de pêche de longue durée, l'emploi de la technique de sondage, d'encerclement, l'utilisation des pirogues à moteur, l'emploi des mêmes types de filets etc. Pour ce qui est de la conservation des ressources halieutiques, la congélation en mer et sur terre, l'emploi des mêmes sources d'énergie et de substitution, une adoption des modes similaires de fumage du poisson entre autres.

    4

    Après des échanges avec les différents acteurs de pêche de ces deux villages, il ressort que les mutations des techniques ont engendré des fortunes diverses chez les pêcheurs locaux. Ainsi, selon les résultats préliminaires d'une enquête socio-économique réalisée en 2011 par l'Organisation non gouvernementale OPED sur les revenus générés par le fumage du poisson dans les pêcheries le long des côtes de Kribi, 80% environ de poissons destinés au fumage sont fournis aux fumeuses du village Nziou par les pêcheurs béninois, tandis que près 65% environ au niveau de Londji I sont assurés par les pêcheurs nigérians. S'il y a décalage entre les changements et l'engagement déséquilibré des acteurs dans l'activité de pêche, le contexte socio-économique, les contraintes écologiques, l'organisation de l'activité et l'appréhension de la spécificité des savoirs employés dans la pêche peuvent nous offrir des données denses à cet effet. Pour y parvenir, nous avons abordé le problème sous un angle socioculturel et à cet effet, nous avons fait appel aux approches suivantes:

    4 L'accomplissement méthodique nous a permis d'expliciter la logique et la spécificité des techniques employées dans l'entretien du matériel de pêche, la capture, la conservation et la transformation des produits halieutiques au sein des divers groupes de pêcheurs. Mais aussi, nous avons procédé à une identification des procédures de transmission de ces connaissances entre les générations.

    4 En faisant appel à la dynamique adaptative, nous avons exploré les stratégies d'adaptation des populations de pêcheurs aux contraintes écologiques et sociales de leur activité telles que vécues par les différents acteurs impliqués. Nous pensons de ce fait à la situation de carence du poisson, de la concurrence entre les acteurs et à l'environnement économique de plus en plus compétitif.

    4 A travers la monétarisation de l'activité de pêche, nous avons eu l'opportunité de cerner l'impact de la modification du pouvoir de négociation des acteurs sur le degré de participation des groupes de pêcheurs dans l'exploitation des ressources halieutiques. A ce sujet, en même temps qu'elle peut constituer une source de découragement pour les acteurs de pêche aux revenus limités, les investissements consentis par les autres artisans, les placent dans une situation d'obligation des résultats.

    5-QUESTIONS DE RECHERCHE

    Dans le cadre de cette étude, plusieurs questions ont été formulées dont une principale et trois secondaires.

    5-1-Question principale

    Quels sont les facteurs socioculturels qui favorisent la dynamique des techniques de pêche et de conservation du poisson chez les pêcheurs de Nziou et de Londji I?

    5

    5-2-Questions secondaires

    1-Quelles sont les spécificités des techniques endogènes et exogènes de pêche et de conservation des produits halieutiques ?

    2-Qu'est-ce qui sous-tend le degré de participation des populations dans l'activité de pêche ? 3-Quel impact exerce la dynamique des savoirs en matière de pêche dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I?

    6-HYPOTHESES

    Plusieurs hypothèses à vérifier au terme de l'étude ont été émises. Elles sont structurées en une hypothèse centrale et en trois autres secondaires.

    6-1-Hypothèse principale

    Au niveau des villages Nziou et de Londji I, la place prépondérante du poisson dans la médecine et l'alimentation des populations, les mariages interethniques, les rites en rapport avec la pêche qui deviennent de moins en moins valorisés, ont favorisé la mutation rapide des techniques de capture et de conservation du poisson chez les pêcheurs.

    6-2-Hypothèses secondaires

    1-Les techniques endogènes de pêche et de conservation du poisson sont caractérisées par leur facilité d'accès et une production majoritairement destinée à la subsistance tandis que les parents occupent une place centrale dans le processus de transmission des savoirs. Par ailleurs, les techniques émergentes grâce à leurs performances suscitent beaucoup d'engouement aux yeux des acteurs de pêche. Pour leur dissémination, le profil des formateurs s'est élargit grâce à la cohabitation de plusieurs communautés de pêcheurs.

    2-Les facteurs de participation des pêcheurs se trouvent dans la perception des ressources halieutiques, le niveau économique et la diversification des activités économiques par les différents acteurs de pêche.

    3-Les mutations des techniques de pêche et de conservation engendrent dans le quotidien de ces derniers, des conséquences positives et négatives. La contribution à la satisfaction des déficits en produits halieutiques, l'amélioration des revenus et des conditions du travail. Mais également, elles conduisent à une surexploitation des ressources et engendrent les conflits entre les différents acteurs.

    7-OBJECTIFS

    Pour mener à bien ce travail de recherche, nous nous sommes fixés un certain nombre d'objectifs.

    6

    7-1-Objectif principal

    L'objectif principal de cette étude consiste à déterminer les facteurs socioculturels qui

    conditionnent les mutations des savoir-faire en matière de capture et de conservation des produits

    de pêche chez les pêcheurs de Nziou et de Londji I.

    7-2-Objectifs secondaires

    1-Présenter les caractéristiques des savoir-faire endogènes et exogènes en matière de capture, de

    conservation du poisson et les modalités de dissémination au sein des populations de pêcheurs en

    présence.

    2-Identifier les facteurs de participation des communautés de pêcheurs dans l'activité de pêche.

    3-Identifier les changements dont les diverses mutations des techniques ont engendrés dans les

    activités quotidiennes des populations de Nziou et de Londji I.

    8- METHODOLOGIE

    La présente recherche s'est effectuée en plusieurs phases parmi lesquelles:

    8-1-Choix des sites de l'étude et des informateurs

    Ce travail s'est déroulé dans deux villages au sein desquels plusieurs informateurs ont été

    rigoureusement choisis.

    8-1-1-Choix des sites de l'étude

    Les villages Nziou et Londji I n'ont pas été choisis comme site d'étude au hasard. En

    effet, plusieurs facteurs en ont concouru:

    4 Ces villages sont situés dans une localité côtière, zone dite à «écologie fragile» et les populations vivent essentiellement de la pêche et des activités connexes.

    4 Dans ces zones respectives, plusieurs communautés de pêcheurs (notamment les pêcheurs Popo du Bénin qu'on retrouve au village Nziou et les Calabar et Ibo du Nigérian qui sont retranchés dans le village Londji I) participent à l'exploitation des ressources halieutiques. Ce foisonnement de groupements d'humains génère, partage et échange d'expériences et a constitué de ce fait un cadre idéal pour notre étude.

    4 L'on rencontre aussi dans ces localités les populations ressortissants des grands groupes ethniques de la région (les Batanga, les Mabi). Mais aussi toutes les catégories d'acteurs de la pêche (pêcheurs, fumeuses, commerçants, etc.).

    4 Les techniques émergentes (et/ou nouvelles) ont pris corps dans les activités quotidiennes de ces populations.

    Tout cet environnement nous a amené à initier cette étude afin de cerner les contours de l'activité de pêche ainsi que le vécu quotidien des principaux artisans.

    7

    8-1-2-Choix des informateurs

    La population d'étude est constituée des acteurs pêche (pêcheurs et fumeuses de poisson) vivant de la pêche dans les villages Nziou et Londji I. Nous avons de ce fait, interrogé 32 personnes à raison de 6 pêcheurs et 6 fumeuses par village. Les 6 autres personnes interviewées sont issues des autorités traditionnelles et administratives(ou leurs représentants). D'une manière générale, les critères de sélection étaient: l'expérience dans le métier, le degré d'implication dans l'activité mais aussi la longévité dans l'activité de pêche et de fumage du poisson.

    8-2-Méthodes et techniques de collecte des données

    Plusieurs méthodes et techniques ont été adoptées dans le cadre de cette étude. 8-2-1-Méthode de collecte de données

    La collecte des données s'est opérée en deux phases: La recherche documentaire et les

    investigations sur le terrain.

    8-2-1-1-Recherche documentaire

    Cette phase nous a permis de consulter la littérature disponible et ayant un trait avec notre sujet de recherche. A cet effet les bibliothèques des structures suivantes ont été visitées: IRAD KRIBI, CECOPAK, MINEPIA, MEM, CUK, OPED, IFC, Université de Yaoundé 1. Notre passage dans ces structures nous a permis de consulter des ouvrages, des articles, des rapports de recherche sur la vie quotidienne des populations côtières, la pêche et les techniques mises en oeuvre dans les processus d'exploitation. Cette démarche nous a donné l'opportunité de circonscrire notre thème de recherche sur les facteurs de dynamique des techniques de pêche et de conservation du poisson au sein des communautés de pêcheurs de Nziou et de Londji I.

    8-2-1-2-Recherche sur le terrain

    Elle a permis de rencontrer nos potentiels informateurs (les pêcheurs, les fumeurs et vendeurs des produits de la pêche, les administrateurs). Au cours de notre séjour sur le terrain, nous nous sommes servis des outils de collecte prévus pour la circonstance(guide d'observation, guide d'entretien...) pour entrer en possession des informations. La collecte des données s'est effectuée du 10 décembre 2010 au 20 février 2011. Le présent travail ayant pour ambition principale d'identification les raisons qui sous tendent les mutations des savoir-faire en matière de pêche et de conservation des produits halieutiques dans les villages Nziou et Londji I, a eu comme centres d'intérêts les aspects suivants:

    4 La spécificité des techniques endogènes de pêche et de conservation tant pour les communautés locales que pour celles issues de la migration;

    4 Le mode de transfert des connaissances entre les générations, mais aussi entre les différentes communautés en présence;

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    4 Les caractéristiques des techniques introduites ainsi que les agents de promotion;

    4 Les facteurs de dissémination des techniques au sein des différentes communautés qui participent à la pêche;

    4 L'impact des nouvelles techniques dans le vécu quotidien des populations de pêcheurs. 8-2-2-Technique de collecte

    Au moment de la collecte des informations sur le terrain, nous avons utilisé la méthode qualitative de collecte de données, à cet effet, les techniques adaptées à cette circonstance ont été adoptées. Parmi ces techniques, nous avons: l'observation et les entretiens.

    8-2-2-1-L'observation

    C'est l'une des techniques utilisées dans la phase exploratoire et expérimentale de la recherche. Elle permet à l'enquêteur de recueillir les informations par la vision, selon les objectifs fixés. Il existe en fait plusieurs types d'observations parmi lesquelles nous avons choisi l'observation directe. Cette méthode nous a donné de vivre de nombreux pans de la culture des populations de cette région. Elle nous a surtout permis de saisir les informations sur les comportements des différents acteurs de pêche, le type de relations qu'entretiennent les pêcheurs, l'occupation de l'espace terrestre et marin. Grâce à cette méthode, nous avons pu cerner les modes de préparation et d'exécution des opérations de pêche, les espaces de transmission des techniques, les séances de fumage, les motivations des uns et des autres sur le choix des techniques de pêche et de conservation du poisson.

    8-2-2-2-Les entretiens

    Les entretiens ont été retenus au début de notre étude afin de nous permettre de collecter un certain nombre de données sur le vécu quotidien des différentes communautés de pêcheurs ainsi que sur la spécificité et la dynamique des techniques dont emploient ces dernières. Selon LABOV W. et FANSHEL D. (1977), «un entretien est un `'speech event» dans lequel une personne A extrait une information d'une personne B, information qui était contenue dans la biographie de B» (BLANCHET, A. et al., 1987:82). La biographie renvoyant dans ce contexte d'échange à l'ensemble des représentations associées aux événements vécu par la personne interviewée. C'est ainsi que nous avons fait recours aux entretiens semi-directifs, l'objectif étant de donner aux informateurs la liberté de s'exprimer longuement et en profondeur sur les thèmes dont l'ordre a été librement choisi.

    8-2-3-Outils de collecte

    Pour entrer en possession des données de terrain, en dehors d'un guide d'observation, un guide d'entretien a été élaboré pour chaque groupe d'informateurs que nous avons préalablement retenu (Pêcheurs locaux, pêcheurs étrangers, fumeuses camerounaises, fumeuses étrangères,

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    administrateurs). Durant notre séjour, un appareil photo numérique nous a permis de saisir les faits, les gestes, les images des cérémonies culturelles et le vécu quotidien des acteurs de pêche. Nous nous sommes servis d'un magnétophone pour recueillir l'intégralité des informations. Leur transcription permanente au côté des images que nous avons saisies nous ont permis de disposer des informations fiables afin de mieux rendre fidèlement compte des situations telles que vécues sur le terrain.

    9-ETHIQUE DE LA RECHERCHE

    Pour mener à bien cette étude, nous avons pris un certain nombre de mesures afin de susciter la participation en connaissance de cause des populations cibles. A cet effet:

    4 Le caractère confidentiel des informations récoltées a été donné au début et à la fin de chaque entretien. A ce sujet, nous avons pris les engagements auprès des informateurs sur la nécessité impérative de protéger l'identité des ces derniers sur toute information relative à leur vie privée ainsi que sur celle pouvant engendrer un désordre social;

    4 Chaque informateur a eu la possibilité de décider de la date, du lieu et de l'heure des échanges afin que ce dernier puisse s'exprimer dans un environnement qui lui convienne le mieux;

    4 Toute prise de vue et l'enregistrement des entretiens recevaient au préalable l'autorisation de nos informateurs.

    10-DELIMITATION DU SUJET

    Cette étude intitulée «Pêche et conservation du poisson par les populations de Nziou et de Londji I dans la région du Sud-Cameroun: Une analyse anthropologique des choix et finalités des savoir-faire des pêcheurs» présente les raisons des changements des techniques de production d'une denrée au coeur de l'alimentation des populations de Nziou et de Londji I. Elle relève le contraste entre une homogénéité des connaissances mises en oeuvre et la faible production constatée chez les acteurs locaux de pêche. C'est pourquoi cette recherche s'est appesantie à:

    4 L'identification des facteurs de mutation des savoir-faire utilisés dans l'exploitation des ressources halieutiques. Ce qui nous a conduit à déceler la place du poisson dans la médecine et l'alimentation des populations de Nziou et de Londji I, l'importance accordée aux rites en rapport avec l'activité de pêche, les facilités d'acquisition des savoir-faire engendrées par la cohabitation des différentes communautés de pêcheurs en présence.

    4 L'exploration des causes d'une participation variable des divers groupes de pêcheurs. Et comme facteurs explicatifs à cette situation, ce travail identifie en dehors des contraintes

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    financières, les motivations individuelles, les perceptions divergentes des ressources halieutiques par les différents groupes de pêcheurs.

    Au-delà de ces facteurs, le présent travail a également exploré les aspects suivants.

    4 Au niveau de la technologie, nous avons présenté l'ensemble des outils et techniques de capture et de conservation des produits halieutiques connus dans nos sites respectifs de recherche.

    4 L'identification des rôles des hommes et des femmes dans les opérations de capture, la transformation, la commercialisation du poisson ainsi que dans le processus de transmission des compétences entre les générations.

    4 Pour ce qui est de l'environnement physique, nous avons présenté les perceptions de la mer, les méthodes de reconnaissance de l'environnement marin ainsi que les vertus attribuées aux bois employés dans le séchage du poisson par les populations.

    11-INTERET DE L'ETUDE

    Ce travail de recherche présente un double intérêt théorique et pratique:

    11-1-Intérêt théorique

    L'identification des pathologies dont la prise en charge peut se faire à base de certaines espèces de poisson, ainsi que l'inventaire des mesures et attitudes utilisées par les acteurs de pêche pour réduire au quotidien les risques inhérents à leur activité de subsistance, viennent renforcer les connaissances en anthropologie médicale. Par contre, la présentation de l'organisation sociale du travail de pêche entre les sexes, les générations et les différentes communautés exploitant les pêcheries d'une part et la description du processus d'acquisition des techniques de capture et de fumage, le foisonnement des savoir-faire dans un contexte pluriculturel, constituent une contribution pour l'avancement des connaissances en anthropologie culturelle.

    11-2- Intérêt pratique

    Ce travail constitue à travers la présentation des mutations en cours dans l'activité pêche, des contraintes et des facteurs qui limitent ou favorisent la participation des pêcheurs, une base de données pouvant permettre au gouvernement camerounais et à ses partenaires au développement de voir dans quel secteur de la filière, rendre leurs interventions dans la région plus efficaces et surtout bénéfiques pour les populations.

    12-ORGANISATION DU TRAVAIL

    Le présent travail est subdivisé en cinq chapitres repartis de la manière suivante: Le premier porte sur la description du cadre physique et humain des sites d'étude. Le deuxième quant à lui présente l'état des connaissances sur l'activité de pêche, les théories explicatives et la

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    définition des concepts. Le troisième chapitre porte sur les caractéristiques des techniques endogènes de capture et de conservation du poisson. Le quatrième présente les spécificités des techniques exogènes de pêche et de conservation des produits halieutiques. Le dernier propose une contribution à une anthropologie de la dynamique des techniques de capture et de transformation des produits de pêche. Notre étude s'achève par une conclusion qui rappelle la démarche adoptée, les principaux résultats obtenus et quelques perspectives de recherche.

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    CHAPITRE I:

    DESCRIPTION DU CADRE PHYSIQUE ET HUMAIN DES SITES DE L'ETUDE

    La localité de Kribi, région touristique de référence au Cameroun, est une zone dotée d'énormes richesses naturelles. Elle se trouve au centre de nombreux enjeux économiques et engendre l'émergence de multiples activités de subsistance, suscitant de ce fait l'implantation des populations aux origines diverses. Cette unité administrative couvre plusieurs villages parmi lesquels nos deux sites d'étude. L'objectif de ce chapitre consiste à décrire les traits physiques, structurels et humains des villages Nziou et Londji I.

    A-VILLAGE LONDJI I

    I-CADRE PHYSIQUE ET GEOGRAPHIQUE

    I-1-Le milieu de recherche

    Le village Londji I est situé dans l'arrondissement de kribi II, plus précisément sur l'axe Edéa-Kribi, à 15 km du centre ville, chef lieu du département de l'Océan. Il a comme localités riveraines: les villages Bibambwé II, Bipaga et Londji II. Le village est constitué de trois principaux clans parmi lesquels les Bobenda à l'entrée nord du village, les Bomagiya qui vivent au niveau de la plage tandis que les Bossena sont situés entre ces deux blocs. Le pouvoir central est géré par un Chef de 3e degré appartenant au clan des Bobenda. Cependant, la personne appelée à succéder au trône fait l'objet d'un consensus entre les délégués des différents clans. Cette dernière est assistée par des notables issus de ces grandes familles respectives.

    I-2-Le climat

    Le village Londji I est influencé par un climat de type guinéen ayant au passage quatre saisons, deux périodes de fortes précipitations (de mars-juin et de septembre à décembre) et deux saisons sèches (de décembre à février et de juillet à août). Le minimum d'humidité relative est observé au mois de mars (70%) et le maximum en septembre (96%). La température qui y prévaut varie entre 23°C et 29,1°C. Notons également que ce climat est propice à deux cycles de cultures.

    I-3-L'hydrographie

    Le village Londji I est traversé par le fleuve Londji. Les riverains reconnaissent en cet espace, la présence des crevettes d'eau douce et de quelques espèces de poisson. Cependant,

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    suite aux actes de pollution orchestrés en partie par les riverains, les ressources de cette eau ne sont plus comestibles.

    I-4-La végétation

    La localité de Londji I est l'un des rares villages de l'arrondissement de Kribi II à disposer d'une grande superficie de mangrove. L'importance de cette végétation pour la survie des populations est bien connue par ces dernières. C'est à juste titre que les populations dans une politique de régénération des mangroves, travaillent actuellement avec CARFAD (Centre africain de recherches forestières et de développement) dans le cadre du projet de conservation et de gestion participative des écosystèmes de Mangrove au Cameroun, une allocation du MINEPDED (Ministère de l'environnement de la protection de la nature et du développement durable).

    I-5-Structure de santé

    Le village Londji I dispose d'un centre de santé intégré dont la date de création remonte à 1982. Cet hôpital compte 24 pièces (bureaux et chambres). Il a une capacité de réception de 34 malades. Cependant, ce centre médical dispose seulement de 15 lits pour la prise en charge des milliers des populations. Parmi les maladies qui sont soignées sur place, l'on note le paludisme, les vers intestinaux, l'amibiase, les bronchites, la fièvre typhoïde, certaines MST et IST, le rhumatisme. Les cas de tuberculose et de VIH/SIDA sont, une fois dépistés, transférés dans les centres de référence du centre ville de Kribi.

    Photo 1: Centre de santé de Londji Source: Mvetumbo(Londji , 2010)

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    II-CADRE HISTORIQUE ET HUMAIN

    II-1-Populations locales

    Selon plusieurs sources (ONDOUA, P., 1988:27; EMENO, R., 2005:20), les anciens Batanga établissent leur point de départ de Mbédi, le créateur et père des côtiers. Ce dernier avait cinq fils dont Duala-So Mbedi, Isubu Mbédi, Malimba Mbédi, Ekolé Mbédi et Mutanga. Pour ce qui est de leur itinéraire et de leur implantation sur la côte, il convient de rappeler qu'après leur départ de l'Est du Nil, les descendants du père créateur connurent de multiples difficultés qui se résument en guerres et divisions. C'est sous ce climat que les fils de Mutanga Mbedi prirent la route de l'ouest qui les conduisit en bordure de l'océan atlantique vers la fin du 17ème siècle (1659-1670). Ces derniers s'installèrent progressivement jusqu'à la fin du 18ème siècle. Ce n'est qu'à leur arrivée que chaque sous groupe choisissait son site d'implantation, en fonction des opportunités qui s'y trouvaient. C'est ainsi qu'une partie des Bapuku du grand groupe Batanga sont devenus les habitants du village Londji I.

    II-2-Communautés étrangères

    L'implantation des ressortissants nigérians (Ibo et Calabar) remonte au début du 20ème siècle notamment dans les années 1920. Cependant, la vague la plus importante des pêcheurs se situe autour des années 1970. Ces derniers se sont détachés de leurs frères installés dans la région du Sud-ouest du Cameroun à la recherche des zones de pêche encore sous exploitées.

    III-L'ASPECT SOCIOCULTUREL ET ECONOMIQUE

    Le quotidien des habitants est rythmé par plusieurs évènements aux spécificités nombreuses.

    III- 1-L'Aspect socioculturel

    Au village Londji I, la vie des populations est animée par une multitude de manifestations culturelles.

    III-1-1-Organisation sociale

    Au-delà des populations locales et d'autres ethnies camerounaises présentes, la localité de Londji I a vu s'implanter plusieurs ressortissants nigérians à l'instar des Ibo et Calabar. Pour faciliter la gestion des personnes et des biens, le village est subdivisé en cinq blocs dirigés chacun par un chef de bloc nommé par le chef supérieur. Comme instrument de communication, les populations utilisent le français, l'anglais et le pidgin comme langues de dialogue de masse. Cependant, au niveau de chaque groupe restreint, la langue maternelle est le vecteur d'échange le plus employé.

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    III-1-2-Gestion des conflits

    La gestion des différends entre les populations est soumise à deux types d'instances: Instances traditionnelles et instances légales.

    III-1-2-1-Instances traditionnelles

    Lorsqu'un problème surgit dans le village, les populations peuvent l'exposer aux autorités suivantes: D'abord le chef de communauté si le problème oppose deux ressortissants nigérians. Ensuite les chefs de blocs qui ont en charge un secteur précis du village. Afin de rendre leurs actions plus efficaces, ces derniers se concertent souvent pour prendre des décisions sur les sujets dont les mis en cause résident dans leurs zones respectives de contrôle. Enfin le chef du village est l'autorité qui intervient en dernier ressort au cas où l'un des mis en cause sollicite son intervention.

    Cependant les initiateurs des poursuites peuvent opter de porter leur affaire au niveau des instances étatiques.

    III-1-2-2-Instances légales

    Ce sont entre autre les services de police, de gendarmerie ou les tribunaux. La particularité de ces dernières résolutions réside au niveau de la force coercitive dont elles disposent pour rendre ses verdicts qui sont dès lors contraignants à toutes les parties en conflit.

    III-1-3-Croyances religieuses et associations culturelles

    Dans le village Londji I, la vie est rythmée par des intenses activités socio-culturelles. III-1-3-1-Le peuple Batanga et son rapport avec le monde spirituel.

    Les Batanga croient en un être suprême créateur de l'univers visible et du monde des

    esprits. Ce dieu auguste et vieillard est installé derrière les nuages dans un grand village des ancêtres (ONDOUA, P., 1988:30; EMENO, R., 2005:25). Selon les mêmes sources, Njambe ya mabongo a deux fils: l'aîné Njamba manga commande sur les eaux, mers fleuves et lacs; Njamba Eyihi le cadet règne sur les terres. Pour le peuple batanga, cette entité divine possède en abondance la force de vie. Les ancêtres en sont pourvus plus ou moins abondamment, comme les chefs et les anciens; leur sagesse et leur expérience sont preuves. Quant aux `'Mengu», les esprits des eaux et de la forêt, c'est une quantité inépuisable qui repose entre leurs mains. Dans la conception Batanga, les esprits de l'eau ont un aspect féminin d'une beauté rare avec une chevelure qui leur recouvre tout le corps jusqu'aux talons. Les Mengu communément appelé Mami water (EMENO, R., 2005:26), exigent propreté physique et surtout propreté morale. Mais également, ils constituent une instance de juridiction sociale, car ils répriment la malhonnêteté. Ils exercent aussi une influence très importante sur la disponibilité des ressources halieutiques, ceci en fonction du degré du respect des normes d'hygiènes dont ils exigent à ces endroits.

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    III-1-3-2-Vie religieuse

    Les fidèles de l'église néo-apostolique, l'église catholique, la religion musulmane et les églises de réveil cohabitent pacifiquement dans le village Londji I.

    III-1-3-3-Association culturelle

    Dans la vie socioculturelle, les associations d'âges communément appelées «Bétuta» constituent le socle de la vie collective. Chez les Batanga, les Bétuta sont des regroupements d'hommes et de femmes de mêmes âges vivant dans le même village, le même groupement, où dans la même ville. Ce sont des organisations traditionnelles qui existent depuis des temps anciens, initiés par l'élite ancestrale. Elles ne discriminent pas mais plutôt favorisent l'intégration dans la société. Au départ, l'«étuta» était un regroupement de personnes de différents âges qui étaient soit des amis, des parents ou des enfants ayant grandi dans le même village. Ces dernières prenaient leur repas en commun et aucun critère de sélection n'était requis pour l'intégration du groupe. Ce n'est que plus tard que l'intégration à cette association nécessitait de la bravoure des postulants qui s'affrontaient à travers la lutte traditionnelle (EMENO, R., 2005:28). Les rôles et buts visés par les associations d'âges sont multiformes:

    4 Le maintien de la cohésion sociale des clans et groupements du peuple Batanga et leurs voisins;

    4 Le moyen de renforcement de la solidarité et la maintenance de ce qui restent de valeur traditionnelle après que l'invasion culturelle occidentale ait forcée par le truchement de la religion chrétienne à abandonner la production traditionnelle artisanale (masques et autres formes d'objets d'usage quotidien pour le maintien et le développement de la société);

    4 Le rassemblement des jeunes en vue de développer des relations d'union de paix et d'amour afin de promouvoir l'esprit de fraternité, de solidarité et d'entraide.

    Cette présentation nous donne de comprendre une institution de socialisation de la jeunesse et surtout un cadre de consolidation des valeurs culturelles. Cependant, son impact dans la dissémination des stratégies d'acquisition des savoirs pourrait nous permettre de mieux cerner la dynamique des relations entre les différentes générations et par ricochet le degré d'implication des populations locales dans l'activité de pêche.

    III-1-4-Représentations de la mer dans l'univers culturel des populations de Londji I La mer couramment définie comme une vaste étendue d'eau salée, présente une double dimension aux yeux des populations riveraines.

    III-1-4-1-Batanga

    Pour les populations locales, l'essence même de la vie, c'est l'eau, en particulier l'eau de mer. Certains informateurs n'hésitent pas à estimer que leur vie ne peut avoir de sens, ne peut

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    être expliquée autrement sans toute fois faire référence à cet environnement si précieux, d'où l'importance de cet extrait: «L'homme côtier est inséparable de la mer. C'est là qu'il passe la plupart de son temps. Il ne vit que grâce à l'eau, grâce à l'eau de la mer. Sans mer je ne sais pas ce qu'il ferait». (MADOLA JOSEPH, Pêcheur Batanga, Londji I, le 13/01/2011). Elle constitue une source inépuisable en bien alimentaire et de revenu au travers des ressources halieutiques qui s'y trouvent. La mer constitue aussi un lieu de loisir et surtout de dissolution de nombreux soucis de la vie quotidienne. C'est le soulagement, l'assistance et la gaieté qu'apporte la mer aux riverains qui justifie cet extrait:

    Au demeurant, la mer enseigne aux Batanga le rêve, la poésie, l'évasion, la méditation et l approfondissement de la pensée de la vie d'ici et maintenant, comme de la pensée de l'au-delà. La mer enseigne la sérénité et la paix de l'âme. Celle-ci enseigne tous les jours aux peuples batanga la course de Dôla (soleil), le lien fondamental qui relie le petit au grand, le proche au lointain, le visible à l invisible, le clair et l'obscur lien qui conduit du néant au vécu et à l'abstrait (EVEMBE, 2003:15) repris par EMENO R. (2005:56).

    La mer constitue de ce fait un corps de connaissance, l'inspiratrice du sens de la raison et de la responsabilité. En effet, elle assure la liberté, le sens du souci collectif et l'espérance au sein des communautés riveraines. Cette bonté se manifeste tant au niveau de l'individu qu'au niveau de la communauté toute entière à travers leur sécurité dans leurs activités quotidiennes ainsi que le succès dans la quête permanente du bien être des ménages.

    III-1-4-2-Nigérians

    Les informateurs nigérians (constitués majoritairement des ressortissants Calabar et Ibo) pour leur part pensent que, la mer est un espace en même temps simple et complexe. Elle rend la tâche difficile aux personnes habitées par les esprits malfaiteurs en même temps qu'elle accorde sécurité et pêche fructueuse aux personnes qui y vont en toute simplicité. En effet, si un individu se rend en ce lieu avec des idées, des objets qui n'honorent pas les maîtres des lieux, le traitement retour qu'il recevra sera proportionnel à ce qu'il mérite. Ils croient tout comme les ressortissants des autres communautés présentes en l'existence d'une entité divine qui habite ce lieu et qui est responsable de la disponibilité des ressources. C'est pourquoi ils participent dans le cadre qui leur est réservé aux différentes manifestations culturelles organisées dans la localité.

    III-1-5-L'Education

    Le village Londji I a en son sein une école maternelle et une école primaire qui assurent la formation des adolescents. Ces deux établissements construits en matériaux modernes forment sans distinction de sexe ni d'origine des jeunes apprenants. C'est ainsi que les enfants issus des ménages camerounais et nigérians bénéficient des mêmes programmes d'enseignement.

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    Photo 2: Ecole publique de Londji plage(ou de Londji 1). Source: Mvetumbo (Londji I, 2010).

    D'une manière générale, le taux de réussite scolaire se situe sensiblement autour de la moyenne. Le tableau ci-dessous présente les taux de réussite de l'année scolaire 2011-2012.

    Effectifs présentés

    Admis

    pourcentage de réussite

    De la SIL au CMI:302

    227

    75%

    Entrée en 6eme: 8

    8

    100%

    Ière année: 20

    9

    45%

    CEP: 29

    29

    100%

     

    Tableau 1: Récapitulatif des pourcentages de réussites de l'école publique de Londji I 2011-2012 Source: Eloundou Henri Emmanuel (Directeur, le 27 /09/2012).

    Cependant, les responsables de cette structure de formation font face à quelques difficultés dont la plus importante reste le non établissement des actes de naissances aux adolescents, ce qui constitue un frein à l'épanouissement scolaire des jeunes. En effet, plusieurs enfants sont inscrits et fréquentent sans ce précieux document jusqu'en classe de CMI. Selon les informations reçues auprès du directeur de l'école, 80% d'enfants nigérians et camerounais confondus sont concernés par cette situation. Cette circonstance est en partie responsable du phénomène d'abandon des classes favorisant ainsi la sous scolarisation. Situation qui conduit la jeunesse de Londji dans les pratiques telles que la consommation des drogues et le tourisme sexuel (BITHA, H., 2010:3) avec son lot de conséquences sur la santé et la sécurité dans la localité.

    III-2-L'aspect économique

    Les populations vivent de plusieurs activités économiques parmi lesquelles: la pêche, l'agriculture et le commerce.

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    III-2-1-Pêche.

    Dans le village Londji I, la pêche constitue la principale activité de subsistance des populations locales. Les hommes sont dominants dans la pêche en mer tandis que les femmes ont une main mise au niveau de la pêche des crevettes d'eau douce et du fumage du poisson. Ces dernières en fonction des saisons et de leurs multiples expériences s'organisent pour maximiser les captures. Car pour les populations locales, le calendrier de pêche est en partie maîtrisé. A ce sujet, BROCHET et KOHPE (2007:7) dans une étude sur la saisonnalité des ressources halieutiques dans certains campements de pêche de Kribi, ont abouti sur la synthèse suivante:

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    MOIS

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    JANVIER

    FEVRIER

    MARS

    AVRIL

    MAI

    JUIN

    JUILLET

    AOUT

    SEPTEMBRE

    OCTOBRE

    NOVEMBRE

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    ESPECES

    DECEMBRE

    Bar

    Brochet

    Carpe

    Hareng

    Tortue

    Requin

    Bossu

    Mulet

    Machiron

    Crevette

    Tableau 2:Tableau presentant la saisonnalite des poissons dans certains village Londji I et ses environs.

    Source: BROCHET et KOHPE (2007:7).

    III-2-2-Agriculture

    Dans la région côtière du Cameroun, l'agriculture est une activité aussi importante que la pêche. Au niveau de Londji I, elle fournit plusieurs denrées alimentaires à l'instar du manioc, du macabo, de la banane...

    III-2-3-Commerce

    L'activité commerciale joue un rôle indispensable dans le quotidien des populations de Londji I. Parmi les produits commercialisés, figurent: le poisson (frais et fumé), les matériels de pêche (filets, pirogues), les produits de conservation du pêche (la glace pour la conservation du poisson en mer). Le commerce du bois est un secteur exclusivement contrôlé par les autochtones au regard de leur facilité d'accès aux ressources floristiques; il en est de même du sable. Le village Londji I dispose d'un jour du marché par semaine à savoir chaque lundi. En dehors de ce jour classique, les mercredis et samedis qui sont des jours de débarcadère, constituent aussi les grands moments de livraison du poisson.

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    IV-ACTIVITES CULTURELLES DES POPULATIONS DE LONDJI I

    Le 14 février de chaque année, les populations de Londji I célèbrent aux côtés de leurs frères Batanga éparpillés dans le Département de l'océan, une fête mémorable dont les origines et les finalités sont nécessaires pour mieux comprendre l'importance de l'évènement.

    IV-1-source de l'événement

    Selon les sources historiques, au moment où éclate la première guerre en Europe, Kribi demeure la ville de prédilection des colons allemands (ONDOUA, P., 1988:63). Par la suite, les combats pour la prise de la ville avaient fait rage entre les troupes alliées et les troupes allemandes avec une progression significative des forces d'occupation. L'étau qui se resserrait progressivement sur les Allemands aurait eu du succès si ces derniers n'avaient pas pris la décision d'utiliser les populations locales comme bouclier humain. Cette situation engendra de nombreuses morts d'hommes, de femmes et d'enfants. Et face à cette cruauté, les alliées décidèrent de venir en aide aux populations locales (dont les Bapuku en font partie) afin de les sauver du massacre. La traversée vers les nouveaux sites d'accueil fut rude et beaucoup de personnes en moururent. Les passagers furent entassés dans les cales et sur le pont des bateaux comme de vulgaires sacs de cacao. Pendant le voyage et l'exil, l'on souffrait de froid, d'épidémies et surtout de famine.

    Toutes ces péripéties traversées par ces peuples ont servi de coup d'accélérateur et les ont poussés à instituer la date de leur retour comme un jour de fête, de commémoration des personnes disparues et comme un moment d'expression de leurs savoir faire.

    IV-2-Commémoration des fêtes

    Les populations de Londji I dans leurs manifestations culturelles exhibent des signes et symboles porteurs de nombreux sens.

    IV-3-Activités phares

    Parmi les manifestations organisées le jour de la célébration, les populations mettent l'accent sur un certain nombre d'actions: la natation, la course des pirogues, le bain populaire, la lutte traditionnelle, la course de vitesse, la course des pirogues etc.

    IV-3-1- La natation.

    La compétition permet de tester leur efficacité, de perfectionner le talent de défense personnelle. Dans une autre perspective et celle dont les populations mettent en scène, c'est qu'au moment où ces dernières regagnaient leur terre natale après une période de déportation, nombreux étaient ceux qui avaient rejoint les côtes à la nage. Car, ils ne pouvaient plus attendre la fin des différentes manoeuvres d'accostage des bateaux. La nage a de ce fait permis

    21

    aux plus futés d'atteindre rapidement la plage, ce qui marqua la fin de leur calvaire. C'est la raison principale pour laquelle les populations côtières y mettent un accent pendant ces commémorations.

    IV-3-2-La course des pirogues

    Elle constitue une étape importante dans la vie du futur pêcheur au milieu des eaux. A travers l'assistance des aînés pendant la pêche, les jeunes apprennent à pagayer. Pendant les grandes cérémonies culturelles notamment, celles relatives à la fête des Batanga, la course des pirogues occupe une grande place. Elle peut être organisée entre les personnes de classes d'âges différentes afin de susciter l'échange d'expérience mais aussi et surtout de mesurer la performance de la jeune génération. Dans l'ensemble, ce qui occasionne la victoire d'une équipe réside autour du degré d'engagement, le courage, la rapidité, la cohérence dans la coordination des actions ou la maîtrise de l'utilisation de la pagaie. A cause du caractère cosmopolite du village Londji I, chacune des entités culturelles présentes participe à la manifestation en se constituant en une équipe concurrente (photo:5).

    IV-3-3- Le bras de fer

    La compétition du bras de fer est régulièrement organisée entre les jeunes de même tranche d'âge afin d'assurer leur formation physique. Car à l'image de leur histoire, il est indispensable à tous les citoyens de se positionner en véritable combattant.

    Photo 3: Course de pirogue entre les jeunes, les vétérans et les Photo 4: Une compétition de bras de fer

    ressortissants nigérians de Londji I entre deux jeunes batanga

    Source: Mvetumbo(2O11) Source : Mvetumbo (2011)

    IV-3-4-Le bain populaire

    Au cours des festivités, l'on assiste à une baignade populaire à laquelle participent toutes populations présentes. Le coup d'envoi est donné par les hauts dignitaires du village qui, après les procédures d'usage, donnent l'ordre aux participants de prendre leur bain de bénédiction.

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    L'eau de la mer renferme en effet pour ces populations une source de vie et est censée leur apporter pureté, sécurité et paix. Ainsi, au terme des cérémonies bien accomplies, les populations espèrent recevoir en retour dans leur vie quotidienne la santé, la prospérité et la cohésion sociale. IV-STRUCTURE DE L'HABITAT

    Au village Londji I, la structure de l'habitat se présente d'une manière générale sous deux formes à savoir: les maisons en carbotte et les maisons en durs.

    IV-1-Maison en carabotte

    Pour catégorie de maison, les murs sont constitués en planches rattachées sur les poteaux par des clous. Les toits sont couverts de tôles ondulées pour la majorité des résidences. Chaque propriétaire ou résident aménage son logement en fonction de ses moyens économiques. C'est ainsi que l'on peut noter par endroit la présence des maisons ayant des sols nus d'autres cimentés, l'acquisition d'un poste radio, d'une télévision, d'un réfrigérateur.

    IV-2- Maison en dur

    Ce sont des maisons construites en matériaux définitifs et/ou durables (briques de terre, parpaings, du ciment, fers, etc...). Dans la localité de Londji I, ce type de construction n'a cessé de se multiplier et l'on le retrouve dans tous les secteurs du village.

    B-VILLAGE NZIOU

    I-CADRE PHYSIQUE ET GEOGRAPHIQUE

    I-1-Milieu de recherche

    Le village Nziou est constitué de six clans à savoir: les Bikoua, les Bindayili, les Biamankiu, les Bipah, les Bigondo et les Sassanguié. Ces grandes familles se sont entendues pour confier la gestion du village aux Sassanguié. Cependant, pour accéder au trône, ces différents clans se réunissent pour désigner le nouveau dirigent. Chaque clan est représenté dans le conseil des notables par deux ou trois personnes dont la désignation par le chef est sous-tendue par leur esprit d'équipe, leur sens d'écoute et leur implication dans l'exécution des travaux d'intérêt commun. Il est principalement habité par les populations Mabi auxquelles peuvent se joindre plusieurs autres groupes ethniques camerounaises. A ces derniers s'ajoutent les Popo, ressortissants béninois implantés depuis quelques décennies. Cette localité tout comme celle de Lndji I, se trouve dans le département de l'Océan et plus précisément dans l'arrondissement de Kribi II. Elle est située sur l'axe lourd Kribi-Edéa à quelque trois kilomètres de la ville de Kribi. En dehors de sa proximité à l'océan atlantique, le village Nziou a comme localités limitrophes: Elabé, Zami et Ngoye réserve.

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    Source: I.N.C. Fond topo kribi Edéa au 200.000e (2011).

    I-2-Le climat

    Le climat qui anime le village Nziou est le même qui règne sur le littorale du Cameroun. Ce climat résulte des effets combinés de la convergence des basses pressions océaniques tropicales et le front intertropical à l'intérieur du continent (FOLACK, J., 1999). Le minimum d'humidité relative est observé au mois de mars (70%) et le maximum en septembre (96%). La température qui y prévaut varie entre 23°C et 29,1°C et est propice à deux cycles de cultures (ONDOUA, P., 1988). En ce qui concerne les précipitations, nous pouvons noter qu'il pleut généralement le long de l'année et l'on distingue quatre (4) saisons reparties d'une manière générale ainsi qu'il suit:

    4 De décembre à février: grande saison sèche

    4 De Mars à juin: petite saison pluvieuse

    4 De Juillet à août: petite saison sèche

    4 De septembre à décembre: grande saison pluvieuse

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    Les populations de Nziou en fonction de leurs expériences s'en servent des différentes variations des saisons et du climat pour élaborer leur calendrier agricole et de pêche. I-3-L'hydrographie

    Situé à proximité de l'océan atlantique, le village Nziou est arrosé par deux petits cours d'eaux. Nous avons le Mbouligoué et le cours d'eau Nziou. Les populations y capturent entre autre, les crevettes, les poissons tilapia, silures, machoiron...

    I-4-Le sol

    Le village Nziou connaît une prédominance des sols jaunes. Ce sont des sols assez pauvres dont la teneur en argile est assez forte, les sables y représentent 30 à 50%, le limon ne dépasse guerre 15% et les teneurs en matières organiques sont comprises entre 1 et 3%. Ce sont des sols médiocres et souvent stériles, ces derniers sont épais sur les plateaux. Cette situation peut expliquer le faible intérêt réservé à l'agriculture.

    II-CADRE HISTORIQUE ET HUMAIN

    II-1-L'origine du nom Nziou

    Le village Nziou était une localité très fréquentée par les animaux dont l'espèce la plus abondante était l'antilope. Ainsi, les populations venaient de partout pour se livrer à des parties de chasse. Pour les anciens que nous avons rencontrés, le nom Nziou n'est autre chose qu'une référence à ce fort potentiel dont disposait cette zone.

    II-2-Implantation des populations

    Les populations vivant actuellement sur le territoire se sont installées en suivant des itinéraires variés.

    II-1-2-1-Populations locales

    Après le passage des Pygmées dans la région de Kribi (DUGAST, I., 1949:5; MVENG, E., 1984:38-39), le village Nziou a connu l'arrivée des populations Mabi sur son site. Ces dernières font partie des tribus littorales du grand groupe Bantu et renferment un nombre assez élevé de pêcheurs (MONOD, T., 1928 :209). En dehors du rapport étroit qui les lie à la mer, ces populations ont progressivement développé les activités de chasse et champêtre.

    II-1-2-Implantation des communautés béninoises

    Selon les populations du village Nziou, les ressortissants béninois se sont progressivement installés dans le village entre 1990 et 1995. Mais cette période ne coïncide pas avec leur participation effective dans l'exploitation des pêcheries côtières de Kribi. Ce qui fait qu'avant leur implantation, des relations existaient déjà avec certains pêcheurs locaux pratiquant la pêche de migration. Depuis lors, de nombreux liens se sont créés entre ces derniers et les populations locales de Nziou.

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    III-L'ASPECT SOCIOCULTUREL ET ECONOMIQUE

    III-1-Organisation sociale et gestion des conflits

    La vie socioculturelle des populations de Nziou est meublée par plusieurs activités. III-1-1-Organisation sociale

    Pour faciliter la coordination des actions au sein des différents groupes présents, les

    autorités en charge de l'organisation administrative et de la gestion des conflits prennent en compte la notion de diversité. Ainsi, après l'implantation massive des Béninois suivis de leur implication dans les activités du village, ces derniers ont à leur tête un chef de communauté à qui plusieurs missions sont dévolues à savoir: Mettre à jour la liste des membres de sa communauté d'origine habitant la localité d'accueil, promouvoir la paix, jouer le rôle d'intermédiaire entre les autorités traditionnelles et administratives et leurs concitoyens respectifs, faciliter la cohésion sociale entre les familles et les communautés de pêcheurs.

    III-1-2-Gestion des conflits

    Pour la résolution des différends entre les populations, les problèmes rencontrés peuvent être soumis aux instances coutumières ou aux instances légales.

    III-1-2-1- Instances coutumières

    A ce niveau, plusieurs situations peuvent être réglées à l'amiable entre les personnes mises en cause sous la conduite des responsables locaux. Parmi ces autorités, nous avons les chefs des communautés qui sont saisis lorsque le problème à régler est moins explosif et concerne les personnes dont ils ont la charge. Le chef du village est quant à lui l'autorité qui intervient en dernier ressort au cas où l'une des parties sollicite son arbitrage.

    III-1-2-2-Instances légales

    En fonction des infractions commises, les plaignants peuvent se décider de porter plainte au niveau de la police, de la gendarmerie ou tout simplement devant les tribunaux.

    III-2-Vie religieuse

    Dans le village Nziou, cohabitent harmonieusement les fidèles de l'église catholique, de l'EPA (Eglise Protestante Africaine) de l'église protestante orthodoxe, les musulmans et les animistes.

    III-3-L'Education

    Le village Nziou dispose d'une école maternelle et d'une école primaire. Ces deux institutions assurent l'éducation de base des enfants issus des différentes communautés des pêcheurs présentes en l'occurrence les enfants béninois et camerounais. Ces structures de formation situées à quelques 200 m de la chefferie sont logées dans la même enceinte ayant toutefois une direction chacune.

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    Photo 5 : Ecole maternelle de Nziou Photo 6:Ecole publique de Nziou

    Source : Mvetumbo (Nziou, 2010) Source : Mvetumbo (Nziou, 2010)

    Le taux de scolarisation de la jeunesse est sensiblement élevé. Le problème d'abandon scolaire est très irrégulier, car peu d'enfants en âge de fréquenter se livrent à plein temps à une activité autre que l'école en période de classe. Le tableau ci-dessous présente les taux de réussite de l'année scolaire 2011-2012 à l'école primaire de Nziou.

    Classes et/ou examens

    présentés

    Garçons

    Filles

    Moyenne

    Sil

    85,75%

    84,64%

    85,19%

    CP

    96%

    95%

    95,5%

    CEI

    86,91%

    63,63%

    75,37%

    CEII

    86,67%

    96,55%

    91,61%

    CMII

    84,21%

    100%

    92,15%

    Entrée en 6eme

    40%

    33%

    36%

    Entrée 1ère année

    35%

    6,6%

    20, 8%

    CEP

    65%

    56%

    60,5%

     

    Tableau 3: Récapitulatif des pourcentages de réussite de l'école publique de Nziou 2011-2012. Source: NDONG Godefroy Nazaire, Directeur, le 26/09/2012.

    III-4-Fête commémorative

    Chaque année, les populations de Nziou au côté des autres groupes Mabi de la région organisent plusieurs manifestations culturelles. Ces festivités qui se déroulent pendant une période de cinq jours s'étendent du 11 au 15 décembre. Le 11 décembre est le jour d'ouverture au cours duquel le programme détaillé des différentes manifestations est déroulé. Cette fête intitulée `'Nguma Mabi» qui signifie en langue française `'la dignité de l'Homme mabi'' constitue une cérémonie commémorative du passé douloureux qu'a traversé ce peuple. En se rappelant de leur histoire, ces moments représentent un cadre d'expression de leur art, des lieux de manifestation de leur capacité de résistance face aux vicissitudes de la vie. C'est en ce sens qu'elles véhiculent un certain nombre de messages par le truchement des objets, des tenues ainsi que des repas exposés pendant lesdites cérémonies. Ainsi, l'on peut aisément comprendre la

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    symbolique de la référence permanente aux crevettes, aux poissons, aux nasses, aux filets traditionnels confectionnés à base des lianes, l'arc qui leur servait d'outil de chasse tout au long de la période de captivité...

    Photo 7: Synthèse du savoir-faire Mabi figurant sur le pagne de fête du Nguma Mabi. Source: Mvetumbo (Nziou ,2010).

    Cet ensemble d'images symbolise la forte dépendance de ces peuples de ces produits dans leur quotidien. En effet, pendant leur période de captivité loin de leur résidence et à cause du manque d'opportunité d'entrer en possession d'autres denrées alimentaires, elles ne se nourrissaient que des crevettes, du poisson et des produits de la chasse. Ils se trémoussent tout en invoquant les ancêtres de guider leurs pas et de rendre toujours disponibles les merveilles que leur procure la nature.

    Parmi ces manifestations, l'on note les foires d'exposition et de vente des objets d'arts, la diversité des mets essentiellement constitués au départ des plats locaux, mais qui avec les changements voit l'introduction progressive des mets extérieurs à la communauté. Toujours au cours de ces festivités, une course de pirogues est souvent organisée entre les différents groupes, mais aussi les danses traditionnelles, la natation, la lutte traditionnelle »makiya»... Cependant, la scène la plus attendue des participants est l'arrivée de l' «homme poisson». Ce dernier lâché au large est appelé à rejoindre les rives de l'océan à la nage. Il arrive toujours avec du poisson reçu des ancêtres symbole du lien inébranlable entre ces populations côtières et les esprits de l'eau. Mais aussi, il représente la place inconditionnelle qu'occupe cette denrée dans leur alimentation. Le 15 décembre, un grand défilé est organisé dans la ville de Kribi avec la participation des populations Mabi du village Nziou ainsi que celles du reste du département de l'Océan.

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    III-5-Représentations de la mer dans l'univers culturel des populations riveraines de Nziou

    Au sein du village Nziou, l'on rencontre plusieurs communautés de personnes.

    III-5-1-Mabi

    L'eau fait partie intégrante de la vie des populations. C'est pourquoi, d'aucuns n'hésitent pas à la désigner de «second monde» des populations côtières. Tel est le point de vue de ce pêcheur et personnalité bien introduite dans la culture locale:«Nous vivons de la mer. Nous ne sommes rien sans la mer. C'est là que se retrouve notre vie». (MESSI JULES, Mabi, Nziou, le 17 /01 /2011). Elle signifie pour les populations locales le second refuge, le lieu où réside leur dieu, qui est au service de toute la communauté. Ces populations en période de carence de poisson ont eu par le passé à offrir des dons au dieu afin de solliciter ses grâces. Cette initiative aboutit lorsque le rite est bien exécuté au retour du poisson (l'abondance du poisson dans les eaux). Ils accordent la sécurité à travers la stabilisation de la mer manifestée par la faiblesse des vagues, signes annonciateurs de la disponibilité des ressources.

    III-5-2-Béninois

    La situation n'est pas très différente dans l'imaginaire des ressortissants des autres

    communautés de pêcheurs implantés dans la localité. Pour les Béninois en effet, la mer parait dans la localité de Kribi moins mouvementée par rapport à leur pays d'origine. Cependant, ils estiment et sont convaincus que cet espace est un monde habité et géré par les dieux, qui le contrôlent, assurent la sécurité et le bien être des personnes qui s'y rendent. A cet effet, les riverains qui sont des locataires bénéficiant de leurs privilèges, doivent en permanence offrir des sacrifices en guise d'hommage. A ce sujet, suivons le témoignage de ce pêcheur Popo du Bénin:

    L'eau que tu vois et qui donne du poisson est habitée par des gens. Les gens qui contrôlent l'eau. Ce sont eux qui donnent du poisson quand ils sont fiers. Quand ils ne sont pas fiers, il n'y a pas de poisson. Chez nous au Bénin, nous offrons chaque année à manger aux gens qui habitent là-bas. Nous pouvons le faire, une ou deux fois par an. Nous donnons à ces gens beaucoup de choses. Nous pouvons par exemple leur donner du riz, du savon, des boeufs, de la chèvre [...] tout ce que nous mangeons, nous leur donnons aussi car ils sont des hommes comme nous et mangent aussi ce que nous mangeons. Nous le faisons à tout moment, chaque' année et c'est pourquoi il y a toujours du poisson dans notre mer. Mais ici, les gens ne font pas comme ça. Maintenant, il n'y a plus de poisson dans l'eau comme avant quand j'arrivais ici. Mais ils ne comprennent pas qu'il faut donner à manger à ces gens là, à tout moment, les gens qui habitent dans l'eau (HUBERT, Pêcheur, Béninois, Nziou, Le 15-01-2011).

    29

    Pourtant une régularité et le sérieux dans l'exécution de tels rites constitueraient une voie salutaire face au problème de carence de poisson ainsi que de certaines situations d'insécurité des pêcheurs.

    III-2-L'aspect économique

    Il se décline en plusieurs activités parmi lesquelles figurent: la pêche, l'agriculture, le commerce.

    III-2-1-Pêche

    La pêche constitue la principale activité de subsistance et de revenu pour les populations de Nziou. Elle est un secteur bien organisé et fait intervenir une multitude d'acteurs. Dans ce sillage, la pêche en mer est une activité pratiquée uniquement par les hommes. Au niveau de la transformation des produits halieutiques, les femmes béninoises et camerounaises assurent pleinement le fumage des cargaisons de pêche.

    III-2-2-Agriculture

    L'agriculture occupe une place non négligeable dans le quotidien des populations du village Nziou. Ces dernières pratiquent pour la majorité, une agriculture de subsistance et les produits généralement cultivés sont constitués du manioc et du maïs en petite quantité. Les excédents de leurs productions sont destinés à la commercialisation.

    III-2-3-commerce

    Les activités commerciales occupent une infirme partie du temps des populations. Les produits de pêche sont commercialisés sur place et ou dans les marchés environnements. En l'absence d'un jour d'écoulement spécifique des marchandises dans le village, le poisson fumé est vendu au niveau de chaque ménage, dans les marchés du centre ville de Kribi, d' HEVECAM et de la SOCAPALM. Les grossistes achètent aussi du poisson qu'ils partent livrer dans les grandes agglomérations que sont Edéa, Douala et Yaoundé. La détention des débits de poisson et des boutiques vient diversifier les sources de revenus des populations.

    Les données recueillies sur nos sites d'étude nous ont permis de situer les villages Nziou et Londji I dans l'arrondissement de Kribi II. Nous avons de ce fait présenté le mode de vie des populations, leurs principales activités de subsistance, leur mode de croyance, quelques unes des connaissances dont elles s'en servent au quotidien, leur vie socioculturelle, etc. Une fois cette étape franchie, la préoccupation du chapitre suivant sera d'examiner l'état d'avancement des connaissances relatives à notre thème de recherche, la présentation du cadre théorique et la définition des concepts clés de notre sujet.

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    CHAPITRE II:

    REVUE DE LA LITTERATURE, CADRE THEORIQUE ET DEFINITION DES CONCEPTS

    L'étude à laquelle nous nous sommes engagés, exige de faire des recherches sur la littérature écrite et orale afin de prendre connaissance de l'actualité sur l'activité de pêche, les techniques employées et les théories explicatives. Dans ce sillage, nous présenterons tour à tour une brève revue de la littérature, le cadre théorique et la définition de quelques concepts clés de notre sujet.

    A-REVUE DE LA LITTERATURE

    La recherche documentaire apparaît indispensable et fondamentale à tout travail de recherche qui se veut scientifique. En fait, elle est une étape qui permet au chercheur d'avoir une vue panoramique sur sa problématique afin de mieux orienter son travail.

    I-GENERALITE SUR LA PECHE AU CAMEROUN

    I-1-Domaines de pêche

    La pêche constitue une activité économique de grande importance dans le quotidien des populations des localités propices en ressources halieutiques. Elle est une filière très ancienne et plusieurs contraintes qui lui sont liées, ont toujours constitué à travers l'histoire une source d'inspiration et de questionnement aux acteurs. Selon BOUBA M. (1985) et EFUET AKOA C. (2004), les origines de la pêche se confondent avec celles de l'humanité où les communautés humaines se soient installées à proximité de lthydrosphère (sur le rivage, dans des habitations lacustres, ou sur des embarcations permanentes). Elles en tirent de l'eau, l'élément indispensable à la vie mais aussi et surtout de la nourriture. Les meilleures preuves de l'importance de la pêche pour l'homme préhistorique sont les «débris de cuisine», ou «Kjoekkenmoeddinger», trouvés près de la Scandinavie en Mauritanie, tout le long du littoral, et qui représentent d'importantes accumulations de déchets à l'instar des coquilles, os, arêtes, etc. Au Cameroun, la pêche est une activité subdivisée en deux grandes entités à savoir, la pêche maritime et la pêche continentale. La pêche maritime est celle qui s'effectue dans les mers et les océans tandis que la pêche continentale prend en compte toutes les autres formes de pêche différentes de celles citées plus haut. Elle est opérationnelle dans les rivières, les fleuves, les lacs, les ruisseaux. (VIBERT et

    31

    LANGLER, 1961). Au Cameroun, les eaux continentales, à leur niveau annuel moyen, présentent une surface totale estimée à 35000 Km2 soit environ 7,4% du territoire national. La répartition approximative est la suivante: Plaines d'inondation et marais 86%; lacs naturels 4%; retenues de barrages 7%; fleuves 3 %.

    Ces données apportent des éclaircis intéressants quant à la genèse de l'activité de pêche et les divers espaces opérationnels et dignes d'intérêt pour le Cameroun d'une manière générale et pour les populations de pêcheurs en particulier. Cependant, les connaissances sur les espèces de poissons disponibles en ces lieux ainsi que les savoir-faire et techniques utilisés par les acteurs de pêche seraient nécessaires pour une maîtrise de la place des ressources halieutiques dans le quotidien des populations.

    I-2- Importance de la pêche au Cameroun

    La pêche est un secteur important et vital pour les populations camerounaises du point de vue alimentaire et socio-économique (NGOK E. et al, 2005; BELAL E. et BABA M., 2006). Sur le plan alimentaire, le poisson est la source de protéines la plus accessible aux populations camerounaises. En effet, les produits de pêche contribuent pour 25,5% environ des apports en protéines dans l'alimentation des populations. La consommation moyenne de poisson par tête et par an est de 17,9 kg contre 13,07 Kg/habitant pour la viande. Du point de vue social, la pêche artisanale relève exclusivement du ressort des populations rurales, elle procure des emplois directs dans la capture et indirects dans les activités connexes. A titre d'exemple, 250000 emplois environ avaient été crées en 2003 dont 65000 dans la pêche et 185000 dans les activités qui lui sont liées. Près de 62,5% de cet effectif étant issu de la pêche artisanale. Du point de vue économique, la pêche contribue à la création des richesses à travers la commercialisation des matériels de déplacements ainsi que des équipements de pêche et de conservation du poisson.

    Activités

    Production effective/an (en tonne)

    Pêche artisanale maritime

    35000

    Pêche industrielle maritime

    15000

    Pêche continentale

    60000

    Importation

    70000

    TOTAL

    180000

     

    Tableau 4: Production annuelle de poisson au Cameroun. Source : MBILI O. (1999).

    Ces différentes études nous renseignent sur les opportunités qu'offrent les eaux aux pêcheurs en détaillant la répartition spatiale de quelques ressources halieutiques. Cependant leurs

    32

    I-3- Principales espèces ciblées et espaces de pêche

    Dans les différents secteurs de pêche au Cameroun, il existe une multitude d'espèces de poissons suscitant l'intérêt des pêcheurs. Parmi ces ressources, les plus fréquemment capturées sont entre autre les poissons chats (Clarias), les Silures (Hétérobranchus), Heterotis, Clariidae (Alestes, Hydrocynus), Cichlidae (Tilapia,Hemichromis), Barbus (Labeo), Synodontus, Lates, Mormyrus, Gymnarchus etc (MINEPDED, 2008). Au niveau de l'identification de ces ressources, relevons que l'écologie des principales espèces de poissons, des crevettes et autres crustacés exploités dans la zone côtière et marine du Cameroun a été décrite par CROSNIER (1964). De cette immense oeuvre, il ressort que, plusieurs types sont exploités au rang desquels: le Palaemon hastatus représentant 16%, les pélagiques 63%, les démersaux 19% et les penaedés 2% des exploitations. Ces différentes espèces de poissons en fonction de leurs spécificités se recrutent dans les secteurs particuliers des eaux, comme nous révèle le tableau ci-après:

    Tableau 5 : Principales ressources halieutiques marines exploitées au Cameroun. Source : MINEPDED (2008).

    Poisson

    Ecologie

    Nature de l'habitat

    Pseudotolithus typus(bar) P. Senegalensis(bar)

    Eaux marines de surfaces

    chaudes et légèrement salées.

    Boueux, sableux et rocheux.

    Galeoides decadactylus Pteroscionpeli

    Brachydeuterus auritus

    Eaux d'estuaire

    Boueux sableux jusqu'à 50 m

    Pseudotolithus elongatus(bar) Arius spp

    Eaux côtières

    Sable boueux jusqu'à 150m

    Depane africana ; pentanemus quinquarius.

    Eaux côtières

    Boue sableuse 20-50m

    Dentex angolensis; D.congolensis

    Sous la thermocline, eau

    froide et salée

    Roche sableuse 40-50m

    Lutjanus dentatus ; L.goreensis

    Base de la thermocline.

    Fond rocheux

    Cynoglossus spp

    Zone de la thermocline

    Boue sableuse.

     

    33

    auteurs n'ont pas exploré de manière spécifique les techniques mises en oeuvre pour procéder à leur identification et leur capture.

    II-TECHNIQUES ET MATERIELS DE PECHE ET DE TRANSFORMATION DU POISSON UTILISES DANS LES PECHERIES CAMEROUNAISES

    II-1-Techniques de pêche

    Dans les pêcheries camerounaises, plusieurs types de pêche sont employés (NJIFONJOU, D. et al., 1995; MINEPIA,1996; FAO,2007). Parmi ces méthodes, nous avons:

    4 La pêche au filet maillant de fond ciblant les espèces démersales en majorité de la famille des Scianidae, des Aridae, de Polynemidae etc...;

    4 La pêche au filet maillant encerclant de surface qui cible en général l'ethmalose (Ethmalosa fimbriata);

    4 La pêche à la senne tournante qui débarque principalement l'ethmalose et accessoirement la sardinelle (Sardinella maderensis) et le bossu (Pseudotolithus elongatus);

    4 La pêche au filet maillant de surface spécialisée pour la pêche des espèces pélagiques: l'ethmalose et la sardinelle (Illisha africana), Ethmalosa fimribiala et S. madoensii;

    4 La pêche au filet à crevettes (Nematopalaemon hastatus);

    4 La pêche à la senne de plage est un peu moins utilisée. Les espèces prises sont diverses avec une prédominance de Carangidae et de Scombridae.

    Au niveau de la spécialisation des acteurs de pêche, MBANGO'O P. (1998) présente une typologie des méthodes de pêche chez les Badjoue dans la périphérie nord de la réserve du Dja qui se décline en techniques masculines, féminines et en techniques mixtes. Non loin de là, MBILI G. (1999) pour sa part fait un diagnostic socio-économique et technique de la pêche féminine à Doumo.

    II-2-Outils de capture

    Au Nord Cameroun, dans le processus d'exploitation des ressources halieutiques, les acteurs de pêche s'en servent des éperviers, des filets maillants, des lignes, des nasses qui se présentent sous deux composantes majeures à savoir: le GOURRA fait en tiges de graminées diverses (Cymbopogon, Andropogon, etc...) et la nasse malienne. Ce dernier outil du fait qu'il soit doté de trois entrées et qui a en retour un rendement nettement supérieur, a connu une vaste expansion au sein des populations dont la pêche fait partie des principales activités de subsistance (BABA, M., 1985). Dans la partie Sud notamment au niveau des pêcheries côtières, les engins de capture ayant fait leurs preuves dans le temps sont essentiellement constitués des filets, des hameçons, des nasses, des paniers, de la canne à pêche. Mais aussi le barrage des cours d'eau s'opère chaque fois que l'emploi de la palangre est envisagé. En toute connaissance de

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    cause, ces outils de capture en dehors de leurs qualités d'attraction amènent les pêcheurs à l'adoption des mesures techniques d'accompagnement.

    II-3-Méthodes de transformation artisanale du poisson

    Parmi les procédés de transformation de poisson les plus répandus, figure le fumage dont l'émergence remonte probablement à la préhistoire et qui constitue l'une des plus anciennes méthodes connues de conservation des produits carnés après le séchage et le salage. Dans l'Antiquité en effet, le poisson était réservé aux populations côtières. Puis, grâce au procédé de fumage, sa consommation a pu progressivement gagner vers l'intérieur des terres (KNOCKAERT, C., 1995). Au Cameroun, plusieurs recherches sur les méthodes traditionnelles de transformation du poisson ont été menées. Au rang de ces travaux, on peut citer sans être exhaustif, BABA M., (1985) qui présente les méthodes de transformation artisanale du poisson d'eau douce dans la parie septentrionale du Cameroun. Comme techniques employées en effet, l'auteur a décrit les spécificités du séchage, la fermentation, le salage, le fumage etc.

    Dans la zone humide du pays par contre, une étude socio-économique sur les fours employés a été conduite (TEUTSCHER, F. et al., 1995). Parmi les méthodes fumage décrites, figurent principalement l'emploi des fumoirs banda (ouvert et fermé), des fours chokors (faits en blocs de ciment, en argiles et/ou en briques de terre). L'auteur fait aussi une évaluation estimative des coûts de réalisation et de réparation, de la durée de vie, des possibilités de manoeuvrabilité et d'accessibilité. D'une manière générale, la transformation artisanale du poisson présente un certain nombre d'avantages à savoir:

    4 Qu'elle donne la possibilité aux consommateurs, notamment ceux qui sont loin des sites de débarquement et des principaux circuits de distribution de se procurer du poisson.

    4 Elle favorise la perte de poids qui intervient au cours du processus à cause de la déshydratation. Ce qui facilite la manutention, la distribution et la concentration des substances nutritives.

    Ces écrits nous donnent des informations importantes sur les méthodes de capture et de fumage employées dans l'activité de pêche, bien que n'étant pas spécifiques à notre zone d'étude. Cependant, une approche centrée sur la détermination des origines des différentes techniques utilisées, les zones spécifiques de leur mise en oeuvre ainsi que les mécanismes de transmission de ces divers savoirs entre les générations ou les communautés nous semble nécessaire pour mieux expliquer la situation de dynamique des techniques dans un contexte multiculturel.

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    III-COMMUNAUTES DES PECHEURS ET MODE DE GESTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES AU CAMEROUN

    III-1-Organes en charge de la gestion de l'activité de pêche au Cameroun

    Dans l'organisation de l'activité de pêche au Cameroun, plusieurs institutions ont été mandatées pour assurer la gestion. Ce sont:

    4 Le Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Innovation (MINRESI) qui, à travers la Station Spécialisée de Recherches Halieutiques et des Sciences Marines de Limbe (SSRHSM) est chargé de mener des recherches dans le secteur pêche. Cette station est placée sous la tutelle de l'Institut de Recherches Agricoles pour le Développement (IRAD).

    4 Le Ministère de Transport (MINT), qui à travers la Direction de la Marine Marchande contrôle toutes les opérations de navigation et assure l'immatriculation des navires et des embarcations de pêche.

    4 Le Ministère de l'Eau et de l'Energie (MINEE), dont l'avis est nécessaire pour la création des étangs aquacoles.

    4 le Ministère de la Défense (MINDEF), responsable de la surveillance des eaux territoriales.

    III-2-Condition d'accès aux ressources halieutiques

    Les ressources halieutiques font partie des ressources communément appelées ressources communes (VERMARD, Y., 2009). Elles se caractérisent par la difficulté d'en interdire l'usage à des acteurs et le fait que leur utilisation par un individu ou un groupe implique un manque à gagner pour les autres acteurs. Ces difficultés à gérer les pêcheries ont abondamment été décrites dans la littérature concernant l'économie des pêches (GORDON, 1954; SCOTT, 1955; CRUTCHFIELD et ZELLNER, 1962) ou plus largement la littérature concernant la tragédie des communaux (HARDIN, 1968, ORSTOM, 1990). D'une manière synthétique, les causes du déclin des ressources naturelles (dont la tragédie) tiennent non pas au caractère commun de ces dernières, mais à leur libre accès (STEVENSON, 1991; OSTROM, 1999). Dans cette perspective, la gestion de ces ressources va donc dépendre de la capacité des gestionnaires à déterminer à l'avance le nombre et la qualité des exploitants et les possibilités d'exploitation de chacun. Dans les côtes camerounaises, la capture du poisson est autorisée à tous les résidents des campements à la seule condition de s'adapter aux exigences de la législation de l'Etat. Parmi ces conditions, nous avons ente autre:

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    4 Un permis de pêche

    Cette pièce dont doit disposer tout pêcheur, est valable pour une période d'un an au prix de 3000 FCFA. Il s'obtient auprès du responsable du centre de pêche des différentes localités où prévaut ladite activité. Il est renouvelable tous les ans avant la fin du premier trimestre sous peine de pénalités. Il s'établit à partir de la photocopie du permis de conduire de pirogue à moteur et d'une fiche de renseignement.

    4 Un certificat de navigabilité

    Le certificat coûte 42000FCFA et il s'obtient auprès de la marine marchande. Ce papier se renouvelle tous les ans moyennant une somme de 22000FCFA.

    4 Des lois et arrêtés sur les modalités d'exploitation des ressources halieutiques

    Au Cameroun en effet, la gestion de l'activité de pêche incombe à l'Etat avec la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. Dans ce sillage, plusieurs décrets et arrêtés ont été fixés pour mieux réglementer cette filière dont l'importance n'est plus à démontrer. Il s'agit notamment de:

    -Décret n° 95/413/PM du 20 juin 1995, fixant certaines modalités d'application du régime de pêche.

    -Arrêté n° 0026/MINEPIA/DIRPEC/SCPIA/SPA du 11 avril 2000 portant interdiction de certains engins de la pêche.

    -Arrêté n° 0002/MINEPIA du 01 août 2001 portant modalités de protection des ressources Halieutiques.

    A titre d'illustration, voici quelques engins de pêche interdits sur toute l'étendue du territoire camerounais. Il s'agit entre autre des:

    -sennes de plage;

    -filet épervier;

    -masse, paniers, filets maillant dont la maille est inférieure à 40 mm;

    - ligne d'hameçons non appâtés;

    - barrages à travers le lit d'un cours d'eau.

    Ces différentes mesures permettent aux pêcheurs de participer à l'exploitation des ressources halieutiques en toute quiétude. Cependant, identifier leur impact sur le degré d'implication de chacune des communautés de pêcheurs et sur les possibilités de collaboration et/ou d'échange entre les différents acteurs constituera une étape importante dans le cadre du présent travail.

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    III-3-Communautés de pêcheurs dans les côtes camerounaises

    Depuis plusieurs décennies, l'on observe au niveau des pêcheries camerounaises, des migrations importantes d'étrangers en provenance de la côte ouest-africaine. Ces derniers sont constitués en majorité des ressortissants du Nigeria et du Bénin. L'arrivée massive de ces acteurs a provoqué d'importantes transformations dans le système d'exploitation des pêches au Cameroun en général et au niveau des côtes en particulier. Notamment avec la motorisation des embarcations et l'adoption de nouveaux engins de déplacement et de nouvelles pratiques de pêche. L'enquête-cadre et l'étude socio-économique réalisées sur le littoral camerounais, ont dénombré 24136 pêcheurs appartenant à plusieurs nationalités. Parmi les divers acteurs exploitant les pêcheries, l'on dénombre, 6847 patrons de pêche et 17289 aide-pêcheurs dont la plus grande partie est d'origine ouest africaine (NJIFONJOU, D. et al, 1995). De manière explicite, les pêcheurs recensés sont de nationalité camerounaise, nigériane, béninoise,

    ghanéenne et autres (togolaise, malienne...).

    mathématiquement les proportions suivantes:

    Ces différents ressortissants représentent

    Nigérians

    77,89%;

    Camerounais

    17,19%;

    Ghanéens

    2,63%;

    Béninois

    2,16%;

    Autres

    0,09%;

     

    Au niveau des côtes africaines, l'activité de pêche est en permanence une filière essentiellement dominée par les pêcheurs étrangers. A cet sujet, plusieurs études se sont intéressées à l'identification des éléments à l'origine de la forte migration des pêcheurs. Parmi les causes majeures, NJIFONJOU D. et al. (1995); SABINOT C. (2008) révèlent que:

    4 L'accès à la ressource peut être source de discordes entre les communautés. En effet, dans certaines régions d'Afrique et du Cameroun, il existe de nombreux conflits relatifs à l'accès aux ressources halieutiques entre diverses ethnies. Cette situation amène une bonne portion de pêcheurs à se rendre en aventure dans les espaces où l'accès à cette catégorie de biens est moins contraignant.

    4 La pression démographique matérialisée par la présence de nombreux pêcheurs dans leur localité d'origine. Ces derniers pour trouver un mieux être sont obligés de se déplacer vers d'autres localités plus propices en poissons.

    4 Les conditions du marché (à la fois des intrants c'est-à-dire des équipements et le marché des extrants c'est-à-dire le poisson). Les migrants se déplacent pour éviter la concurrence

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    d'une part dans leur région d'origine, pour aller à la conquête des nouveaux marchés d'autre part.

    Ces réflexions nous renseignent sur les facteurs potentiels de migration dans un secteur d'activité primordial pour les populations côtières. Elles ignorent par ailleurs la contribution de ces nouveaux venus dans leurs sociétés d'accueil à travers la mise en valeur de leur savoir et technique dans le domaine de la pêche. Pourtant il convient de remarquer que, les migrants en dehors de leur impact sur le fonctionnement des unités pêche, exercent aussi une influence significative sur la diffusion de la technologie, le savoir-faire, les conflits et le développement des villages et microzones d'installation (CHABOUD, C. et CHARLEDSO, M., 1991, NEISHEIM, I. et al. ,2006).

    IV-GENERALITE SUR LA TRANSMISSION DES CONNAISSANCES

    IV-1-Typologie des connaissances

    Des multiples recherches sur la connaissance, les procédures de transmission des savoirs ont été des domaines explorés par plus d'un auteur. Année après année, les chercheurs ont émis des avis et théories multiformes sur les différents aspects sous lesquels peuvent se présenter les savoirs. De manière opérationnelle, les auteurs ont établi des catégorisations des savoirs au rang desquelles, le « savoir oral », le savoir «bibliographique», le savoir « scolaire », le « savoir valorisé », le savoir acquis « par l'expérience », le «secret» (BRETON, F.,1991); les savoirs acquis par «non-apprentissage», «apprentissage par frayage», «se faire une mémoire» («j'ai appris à force de voir»), de ceux de «l'expérience personnelle et privée» (DELBOS, G. et JORION, P., 1990); le «savoir procédural» (efficace dans un contexte spécifique), du « savoir conceptuel » qui permet une certaine flexibilité et adaptabilité au contexte (BRIL, B.,1991); les «savoirs potentiels» qui peuvent être sollicités si un besoin se présente, des «savoirs traditionnels» «principalement relatifs aux soins de maladies non reconnues par l'Occident», etc.

    De tous ces travaux, il convient de remarquer que ces auteurs dans leur immense majorité ont construit des catégorisations des savoirs et ont peu abordé de manière explicite les aspects relatifs aux facteurs de mutation des connaissances. Dans notre contexte d'étude, les diverses communautés de pêcheurs s'en servent des procédés de transmission qui leur conviennent en fonction de la nature des connaissances à acquérir.

    IV-2-Mode de transmission des connaissances.

    Plusieurs études ont identifié deux modes essentiels de transmission des connaissances à savoir: la transmission verticale et la transmission horizontale. La première s'effectue d'une manière générale de génération en génération et est souvent interne à la communauté. Cette dernière s'exerce plutôt au sein du cercle familial: père vers fils, mère vers fille, grand-père vers

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    petit-fils etc. Selon l'étude de HEWLETT B. et CAVALLI S. (1986), c'est un «mode de transmission conservateur», car il assure une évolution lente permettant des variations individuelles. La transmission horizontale pour sa part se réalise par «diffusion» entre communautés et entre les générations au sein d'une communauté. C'est ce mode de transmission qui est le plus susceptible de provoquer le changement dans une société ou simplement dans une activité comme celle dont nous allons étudier. Dans une étude récente, SABINOT C. (2008) a remarqué qu'au contact des sédentaires et de migrants, deux types de transmission horizontale se distinguaient très nettement sur le littoral gabonais: l'une se fait à la rencontre de l'Autre, en se déplaçant; l'autre se réalise à la venue de l'Autre, en recevant l'Autre chez soi. Cet Autre peut être une personne physique, un groupe de personnes, une communauté de pratique dans son ensemble, un média, etc.

    Ces diverses études nous renseignent sur les modes de recompositions des connaissances entre les individus et communautés. Une étude spécifique au niveau des communautés de Nziou et de Londji I nous permettra d'identifier les aspirations des populations en quête de nouvelles connaissances, les modes de transfert les plus souples et les potentielles retombées de la modification des techniques dans le quotidien des populations de pêcheurs.

    B-CADRE THEORIQUE

    Le cadre théorique renvoie à un ensemble d'éléments tirés d'une ou de plusieurs théories dont le souci est de permettre au chercheur d'analyser et d'interpréter ses données de terrain. Conçu par ce dernier, il est fonction de la nature du sujet et au type de recherche qu'il mène. C'est dans cette logique que le présent cadre théorique se doit d'être, «un construit et non un prêt à penser» MBONJI E. (2005:15). A cet effet, plusieurs théories ont été convoquées, il s'agit notamment des théories de l'écologie culturelle, de l'ethnométhodologie et de l'anthropologie du nouvel institutionnalisme.

    I- L'ETHNOMETHODOLOGIE

    I-1-Origine et émergence de la théorie

    L'ethnométhodologie est une mouvance théorique ayant pris forme dans les années 1960 sous l'impulsion de Harold Garfinkel. Elle vise à décrire et à comprendre comment «les acteurs sociaux assurent `'l'intelligibilité'', l'assignabilité (du sens, de la rationalité) de leurs actions sociales» (QUERE, L., 1985:8) repris par BLANCHET A. et GHIGLIONE J. (1987:22). Avant de se présenter sous la forme actuelle, plusieurs auteurs ont travaillé pour l'émergence de cette théorie.

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    4 ALFRED SCHUTZ

    Alfred SCHUTZ a étudié les sciences sociales à l'Université de Vienne au début du siècle. Avocat de son état, ce dernier écrit un ouvrage en 1932, une oeuvre sur la phénoménologie sociale. Il met l'accent dans cette publication sur le rapport entre l'interaction sociale et les mécanismes d'attribution des sens. Son regard vise une plus large appréhension des procédures d'interprétation permanentes qui permettent de donner un sens à nos actions et à celle des autres. Ses idées ont joué un rôle important dans la constitution de l'ethnométhodologie comme théorie explicative des phénomènes socioculturels. En effet, il a accordé un intérêt aux aspects peu explorés des cultures humaines comme les aptitudes des individus à rendre de manière intelligible leurs actions quotidiennes. Selon SCHUTZ, « le langage de tous les jours recèle un trésor de types et de caractéristiques pré-constituées, d'essence sociale, qui abritent des contenus inexplorés » (COULON, A., 1987:8), dont le chercheur est appelé à décrypter.

    4 HAROLD GARFINKEL

    Harold Garfinkel est né en 1917 et a été enseignant à l'université de Californie à Los Angeles. Auteur d'une thèse à Harvard, sous la direction de Talcott Parsons en 1952. Avec ce dernier, l'ethnométhodologie se veut être une critique des méthodes de la sociologie conventionnelle. A cet effet, il ne s'agit plus d'étudier, comme Durkheim, des faits sociaux comme des choses, mais d'étudier les raisonnements pratiques et le «sens commun», qui permettent à l'individu de décrypter et d'ordonner le monde qui l'entoure. On sait que pour Durkheim les faits sociaux s'imposent aux individus comme une réalité objective, ce qui permet d'établir des lois sociales. Mais pour Garfinkel, il faut appréhender cette réalité objective comme une réalisation pratique continue de chaque société, procédant uniquement et entièrement, toujours et partout, du travail des membres, une réalisation naturellement organisée et naturellement descriptible, produite localement et de manière endogène.

    La production d'un monde social stable, ordonné ne laisse pas indifférent Garfinkel dans sa démarche d'interprétation des faits. Il pense en effet que, l'ordre social est une production. Il est un accomplissement méthodique en ce sens, qu'elle est orientée vers la tâche d'apprendre de quelle façon les activités ordinaires réelles des membres d'un groupe consistent en des méthodes pour rendre les actions pratiques, les circonstances pratiques, la connaissance du sens commun des structures sociales et les raisonnements sociologiques pratiques, analysables . Autrement dit, quels sont les raisonnements pratiques qui sont mis en oeuvre en permanence par les individus pour vivre dans le monde social ?

    Cette théorie intéresse l'anthropologie du fait de son souci de prise en compte du sens commun dans les explications. Elle peut de ce fait être interprétée comme la valorisation des

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    savoirs endogènes. C'est à ce titre qu'est survenue la notion «d'idiots culturels» lorsque les pionniers affirment que les acteurs sociaux ne sont pas des «Monsieur Jourdain» pour reprendre MBONJI E. (2005:24); c'est-à-dire que n'étant pas ignorant de sa culture, chaque acteur ou participant est en mesure de donner une explication à ses actes ainsi qu'à toute situation sociale.

    Comme toute théorie explicative des réalités sociales, l'ethnométhodologie dispose d'un certain nombre de notions phares constituant sa base d'interprétation. Parmi ces concepts figurent: la notion de membre qui stipule que tout chercheur doit devenir membre du groupe étudié afin d'avoir une compréhension intime de ce qui se passe grâce à certaines méthodes, la manière dont le sens est construit. L'indexicalité utilisée pour interpeller le chercheur sur la nécessité de ne saisir le sens ou la signification d'un phénomène, qu'en le rattachant à son contexte. La réflexivité vise à l'appréhension d'un phénomène social en référence aux normes en vigueur dans la culture des participants à cet évènement. Dans ce travail, le concept qui sera utilisé dans l'interprétation est celui des ethno-méthodes.

    I-2-Implication des ethno-méthodes dans cette recherche

    Elles renvoient à un ensemble de processus que les membres d'un groupe, d'une communauté utilisent pour mener à bien leurs actions pratiques. Selon Garfinkel reprit par MBONJI E. (2005:24), dans la vie de tous les jours, les membres de tout groupe ont des «méthodes» ordinaires pour définir leurs situations, coordonner leurs activités, prendre des décisions, se servent de leurs connaissances de l'organisation sociale ou de leur environnement pour exhiber les conduites régulières, typiques. Dans cette étude, les ethno-méthodes nous ont permis d'identifier les stratégies ou procédures de mise en scène de la spécificité des technologies employées par les différentes communautés de pêcheurs de Nziou et de Londji I tant dans la capture que dans la conservation des produits halieutiques. Etant situé dans un contexte de cohabitation de plusieurs cultures, nous avons aussi essayé de comprendre quelle importance et intelligibilité accorde chacune des groupes de pêcheurs à ses propres techniques, aux techniques introduites et enfin au changement des savoirs. Bref comment les différentes techniques employées sont elles utilisées par les acteurs de pêche pour relever les défis quotidiens de leur activité de subsistance.

    II- LA NOUVELLE ANTHROPOLOGIE INSTITUTIONNELLE

    II-1-Fondement de la théorie

    Cette théorie se préoccupe de l'analyse des changements institutionnels qui influencent la gestion des ressources de propriété collective. L'institution étant entendue comme un ensemble de règles durables, stables, abstraites et impersonnelles, cristallisées dans des lois, des traditions ou des coutumes et encastrées dans des dispositifs qui implantent et mettent en oeuvre, par le

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    consentement et/ou la contrainte, des modes d'organisation des transactions (MENARD, C., 2003). Les théories institutionnelles sont issues de l'histoire économique, des sciences politiques et de l'ethnologie, regroupées sous le concept de Néo-institutionnalisme. Plusieurs auteurs ont travaillé sur les questions des institutions parmi lesquels HARDIN G. (1968), RUTTAN L. (1998), ENSMINGER J. (1992;1998). Ces théories étudient les modes de création de telles institutions et les influencent qu'elles exercent sur l'action économique. Les approches de ces auteurs ont ceci de particulier qu'elles considèrent les institutions comme les règles du jeu sociales ou des contraintes formelles ou informelles qui régissent l'interaction entre les hommes. Les auteurs de la théorie de l'anthropologie du nouvel institutionnalisme soutiennent que la société crée des lois ou les institutions selon leur comportement et, en retour, ces institutions influencent le comportement individuel. Pour cerner les changements institutionnels, il est nécessaire de les aborder sous l'angle de la motivation individuelle des acteurs et celui des contraintes et incitations qui influencent les aspirations des membres de la société (ENSMINGER, J., 1992). Pour cet auteur en effet, il existe une interaction dans le secteur endogène dans lequel évoluent les individus entre institutions, idéologie, organisation et pouvoir de négociation. Ces quatre secteurs subissent des influences mutuelles, mais ils sont également soumis à des changements provenant du secteur exogène. Plusieurs éléments figurent dans le secteur exogène parmi lesquels: l'environnement physique et social, la population et la technologie qui déterminent et modifient les prix relatifs. La modification du prix relatif renvoie aux changements intervenus dans les conditions environnementales, économiques et politiques (infrastructures, moyens de production, système de commercialisation). Ce qui peut conduire à l'émergence d'un esprit de concurrence et surtout d'un souci de renouvellement des stratégies afin d'accéder le plus aisément possible aux ressources.

    II-2-Pertinence du concept emprunté pour notre étude

    Dans cette étude, l'analyse de la modification des prix relatifs a été utile à plus d'un titre. En fait, ces changements nous ont permis de comprendre leur incidence sur la participation des différents acteurs. En effet, il convient de rappeler que par le passé, les populations pour se déplacer dans les eaux n'avaient guère besoin de disposer des pièces officielles aussi coûteux comme c'est le cas sur le terrain. Il en est de même pour ce qui est des engins de pêche et de déplacements en mer dont les prix d'achat étaient relativement abordables. Dans ce contexte, les changements des prix relatifs peuvent jouer deux rôles majeurs à savoir: un simulant pour une participation plus active et/ou un outil de découragement. A cet effet, la forte monétarisation en vigueur dans la filière pêche, peut entériner la suprématie des acteurs plus assis financièrement, car, disposant des moyens à mêmes de leur permettre de s'acquitter des documents légaux, mais

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    aussi et surtout de s'octroyer les matériels de pêche les plus `'performants». En même temps, les dépenses une fois engagées peuvent aussi constituer une sorte de motivation supplémentaire de travail assidu pour les acteurs afin de recouvrir dans un temps raisonnable les fonds investis.

    III-L'ECOLOGIE CULTURELLE

    III-1-Emergence de la théorie

    L'écologie générale peut être définie comme l'étude des rapports entre une ou des populations d'êtres vivants à la fois entre elles et avec un milieu donné. L'écologie culturelle se présente de son côté comme l'étude des relations entre une ou des populations humaines, le milieu physique qu'elle(s) habite (nt) et la (ou les) culture(s) qui en résulte (nt) (SUTTON, 2004:2). C'est l'étude des voies par lesquelles la culture est utilisée par les communautés pour s'adapter à un environnement. Elle est aussi «l'étude des dynamiques, du comportement humain actif dans le contexte d'un environnement changeant, des interconnexions parmi les composantes dynamiques de notre système» (JOCHIM, M., 1981) repris par SHAHBENDERIAN L. (2009:10). Cette théorie est construite autour de la notion d'adaptation. L'adaptation culturelle de l'homme à un environnement donné représente une solution plus fonctionnelle et surtout beaucoup plus rapide que la mutation génétique, qui est le mécanisme essentiel de réponse dans les rapports entre les populations animales et leur milieu.

    Elle présente plusieurs modèles explicatifs des situations d'adaptation des hommes aux conditions écologiques. Au rang de ces derniers, figurent entre autre: le déterminisme anthropo-géographique qui peut être illustré à travers la pensée de F. Ratzel pour qui l'être vivant doit être envisagé comme le produit de son environnement. Le modèle de l'écologique de «niche», qui postule que l'environnement d'un groupe ethnique particulier est défini par le milieu naturel, mais également par les activités pratiquées par d'autres groupes. Il permet de comprendre le rôle des facteurs écologiques dans la distribution des différents groupes, cultures, et économies et d'expliquer la cohabitation de plusieurs groupes culturellement différents, de manière détaillée. Et le modèle de la dynamique adaptative focalisé sur les intensions et les motivations de chaque acteur social dans sa stratégie de renouvellement des compétences.

    III-2-Modèle choisi et son implication dans notre travail

    L'approche des dynamiques adaptatives se distingue à deux niveaux: Au premier stade, elle se décline aux «actions by individuals designed to accomplish ends or effect change in the instrumental context of life» (BENNETT, W., 2005:270) à l'image des actions d'un paysan essayant d'augmenter ses rendements, les habitudes de consommation, ou les techniques d'accumulation de richesses. Au second niveau, elle: «consist of interactive or transactional behaviour of individuals with other individuals in groups, often called social exchange, usually

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    governed by rules of reciprocity and by various normative value components» (BENNETT, W., 2005:270). Cette conduite transactionnelle peut être adoptée afin d'accomplir un but précis, créer un environnement favorable pour une meilleure capitalisation dans l'activité que mènent les personnes impliquées.

    Le recours au modèle de la dynamique adaptative nous a amené dans ce travail, à cerner les raisons et les finalités de l'intégration des nouvelles techniques de pêche et de conservation du poisson par les différents acteurs de la filière. En d'autres termes, comment à travers les changements des techniques de pêche et de conservation, les populations des villages Nziou et Londji I, répondent-elles aux défis de carence des ressources halieutiques et de compétition entre les différents acteurs. Nous avons en ce sens mis un accent sur les facilités d'acquisition des savoirs offertes par la cohabitation, mais aussi sur le côté dynamique ou état d'éveil de chacune des communautés de pêcheurs engagée dans la quête des nouvelles connaissances.

    C-DEFINITIONS DES CONCEPTS

    Pour mener à terme cette étude, certains concepts méritent d'être définis au préalable. Il s'agit notamment de: analyse anthropologique, choix, conservation, finalité, pêche, savoir-faire, etc.

    1-Analyse anthropologique

    Dans un contexte de recherche en sciences sociales, l'analyse renvoie au processus devant conduire à l'extirpation du sens à partir des données de terrain. Etant donné que nous menons une étude en anthropologie, notre méthode d'analyse est celle préconisée dans ce champ de recherche; car chaque discipline scientifique a sa démarche analytique qui lui est propre. A cet effet, notre point d'ancrage est de découvrir les perspectives culturelles des connaissances des pêcheurs.

    2-Choix

    Il correspond à l'action de choisir, de sélectionner, de manifester un intérêt particulier pour ou sur quelque chose. Au cours de cette étude, il a été question pour nous d'identifier les facteurs et raisons qui sous-tendent les préférences des populations en matière des techniques de pêche et de conservation des ressources halieutiques.

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    3-Conservation

    La conservation est un processus de transformation des aliments permettant de les stocker plus longtemps (BRIGITTE, M. et al 2005:6). Les techniques de conservation renvoient à toutes les connaissances construites et adoptées par les populations afin de réduire les pertes, faciliter le transport et assurer la disponibilité permanente d'une ressource. En d'autres termes, elle renvoie à un ensemble de procédés servant à prolonger naturellement ou artificiellement le rythme de dégradation des denrées périssables. L'exploitation des ressources halieutiques étant au centre de cette étude, la conservation du poisson par la congélation et le fumage constitueront notre centre d'intérêt.

    4-Finalité

    Elle revoie au but, à l'objectif, à la fin, la vision, la mission... Il sera question pour nous d'explorer les attentes et buts visés par les différentes techniques utilisées par les populations de pêcheurs de Nziou et de Londji I.

    5-Pêche

    Elle signifie action de pêcher, c'est-à-dire procéder à la capture des ressources halieutiques. D'une manière générale, cette activité n'est possible qu'à travers la détention d'un certain nombre de paramètres au rang desquels: la technique, les matériels de pêche et les modalités de leur emploi. La pêche en dehors de l'action d'exploiter les ressources halieutiques qui lui est imputée, inclut l'ensemble des mesures, stratégies, pratiques et méthodes utilisées par les acteurs de la filière pour maximiser leurs efforts. La pêche dans un sens large renvoie à tout savoir et expérience que mobilisent les acteurs de la filière afin d'assurer une bonne opération de capture du poisson. Parmi ceux-ci, nous pouvons mentionner: les connaissances théoriques et pratiques sur les captures, le comportement des ressources halieutiques ainsi que le matériel utilisé à chacune des étapes. Elle inclura dans notre travail les connaissances utilisées dans l'activité de pêche ainsi que leurs modes de dissémination au sein des communautés.

    6-Savoir-faire

    De prime à bord, le savoir renvoie à un ensemble de connaissances. Par ailleurs, les savoirs composent une culture, caractérisent l'individu, et concourent à se réclamer d'un groupe humain (SABINOT, C., 2008 :5). Le savoir-faire pour sa part, se résume en habileté, en compétence des personnes ou groupes de personnes. Il englobe dans notre étude, l'ensemble des

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    techniques, des compétences, des outils dont les acteurs de pêche s'en servent au quotidien afin de maximiser les captures et d'assurer une transformation rapide et harmonieux du poisson.

    Dans le cadre de ce chapitre qui s'achève, nous avons consulté un certain nombre d'ouvrages dont la quintessence a porté sur les connaissances générales relatives à la pêche au Cameroun, son importance dans le quotidien des populations. Ensuite une présentation des théories explicatives et la définition de quelques concepts sont venues clôturer cette partie du travail. Nous présenterons dans la prochaine articulation ce qui fait la marque distinctive des connaissances endogènes utilisées dans l'activité de pêche.

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    CHAPITRE III:

    CARACTEISTIQUES DES TECHNIQUES ENDOGENES DE CAPTURE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS DE PECHE ET LEUR MODE D'ACQUISITION DANS LES VILLAGES NZIOU ET LONDJI I

    Les populations côtières dans leurs activités quotidiennes, mettent sur pieds un ensemble de connaissances qui leur permettent d'exploiter judicieusement les ressources disponibles dans leur environnement. Ainsi, dans l'activité de pêche, ces dernières ont construit des savoirs relatifs à la capture, la transformation des produits dérivés et à leur mécanisme de transmission entre les membres de la communauté. Nous présenterons dans cette partie du travail, les caractéristiques des techniques endogènes de pêche et de conservation du poisson connues au sein des acteurs de pêche de Nziou et de Londji I ainsi que leurs modes de transfert de ces savoirs entre les différentes générations.

    I-TECHNIQUES DE CAPTURE DU POISSON

    Pour exploiter les ressources halieutiques dans les pêcheries de Nziou et de Londji I, plusieurs techniques ont été mises sur pied par les populations. Parmi ces méthodes, nous avons entre autres: la pêche à la canne, la pêche à la ligne, le `'tirez-tirez» ou senne de plage, la pêche à la palangre... Chacune de ces stratégies de pêche a ses caractéristiques, ses exigences tant au niveau de la main-d'oeuvre qu'au niveau des ressources matérielles et financières à mobiliser.

    I-1-La pêche à la canne

    La pêche à la canne est une technique de capture ancienne pour les populations de Nziou et de Londji I. Cette méthode est et a été dans le temps, une connaissance de transition en ce sens qu'elle constitue la première étape dans l'acquisition des savoirs dans le domaine de la pêche. Pour s'approprier les contours de cette technique de pêche, les parents initient leurs enfants de sexe masculin à travers un processus structuré en deux phases à savoir, le montage à domicile suivi de son expérimentation au bord des eaux. Au niveau du montage, l'accent est mis sur la fixation du hameçon, la taille normale du fil à utiliser, la qualité du fil, le mode de confection du flotteur et de son positionnement stratégique sur le fil, etc.

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    Photo 8: Le chercheur reçoit les explications sur la canne à pêche. Source : Mvetumbo (Nziou, 2013)

    Dans la phase expérimentale, le parent ou l'aîné détenteur de la technique, donne les indications sur le positionnement stratégique de l'outil en mer ou dans les cours d'eau. C'est cet ensemble de consignes qui permettra au futur pêcheur d'exercer en toute ingéniosité, une influence attractive sur les poissons en mouvement. Pour mieux cerner le mode de fonctionnement escompté, suivons cette description faite par un informateur du village Nziou:

    Lorsqu'on met la canne à pêche dans l'eau, on dit à l'enfant comment la tenir. Parce que l'hameçon ne doit pas toucher le fond de l'eau. Il doit être un peu en suspension. Parce que là-bas au fond, il y a du sable et les ordures qui peuvent accrocher l'hameçon et tu peux croire que c'est le poisson. L'hameçon doit rester un peu en haut pour suivre les mouvements des vagues. Maintenant, quand il est en train de chercher la nourriture, il va suivre le mouvement de l'hameçon et finir par l'avaler (MESSI JILES, Pêcheur, Mabi, Nziou, le 22/01/2011).

    Bien qu'étant généralement perçue comme une technique réservée aux débutants dans le métier, la pêche à la canne est utilisée par plusieurs adultes à coeur joie et ceci pour une diversité de raisons. En effet, en dehors du facteur coût d'acquisition qui est relativement bas, elle constitue une technique qui favorise le loisir, mais aussi qui donne l'opportunité aux riverains de contourner les contraintes et risques de la pêche en haute mer. Aussi, elle est très sélective en ce sens qu'elle favorise la capture individuelle du poisson, étant donné que les espèces ciblées sont celles correspondantes au type du hameçon employé. Les pêcheurs peuvent de ce fait capturer les poissons tels que le bar au niveau de la mer ainsi que le silure que l'on retrouve dans les cours d'eau et rivières. La durée d'une opération de pêche à la canne s'étend de quelques secondes à plusieurs dizaines de minutes. Tout étant fonction de la disponibilité du poisson dans la zone

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    choisie pour l'opération et de l'expérience du pêcheur. Elle est une technique applicable en toute saison. Par contre, les pêcheurs regrettent tout simplement sa faible productivité.

    I-2-La pêche à la ligne

    La pêche à la ligne est une technique de pêche bien ancrée dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I. Ce matériel est historiquement le plus connu et répandu chez les pêcheurs côtiers et particulièrement les Batanga (MONOD, T. ,1928:180). Communément désigné sous le nom d'«ébâna» en langue batanga, il est une ligne constituée d'une ficelle faite de 4 à 5 fibres, enroulée autour d'un morceau de bois et dont l'une des extrémités porte un (ou les) hameçon(s). Le choix de la ficelle est conditionné par la nature de la ressource visée. C'est pourquoi, les pêcheurs distinguent deux catégories d'«ébâna» dont la différence se trouve au niveau de la taille de la corde comme nous pouvons découvrir sur les photos ci-dessous.

    Photo 9: Instrument de pêche à la ligne conçu Photo10: Matériel de capture à la ligne conçu avec

    avec une grosse ficelle. une petite ficelle.

    Source : Mvetumbo(Nziou, 2011) Source : Mvetumbo(Nziou,2011)

    De manière opérationnelle, la pêche à la ligne peut se dérouler de deux manières en fonction de l'option préconisée par le pêcheur. Au niveau des bordures des cours d'eau, le spécialiste d'«ébâna», après avoir fixé l'appât adapté sur le hameçon, peut se déplacer à l'aide d'une pirogue pour déposer son matériel dans les profondeurs de l'eau. En suivant une autre procédure, le pêcheur en pleine mer, place sa ligne dans l'eau pour ne rester qu'avec le noeud au bord de son embarcation. Dans les deux cas, le pêcheur peut, après quelques heures d'attente, procéder au retrait de sa ligne afin d'évaluer les quantités de poissons capturées. Pour les spécialistes de cette méthode de pêche, la durée de pratique est considérablement réduite. C'est une technique applicable en toute saison, en suivant un temps relativement court (entre 1 à 3 heures de temps). Mais aussi, elle peut être utilisée dans le cadre de la pêche dormante. A cet

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    effet, le piège est tendu en soirée par le pêcheur qui sera appelé à le revisiter le lendemain matin. La pêche à l'«ébâna» favorise la capture de la carpe rouge et du bar. Cette méthode de capture constitue pour bon nombre de pêcheurs, une technique qui favorise la sélectivité ceci au regard du caractère discriminatoire des hameçons qu'elle porte; car chaque unité de capture de cet outil de pêche a ses espèces de poissons ciblées. Seulement au niveau du rendement, MONOD T. (1928 :182) estime que la faiblesse des lignes au même titre que la petite taille des hameçons ne permettent de pêcher que des pièces de petite taille, tandis que les poissons un peu vigoureux parfois cassent l'engin de pêche.

    I-3-La pêche à la palangre

    La palangre est communément désignée sous les noms de «Sambi» et «teli» en langue Mabi. Les deux dénominations prises par cette technique de pêche correspondent aux diverses formes possibles sous lesquelles peut se présenter l'instrument employé dans la capture. Pour ce qui est du «teli», notons qu'il est constitué d'une corde dont un hameçon est fixé sur l'une de ses extrémités et offre la possibilité de capturer un seul poisson au cours d'une opération. Ainsi, pour multiplier les opportunités de capture, ces derniers tendent fréquemment une multitude de pièges le long du cours d'eau où se déroule l'opération. La durée de chaque séance est variable en fonction de la disponibilité du pêcheur et de l'expérience qu'il peut avoir sur les potentielles zones propices en ressources halieutiques.

    Le «Sambi» pour sa part est fait d'une série de hameçons alignés sur une longue corde (ou fil), la longueur pouvant aller à plus de 1000 m. Entre la longue corde maillon essentiel du circuit, se succèdent les petits fils de 30 à 50 cm dont l'une des extrémités porte le hameçon. La fixation des hameçons suit deux modalités essentielles. Dans un premier cas de figure, les hameçons peuvent être placés à 1,5 m l'un de l'autre et d'un bout de corde à l'autre. Dans une seconde perspective, le pêcheur peut aussi dans un souci de multiplication des possibilités d'attraction, choisir l'option d'aligner une série d'hameçons aux mêmes endroits tout en gardant les écarts similaires.

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    Photo11: Présentation d'une palangre en refection. Source: Mvetumbo(Nziou, 2010).

    Cette seconde option a cet avantage que lorsque le poisson en mouvement frôle un hameçon, il lui est difficile de s'échapper car, la pression des vagues au côté de la multiplicité des pièges dont rencontre le poisson, facilite sa capture. Pour ce qui du choix du type des cordes, il convient de reconnaître qu'il est fonction du lieu où sera pratiquée la pêche ainsi que de la taille probable des ressources recherchées comme en témoignent les propos de cet informateur:

    «Pour pêcher dans les cours d'eaux, nous utilisons le palan monté avec le petit fil du fait que, nous capturons d'habitude des petits machoirons entre 5 et 10 kg maximum. Mais s'il faut pêcher en mer, nous utilisons la grosse corde numéro 4 ce qui peut supporter le poids des gros machoirons de mer» (NZIEH PASCAL, Pêcheur, Mabi, Nziou, le 22/12/2010).

    Les appâts que portent les hameçons sont composés des crevettes, du savon (macabo), des crabes, des avaries de poissons dont le `'bilolo» (Sardinella maderensis)... Ils sont retenus par les pêcheurs à cause de leur modalité d'acquisition relativement facile et leur capacité d'attraction sur les poissons vivants.

    Avec la palangre, la mise en oeuvre d'une opération de pêche s'opère de la manière suivante: le pêcheur à l'aide de sa pirogue se déplace en mer avec son instrument de capture constituée d'une suite de hameçons plombés des appâts rigoureusement sélectionnés. Après avoir parcouru une distance estimée entre 500m et 1 km, ce dernier étale la corde à l' horizontale (par rapport aux mouvements des vagues) dans l'eau avec toute la délicatesse possible; après quoi, il peut retourner chez lui le temps pour le piège tendu de passer à l'acte. Ce matériel une foi introduite dans l'eau n'est reconnaissable par le propriétaire qu'à partir de la couleur et de la grosseur des flotteurs qu'il a bien voulu utiliser comme identificateur. Ces instruments sont dans la majorité des cas, fixés sur les extrémités de la corde servant de support aux pièges. Pour les pêcheurs, cette technique leur donne l'opportunité de vaquer à d'autres occupations ou de

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    planifier d'autres opérations de pêche. Cette méthode est très sélective du fait que le `'Sambi» est un instrument dont le champ d'action se trouve en profondeur.

    Dans ce contexte, les espèces de surfaces à l'instar du poisson `'mbounga» (Ethmalosa fimbriata), du `'bilolo» (Sardinella maderensis) sont d'office exclues, et seules sont visées les espèces sous marines à l'instar du bar, de la carpe, de la raie, des machoirons etc... Cette méthode peut être mise en oeuvre par un ou plusieurs pêcheurs, le plus important étant la maîtrise des différentes étapes. La durée d'une opération de pêche à la palangre est fonction du planning de chaque pêcheur. Certains le placent en soirée pour le visiter le lendemain matin tandis que d'autres optent pour des expéditions de courtes durées. Si non, d'une manière générale le pêcheur peut procéder au retrait après quatre heures de temps au minimum. En tout état de cause, le succès d'une opération de pêche à la palangre, est comme toutes les méthodes de capture fonction de la capacité de l'acteur principal qu'est le pêcheur, à bien circonscrire les zones propices en ressources halieutiques, mais du bon état de son matériel employé.

    Par contre, les contraintes les plus visibles et les plus redoutées de cette technique de capture, restent les blessures qu'elle peut engendrer lors de son introduction dans l'eau ainsi que du retrait du poisson capturé. Mais également, le pêcheur court surtout le risque de se faire entraîner dans l'eau. Pour limiter les dégâts, il est recommandé dans nos pêcheries d'étude à toute personne devant effectuer une aventure de pêche en mer, d'éviter de porter des vêtements à bouton et/ou à fermeture de peur de se noyer. Selon les explications, sous le coup de violents vents au large, les mailles des filets ou les hameçons peuvent aisément s'accrocher sur les boutons ainsi que la fermeture des habits et dans cette situation, le pêcheur au lieu de pêcher le poisson se fera pêcher par son instrument de pêche. Pour ces derniers, cette situation constitue au côté du manque d'expérience l'une des causes majeures de mortalité chez les débutants dans l'activité de pêche.

    I-3-La pêche à la senne de plage

    La pêche à la senne de plage encore désignée `'tirez-tirez», est une technique de capture qui consiste à plonger le filet en mer et de le tirer quelques temps après ; tout ceci en suivant un procédé bien organisé. Cette méthode de capture du poisson est utilisée dans les pêcheries de Nziou et de Londji I. Pour sa mise en oeuvre, elle nécessite la mobilisation des ressources humaines et matérielles conséquentes.

    I-3-1-Ressources humaines

    Pour ce qui est des ressources humaines, la pratique du `'tirez-tirez» nécessite l'engagement d'un nombre important de personnes. Puisqu' au-delà du propriétaire des matériels de pêche, huit acteurs en moyenne ayant chacun une bonne expérience du métier, participent

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    aux différentes étages des opérations de pêche. Ces pêcheurs se départagent les tâches, en formant deux équipes de quatre personnes au moins, dont chacune est chargée de tenir une des cordes portant les deux bouts de filets. La conjugaison de leurs efforts facilite le retrait du filet de l'eau après que tous les détails préliminaires aient été réglés.

    Photo 12: Opération du `'tirez-tirez» par un groupe de pêcheurs de Nziou. Source: Mvetumbo(Nziou,2011)

    Au sein des équipes, les membres se succèdent à tour de rôle en se plaçant chaque fois devant leurs collègues afin de donner une nouvelle énergie et assurer de ce fait la continuité des efforts.

    I-3-2-Ressources matérielles

    Pour sa mise en oeuvre, le `'tirez-tirez» nécessite le rassemblement d'un certain nombre de ressources matérielles. En effet, l'initiateur d'une partie de pêche à la senne de plage doit disposer d'un filet d'environ 400 m de long et de deux solides cordes d'environ 200 m chacune. Les grandes dimensions des filets favorisent la couverture de grandes surfaces et par voie de conséquence augmentent les opportunités de capture. Les cordes utilisées servent de liaison entre le filet et le groupe de pêcheurs en attente aux abords de l'eau. Aussi dans cet exercice, l'emploi d'une pirogue de taille moyenne pour les opérations préparatoires est indispensable. Elle permet aux membres de l'équipage de transporter le filet des rives vers l'intérieur des cours d'eau ou de l'océan afin de l'introduire stratégiquement une fois que les espaces de pêche soient bien circonscrits.

    I-3-3-Pratique de la pêche à la senne de plage

    Cette technique de pêche s'opère uniquement en journée et en bordure de l'eau. En période d'abondance, elle favorise la capture de plusieurs espèces de poisson dont la taille correspond à

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    la grosseur des mailles des filets utilisés. Selon KEBE M. et al. (1993:5), les espèces couramment pêchées par le truchement du tirez-tirez sont les juvéniles de bars, les petits capitaines, les sardinelles et les ethmaloses. Elle fait partie des techniques de pêche de rive, collectiviste, expresse et fructueuse. Pour ce qui est du contexte de la pratique et les différentes étapes d'une partie de pêche à la senne de plage, un pêcheur Batanga interrogé sur le sujet nous a donné la description ci-après:

    Le `'tirez-tirez» se fait au bord de la mer [...] Lorsqu' on veut le pratiquer, on amène tout le matériel au bord de la mer. Une équipe de deux à trois personnes entre dans la mer en pirogue pour déposer le filet. Quant elle finit de déposer, nous attendons quelques heures avant de tirer. Même en trois heures on peut déjà finir avec la pêche. Avec cette technique, on capture plusieurs types de poissons comme les carpes, le bar, les capitaines. (NANGA JEAN, Pêcheur, Batanga, Londji I, le 19 /12 /2010).

    Cette technique présente plusieurs avantages au regard des témoignages de nos informateurs. Au niveau du temps d'exercice, la durée d'une opération de pêche est d'environ quatre heures, le temps pour l'équipe d'apprêter le dispositif technique, de circonscrire la zone propice à la pêche et de procéder à l'action. Le nombre élevé de participants constitue une source d'occupation et un lieu d'apprentissage pour les différents acteurs de pêche impliqués, ceci en fonction des expériences et des défis qui attendent les uns et les autres. Cependant, la pêche à la senne de plage demeure très coûteuse au niveau des moyens financiers à débourser pour l'acquisition des filets, mais aussi, pour la prise en charge des participants.

    Parmi les techniques de pêche présentées ci-haut, une remarque frappante se dégage sur les secteurs de leur mise oeuvre. Elles sont en effet, pratiquées majoritairement au niveau des rives de la mer ou le long des cours d'eau. Ces méthodes abondamment utilisées étaient la résultante de l'état de disponibilité des ressources halieutiques. En effet, par le passé bien que les aventures en mer fassent partie intégrante du quotidien des populations côtières, les pêcheurs n'avaient pas besoin de parcourir de longues distances afin d'attraper du poisson. En plus de cet état de chose, notons en passant que cette multitude de techniques de bord permet aux personnes ayant été handicapées par le mal de mer, l'opportunité de pratiquer la pêche. Cependant, les populations constatent que ces méthodes de pêche sont de moins en moins rentables et ne sont opérationnelles dans l'ensemble que dans le cadre d'une pêche de subsistance. Ce qui peut expliquer leur faible emploi car, dans un contexte marqué par une réduction substantielle des ressources halieutiques et une croissance permanente de la demande du poisson, les acteurs de pêche s'orientent plus vers les techniques à forts rendements.

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    II-METHODES DE RECONNAISSANCE DE L'ENVIRONNEMENT MARIN

    La relation eau et populations de Nziou et de Londji I constitue un couple dont leurs liens dynamiques permettent aux pêcheurs de produire des savoir-faire performants afin d'y tirer le maximum de profit. Ces connaissances leur donnent l'opportunité de mieux circonscrire les zones probables de pêche, d'éviter les obstacles et de faciliter les captures. Pour atteindre cette fin, ces populations ont mis sur pieds des techniques d'identification basées sur l'observation directe des vagues et sur l'usage de la pagaie.

    II-1-L'Interprétation du mouvement des vagues.

    Tout au long de nos entretiens avec les pêcheurs, une unanimité s'est dégagée sur l'importance des rochers dans la détermination des zones de pêche en mer. En effet, ces espaces sont réputés regorger une diversité d'espèces de poissons à la quête de nourriture. Cette idée est partagée par tous nos informateurs toute ethnie confondue. Ils constituent de ce fait des zones privilégiées de pêche et représentent pour les différents acteurs de pêche, le point d'atterrissage une fois la direction de la mer prise. Selon leurs explications, le point de contact entre les vagues qui se matérialise par des jets d'eau, des bruits (émis par les vagues bien évidemment) leur servent de point de repère ou de reconnaissance d'un rocher. Ce n'est qu'à partir de cet instant que le pêcheur peut s'engager dans une opération de pêche dans un secteur de l'eau avec optimisme comme nous laisse entendre ce pêcheur: «Lorsqu'on est en mer et qu'on voit deux vagues qui se rencontrent, ça fait un choc et l'eau monte plus que sur d'autres endroits. A cet endroit. On peut tendre son filet et espérer peut être capturé par exemple le bar» (EKOTONI CLEMENT, Batanga, Pêcheur, Londji I, 19/12/2010). Chacun en fonction du type de matériel qu'il détient, peut décider de procéder à une opération immédiate ou de poursuivre l'exploration.

    II-2-L'usage de la pagaie

    La pagaie encore désignée «karpi» en langue batanga, est connue de prime à bord comme un instrument de propulsion manuelle de la pirogue. Mais au cours des opérations de pêche, elle permet aussi aux pêcheurs futés, d'explorer à certains moments particuliers la mer afin d'identifier la nature du fond marin. Le procédé est le même que celui du matériel précédent à la seule différence qu'au delà du son émis et saisissable par les oreilles, la nature de l'obstacle que rencontre la pagaie une fois plongée provoque une sensation particulière au niveau des mains qui la tiennent. En ce sens, le rocher a un état dur, la boue une tendance à retenir la pagaie tandis que le sable de son côté reste perméable en présentant un état glissant.

    D'une manière générale, ces méthodes de lecture à partir des résultats qu'elles permettent d'obtenir, donnent aux pêcheurs des indications précises sur la nature du matériel de capture à

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    employer. A ce sujet, SABINOT C. (2008:157) estime par exemple que l'utilisation du filet nécessite une grande aptitude à comprendre les variations de l'environnement physique dont les différents constituants peuvent être le vent, les courants marins, la consistance des fonds, la présence animale, etc. Inhérents aux pêcheurs pétris d'expérience, ces talents constituent la marque distinctive des ces acteurs et leur permettent d'avoir une bonne appréhension des mouvements des ressources aquatiques. Comme estime CAROLE B. (2005:62): « Exprimés en termes qualitatifs, les savoirs des pêcheurs reposent sur leur `'aptitude à voir'': voir l'affluent, voir la clarté et le niveau de l'eau. Ils mettent ainsi en relation `'de cause à effet`' la présence du poisson et les conditions de son milieu de vie».

    A cet effet, le développement des formules spécifiques d'attraction viennent couronner ce processus. Dans ce sillage, MONOD T. (1928:182) parlant des pêcheurs côtiers du Cameroun avait fait la remarque suivante:« pour `'appeler'' le poisson, le pêcheur bat l'eau de la main ou de la pagaie, puis il immerge ses engins». Par le biais de ces connaissances écologiques, les pêcheurs estiment avoir plus d'opportunité non seulement de capturer du poisson en quantité, mais également et surtout leur permettent de cibler les espèces sollicitées dans leur alimentation personnelle, sans oublier les poissons enviés sur les marchés. Il est de ce fait possible pour un pêcheur averti de s'orienter vers les espèces qui se recrutent autour des rochers comme le bar (Pseudotolithus senegalensis), ou des espèces de surface à l'instar `'mbounga» (Ethmalosa fimbriata), du `'bilolo» (Sardinella maderensis), etc...

    III-MATERIELS DE PECHE UTILISES DANS LES PECHERIES DE NZIOU ET DE

    LONDJI I.

    Pour assurer leur déplacement en mer et les cours d'eaux poissonneux, les populations locales s'en servaient comme engins de déplacement la pirogue.

    III-1-Les pirogues

    Dans la pêche artisanale, les populations locales utilisent les pirogues monoxyles dans leurs différentes opérations de pêche. Elles sont fabriquées à base de tronc d'arbre creusé à la hache et à l'herminette. Les espèces de bois utilisées pour sa confection sont essentiellement le padou ou bois rouge, le bois jaune, préférées pour leur caractère résistant. Leur coût d'acquisition varie entre 60000(soixante mille) et 85000(quatre vingt cinq) francs CFA. Elles ont une longueur moyenne de 5 mètres (Longueur hors tout «LHT» =5m) et sont généralement propulsées par les pagaies et les voiles. Cet appareil permet aux propriétaires d'effectuer les pêches de courtes distances compte tenu de l'énergie physique nécessaire pour son déplacement. Cette marque de pirogue est le fruit du génie des populations locales notamment les Bantaga et les Mabi et est essentiellement destinées à la pêche de subsistance vu sa faible capacité. Elle est

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    le plus souvent montée dans les ménages, en forêt ou en bordure de mer, tout étant fonction du lieu où l'arbre est abattu.

    Photo 13: pirogue monoxyle dite « traditionnelle» Source: Mvetumbo (Londji I, 2011).

    Cependant, dans un contexte de concurrence marqué par la tendance à l'emploi des pirogues plus longues, plus larges et plus mobiles, elle est devenue un matériel de pêche de transition des jeunes vers un équipement définitif et surtout plus rentable. En effet, elle donne l'opportunité aux jeunes pêcheurs de faire leur début dans la pêche à titre individuel, en attendant rassembler les fonds nécessaires pour l'acquisition d'un matériel plus sophistiqué.

    Son emploi a un impact direct sur le niveau de rendement, mais aussi sur le temps consacré à la pêche. Ainsi, avec les pirogues monoxyles, la majorité des pêcheurs qui les utilisent, font des sorties qui n'excédent généralement pas une journée, du fait de la pénibilité rencontrée dans les méthodes de propulsion manuelle, méthodes fortement dépendantes de la force physique du pêcheur. Cependant, les pêcheurs lui reconnaissent un certain nombre d'avantages. D'abord au niveau du prix d'achat, du fait qu'elle est facilement accessible aux pêcheurs ayant les moyens financiers limités. En ce qui concerne sa capacité de résistance face aux aléas climatiques, notons qu'elle constitue l'appareil de pêche de sécurité en période de mauvaise mer caractérisée par de violents vents, dont la forte pression peut engendrer les conséquences néfastes sur les pirogues. A ce sujet, un informateur vante ses qualités en ces termes: «Les pirogues à pagaie que j'utilise est mieux, car elle ne peut pas se casser facilement. S'il y a des vents violents, elles ne peut pas se casser». (NJOH ADOLPHE, pêcheur, Batanga, Londji I, le 17/12/2010). Cette pirogue est employée dans la mise en oeuvre des opérations de pêche dans les cours d'eaux, les rives de la mer ainsi qu'au large.

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    III-2-Spécificité des matériels de capture

    En ce qui concerne les filets, les populations batanga en utilisaient une gamme variée. Nous avons entre autres: le filet de jet «Ebunja», employé à l'embouchure des rivières, le filet commun «epeyé ya bilolo» utilisé de préférence la nuit, le filet dormant «épéé é manangé tubé» qui est employé en hivernage. Pour mieux capitaliser au cours de leurs aventures en mer, certaines modalités de capture leur étaient permises, c'est le cas de la pêche à la mousseline, au couteau ainsi que celle à la nasse (ONDOUA, P., 1988:23). Selon la même source reprenant MONOD T. (1928:181), le panier «ésalé» sert parfois à la pêche dans les ruisseaux; la nasse « éyao » est très employée pour la capture des crevettes d'eaux douces. En ce qui concerne les Mabi, la nasse constitue le principal outil employé dans la pêche. Ces derniers en ont fait de la fabrication de cet engin leur spécialité. C'est ainsi que leurs voisins Batanga venaient par le passé se ravitailler auprès d'eux (MONOD, T., 1928:181). Ces derniers utilisaient aussi des filets, des éperviers tous montés à base des fibres de certains arbres à l'instar du «nteh» en Mabi. Ces différents outils en dehors des nasses n'existent presque plus de nos jours.

    IV-METHODES DE CONSERVATION DU POISSON DANS LES LOCALITES DE NZIOU ET DE LONDJI.

    A la mort du poisson, la circulation sanguine s'arrête et l'oxygène n'est plus véhiculé vers les cellules. Si aucun système efficace de conservation n'est mis sur pied, la dégradation microbienne commence progressivement par l'envahissement des tissus musculaires, après que les enzymes digestifs, tels que les cathepsines, aient déjà lysé la paroi intestinale. Simultanément, mais à une vitesse moindre, les microbes de la peau franchissent facilement les barrières biologiques désormais inexistantes (BABA, M., 1985:103). Ce processus s'il n'est interrompu à temps, entraînerait de nombreuses pertes aux acteurs dont les moyens de subsistance dépendent en grande partie de l'écoulement des produits de pêche. Comme voie de solution dans cette circonstance, notons que les méthodes traditionnelles de transformation qui datent de très longtemps au Cameroun, sont les moyens importants permettant aux populations, notamment ceux qui sont loin des sites de débarquement et des principaux circuits de distribution de se procurer du poisson (TEUTSCHER, F. et al., 1995:11). C'est dans ce sillage que, le fumage du poisson, qui est une activité économique très ancrée dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I est connu et pratiqué par l'ensemble des femmes et constitue le mode de conservation du poisson le plus employé. Bien que chaque technique de fumage ait ses spécificités, les différentes méthodes existantes ont toutes été conçues et pérennisées afin d'assurer une fourniture permanente de cette précieuse denrée alimentaire indispensable pour la survie de la population. Pour fumer du poisson, les acteurs de pêche s'en servent d'une diversité

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    de fumoirs parmi lesquels les demi-fûts, les fumoirs en bois, les essences de bois aux vertus multiples dont l'impact sur la qualité des produits fumés est communément reconnu par ces dernières. Dans la section suivante, nous allons présenter les spécificités des différentes méthodes endogènes de fumage et les savoir-faire mis en oeuvre pour l'obtention des produits fumés de qualités.

    IV-1-Techniques basiques de fumage de poisson.

    Le fumage comme principal moyen de conservation des ressources halieutiques, a connu au sein des communautés de pêcheurs de Nziou et de Londji I plusieurs formes. En effet, les populations ont en exergue des savoirs tant au niveau du matériel employé que des processus techniques d'accompagnement. Ainsi chaque femme au retour de son conjoint ou d'un parent de la pêche, après avoir déduit la quantité et les espèces destinées à la consommation familiale, décide en fonction du volume restant d'employer un type particulier de fumage ou de modèle de séchage. Il convient de rappeler d'une manière générale que, le procédé le plus simple est le fumage à feu ouvert au cours duquel, le poisson est placé au-dessus d'un feu à combustion maîtrisée. Il s'opère sur un foyer ordinaire constitué de trois pierres ou de briques et aussi, sur des claies supportées par des morceaux de fer ou de bois (photo 14). Une amélioration du procédé du feu ouvert est le fumoir en saut en fer utilisé comme canalisateur de flammes (photo 15).

    Photo 14: Fumoir constitué des piquets en fer Photo 15: Fumoir constitué d'un saut en fer

    Source: Mvetumbo (Nziou, 2011) Source: Mvetumbo(Londji I, 2011)

    Comme atouts, notons que ces méthodes sont sollicitées et nécessaires lorsque les fumeuses sont en face des quantités négligeables du poisson; ce qui leur permet de réduire la consommation du bois qu'aurait pu prendre les fumoirs de grandes tailles. Elles occupent des espaces réduits dans les ménages et ne nécessitent pas des investissements lourds pour sa confection. Cependant le principal inconvénient découlant de leur emploi reste leur faible productivité, car leur degré de fumage potentiel ne peut couvrir au delà des besoins du ménage. Mais aussi, la perte de fumée est grande (BRIGITTE, M. et al., 2005:51), ce qui peut prolonger

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    le temps de fumage ainsi que les quantités de bois nécessaires pour conduire le processus à terme.

    IV-2-Le fumage par les demi-fûts

    C'est un système de séchage du poisson qui s'opère sur les fumoirs confectionnés à base des fûts. Les demi-fûts employés ont une taille comprise entre 70 cm et 130 cm selon les différents modèles que nous avons observés sur le terrain. En plein emploi, ils sont placés sur trois pierres et/ou briques dont les espaces qui les séparent sont destinés au passage du bois nécessaire au fumage. Sa confection relève exclusivement du savoir-faire des hommes. Ainsi, les fûts sont taillés par ces derniers au niveau des ménages ou dans les ateliers de soudures situés au centre ville de Kribi. Ce fumoir de petite taille est dans la majorité des cas placé à l'intérieur des cuisines; cependant lorsqu'il arrive qu'il soit positionné en plein air, les fumeuses en fonction de leurs moyens construisent un hangar ou le couvrent en permanence des tôles afin de protéger les flammes des méfaits des intempéries.

    Photo 16: Fumage du poisson sur un demi-fût ouvert Photo 17: Fumage sur un demi fût couvert

    Source: Mvetumbo (Londji I, 2011). Source: Mvetumbo (Nziou, 2011)

    Le bois est introduit de la même manière comme dans les foyers traditionnels de cuisson, c'est-à-dire entre les supports (les briques ou les pierres). Le fumage s'étend sur deux jours en moyenne pour les espèces légères de poissons à l'instar du `'bilolo» (Sardinella maderensis) tandis que celles ayant plus de chair peuvent passer entre trois et quatre jours, c'est le cas de la raie (Raja miraletus) du bar (Pseudotolithus senegalensis). Ce fumoir était beaucoup utilisé dans le fumage du poisson pimenté appelé « maban » tant du côté de Londji I que du village Nziou. Du fait qu'il soit confectionné dans la majorité des cas à partir du matériel de récupération, il offre l'opportunité aux fumeuses de procéder à son renouvellement chaque fois qu'il peut se trouver en état de dégradation. Cependant, selon nos informatrices, ce fumoir a comme inconvénient sa faible capacité à contenir le poisson. En effet, la superficie du grillage reçoit à

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    peine une demi cuvette de poissons frais, mais en terme de contrainte, il dégage assez de fumée et de chaleur nocives à leur bien être sanitaire. Pour réduire ces méfaits de la chaleur, les fumeuses sont appelées en permanence sous pression de ces aléas, à consommer du lait et de la bière comme antidote.

    IV-3-Le séchage sur les fumoirs `'quatre poteaux`'

    Il est fait de quatre poteaux fixés au sol et reliés entre eux par des branches moyennes sur lesquelles est posé le grillage sensé recevoir le poisson. Il est ouvert sur les quatre côtés et peut recevoir entre une et deux cuvettes de poissons. Les fumoirs traditionnels ont cet avantage qu'ils sont faits uniquement des matériaux locaux disponibles dans leur environnement naturel. Cependant, les fumeuses estiment qu'ils nécessitent l'usage d'une grande quantité de bois suivie d'une surveillance permanente afin d'éviter les zones non couvertes par les flammes, zones qui sont responsables de nombreuses pertes souvent enregistrées après capture. Pour réduire les dégâts engendrés par ces ouvertures, un contrôle assidu, une bonne maîtrise de l'intensité des flammes et une habileté dans la manipulation du poisson sont nécessaires. A ce sujet, une fumeuse nous a décrit en ces mots les précautions qu'elle était amenée à prendre chaque fois qu'elle utilisait le fumoir `'quatre poteaux:

    Lorsqu'on fumait avec notre fumoir traditionnel, il fallait allumer le feu partout dans le fumoir ,mettre du bois à tout moment et surtout s'assurer que tout le poisson qui est entrain d'être fumé ressent vraiment le feu ; si non, on va seulement constater que le poisson a déjà les asticots. Il faut tourner et retourner à tout moment (MBIMBI ESTHER, Fumeuse, Batanga, Londji I, le 19/12/2010).

    La durée du fumage est fonction de la forme du poisson fumé, tenez à titre d'exemple: avec le fumoir en piquet ouvert de part et d'autres, le fumage du poisson communément appelé `'bilolo» (Sardinella maderensis) s'étend sur une durée de 48h s'il est écaillé, tandis que le temps imparti au fumage de la même espèce de poisson non écaillée, est d'au moins trois jours. Comme source complémentaire de pénibilité, le positionnement du poisson longtemps resté en vigueur au sein des ménages locaux consistait à poser le poisson à l'horizontal sur le grillage. En fonction de leurs diverses expériences, les fumeuses estiment que cette formule ne favorisait pas la dissémination rapide de la chaleur sur l'ensemble du poisson posé sur le grillage et de ce fait, ne favorise pas un fumage accéléré et harmonieux.

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    Photo 18: Fumoir en piquet petit modèle Source: Mvetumbo (Nziou, 2011)

    Aux côtés des fumoirs employés, les fumeuses s'en servent d'un ensemble de combustibles aux vertus multiformes afin d'obtenir les produits fumés de qualité. Au cours de nos entretiens, quelques espèces de bois ont régulièrement été citées au rang desquelles: L'azobe (Lophira alata), le sambi (Uapaca spp.), le manguier (Mangifera indica), le parasolier (Musanga cecropioides), etc... Ces bois sont choisis en fonction de leur accessibilité et surtout de leur capacité à imprimer une couleur et une saveur agréable au poisson. Interrogée sur le sujet, une fumeuse leur reconnaît les avantages ci-après: «Le bois que j'utilise est un bon bois. Le sambi et l'azobe donnent une bonne couleur et un bon goût à mon poisson» (EDJIDJE YVETTE, Fumeuse, Batanga, Nziou, le 10/01/2011). Reconnues pour leur caractère compact, ces espèces de bois (spécifiquement l'azobe et le sambi) permettent aux femmes de fumer de grandes quantités de poisson, à cause de leur rythme de combustion lent. En plus, ces espèces même étant moins sèches, se consument et donnent de ce fait l'opportunité aux femmes de sécher le poisson en plein temps.

    Toutes ces formes de savoir sont transmises de génération en génération à travers un processus bien structuré.

    V-MODE OPERATOIRE DE LA TRANSMISSION DES SAVOIR-FAIRE EN MATIERE DE PECHE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS HALIEUTIQUES A LA JEUNE GENERATION

    Dans les divers processus de transmission des connaissances relatives à la pêche et la conservation du poisson dans les villages Nziou et Londji I, plusieurs espaces sont privilégiés en fonction de la nature des savoirs à dispenser. Ce sont entre autres: les domiciles, les rives des eaux et la mer.

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    V-1-1-Dans les domiciles

    Au niveau des domiciles, l'on assiste au transfert tant des techniques masculines que celles féminines de travail, chaque parent étant responsable de transférer les savoirs relevant de sa compétence. Dans la préparation des opérations de pêche, les domiciles constituent des espaces privilégiés pour le montage ou la réparation des filets nouvellement achetés. A cet effet, sont transmises aux jeunes apprenants (essentiellement de sexe masculin) les connaissances sur les spécificités des différents types de filets, le rôle des plombs, les flotteurs ainsi que de leur mode d'alignement. Dans cet exercice, après une certaine période d'apprentissage, les parents donnent l'opportunité aux jeunes d'exprimer les connaissances acquises en leur permettant de tisser ou d'entretenir un filet de pêche sans leur intervention, quelle qu'en soit la communauté d'appartenance.

    En mêmes temps, les jeunes filles dans la sphère des activités féminines, assistent leur maman, leur tante et leurs soeurs aînées dans le fumage du poisson dont les principales étapes peuvent être déclinées ainsi qu'il suit:

    4 L'écaillage du poisson suivi de son rinçage, afin de le débarrasser de toutes les saletés nocives à la bonne santé des consommateurs.

    4 Le classement sur le grillage qui est fonction des espèces et de la taille de poisson, mais aussi des formes que les fumeuses souhaitent donner aux poissons. Les gros poissons sont la plus part de temps sectionnés en morceaux afin de faciliter leur manipulation et accélérer le fumage.

    4 La sélection de l'espèce appropriée de bois et des sources complémentaires en tenant compte des critères suivants: La disponibilité de l'espèce, le rythme de combustion, la capacité du bois à donner une bonne couleur au poisson.

    V-1-2-La plage et les rives des cours d'eaux

    C'est à ces endroits précis que les parents à travers les techniques de capture dont ils ont la maîtrise, initient les premiers pas de leurs progénitures dans l'activité de pêche. Elles constituent un espace approprié pour l'apprentissage de la nage, qui représente le principal moyen de défense personnelle en cas de difficultés en mer. En effet, il peut arriver qu'une pirogue chavire suite à des cassures provoquées par des frappes de chalutiers ou des violents vents. Dans cette circonstance, le pêcheur à bord se sert tout naturellement des premiers moyens de défense (la nage). C'est également le lieu d'embarquement et de débarquement des pirogues, l'occasion pour les jeunes d'apprendre à charger et à décharger les pirogues, mais aussi à participer aux opérations d'accostage de la pirogue ainsi qu'à l'émaillage du poisson.

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    Les diverses activités pratiquées et les connaissances transmises en ces lieux permettent aux apprenants de gagner en expérience et de développer les premiers talents indispensables pour tout pêcheur qui peut envisager une participation ultérieure aux aventures au niveau de la mer.

    V-1-3-En mer

    La mer considérée comme la principale entité pourvoyeuse des ressources alimentaires des populations côtières, est un milieu complexe, un espace d'acquisition de l'expérience et d'expression des connaissances en matière de pêche. L'objectif premier des aînés à ce niveau est, d'amener les nouveaux venus à se familiariser avec l'atmosphère marine, un environnement étranger où règnent de violents vents, des immenses vagues, mais aussi du froid. Au delà de quelques petits soucis de santé que rencontrent régulièrement les néophytes, les jeunes acquièrent énormément de connaissances en ce lieu à l'instar de l'initiation à la conduite de la pirogue, l'usage de la pagaie et des voiles qui sont les principaux moyens de propulsion des pirogues monoxyles. C'est également le lieu d'expérimentation des stratégies de pêche qui se matérialisent par l'identification des zones riches en poissons, la pose et le retrait du filet, les observations pratiques sur les opérations d'émaillage du poisson.

    D'une manière générale, la présence des matériels nécessaires dans la pratique de la pêche et du fumage aux côtés de la disponibilité des personnes formatrices, concourt à la facilitation du processus d'acquisition des connaissances aux jeunes pêcheurs et fumeurs. Au niveau de nos sites d'étude, les différents objets et contextes d'acquisition font intervenir, des personnes aux profils et compétences différents.

    En guise de rappel, nous avons présenté le long de ce chapitre, les caractéristiques des techniques endogènes de pêche et de conservation des produits halieutiques connues et jadis utilisées par les populations de Nziou et de Londji I. Au niveau de la pêche, le `'tirez-tirez», la pêche à la ligne, la pêche à la palangre, la pêche à la canne ...constituent les principales méthodes de capture. Dans le secteur de la conservation, le fumage reste le principal moyen de conservation utilisé. A cet effet, le fumage par les demi-fûts, les fumoirs `'quatre poteaux», les petits foyers aménagés (constitués du fer et des seaux en fer) étaient utilisés comme principales méthodes de conservation du poison. Pour obtenir de l'esthétique, les populations à travers leurs savoir-faire sur leur milieu de vie, utilisent des espèces spécifiques de bois dont les vertus coloratrices sont largement partagées. L'entourage immédiat de l'adolescent joue un rôle déterminant dans le processus d'acquisition des techniques de capture ainsi que de conservation du poisson. Quelles sont les caractéristiques des connaissances émergentes en matière de pêche dans ces localités ? La réponse à cette question constituera la quintessence de la prochaine étape.

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    CHAPITRE IV:
    PRESENTATION DES TECHNIQUES EMERGENTES DE
    PECHE ET DE CONSERVATION DU POISSON DANS LES
    VILLAGES NZIOU ET LONDJI I

    Dans un contexte pluriculturel et de changement progressif des pratiques de pêche, les communautés de pêcheurs de Nziou et de Londji I s'en servent de la multitude de techniques de capture et de conservation existantes. Chacune de ces méthodes émergentes a ses origines, ses caractéristiques et ses exigences. Dans ce chapitre, nous allons nous appesantir à présenter les spécificités de ces savoirs ainsi que leur mode de recomposition au sein des populations.

    I-TECHNIQUES NOUVELLES DE CAPTURE DU POISSON DANS LES PECHERIES DE NZIOU ET DE LONDJI I

    Parmi les connaissances émergentes les plus utilisées dans les opérations de capture, nous avons entre autres: l'encerclement ou méthode d'emprisonnement, le sondage ou technique d'écoute du poisson, la pêche long séjour encore désignée pêche de trois jours ...

    I-1-Technique d'emprisonnement

    Après la localisation d'une colonie de poissons dans une zone précise, qu'elle soit en mer ou dans un cours d'eau, le pêcheur décide de tendre une embuscade; c'est le piégeage ou la technique d'emprisonnement du poisson. Selon les pêcheurs interviewés, cette technique se réalise de préférence autour des rochers qui sont les sites par excellence où se réfugient certaines espèces de poissons à l'instar du bar. Pour la mise en oeuvre, le procédé nécessite sur le plan matériel, la disposition d'un filet d'une longueur à même d'encercler les rochers identifiés, elle peut atteindre un kilomètre voir plus. La seconde étape consiste une fois le rocher encerclé, à diviser le cercle initial à l'aide des filets en plusieurs compartiments, ceci afin de réduire de manière considérable les superficies de déplacement des poissons ciblés et par voie de conséquence, faciliter leur capture. Encerclés de part et d'autre, les poissons n'ont aucune chance de s'échapper, car ces derniers sont chacun à son niveau entouré par quatre murs de filets dont les mailles sont taillées à leur mesure.

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    Cependant, la détention par les pêcheurs des connaissances sur les caractéristiques des espèces de poissons ciblées ainsi que les instants de mouvements et de stabilité de celles-ci, est importante. Car, cette maîtrise permet au pêcheur averti de faire une bonne programmation de sa partie de pêche et de capturer en quantité le poisson de son choix. Pour illustrer cette démarche, suivons les propos de ce pêcheur du village Nziou sur sa manière de mettre en oeuvre ladite technique:

    Pour capturer le bar lorsque ma pirogue est en bon état, je quitte de ma maison à deux heures du matin, pour arriver à la Lokoundjé autour de 3H30 minutes. Lorsque j'arrive, je prépare mon piège autour des rochers. J'encercle, le rocher avec le plus gros filet de plusieurs centaines de mètres, je crée les divisions avec les petits filets de cinquante mètres environ de long, et, puisque les bars sortent à quatre heures pour aller chercher de quoi manger, ils vont tomber dans mon piège. Là, je suis sûr de tuer beaucoup de poissons (MESSI JULES, Pêcheur, Mabi, Nziou, le 17/01 /2011).

    Cette technique était pratiquée dès le départ en majorité uniquement par les ressortissants béninois implantés dans les pêcheries étudiées. Cependant, à travers leurs diverses relations avec les pêcheurs locaux, ces savoirs ont progressivement été adoptés par les pêcheurs camerounais.

    I-2-La technique d'écoute ou de sondage du poisson

    Comme la technique présentée plus haut, le sondage du poisson est une méthode de pêche introduite dans les pêcheries par les pêcheurs béninois. C'est une technique qui consiste à cibler la présence du poisson à travers le son qu'il émet afin de procéder au jet du filet avec précision. Son originalité se trouve autour de l'emploi de la pagaie dans le processus d'exploration, qui sert d'élément de liaison entre le son émis par le poisson et le tympan du pêcheur. De manière opérationnelle, le bout aplati de la pagaie est plongé dans l'eau à chaque opération de pêche tandis qu'au même moment, le sommet effilé porteur du message est placé à l'oreille. Ce n'est que dans cette position que cet instrument joue pleinement son rôle d'outil de sondage, en faisant parvenir au pêcheur une sorte de message codé dont ce dernier est appelé à apprécier la portée. A partir de cet instant, le pêcheur averti peut prendre la décision de procéder ou non à une action de pêche. Pour parvenir à ce niveau de connaissance, le pêcheur façonne à partir des expériences et de sa régularité dans l'activité de pêche, son appréciation du son qu'émet permanemment chaque espèce de poisson, signe grâce auquel le pêcheur apprenant pourra désormais l'identifier. Cette technique, fruit d'une connaissance ancestrale, a été transmise aux pêcheurs de générations en générations par leurs ascendants. Interrogé sur l'origine et l'opérationnalité de cette technique de capture, un pêcheur béninois nous a livré les propos suivants:

    Ce sont nos aïeux, nos ancêtres, ce sont eux qui nous ont appris à écouter le poisson. Lorsqu'ils nous amenaient en mer, ils nous faisaient écouter, écouter les poissons parler. Chaque poisson a sa façon de parler .Nous avons appris à écouter chaque type

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    de poisson qu'on capture. Le mbounga ne parle pas comme le bar, le capitaine ne parle pas comme le bololo. Ils utilisaient la pagaie, la simple pagaie, pour sonder dans l'eau s'il y a du poisson à un endroit. C'est ce qui nous amène à jeter le filet dans l'eau (HUBERT, Pêcheur, Popo, Nziou, le 15-01-2011).

    Surtout que le mode d'acquisition n'est pas si complexe comme l'affirme cet autre pêcheur: «Cette technique de pêche, tout le monde peut connaitre, il suffit d'être sérieux et attentif pour suivre comment çà se passe. J'ai déjà fait connaitre cette technique à plusieurs pêcheurs d'ici » (CASSA, Pêcheur, Popo, Nziou, le 09/01/2011).

    Les vulgarisateurs de ces connaissances sont reconnus par les populations d'une manière générale et les fumeuses en particulier pour leur rapidité dans la pêche. Elle suscite admiration, respect mais aussi une fierté d'avoir au sein du village les ressortissants béninois. Par cette ingéniosité, ces derniers occupent une place centrale dans le circuit de distribution de poissons frais à en croire cette informatrice:

    Les Béninois ne durent pas en mer et pêchent à tout moment, la nuit et le jour. Ils parlent avec le poisson. Ils connaissent où se trouve le poisson en mer. C'est pourquoi ils pêchent vite et pêchent toujours beaucoup de poissons. Nous les respectons, car sans eux, nous ne devrions pas avoir assez de poissons à fumer ici au village. Nous ne savons même pas ce que nous allons faire s'ils partent tous (NGOUNDI ANNE, Fumeuse, Mabi, Nziou, Le 13/01/2011).

    Ces propos confirment le point de vue des pêcheurs béninois pour qui, la pêche fructueuse n'est pas seulement tributaire de l'arsenal de pêche dont dispose chaque acteur de pêche, mais elle résulte surtout de l'efficacité des techniques dont dispose le pratiquant de la pêche. C'est ce qui se dégage des propos de ce pêcheur béninois interrogé sur les spécificités de la méthode de pêche par sondage:

    Je ne pêche pas au hasard. Je ne jette pas le filet en mer au hasard. Je ne pêche pas au hasard comme les autres. J'écoute le poisson avant de jeter mon filet. J'écoute avec la pagaie, la pagaie. S'il y a du poisson, je jette le filet. S'il n y a pas de poisson, je ne jette pas le filet. Ce n'est pas en restant en mer longtemps qu'on va attraper du poisson. Souvent je vous laisse ici et quelques heures après, je reviens avec du poisson. Mais parfois aussi sans poisson, je ne me casse pas. Je préfère rentrer sans jeter le filet au lieu de le jeter au hasard. (CASSA, Pêcheur, Popo, Nziou, le 09/01/2011).

    Cette technique présente aux yeux des pêcheurs, plusieurs avantages allant du gain en temps à la capture massive du poisson. Elle est une technique très sélective et permet aux pêcheurs de capturer les poissons de leur choix, espèces qui répondent à leur besoin alimentaire ainsi qui leur permettent d'assurer leur revenu. Le sondage du poisson donne l'opportunité de réaliser les économies à travers la faible consommation du carburant vue la réduction des distances à parcourir pour identifier les zones de pêche, favorise la réduction des dépenses

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    relatives à la ration alimentaire et offre l'opportunité d'effectuer plusieurs opérations de pêche en peu de temps. Ce sont sans doute ces atouts reconnus par les pêcheurs de diverses communautés qui pourraient en partie expliquer leur intégration rapide dans les pratiques quotidiennes des pêcheurs locaux.

    1-3-La pêche long séjour ou pêche de trois jours

    La pêche long séjour ou pêche de trois jours est un mode de pêche qui s'opère deux fois au cours de la semaine. Dans le village Londji I, les jours de départ en mer reconnus pour les pêcheurs nigérians et locaux sont le lundi et le jeudi. Du côté du village Nziou, chaque pratiquant ou groupe de pratiquants de la pêche de trois jours a son emploi de temps indépendant. Le jour de départ, après avoir fait le marché, et acheté le nécessaire pour leur séjour en mer, les pêcheurs s'engagent dans un voyage de quelques heures supposé les amener au large où ils seront appelés à exercer une intense activité de pêche. Le déroulement de la pêche est guidé par un certain nombre de paramètres techniques partagés par les différents membres de l'embarcation. Ainsi, après de longues expériences, les pêcheurs estiment que l'écart de six heures de temps est nécessaire entre deux opérations de pêche afin de maximiser la capture. Dans cet exercice, chaque membre de l'équipage joue des rôles spécifiques. En effet, le pêcheur principal encore désigné capitaine de bord ou main droite du propriétaire de l'embarcation, est responsable de piloter le moteur, de veiller à son bon état, de cibler les zones propices de pêche. Ce dernier fort de ses expériences, reste la personne habilitée à donner des directives au large sur les heures d'introduction et du retrait du filet de l'eau. Dans la catégorie des personnes qui jouent ce rôle, figurent des personnes âgés et des jeunes issus des différentes communautés présentes.

    Quant aux pêcheurs assistants, ces derniers suivent les instructions du chef d'équipe et ont pour missions: l'assistance de leur supérieur hiérarchique au cours des différentes étapes de la pêche à savoir l'introduction et le retrait du filet dans l'eau, l'émaillage du poisson, l'opération de surveillance permanente du filet et de la pirogue pendant la nuit( afin de réduire les risques de vol, de contact avec les chalutiers et de vandalisme de certains collègues mal intentionnés).

    Pour ce qui est de la gestion des embarcations de pêche, les patrons ou propriétaires des matériels de pêche, sont ceux qui recrutent les personnes avec qui ils peuvent travailler en fonction de la disponibilité, la loyauté, la transparence dans la gestion du matériel et des produits de pêche. Pour une descente en mer, ces derniers mettent à la disposition des pêcheurs les matériels nécessaires pour la pêche comme une grande quantité de glace devant servir à la conservation du poisson, une torche et des piles destinées à l'éclairage du filet la nuit, une ration alimentaire qui s'élève à cinq mille francs pour les deux pêcheurs à bord de la pirogue et du

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    nécessaire pour l'entretien de leur corps(savon de toilette, du rasoir pour le nettoyage de la barbe) . Ces derniers s'assurent aussi du bon état des filets et de la légalité de leurs pirogues.

    Photo 19: Pirogue chargée du nécessaire pour une pêche de trois jours. Source: Mvetumbo (Londji I ,2011).

    Ce mode de pêche a été introduit dans le village Londji I par les ressortissants nigérians qui y sont implantés depuis plusieurs décennies comme l'ont reconnu plus d'un pêcheur autochtone:«Avant l'arrivée des Nigérians, on ne pratiquait pas la pêche de trois jours ici. C'est avec le temps que nous avons commencé à le faire» (NANGA JEAN, Pêcheur, Batanga, Londji I, le 19/12/2010). Au niveau de Nziou, cette formule a intégré l'arsenal de pêche des populations par le biais des pêcheurs béninois. D'une manière générale, elle offre selon nos informateurs, l'opportunité de procéder à plusieurs opérations de pêche et par ricochet, favorise la capture massive du poisson. Les pêcheurs du village Londji I capturent au cours de ce long séjour principalement: le bar, le mbounga, la carpe, la raie, les fritures, le bilolo, le machoiron. Les pêcheurs de Nziou de leur côté en compagnie de leur collègues Popo du Bénin en dehors des espèces citées ci-haut pêchent aussi les petits requins.

    Cependant, ces derniers estiment dans leur immense majorité qu'il est un système de pêche coûteux au regard des divers investissements dont nécessite une sortie en mer.

    II-MATERIELS UTILISES DANS LA PECHE AU SEIN DES PECHERIES DE NZIOU ET DE LONDJI I.

    II-1-1-Les petites pirogues à planches rassemblées

    Si les pirogues à planches rassemblées sont propulsées aussi bien par les pagaies que par les voiles au même titre que les premières présentées plus haut, ces dernières sont différentes des premières par leurs dimensions ainsi que leur mode de confection. En effet, elles sont légèrement plus grandes (LHT supérieure à 5m et inférieur à 8m) et coûtent environ 150000(cent cinquante mille) francs cfa. Elles offrent aux pêcheurs une double possibilité au niveau des formules de

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    propulsion à savoir par le truchement de la pagaie ou du moteur hors bord. Le choix de la formule d'usage est conditionné par la maîtrise de la manipulation des outils de propulsion, mais aussi les moyens financiers dont dispose le pêcheur. Elle est utilisée dans la pêche par les pêcheurs de toutes les communautés en présence.

    II-1-2-Les grandes pirogues à planches rassemblées

    Cette dernière catégorie de d'engin de déplacement est la forme agrandie des petites pirogues à planches rassemblées. Elle est propulsée uniquement par les moteurs au regard de sa taille et de sa capacité à contenir de grandes charges. Cet outil de déplacement représente la plus grande pirogue employée dans la pêche artisanale dans toutes les pêcheries de Nziou et de Londji I. Cette catégorie de pirogue a une longueur supérieure à 8 m et inférieur à 12 m. Le prix d'achat varie entre 300000(trois cent mille) et 400000(quatre cent mille) FCFA.

    Photo 20: Petite pirogue en planches rassemblées. Photo 21: Grande pirogue en planches rassemblées

    Source: Mvetumbo (Londji I, 2011). Source: Mvetumbo(Nziou, 2011).

    Cette pirogue est essentiellement utilisée en haute mer et joue une multiplicité de rôles. Elle sert de lieu de stockage du poisson, de lit aux pêcheurs au cours des longues opérations de pêche (nous faisons ici référence à la pêche de trois jours), sert également de cuisine, étant donné que certains pêcheurs ont une préférence pour la cuisson de leur repas en mer. Ces deux dernières catégories de pirogues, sont fabriquées par les Nigérians de qui dépendent tous les pêcheurs de la localité souhaitant acquérir ces modèles de moyen de déplacement. Leur savoir-faire dans le domaine est reconnu par tous les pêcheurs, tout comme l'ensemble des populations et autorités.

    Les nigérians, sont les professionnels en la matière. Pour l'instant, ils sont les seuls spécialistes en montage des pirogues à moteur à Kribi comme dans les localités environnantes. Les Camerounais n'ont pas encore l'expertise nécessaire pour la confection de ce type de pirogue. Ces derniers ne perçoivent jamais du bon oeil une initiative visant à promouvoir des échanges d'expériences dans le domaine. Ils sont trop fermés (NANA, Directeur de la CECOPAK, Kribi, le 21/12/2010).

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    Cette ingéniosité va du montage des pirogues à la commercialisation en passant par le suivi permanent (dépannage) comme l'a si bien relevé cet informateur Batanga: «Si nous voulons les pirogues à moteur, nous achetons chez les Nigérians. Ils sont les seuls qui fabriquent. Il y a un nigérian qui ravitaille notre localité. Un Nigérian de Calabar. C'est lui qui vend et dépanne les pirogues ici» (NANGA Jean, Pêcheur, Batanga, Londji I, le 19/12/2010).

    Pour les pêcheurs, ces pirogues étant propulsées par un moteur, leur donnent l'opportunité de pallier à certaines difficultés mentionnées au niveau de l'emploi de la pirogue monoxyle. Il y a de ce fait la possibilité d'effectuer de très longues distances en mer, de transporter de lourdes charges, d'assurer le transport des personnes. Avec l'intensification des captures, les pêcheurs estiment que l'état des ressources halieutiques n'est plus du tout le même. A cet effet, pour atteindre et exploiter efficacement les zones poissonneuses situées à des distances sensiblement avancées en mer, l'emploi des matériels de pointe dont la pirogue à moteur (en fait partie) est devenu incontournable. C'est pourquoi, bien qu' étant au départ, utilisées exclusivement par les pêcheurs béninois et nigérians, ces pirogues sont de nos jours employées par tous les acteurs.

    III-2-3-La diversité des filets

    Dans le quotidien des populations de notre zone d'étude, les filets font partie des moyens de travail dont a besoin tout pêcheur afin d'assurer sa survie. Ainsi en fonction des zones de pêche, la diversité des espèces de poissons disponibles, chaque pêcheur est appelé à disposer de moyens diversifiés ou d'adopter une technologie particulière. En terme de filets employés, nous avons entre autres les filets du bar, des fritures, des halloge, la grande pêche...).

    Photo 22: Filets `'bilolo» et friture Photo 23: Filets bar Photo 24: Grande pêche

    Source: Mvetumbo (2011) Source: Mvetumbo (2011) Source: Mvetumbo (2011)

    En toute saison et en fonction des moyens économiques, chaque acteur de pêche peut disposer de cet ensemble de matériels afin de rester en activité quelle qu'en soit l'espèce de poisson disponible. Ils sont essentiellement issus des exportations et commercialisés au niveau local par le centre de pêche de Kribi ainsi que les détenteurs des quincailleries.

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    III-METHODES DE CONSERVATION EMERGENTES DU POISSON DANS LES LOCALITES DE NZIOU ET DE LONDJI I.

    La conservation des produits halieutiques après la capture prend des formes spécifiques en fonction des espaces où se trouve le pêcheur. Ce dernier procède par l'usage de la glace, de la conservation au niveau de la chambre froide et le séchage par le fumage.

    III-1-La conservation en mer

    Les pêcheurs équipés de pirogues motorisées, prennent lors de leur sortie en mer des congélateurs usés contenant des glaçons, le tout étant utilisé comme bac réfrigérant pour préserver la fraîcheur du poisson et de réduire de manière significative les pertes. Comme l'a révélé une étude antérieure (BRIGITTE, M. et al 2005:8), la détérioration du poisson progresse rapidement après la pêche. Dans le secteur de la pêche artisanale au Cameroun, de nombreuses pertes de poissons surviennent après les captures. Cependant, l'une des bonnes pratiques de pêche qui abîme très peu le poisson est la réfrigération, au moyen de la glace. Ce qui permet ainsi de prolonger la durée de conservation du poisson frais. Les glaçons sont produits et commercialisés dans les multiples chambres froides de la localité qui se recrutent notamment au niveau de la plage de Londji I, au centre ville de Kribi. Pour les plus petites pirogues à rame (monoxyles), aucun système de conservation en mer n'est utilisé étant donné que leur durée de sortie en mer ne dépasse guère une journée. Il en est de même des pêches de rives à l'instar du `'tirez-tirez» ou senne de plage, la pêche à la ligne, la pêche à la palangre dont les opérations complètes s'étendent sur une durée assez courte.

    Une fois revenus dans les campements, les pêcheurs ont trois possibilités majeures pour gérer leurs produits de pêche. La première consiste à commercialiser directement le poisson frais sur place, aux divers clients présents. La seconde possibilité consiste en leur conservation dans les chambres froides tandis que la troisième option sera de procéder au séchage par le biais du fumage.

    III-2-Caractéristiques de la conservation sur terre

    La conservation du poisson sur terre se fait par le biais de l'emploi de plusieurs méthodes à savoir: le fumage et l'usage des chambres froides.

    III-2-1-Chambre froide

    Dans le village Londji I, les pêcheurs bénéficient de quatre chambres froides, qui leur servent de lieux de conservation dès leur retour de la mer. Grâce à leur émergence, l'adoption des modes de pêche long séjour va sans cesse croissante. Ce sont ces mêmes points qui les ravitaillent en glace avant leur départ à la pêche. Ces unités sont opérationnelles 24h /24 et

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    favorisent une bonne conservation du poisson provenant des pirogues qui ont accosté la nuit. Il en est de même des poissons commandés dont les pirogues ont accosté avant l'arrivée des clients préférentiels. Ce sont des points communément partagés par l'ensemble des pêcheurs de la localité. Le facteur commun ici étant l'échange des services et des devises.

    III-2-2-Fumage du poisson

    Le fumage est avant tout un processus, dans lequel l'air servant à déshydrater le poisson est préchauffé à l'aide d'un feu de bois. La fumée, qui modifie considérablement le goût du poisson, joue également un rôle d'«agent de conservation» (BABA, M., 1985:79). Il est une formule bon marché, consomme peu d'énergie, nécessite un combustible, exige peu d'équipement, favorise la conservation d'une qualité et d'une valeur nutritive raisonnables. Au sein des communautés de pêcheurs de Nziou et de Londji I, plusieurs outils et techniques de fumage ont progressivement intégré les stratégies traditionnelles de conservation du poisson par le fumage. Parmi ces techniques introduites, nous avons noté le fumage sur les «banda» et le fumage amélioré.

    III-2-2-1-Le fumage sur les «banda» ou fumoirs à larges dimensions

    Les fumoirs «banda» ou fumoirs en piquet de grande taille, ont des dimensions comprises entre 5 et 15 m. Ils permettent aux ressortissantes nigérianes (majoritairement) de fumer le `'mbounga» (Ethmalosa fimbriata) en grande quantité. Ces dernières sont d'ailleurs les grossistes et les Camerounaises les détaillantes. Le `'mbounga» (Ethmalosa fimbriata) est un poisson dont la capture est souvent massive et de ce fait, les fumoirs à larges dimensions ont semblé nécessaires pour relever le défit. Ce fumoir a comme avantage, le fait qu'il soit confectionné uniquement à base des matériaux locaux, ce qui donne la possibilité à chaque personne de se l'offrir en toute période de l'année. Cet outil a une très grande capacité étant donné qu'il peut contenir beaucoup de poissons. Pour illustrer cet atout, suivons ce témoignage de cette informatrice du village Londji I: «Mon fumoir est large et long, lorsqu'il y a du poisson, je peux fumer même le poisson de 300000 là dessus» (MOUODOUKOUE ADENY, Fumeuse, Nigériane, Londji I, le 10/01/2011). C'est ce fumoir qui a permis en partie aux ressortissantes nigérianes implantées dans les diverses pêcheries de Londji I, de jouer un rôle central dans le circuit de commercialisation du poisson fumé avec comme point de repère, leur main mise sur l'espèce mbounga (Ethmalosa fimbriata) dont tous les résidents de la zone reconnaissent leur hégémonie.

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    Photo 25: Fumoir en piquet de grandes dimensions. Source: Mvetumbo (Londji I, 2011).

    Comme contraintes, nos informateurs révèlent que les fumoirs «banda» consomment assez de bois et prolongent la durée de fumage à cause de ses nombreuses ouvertures. Le fumage du `'mbounga» (Ethmalosa fimbriata) à titre d'exemple s'étend sur trois jours et nécessite une surveillance permanente. Les utilisatrices ont à cet effet mentionné à plusieurs reprises les cas d'incendie qu'il est susceptible de provoquer. En effet, au cours du fumage, la chaleur que provoquent les flammes peut aisément entrer en contact avec la graisse rejetée par le poisson. Ce fumoir occupe de grands espaces dans les ménages et dégage assez de fumée et de chaleur.

    III-2-2-2-Le fumage amélioré

    La source énergétique à base de bois représente un intrant fort important dans les charges de transformation par le fumage. Son usage et son impact constituent une étape décisive dans l'évolution des technologies de la conservation du poisson. C'est dans ce contexte qu'est introduit le fumoir amélioré dans les habitudes des fumeuses de nos sites d'étude. Il est une construction faite d'un mélange de matière locale et moderne. Cette technologie est introduite dans les villages Nziou et londji I par L'OPED (Organisation Pour l'Environnement et le Développement Durable) avec le financement de la BAD (Banque Africaine de Développement) et du CBFF (Fond Forestier pour le Bassin du Congo) dans le cadre du projet «Alternatives à la destruction des mangroves pour le bien être des femmes de l'Afrique centrale». Il est construit à base des briques de terre et du ciment. Sa mise en oeuvre s'opère avec la participation d'une multitude de personnes. Au niveau de Nziou et de Londji I, les villageois frappent les briques et le montage est assuré par un maçon tandis que les femmes et les enfants puisent de l'eau nécessaire pour le montage du fumoir.

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    En ce qui concerne les structures des fumoirs, notons qu'elles sont de forme rectangulaire avec des longueurs qui sont fonctionnelles des différents types rencontrés. Ils sont au nombre de quatre. Ces modèles correspondent aux différents types essentiels avec les mesures ci-après.

    Nombre de fumoirs

    Longueur

    Largeur

    Hauteur

    Nombre d'entrées

    Fumoir à un foyer

    120 cm

    85 cm

    100 cm

    01

    Fumoir à deux foyers

    225 cm

    85 cm

    100 cm

    02

    Fumoir à trois foyers

    330 cm

    85 cm

    100 cm

    03

    Fumoir à quatre foyers

    435 cm

    85 cm

    100 cm

    04

     

    Tableau 6: Récapitulatif des dimensions de quelques modèles fumoirs améliorés Source: OPED(2010).

    Ils sont couverts des grillages en fer sur lesquels les fumeuses déposent le poisson avant de débuter le fumage.

    Photo 26: Modèle de fumoir amélioré à un foyer Photo 27: Modèle de fumoir a quatre foyers

    Source: Mvetumbo (Londji I, 2011). Source: Mvetumbo (Nziou, 2011).

    A Nziou tout comme du côté Londji I, toutes les communautés de fumeuses l'utilisent et lui accordent un certain nombre d'intérêts liés à la réduction des quantités de bois utilisées dans le séchage du poisson, au gain de temps, la réduction des méfaits de la fumée et à la bonne canalisation de la chaleur comme en témoigne cette fumeuse du village Londji I:

    Ce fumoir fait beaucoup de chaleur à l'intérieur et nous permet de fumer beaucoup de poissons mbounga. Quand j'utilisais seulement le fumoir ancien pouvait mettre trois jours sur le fumoir. Maintenant comme je fume aussi sur le fumoir amélioré, je mets le

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    poisson au feu, à midi je tourne et en soirée, mon poisson est déjà bien fumé. (MAHEMO MARIE, Fumeuse, Nigériane, Londji I, le 18/12/2011).

    A travers ses murs opaques, il accroît la possibilité d'utiliser les sous produits de bois (copeau, sciure...) et les écailles de poisson, les brous des noix de coco. Ainsi, en réduisant de manière significative le temps de fumage, il donne la possibilité aux fumeuses de multiplier le nombre de fumage hebdomadaire. Mais aussi il réduit de manière significative les dégâts de la chaleur surgissant au cours du processus de fumage. A ce sujet, les déclarations de cette informatrice constituent une parfaite illustration:

    Ici au village, les fumeuses souffrent avec le problème de chaleur et de fumée qui proviennent tous les jours de nos fumoirs. Depuis que les fumoirs améliorés sont là, personnellement, j'ai moins de problèmes liés à la fumée, je consomme mois de lait et de bière, car je sens mois chaud pendant le fumage (NGOUNDI ANNE, Fumeuse, Mabi, Nziou, le 13/01/2011).

    Cette technologie de fumage n'est pas sans inconvénient. En effet, les coûts de montage sont très élevés, par conséquent ne sont pas à la portée du citoyen moyen. Ils ont un espace de fumage pas assez grand comme certains fumoirs «traditionnels». Mais aussi, son emploi nécessite une formation préalable et une sensibilisation permanente, au cas contraire, ils sont susceptibles d'engendrer des pertes énormes.

    III-2-2-3-Spécificités des fumeuses nigérianes et béninoises

    Les fumeuses béninoises ont une technique particulière et très attrayante de fumer leurs poissons. Elle est soutenue par un alignement millimétré suivi de l'utilisation des sources coloratrices complémentaires au bois. Au niveau de l'alignement, pour ce qui est par exemple du `'bilolo» (Sardinella maderensis) leur espèce phare de fumage, ces dernières ont deux positions particulières de fumage selon que le poisson est écaillé ou non. Interrogée sur les spécificités de cette méthode de fumage, une informatrice béninoise nous a donné la description suivante:

    Lorsque le poisson revient de la mer, j'ai deux manières de fumer: je nettoie tout simplement ou, je l'écaille et je le nettoie avant de le fumer. Tout dépend en fait des commandes qui m'attendent. Pour fumer, j'allume d'abord un feu doux qui va progressivement devenir intensif. Si c'est le non écaillé, je place le poisson la tête vers le bas, c'est-à-dire la tête fixée dans le grillage et la queue tournée vers le haut. Dans ce cas, le poisson est aligné successivement en suivant les lignes de la gauche vers la droite ou de la droite vers la gauche. Entre les colonnes, je laisse un petit espace pour faciliter le passage de la chaleur. Pour ce qui est du poisson écaillé, quand je le nettoie et j'enlève les écailles, je dépose le poisson sur le grillage en pliant chaque fois de la main le poisson en rond. Ces ronds me permettent de mieux classer le poisson en suivant le même alignement. Avec cette méthode, je sais exactement après combien de temps je dois revenir tourner mon poisson. Le fumage est très rapide. Le poisson est bien serré sur la claie. Là, je peux fumer beaucoup de poisson au même moment, parce

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    que la chaleur traverse bien mon grillage de poisson, bien je peux aussi doubler d'autres grillages dessus. (AGLIN ANNE, Fumeuse, Béninoise, Nziou, le 18/12/2010).

    En suivant la verticale comme indiqué dans cette stratégie, les colonnes de poissons sont séparées entre elles par 1cm d'écart environ. Ces rangées se succèdent progressivement en partant d'un bout du grillage à un autre. Selon les informateurs, cette manière de disposer donne l'opportunité d'estimer aisément les quantités de poissons en fumage, mais également de fumer des quantités plus élevées de poisson en superposant sur une même surface au cours d'une même période. Pour le poisson écaillé, le procédé de classement est le même à la seule différence qu'au lieu de la station debout, le poisson est plié et posé sur la claie. Le principe d'alignement et du respect des écarts est rigoureusement respecté. Dans cette position avec l'écoulement rapide de l'eau, le rythme de fumage s'accélère et l'on peut aisément observer une harmonie dans le séchage du poisson. Ce style de travail a reçu un intéressement de plusieurs fumeuses et est aujourd'hui pratiqué et par les ressortissants béninois et les populations locales.

    Pour donner du goût au poisson, ces dernières ont introduit l'emploi d'un certain nombre de sources alternatives qui non seulement offre au poisson fumé une couleur et une saveur très appréciées, mais qui participe de manière efficiente au réglage des températures nécessaires pour un fumage homogène. Dans cette suite logique, l'on peut notre l'introduction de la paille et les écailles de poisson dans le processus de fumage, qui constituent une originalité des ressortissants béninois.

    Photo 28:Ecailles de poisson coloratrices Source: Mvetumbo(2010)

    Elles jouent un rôle spécifique dans la coloration du poisson. En effet, lorsque le poisson est déjà posé sur le grillage et le fumage suivant progressivement son cours, les fumeuses

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    injectent une dose d'écailles de poisson ou de la paille sur les braises ou les flammes (en fonction de la nature du bois utilisé dans le fumage). Leur entrée en jeu procure au poisson une couleur très attrayante ainsi qu'un goût apprécié à juste titre.

    D'une manière générale, chaque technique qu'elle soit ancienne ou nouvelle a ses spécificités du point de vue des populations de Londji I et de Nziou. A ce sujet, le choix d'une méthode de fumage est conditionné par un certain nombre de facteurs au rang desquels: la spécificité des espèces de poissons régulièrement fumées dans le ménage, la capacité des fours à contenir des quantités appréciables de poissons, l'espace disponible dans les cuisines ou dans les différentes concessions, la disponibilité des diverses ressources (humaine, matérielle, financière) nécessaires à sa confection et le degré d'implication dans l'activité de fumage de chaque groupe de fumeuses. Ces différents éléments nous permettent de comprendre pourquoi les fumeuses utilisent une ou plusieurs catégories de fumoirs.

    IV-PROCEDURE ET AGENTS DE TRANSMISSION DES CONNAISSANCES EN MATIERE DE CAPTURE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS HALIEUTIQUES DANS UN CONTEXTE PLURICULTUREL.

    Pour qu'un individu puisse acquérir des techniques qu'elles soient anciennes ou nouvelles, plusieurs modalités sont nécessaires. Afin de mieux cerner ces procédures, nous allons dans les lignes suivantes essayer de comprendre les itinéraires suivis par quelques uns de nos informateurs.

    IV-1-Etude de cas

    Pour une entrée en matière, nous proposons quelques études de cas de trois informateurs issus des grandes communautés d'acteurs de pêche des pêcheries de Nziou et de londji I. Cette séance vise à cerner les procédés d'initiation à l'activité de capture dans les divers groupes d'appartenance de chacun ainsi que la contribution de la cohabitation dans le processus d'acquisition ou de perfectionnement des nouvelles connaissances. Les réponses fournies viennent nous permettre d'appréhender deux préoccupations essentielles à savoir: Comment se sont opérés les premiers pas de chaque acteur dans la pêche ? Toutes les techniques de pêche proviennent-elles de l'entourage immédiat des intéressés?

    IV-1-1-Cas n° 1: MESSI JULES (Pêcheur, Mabi)

    MESSI Jules, est âgé de cinquante -et- un an. Il débute le métier de pêcheur à l'âge de dix ans par le biais de la pêche à la ligne. Spécialement motivé par la forte implication de son père dans la pêche et de sa mère dans l'activité de fumage du poisson, il a acquis les connaissances dans ce domaine auprès de son père et les a perfectionnées aux côtés des migrants béninois avec

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    qui, il a de très bons rapports tant sur terre qu'en mer. Ce dernier a formulé ses propos en ces termes:

    La première des choses sur la pêche que j'apprends comme tout enfant de chez nous, sur les techniques de pêche, c'est le montage de la canne à pêche, tailler le flotteur, fixer le hameçon sur un bâton, et un fil nylon. J'ai appris cela à partir de l'âge de dix ans et c'est mon père qui m'a montré tout ça. Après c'était au niveau de la plage où, j'ai appris à utiliser ma canne à pêche d'abord avec mon père les premiers jours qu'il me montrait comment je dois tenir la canne et comment le mettre dans l'eau et savoir qu'il y a quelque chose dessus (poisson ou objet accroché sur le hameçon).Mais quand je connaissais déjà, je pouvais maintenant pêcher seul ou avec mes amis. Pour pêcher en mer, il faut connaître la nage, c'est la nage qui sauve en cas de problème en mer. Quand j'étais tout petit, on m'amenait à la plage pour que je me lave avec les autres, mes grands m'ont appris à nager et quand je savais bien nager, quand je pouvais nager sur une distance de trente à quarante mètres dans la mer, mes parents ont compris que je connaissais déjà un peu la mer, ils m'ont appris à pagayer la pirogue d'abord au bord de la mer et après à l'intérieur de la mer. J'avais déjà quinze ans et c'est comme ça que j'ai commencé à assister mon père quand il partait pêcher. J'ai appris à mettre le filet dans l'eau, le retirer, enlever le poisson dessus. Aujourd'hui, je peux dire que je suis un pêcheur, un pêcheur complet.

    Non, toutes les techniques que j'utilise dans la pêche, je n'ai pas appris seulement avec mes parents, mais aussi avec les amis. Il y a la technique du sondage du poisson, que j'ai appris auprès des Béninois de la plage qui m'ont vraiment appris à le faire. Avant j'entendais les gens parler, mais je ne croyais pas du tout. Mais, quand j'avais embauché un Béninois dans ma pirogue et qu'on travaillait ensemble, il m'a vraiment appris à écouter le poisson et de connaître le type de poisson qui se trouve à l'endroit où je me trouve en mer. Avec ces gens, j'ai aussi appris la technique d'emprisonnement qui te permet d'encercler le poisson avec les filets (Nziou, le 22/01/2011).

    IV-1-2-Cas n° 2: HUBERT (Pêcheur, Popo)

    Pêcheur de nationalité béninoise, ce dernier est implanté dans la localité de Kribi depuis vingt cinq ans. Il a fait ses preuves de pêcheur dans plusieurs pêcheries de la localité et fort de son expérience et de son ancienneté dans le village, il est notable à la chefferie de Nziou. Doté de nombreuses techniques et connaissances sur la pêche, il est comparable à une institution de formation pour les pêcheurs qui le côtoient:

    Pour nous, la pêche est une activité qu'on naît avec, on grandit avec. Chez nous, on apprend à pêcher bébé, je fais la pêche depuis l'âge d'un an. Même celui que tu vois devant la pirogue sait déjà ce que c'est que le poisson. Même comme il ne part pas en mer, mais il sait déjà pêcher dans la tête. J'ai appris à monter le filet très tôt près de mon père .Il était même le plus grand pêcheur de toute la région de Kribi de Ngoye jusqu'à Mpalla quand on arrivait ici. J'apprenais aussi à émailler le poisson à la plage toujours avec mon père et mes frères. Après j'assistais mon père en mer, c'était au tour de l'âge de dix ou onze ans comme ça. Et à quatorze, ans je conduisais la pirogue quand mon père me donnait...

    Oui ; j'utilise les techniques que j'ai appris de mon père. Est-ce que les Batanga savent pêcher? Quant mon père arrivait ici, ils ne savaient pas pêcher. Ils utilisaient des

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    petites pirogues, on ne peut rien faire avec ça. Nos techniques, ça me va. Nous travaillons avec eux, nous les apprenons à pêcher (Nziou, le 15/01/2011).

    IV-1-3-Cas n° 3: WILLIAM GODWILL (Pêcheur, Calabar)

    Cet homme aux connaissances variées (pêcheur et fabricant de pirogue) est un jeune Nigérian né à Londji I en 1988, des parents nigérians. Il y réside depuis sa naissance et c'est aussi là qu'il a acquis l'ensemble des techniques dont il maîtrise. Depuis sept ans, il exerce comme pêcheur principal et est propriétaire d'une pirogue de taille moyenne.

    Quand j'étais petit, je voyais mon père travailler sur les filets tous les jours, il les arrangeait pour aller pêcher. Il m'a appris à faire comme lui, j'ai dont appris à arranger les filets comme lui. J'avais dix ans si je ne me trompe pas. A partir de quinze ans, il m'a appris à utiliser les rames dans l'eau, et j'apprenais quant il rentrait de la pêche. Quant il veut partir pêcher, je rame pour placer la pirogue sur la route de départ. Comme mon père avait aussi la pirogue à moteur, il m'a pris aussi, après, à conduire le moteur. Encore à dix sept dix huit ans, je partais avec mon père en mer et à 20 ans, je partais seul. Maintenant, j'ai ma pirogue et je travaille, je pêche quant il y a le poisson...

    Mon père m'a appris à pêcher, mais la pirogue, j'ai appris à fabriquer chez une autre personne. On n'est pas de la même famille, mais il est du Nigeria comme moi. Mais parfois on pêche ensemble avec les gens d'ici, ce sont nos amis (Londji I, le 13/01/2011).

    Chaque personne en fonction du type de savoir sollicité, des opportunités disponibles dans son contexte social suit un itinéraire qui lui est propre.

    IV-2-Personnes impliquées dans le processus transmission des connaissances dans le domaine de la pêche

    De ces différentes interventions, il ressort de prime à bord que le cercle familial constitue le premier stade d'acquisition et d'expérimentation des techniques en matière de pêche. Les parents engagés dans ce processus, sont porteurs des talents et des expériences spécifiques à leur culture que ces derniers inculquent à leurs progénitures. En ce sens, «L'apprentissage transmet tout ensemble savoirs efficaces, sens et identité» (SIGAUT, F., 1988:24 repris par SABINOT, C., 2008:5). Puisque, les premiers gestes et techniques acquis sont ceux qui sont mieux maîtrisés par les parents, mais aussi connus et valorisés dans le groupe d'appartenance. Dans une situation de cohabitation, de cogestion, mais surtout de quête de techniques de pointes, il existe des possibilités d'échange et de transfert des connaissances. Parmi les potentiels lieux d'apprentissage, figurent les embarcations, qui peuvent regrouper au cours d'une même opération de pêche, les personnes de même famille, de même communauté et/ou les personnes des communautés différentes. De ce fait, la nécessité d'acquérir de nouveaux savoirs émerge au niveau de chaque communauté afin d'élever son degré d'engagement et ses ambitions dans la

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    pêche. Pour concrétiser cela, chaque acteur de pêche est appelé hors des privilèges offerts par le travail en synergie, à y mettre du sien pour capter le plus rapidement possible les méthodes de travail qui présentent une certaine valeur à ses yeux.

    Dans un contexte marqué par une diversification des savoir-faire, nous avons remarqué qu'en fonction des matériels et des techniques employées dans la pêche et la conservation du poisson, plusieurs rapports lient les personnes en quête des savoirs nouveaux et les détenteurs de ces connaissances comme le synthétise le tableau ci-dessous.

    Domaines de
    connaissances

    Statut de l'apprenant dans le groupe d'appartenance

    Hameçon

    Fils, frères cadets du pêcheur (à la ligne, utilisateur de la canne à pêche et de la palangre).

    Filets

    Fils du pêcheur, neveu, cadets du pêcheur, personne neutre embauchée par le propriétaire du matériel de pêche (filet)

    Fabrication de la pirogue

    Fils, neveu du fabricant, personne neutre qui désire s'initier au montage de la pirogue.

    Montage des fumoirs

    Fils, neveu ou frère cadet de l'expert, un assistant de l'expert

    Fumage du poisson

    Fille, nièce ou soeur cadette d'une fumeuse de poisson

    Pêche en mer

    Fils, neveu, ami, assistant d'un pêcheur principal

    Pêche du poisson dans les cours d'eau

    Fils, neveu, ami du pêcheur

    Tissage des nasses

    Fils, fille, neveu et nièce du tisserand

    Pêche des crevettes d'eau douce

    Fils, fille, neveu et nièce du pêcheur des crevettes

    Manipulation de la pagaie

    Fils, fille, neveu, ami, assistant d'un pêcheur principal

     

    Tableau 7: Liens entre le détenteur du savoir et l'apprenant en rapport avec quelques objets.

    Les techniques que détiennent les parents s'acquièrent aisément tandis que celles ignorées par ces derniers nécessitent une intervention extérieure.

    Ce chapitre a présenté les techniques émergentes de capture et de conservation des ressources halieutiques dans les villages Nziou et Londji I. A cet effet, nous avons identifié au niveau des méthodes de capture, la pêche long séjour, le sondage, la technique d'encerclement. Au niveau de la conservation, la congélation s'est imposée comme le principal moyen tant en

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    mer qu'au retour de la pêche. A cela s'ajoute le séchage par le biais des fumoirs dotés d'une grande capacité de réception et favorisant une rapidité dans le fumage. Ces connaissances fruits des savoir-faire des différentes communautés se sont joints aux techniques endogènes existantes pour donner aux acteurs de pêche de la localité un éventail de formules d'exploitation des ressources halieutiques.

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    CHAPITRE V:

    CONTRIBUTION A UNE ANTHROPOLOGIE DE LA DYNAMIQUE DES TECHNIQUES DE PECHE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS DE PECHE

    Généralement, les littoraux constituent des espaces d'interfaces tant écologiques, qu'humains. De tout temps, peuplés ou traversés par des hommes de cultures et de langues différentes, ils sont des lieux où savoirs, savoir-faire et représentations symboliques sont en constante tension. Au sein des communautés de pêcheurs de Nziou et Londji I, plusieurs changements ont eu lieu au niveau des techniques de capture et de conservation des ressources halieutiques. Comprendre les manifestations, les raisons sous-jacentes à ces mutations ainsi que les potentiels impacts dans l'activité de pêche constitueront la quintessence ce chapitre.

    I-MANIFESTATION DES MUTATIONS DES SAVOIR-FAIRE EN MATIERE DE PECHE

    Suite aux contraintes environnementales manifestées par la carence, les techniques de pêche et de conservation du poisson ont profondément évolué vers des stratégies d'optimisation de la production et de la diminution des pertes après capture, le but ultime étant d'assurer une meilleure disponibilité des produits halieutiques destinés à l'alimentation et au commerce.

    I-1-Dynamiques des techniques de capture

    Dans la pêche de manière générale, la disponibilité de la ressource varie au cours de l'année, et avec elle la part relative des différentes espèces. Ce phénomène ne rythme pas seulement l'exploitation, il conditionne aussi l'adaptation des engins en fonction des espèces ciblées et du contexte environnemental. C'est en ce sens que l'on observe l'emploi massif de la technique de sondage, la technique d'emprisonnement, une intensification de l'usage des instruments sonores dans le processus d'identification des ressources halieutiques et la diversification des filets de pêche.

    L'on note aussi l'adoption tous azimuts du mode de pêche de trois jours, qui favorise en fonction de l'expérience et de l'équipement des pêcheurs, la capture massive du poisson, ceci

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    grâce aux multiples opérations de captures orchestrées pendant ces longues heures. Le principe de pêche est simple, selon ces derniers en effet, après avoir bien circonscrit la zone de pêche, les filets sont retirés et replongés dans l'eau en moyenne toutes les six heures de temps, juste le temps d'émailler le poisson et de procéder à une nouvelle introduction. Il leur permet en trois jours d'effectuer entre six et huit opérations de capture. Pour ces derniers, ce mode de pêche a émergé dans la localité à la suite de l'implantation des pêcheurs nigérians et béninois avec pour conséquence directe, la concurrence et la raréfaction des ressources. Et pour réussir dans cet environnement de défi, les pêcheurs locaux n'ont pas résisté au charme de la méthode de pêche dont la rentabilité est considérable. Les voyages des pêcheurs en mer chaque lundi et jeudi après midi constituent une preuve tangible de l'uniformisation des calendriers du côté de Londji I. Cependant dans le village Nziou, bien que la pratique soit en vigueur, aucun calendrier spécifique commun n'est établi, chaque groupe de pêcheur prend ses initiatives du jour et des heures de départ et d'accostage.

    Toutes ces techniques endogènes comme exogènes doivent leur succès en dehors de la qualité d'attraction de chaque matériel employé, aux savoir-faire des acteurs de pêche sur le quotidien du poisson. En effet, dans le processus d'exploitation des ressources halieutiques, les pêcheurs de Nziou et de Londji I ont une connaissance élargie sur la répartition des espèces de poissons d'eau douce et de mer en fonction de la profondeur de l'eau, les heures de repos et de déplacement, les modes et périodes de reproduction. La spécificité des savoirs sur l'éthologie de la proie du pêcheur fit dire DESCOLA dans une étude sur l'activité de chasse que «L'essentiel de l'art cynégétique chez les Achuar, comme dans de nombreuses autres sociétés ne réside pas tant dans l'habileté à se servir des armes que dans la connaissance approfondie des moeurs et du comportement des animaux chassés» (DESCOLA, P., 1994:293) repris par CHLOUS D. (2005:52). La maîtrise de ces divers paramètres permet aux acteurs de pêche de tirer profit de leurs différentes opérations de pêche garantissant par là, la survie de toute la filière.

    I-2-Adoption des nouveaux engins de déplacement

    Au niveau des engins de déplacement dans les eaux, les pirogues à moteur ont progressivement intégré les pratiques de pêche des populations du village Londji I avec l'arrivée des migrants nigérians (BROCHET, A. et KOHPE, M., 2007:5), tandis que les ressortissants béninois en ont assuré la promotion dans le village Nziou. Ce matériel permet de nos jours à la grande partie des pêcheurs de parcourir de très longues distances en un temps relativement réduit. Il donne ainsi l'occasion de sillonner plusieurs zones au cours d'une expédition de pêche. Ce moyen de locomotion se présente comme une solution efficace face à la pêche intensive ayant conduit à l`éloignement progressive des ressources halieutiques. Cette adoption massive des

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    pirogues à moteur fait disparaître progressivement l'emploi des pirogues dites «traditionnelles» et par conséquent les savoir-faire utilisés dans leur confection.

    I-3-Dynamique des techniques de conservation

    Les techniques de conservation en mer comme sur terre ont subi des modifications non négligeables. Au niveau de la capture du poisson, la congélation s'est imposée comme indispensable dans la pêche `'long séjour» ou `'pêche de trois jours». En effet, l'emploi des congélateurs favorise la conservation du poisson en mer pendant une longue période. Elle est pratiquée dans les villages Nziou et Londji I par les Camerounais, Béninois et Nigérians. Au niveau des techniques de conservation, le fumage reste le principal moyen dont s'en servent les populations pour retarder la dégradation rapide du poisson après capture. Dans cet exercice, une tendance à l'adoption des fumoirs `'banda» de grandes dimensions pour leur forte capacité de réception et les fumoirs améliorés pour leurs multiples avantages tant sur la santé que sur l'accroissement du chiffre d'affaire des utilisatrices est visible sur le terrain. Pour ce qui est du procédé d'obtention des produits fumés de qualité, le croissement des expériences issues des diverses communautés présentes, conduit à une homogénéisation des pratiques de fumage. Si BRIGITTE M. et al. (2005:50) révèle que la meilleure fumée pour le séchage s'obtient à base du feu de copeaux de bois et de morceaux de bois dur, nous avons noté une convergence générale sur l'emploi des mêmes sources d'énergie dont l'azobe (Lophira alata), le sambi (Uapaca spp.) mais aussi des sources complémentaires aux spécificités variées au rang desquels les écailles de poisson et la paille fraîche, sources d'énergie complémentaires qui constituent des essences d'esthétique traditionnelle employées en Afrique de l'ouest et dont les ressortissantes béninoises en ont fait la promotion.

    Mais aussi le copeau, les peaux de banane séchées, les peaux de manioc, les débris des troncs des noix de coco ainsi que son brou relevant du savoir-faire local, sont aussi employées pour leurs vertus gustatives et coloratrices. Lorsque ces sources additionnelles sont beaucoup sèches et facilement volatilisables, les fumeuses les aspergent des jets d'eaux avant de les introduire dans le foyer. Ce qui leur donne de maîtriser l'intensité des flammes en réduisant de manière significative le degré de consumation du bois. Mais aussi permet d'assurer une coloration approfondie et harmonieuse des produits en fumage. Le but ultime dans ces opérations de charme étant obtenir à la fin des produits fumés conformes aux aspirations alimentaires des populations car, le choix alimentaire de l'Homme doit avant toute chose répondre à des besoins nutritionnels guidés par des stimuli internes et satisfaire sa faim. Selon DE GARINE I. (1979:74) reprenant MAGNEN J. (1951) et TREMOLIERE J. (1956), les nourritures qu'«ingère l'Homme doivent posséder certains caractères sur le plan de l'odeur, de la saveur et du toucher

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    et satisfaire son appétit, c'est-à-dire son désire de renouveler une expérience sensorielle agréable et de retrouver son bien être consécutif à l'alimentation». Sur le plan commercial, cette même devise constitue un atout significatif qui influence le choix des consommateurs.

    II-FACTEURS DE PROPAGATION DES NOUVELLES TECHNIQUES DE PECHE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS HALIEUTIQUES

    Au sein des communautés de pêcheurs de Nziou et de Londji I, les techniques de pêche et de conservation du poisson se modifient et se restructurent au jour le jour. Cependant, pour que cette intégration soit effective, plusieurs facteurs pouvant entraîner les changements entrent en jeux. Ces derniers se structurent en facteurs endogènes et exogènes.

    II-1-Facteurs endogènes

    Parmi les facteurs qui sont endogènes à la vie socioculturelle des populations de Nziou et de Londji I, figurent la place prépondérante des ressources halieutiques dans leur alimentation, les mariages interethniques, le faible intérêt accordé aux rites relatifs à l'activité de pêche...

    II-1-1-Place du poisson dans la médecine et l'alimentation des populations de Nziou et de Londji I

    Les poissons jouent de multiples rôles dans le quotidien des populations. Sur le plan médicinal, ils peuvent remplir des fonctions significatives dans le processus de quête de santé, ceci en fonction de la spécificité des espèces et de la nature de la maladie dont souffre le patient. A ce sujet les informateurs notamment les ressortissants Popo du Benin nous ont expliqué que le poisson communément appelé tétrodon (Tétraondon biocellatus) loin de la saveur, du goût qu'il procure aux consommateurs, est un poisson plein de vertus médicinales. En effet, lorsque qu'il est capturé, la peau est séparée de la chair au retour dans les ménages. La poudre obtenue de la peau séchée mélangée à de l'huile rouge constitue un puissant remède contre la toux. Toutes les douleurs pouvant survenir au niveau de la gorge peuvent aussi être soulagées si le patient adopte le même traitement. Certains dont les noms échappent aux informations sont reconnus des populations à partir des fonctions qu'ils remplissent. C'est pourquoi, leur efficacité n'a jamais fait l'objet d'aucun doute aux personnes qui en font usage. Ainsi, en parlant des poissons aux vertus thérapeutiques, un informateur nous a révélé les propos ci-dessous:

    Il y a un poisson de mer, semblable à la tortue, lorsque tu finis de le manger, tu sèches sa carapace au soleil, elle coule de l'huile. Cette huile a beaucoup de vertus médicinales. Elle est utilisée pour soigner plusieurs maladies, comme le palu ou n'importe quelle maladie. La composition dépend du mal. Si l'enfant chauffe la nuit par exemple, tu peux utiliser ce liquide pour le oindre avec. S'il y a la présence des mauvais esprits dans la maison, tu peux aussi utiliser cela et tu seras épargné. (CASSA, Pêcheur, Popo, Nziou, 20/01/201).

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    Toujours dans ce même sillage, SABINOT C. (2008:94) en évoquant les thérapies faites à base du poisson, remarquait déjà que le poisson-globe, (Ephippion guttiferum) remplit de nombreuses fonctions médicales chez les Popo la Nyanga au Gabon. En effet, si les douleurs dues à une angine ou à tout autre phénomène entraînant l'obstruction de l'oesophage ou de la trachée surviennent, le patient peut prélever un morceau de la peau séchée de ce poisson, la griller au feu, la piler et la mélanger avec un peu d'huile de palme, et ingérer cette mixture afin que l'obstruction disparaisse. Aussi, certaines populations estiment que la consommation régulière du poisson salé est un stabilisateur des crises de tension. Afin de réduire la carence des espèces de poissons sollicitées dans la médecine, un ajustement des techniques d'exploitation et de conservation a constitué une nécessité pour les détenteurs de ces savoirs.

    Pour ce qui est des retombés bénéfiques des ressources halieutiques dans les menus des consommateurs, certaines études révélaient déjà que dans l'alimentation de bien des populations africaines, le poisson joue un rôle de premier plan, tant par sa valeur nutritive que par sa quantité et son prix (BABA, M., 1985:1). Les populations de Nziou et de Londji I n'échappent pas à cette règle. Car, un coup d'oeil dans le répertoire culinaire des groupes ethniques majoritaires de ces villages à savoir les Batanga et les Mabi, nous donne de cerner la place prépondérante du poisson dans leur vie quotidienne.

    Chez les Mabi, l'on peut noter la récurrence du «Doumbobi» (un bouillon ou sauce naturelle composée du poisson frais assaisonné du piment, du sel, du citron) , du «Doumboka» (mets de poisson constitué du poisson frais assaisonné du piment , du citron, du sel suivi de son emballage et de sa cuisson dans une marmite ou sur de la braise), du «Ndtoua » ou sauce de mango sauvage (Irvingia Gaboneesis) qui n'est autre qu'une combinaison de sauce tomate mélangée à la patte de mango sauvage et du poisson grillé, du «maban» est le poisson fumé pimenté...Chez les Batanga, plusieurs mets meublent leur menu quotidien. Au rang de ceux-ci figurent: l'«Ebanjéa» et le «Djomba» dont les modes de cuisson sont similaires respectivement à ceux du «Doumbobi» et du «Doumboka» décrit plus haut, le «N'ñukou» (sauce faite de noix, de poisson, du sel et du piment) constituent des mets les plus régulièrement consommés. Tous ont comme trait commun ou élément de base, le poisson et en majorité du poisson fraîchement capturé. Nous ne saurions oublier dans ce sillage de mentionner le poisson braisé ainsi que d'autres sauces ordinaires dont le poisson en constitue un élément indispensable.

    D'une manière générale, l'on observe que le poisson constitue une denrée d'appoint, un aliment de base fortement valorisé, ce que DE GARINE I. (1979:79) reprenant JILLIFFE D. (1967) appelle «une super-nourriture culturelle». Le degré de disponibilité permanente de cette

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    ressource assure une certaine stabilité des régimes alimentaires des populations concernées tandis que situation contraire est perçue comme une crise. A ce sujet, FROMENT A. (1996:41) reprenant MIRACLE M. (1961) et PAGEZY H. (1982) affirmait que: «Une raréfaction saisonnière du super-aliment le plus valorisé, comme la viande en forêt ou le poisson sur la côte, induit un sentiment de faim...» pour les populations de chacune de ces sociétés respectives. Notre séjour sur le terrain nous a permis de faire le même constat au niveau des préférences alimentaires ainsi que de leur rythme de consommation par les informateurs. En effet, la consommation moyenne des mets à base du poisson frais est de 4 fois environ par semaine en période d'abondance, contre 2 en période de vache maigre. A juste titre, afin d'assurer la disponibilité de cette denrée dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I, et ceci dans un contexte marqué par la pénurie et la concurrence accrue entre les différents acteurs de pêche en présence, le concours des savoir-faire nouveaux n'a pas rencontré de réticences majeures. Dans cette perspective, la fusion des techniques de diverses origines vient répondre dans une certaine mesure aux aspirations naturelles des populations de satisfaire leur besoin en aliments, car dans toutes les sociétés, «la quête alimentaire est au centre des activités de l'homme à la recherche de sa subsistance...» (DE GARINE, I., 1996:26).

    II-1-2-Mariage interethnique et intercommunautaire

    Plusieurs alliances matrimoniales sont contractées entre les locaux et les étrangers. Pour une fille, accepter devenir l'épouse d'un pêcheur béninois et/ou nigérian est un signe d'engagement dans l'activité de pêche au regard du degré d'implication de ces communautés dans la filière, mais aussi de la place qu'occupent leurs épouses dans le circuit de commercialisation. Il ouvre la voie à des horizons divers dont les relations entre les membres des familles unis par cette alliance, fait naître des rapports préférentiels entre les deux blocs dans les échanges des biens, des offres d'emploi ainsi que des savoirs. En donnant une perspective nouvelle aux relations entre les familles unies par le lien du mariage, il donne confiance à l'entourage des personnes concernées, l'opportunité de mieux se connaître et d'apprendre la manière et les techniques des autres. Tous ces différents paramètres engendrent l'élargissement du réseau social de formateurs dans les différents secteurs de l'activité de pêche et font disséminer les savoirs. Nous comprenons dont pourquoi selon SABINOT C. (2008:327) reprenant GERARD L. (2003), «l'apprentissage culturel est entièrement pris dans l'écheveau des relations quotidiennes» tant entre les Hommes par le biais de leurs différents liens dont le mariage en constitue un, qu'entre ces derniers et leur environnement immédiat d'où provient l'essentiel de leurs ressources alimentaires et économiques.

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    Ainsi au niveau du transfert des savoirs en matière de pêche et de fumage, les Nigérianes et Béninoises venues en mariages dans les ménages autochtones amènent avec elles, leur savoir-faire en matière de disposition du poisson ainsi que les connaissances sur l'emploi des sources énergétiques à forte vertu coloratrice et gustative. La spécificité de leur connaissance dans ce domaine est reconnue de tous. C'est en ce sens qu'une informatrice a exprimé toute sa fierté d'avoir à ses côtés une talentueuse fumeuse nigériane comme belle soeur: «Nous avons notre Nigériane dans la famille, la femme de mon frère, elle nous apprend beaucoup de choses sur le fumage du mbounga» (NGAH JULIE, Fumeuse, Batanga, Londji I, le18/12/2010).

    En même temps, les autochtones parties en mariage dans les communautés (béninoise et nigériane), acquièrent les premières le fumage intensif en vigueur au sein de ces groupes, sont les premières à adopter les fumoirs banda de grandes dimensions, et à se spécialiser dans le fumage de certaines espèces de poisson à titre illustratif, le mbounga (Ethmalosa fimbriata) dont les nigérianes sont désignées comme étant les leaders. En même temps, elles restent porteuses des techniques en vigueur dans leur groupe d'origine. C'est ainsi que, le fumage du «maban» (ou poisson fumé pimenté) dans un premier temps n'était assuré au niveau des campements nigérians que par les ressortissantes camerounaises en mariage. Mais, avec le temps, il a progressivement intégré les habitudes alimentaires de ces derniers. D'une manière générale, ces différentes relations viennent agrandir le cadre de concertation entre les acteurs de pêche et par ricochet, ouvrent un boulevard au changement des techniques de travail.

    II-1-3-Les rites en rapport avec l'activité de pêche de moins en moins valorisés

    Dans les sociétés traditionnelles africaines, l'un des fondements majeurs de la durabilité des ressources repose sur les croyances surnaturelles portées sur les entités divines toutes puissantes et garantes de leur subsistance. Il est de ce fait indéniable de reconnaître avec DEBOUVRY P. (1998:46) repris par FOUKOU G. (2003:97) qu'en Afrique, l'environnement naturel fait partie de la cosmogonie traditionnelle et devrait être géré comme tel. Terre- ciel- eau, divinités majeures ou éléments sacralisés, sont peuplés de génies bons ou malfaisants, intermédiaires entre les divinités et les hommes. Ils leur dictent comportements, principes et interdits. Dans ce sillage et pour revenir aux pêcheries de Nziou et de Londji I, les ressources halieutiques appartiennent aux divinités, aux «dieux de la mer» reconnus sous la désignation de «déesses de mer» ou «mami water» envers qui les rites ont été initiés depuis les temps anciens , afin de régler les situations de désharmonie entre les vivants et le monde divin, de solliciter leur soutien dans les circonstances d'incertitude. En effet, «pour mener à bien et à terme leur projet de vivre, satisfaire leurs besoins primaires, basiques, organiques, fondamentaux, secondaires et sociaux, les hommes exercent leur intelligence sur l'environnement naturel dans lequel ils

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    vivent; ils inventent des pratiques, des institutions[...]» MBONJI E.(2009:9-10). Dans ce sillage, STRAUSS L. (1964: 343) estime à juste titre que: «Les rites apparaissent comme un »para-langage» [...] les rites offrent à l'homme, le moyen, soit de modifier une situation pratique, soit de désigner et de la décrire». Dans les villages Nziou et Londji I, ceux vers qui sont orientés les sacrifices ont les possibilités d'agir positivement ou négativement sur la disponibilité du poisson ainsi que sur la sécurité des hommes dans la mer. Seulement, pour atteindre cette fin, l'exploitation judicieuse des ressources doit s`opérer par l'adoption par les populations de pêcheurs, des attitudes qui respectent l'éthique liée à l'environnement marin. C'est en ce sens qu'en parlant des modalités d'exploitation paisible des espaces communs partagés entre les êtres visibles et invisibles (à l'instar de la mer), PAGEZY affirme que: «la gestion n'est pas seulement un problème purement pratique, elle est surtout une question philosophique... ce qui importe c'est d'éviter une gestion athée, une gestion qui ne vise que le profit privé, qui aborde le géré comme la propriété de Personne» PAGEZY H. (1996 :457) citant SINGLETON M. (1982: 84). A travers nos différents échanges avec les populations, il ressort que ces diverses dispositions bien appliquées constituaient par le passé une sorte de garantie quant à la disponibilité des ressources halieutiques pour les populations locales.

    Seulement, les pêcheurs dans leur immense majorité estiment que l'efficacité d'antan n'est plus de mise. Les rites sont pratiqués avec peu de résultats probants à la fin. En même temps, la carence du poisson s'intensifie. Les causes d'une telle situation sont imputables selon nos informateurs à l'esprit d'égoïsme qui anime certains pêcheurs ainsi qu'au recours aux forces magiques afin de maximiser les chances de capture au cours des opérations de pêche. Toutes des attitudes contraires aux normes éthiques recommandées par les «dieux de l'eau». A juste titre, un de nos informateurs du village Londji I estime en effet que:

    Ce rite perd de sa valeur parce que les gens ne respectent pas toujours les règles. Lorsqu'on demande aux gens de ne pas aller en mer, pendant une période, ils partent toujours .Ils ne peuvent pas supporter tous ces jours sans aller en mer. Ils partent avec leurs saletés. Ce qui fâche les dieux de l'eau .Quand cela arrive, Ils [les dieux de l'eau] se demandent si on est venu les tenter en faisant le rite. C'est pourquoi ils n'envoient pas le poisson. Si on le fait aujourd'hui et bien, et que les gens respectent les règles, il y aura beaucoup de poissons, le poisson viendra retrouver les gens sur la plage. Mais si les choses continuent comme elles sont, il n'y aura rien de bien (NGOUNDI LUC, Mabi, Londji I, Le 12-01-2011).

    A la question de savoir pourquoi certaines connaissances et pratiques ancestrales en rapport avec la pêche sont de moins en moins valorisées, les parents estiment que les jeunes sont devenus craintifs de la tradition, ceci sous l'effet des nouvelles églises et mais aussi de la modernité ambiante caractérisée par une montée en puissance des actions individuelles. Ces

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    derniers, dont le rôle dans le suivi des rites à travers la surveillance des eaux afin qu'elles ne soient violées par des inconnus mal intentionnés, sont de nos jours devenus les complices des personnes qui s'y rendent s'ils n'en font pas partie de ces équipes. Le souci principal de ces derniers comme tout citoyen dans une situation de crise, consiste désormais à défendre de prime à bord leurs intérêts personnels avant d'explorer dans quelle mesure le bien être collectif peut être pris en compte.

    Le travail au niveau du cercle familial n'est plus toujours la chose la mieux partagée par les différents membres qui le composent. En effet, les jeunes ont la possibilité de travailler en toute indépendance en occupant une fonction dans la nouvelle configuration (pêcheur principal, pêcheur assistant, de chargeur...) auprès des propriétaires des matériels de pêche implantés dans leur zone de résidence. Ceci réduit les possibilités d'encadrement parental permanent et conduit à une situation de méfiance entre les générations qui sur le plan de la transmission des valeurs culturelles n'est pas sans conséquence. C'est ainsi que les populations observent une disparition progressive des maîtres desdites cérémonies.

    Toujours dans la rubrique des causes, un doigt accusateur est porté sur les autorités traditionnelles censées conduire en toute honnêteté les cérémonies. Ces dernières se livrent quelquefois à des opérations d'escroquerie de la population au détriment d'une réelle communication avec le monde des ancêtres. En effet, bon nombre d'informateurs estiment que des contributions financières ont été exigées aux populations depuis environ dix mois et que malheureusement, rien n'a été fait de manière régulière dans le sens d'assurer ces dernières. En pareille situation d'incertitude, pour répondre aux besoins de subsistance, la voie du salut la plus recommandée reste pour bon nombre de pêcheurs, l'adoption des «techniques de pointes» et toutes les connaissances dont chaque acteur estime à même de lui permettre de mieux capitaliser ses efforts pendant le temps consacré à la pêche et /ou au fumage de poisson.

    II-2-Facteurs exogènes

    Au rang des facteurs de dynamique externe à la culture des populations locales, nous avons identifié entre autres le travail en équipe, la migration, la croissance de la demande dans lesdites localités, les projets de soutien en direction du secteur de pêche, etc....

    II-2-1-Le travail collaboratif entre les différents groupes de pêcheurs

    Dans le processus de transfert des savoir-faire entre les communautés en présence, le facteur d'une bonne cohabitation et des relations apaisées entre ces dernières ont joué un rôle remarquable. En effet, dans un processus dynamique, l'intimité et la proximité sociale entre les individus, apprenants et enseignants, constitue une dimension essentielle à l'apprentissage (SABINOT, C., 2008:307). La situation de collaboration entre les acteurs crée des opportunités

    92

    d'assistance, d'entraide et par ricochet des moments d'échange d'expérience sur les spécificités des différentes techniques de pêche et de conservation existantes. A ce sujet les propos reçus d'une béninoise en constituent une illustration parfaite : «A certains moments, ma voisine d'en haut vient souvent m'aider à classer quand j'ai beaucoup de poissons. C'est comme ça qu'elle classe déjà son poisson comme nous» (CASSA ERNESTINE, Fumeuse, Popo, Nziou, le 15/01/2012).

    Cette méthode, introduction béninoise fait l'unanimité au sein des populations du village Nziou. La preuve avec ce témoignage d'une fumeuse Batanga: «Ce que les femmes d'ici ont appris chez les Béninoises, c'est leur façon de disposer le poisson sur le grillage. Elles alignent bien leur poisson et ça leur permet de mettre une grande quantité de poisson parce qu'on peut facilement superposer. Avec cette méthode, on fume bien et rapidement» (EDJIDJE YVETTE, Batanga, le 10/01/2011). Elle permet ainsi aux uns et aux autres de compléter leurs savoir-faire ou de revoir tout simplement leur manière de procéder. La situation décrite dans le secteur de fumage est transposable au niveau de la pêche avec la proximité permanente des pêcheurs autochtones et migrants (Nigérians et Béninois) dans les mêmes embarcations de pêche, d'où la dissémination rapide des différents savoir-faire au sein de ces groupes de pêcheurs respectifs.

    II-2-2-La migration

    La migration génère la cohabitation et échange d'expériences entre les différents groupes humains qui participent dans l'exploitation des mêmes pêcheries. En évoquant la question sur les causes des changements techniques, une constante s'est dégagée en attribuant la majeure partie des innovations en matière de capture et de conservation des produits pêche à l'avènement des ressortissants ouest africains. Au rang des ces communautés à l'origine de ces savoirs nouveaux, figurent les pêcheurs béninois et nigérians. C'est ainsi que les expressions telles que «quand les Nigérians/Béninois sont arrivés», «les méthodes de fumage des Béninois», «c'est une introduction des nigérians», «ils étaient les premiers à...», sont apparues à plusieurs reprises au cours des entretiens que nous avons eus avec les informateurs autochtones ayant eu à un moment précis, des contacts permanents avec ces acteurs étrangers. A ce sujet et après observation sur le terrain, il nous est donné de remarquer que dans la panoplie des techniques utilisées dans notre zone d'étude, nombreuses sont introduites par le biais du contact interculturel entre les acteurs de ces différentes communautés.

    Au niveau du fumage à titre illustratif, le classement du poisson sur les claies a connu d'énormes mutations en quelques décennies de cohabitation des communautés camerounaises et celles étrangères. Interrogée sur les origines des changements relevés dans les pratiques de fumage, une fumeuse Mabi du village Nziou fait des remarques qu'elle résume en ces termes:

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    «Quand les béninois sont arrivés, nous avons vu leur façon d'arranger le poisson. Ils plient simplement et forment le rond avec leurs mains et classent sur la claie. Ça nous donne moins de travail et le fumage devient rapide. Nous avons dont vu que c'est la bonne méthode» (BINDELE MARCELLINE, Fumeuse, Mabi, Nziou, le 15/01/2012). Dans le même sillage, l'usage des fumoirs à grandes dimensions, l'usage des sources alternatives telles que: les écailles de poisson et la paille font partie du patrimoine technique exogène qui sont venues se greffer aux stratégies locales d'embellissement des produits fumés. Cette même situation est vécue dans le secteur de la pêche avec une multitude de stratégies et matériels de pêche à l'instar de la technique de sondage, la technique d'emprisonnement, la pêche long séjour, l'introduction de la motorisation.

    La dissémination rapide de ces techniques engendrée par une coexistence pacifique entre les acteurs de pêche originaires des cultures différentes, a significativement impacté les connaissances utilisées dans les pêcheries de Nziou et de Londji I. Chose normale puisqu' «en règle générale, la proximité des cultures quel qu'en soit le degré, joue comme un facteur positif qui facilite grandement l'acculturation» (ABOU, S., 1981:53) dont l'influence sur la dynamique des cultures est non négligeable. C'est à juste titre que les migrants contribuent par leurs méthodes de travail à la résolution de certaines contraintes existentielles dans les zones d'accueil (NEISHEIM, I. et al., 2006) comme c'est le cas dans les villages Nziou et Londji I. Car, outre leurs conséquences sur le fonctionnement des unités de pêche, ces acteurs ont une influence significative sur la diffusion de la technologie et les savoir-faire (CHABOUD, C. et CHARLEDSO, M., 1991).

    II-1-3-Croissance des besoins en ressources halieutiques dans la région

    Le poisson de Kribi qu'il soit frais ou fumé, est devenu progressivement une denrée très sollicitée, par les populations locales, celles des grandes métropoles du pays (Douala, Edéa, Yaoundé), ainsi que les travailleurs et habitants des zones où sont implantées certaines grandes sociétés agro-industrielles à l'instar de la SOCAPALM, HEVECAM. Cette situation a aussi augmenté la demande des populations en produits halieutiques et la nécessité de procéder à une production de masse. Pour répondre à cette forte demande sociale en matière de poisson, le changement des forces et formes de production s'est imposé aux exploitants des pêcheries comme une nécessité absolue.

    II-2-4- Les initiatives extérieures aux villages Nziou et Londji I

    Pour réduire la dépendance du Cameroun des importations des produits halieutiques, certains programmes et politiques ont été envisagés et mis en oeuvre. Parmi ces initiatives, on peut citer le Projet d'Appui au Développement de la Pêche Artisanale(PADPA) et Maritime financé par le programme Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) avec ses multiples volets tels que

    94

    la formation, l'appui des bénéficiaires en matériels de pêche, la réduction des exportations informelles des produits de pêche etc... Dans l'ensemble de ces programmes, les connaissances, les techniques et matériels mis à la disposition des pêcheurs autochtones se situent dans une logique de transformation des savoir-faire endogènes (en matière de pêche) vers les savoirs nouveaux et jugés plus efficaces par les promoteurs. L'on peut ainsi recenser dans la liste des matériels d'assistance régulièrement remis aux pêcheurs: les pirogues à moteur, les moteurs hors bord, les filets, les gilets de sauvetage, les flotteurs.

    L'action des ONG locales à l'instar de l'OPED avec l'introduction d'une technologie à faible consommation d'énergie aujourd'hui abondamment adoptée par les fumeuses de Nziou et de Londji I. Parmi ces communautés figurent les camerounais dans leur diversité ethnique, les ressortissants béninois et nigérians. Nous pouvons aussi mentionner dans la même lancée l'apport des investisseurs autochtones ou allogènes sur les matériels de pêche (pirogue, moteur, filets) suivi de la signature des contrats d'exploitation avec les pêcheurs locaux. Ces initiatives de l'Etat et de ses partenaires aux objectifs et finalités spécifiques font partie des éléments incitatifs à l'adoption des nouvelles pratiques dans l'activité de pêche.

    III-COMPRENDRE LES MUTATIONS DES TECHNIQUES DE PECHE ET DE CONSERVATION

    III-1-Perception et efficacité des techniques comme source de changement

    Les techniques de pêche et de conservation des ressources halieutiques propres à chacune des communautés de pêcheurs présentent dès le départ pour ses praticiens, des atouts et des limites comme nous l'avons relevé dans les deux précédents chapitres. Ces remarques portées sur les techniques propres à chaque communauté de pêcheurs ouvrent la voie à une potentielle intégration dans l'arsenal existant, des savoir-faire actualisés ou nouveaux à même de combler les défaillances constatées. Dans ce sillage, les acteurs de pêche dans une situation de cohabitation et de contact permanent, observent et portent des jugements sur la diversité des techniques existantes dans leur milieu de vie, jugements qui expriment leur degré d'intéressement ou non aux différents savoirs. Dans cet élan, les Batanga et Mabi sans toutefois totalement remettre en cause les qualités reconnues aux techniques endogènes, estiment que les connaissances en matière de capture des pêcheurs ouest africaines notamment celles des ressortissants Béninois sont d'une efficacité sans pareille. Ces derniers en veulent pour preuve la capacité et la rapidité par lesquelles les pêcheurs ouest africains capturent et transforment les produits de pêche. De leur côté par contre, les pêcheurs béninois et nigérians jugent les techniques employées par les acteurs locaux de `'techniques en dessous de la moyenne», c'est-à-dire des savoir-faire «inefficaces» selon leurs expressions. En croisant ces perceptions mutuelles,

    95

    l'on peut aisément comprendre pourquoi entre ces communautés de pêcheurs, une disparité se fait ressentir au niveau de l'intégration à sens unique des nouvelles connaissances dans leurs pratiques de pêche. A ce sujet, nous pouvons nous référer au tableau de synthèse ci-dessous.

    Techniques de Capture

    Batanga

    Mabi

    Nigérians

    Béninois

    Autres Ethnies du Cameroun

    pêche à la Canne

    X

    X

     
     

    X

    pêche à la senne de plage

    X

    X

     
     

    X

    pêche à la palangre

    X

    X

     
     
     

    Pêche à la ligne

    X

    X

     
     

    X

    Technique d'empri-

    sonnement

    X

    X

    X

    X

    X

    Technique d'écoute Ou de sondage

    X

    X

     

    X

     

    Pêche de trois jours

    X

    X

    X

    X

    X

    Techniques de conservation

     

    Congélation

    X

    X

    X

    X

    X

    Fumage par les demi- fûts

    X

    X

     
     

    X

    Fumage par les

    fumoirs en piquets (petites dimensions)

    X

    X

     
     

    X

    Fumage par les

    fumoirs en piquets (grandes dimen-sions)

    X

    X

    X

    X

     

    Fumage amélioré

    X

    X

    X

    X

    X

     

    Tableau 8: Récapitulatif des techniques phares de capture et de conservation du poisson et les communautés qui en font usage.

    A titre illustratif, la pêche au `'tirez-tirez», la pêche à la canne, la pêche à la ligne, la pêche à la palangre pour ce qui relève du domaine de pêche, l'emploi des fûts, des fumoirs en piquets (petites dimensions) pour le fumage, tous relevant du savoir-faire local en constituent une preuve patente. Par contre les savoir-faire introduits à l'instar du mode de pêche de trois jours, la technique d'emprisonnement ou d'encerclement, la technique d'écoute ou de sondage, les fumoirs en piquets de grande dimension, la congélation, le fumage amélioré, l'emploi des nouvelles sources substitution au bois etc...se propagent plus rapidement au sein de tous les groupes en présence.

    En toute connaissance de cause, d'autres dimensions relatives à la spécificité des techniques de pêche entrent en compte dans le processus d'adoption des nouvelles compétences.

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    Bien que la technologie dans le domaine de la pêche possède une grande souplesse et une facilité remarquable à assimiler les nouveautés les plus originales et à les intégrer à la panoplie traditionnelle (BABA, M., 1985:31), il est indéniable de reconnaître qu'au delà des qualités intrinsèques d'une nouvelle technologie, sa force d'imposition se trouve aussi dans sa capacité à susciter l'adhésion de nombreux alliés dans un contexte précis. Dans notre situation d'étude, font partie de ce groupe d'adhérents: les principaux acteurs de pêche identifiés. Ainsi, dans un environnement où prévalent la carence ainsi que la concurrence pour l'accès aux ressources, l'efficacité d'une technique peu importe son origine constitue une condition stimulante des différents acteurs qui les adoptent. Au niveau des captures, l'océan principal milieu de collecte des ressources halieutiques pour les populations est un espace de liberté ; pour cela, le seul moyen pour les pêcheurs de tirer le maximum de profit, reste l'acquisition et l'emploi d'un ensemble de savoir adapté à cet écosystème.

    A ce sujet, CHLOUS D. (2005:56) citant DUFOUR A. (1997), estime qu'étant un: «Bien public, l'espace maritime est, en effet, inaliénable. Il ne peut être possédé en propre par un individu ou une collectivité. Si possession il y a, elle est technique et cognitive et se fonde non sur l'espace lui-même mais sur un capital de gestes, de savoirs, de mémoire...», dont doivent disposer les différents groupes de personnes qui fréquentent et vivent au dépend des ressources qui s'y trouvent. Ces connaissances construites et/ou acquises, donnent aux acteurs de pêche une assurance et une autorité sur leur environnement ainsi que les ressources dont il contient. A juste titre, CHLOUS D. (2005:56) à propos des savoirs des pêcheurs d'ormeaux, pense que: «Les savoirs participent à la construction de la légitimité de ces acteurs, ils sont une forme d'appropriation symbolique du territoire». Dans cette optique, au sein des communautés de pêcheurs de Nziou et de Londji I, la technique qui s'impose qu'elle soit au niveau de la pêche ou de la conservation du poisson, est celle qui apporte dans une certaine mesure du nouveau dans le quotidien des populations, qui de manière pratique vient contribuer à l'épanouissement de ces dernières en réduisant les contraintes inhérentes à leurs activités.

    En d'autres termes, les techniques de capture qui suscitent l'engouement des populations offrent à ces dernières plusieurs opportunités. Ainsi, elles peuvent permettre d'alourdir les cargaisons au cours des opérations de pêche; tandis que la congélation favorise une disponibilité permanente des produits frais et donne la possibilité d'effectuer la pêche de longues durées, pendant que les techniques de transformation améliorée du poisson augmentent les possibilités d'un séchage rapide et harmonieux des produits. D'une manière sommaire, la maîtrise des technologies `'fortes» et `'enviées» en matière de capture par les acteurs de pêche, favorise aux côtés des habiletés acquises par expérience, des connaissances individuelles ou de groupe, «la

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    sûreté du geste, la rapidité de la décision, l'élimination des temps morts» (DELBOS, G. et JORION, P., 1990:33). L'ensemble de ces éléments constituent dans une moindre mesure des sources de motivation en vue d'adopter des savoir-faire actualisés.

    III-2-Dynamique adaptative des populations des pêcheurs à l'origine du changement

    Elle se situe sur un triple aspect: Les contraintes économiques, l'acquisition des savoirs techniques et l'adaptation à l'environnement qui se trouve entre la carence des ressources et la rivalité entre les acteurs. Pour s'adapter au nouvel environnement économique, afin de conjuguer les efforts, la vie est marquée dans les villages Nziou et Londji I par une montée en puissance des regroupements associatifs entre d'une part, les membres d'une communauté et d'autre part, les ressortissants des communautés différentes. A cause des potentielles retombées, se retrouver dans un groupe associatif aux finalités bien indiquées est devenue une mode au sein des populations. Chose normale car, comme l'affirme MAISONNEUVE J. (2010:5) «le groupe est associé à l'idée de force [...] se`' regrouper» exprime bien l'intention de renforcement mutuel d'individus qui se sentent isolément impuissants». En effet, ces structures paysannes bien organisées constituent non seulement des forces de défense des droits des membres, des cadres d'échange d'expériences entre les collègues sur les contraintes et opportunités de leur activité, mais également sont des organes à la quête des programmes d'aide et d'assistance allouée par l'Etat et/ou ses partenaires sociaux.

    Dans les villages étudiés, plusieurs savoir-faire en matière de pêche et de conservation des produits halieutiques existent. En fonction des aspirations des uns et des autres, chaque groupe de pêcheurs prend des initiatives allant dans le sens d'acquérir des compétences `'fortes», bénéfiques et surtout compétitives. Au regard des envies, des défis quotidiens des communautés en matière de quête alimentaire, de subsistance et de revenu, l'adoption des cultures de pêche et de fumage nouvelles par ces dernières doit être comprise comme la résultante des initiatives individuelles visant à multiplier les probabilités de capture pour ce qui est de la pêche, assurer un état de fraicheur durable et une transformation rapide pour ce qui est de la conservation. Cette sélection des savoirs nouveaux, des pratiques jugées à tort ou à raison efficaces, découle même des quêtes permanentes des populations de toutes les sociétés. Nous pouvons dont comprendre pourquoi CLAIDIERE N. (2009:160) reprenant RICHERSON et BOYD, (2005) affirme que la: «culture est le résultat de mécanismes d'apprentissage originaux qui ont évolué pour permettre à l'homme de s'accommoder à des environnements variables temporellement et spatialement». Les communautés de pêcheurs des villages Nziou et Londji I ne sont pas loin de cette réalité.

    Cependant comment s'y prendre dans un environnement où rien n'est donné d'avance? Pour parvenir à leur fin, les populations s'en servent de prime à bord des opportunités que leur

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    offre la cohabitation à savoir: les mariages interethniques, la situation de contact permanent, le travail en équipes composées des ressortissants des diverses cultures aux compétences spécifiques et variées, mais aussi de la multiplicité des agents de transmission des connaissances au sein de la communauté. Sur ce dernier point, nous avons relevé dans cette catégorie d'acteurs qu'en dehors de l'entourage immédiat du jeune pêcheur ou de la jeune fumeuse de poisson, les ressortissants des autres communautés présentes sont fortement impliqués dans ledit processus.

    Dans ce contexte, il faut relever avec force que, la créativité et le dynamisme sont nécessaires aux différentes parties en cas de résistance, car si les techniques se répandent assez rapidement bien qu'elles soient à sens unique, il convient de reconnaître que la combinaison de l'esprit d'initiative des communautés ou acteurs en quête de nouveaux savoirs et de la disponibilité d'ouverture de celles détentrices des savoirs sollicités, a offert dans les villages Nziou et Londji I un climat propice à l'acquisition de nouvelles compétences ou à la dynamique permanentes des techniques. Chose juste puisque la conservation ou le changement rapide des traits culturels d'une manière générale et des techniques de pêche et de conservation en particulier, dépend des circonstances contextuelles et des besoins des différents acteurs ou parties en présence. Car selon GUGLIELMINO C. et al. (1995:7589), «les mécanismes de transmission culturelle, avec leurs différents degrés de conservatisme, déterminent la stabilité des traits culturels». En fonction des situations et opportunités d'échange qu'offre le contact tant en mer qu'au niveau des ménages entre les ressortissants des différentes communautés de pêcheurs (camerounais, nigérians et béninois) détenteurs des savoirs multiformes, les acteurs de pêche acquièrent progressivement les techniques envieuses apportant de ce fait, du nouveau dans leurs méthodes de travail.

    Toutefois, il convient de rappeler que dans une situation où sévissent la carence et dans une moindre mesure la concurrence pour l'accès aux ressources, chaque groupe de pêcheurs présent en fonction de ses besoins, perfectionne au quotidien ses savoirs, nourrit des ambitions et reste en éveil afin de tirer le meilleur profit des portions des ressources halieutiques exploitables. Dans cet élan, l'on note une implication stratégique des communautés par secteur d'activité. La présence massive des communautés béninoises et nigérianes au niveau de la pêche est une manière pour ces derniers de contrôler l'ensemble de la filière. A ce sujet, c'est le pêcheur qui décide du choix des clients, des opportunités de pêche et de vente. Ainsi, dans cette situation, plus un groupe d'acteurs a des motivations supplémentaires, plus est significative sa fréquence dans la participation dans l'activité de pêche.

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    III-3-Modification du prix relatif et degré de participation des différents acteurs de pêche

    La pratique de la pêche a connu plusieurs modifications au niveau des pêcheries côtières de Kribi d'une manière générale et celles de Nziou et de Londji I en particulier. Pour exercer en toute liberté la pêche, il faut désormais disposer d'un certificat de navigabilité au prix de 44000francs CFA renouvelable tous les ans moyennant une somme de 22000 francs CFA environ, d'un permis de pêche au prix de 3000francs CFA. Et comme ces contraintes ne suffisaient pas, la concurrence, la carence croissance due à la dégradation des ressources et à la pollution marine ont engendré la nécessité d'employer les engins plus coûteux. En effet, le pêcheur peut acquérir le moteur moyennant 1500000(cent cinquante mille) FCFA environ, la pirogue à moteur à 400000(quatre cent mille) FCFA, les ballots de filets 300000(trois cent mille) FCFA. La nécessité de pratiquer une pêche long séjour avec ses lots de dépenses; le pêcheur est appelé à débourser pour une sortie en mer des sommes considérables estimables entre 25000(vint et cinq mille) et 30000(trente mille) FCFA. Moyens jugés excessifs par bon nombre de nos informateurs. Ces situations ont entrainé une sorte d' handicap pour les acteurs qui ne remplissent pas l'intégralité de ces conditions à jouer le rôle de subalternes. Car, seuls les détenteurs des matériels de pêche, décident de la carrière des employés (personnel navigant) et des opportunités des opérations de pêche sans oublier la détermination du profil des acheteurs dans certaines circonstances.

    D'après les résultats de nos entretiens, il ressort que dans la catégorie des détenteurs des matériels, les pêcheurs béninois et nigérians présents sont majoritaires. Ainsi, au côté de cette facilité d'accès par rapport aux pêcheurs locaux dont leur octroie leur statut économique, le souci de recouvrir les fonds investis amènent ces derniers à rester en permanence en activité. Ces aspects économiques peuvent en partie expliquer le niveau de participation limitée des populations locales en dépit des observations apparentes sur l'uniformisation des techniques de capture et de conservation des produits de pêche. Puisqu'en réalité, pour qu'un savoir nouvel puisse intégrer sans anicroche les connaissances d'un individu et influencer son mode de fonctionnement, il faut en qu'en dehors de son bien être recherché, que ce dernier dispose du temps, des moyens de son expérimentation et de sa pérennisation. Sur ce sujet, CHAREST PAUL estime que:

    Le progrès technologique répond au besoin de tous les hommes de toutes les sociétés d'augmenter leur bien-être en minimisant leurs efforts tout en augmentant au maximum leur rendement. Dans cette recherche de la maximisation, les changements technologiques sont rapidement acceptés à condition que les avantages en soient apparents et que l'on dispose de capitaux suffisants (CHAREST, P., 1973:45).

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    Etant sous la domination de leurs collègues béninois et nigérians plus assis financièrement, l'engagement des acteurs locaux dans la pêche ne peut être que limité. En toute connaissance de cause, hors mis ces différents scénarii, certains éléments sont à prendre en compte dans cette tentative d'explication. Parmi ces aspects, nous pouvons mentionner:

    4 La diversification des activités de productions des populations. En effet, si les pêcheurs issus de la migration vivent essentiellement de la pêche et de ses activités connexes, les acteurs locaux se livrent en dehors de cette activité principale à l'exploitation et à la commercialisation du sable et du bois, mais aussi pratiquent la chasse et l'agriculture. Ces différentes occupations complémentaires les amènent dans une moindre mesure à consacrer par moment un temps relativement court à l'activité de pêche.

    4 L'adoption massive des techniques exogènes nécessite un temps pour leur assimilation et intégration profondes dans les savoir-faire locaux. Dans ce sillage et à partir de la panoplie des techniques introduites, valorisées et utilisées par les différentes communautés, nous pouvons comprendre que les pêcheurs locaux ne peuvent surpasser dans un écart de temps assez court les personnes ou groupes d'acteurs promoteurs de certaines techniques à la «mode». Pour atteindre le but escompté, il leur faudra en dehors d'une motivation supplémentaire et permanente, plus de temps afin qu'à travers leur expérience, les différents acteurs puissent rivaliser à armes égales.

    4 Les perceptions de la disponibilité des ressources halieutiques sont significatrices et donnent quelques indices sur les causes de leur subordination. Ainsi, la perception du poisson comme une ressource qui restera éternellement disponible par certains, place la compétition attendue entre les acteurs des différentes communautés comme une bataille inopportune. Les propos de ce pêcheur décrivent mieux cette vision partagée par plus d'un pêcheur autochtone: «le poisson ne finira jamais dans l'eau. Les autres pêcheurs sont de passage, nous sommes d'ici et ils iront nous laisser avec notre mer» (NLEND ALBERT, Pêcheur, Batanga, Londji I, le 19/12/2010). Dans cette logique, ces derniers ne sont pas dans une pêche de compétition, mais une pêche de subsistance, car comme l'avait déjà relevé KEKE M. et al. (1993:23), les populations camerounaises côtières traditionnellement tournées vers la mer, ont toujours considéré la pêche comme une activité de subsistance. Par contre les pêcheurs béninois et nigérians se livrent à une pêche de compensation, une pêche axée sur la maximisation rapide du profit. Fort de leurs multiples obligations, la principale source de revenu qu'est la pêche, est en permanence en exploitation. C'est pourquoi, malgré le degré de changement observable dans leur activité principale de survie, le degré de participation des locaux dans l'exploitation des ressources halieutiques reste moins important par rapport aux acteurs issus de la migration.

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    Cependant, le changement des techniques étant dès lors une réalité vivante, quelles conséquences entraine-t-il dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I ?

    IV-IMPACT DE LA DYNAMIQUE DES TECHNIQUES DE PECHE ET DE COINSER-VATION DU POISSON DANS LES VILLAGES NZIOU ET LONDJI I.

    Que nous soyons au niveau des captures que de la transformation du poisson, il ressort des entretiens que les techniques actualisées de pêche et de fumage ont apporté des nouveautés multiformes au rang desquelles l'adoption d'une nouvelle organisation des rapports entre les acteurs de pêche, une réduction des risques de métier de pêche et de fumage, l'émergence de la pêche de compensation, et des conflits entre les acteurs...

    IV-1-La pêche de compensation aux conséquences multiples.

    Pour réussir dans l'environnement actuel, ce qui importe pour les utilisateurs c'est d'exploiter le maximum pour gagner de l'argent indispensable pour les échanges et au recouvrement des financements engagés dans de l'activité de pêche. A cet effet, les pêcheurs multiplient le nombre de sections de filets dans leurs activités quotidiennes. Ainsi, des kilomètres de filets barrent en permanence l'océan ainsi que les cours d'eaux. Situation qui ne va pas sans inconvénient, puisque les populations riveraines font état de la rareté du poisson avec pour point de repère l'obligation de parcourir de longues distances en mer et d'effectuer de longs séjours dans l'espoir de capturer une quantité raisonnable de poissons. Dans ce sillage, le témoignage de cet informateur explique mieux la situation ambiante: «Avant, on n'avait pas besoin de passer des jours et nuits en mer pour avoir du poisson. Il y en avait en abondance un peu partout. Maintenant comme le poisson est devenu rare, les gens sont parfois obligés de passer deux, trois voir quatre jours en mer afin d'avoir de quoi se nourrir» (NANGA JEAN, Pêcheur, Batanga, Londji I, le 19/12/2010).

    Les raisons d'une telle situation sont partagées entre la pression croissante des divers groupes qui exploitent ces ressources (Béninois, Nigérians et pêcheurs locaux). Mais à cela, les populations font état de la violation des zones de pêche par les chalutiers qui au delà de la surexploitation et de la destruction du matériel de pêche des pêcheurs artisanaux, contribuent à la pollution des eaux à travers les avaries de poissons qu'ils y déversent. Ceci remet en scène la question d'accessibilité aux ressources, car il est démontré que la situation de libre accès à l'exploitation des ressources côtières a pour effet de diminuer les rendements par unité de pêche, la dégradation progressive de l'environnement côtier et à la surexploitation de la plupart des ressources aquatiques (BREUIL, B., 2000). Dans cette circonstance, bien que l'océan soit aussi vaste et riche en ressources halieutiques, nous pensons que si rien n'est fait dans le sens de limiter les effets responsables de la surexploitation, la situation ira sans cesse croissante avec ses

    Les raisons de cette situation résident autour de la ressource halieutique qui devient de plus en plus rare face à une montée en puissance du nombre d'exploitants. Mais au cas où le coupable

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    lots de conséquences sur la nature des relations entre les acteurs de pêche, les acteurs et leur écosystème et sur la survie des populations riveraines.

    En même temps, l'on remarque que l'adoption des pratiques similaires de capture, entraîne une uniformisation des calendriers de pêche dans bon nombre de pêcheries. Ce qui est à l'origine de la multiplication des opérations et une présence massive et régulière en mer. Ainsi, le partage des mêmes modes et zones de pêche fait naître plusieurs accrochages et des conflits liés à l'exploitation. Parmi ces conflits figurent: les coups de vol du poisson et du matériel de pêche, le sabotage des filets des collègues jugés encombrants. A ce sujet, il convient de reconnaître que l'uniformisation des opérations de pêche amène les pêcheurs à se déplacer dans le cadre de la pêche long séjour pendant les mêmes écarts de temps (nous parlons ici en terme de jour de départ et d'arrivée), cette situation crée au large une sorte d'embouteillage au moment de la circonscription des zones de pêche. Avec l'emploi des filets sous marin, les pêcheurs rencontrent régulièrement le problème de superposition des filets. Au moment du retrait, les acteurs dont les filets ont été superposés ont comme seule option que de couper les filets responsables de la superposition afin de faciliter la tâche aux autres pêcheurs de retirer leurs filets; c'est ce qui se dégage des propos de ce pêcheur sur le sujet: «Parfois en mer, pour aisément émailler ton filet, tu peux te trouver obliger de couper un filet qui bloque le tien. Mais ce qu'on fait dans cette situation, c'est de le rattacher par la suite, afin que son propriétaire ne perde pas son filet et ne rentre bredouille chez lui» (Pêcheur, Batanga, Londji I, le 14/12/2010).

    Ces propos de bonne foi ne sont pas toujours les seules motivations de tous ceux qui fréquentent la mer. En effet, certains pêcheurs en période de carence, se livrent carrément aux opérations de pillage. En ce sens, ces derniers sont à mesure de diviser le filet et /ou de le faire disparaître avec tout son contenu. Bien qu'il soit difficile d'identifier les coupables étant donné que la majorité des infractions se déroule en nocturne, les victimes dans leur ensemble rejettent la responsabilité sur les personnes de mauvaise foi, les ennemis qui décident de régler les comptes, ou simplement sur les ressortissants de la communauté voisine comme en témoignent les propos de ce ressortissant nigérian:

    «Il y a de fois, tu arrives en mer, les gens coupent ton filet, soit ils enlèvent le poisson dessus, soit, ils partent avec le tout, le poisson et le filet. Mais ceux qui font ça ce sont plus les Kribien. Lorsqu'ils font çà, ils vont vendre dans les autres débarcadères. Chaque fois qu'ils volent ils ne peuvent accoster dans le débarcadère du propriétaire du filet. Ce n'est vraiment pas bien, [...]» (Pêcheur, Nigérian, Londji I, le 13/01/2011).

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    est clairement identifié, la victime peut être dédommagée à la suite d'un procès ou d'un arrangement auprès d'une autorité compétente.

    IV-2-Modifications des conditions de travail et le circuit de distribution des produits de pêche

    Pour ce qui est de la rémunération, l'on remarque un impact direct sur le mode de répartition des gains entre les acteurs de pêche et sur les mécanismes d'exploitation et de distribution des ressources halieutiques. Dans les villages Nziou et Londji I, le système de distribution des gains de la pêche, s'appuie sur l'existence des parts où, le capital investi et le travail fourni par chacun des membres de l'équipe sont respectivement rémunérés sur une base équivalente dans laquelle le montant des revenus individuels est proportionnel au volume d'une cargaison de pêche. A ce titre, après avoir décompté les dépenses générées par le carburant et la ration, les gains sont désormais répartis en cinq parties égales: Une part pour le propriétaire de la pirogue, une pour le propriétaire du moteur, l'autre pour le propriétaire du filet, une ensuite pour le capitaine de bord et la dernière pour le pêcheur assistant. Si le patron est propriétaire de l'ensemble du matériel de pêche (filet, pirogue, moteur), il aura droit à trois parts; s'il est membre de l'équipage, il recevra de manière proportionnelle, le nombre de part correspondant à ses multiples casquettes c'est-à-dire quatre.

    Au niveau du circuit de distribution, le système de commercialisation des produits de pêche est devenu très complexe dans les localités de Nziou et de Londji I. Si par le passé, la pêche était essentiellement destinée à la subsistance des populations locales et gérée par les hommes, elle est devenue une activité lucrative et de ce fait, elle voit l'intervention dans la filière d'une multitude de personnes au rang desquelles les pêcheurs, les grossistes du poisson frais, les semi grossistes, les fumeuses, les détaillantes et les consommateurs.

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    Dans cette nouvelle configuration, les femmes d'une manière générale et celles épouses des pêcheurs en particulier, occupent une place de choix à travers leur participation active dans la gestion des produits de pêche. Elles jouent le rôle d'intermédiaires entre leurs époux en mer, les fumeuses et les consommateurs de poisson qui se trouvent dans les villages. A titre d'exemple, les épouses des pêcheurs béninois du côté de Nziou, tiennent informées à chaque fois que besoin se fait sentir, les femmes fumeuses du village de l'heure d'accostage, donnent des indices sur les quantités probables de poissons grâce à l'usage du téléphone à en croire cette acheteuse: «Nous achetons le poisson frais aux Béninois. Quant ils sont en mer, la femme du béninois appelle son mari. S'il y a du poisson, elle nous dit, même si c'est la nuit. Quand les pirogues arrivent, nous nous rendons à la plage avec nos cuvettes pour chercher du poisson» (EDJIDJE YVETTE, Batanga, le 10/01/2011). Au débarcadère de Londji I, les épouses des pêcheurs nigérians (largement majoritaires) achètent au retour des pirogues de leurs conjoints de la pêche, l'ensemble de la cargaison(les espèces destinées au fumage), pour la revendre aux fumeuses camerounaises. Ces dernières les revendent directement lorsque les pirogues accostent en journée, tandis que les ventes sont reportées au lendemain en cas d'accostage nocturne. Dans cette circonstance, elles les conservent au niveau des chambres froides existantes afin de garantir leur état de fraîcheur.

    En définitive, les mutations des techniques de capture et de conservation des produits halieutiques sont sous-tendues par un certain nombre de paramètres parmi lesquels les facteurs internes et externes. Dans sa manifestation l'on observe une forte adoption des techniques introduites au détriment des techniques endogènes jugées moins efficaces. Elles exercent dans le quotidien des populations des impacts multiformes parmi lesquels l'amélioration des rendements, l'accroissement des revenus, la réduction des charges du travail. Elles réconfortent l'hégémonie des acteurs de pêche issus de la migration, mais aussi en fonction des secteurs, engendrent les conflits entre les pêcheurs et concourent à la surexploitation des ressources halieutiques.

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    CONCLUSION

    Cette étude intitulée: «Pêche et conservation du poisson par les populations de Nziou et de Londji I dans la région du Sud-Cameroun: Une analyse anthropologique des choix et finalités des savoir-faire des pêcheurs», visait à cerner les facteurs à l'origine des changements techniques et le degré de participation des pêcheurs dans l'activité de pêche. Dans un contexte où se produisent des changements permanents au niveau des techniques de pêche et de conservation du poisson, un contraste demeure entre une adoption tous azimuts des mêmes savoirs et une faible production et participation des pêcheurs locaux dans l'activité de pêche. L'examen de ce problème nous a amené à ouvrir quelques pistes de recherche structurées autour de quatre questions. La question centrale est formulée de la manière suivante: Quels sont les facteurs socioculturels qui conditionnent la dynamique des techniques de pêche et de conservation du poisson chez les pêcheurs de Nziou et de Londji I?

    Pour mieux cerner cette préoccupation, trois questions secondaires ont été formulées à cet effet:

    1-Quelles sont les spécificités des techniques endogènes et exogènes de pêche et de conservation des produits halieutiques?

    2-Qu'est-ce qui sous-tend le degré de participation des populations dans l'activité de pêche?

    3-Quel impact exerce la mutation des savoirs en matière de pêche dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I?

    L'hypothèse centrale de ce travail postulait que chez les pêcheurs de Nziou et de Londji I, la place indispensable du poisson dans la médecine et l'alimentation, les mariages interethniques, les rites en rapport avec la pêche qui deviennent de moins en moins valorisés, ont favorisé le changement des techniques de capture et de conservation du poisson.

    Comme hypothèses secondaires, les propositions suivantes avaient été retenues:

    1-Les techniques endogènes de pêche et de conservation du poisson sont caractérisées par leur facilité d'accès et une production majoritairement destinée à la subsistance tandis que les parents jouent un rôle central dans le processus de transmission des techniques. Par ailleurs, les techniques émergentes grâce à leurs performances suscitent beaucoup d'engouement aux yeux des acteurs de pêche. Pour leur dissémination, le profil des formateurs s'est élargit grâce à la cohabitation de plusieurs communautés de pêcheurs.

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    2-Les facteurs limitant ou favorisant la participation des pêcheurs se trouvent dans la perception des ressources halieutiques, le niveau économique et la diversification des activités de subsistance des différents acteurs de pêche.

    3-Les changements des techniques de pêche et de transformation engendrent dans le quotidien de ces derniers des conséquences multiformes. Elles contribuent à la satisfaction des déficits en produits halieutiques, l'amélioration des revenus; mais aussi conduisent également à une surexploitation des ressources et engendrent les conflits.

    Pour conduire à terme ce travail, nous nous sommes fixés un certain nombre d'objectifs. Comme objectif central, nous nous sommes appesantis à déterminer les facteurs socioculturels qui justifient les mutations des savoir-faire en matière de capture et de transformation des produits de pêche chez les pêcheurs de Nziou et de Londji I. A cet objectif central, se sont greffés trois autres secondaires:

    1-Présenter les caractéristiques des techniques endogènes et exogènes de pêche et de conservation du poisson ainsi que leurs modalités de dissémination au sein de la population.

    2-Identifier les facteurs de motivation des différentes communautés de pêcheurs dans l'activité de pêche.

    3-Décrire les changements engendrés dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I par les diverses mutations des techniques de pêche.

    Comme technique de collecte des données sur le terrain, nous nous sommes servis de l'observation directe et des entretiens semi directifs. La collecte des données a été rendue possible grâce à l'utilisation des guides d'entretien, d'un magnétophone et d'un appareil photo numérique. L'interprétation des données s'est basée sur les théories suivantes: l'ethnométhodologie avec comme point de référence les ethno-méthodes, la théorie de l'écologie culturelle avec le modèle de la dynamique adaptative et la théorie de l'anthropologie du nouvel institutionnalisme avec un accent mis la modification du prix relatif. Après analyse et interprétation des données, les résultats suivants ont été obtenus:

    La dynamique des techniques de capture et de transformation des produits halieutiques dans les villages Nziou et Londji I est conditionnée par plusieurs facteurs. Parmi les facteurs internes, figurent la place primordiale du poisson dans le système alimentaire des populations, les mariages interethniques avec la possibilité de dissémination dans les foyers d'accueil des connaissances détenues par les personnes de différentes cultures unies par l'alliance matrimoniale, les rites liés à la pêche qui sont devenus de moins en moins valorisés, la croissance des besoins en poisson dans les villes environnantes. Comme facteurs externes, nous avons l'efficacité d'une technique, le travail en synergie, la migration, le soutien de l'Etat et des

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    partenaires au développement. Ces divers facteurs constituent les principaux stimulants des mutations techniques en cours dans l'activité de pêche.

    Les techniques endogènes de capture et de transformation du poisson sont constituées des méthodes familières aux populations locales tant au niveau des matériels employés que des connaissances dispensées. Comme techniques de pêche, nous avons recensé l'emploi de la canne à pêche, la pêche à la ligne, la palangre, le `'tirez-tirez» entre autres. L'essentiel de ces techniques de capture est constitué des méthodes majoritairement applicables en bordure de mer, en conformité avec leur degré d'efficacité, cela reflète l'état de disponibilité des ressources en vigueur dans le passé. Pour le fumage, les méthodes appliquées sont constituées des demi fûts, des fumoirs en piquets de petites dimensions sans oublier les formes de base de fumage constituées du foyer ordinaire, des foyers en fer, ou ceux faits des résidus des récipients en fer. Pour obtenir les produits fumés agréables prisés dans leur alimentation, les populations exploitaient judicieusement les vertus des principaux combustibles disponibles dans leur environnement et qui leur permettaient ainsi de donner des formes, des couleurs et saveurs adaptées. Dans la sphère de la transmission des techniques de capture ainsi que de conservation du poisson l'entourage immédiat de l'adolescent jouait un rôle déterminant.

    Les techniques émergentes sont constituées des méthodes aux spécificités nombreuses, une diversification des modes de conservation. Parmi les techniques, nous avons au niveau de la pêche, les techniques de sondage, d'encerclement, la pêche `'long séjour», qui sont toutes introduites par les pêcheurs béninois et nigérians; l'émergence de la congélation, les fumoirs «banda», puis les fumoirs améliorés, une introduction de l'OPED. Pour nos informateurs, bien que ces techniques présentent à leurs yeux un certain nombre d'atouts pouvant expliquer leur degré de dissémination rapide, ces dernières ne vont pas sans inconvénients. Les parents, les migrants ainsi que les moniteurs engagés dans les programmes de formations multiformes participent au relèvement du niveau des populations sur les nouvelles techniques.

    Au niveau des facteurs stimulant la participation des acteurs dans la pêche, nous avons noté que l'idée qui anime les populations locales dans leur immense majorité sur une disponibilité éternelle des ressources halieutiques, peut en partie justifier leur niveau d'engagement dans la filière. Aussi, les moyens économiques des uns et des autres viennent favoriser une certaine pérennisation des savoir-faire, car l'essentiel des techniques ne sont expérimentables qu'à travers un support matériel aux coûts élevés. Dans le même sillage, la diversification des activités de production amène les acteurs à réserver une portion restreinte de temps à chacune de leurs occupations. Sur ce point, les populations locales impliquées face à la diversité de la richesse que regorge leur localité n'échappent pas à cette règle. En plus,

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    l'implication massive et stratégique des migrants dans le secteur des captures, crée une situation qui leur permet d'avoir une main mise sur l'ensemble de la filière.

    Les mutations des techniques de pêche et de conservation engendrent dans le quotidien des acteurs de pêche des impacts divers. Dans un environnement marqué par une course effrénée pour l'accès aux ressources, les différents riverains se battent au jour le jour pour s'octroyer des engins, des techniques de pêche et de conservation les plus performantes possibles. C'est ainsi que l'on observe une forte adoption des techniques introduites au détriment des techniques endogènes jugées moins efficaces, une croissance des revenus des différents acteurs vivant de la pêche, une contribution à la satisfaction des déficits en produits halieutiques, une réduction de la charge du travail. Mais aussi, l'on relève le maintien de l'hégémonie des acteurs de pêche issus de la migration, la surexploitation des ressources halieutiques au travers d'une élévation du rythme d'exploitation, l'émergence de quelques conflits entre les pêcheurs qui se matérialisent par la violation des zones de pêche, le vol de matériel, des cargaisons et du sabotage des outils de pêche.

    Au terme de ce travail, nous relevons que certains axes de recherche dont la finalité peut contribuer à l'approfondissement des connaissances scientifiques restent ouverts. A ce sujet, des études ultérieures pouvant inclure des sites, des théories ainsi que des disciplines différentes pourraient aboutir à une compréhension approfondie de la zone, de l'activité de pêche ainsi que de ses potentialités. A cet effet:

    4 Une étude approfondie sur les usages médicinaux des ressources halieutiques peut contribuer à l'avancement des connaissances en anthropologie médicale. Dans ce sillage, à l'image des usages faits du tétrodon (Tétraondon biocellatus), du poisson salé ainsi que d'autres recettes présentées dans ce travail, bien d'autres espèces pourraient être identifiées, étudiées et valorisées.

    4 Une recherche sur le comportement alimentaire des pêcheurs dans les sites différents est susceptible de nous présenter les motivations des uns et des autres sur les formes de repas à consommer pendant leur séjour en mer. En effet, les pêcheurs de la zone de Kribi centre, essentiellement constitués de pêcheurs autochtones optent pour la cuisson de leur repas en mer tandis que, ceux de Londji I composés des pêcheurs locaux et nigérians y vont avec des repas cuits auparavant. Pour cela, un examen basé sur les raisons économiques des propriétaires des matériels de pêche, les préférences alimentaires des pêcheurs, le statut (titulaire ou employé) des

    109

    pêcheurs à bord des embarcations et bien d'autres, sont à même de nous fournir des données denses à ce sujet.

    4 Un travail de recherche comparative entre nos sites d'études et ceux ayant connu un rythme de changement modéré peut favoriser la confrontation des résultats et par voie de conséquence, contribuer à l'enrichissement des connaissances en anthropologie culturelle.

    4 La pêche féminine constitue tout un pan d'une recherche ultérieure avec comme axe d'exploration l'examen des savoir-faire mis en oeuvre dans la capture et la commercialisation des crevettes d'eau douce. Car dans le présent mémoire, nous avons mis l'accent seulement sur les connaissances des femmes dans la transformation et la commercialisation du poisson.

    110

    SOURCES

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    MINEPIA,

    Arrêté n° 0026/MINEPIA/DIRPEC/SCPIA/SPA du 11 avril 2000 portant interdiction de certains engins de la pêche.

    MINEPIA,

    Arrêté n° 0002/MINEPIA du 01 août 2001 portant modalités de protection des ressources Halieutiques.

    B- SOURCES ORALES

    I-Liste des pêcheurs et fumeuses de Londji I

    Nom et Prénom

    Sexe

    Ages

    Origine

    Catégorie d'acteurs

    Lieu

    d'entretien

    Date

    Ngah Julie Adeline

    F

    42 ans

    Batanga

    Fumeuse

    Londji 1

    18/12/2010

    Godwill Willy

    H

    23 ans

    Calabar

    Pêcheur/Fabriquant de pirogue

    Londji 1

    18/12/2010;

    10/01/2011

    Mahemo Marie

    F

    45 ans

    Nigériane

    Fumeuse

    Londji 1

    18/12/2010

    Ismaël

    H

    41 ans

    Nigérian

    Pêcheur

    Londji 1

    18/12/2010;

    20/01/2011

    Ekotoni Clément

    H

    54 ans

    Batanga

    Pêcheur

    Lindji 1

    19/12/2010;

    15/01/2011

    Nlend Albert

    H

    39 ans

    Batanga

    Pêcheur

    Londji1

    19/12/2010

    Nanga Jean

    H

    55 ans

    Batanga

    Pêcheur

    Londji1

    19/12/2010

    Mbimbi Dénise

    F

    43 ans

    Batanga

    Fumeuse

    Londji1

    19/12/2010

    Yami Victorine

    F

    63 ans

    Nigériane

    Fumeuse

    Londji1

    22/12/2010

    Ebobi Marthe

    F

    62 ans

    Batanga

    Fumeuse

    Londji1

    22/12/2010

    Mouodoukoue
    Adeny

    F

    56 ans

    Nigériane

    Fumeuse

    Londji1

    10/01/2011

    Njoh Adolphe

    H

    63 ans

    Batanga

    Notable/Pêcheur

    Londji1

    22/12/2010;

    17/01/2011

    118

    II-Liste des pêcheurs et fumeuses de Nziou

    Nom et Prénom

    Sexe

    Age

    Origine

    Catégorie
    d'acteurs

    Lieu
    d'entretien

    Date

    Aglin Anne

    F

    42

    Popo

    Fumeuse

    Nziou

    18/12/2010;

     
     
     
     
     
     

    15/01/2011

    Nzieh Pascal

    H

    34 ans

    Mabi

    Pêcheur

    Nziou

    22/12/2010

    Cassa

    H

    58 ans

    Popo

    Pêcheur

    Nziou

    09/01/2011;

     
     
     
     
     
     

    20/01/2011

    Edjidje Yvette

    F

    44 ans

    Batanga

    Fumeuse/

    Nziou

    10/01/2011;

     
     
     
     

    commerçante

     

    15/01/2011

    Ngoundi Anne

    F

    52 ans

    Mabi

    Fumeuse

    Nziou

    13/01/201;

     
     
     
     
     
     

    17/01/2011

    Hubert

    H

    49 ans

    Popo

    Pêcheur

    Nziou

    19/12/2010

     
     
     
     
     
     

    15/01/2011

    Aglil Viviane

    F

    45 ans

    Popo

    Fumeuse

    Nziou

    15/01/2011

    Cassa Ernestine

    F

    46ans

    Popo

    Fumeuse

    Nziou

    15/01/2011

    Bindele Marceline

    F

    70 ans

    Mabi

    Fumeuse

    Nziou

    15/01/2011

    Matagnon Jacques

    H

    52 ans

    Popo

    Pêcheur

    Nziou

    17/01/2011

    Messi Jules

    H

    51 ans

    Mabi

    Pêcheur

    Nziou

    17/01/2011 ;

     
     
     
     
     
     

    22/01/2011

    III-Liste des Autorités traditionnelles, administratives et Responsables des structures

    ubliques

    Nom et Prénom

    Sexe

    Fonction/Statut social

    Lieu

    d'entretien

    Date

    Essomba Laure

    F

    En poste à la cellule de communication du Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Kribi.

    Kribi

    05/10/2010

    Bitha Hugo Fredily

    H

    Chef du Centre d' Alevi- nage et de Contrôle de Pê- che de Londji.

    Londji1

    14/12/2010;

    17/01/2011

    Madola Joseph

    H

    Chef du bloc 7

    Londji1

    14/12/2010

    13/01/2011

    Nang Joseph

    H

    Chef du village Nziou

    Nziou

    13/12/2010

    Nana Privat

    H

    Directeur de la Centre de

    Contrôle de la Pêche Artisanale de Kribi.

    Kribi

    21/12/ 2010

    Ngoundi Luc

    H

    Pêcheur et Chef d'une com- munauté Mabi

    Londji 1

    12/01/2011

    ANNEXES

    119

    I-ANNEXE METHODOLOGIQUE

    1-Guide d'entretien pour les pêcheurs locaux

    -Identification

    -Place de la pêche dans l'activité quotidienne.

    -Mode d'apprentissage du métier de pêcheur.

    -Caractéristiques des techniques et matériels traditionnels propres aux pêcheurs autochtones.

    -Mode d'identification des ressources halieutiques.

    -Présentation des modes de conservation des ressources halieutiques.

    -Les contraintes de l'activité.

    -Place des autres activités de subsistance.

    -Symbolique des cérémonies rituelles en rapport avec l'activité de pêche.

    -Motifs d'adoption des nouvelles techniques.

    -Spécificité des techniques émergentes.

    -Mode d'acquisition de ces savoirs.

    -Conséquences engendrées par la dynamique de ces techniques.

    2-Guide d'entretien pour les pêcheurs étrangers

    -Identification.

    -Historique de l'implantation des populations.

    -Place de la pêche dans le quotidien.

    -Apprentissage du métier de pêcheur.

    -Caractéristiques des techniques employées dans la société d'origine.

    -Mode d'identification des ressources halieutiques.

    -Présentation des modes de conservation des ressources halieutiques.

    -Les contraintes rencontrées par les pêcheurs.

    -Symbolique des cérémonies rituelles en rapport avec l'activité de pêche.

    -Motifs d'adoption des nouvelles techniques.

    -Spécificité des techniques utilisées dans la localité d'accueil.

    -Rapport des différentes communautés dans la cohabitation.

    -Techniques actuellement employées dans la zone d'étude.

    120

    -Conséquences engendrées par la dynamique des savoir-faire.

    3-Guide d'entretien pour les fumeuses camerounaises

    -Identification.

    -Processus d'acquisition des techniques de fumage.

    -Spécificités des techniques endogènes de conservation du poisson.

    -Caractéristiques des combustibles utilisés.

    -Procédure de fumage du poisson.

    -Source d'approvisionnement et difficultés rencontrées.

    -Place du fumage dans votre culture.

    -Rapports avec les fumeuses étrangères.

    -Apports des autres activités économiques.

    -Présentation des techniques nouvelles de fumage.

    -Mode d'acquisition de ces savoirs.

    -Changements engendrés dans l'activité.

    4-Guide d'entretien pour les fumeuses étrangères

    -Identification.

    -Apprentissage des techniques de fumage.

    -Les techniques endogènes de conservation du poisson.

    -Caractéristiques des combustibles utilisés.

    -Etapes de fumage du poisson.

    -Approvisionnement en poisson et difficultés rencontrées.

    -Place du fumage dans votre culture d'origine.

    -Types de liens avec les fumeuses camerounaises.

    -Place des autres activités économiques.

    -Présentation des techniques nouvelles de fumage.

    -Mode d'acquisition de ces savoirs.

    -Changements engendrés dans l'activité.

    5-Guide d'entretien pour les autorités traditionnelles et administratives -Identification.

    -Historique de l'unité de compétence.

    -Implantation des différentes communautés de pêcheurs.

    121

    -Organisation administrative.

    -Gestion de la cohabitation.

    -Modalités d'accès aux ressources halieutiques.

    -Techniques endogènes de pêche et de conservation des produits halieutiques.

    -Méthode d'exploitation nouvelle des ressources halieutiques.

    -évolution des règles de gestion des ressources halieutiques.

    -dynamique des techniques de capture et de conservation dans votre unité de compétence.

    -Place des différentes communautés dans l'activité de pêche.

    -Impact des nouveaux savoirs savoir.

    6-Guide d'observation

    -Activités pratiquées au sein des campements.

    -Principaux mets faits à base du poisson.

    -Rapports entre les jeunes et les anciens dans les activités de productions.

    -Nature des relations entre les différents acteurs de la pêche.

    -Nature des relations entre les différentes communautés de pêcheurs.

    -Modalités d'accès aux ressources et mode de gestion des conflits.

    -Spécificités des techniques de capture et de conservation du poisson utilisées dans la zone.

    -Différentes manière de disposer le poisson et le bois pendant le fumage.

    -Manifestations culturelles en rapport à l'activité de pêche.

    II-ANNEXE LEXICALE

    1-Principaux mets préparés à base de poisson

    Batanga

    Mabi

    Français

    Ebanjéa

    Doumbobi

    Le bouillon de poisson frais assaisonné du piment, du sel, du citron.

    Djomba

    Doumboka

    Le paquet de poisson assaisonné du piment et du citron.

    N'ñukou

    Ndtouá

    La sauce de mango (Irvingia Gaboneesis) et du poisson.

    Maban

    Maban

    Le poisson fumé pimenté.

    122

    2-Matériels phares utilisés dans la pêche

    Karpi

    Gabi

    La pagaie

    Bwalo

    Biali

    La pirogue

    epe?

    Pih

    Le filet

    Mapito

    Pito

    Le plomb

    Meyinga

    Kuoli

    La corde (ou le fil)

    Essessi

    Kégui

    Le morceau de bois/gourdin employé dans la pêche

    Mbwayi

    Nkua

    La canne à pêche.

    Ebâma

    Mbámá

    La ligne

    Sambi

    Sambi

    La palangre

    3-Matériels employés dans le fumage

    Etaka

    Táng

    Le fumoir

    Kissini

    Ndoh-jirèrè

    La cuisine

    Iye

    Bvuh

    Le foyer (pour la cuisson des repas)

    Weh

    Fu

    Le poisson

    Léa

    Yi

    Le bois

    Aka

    Mpfuma

    Le couteau

    4-Mots régulièrement utilisés dans le commerce

    éyamba

    ngiyara

    Acheter

    éyayidé

    shuèro

    Fumer

    Yobo

    boulè

    Pêcher

    éyambi

    ngiyaro

    Vendre

    III-ANNEXE PHOTOGRAPHIQUE 1-Préparation du matériel de pêche

    -Montage du filet par un Bantanga -Montage du filet par les enfants béninois -Montage d'une ligne par un pêcheur Mabi

    Source: Mvetumbo Moïse (Londji I, Source: Mvetumbo Moïse (Nziou, 2010) Source: Mvetumbo Moïse (Nziou, 2012)
    2012)

    123

    2-Retour de la pêche et écoulement du poisson frais

    Hommes, femmes et enfants participant à la stabilisation de la pirogue d'un pêcheur béninois

    Source: Mvetumbo Moïse (Nziou, 2010)

    Jeunes béninois et camerounais participant à l'émaillage du poisson Vente du poisson frais à la plage de Nziou

    Source: Mvetumbo (Nziou, 2011) Source: Mvetumbo (Nziou, 2011)

    3-Principales phases du fumage du poisson

    Un couple Batanga écaillant du poisson mbounga Une béninoise classe le poisson sur le grillage

    Source: Mvetumbo Moïse (Londji I, 2011) Source : Mvetumbo Moïse (Nziou, le15/01/2011)

    124

    Le fumage sur un demi-fût Une fumeuse Mabi contrôlant son fumage Un fumoir quatre poteaux et du bois

    Source: Mvetumbo Moïse (Nziou, Source: Mvetumbo Moïse (Londji I, Source: Mvetumbo Moïse (Londji I

    2010) 2011) , 2010)

    4-Commercialisation du poisson

    Stock de poisson fumé destiné à la vente au marché de Londji I Poisson fumé en détail sur un comptoir

    Source: Mvetumbo Moïse(Londji I, 2010) Source: Mvetumbo Moïse(Nziou, 2011).

    125

    TABLE DES MATIERES

    DEDICACE i

    REMERCIEMENTS ii

    RESUME ii

    ABSTRACT iv

    SOMMAIRE .. v

    LISTE DES ILLUSTRATIONS . vi

    LISTE DES CARTES vi

    LISTE DES PHOTOGRAPHIES vi

    LISTE DES TABLEAUX . vi

    LISTE DES ACRONYMES ET SIGLES . vii

    A- ACRONYMES .. vii

    B- SIGLES . vii

    INTRODUCTION 1

    1-CONTEXTE 1

    2-JUSTIFICATION 2

    2-1-Raison personnelle . 2

    2-2-Raison scientifique . 2

    3- PROBLEME 3

    4-PROBLEMATIQUE 3

    5-QUESTIONS DE RECHERCHE 4

    5-1-Question principale 5

    5-2-Questions secondaires

    ...

    5

    6-HYPOTHESES 5

    6-1-Hypothèse principale . 5

    6-2-Hypothèses secondaires .. 5

    7-OBJECTIFS 5

    7-1-Objectif principal 6

    7-2-Objectifs secondaires 6

    8- METHODOLOGIE 6

    8-1-Choix des sites de l'étude et des informateurs 6

    8-1-1-Choix des sites de l'étude . 6

    8-1-2-Choix des informateurs . 7

    8-2-Méthodes et techniques de collecte des données 7

    8-2-1-Méthode de collecte de données 7

    8-2-1-1-Recherche documentaire . 7

    8-2-1-2-Recherche sur le terrain .. 7

    8-2-2-Technique de collecte 8

    8-2-2-1-L'observation 8

    126

    8-2-2-2-Les entretiens 8

    8-2-3-Outils de collecte 8

    9-ETHIQUE DE LA RECHERCHE . 9

    10-DELIMITATION DU SUJET 9

    11-INTERET DE L'ETUDE 10

    11-1-Intérêt théorique . 10

    11-2- Intérêt pratique . 10

    12-ORGANISATION DU TRAVAIL 10

    CHAPITRE I: DESCRIPTION DU CADRE PHYSIQUE ET HUMAIN DES SITES DE

    L'ETUDE 12

    A-VILLAGE LONDJI I . 12

    I-CADRE PHYSIQUE ET GEOGRAPHIQUE . 12

    I-1-Le milieu de recherche 12

    I-2-Le climat 12

    I-3-L'hydrographie 12

    I-4-La végétation . 13

    I-5-Structure de santé . 13

    II-CADRE HISTORIQUE ET HUMAIN 14

    II-1-Populations locales 14

    II-2-Communautés étrangères . 14

    III-L'ASPECT SOCIOCULTUREL ET ECONOMIQUE 14

    III- 1-L'Aspect socioculturel 14

    III-1-1-Organisation sociale . 14

    III-1-2-Gestion des conflits . 15

    III-1-2-1-Instances traditionnelles 15

    III-1-2-2-Instances légales 15

    III-1-3-Croyances religieuses et associations culturelles . 15

    III-1-3-1-Le peuple Batanga et son rapport avec le monde spirituel 15

    III-1-3-2-Vie religieuse 16

    III-1-3-3-Association culturelle . 16

    III-1-4-Représentations de la mer dans l'univers culturel des populations de Londji I.. 16

    III-1-4-1-Batanga 16

    III-1-4-2-Nigérians 17

    III-1-5-L'Education 17

    III-2-L'aspect économique 18

    III-2-1-Pêche. 19

    III-2-2-Agriculture .. 19

    III-2-3-Commerce .. 19

    IV-ACTIVITES CULTURELLES DES POPULATIONS DE LONDJI I 20

    IV-1-source de l'événement 20

    IV-2-Commémoration des fêtes 20

    IV-3-Activités phares 20

    IV-3-1- La natation. . 20

    127

    128

    IV-3-2-La course des pirogues 21

    IV-3-3- Le bras de fer 21

    IV-3-4-Le bain populaire 21

    IV-STRUCTURE DE L'HABITAT 22

    IV-1-Maison en carabotte 22

    IV-2- Maison en dur . 22

    B-VILLAGE NZIOU 22

    I-CADRE PHYSIQUE ET GEOGRAPHIQUE . 22

    I-1-Milieu de recherche . 22

    I-2-Le climat . 23

    I-3-L'hydrographie 24

    I-4-Le sol . 24

    II-CADRE HISTORIQUE ET HUMAIN 24

    II-1-L'origine du nom Nziou 24

    II-2-Implantation des populations . 24

    II-1-2-1-Populations locales . 24

    II-1-2-Implantation des communautés béninoises 24

    III-L'ASPECT SOCIOCULTUREL ET ECONOMIQUE 25

    III-1-Organisation sociale et gestion des conflits 25

    III-1-1-Organisation sociale .. 25

    III-1-2-Gestion des conflits 25

    III-1-2-1- Instances coutumières 25

    III-1-2-2-Instances légales 25

    III-2-Vie religieuse 25

    III-3-L'Education 25

    III-4-Fête commémorative . 26
    III-5-Représentations de la mer dans l'univers culturel des populations riveraines de

    Nziou . 28

    III-5-1-Mabi .. 28

    III-5-2-Béninois . 28

    III-2-L'aspect économique 29

    III-2-1-Pêche .. 29

    III-2-2-Agriculture . 29

    III-2-3-commerce 29

    CHAPITRE II: REVUE DE LA LITTERATURE, CADRE THEORIQUE ET DEFINITION

    DES CONCEPTS . 30

    A-REVUE DE LA LITTERATURE . 30

    I-GENERALITE SUR LA PECHE AU CAMEROUN 30

    I-1-Domaines de pêche 30

    I-2- Importance de la pêche au Cameroun 31

    I-3- Principales espèces ciblées et espaces de pêche 32
    II-TECHNIQUES ET MATERIELS DE PECHE ET DE TRANSFORMATION DU

    POISSON UTILISES DANS LES PECHERIES CAMEROUNAISES 33

    II-1-Techniques de pêche . 33

    II-2-Outils de capture 33

    II-3-Méthodes de transformation artisanale du poisson . 34
    III-COMMUNAUTES DES PECHEURS ET MODE DE GESTION DES RESSOURCES

    HALIEUTIQUES AU CAMEROUN 35

    III-1-Organes en charge de la gestion de l'activité de pêche au Cameroun . 35

    III-2-Condition d'accès aux ressources halieutiques 35

    III-3-Communautés de pêcheurs dans les côtes camerounaises 37

    IV-GENERALITE SUR LA TRANSMISSION DES CONNAISSANCES 38

    IV-1-Typologie des connaissances 38

    IV-2-Mode de transmission des connaissances . 38

    B-CADRE THEORIQUE 39

    I- L'ETHNOMETHODOLOGIE 39

    I-1-Origine et émergence de la théorie .. 39

    I-2-Implication des ethno-méthodes dans cette recherche 41

    II- LA NOUVELLE ANTHROPOLOGIE INSTITUTIONNELLE 41

    II-1-Fondement de la théorie . 41

    II-2-Pertinence du concept emprunté pour notre étude 42

    III-L'ECOLOGIE CULTURELLE . 43

    III-1-Emergence de la théorie 43

    III-2-Modèle choisi et son implication dans notre travail 43

    C-DEFINITIONS DES CONCEPTS 44

    1-Analyse anthropologique 44

    2-Choix 44

    3-Conservation 45

    4-Finalité . 45

    5-Pêche 45

    6-Savoir-faire 45

    CHAPITRE III: CARACTEISTIQUES DES TECHNIQUES ENDOGENES DE CAPTURE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS DE PECHE ET LEUR

    MODE D'ACQUISITION DANS LES VILLAGES NZIOU ET LONDJI I 47

    I-TECHNIQUES DE CAPTURE DU POISSON . 47

    I-1-La pêche à la canne 47

    I-2-La pêche à la ligne 49

    I-3-La pêche à la palangre 50

    I-3-La pêche à la senne de plage . 52

    I-3-1-Ressources humaines .. 52

    I-3-2-Ressources matérielles 53

    I-3-3-Pratique de la pêche à la senne de plage . 53

    II-METHODES DE RECONNAISSANCE DE L'ENVIRONNEMENT MARIN . 55

    II-1-L'Interprétation du mouvement des vagues. 55

    II-2-L'usage de la pagaie 55
    III-MATERIELS DE PECHE UTILISES DANS LES PECHERIES DE NZIOU ET DE

    129

    LONDJI I. 56

    III-1-Les pirogues 56

    III-2-Spécificité des matériels de capture 58

    IV-METHODES DE CONSERVATION DU POISSON DANS LES LOCALITES DE

    NZIOU ET DE LONDJI. 58

    IV-1-Techniques basiques de fumage de poisson. 59

    IV-2-Le fumage par les demi-fûts . 60

    IV-3-Le séchage sur les fumoirs `'quatre poteaux`' .. 61

    V-MODE OPERATOIRE DE LA TRANSMISSION DES SAVOIR-FAIRE EN MATIERE DE PECHE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS HALIEUTIQUES A LA

    JEUNE GENERATION 62

    V-1-1-Dans les domiciles 63

    V-1-2-La plage et les rives des cours d'eaux 63

    V-1-3-En mer . 64

    CHAPITRE IV: PRESENTATION DES TECHNIQUES EMERGENTES DE PECHE ET DE CONSERVATION DU POISSON DANS LES VILLAGES NZIOU ET

    65

    LONDJI I 65
    I-TECHNIQUES NOUVELLES DE CAPTURE DU POISSON DANS LES PECHERIES

    DE NZIOU ET DE LONDJI I .

    I-1-Technique d'emprisonnement . 65

    I-2-La technique d'écoute ou de sondage du poisson 66

    I-3-La pêche long séjour ou pêche de trois jours 68

    II-MATERIELS UTILISES DANS LA PECHE AU SEIN DES PECHERIES DE NZIOU

    ET DE LONDJI I. 69

    II-1-1-Les petites pirogues à planches rassemblées 69

    II-1-2-Les grandes pirogues à planches rassemblées . 70

    III-2-3-La diversité des filets 71
    III-METHODES DE CONSERVATION EMERGENTES DU POISSON DANS LES

    LOCALITES DE NZIOU ET DE LONDJI I. 72

    III-1-La conservation en mer .. 72

    III-2-Caractéristiques de la conservation sur terre 72

    III-2-1-Chambre froide 72

    III-2-2-Fumage du poisson 73

    III-2-2-1-Le fumage sur les «banda» ou fumoirs à larges dimensions . 73

    III-2-2-2-Le fumage amélioré 74

    III-2-2-3-Spécificités des fumeuses nigérianes et béninoises 76

    IV-PROCEDURE ET AGENTS DE TRANSMISSION DES CONNAISSANCES EN MATIERE DE CAPTURE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS HALIEUTI-

    QUES DANS UN CONTEXTE PLURICULTUREL . 78

    IV-1-Etude de cas 78

    IV-1-1-Cas n° 1: MESSI JULES (Pêcheur, Mabi) . 78

    IV-1-2-Cas n° 2: HUBERT (Pêcheur, Popo) . 79

    IV-1-3-Cas n° 3: WILLIAM GODWILL (Pêcheur, Calabar) 80

    130

    IV-2-Personnes impliquées dans le processus transmission des connaissances dans le

    domaine de la pêche 80

    CHAPITRE V: CONTRIBUTION A UNE ANTHROPOLOGIE DE LA DY-NAMIQUE DES TECHNIQUES DE PECHE ET DE CON-SERVATION DES

    PRODUITS DE PECHE 83

    I-MANIFESTATION DES MUTATIONS DES SAVOIR-FAIRE EN MATIERE DE 83

    PECHE

    I-1-Dynamiques des techniques de capture . 83

    I-2-Adoption des nouveaux engins de déplacement . 84

    I-3-Dynamique des techniques de conservation .. 85

    II-FACTEURS DE PROPAGATION DES NOUVELLES TECHNIQUES DE PECHE ET

    DE CONSERVATION DES PRODUITS HALIEUTIQUES 86

    II-1-Facteurs endogènes 86

    II-1-1-Place du poisson dans la médecine et l'alimentation des populations de Nziou et

    de Londji I 86

    II-1-2-Mariage interethnique et intercommunautaire 88

    II-1-3-Les rites en rapport avec l'activité de pêche de moins en moins valorisés . 89

    II-2-Facteurs exogènes 91

    II-2-1-Le travail collaboratif entre les différents groupes de pêcheurs 91

    II-2-2-La migration 92

    II-1-3-Croissance des besoins en ressources halieutiques dans la région . 93

    II-2-4- Les initiatives extérieures aux villages Nziou et Londji I 93
    III-COMPRENDRE LES MUTATIONS DES TECHNIQUES DE PECHE ET DE

    CONSERVATION . 94

    III-1-Perception et efficacité des techniques comme source de changement .. 94

    III-2-Dynamique adaptative des populations des pêcheurs à l'origine du changement 97
    III-3-Modification du prix relatif et degré de participation des différents acteurs de

    pêche . 98
    IV-IMPACT DE LA DYNAMIQUE DES TECHNIQUES DE PECHE ET DE COINSER-

    VATION DU POISSON DANS LES VILLAGES NZIOU ET LONDJI I 101

    IV-1-La pêche de compensation aux conséquences multiples 101

    IV-2-Modifications des conditions de travail et le circuit de distribution des produits de

    pêche 103

    CONCLUSION 105

    SOURCES

    A-SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES 110

    I-OUVRAGES GENERAUX 110

    II-OUVRAGES SPECIFIQUES 110

    III- ARTICLES . 112

    IV- MÉMOIRES ET THESES . 114

    V- RAPPORTS . 115

    VI- DICTIONNAIRES 116

    131

    VII- TEXTES DE LOIS . 117

    B- SOURCES ORALES 117

    I-Liste des pêcheurs et fumeuses de Londji I 117

    II-Liste des pêcheurs et fumeuses de Nziou 118

    III-Liste des Autorités traditionnelles, administratives et Responsables des structures

    publiques 118

    ANNEXES . 119

    I-ANNEXE METHODOLOGIQUE 119

    1-Guide d'entretien pour les pêcheurs locaux 119

    2-Guide d'entretien pour les pêcheurs étrangers 119

    3-Guide d'entretien pour les fumeuses camerounaises .. 120

    4-Guide d'entretien pour les fumeuses étrangères . 120

    5-Guide d'entretien pour les autorités traditionnelles et administratives 120

    6-Guide d'observation 121

    II-ANNEXE LEXICALE 121

    1-Principaux mets préparés à base de poisson 121

    2-Matériels phares utilisés dans la pêche 122

    3-Matériels employés dans le fumage 122

    4-Mots régulièrement utilisés dans le commerce 122

    III-ANNEXE PHOTOGRAPHIQUE 122

    1-Préparation du matériel de pêche 122

    2-Retour de la pêche et écoulement du poisson frais 123

    3-Principales phases du fumage du poisson 123

    4-Commercialisation du poisson 124

    TABLE DES MATIERES 125






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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe