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La déperdition scolaire dans la commune de Garoua-Boula௠(Est-Cameroun): 1977-2019


par Bienvenu BELNDANGA GARBA
Université de Ngaoundéré - Master 2 2020
  

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II- LES FACTEURS SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA DÉPERDITION SCOLAIRE

Les facteurs socio-économiques de la déperdition scolaire nombreux. Dans cette seconde partie, nous soulignerons les facteurs socio-économiques suivants : la pauvreté et chômage des jeunes diplômés,

1-La pauvreté et chômage des jeunes diplômés

La pauvretéest bien connue de tous comme le principal facteur de déperdition scolaire. Elle se manifeste de la façon suivante : les enfants doivent parcourir des kilomètres pour aller à l'école, en plus des travaux ménagères qui les attendent chez eux, une fille est de 25% moins susceptible d'être à l'école qu'un garçon, principalement en raison des attitudes sociales, le mariage précoce, les instituteurs ne sont pas payés et finissent par ne plus enseigner ou optent pour des activités rentables etl'État des écoles est pitoyable, coté infrastructures66(*). Les élèves sont assis à même le sol dans les établissements où l'on pratique la double vacation dans la commune de Garoua-boulai.

En 1990, le Cameroun a vécu une véritable régression économique. Cette situation s'est aggravée en 1994 avec la dévaluation du franc CFA. La pauvreté déjà si dramatique a cédé sa place à la misère. Les salaires des fonctionnaires ont connu une baisse de l'ordre de 70% en général. Les premières victimes de cette conjoncture ont été les enfants qui ont vu leur droit à l'éducation bafoué.Au Cameroun, la moyenne de famille est de sept(07) personnes. Lorsque l'on sait que « la table du pauvre est maigre et le lit de la misère est fécond », on peut facilement comprendre que cette moyenne est élevée en zones rurales où l'on peut compter plus de dix(10) enfants dans une famille. Il est évident que le bien-être de ces enfants ne peut être assuré totalement.

Par ailleurs, puisque les caisses de l'Etat sont vides, ce sont les parents qui sont invités à construire les établissements scolaires, si non les enfants sont obligés de parcourir des dizaines de kilomètres pour se rendre à l'école voisine. L'enseignement de base, annoncé gratuit, est frappé par un taux élevé des frais de scolarité qui n'est pas à la portée des parents et oblige ceux-ci à choisir parmi ses progénitures trois(03) ou quatre (04) parmi ses dix(10) enfants qui pourront bénéficier des bienfaits de l'école. Évidemment, il va privilégier les garçons au détriment des filles. À cet effet, on va assister à deux types d'abandons scolaires67(*) : volontaire et involontaire.

En ce qui concerne le chômage des jeunes diplômés en tant que facteur de déperdition scolaire, KomlatseKomla, dans son livre68(*)Ce que l'école aurait dû nous enseigner  démontre que l'école ne sert qu'à former les chômeurs dans le monde en général et en Afrique particulièment. À cet effet, il déclare : 

J'ai écrit ce livre pour attirer l'attention de la jeunesse (africaine) sur le fait que le système éducatif dans lequel nous sommes inscrits est loin de nous « garantir unavenircertain» comme on nous le fait croire, mais en fait qu'il ne s'agit que d'une étape précédente de notre vie active, ne nous enseignant presque rien de concret sur cette dernière.Figurez-vous que le système éducatif produit des millions de « diplômés-chômeurs » chaque année dans l'espoir qu'ils trouvent un emploi, au lieu d'enseigner à ces derniers comment créer de la richesse (avec ou sans diplôme), ce qu'il faut faire lorsque les diplômes deviennent « inutiles »69(*).

Il est donc temps que le monde se rende compte que le système éducatif actuel, ironiquement plus cher que celui d'avant, a été vidé de sa substance et n'est plus qu'un lieu pour apprendre à lire et à écrire débouchant sur l'obtention d'un diplôme de « consolation ».Si aujourd'hui le taux du chômage en Afrique Subsaharienne est l'un des plus élevés au monde (la jeunesse compte pour 60% del'ensemble des chômeurs en Afrique Subsaharienne et 80% auMadagascar .ce ne sont pourtant pas les ressources ni les opportunités qui manquent. Le vrai problème réside dans le fait que nous avons été éduqués pour concentrer toute notre énergie uniquement sur le peu que nos diplômes peuvent nous rapporter et rien d'autre.Le système éducatif continue de produire de plus en plus de « rêveurs » que de préparer les apprenants à pouvoir créer de la richesse, même étant encore sur les bancs. Les propos recueillis auprès d'une élève lors de nos investigations est très subtile à cet égard. C'est ainsi, qu'elle a pu déclarer que : 

 J'ai abandonné l'école pour m'adonner à l'agriculture parceque non seulement le président de la république du Cameroun, son excellence Paul Biya l'a mentionné lors de ses discours adressés à la jeunesse camerounaise que, la terre ne trompe pas, mais aussi parceque mes deux grands frères qui ont même la licence depuis 2010 n'ont toujours pas trouvé un emploi. Ils ont essayé presque tous les concours du pays mais en vain. Cette situation me décourage de poursuivre mon cursus scolaire70(*).

Bref, la pauvreté extrême des parents et le chômage des jeunes constituent des facteurs entrainant la déperdition scolaire dans la commune de Garoua-Boulaï.

2-L'exploitation artisanale de l'or

Les propos recueillis lors de nos recherches au près d'un instituteur à l'inspection de l'éducation de Base d'arrondissement de Garoua-Boulaï confirment la pratique d'exploitation de l'or comme facteur de déperdition scolaire non seulement dans la commune de Garoua-Boulaï mais aussi dans toute la région de l'Est. Il déclare à juste titre que : 

Plusieurs causes expliquent la déperdition scolaire dans notre arrondissement. La première cause est l'exploitation abusive et artisanale de l'or. Les enfants qui sont dans les zones où on creuse de l'or (zones minières) préfèrent aller chercher de l'argent brut dans les trous d'or au lieu de venir perdre le temps à l'école. La seconde cause est sans doute, le mariage précoce. En effet, beaucoup de parents pensent que la fille est faite uniquement pour aller en mariage. Nous vivons des cas où 50% des filles peuvent commencer les cours à la Section d'Initiation au Langage(SIL) mais celles qui vont arriver au Cours Moyen 2ème année (CM2) sont à peine 10, 5 ou 6 vont réussir le CEP. Enfin, la troisième cause de cette déperdition scolaire est le manque d'intérêt que certains parents et élèves accordent à l'école. Ils considèrent que l'école est un perd temps pour celui ou celle qui veut gagner rapidement sa vie71(*).

En somme, l'exploitation artisanale du précieux métal de couleur jaune qu'est l'or entraine l'abandon de l'école dans la commune de Garoua-Boulaï et notamment dans les villages tels que Bindiba, Nanamoya, Gandong et Mborguéné.

3- Les mariages et grossesses précoces

Les mariages précoces et les grossesses précoces constitueraient selon la plupart de nos informateurs, l'un des facteurs sociaux de déperdition scolaire dans la commune de Garoua-Boulaï. Avant d'y arriver, il convient pour nous de clarifier ces termes afin de mieux saisir ce facteur social.

Le Mariage : le mariage est un acte par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union régie par les dispositions juridiques en vigueur dans leur pays. Le mariage nécessite le consentement libre et éclairé des époux.

Le Mariage d'enfants : il s'agit essentiellement d'une union entre une fille de moins de 15 ans et un homme mur.

Le Mariage forcé : le mariage forcé se définit comme l'union de deux personnes dont une au moins n'a pas consenti entièrement et librement à se marier. Le mariage forcé est entaché de vice du consentement, puisque le consentement d'un des deux époux ou conjoints n'est pas libre et n'a été donné que suite à des pressions psychologiques, des violences physiques, etc. la fille de moins de 15 ans est généralement concernée, alors que l'âge légal de la fille a été fixé à 15 ans par la loi au Cameroun et à 18 ans au niveau régional africain par l'union africaine. Ce mariage est désigné sous des appellations diverses suivant les pays ou régions : mariage traditionnel, mariage coutumier, mariage de raison, mariage de convenance, mariage précoce, mariage d'enfant, mariage blanc, mariage indésirable, mariage arrangé ou le mariage par enlèvement.Ce phénomène du mariage forcé concernant particulièrement des mineurs (entre 10 et 15 ans) ainsi que des jeunes majeures n'est pas marginal. Même s'il est difficile actuellement d'en apprécier l'importance exacte, encore plus de le déchiffrer.Selon L'Institut Nationale de la Statistique(INS), 2011 : 17% des femmes étaient déjà en union en atteignant 15 ans et 6% des hommes l'étaient en atteignant 18 ans. Les filles victimes des MEPF72(*) mariées très jeunes ne possèdent pas souvent d'acte de naissance (ni leurs enfants), de carte nationale d'identité, ne participent pas aux élections. Elles sont généralement violées, répudiées, exposées au VIH/SIDA et deviennent frivoles ; elles ne connaissent pas leurs droits (étant privées ainsi de la pension alimentaire après répudiation) ; elles ne sont pas protégées par la loi, de façon générale : les lois existantes, d'ailleurs discriminatoires et généralement inadaptées à leurs besoins ne sont pas appliquées lorsqu'elles sont favorables.

Cette pratique traduit un manque de respect de :

· La loi nationale (article 52 de l'ordonnance n° 81/062 du 29 juin 1981) qui fixe l'âge minimum au mariage à 15 ans pour les femmes et à 18 ans pour les hommes.

· Ainsi que de la convention ratifiée par le Cameroun sur le plan régional, le protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et relatifs aux droits de la femme ou protocole de Maputo, article 6 qui fixe cet âge à 18 ans.

Le tableau qui suit représente permet comprendre les raisons d'abandon de l'école dans la commune de Garoua-boulai. Ledit tableau contient les données quantitatives recueillies lors de l'une de nos investigations auprès de vingt(20) élèves.

Tableau 10 : statistique des principales raisons d'abandon scolaire

Raisons d'abandon scolaire

Effectifs (ni)

Fréquence relative(%)

Manque de travail au Cameroun

1

5%

Manque d'acte de naissance

1

5%

Parents analphabètes

3

15%

Pauvreté

4

20%

Travaux champêtres

2

10%

Exploitation de l'or

3

15%

Mariage précoce

1

5%

Grossesse précoce

3

15%

Redoublement de classe

1

5%

Domicile séparant le domicile de l'école

1

5%

Total

20

100%

Source : données du terrain,2020.

L'analyse du tableau ci-dessus nous permet d'affirmer que, la pauvreté est le principal facteur de la déperdition scolaire dans toute la commune de Garoua-Boulaï car sa fréquence relative est de 20%. Ensuite, viennent respectivement, l'analphabétisme des parents, l'exploitation de l'or et la grossesse précoce.

4-Le manque d'acte de naissance

Au Cameroun, selon les résultats de la MICS 2014, le taux d'enregistrement à la naissance des enfants de moins de 5 ans qui était en baisse continuelle depuis 20 ans, passant successivement de 70% en 2006 à 61% en 2011 a connu une légère hausse à 66% en 2014 au niveau national. Ceci pourrait être lié à la révision de la loi sur l'état civil au Cameroun en 2011 qui a porté les délais légaux d'enregistrement des naissances de 30 jours à 90 jours. Les taux d'enregistrement les plus bas se retrouvent dans les régions de l'extrême-nord(42%) et du sud-ouest(55%)73(*).

Le manque d'acte de naissance dans la commune de Garoua-Boulaï ne date pas d'aujourd'hui. Son histoire remonte aux années 70, aux temps durègne du premier président de la république du Cameroun, son excellence Amadou Babatoura Ahidjo, paix à son. D'après nos informateurs, le manque d'acte de naissance est un problème qui date depuis la création de la mairie de Garoua-Boulaï en 1977. Pour officiers d'états civils rencontréslorsde nos investigations, 5 enfants sur 10 n'ont pas d'acte de naissance74(*). Les risques auxquels sont exposés les enfants qui ne sont pas enregistrés sont énormes et peuvent entraver leur accès à d'autres droits de l'enfant.Les propos recueillis auprès d'un de nos informateurs, est un bel exemple parmi tant d'autres. Il avait déclaré : «  nous rejetons immédiatement les dossiers des candidats n'ayant pas d'actes de naissance, qui nous parviennent ici l'inspection, que ce soit pour les candidats réguliers ou les candidats libres »75(*). Allant dans le même sens, les propos recueillis auprès d'un élève peuvent renchérir cette perspective. À cet effet, il affirma que : « j'ai abandonné les cours au CM2 parceque je n'avais pas d'acte de naissance pour déposer mes dossiers du CEP et d'entrée en 6ème  »76(*).De même, l'admission d'un élève à la Section d'Initiation au Langage (SIL) se fait par le visa de l'acte de naissance par les directeurs ou directrices de l'établissement concerné, mais les exceptions ne manquent guère. Allant dans le même sens, l'actuel maire de la commune de Garoua-Boulaï déclare : « 70% des enfants en âge scolaire dans la commune de Garoua-Boulaï sont dépourvus d'acte de naissance »77(*).

Seulement 61% de nouveau-nés sont enregistrés à leur naissance au Cameroun. Les taux d'enregistrement les plus bas se retrouvant dans les régions de l'extrême-nord(38,2%) et de l'Est (56%), selon une étude sur le système local de l'état civil78(*).

Donc, le manque d'acte de naissance constitue un réel problème pour la scolarisation des enfants dans la commune de Garoua-Boulaï et explique en partie la déperdition scolaire de ces derniers dans cette localité du Cameroun.

Les raisons pour lesquelles les enfants n'ont pas d'acte de naissance dans la commune de Garoua-Boulaï et par tout ailleurs sont multiples. Tout d'abord, nous avons le manque d'information concernant la déclaration et l'enregistrement des naissancesn'est pas universellement perçu comme un droit fondamental. Les parents ne connaissent pas les conséquences liées à l'absence d'enregistrement des naissances de leurs enfants. Plus grave encore, certains parents voient la déclaration des naissances « une comme une pure formalité administrative »79(*). Ensuite, nous avons comme deuxième raison, les barrières économiques. Ainsi, pour certains parents, l'enregistrement coute cher, notamment en zone rurale, quand il faut parcourir parfois de longues distances pour accéder aux services d'état civil, ce d'autant plus lorsque la délivrance d'acte d'état civil est payant. Parfois, la corruption vient encore augmenter les frais imposés aux familles.

* 66L'abandon scolaire : causes et conséquences, www.didac.mip.fr , consulté le 22/09/2020.

* 67G.Siakeu,« Les enfants en déperdition scolaire au Cameroun», http://portail-eip-org/SNC/eipafrique/Cameroun/déperdition.html, consulté le 06/09/2020.

* 68KomlatseKomla, 2017, « Ce que l'école aurait dû nous enseigner » Les éditions TOGO en vogue, p.8.

* 69Ibid.

* 70 Entretien avec O .Zongagnina claire, ancienne élève au Lycée bilingue de Garoua-Boulaï, le 13 septembre 2020.

* 71Entretien avec J. Manga Engolo, instituteur en service à l'inspection de l'éducation de base, Garoua-Boulaï, 12 septembre 2020.

* 72Adakou Apedo-Amah et C.Wandji Njomou, 2015, «Projet de réduction des Mariages d'Enfants, des Mariages Précoces et Forcés (MEMPF) à travers des actions pour le changement de comportement des populations et la prise en charge des victimes à Garoua-Boulaï, Women on the Move for Equal Development (WOMED)», pp.20, 21.

* 73UNICEF, 2018, « Note d'information pour chaque enfant, un acte de naissance», https://reliefweb.int//report/cameroon/unicef-note, consulté le 22/10/2020.

* 74Entretien avec E. Yaffo Ndoé, l'ancien maire de Garoua-Boulaï, 15 septembre 2020.

* 75Entretien avec M. Motokouengj, inspecteur d'arrondissement de l'éducation de Base, Garoua-Boulaï, 14 septembre 2020.

* 76Entretien avec A. Hamza, Garoua-Boulaï, 17 aout 2020.

* 77Entretien avec A. Abdon, le nouveau maire de Garoua-Boulaï, le 12 septembre 2020.

* 78Gankep Kapya Hourielle, stagiaire à l'Association Nationale de Promotion et de Production(ANAPRODH), rapport sur les meilleures pratiques et les mesures concrètes visant à garantir l'accès à l'enregistrement des naissances, p.6.

* 79Ibid., p.6.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery