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De l'étudiant, lycéen au manifestant : étude d'un rituel contemporain

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par Anthony Mettler
UBO Brest - Master 1 Staps  2008
  

Disponible en mode multipage

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2008

Université de Bretagne Occidentale - Brest
Master Sport Santé Société

Master 2

STAPS

Spécialité Recherche

Anthropologie des pratiques corporelles et apprentissages moteurs

Anthony METTLER

De l'étudiant, lycéen au manifestant : étude d'un rituel contemporain

Le cas des manifestations brestoises de novembre et décembre 2007

Directeur de mémoire : Julien FUCHS

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Remerciements

Tout d'abord, je tenais à remercier la personne qui suit mes travaux de recherche depuis maintenant deux ans, qui me fait avancer et qui m'apporte beaucoup, Julien Fuchs. Je n'oublie pas que « la fièvre de la jeunesse permet au reste du monde de maintenir à température, quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents ».

Ensuite, je ne peux pas oublier les personnes qui m'ont aidé à accomplir ce travail, Olivier Lemonon, Patrick Boumard. Ainsi que celui avec qui j'ai beaucoup discuté de l'orientation de mes travaux et qui m'a permis d'avancer sur mes projets, Antoine Marsac.

Enfin, merci à Madame la proviseure du Lycée Dupuy De Lôme de Brest, Mme Pasgrimaud, d'avoir accepté de me laisser diffuser les documents concernant le mouvement. Je pense également à l'ensemble des étudiants, lycéens, comme Ambre, jean Luc, sans qui ce travail n'aurait pas pu aboutir.

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Sommaire

1. Introduction 5

2. Conceptualisation 7

3. Problématique : un rituel utilisant la pratique corporelle 18

4. La démarche adoptée 20

5. Le mouvement brestois de 2007, un mouvement de contestation 23

6. Un rite initiatique à la fois d'institution et de renouvellement 27

7. L'utilisation d'un pouvoir médiatique par la mobilisation de masse 32

8. Conclusion 38

9. Références 41

10. Annexes 43

11. Table des matières 55

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1. Introduction

Cette étude de cas s'intéresse aux manifestations qui se sont déroulées à Brest au cours des mois de novembre et décembre 2007. Au cours de cette période, deux populations n'ont eu de cesse d'interagir entre elles, d'un côté nous avons les étudiants brestois issus de différentes filaires de formations et de l'autre côté nous avons les lycéens issus des établissements brestois, proposant aussi bien des formations générales que professionnelles.

L'émergence de ce mouvement trouve sa source dans les réformes proposées pas l'Etat. Le premier motif de la mobilisation est la Loi de Responsabilité des Universités1 (LRU) votée en août 2007 et qui donne une plus grande autonomie de fonctionnement aux universités de France. Le second motif est la note2 du Ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos, qui vise à alléger et restructurer les formations des baccalauréats professionnels.

Au même moment, se cristallise d'autres problèmes sur le territoire notamment chez les avocats qui contestent la restructuration de la carte judiciaire. Finalement, le mouvement social brestois prend forme dans un contexte social instable.

Dès lors, il est important de préciser le sens des termes utilisés. En ce qui concerne la manifestation, nous pouvons dire qu'il s'agit d'une « réunion organisée sur la voie publique ayant comme but d'exprimer une conviction collective » 3. Or, cette définition est trop vaste dans notre contexte et risque d'englober également les manifestations telles que les rassemblements de motards par exemple. C'est pourquoi notre réflexion nous pousse à préciser le sens du terme « manifestations » par « mouvements sociaux » qui correspond, pour Françoise Chazel4, à « une entreprise collective de protestation visant à imposer des changements dans une structure sociale et/ou politique par le recours à des moyens non institutionnalisés ». Dès lors, cette définition est plus précise dans le sens où elle pose l'idée de protestation avec une intention de changement par des moyens non institutionnels. Cette

1 Cf. annexe 1

2 Cf. annexe 2

3 Alpe,Y. Beitone, A. Dollo, C. Lambert, JR. & Papayre S. (2007) Lexique de sociologie, Dallos, Paris

4 Chazel, F. (1993) Action collective et mouvements sociaux, PUF, Paris

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présentation nous permet alors d'être plus précis concernant le sens des mots utilisés, c'est en ce sens que l'on parle désormais de mouvement social et non plus de manifestation.

Nous avons décidé d'aller au plus près des manifestants en utilisant l'observation participante afin de rendre compte des événements mais aussi de comprendre le motif d'un tel événement. Cette étude s'intéresse à l'explication des mécanismes internes permettant l'instrumentalisation du corps. Nous avons suivi au jour le jour le mouvement social et notre attention s'est portée sur les documents distribués, les interviews de manifestants mais aussi sur l'observation du déroulement du mouvement. En effet, il s'agit d'être présent au moment des interactions entre les acteurs dans leur milieu. Au cours de cette période, nous avons systématiquement récoltés des données que nous avons conservées par l'intermédiaire du carnet de terrain. Nous nous sommes immergés dans la « vie » du mouvement afin d'en comprendre tous les aspects.

Afin de présenter l'objet de cette recherche, nous avons fait le choix de présenter les écrits sur les mouvements sociaux en traitant les différentes approches possibles ainsi que les critères les caractérisant car il sera nécessaire de définir la nature du mouvement qui se déroule sur Brest.

Ensuite, nous aborderons la question des rites et des diverses formes possibles, en lien avec le concept de mouvement social. Enfin, nous traiterons des conséquences des rites sur l'aspect identitaire par une présentation du militantisme étudiant.

Nous présenterons la méthodologie utilisée permettant de recueillir des données afin d'analyser l'instrumentalisation du corps. Dans le cadre de notre étude, il s'agit d'une méthodologie constituée d'une observation participante, un journal de terrain ainsi que de l'étude de documents. Mais surtout, nous proposerons une analyse qualitative qui a permis de qualifier le type de mouvement que nous étudions. Notamment par le traitement des interactions entre les populations de manifestants.

Suite à cela nous exposerons les éléments qui structurent le regroupement de manifestants. Enfin, nous conclurons ce travail en synthétisant les pistes de réponse et en proposant un axe de réflexion pour la continuité de ce travail.

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2. Conceptualisation

2.1. Les mouvements sociaux

D'après Erik Neveu5, « un mouvement social est un ensemble d'actions, de conduites mettant partiellement ou globalement en cause l'ordre social et cherchant à le transformer. Il peut regrouper des classes mais aussi des groupes d'âges, des minorités (ethniques, sexuelles...). Ils sont surtout portés par des groupes issus de classes moyennes : ingénieurs, techniciens, professeurs ». Un mouvement social comprend également l'idée de mobilisation autour d'espoirs, d'émotions, d'intérêts mais il s'agit aussi d'une occasion de mettre en discussion des enjeux sociaux, de faire bouger la société. Ces mouvements sociaux illustrent d'abord l'irruption d'individus dans la rue, du désordre mais aussi la recherche de déstabilisation de l'Etat. Les mouvements sociaux sont souvent décrits comme imprévisibles avec l'ambition de défier l'autorité par un processus proche de la contagion. Un mouvement social peut être entendu comme étant le regroupement d'individus, avec une revendication à faire valoir. Dans notre cas il s'agit de populations scolarisées qui expriment leurs demandes par des moyens comme la grève, la manifestation, l'occupation d'un bâtiment public. Dès lors, le sens commun associe à l'idée de mouvement un ensemble de formes de protestation. Or l'association entre mouvement social et expression d'un mécontentement ne va pas de soi. Que peut-on dire de la forme de regroupement et des caractéristiques qui composent les mouvements sociaux ?

2.1.1 L'action collective :

La difficulté naît ici de la polysémie de l'adjectif « collectif ». En effet, il s'agit plutôt de l'idée de l'agir ensemble comme projet volontaire avec l'intention de coopération entre les acteurs. Raymond Boudon parle d'effet pervers du processus qui résulte d'une agrégation de comportements individuels, sans intention de coordination6. L'exemple des chauffeurs routiers en opération escargot le démontre car la différence est claire entre une action concertée, liée à des revendications et un résultat imprévu, parfois imprévisible, résultants de

5 Neveu, E. (2005) La sociologie des mouvements sociaux, La découverte, Paris

6 Boudon, R. (1977) Effets pervers et ordre social, PUF, Paris

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milliers de départs en vacances individuels. La notion d'action collective peut aussi s'appliquer à la plupart des activités liées à l'univers de la production, de l'administration.

En ce qui concerne la croyance dans l'action collective ou individuelle, il n'est pas nécessaire d'avoir la foi dans des valeurs sacrées de l'industrie automobile pour travailler dans un garage. Cependant, il faut avoir un minimum de croyance pour manifester. De plus, l'utilisation du corps est un moyen symbolique de contester comme nous avons pu le voir avec les Jeux Olympiques de Pékin où des sympathisants du Tibet ont simulés leur mort devant les caméras du monde entier. Nous assistons là à une instrumentalisation ayant une orientation spécifique qui est la défense du peuple Tibétain afin de faire pression sur les pouvoirs politiques. Ce qui nous amène à réfléchir sur le sens des engagements moraux et physiques des actions collectives et individuelles.

2.1.2. L'action orientée pour une cause :

D'après Erik Neveu, il faut réintégrer l'histoire de chaque mouvement social dans un contexte culturel et intellectuel. La notion d'action collective examinée ici renvoie à deux critères : l'agir-ensemble intentionnel, marqué par le projet explicite des protagonistes de se mobiliser de concert, la revendication, de défense d'un intérêt matériel ou d'une cause. Il isole un type particulier d'action collective à laquelle s'associent des pratiques comme la grève, la manifestation ou encore la pétition. Cette action concertée autour d'une cause s'incarne en entreprises collectives visant à établir un nouvel ordre de vie. Dès lors, ce nouvel ordre de vie peut viser à des changements profonds ou, au contraire, être inspiré par le désir de résister à des changements. Il peut également impliquer des modifications de porté révolutionnaire ou ne viser que des enjeux très localisés. Enfin, il y a ceux qui refusent une centrale nucléaire ou une autoroute au seul motif qu'elle est près de chez eux mais il existe aussi des porteurs de revendications plus désintéressées, plus universelles, tel l'abbé Pierre. Donc l'engagement n'est possible que s'il existe une cause à défendre ou bien une idée à faire passer.

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2.1.3. Les mouvements de contestation et la politique :

D'après Alain Touraine7, les mouvements sociaux sont, par définition, une composante singulière et importante de la participation politique dans l'idée d'agir contre. Un mouvement social se définit alors par l'identification d'un adversaire. Et l'acte de se mobiliser et de s'engager pour défendre une hausse de salaire ou bien contester le vote d'une loi, ne peut se déployer que contre un adversaire désigné : employeur, administration, pouvoir politique. Ce qui nous concerne directement dans cette étude en rapport avec une mobilisation contre les décisions de l'Etat. Cela vise à répondre à un problème ou à une revendication en mobilisant au sein du groupe, les moyens d'y répondre. Cependant, un mouvement social n'est pas nécessairement politique car ici cette notion fait appel aux autorités telles que le gouvernement, les collectivités locales ou les administrations pour apporter la réponse à une revendication. La publicité que reçoivent ces conflits dans les médias, leur discussion dans l'espace public ne suffisent pas à leur donner un caractère politique. Celui-ci n'intervient que lorsque le mouvement social se tourne vers l'Etat. Dès l'entrée du conflit dans l'espace public, il y a des enjeux quant à la quantité de personnes rassemblées. Dès lors il existe un enjeu de masse qui signifie que plus il y a d'individus à se mobiliser, plus la manifestation sera considérée comme significative et pesante sur le pouvoir. Donc, un mouvement de contestation à une orientation contre un adversaire, ici l'Etat, et tend à répondre à une revendication par la mobilisation d'individus.

2.1.4. Un répertoire d'action :

Faut-il considérer que les mouvements sociaux sont les armes des faibles en quelque sorte réduits à manifester et à faire grève faute de pouvoir être entendus par des voies plus institutionnelles. Pour Charles Tilly8, il existe des formes d'institutionnalisation propres aux mouvements sociaux. En effet, tout mouvement social est confronté à un répertoire préexistant de formes protestataires plus ou moins codifiés, inégalement accessibles selon l'identité des groupes mobilisés.

7 Touraine, A. (1978), La voix et le regard, Seuil, Paris

8Tilly, C. (1986), La France conteste de 1600à nos jours, Fayard, Paris

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De plus, cette domination touche également au fait que les mouvements sociaux ont besoin de publicité notamment celle des médias. Donc, l'élaboration de contestation s'opère sous forme de discussions entre appareils « représentatifs », groupes de pression de la haute administration sans que cela ne soit complété par une publicité ou d'un débat et des enjeux dans l'espace public (Pierre Rosanvallon)9. A l'inverse, l'action de la « rue » est contrainte de se développer dans des conditions de publicité qui privilégie le jugement de l'ensemble des citoyens. Les mouvements sociaux constituent une arme des groupes dans un espace social et un temps donnés. Il existe bien une affinité entre la position de dominé et le recours à des formes moins institutionnalisées, moins officielles de prise de parole, comme les médias ou bien l'opinion publique.

Toujours selon Charles Tilly, il y a apparition de nouvelles formes d'engagements associatifs de dimension internationale telles que Greenpeace complétée d'une montée des logiques d'expertise. Il s'agit là d'une nécessité pour les groupes de mobiliser à leur profit les arguments de la science et des projets chiffrés. Puis, la dimension symbolique prend de l'importance par la construction d'images autour des groupes et des causes comme la construction d'une mythologie moderne du paysan à la fois entrepreneur et protecteur de la nature. Nous pouvons dire que les mouvements sociaux ne sont pas un univers de pure fluidité, de spontanéité absolue car ils connaissent des dimensions d'institutionnalisation, des cadres organisateurs.

2.1.5. L'organisation des mouvements sociaux :

Des mouvements sociaux peuvent émerger sans que des organisations préexistantes n'en soient les initiatrices comme cela a été le cas lors des violences dans les banlieues françaises. Tout mouvement social qui tente de s'inscrire dans la durée pour atteindre des objectifs est confronté à la question de l'organisation qui coordonne les actions, rassemble des ressources, mène un travail de propagande pour la cause défendue, ressort comme une nécessité pour la survie du mouvement, ses succès. William Gamson10 parle de « bureaucratisation » des mouvements avec des statuts écrits, une tenue de fichier des

9 Rosanvallon, P. (1981), la crise de l'Etat providence, Seuil, Paris

10 Gamson, W. (1975), The strategy of Social Protest, Wadsworth, Belmont

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adhérents ou encore création d'échelons hiérarchiques. Dès lors, les mouvements sociaux dotés d'une telle organisation parviennent, dans 71% des cas, à être reconnus par leurs interlocuteurs, contre 28% pour les mouvements moins organisés. Une organisation fortement centralisée, mais surtout unie, se révèle plus efficace. En pratique, l'immense majorité des mouvements sociaux est structurée par des formes plus ou moins rigides d'organisation tels que les relais partisans, les syndicats, les associations, la coordination ou encore un rôle central lié à quelques animateurs. Les mouvements sociaux ne sont donc nullement au pôle d'une pure expressivité, d'un refus de toute organisation. Entre un mouvement social et un groupe de pression la différence n'est pas toujours évidente mais elle peut aussi se penser en termes de trajectoire. Donc, un mouvement social est organisé de façon à pouvoir fonctionner ce qui remet en question l'idée de spontanéité de la contestation. N'y aurait il pas une construction ou une incitation à la mobilisation.

Il existe un certain nombre d'éléments à prendre en compte afin de pouvoir comprendre la structuration d'un mouvement social. Tout d'abord, l'action collective et individuelle est une coopération entre acteurs croyant en leur acte. Cette action est orientée pour une cause, par un moyen qui est la grève, avec l'intention d'agir ensemble après avoir élaboré un projet. Cette action vise un changement profond du mode de vie ainsi que des enjeux localisés. De plus, la participation des acteurs à agir contre un adversaire identifié est primordiale et dans ce cas la mobilisation massive d'individus est nécessaire pour faire pression. Il existe également une domination à la fois dans les formes de protestations, dans les moyens de communications ce qui implique une adaptation du degré d'expertise des acteurs. Enfin, un mouvement social peut émerger sans organisation, cependant, s'organiser permet de durer dans le temps et d'être reconnu par l'institution. Dès lors émerge la question de la fonction du mouvement social.

2.2. Les rites dans notre société contemporaine

La question des rites, qu'ils soient de passages, initiatiques ou bien politiques se pose ici. En effet, la manifestation regroupe une masse ayant un objectif d'action au centre d'enjeux qui souvent dépassent les acteurs aux mêmes. Dans cette partie nous posons la possibilité que l'utilisation du corps pour contester soit un rite.

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2.2.1. La question des rites :

Emile Durkheim11 Martine Segalen12 rappelle que les rites font prendre conscience à l'individu qu'il fait partie d'une communauté dans notre société rationnelle et utilitariste où le sacré a perdu de son importance face au profane. Les rites sont des moments clés qui accompagnent la vie, tel que la naissance, le mariage ou bien la mort. Nous pouvons dire que l'aspect collectif du rite dans la célébration est important. En effet, un rite prend son importance sociale quand il est célébré collectivement. Pour comprendre le contexte des rites, il faut savoir qu'une manifestation rituelle tranche avec le quotidien et dont l'aspect collectif est important. Ces rituels ont pour effet de renforcer les sentiments d'appartenance à une collectivité et de renforcer notre dépendance à un ordre moral plus fort. Dans notre cas, le rite semble répondre à une intention forte de contester le pouvoir de l'Etat et donc de défendre des valeurs propres à un groupe donné. Pourtant, les rites sont des événements périodiques, coutumiers qui inscrivent les individus dans un groupe donné.

Il y a des valeurs qui transcendent les individus d'une société et ces valeurs permettent d'échapper au chaos. A travers ces valeurs nous respectons un ordre social. Donc le rite est efficace sur le plan social et individuel car il permet de maintenir certaines règles sociales. Son effet est attendu, recherché et permet de rassembler une collectivité humaine ce qui produit des états mentaux collectifs qui sont suscités par le fait que le groupe soit rassemblé.

Dans un rituel, se distinguent trois phases : séparation, marge et agrégation. La forme et la durée des phases de séparation et d'agrégation varient en fonction de la chose célébrée. Ainsi les rites de séparation seront plus marqués dans les cérémonies funéraires, ceux d'agrégations pour le mariage. La marginalisation est effective par les actions de contestation enfin la dernière phase est l'agrégation, qui a pour objectif de réintégrer l'individu dans la vie normale avec un nouveau statut.

11 Durkheim, E. (1912) Les formes élémentaires de vie religieuse : le système totémique en Australie, PUF, Paris

12 Segalen, M. (2005) Rites et rituels contemporains, Armand Colin, Paris

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2.2.2. Le rite d'institution et de renouvellement :

Pierre Bourdieu 13 propose de substituer au concept de rite de passage celui de « légitimation », rite de « consécration », rite « d'institution », en analysant la ligne qui opère le passage d'un état à un autre, il insiste sur la mise en évidence du pouvoir qui les instaure. Ce n'est pas le passage qui compte mais plutôt la ligne qui sépare un avant d'un après. Dès lors le rite institue, sanctionne, sanctifie le nouvel ordre établi : il a un effet d'assignation statutaire et encourage le promu à vivre selon les attentes sociales liées à son rang. Le rite d'institution est un rite qui légitime une différence de façon arbitraire. Par exemple, la circoncision consacre et donc institue la différence entre l'homme et la femme. Plus précisément, Van Gennep14 n'a jamais prétendu que toutes les formes de rituels relevaient du passage, et à l'inverse, il a souligné le caractère multiforme et complexe des cérémonies. C'est pour cela qu'il est possible qu'un rite d'institution ainsi qu'un rite de renouvellement au sein d'une communauté puisse s'interpénétrer. Finalement, il existe une nécessité de légitimisation des nouveaux arrivants par les membres les plus anciens. Qu'il « institue » ou qu'il « fasse passer », le rite ne peut être auto-administré, il faut une autorité supérieure, qu'il s'agisse de l'Eglise, de l'Etat ou d'un représentant laïc du pouvoir concerné par la manifestation.

2.2.3. La transition et la communitas:

Les rites peuvent êtres considérés comme des formes de négociation d'un nouveau statut au sein d'une société donnée qui présente un système structuré et hiérarchique de positions. L'étape de transition définie par Victor Turner15 est importante car il s'agit d'une étape où s'instaure une « anti-structure ». Mary Douglas16 ajoute à cela que le danger réside dans l'étape elle-même puisque le passage d'un état à un autre est indéfinissable. Elle complète son idée par le fait que tout individu qui passe de l'un à l'autre est en danger et ce danger émane de l'individu lui-même. Dès lors, l'individu en phase liminale présente des

13 Bourdieu, P. (1982) Les rites comme actes d'institution, Actes de la recherche en sciences sociales, 43

14 Van Genepp, A. (1909) Les rites de passages, Emile Nourry, Paris

15 Turner, V. (1967) Le phénomène rituel. Structure et contre-structure, PUF, Paris

16 Douglas, M. (1971) De la souillure. Essais sur les notions de pollution et de tabou, Maspéro, Paris

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traits spécifiques : il échappe aux classements sociologiques puisqu'il est dans une situation de transition d'une phase à une autre.

L'étape de liminalité conduit d'ailleurs jusqu'à une anti-structure sociale que Victor Turner nomme communitas, au cours de laquelle des liens peuvent se créer hors des hiérarchies et des rapports sociaux ayant normalement cours dans le groupe. Ce phénomène qui s'apparente à la liminalité serait actuellement présent dans notre société par des structures qui refusent de se fonder sur la classe sociale et rejettent l'ordre social. En ce qui concerne les mouvements sociaux, la participation aux manifestations semblerait répondre à cette notion de communitas. C'est-à-dire un type de structure éphémère dans le temps ayant comme objectif de contester l'ordre social et la hiérarchie.

2.2.4. Les formes de l'engagement militant à travers la corps :

Les individus peuvent subir des épreuves physiques d'apprentissage, qui mettent en jeu le corps, qui auront pour effet de les mettre dans un moule, de les sortir de leur « état préliminaire » et de les acheminer vers leur plein « état social ». Cette étape doit les rendre identiques aux autres membres de la communauté. Brigitte Larguèze17 estime central dans le processus rituel le changement de d'apparence qui est « l'opérateur principal » des cérémonies. Ces formes de rituelles retrouvant les caractéristiques des phases de transitions comprenant les anciens, maîtres du rituel, comme les nouveaux, changeant d'attributs. Ces derniers qui voient pendant un temps leur apparence brouillé et leur identité corporelle changée : perte de patronyme, soumission à des exercices de souillures physiques réelles, port d'un uniforme, coupe des cheveux. La course à pied fait partie de ses espaces de ritualisation où l'activité coureuse apparaît très riche sur le plan symbolique et rituel. En s'appuyant sur les définissions données par Emile Durkheim, Marcel Mauss, Arnold Van Gennep ou encore Victor Turner, le corps du coureur est tout à la fois outil et but de l'action. Dans la mesure où la course exige un engagement physique très important, l'activité permet de dépasser un au delà du corps généralement tabou. Pour chaque coureur, le sacré de la course réside ainsi dans l'usage spécifique de son corps. Le côté rituel relève alors de l'aspect collectif qui procure

17 Larguèze, B. (1996) Masque ou miroir : le changement d'apparence dans le bizutage, rapport ronéoté, Ministère de la culture, Paris

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une effervescence émotionnelle partagée et socialise l'individu. Quant au groupe des coureurs en compétition, où se mêlent tout un tas d'individus de classes et d'âges différents, la durée temporaire de l'« épreuve » s'apparente à une forme de communitas telle que la décrit Victor Turner. C'est sur cette idée d'épreuve d'apprentissage physique que nous nous basons pour questionner le mouvement social qui s'est déroulé sur Brest. Ces épreuves ont comme objectif de faire intégrer, à des individus, l'ensemble des caractéristiques d'un groupe par un rassemblement qui semblerait être un rite.

Nous pouvons dire qu'il existe des rites, initiatique et de renouvellement, qui utilisent le corps. De plus, ces rites permettent d'initier les nouveaux membres aux normes ainsi qu'aux règles qui font l'identité et la particularité de leur classe ou de leur groupe par des épreuves d'apprentissage physique. Mais également de perpétuer un renouvellement des membres de la communauté propre à chaque type de classe. Ces rites sont nécessaires afin d'assurer une pérennisation de l'identité et des logiques propres à un groupe donné.

2.3. L'identité militante acquise par un rite du corps

Fondamentalement, le militantisme, c'est « l'action menée ensemble par un groupe de personne »18. L'idée défendue par Tim Jordan est que l'essentiel dans le militantisme n'est pas tant le fait d'être à plusieurs à accomplir une même action mais plutôt la solidarité existante dans l'objectif de la transgression. Chaque groupe de protestation fut au départ formé de gens qui reconnaissent chez les autres leurs propres frustrations, aspirations et désirs de transgresser les règles actuelles du monde. La solidarité est le résultat de ces interactions, la reconnaissance d'un « nous » fait de nombreux « je » séparés.

C'est pour cela qu'il est intéressant de se pencher sur l'ensemble des traits pertinents qui conditionnent le militantisme dans un premier temps, puis de questionner l'identité militante, en effet les rites utilisant l'apprentissage physique amèneraient à construire une identité militante.

18 Jordan, T. (2003) S'engager, les nouveaux militants, activistes, agitateurs ..., Autrement Frontières, Paris

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2.3.1. Le militantisme étudiant :

McAdam et Paulsen19 cherchent à comprendre pourquoi au sein d'un groupe donné, par exemple les étudiants, certains militent tandis que d'autres demeurent passifs. Une étude sur les étudiants volontaires au mouvement des droits civiques met en évidence différentes variables : plus un individu est au contact de personnes engagées dans l'action militante, plus sa situation personnelle minimise les contraintes professionnelles et familiales, plus ses projets d'engagement reçoivent l'aval de ceux dont il est affectivement proche, plus la probabilité de le voir militer s'accroît. Cependant, certains reproches lui sont formulés tels que le fait de prendre peu en considération les profils sociaux de sa population (origine familiale, trajectoires) mais aussi le fait qu'il n'a pas mobilisé un groupe témoin d'étudiants n'ayant eu aucun engagement. L'importance d'un paramètre psychoaffectif comme le soutien des proches ou bien l'investissement d'amis dans un mouvement social sont des facteurs important des recrutements mais également de l'initiation à la culture manifestante.

Pour Daniel Gaxie20, une meilleure compréhension du militantisme implique aussi de le penser au quotidien, de comprendre le tissu de relations et d'interactions que suscite l'engagement. A partir d'un travail sur les partis, il est l'un des premiers à esquisser une théorie de la pratique militante. L'expérience ainsi vécue ébranle les personnalités, suscite une modification profonde des schèmes de perception de la vie. Dès lors la vie est perçue sous un mode plus communautaire, vie plus excitante, prenant un sens plus intense à travers la participation à un mouvement dont les enjeux dépassent les projets et bonheurs individuels. Donc, la participation à un mouvement social va façonner l'identité militante de l'individu de façon stable même après la mobilisation.

2.3.2. La question de l'identité militante :

Les mouvements sociaux sont aussi des moments privilégiés de construction, de maintenance des identités. En effet, la notion d'identité est en science sociale d'autant plus

19 McAdam, D. & Paulsen, R. (1993) Specifying the relationship between social ties and activism, Americain journal of Sociology

20 Gaxie, D. (1977) Economie des partis et rétributions du militantisme, Revue française de science politique

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problématique qu'elle devient envahissante. D'après Claude Dubar21, « l'identité est le sentiment subjectif d'une unité personnelle, d'un principe fédérateur durable du moi et un travail permanent de maintenance et d'adaptation de ce moi à un environnement mobile ». De plus, l'identité est aussi le fruit d'un travail incessant de négociation entre des actes d'attribution, des principes d'identification venant d'autrui et des actes d'appartenance qui visent à exprimer l'identité pour soi, les catégories dans lesquelles l'individu entend être perçu. Dès lors, l'action protestataire constitue un terrain propice à ce travail identitaire que les rites formalisent par un apprentissage physique. Elle constitue un acte public de prise de position qui classe l'individu mobilisé dans le regard des autres. Par exemple, la façon dont les cortèges sont disposés ou bien les slogans chantés ou écrits sur les banderoles ou les drapeaux rappellent l'appartenance à un groupe et à une identité particulière. Concrètement, chaque groupe contestataire ou syndicat à sa propre identité et cherchera à imposer la sienne aux populations de manifestants afin de renouveler les membres de la communauté.

La capacité d'un groupe à se doter d'une identité forte et valorisante constitue une ressource de première importance pour que ses membres s'affirment dans l'espace public. Cependant, les biographies individuelles des individus qui se mobilisent sont conditionnées par l'expérience extrême du militantisme et ceci de façon définitive. Si la dimension identitaire est partie intégrante des mouvements sociaux, elle prend une place éminente dans une série de mobilisations spécifiques. Nous pouvons prendre l'exemple des mouvements nationalistes dont le but est d'obtenir une reconnaissance de son identité ou encore l'exemple des mouvements de statut où les mobilisations ont comme enjeu de préserver, de conforter le statut social d'un groupe, c'est à dire son prestige, la considération qu'il estime mériter. Le processus passe par l'affirmation ou la réaffirmation des valeurs et du style de vie du groupe, de leur légitimité. Donc, il est nécessaire pour un groupe contestataire de se forger une identité forte qui permettra de s'affirmer sur un espace public d'enjeux.

L'aspect relationnel est important dans l'engagement au mouvement. En effet, l'idée qu'un mouvement social est une fonction de transgression qui amène à la solidarité va renforcer le sentiment d'appartenance à un groupe donné mais contribue également à la construction ainsi qu'au maintien des identités. De plus, nous savons qu'il existe différentes

21 Dubar, C. (1991) La socialisation, Armand Colin, Paris

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variables qui conditionnent le militantisme comme l'aspect psycho affectif ou encore l'aspect relationnel. Nous pouvons dire que l'acte protestataire constitue un terrain propice à ce travail identitaire. Plus précisément, il semblerait que ce terrain identitaire soit un enjeu de prise de position qui s'effectue sur la place publique par un rite d'apprentissage physique. Dès lors, la question de l'initiation du corps à une culture contestataire permettrait de former les individus, par des rites, à des logiques militantes.

3. Problématique : un rituel utilisant la pratique corporelle

Lors des AG étudiantes nous avons été attentif à une question simple mais riche en indication quant aux raisons de l'implication du manifestant : « qui a lu la loi ? ». La première fois que cette question a été posée nous étions à l'AG de Segalen où s'étaient regroupés près de 400 étudiants. Une vingtaine de mains se levèrent afin de répondre à la question. L'expérience se renouvela en AG en Science puis en AG en Staps. A chaque fois nous faisions le même constat, c'est-à-dire que peu de gens avaient pris connaissance de cette loi. Pourtant, le nombre de manifestants étaient bien plus important dans la rue que le nombre personne l'ayant lu.

L'engagement des étudiants et des lycéens semble aller au-delà de la simple manifestation contre la LRU ou contre la note Darcos. En effet, pendant les manifestations étudiantes et lycéennes nous posions la question du « pourquoi vous manifestez ? » à différentes personnes et beaucoup de réponses s'orientaient vers « ba, en fait, j'avais pas cours aujourd'hui » ou bien « j'aime bien manifester » aussi « je sais pas trop ... je crois que c'est contre une loi ». Ces réponses semblent nous indiquer que la participation à un événement commun se suffit à lui-même pour mettre en action les individus. Dès lors, l'utilité de mettre son corps en mouvement sur le bitume brestois, si l'on ne connaît même pas les raisons concrète de la manifestation, ne correspondrait il pas à une célébration collective ?

Ce travail a pour ambition de questionner l'instrumentalisation du corps qui semble conditionnée par un rite, c'est-à-dire que l'activité corporelle d'un individu serait un vecteur permettant de défendre des revendications lors d'une célébration collective qui est le mouvement social.

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Michel Foucault22 affirmait que dans la société occidentale, le corps est le premier outil d'expression de l'individu. Dans notre cas, la manifestation est une forme d'expression de l'individu avec un objectif d'engagement corporel et collectif ayant des actions concertées en faveur d'une cause. Marcel Mauss23, précisait que toute technique à sa propre forme ou attitude car il existe un art d'utiliser le corps propre à des objectifs mais accessible uniquement par initiation. Ici, le mouvement social semble être un lieu où différents rites, initiant les nouveaux manifestants par une activité corporelle, opèrent afin de construire ou de maintenir une identité militante.

Comment peut-on qualifier et préciser la fonction du mouvement social brestois ? A quoi l'engagement physique d'un individu lors d'un mouvement social permet-il de répondre ? De quelles façons l'activité corporelle des manifestants peuvent être utilisée ?

Nous montrerons que le mouvement social de Brest est un rite permettant d'initier de nouveaux étudiants et lycéens à des identités militantes et contestataires associées à des groupes identifiés afin de répondre à des enjeux de rapport de force contre l'Etat par un engagement corporel.

Premièrement, nous qualifierons le mouvement de 2007 à Brest comme le regroupement d'un certain type de personnes ayant des objectifs identiques, c'est-à-dire que l'action des populations de manifestants semble être orientée vers une contestation de l'Etat. L'ensemble des actions menées collectivement sont organisé. Cependant, ce mouvement social serait composé de multiples communautés ayant émergée suite aux interactions entre les populations étudiantes et lycéennes. Ces communautés sembleraient avoir des modalités d'usage de l'engagement différent.

Ensuite, nous questionnerons la fonction du mouvement de Brest comme rite initiatique utilisant l'activité corporelle. C'est-à-dire que nous chercherons à identifier les types de rite utilisés mais également les moyens utilisés afin d'instituer les individus dans les groupes donnés. Nous formulons l'hypothèse que le mouvement social de Brest est à la fois un rituel initiatique mais également un rite de renouvèlement.

22 Foucault, M. (2004) Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, Paris

23 Mauss, M. (1950) Notion de techniques du corps in Sociologie et Anthropologie, PUF, Paris

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Enfin, nous questionnerons les enjeux de l'engagement physique par l'analyse des tracts et des affiches qui nous renseigneront sur les facteurs influencent la mise en mouvement. On peut faire l'hypothèse que les meneurs cherchent à mettre en mouvement le plus grand nombre de manifestants afin de rééquilibrer le rapport de force contre le gouvernement.

4. La démarche adoptée

4.1. Le cadre de la démarche :

L'étude de ce mouvement social a été impulsée dans l'idée d'expliquer un phénomène vaste plutôt que de multiples faits isolés à des populations données. En effet, l'ambition de ce travail est de chercher à comprendre un phénomène social particulier, celle-ci s'inscrit donc dans une démarche microsociologique. Bien plus que la simple description d'une pratique corporelle, nous nous intéressons ici à expliquer l'instrumentalisation qui est faite du corps.

Nous avons la volonté d'étudier cette instrumentalisation en questionnant le phénomène lui-même, c'est-à-dire le mouvement social, la fonction de ce phénomène, c'est-à-dire le rite, ainsi que le motif qui fait émerger un tel phénomène, c'est-à-dire les enjeux de la mobilisation.

Afin d'illustrer au plus juste l'esprit de cette démarche, nous avons décidé de nous intéresser aux travaux de Raphaël Desanti et Philippe Cardon24. Ils précisent qu'il est important de distinguer et d'articuler différents registres de notes lors du travail de terrain afin de prendre en compte l'ensemble des significations des faits observés. Tout d'abord, les notes descriptives du cadre spatio-temporel observé, soit les éléments matériels du « décor ». Puis, les notes méthodologiques, soit la manière dont l'enquêteur est et s'intègre parmi des enquêtés et relever les attitudes de ces derniers à son égard. Mais aussi, les notes descriptives des individus, soit les éléments externes caractéristiques des observés. Ensuite, les notes d'actions et d'interactions permettant de rendre compte de la construction des interactions

24 Desanti, R. & Cardon, P. (2007) Méthodologie : l'enquête qualitative en sociologie, édition ASH, Rueil-Malmaison

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entre individus. Enfin, les notes théoriques qui correspondent aux ressources théoriques utilisées par l'enquêteur pour interpréter le champ qu'il observe.

Dès lors, la méthode mise en place a permis de construire une démarche de recherche et de réflexion par un travail de terrain utilisant l'observation participante, le carnet ethnographique ainsi que l'étude de documents. Nous avons porté notre attention au fait de prendre toujours le point de vue du manifestant, ou non manifestant, afin de rendre compte au plus juste de l'état d'esprit des populations composant le mouvement.

4.2. Outils de recherche :

4.2.1. L'observation participante :

D'après Christian Bromberger25, il faut rendre compte au plus près de la logique complexe des comportements irréductibles à quelques catégories. Pour lui, la démarche ethnologique est une affaire de proximité, visant à saisir l'intérieur des choses en cultivant l'empathie qui va permettre à l'observateur d'accorder « ce qu'il pense que les gens pensent » avec « ce qu'il pense que lui-même penserait s'il était vraiment l'un d'eux » selon les mots de Dan Sperber. C'est en ce sens que la démarche ethnologique participe à une meilleure connaissance de la société sans conformisme tout en questionnant le statut des émotions et le degré d'implication de l'observateur. Il ne s'agit pas de réduire un objet à une fonction sociale ou symbolique mais plutôt d'appréhender les valeurs contradictoires afin d'en faire ressortir les particularités. En effet, l'idée de ce travail est de récolter un ensemble de données de terrain puis de les analyser afin de mettre en avant les occurrences et les différences.

Dans le cadre de notre étude, nous nous basons sur l'idée que nous utilisions l'observation participante de type « participant complet ». Concrètement, nous dissimulons notre activité de recherche et d'observation tout au long de l'étude sur le terrain, c'est-à-dire chaque jour de novembre à décembre 2007. Il était important de s'intéresser aux personnes qui prenaient la parole car nous savions à quelles idées leur discours faisait référence ou encore nous scrutions les moindre faits et gestes des meneurs ainsi que les incidences sur la

25 Bromberger, C. (2004) Les pratiques et les spectacles sportifs au miroir de l'ethnologie in Disposition et pratiques sportives. Débats actuels en sociologie du sport, l'Harmattan, Paris

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masse des étudiants. De plus, les interviews nous auront permis de recueillir les opinions ainsi que le point de vue ou encore les données permettant de décrire l'évolution du mouvement.

Grâce à cette méthode nous avons pu construire un outil permettant de décrire et d'analyser les objectifs de mobilisation des étudiants et lycéens composant le mouvement social. Cependant, la question de la distanciation entre le statut de l'étudiant chercheur et les populations observées se pose ici. De plus, malgré l'effort de neutralité, il subsiste toujours

4.2.2. Le carnet de terrain26 :

Le carnet de terrain est l'élément indispensable de l'enquêteur afin de recueillir les données ainsi que les faits qu'il observe. Un instrument de ce type nécessite de l'organisation ainsi que de la rigueur afin de constater la régularité des faits et des pratiques observés. Ce carnet nous a permis de prendre note de l'ensemble des réflexions, des comportements du groupe et des personnes observées mais aussi de l'organisation spatiale d'une manifestation. Il nous a permis également de noter, par l'intermédiaire de schémas, le type de personnes présentes lors de manifestations étudiantes ou bien lycéennes. L'écoute des individus aux moments d'interactions est importante dans le travail de recherche que nous avons menée et le recueil sur papier ou par interviews des propos permettent de ne pas dénaturer le sens ainsi que le contenu exposé. Plus précisément, l'accès au sens que donnent les acteurs à leurs actions est primordial afin de comprendre et d'expliquer au plus juste le phénomène étudié. C'est en ce sens qu'il est important de retenir l'ensemble du lexique, tels que les mots ou expressions propres, utilisés par les observés afin de ne pas perdre la signification des propos. Bien sûr, tout au long de nos observations nous avons veillé au phénomène d'ethnocentrisme, pratique de jugement consistant à interpréter les comportements d'un groupe, d'un individu à partir de nos propres codes et références culturelles, en prenant en note l'ensemble des points de vue lors des AG par exemple. Au cours des observations sur le terrain nous avons également recueillit des tracts qui nous ont informés sur les objectifs des mobilisations, les revendications ou encore les auteurs de ces documents.

26 Cf. annexes 3

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5. Le mouvement brestois de 2007, un mouvement de contestation

Dans un premier temps il nous a paru nécessaire de qualifier le mouvement brestois en utilisant les caractéristiques énoncées lors de la conceptualisation. Nous chercherons à savoir si le mouvement brestois est un mouvement de contestation social répondant à une action orientée pour une cause, une action collective organisée et des interactions d'objectifs permettant la mobilisation.

5.1. Quels objectifs pour quelles populations

Concernant la population étudiante, nous avons pu observer que la mobilisation est orientée contre la Loi de Responsabilité des Universités. Il existait différents types d'étudiants que nous avons regroupés en trois orientations distinctes. Tout d'abord, les grévistes/bloqueurs que nous qualifions « d'irréductibles » c'est-à-dire les plus virulents mais aussi les plus « politisés » dans le mouvement. Ils ont comme objectif de participer à la grève mais surtout d'inciter les autres étudiants à se mobiliser. C'est pour cela que l'on parle de « bloqueur » car ils sont dans l'idée de bloquer la fac afin de permettre aux étudiants, bousiers par exemple, de ne pas suivre les cours et donc de se mobiliser. Comme cela a été le cas le 15 novembre 2007 lorsque la faculté de Segalen a été bloqué afin d'empêcher le bon déroulement des cours.

Puis, nous avions les grévistes/non-bloqueurs participant à la grève mais sans pour autant bloquer la fac. Ils sont dans un état d'esprit différent que les grévistes/bloqueur en ce qui concerne la vision ainsi que l'utilisation du blocage. En effet, au cours des AG, regroupant entre 300 et 400 étudiants, de sérieuses discussions avaient lieu entre les étudiants de ces deux types autour la logique et la définition d'un blocage. Les uns basés sur l'idée de l'utilisation du blocage comme moyen de mobiliser la masse comme outil politique.

Enfin, la cinquantaine d'étudiants orientés vers des objectifs anti-grévistes/anti-bloqueurs, manifestant sur les marches de la faculté de Segalen un matin de bonne heure et qui contestent les grèves et les blocages.

Dès lors, nous avons dans la même population des étudiants souhaitant manifester en bloquant, d'autres souhaitent manifester mais sans blocage enfin ceux qui manifestent pour ne

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pas avoir de manifestation. Il est impossible de restreindre les étudiants manifestant à de simples grévistes car chaque type de mobilisation à sa propre logique.

La population étudiante oriente sa mobilisation contre la LRU par une collaboration entre acteurs, la grève étant la pratique permettant de montrer un désaccord. Chaque groupe d'étudiant respecte une logique de fonctionnement qui lui est propre. Ce qui nous amène à l'idée qu'il puisse y avoir émergence de communautés éphémère, c'est-à-dire des communitas, qui défendent leur idée par un mouvement de contestation.

Concernant la population lycéenne, il existe trois types distincts de manifestants. Les grévistes anti-LRU sont des lycéens se mobilisant aux mêmes moments que les étudiants contre la Loi de Responsabilités des Universités. Nous avons pu noter au cours des observations que ce type de lycéens regroupe des jeunes issus de lycées généralistes tels que le lycée de l'Harteloire ou bien Kérichen dit « classique ». Ces lycéens avaient un comportement proche de celui des étudiants, à savoir qu'ils avaient une certaine retenu face aux forces de l'ordre, qu'ils n'étaient pas organisés mais qu'ils suivaient plutôt l'organisation étudiante.

Les grévistes anti Darcos quant à eux se sont mobilisés dès l'annonce de la note du ministre de l'Education Nationale. Ils manifestent contre cette note et nous avons constaté que les lycéens qui s'inscrivent dans cet objectif sont scolarisés dans des lycées plus techniques tels que le lycée Vauban ainsi que le lycée Dupuis de Lôme. Enfin les grévistes « casseurs » qui sont des lycéens cherchant la confrontation avec les forces de l'ordre plus que la volonté de revendiquer des convictions.

Donc, la population lycéenne oriente sa mobilisation contre la LRU ainsi que contre la note Darcos. Au même titre que les étudiants, il s'agit d'une action collective de contestation.

Le mouvement se termina mi décembre par des affrontements dans un quartier brestois. Il permet de mettre en avant le fait l'émergence d'une population de jeunes brestois qui s'oriente vers deux objectifs : les grévistes-lycéens/« casseurs » et les non-

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lycéens/« casseurs » 27. Comme nous le montre l'article de journal du Ouest France du 7 décembre 2007 : « la manifestation lycéenne dégénère à Brest ».

Ce que nous pouvons affirmer, en ce qui concerne les populations étudiantes et lycéennes, c'est qu'il existe une mobilisation orientée en faveur d'une cause. Cependant, une population ne répond pas obligatoirement à une seule orientation. En effet, il existe deux grandes orientations, l'une contre la LRU et l'autre contre la note Darcos et permet d'affirmer également le caractère contestataire du mouvement car l'ensemble des actions sont orientées contre un adversaire : l'Etat. Il semble que des communautés se soient créées autour d'objectifs communs suite à des interactions entre populations. Enfin, il est important de noter que la pratique de la grève est utilisée pour marquer le désaccord avec l'Etat dans notre cas mais subit un changement au moment du glissement du mouvement vers les lycéens car les affrontements qui n'existaient pas avec les étudiants émergent avec les lycéens.

5.2. Y a-t-il une interaction des objectifs ?

Cette partie vise à rendre compte de l'enchaînement des différents objectifs au sein du mouvement de novembre/décembre 2007 afin de mettre en évidence le fait que les individus se regroupent en fonction d'objectifs inter-population et que ses interactions font émerger les communitas. Pour se faire, il a été impératif de rendre compte de la réalité ainsi que de la « vie » du mouvement c'est-à-dire que les objectifs se sont enchainés de façon spatiale et temporelle. Nous allons expliquer et démontrer de quelles façons les objectifs étaient imbriqués à certains moments et pas à d'autres. Nous ne présenterons que deux exemples proches afin d'expliquer les liens entre en objectifs et les actions. Les dates sont arrêtées à des moments clés et mettent en évidence les interactions entre objectifs ou bien la migration du mouvement d'une population à une autre.

Le premier exemple est daté du 20 novembre 2007 où a eu lieu une grande manifestation rassemblant différents mouvements sociaux tels que les cheminots, les avocats et les scolaires. Nous sommes là dans un contexte social fort de contestation sociale qui agit

27 Cf. annexe 4

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sur le mouvement lycéen étudiant lui-même. Cet exemple met en avant trois éléments importants, dont le premier est la mise en action des anti-bloqueurs anti-gréviste qui étaient mobilisés jusqu'à présent, c'est-à-dire qui ne s'étaient pas engagés dans le mouvement de contestation. Le second élément est la mise en action des lycéens anti-LRU. Pour preuve, le courrier de la proviseure du lycée Dupuy De Lôme28 à destination des parents d'élèves informant que les étudiants manifestants invitent les lycéens à rejoindre les rangs. Le troisième élément concerne la convergence des populations lycéenne et étudiante autour de la lutte contre la LRU. En effet, les deux populations se sont rassemblées pour tenter d'être plus efficaces dans le mouvement de contestation. Plus précisément, ce qui a permis l'interaction entre les dynamiques étudiantes et lycéennes est l'objectif recherché : contester la LRU. C'est pour cela que ne sont en action que les groupes ou communautés ayant le même objectif, sans tenir compte de l'appartenance aux populations. Concrètement, nous avons vu des étudiants et des lycéens manifester ensemble contre le LRU dans les rues de Brest.

Le second exemple est daté du 13 décembre 2007. Le matin se déroule une manifestation anti-Darcos sans problèmes avec des enseignants du secondaire. Là encore les lycéens et les enseignants se regroupent afin de contester la note Darcos. Le mouvement de l'après midi était orienté sur le rassemblement du plus grand nombre de jeunes et avait comme objectif la confrontation avec les forces de l'ordre. Cela peut paraître fort mais les discussions que nous avons pu avoir avec les lycéens ou les Renseignements Généraux de la police nous ramenaient toujours au même point, la volonté de confrontation. C'est pourquoi cette manifestation s'est regroupée sans tracts mais par du bouche à oreille. La volonté de confrontation était si élevé que nous avons décidé de suivre le cortège en faisant attention de ne pas être assimiler à des policiers, vu la différence d'âge avec les participants. Au cours de la manifestation, des jeunes ont attaqué la présidence de l'UBO. A noter que des membres de syndicats travaillistes étaient présent mais sans banderoles ni signes distinctifs. A partir de ce moment nous pouvons voir que la population jeune « casseurs » est convergente avec les lycéens « casseurs ». Ce rapprochement est le signe de l'intérêt commun qu'ont les deux populations, jeunes « casseurs » et lycéens « casseurs », à vouloir se confronter physiquement aux forces de l'ordre. Il n'y a pas de messages particulier ni de revendications, il s'agit là de

28 Cf. annexes 5

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la casse pour la casse. Pourtant en observant plus longuement le mouvement, nous nous sommes rendu compte que la manifestation se termine aux portes du quartier de Pontanézen, réputé pour être « dur ». Là nous pouvons dire qu'il existe des modalités de pratique de la contestation très différentes entre les étudiants, lycéens et les jeunes « casseurs ». En effet, les étudiants ainsi que certains lycéens n'utilisent pas la confrontation physique mais plutôt l'utilisation de l'espace public tandis que les « casseurs » s'affrontent avec les CRS. Dès lors, il semble exister des modalités de pratiques corporelles propres à des logiques communautaires.

Pour conclure, le mouvement brestois de 2007 est un mouvement de contestation sociale car nous avons vu qu'il existait un ensemble d'objectifs visant à contester les décisions de l'Etat. De plus, nous avons mis en évidence l'existence d'objectifs propres à chaque population comme nous l'avons vu chez les étudiants et les lycéens. Nous avons également mis en avant le fait qu'il existait des interactions entre les différents objectifs et les acteurs, de fait, ces interactions nous démontrent que les acteurs s'organisent afin d'agir de concert. Plus précisément, les acteurs ont un objectif en commun et coopèrent sans tenir compte de la population d'appartenance. Dès lors, des communautés émergent le temps du mouvement de contestation qui correspond avec leur objectif. Enfin, nous avons relevé que le mode de contestation, soit la pratique utilisée, est fonction d'une logique communautaire. Dès à présent, il va être pertinent de caractériser le type de rite que nous avons observé.

6. Un rite initiatique à la fois d'institution et de renouvellement

Dans cette partie, nous nous intéresserons à déterminer la fonction du mouvement social brestois permettant, par l'apprentissage de codes et de symboles, l'inscription des individus dans des logiques propres à certaines communautés. Nous questionnerons les moyens permettant le rituel. Dans le cas du mouvement brestois, il existe différentes communautés qui ont cherché à rassembler le plus d'individus autour d'objectifs propres à leur cause. Dès lors chaque communauté semble avoir ses propres codes et particularités quant à la mise en mouvement.

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6.1. La constitution de la communauté comme rituel :

La production de sens par l'intégration des individus dans une histoire commune ainsi qu'une mémoire crée et renforce l'appartenance à une logique particulière qui fait émerger une communauté. Dans un essai récent de Bernard Yack, on peut noter qu'Aristote appelait « communautés » tous les groupes sociaux composés de membres qui diffèrent les uns des autres sur des points importants, mais qui en même temps partagent quelque chose et interagissent en fonction de ce partage29. En effet, nous situons ce type de structure sociale comme lieu d'apprentissage où les échanges, par la mise en mouvement, et l'utilisation d'un répertoire d'actions contribue à l'émergence d'une communauté. Nous avons observé, au moment des manifestations étudiantes et lycéennes, que la participation constitue le fait d'apprendre et de comprendre (Etienne Wenger)30. En effet, l'ensemble des moments de dialogue lors des AG ou bien des moments d'action et de mise en mouvement permettait l'apprentissage de connaissances empiriques mais surtout « l'incorporation » des valeurs communautaires. Nous pouvons retrouver une « incorporation des techniques de danse » comme le propose Sylvia Faure31 dont la volonté est de montrer que ce qui s'apprend par corps, en danse, ne peut être saisi qu'à condition d'analyser les pratiques en relation avec les configurations sociales et historiques qui les rendent possibles. Cependant, il est nécessaire de prendre de la distance car il ne s'agit pas du même contexte. Dans notre cas, les communautés militantes sont donc un type de structure sociale assurant l'affirmation de l'identité collective.

Le mouvement brestois est un mouvement social de contestation qui regroupe différentes communautés qui ne correspondent pas obligatoirement au niveau scolaire dans lequel est inscrit l'individu. De plus, chaque communauté développe sa propre culture avec ses propres principes et donc un sentiment d'appartenance particulier. Différents éléments laissent penser que la manifestation brestoise soit un rituel. En effet, la célébration par le collectif, le fait que le mouvement social tranche avec le quotidien, le renforcement du sentiment d'appartenance confirment l'idée du mouvement social comme rituel. Ce qui nous

29 Yack, B. (1993) The Problems of a Political Animal: Community, Justice and Conflict in Aristotelian Political Thought, University of California Press

30 Wenger, E (1998) Communities of practice : learning, meaning and identity, Cambridge University Press, Cambridge

31 FAURE, S. (2000) Apprendre par corps. Socio-anthropologie des techniques de danse, La Dispute, Paris

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intéresse à présent c'est de connaitre les modalités et l'emploi des techniques corporelles utilisées par ces différentes communautés militantes.

6.2. Les techniques du corps :

Lors du mouvement brestois qu'il existait des significations propres aux populations de manifestants mais surtout que les pratiques corporelles étaient fonction de la communauté d'appartenance. En effet, si l'on se penche sur les techniques qui sont utilisées pour contester, nous avons observé qu'il existe une différence entre certaines communautés composées à la fois d'étudiants et de lycéens.

Dans certaines communautés, les techniques utilisées sont plutôt le cortège où l'ensemble des manifestants marchent principalement sur la route, en chantant des slogans à l'encontre des personnalités de l'Etat mais aussi en brandissant des banderoles avec des revendications fortes. Nous avons également observé que lorsque ce type de manifestants rencontre les forces de l'ordre, il n'y a pas de rapport de force physique, bien au contraire, les uns jouent avec les autres. Concrètement, les manifestants dansent devant les CRS ou bien les ignorent complètement. De plus, les visages et les vêtements sont marqués de signes distinctifs qui renseignent également quant à l'appartenance d'un individu à tel ou tel syndicat et donc à telle ou telle communauté. Il existe des signes visibles qui nous permettent de mettre en avant l'une ou l'autre des communautés militantes. Nous avons pour exemple les membres de la CNT, syndicat travailliste, qui avaient des badges et des drapeaux à l'effigie de leur groupe. Certains vont même jusqu'à se peindre le visage afin de mettre en avant leurs idées contestataires. Ainsi nous avons pu voir au moment des grèves, des lycéens « tatoués » de revendication forte telles que « non à Darcos » ou encore « la LRU dans le cul ».

D'un autre côté nous avons vu des communautés dont les membres cachaient leur corps par des cagoules ou bien des gants en raison de l'orientation de l'engagement physique. Comme récit d'une personne commentant en direct les événements du 11 décembre au centre ville de Brest :

C'était impressionnant, j'étais avec ma copine en train de faire un tour en ville et j'avais l'impression d'être sur un champ de guerre. Il y avait un affrontement à la Liberté entre des jeunes et les CRS. On ne sait pas qui

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c'était. Les jeunes cassaient tout sur leur passage, les abris bus, les vitrines des magasins. Bref, c'était énorme. J'ai même vu une fille en voiture se faire péter sa vitre arrière alors qu'elle s'était arrêtée pour laisser passer la foule. Céline et moi commencions a remonter, ca devenait dangereux. Mais bon, je n'avais jamais vu ca, de la casse gratuite et un plaisir à le faire. Incroyable. Même pas de banderoles.

Ce récit des affrontements nous renseigne sur plusieurs points importants. Le premier concerne l'attitude des jeunes qui cassent tout sur leur passage. Le second point nous renseigne sur les signes distinctifs, en effet, il n'y en a pas. Nous avons vu par les deux exemples précédents qu'il existe des formes de contestations particulières à chaque communauté et qu'il existe des signes distinctifs afin de montrer son appartenance à un groupe en particulier ou non.

Donc, lors des manifestations les individus s'engagent physiquement en utilisant un répertoire d'actions. Le type d'action et les techniques corporelles utilisées permettent d'identifier l'appartenance d'un membre à l'une ou l'autre des communautés. Pourtant, se pose la question de l'apprentissage des significations et des techniques corporelles qui inscriront le manifestant dans un groupe.

6.3. Une initiation à l'engagement physique :

Les nouveaux étudiants étaient initiés par les étudiants les plus anciens au moment des manifestations. Par exemple, nous pouvons dire qu'au moment des AG les étudiants militants les plus anciens informent les nouveaux étudiants sur la façon dont se déroule les manifestation, sur les actions possibles, sur les personnes à éviter car trop éloignés des convictions du groupe. Bref, le nouvel étudiant subit un rite initiatique mais plus précisément nous pouvons parler ici de rite d'institution car le pouvoir qui instaure est aussi important que le rite lui même. On devient manifestant ou militant dès le moment où l'on est institué par les pairs plus expérimentés. Dès lors, c'est au travers d'actions d'engagement corporel des individus que s'opèrent les changements. Les rites initiatiques d'institutions accordent alors une place importante au corps dont l'objectif est de donner à l'individu une nouvelle identité. Ici, l'initiation passe par la mise en action corporelle sur l'espace public en utilisant les signes distinctifs.

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David Le Breton 32 précise que le signe distinctif, par exemple un tatouage, est lié à des significations précises au sein d'une communauté et qu'il est porteur d'une valeur identitaire. Dès lors, il est important pour les membres des communautés étudiantes et lycéennes d'initier un maximum d'individu à ses signes.

Il ne faut pas oublier également le caractère multiforme et complexe des cérémonies ainsi rite de d'institution et rite de renouvellement ne s'excluent pas mutuellement. Etant donné que la population étudiante et lycéenne est en perpétuelle changement. Nous avons pu observer que les étudiants qui initient les plus jeunes sont aussi les plus avancés dans les études. C'est pourquoi il est possible qu'en plus du rite initiatique d'institution soit effectué un rite de renouvellement qui vise à instituer les nouveaux membres au sein des communautés déjà existantes mais également de donner aux membres les plus avancés les moyens d'instituer les nouveaux. Pour preuve, le plus souvent ce sont de jeunes lycéens ou étudiants qui sont institutionnalisés. Ici, le sens du terme « institutionnalisés » renvoit à l'idée de la ligne qui opère le passage d'un état à un autre et insiste sur la mis en évidence du pouvoir des autorités qui les instaurent. Dans notre cas il s'agit des étudiants ou lycéens les plus anciens.

Il s'agit d'un rite initiatique d'institution et de renouvellement par l'apprentissage de techniques de corps qui inscrivent l'individu dans une logique propre au groupe de référence. De plus, l'apprentissage de l'engagement est possible par interaction et permet à l'étudiant ou le lycéen d'intérioriser les valeurs et les connaissances du groupe avec lequel il établit des échanges grâce à une construction culturelle des significations (Jérôme S. Bruner)33. Cet apprentissage du corps répond à une intention forte de contester les décisions prises par l'Etat et donc de défendre les valeurs propres à un groupe donné, concrètement les étudiants contestent la LRU car cette loi semble attaquer les « valeurs » qui font l'université, revendiquées par les étudiants comme la démocratie de l'enseignement ou l'accès à tous à la connaissance. Cependant, nous posons la question des enjeux sous-jacents à la mise en mouvement massive d'étudiants et de lycéens.

32 Le Breton, D. (2002) Signes d'identités. Tatouages piercing et autres marques corporelles, Métaillé, Paris

33 Bruner, J.S. (1990) Acts of Meaning, MA: Harvard University Press, Cambridge

32

7. L'utilisation d'un pouvoir médiatique par la mobilisation de masse

Nous avons vu que les rites utilisés permettent un apprentissage de techniques corporelles qui ont pour incidences de donner à l'individu initié une identité militante correspondant à un groupe particulier. Nous abordons ici les enjeux qui poussent les groupes militants à l'initiation des plus jeunes.

7.1. Une recherche d'équilibre du rapport de force avec l'Etat :

Lors de nos discussions avec les lycéens du lycée Dupuy de Lôme de Brest nous

avons recueillit un tract d'appel à la grève du 22 novembre 2007 qui à été édité par des
étudiants brestois34. Au moment de la distribution de ce tract, le mouvement étudiant était presque fini et le mouvement lycéen allait commencer. Dans cette ultime tentative de mobilisation des « troupes » étudiantes nous pouvons relever le durcissement du discours. Par exemple, « Valérie Pécresse ment », « augmentation des pouvoirs du secteur privé », « la LRU introduit d'avantage de représentants d'entreprises privées dans le CA » ou encore « la LRU impose une nouvelle mission à l'université : servir l'emploi » sont autant de phrases qui montrent le sentiment vécu de certains étudiants qui diffusent ce tract. La peur de la LRU est présente mais les étudiants souhaitent avant tout mobiliser et faire en sorte que le plus grand nombre d'étudiants se mettent en mouvement.

On passe alors d'une défense de l'université à l'attaque directe de la ministre en la citant comme menteuse. Il ne faut pas oublier que depuis quelques jours le mouvement lycéen prend de l'ampleur et que les partiels des étudiants se rapprochent dans le temps. La peur sous jacente s'apparente alors comme une peur de démobilisation de la masse étudiante, ce qui nous permet d'affirmer que l'enjeu de l'engagement physique de masse est aussi important que l'objectif de la contestation elle-même. En effet, la mobilisation des étudiants sur l'espace public provoque un équilibre des rapports de force entre l'Etat et les manifestants par l'utilisation des médias afin de faire passer les revendications. Nous avons pu voir l'impact qu'ont les médias sur l'opinion publique, d'une part, mais également sur les étudiants qui ne

34 Cf. Annexe 6

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sont pas mobilisés. Les exemples qui nous ont marqué sont ceux des caméramans qui venaient filmer les AG à Segalen ou encore l'exploitation des photos par la presse écrite.

En effet, étant donné que le mouvement social se développe dans un espace public et qu'il ne s'agit pas d'un moyen de communication officielle, il sera nécessaire de faire passer les revendications par un vecteur universel que sont les médias (télévision, presse écrite). Concrètement, le plus important sera de faire un maximum de bruit ou bien d'actions qui vont faire que les journalistes vont se déplacer. Comme cela a été le cas lors du blocage de la gare SNCF ou bien de la place Albert 1er. N'ayant pas d'autres moyens pour se faire entendre et faire remonter les revendications, les acteurs du mouvement vont faire de la publicité autour de leur contestation. Il s'agit d'un débat et des enjeux sur l'espace publique, au sens de Pierre Rosanvallon. Un autre type de média beaucoup plus libre et moins contrôlé concerne internet et la multiplication des blogs autour des événements réalisés par les manifestants. En effet, le nombre de blog contenant des vidéo, filmées par des téléphones portables, et des photos n'ont cessés d'augmenter durant le mouvement de contestation. Dès lors, l'utilisation d'internet comme outil de communication de contre pouvoir est utilisé afin de rééquilibrer le rapport de force avec l'Etat.

Nous avons également ramassé deux documents qui ont été distribués dans les rues de Brest le même jour, le 6 décembre. L'un35 vise à rassembler les lycéens autour du retrait de la note Darcos tandis que l'autre document36 vise à rassembler les étudiants ainsi que les lycéens contre la LRU. L'analyse de ces deux documents montre que les meneurs étudiants considèrent les lycéens comme acteurs du mouvement de contestation et non plus uniquement les étudiants. Cette prise de conscience s'est faite suite aux mouvements antérieurs à cette date. Dès lors, les différents syndicats ont intégrés qu'il existait une masse lycéenne prête à se mobiliser contre la LRU. Donc, la recherche d'un équilibre dans le rapport de force avec l'Etat passe également par une « récupération » des force vives avec l'idée de mobiliser toujours plus nombreux et toujours plus longtemps. Concernant la manifestation lycéenne contre la note Darcos, au vu du seul objectif demandant le retrait cette note, nous pouvons dire que le mouvement étudiant a pris fin contrairement au mouvement lycéen anti LRU qui

35 Cf. Annexe 7

36 Cf. Annexe 8

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existe encore. Dès lors, nous assistons à une réorientation des médias et des syndicats, des étudiants vers les lycéens. L'effet recherché est l'utilisation de l'impact médiatique d'une masse en mouvement. A présent, la question de la mise en mouvement ne concerne plus l'individuel mais plutôt le collectif.

Puis nous avons recueilli un autre document37 distribué le 10 décembre pour une manifestation qui se déroule le lendemain, le 11 décembre. Il est important de noter ici que ce sont les lycéens de Dupuy De Lôme qui font cet appel à la mobilisation. Nous sommes dès à présent au centre du mouvement lycéen et sans étudiants. L'objectif de la manifestation est de continuer le mouvement de contestation contre la note Darcos.

Nous avons également recueilli une copie du courrier38 envoyé à M. le Sous-préfet de Brest afin de prendre date d'un rendez-vous. Cette lettre explique clairement les contestations ainsi que revendications souhaitées par l'ensemble des lycéens. Il y a plusieurs éléments intéressants à relever dans ce texte, en effet, les éléments qui constituent ce courrier semblent démontrer la responsabilité dont les lycéens font preuve. Nous avons identifié quatre points importants suite à l'analyse de ce document. Le premier concerne les relations liées avec la Police qui a permis l'élaboration du courrier et qui traduit l'existence d'un lien entre les meneurs lycéens et les forces de l'ordre. Le second point concerne l'expression claire des objectifs de la contestation, à savoir « nous avons manifesté ce matin et souhaitons être reçus pour que nos messages soient entendus par le gouvernement ». Le troisième point est la transparence dont les lycéens font preuve afin d'apporter de la crédibilité à leur mouvement en présentant les quatre membres de la délégation qui seront présents afin d'être entendus ainsi que le numéro de téléphone portable mentionné afin de prendre contacte avec les lycéens. Enfin le dernier point concerne les moyens mis à disposition par l'UL CGT afin de rendre possible l'ensemble de la démarche ce qui démontre l'implication des syndicats non lycéen dans l'existence d'un tel mouvement. Donc, l'exemple que ce courrier nous montre qu'il est important pour les syndicats d'être près des lycéens afin d'initier les membres du mouvement lycéen aux normes qui sont les leurs mais surtout d'utiliser ces même protagonistes comme des instruments médiatique pour faire valoir des revendications

37 Cf. Annexe 9

38 Cf. Annexe 10

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syndicales. Mais également, que les manifestants peuvent faire la publicité de leur mouvement par des moyens officiels et montrent ainsi qu'ils peuvent se mobiliser en bloquant des ponts mais qu'ils peuvent aussi prendre un rendez-vous avec le représentant de l'Etat afin de discuter du fond du problème.

Dès lors les lycéens anti Darcos ont un objectif de contestation affiché ayant comme principal but de se faire entendre aux oreilles du gouvernement, sans intention de rapports de force avec la Police. La volonté de responsabiliser le mouvement, de montrer la civilité dont les lycéens font preuve est affirmée. Pourtant, un mouvement de « jeunes brestois » commence a interagir par des actions de casse sans revendications particulières éclipsant la bonne volonté d'un certain type de lycéens qui veulent réellement faire passer un message fort et sans violence.

L'ensemble des documents présentés ci dessus renseignent sur cette recherche d'équilibre du rapport de force avec l'Etat. Les étudiants sont mieux structurés en terme de représentativité syndicale contrairement aux les lycéens. Nous avons vu également que les étudiants manifestent contre la LRU mais ne prennent pas conscience que les lycéens peuvent y être associés jusqu'au moment où la masse étudiante diminue pour une raison simple : les partiels. Dès lors, nous assistons à une récupération de la mobilisation lycéenne par une poignée d'étudiants que nous avons qualifiés « d'irréductibles ». L'ensemble des éléments démontrent qu'il y a des enjeux nationaux autour de la défense de l'éducation ou bien des universités, mais il existe également des enjeux locaux concernant les syndicats qui vont mener les négociations ou bien qui seront les plus mobilisateurs. Plus que cela, les syndicats seront les initiateurs des lycéens et les formeront aux normes ainsi qu'aux valeurs de leur communauté. Donc nous pouvons dire qu'il y a un vrai enjeu de pouvoir local. Pour confirmer cette idée, nous avons questionné un meneur lycéen qui nous a raconte comment s'est déroulé la manifestation du 6 décembre, nous avons écrit conjointement écrit ce récit :

C'est la première manifestation organisée par les lycéens de Dupuy de Lôme partis du lycée à 10h pour un rendez-vous à 11h à la place de la liberté. Un petit moment de détente a été observé sur le pont de l'Harteloire. L'organisation de la manif par les lycéens pro de Dupuy était exemplaire car aucun débordement n'a été constaté. Suite à une discussion avec une meneuse, l'organisation s'est faite sur base du volontariat et c'est à partir

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du 30 novembre, moment d'information des élèves de Dupuy par leur proviseure, que les lycéens ont décidé de manifester leur mécontentement. Lorsque les lycéens de Dupuy sont arrivés à la Liberté, il y avait déjà certains de l'Iroise. Le plan était de passer dans les lycées brestois afin d'aller à la rencontre de leurs pairs. Mais l'itinéraire a été modifié sur place au dernier moment car l'intention été d'éviter la CNT. A partir de ce moment là les lycéens ont pris l'axe central de la ville, la rue Jean Jaurès, et au niveau de l'espace Jaurès la rencontre entre la CNT et les lycéens a provoqué la confusion. Dès lors la CNT s'est réapproprié le cortège qui est allé à la Liberté puis ont été dans les autres lycées brestois comme l'harteloire, la Croix Rouge et Vauban. A ce moment là les lycéens de Dupuy ont arrêtés de manifester tout en informant les forces de l'ordre que le cortège était passé sous le contrôle de la CNT. L'après-midi, un mélange de lycéens, étudiants et autres sont allés à la gare et ont commencé à bloquer les voies.

Ce récit nous renseigne sur l'intérêt de certains syndicats étudiants à « récupérer » le mouvement lycéen afin d'utiliser la masse pour mettre la pression sur les représentants locaux de l'Etat. Là encore, il y a une instrumentalisation du mouvement, c'est-à-dire une mobilisation d'individus orienté vers un objectif d'intérêt politique, qui permet de prendre place sur l'espace public. Un autre type d'instrumentalisation du mouvement, recueilli lors d'un entretien avec une personne des Renseignements Généraux, concerne le fait que « le mouvement lycéen contre la note Darcos allait prendre de l'ampleur car les syndicats professionnels souhaitaient faire retirer la note Darcos ». Cette citation nous montre que le fait que les syndicats annoncent une intention qui va dans le même sens qu'un mouvement est suffisant pour mobiliser encore plus les troupes. Mais également que les syndicats souhaitent inscrire les manifestants dans leurs revendications.

Donc, le mouvement social de contestation est un lieu important d'enjeux locaux mais également un outil de pression efficace contre le gouvernement. En effet, nous avons pu voir qu'il existe une volonté de la part des syndicats, des meneurs étudiants et lycéens de mettre en action le plus grand nombre d'individus en raison du fort pouvoir médiatique qui est conféré au mouvement. L'engagement physique est recherché afin d'équilibrer le rapport de force entre l'Etat et les manifestants, ceci sur l'espace public, par l'utilisation des médias c'est-à-dire la presse écrite comme internet ou la télévision. C'est en ce sens que peuvent s'exercer des récupérations d'un mouvement par des communautés mieux organisées. Enfin, les

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syndicats jouent un rôle essentiel dans le rite initiatique d'institution car ils transmettent les codes et les normes aux futurs militants.

7.2. Les facteurs influençant la mise en mouvement :

Il est important de parler de l'influence des sources d'informations utilisées par les manifestants pour prendre connaissance des événements sur l'ensemble du territoire que ce soit pour les étudiants ou pour les lycéens. Lors des AG étudiantes de novembre 2007, nous avons souvent entendu « j'ai vu à la télé hier que... » ou bien « on m'a dit que ». Cet exemple montre que les étudiants s'informent avec les moyens d'informations les plus « instables » que ce soit la télévision ou bien les oui dire. Chez les lycéens, nous avons noté un fonctionnement foncièrement différent. En prenant comme exemple le lycée Dupuy De Lôme nous avons relevé que les meneurs de ce lycée étant internes, prenaient connaissance du contexte national par les journaux et non pas par la télévision. C'est en ce sens que tous les matins avaient lieu une revue de lecture ainsi qu'une prise d'information auprès de la direction de l'établissement. L'esprit des meneurs lycéens était de présenter l'ensemble des points de vue et de voter la grève en connaissance de l'ensemble des possibilités. Un travail d'objectivation de l'information qui a été félicité par le préfet lui-même. Ce qui n'a empêché ces mêmes lycéens de se mettre en grève et de dénoncer la note Darcos avec ardeur. C'est en ce sens que nous pouvons dire que les médias influencent fortement sur le type d'action utilisé ainsi que sur la course, pour les syndicats, à la médiatisation. Nous avons également observé durant les AG étudiantes à Segalen que des journalistes étaient présents et que les discours s'adaptés en fonction de la présence ou non des médias.

La façon dont certains meneurs étudiants s'expriment par une théâtralisation et une utilisation leur corps pour faire passer un message influence également. En effet, nous avons suivit avec attention le parcours d'un ancien meneur anti CPE qui était également meneur en 2007. Son cas est très intéressant du point de vue de l'utilisation du corps comme outil de communication, voir de persuasion. Concrètement, cette personne avait un discours très politisé c'est-à-dire qu'il utilisait un registre lexical relevant du militant convaincu, avec une mise en scène du corps par de grands gestes permettant d'attirer l'attention des plus dissipés mais aussi par une occupation de l'espace sur l'estrade permettant d'attirer et de conserver l'attention sur lui. Cette personne, très absente au début du mouvement, a été très présente par

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la suite aussi bien chez les étudiants que chez les lycéens. Nous pouvons dire que cette personne fait partie des exemples que les étudiants ou lycéens ont suivi afin d'apprendre comment utiliser son corps afin d'attirer l'attention. Le cas de ce protagoniste nous démontre que parfois il suffit d'avoir un meneur bien motivé et persuadé pour qu'une foule de personnes le suive. En plus de cette théâtralisation du corps sur la scène publique, cette personne a démontrée des qualités exceptionnelles, grâce auxquelles il a pu exercer son influence sur d'autres individus. Pour Max Weber39, le charisme est l'un des fondements possibles de la légitimité et dans notre cas il s'agit d'un charisme dit personnel, c'est-à-dire que l'individu possède un charisme qui est propre tel un chef de guerre ou bien un chef politique.

Nous pouvons dire qu'il existe différents facteurs qui influencent la mise en action et peuvent être d'ordre médiatique comme la télévision, les journaux mais aussi peuvent également prendre la forme de rumeurs. Les meneurs ont conscience du pouvoir médiatique qui s'exerce sur eux. Cependant, certaines communautés militantes ont développées des techniques d'objectivation et de distanciation par rapport aux médias afin de prendre une décision en connaissance de l'ensemble des points de vue. Ensuite, nous avons vu que le caractère charismatique d'un meneur semble contribuer à mettre les individus en action par son attitude et sa théâtralisation du corps. Pour autant, il est important de souligner qu'un certain nombre d'étudiants et de lycéens participent au mouvement en raison de l'aspect collectif de celui-ci. Nous affirmons que le mouvement suffit à lui seul pour certain car l'intérêt est de participer à la célébration du rite.

8. Conclusion

Le mouvement social brestois que nous avons étudié nous apporte un certain nombre de renseignements quant aux rites utilisés ainsi que les enjeux qui conditionnent l'activité corporelle des individus. Tout au long de cette étude, nous avons utilisé une méthodologie comprenant l'observation participante, le carnet de terrain ainsi qu'une étude de documents

39 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit par Kalinowski, I., Flammarion, Paris

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afin d'expliquer au plus juste les faits qui se sont déroulés mais surtout de comprendre la fonction rituelle d'un mouvement social.

Dans un premier temps, nous avons mis en avant le fait que le mouvement brestois de novembre et décembre 2007 a une orientation de contestation à l'encontre du pouvoir en place mais surtout des décisions qui sont prises, dans notre cas la loi LRU ainsi que la note Darcos. Nous avons pu qualifier le mouvement brestois de contestataire car il s'agit d'une action collective menée contre un adversaire identifié, l'Etat, utilisant un répertoire d'actions, le tout étant organisé afin de chercher à persévérer dans le temps. Pourtant, nous avons mit en évidence l'émergence de communitas suite aux interactions des objectifs et des individus.

Puis, nous avons questionné le mouvement social de contestation comme rite utilisant l'activité corporelle. En effet, c'est la pratique physique de la grève qui est dénominateur commun à l'ensemble de communautés qui émergent. De plus, nous avons observé que les modalités d'action, c'est-à-dire l'utilisation de techniques corporelles, correspondent à des logiques communautaires. Concrètement, les modalités de mise mouvement utilisées lors des manifestations par les communautés sont différentes de l'une à l'autre. Enfin, chaque communauté développera sa propre identité composée des codes et des principes qui la rende originale et aura pour incidence de donner un sentiment d'appartenance aux individus.

Le mouvement social est bien un rite du fait de sa célébration collective, visant à institutionnaliser les individus et à renouveler les forces vives par l'engagement physique et permettant l'acquisition d'une identité militante. De plus, nous avons vu que les syndicats ainsi que les étudiants les plus anciens initient les nouveaux venus.

Ensuite, le processus rituel utilisant l'engagement corporel comme outil d'apprentissage répond à divers type d'enjeux. Nous avons démontré que le mouvement social brestois est un outil de pression sur un espace social et publique visant à rééquilibrer le rapport de force entre l'Etat et les manifestants. Dès lors, l'existence d'un fort pouvoir médiatique incite les syndicats ainsi que les meneurs à mettre en mouvement le plus grand nombre d'individus et c'est ce qui explique le phénomène de récupération. D'autre part, sachant que le mouvement social est un rite qui institue les nouveaux membres permettant de

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forger une identité plus militante, les communautés ont pour intérêt d'intégrer le plus grand nombre de personnes afin de s'affirmer sur un plan politique.

Enfin, nous pouvons dire que la mise en mouvement est influencée par les médias ou bien par les meneurs qui ont une certaine connaissance empirique du fonctionnement des communautés et qui utilisent la théâtralisation ainsi que la mise en scène de leur corps afin d'inciter les individus à s'engager, aussi ils deviennent des exemples pour les profanes. Pourtant, certaines communautés ont développé des techniques qui servent à objectiver au maximum ses influences afin de prendre des décisions en connaissance de cause.

Nous tenons également à ouvrir une piste de réflexion quant l'utilisation de l'observation participante. En effet, nous adaptions régulièrement notre statut d'observateur au moment de l'étude. En se basant sur les écrits de Raymond Gold40, Peter et Patricia Adler41, nous avons commencé comme observateur participant passif interne (OPPI), c'est-à-dire que nous observions sans prendre part aux débats tout en étant étudiant inscrit de droit donc appartenant à la population observée. Puis nous étions observateur participant actif interne (OPAI), c'est-à-dire que nous étions dans les manifestations avec les étudiants. Ensuite, nous étions observateur participant passif externe (OPPE), dans le sens ou nous étions dans le mouvement lycéen et que nous observions sans prendre part aux débats. De plus, n'étant plus lycéen nous étions externes. Enfin, nous étions observateur participant actif externe (OPAE) car nous participions aux manifestations lycéennes sans être lycéen. Il s'agit d'un changement de statut qui s'est opéré au fur et à mesure des observations et qui a permis de rester conscient de la place qu'occupe le chercheur par rapport à la population observée.

L'ensemble de ce travail nous montre qu'il n'est pas simple de traiter la question de la fonction rituelle des mouvements sociaux. Bien plus qu'un rite, ce mouvement social est un outil de construction identitaire qui est un terrain de conflits et de pressions où évoluent des communautés. C'est en ce sens qu'il serait intéressant de réfléchir quant à l'élaboration d'une typologie des différentes communautés militantes qui participent à la construction identitaire lors de mouvements sociaux ?

40 Gold, R. (1958) Roles in sociological field observations, Social Force, 36

41 Adler, P. & Adler, P. (1987) Menbership roles in field Research, Sage publication, USA

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9. Références

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Yack, B. (1993) The Problems of a Political Animal: Community, Justice and Conflict in Aristotelian Political Thought, University of California Press

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10. Annexes

Annexe 1

Pour information, la LRU a été votée en plein mois d'août, semble t-il sans concertation réelle des différentes parties et acteurs sociaux. Les citoyens français avaient élu Nicolas Sarkozy à la présidence de la République en mai 2007, sur un programme de campagne incluant une restructuration de l'université en France. Cette réforme avait été plus ou moins clairement annoncée, à travers ses meetings médiatisés, ce qui avait incité le président de l'UNEF (B. Juliard) a prévoir une rentrée difficile.

La LRU est affichée comme une loi visant à une autonomie plus importante des universités Françaises. Il s'agirait en fait d'une adaptation de la Loi de 1984 pour répondre aux besoins ainsi qu'à la volonté de rendre l'université plus « compétitive » avec les universités étrangères. Cette Loi met à jour de façon officiel des us et coutumes universitaires déjà existants, comme par exemple la constitution des commissions de spécialistes pour le recrutement des enseignants chercheur à l'université.

Cependant, cette Loi a t- elle été foncièrement bien préparée ?

Ne contient-elle pas des éléments propres à inquiéter la population étudiante, comme la liberté donnée en matière de recrutements, l'ouverture du Conseil d'Administration aux entreprises mécènes, la déréglementation d'une partie des frais d'inscription ?

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Annexe 2

La note Darcos

Le 29 octobre dernier, X. Darcos, par une circulaire envoyée aux Recteurs d'Académie, ordonne que 25% des élèves entrant en LP soient inscrits en Bac pro et non en BEP (dont 5O% dans la filière tertiaire). Il décide aussi que 2008 doit être l'année de préparation à la généralisation du bac pro en 3 ans. Au final, les élèves de LP perdront Une année de formation (BEP 2 ans + bac pro 2 ans). Dans le secteur industriel, cela correspond à une perte d'environ 1000 heures de formation d'enseignement général et professionnel.

En 2005, un rapport de l'inspection générale (rapport Prat) tirait un bilan peu convaincu des expérimentations effectuées depuis 2001 : « la grande majorité des élèves ou apprentis n'a pas la possibilité de suivre un parcours en 3 ans et il y a lieu de ne pas oublier ce type de public en fermant trop rapidement les sections de BEP ».

La disparition du BEP ou son remplacement par un diplôme en fin de seconde année de bac pro risque d'aggraver la sortie prématurée et sans diplôme du système scolaire des élèves les plus fragiles. Pour les autres, les débouchés au sortir du bac pro seraient en BTS et IUT. Quelles seront leurs chances de réussite avec une formation tronquée d'une année ?

La généralisation du bac pro en 3 ans interroge sur le devenir de la filière technologique, la réforme STG a eu pour résultat de voir diminuer le nombre de lycéens inscrits, la réforme STI a été repoussée. Bacs pros et bacs technologiques vont rentrer en concurrence directe. Quel peut être l'avenir de l'enseignement technologique qui est une spécificité française en Europe alors que notre ministre a la volonté de réduire le nombre des diplômes ?

Cette réforme lancée à la hussarde permet à court terme de mettre en oeuvre les décisions budgétaires du gouvernement, c'est-à-dire réduire le nombre de fonctionnaires, 11200 dans notre secteur, appauvrir l'offre d'éducation et aggraver la déqualification des diplômes. Des diplômes dévalués seront-ils reconnus par les employeurs ?

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Annexe 3

vendredi 07 décembre 2007

La manifestation lycéenne dégénère à Brest

A Brest, le rond-point de Pen-ar-Chleuz a été dégagé en fin d'après-midi après une charge des forces de l'ordre.

Nombreuses manifestations de lycéens, hier, contre la réforme des BEP et celle des
universités. À Brest, elle a été émaillé de scènes de violence.

Six interpellations - cinq jeunes dont un majeur, et un automobiliste -, un policier blessé ainsi qu'une lycéenne... C'est le triste bilan d'une journée de manifestations lycéennes qui a dégénéré, hier, à Brest. Dès le matin, le ton était donné avec des poubelles brûlées dans la cité de Kérichen. Ils étaient environ 800, dont des casseurs.

Au lycée privé Brest-Rive Droite, les jeunes ont jeté des pierres et des cannettes de bière. Bilan : une vingtaine de vitres cassées, deux voitures endommagées, et une élève de l'établissement blessée par des éclats de verre. L'après-midi, ils étaient environ un millier à bloquer le rond-point de Pen-ar-Chleuz. Un conducteur exaspéré a renversé un lycéen et l'a blessé. Il a été interpellé.

Peu avant 17 h, les policiers ont chargé à coups de tirs de gaz lacrymogène. Une centaine de jeunes ont riposté avec des pierres et des cannettes. Le rond-point a été rapidement dégagé.

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Cinq jeunes ont été interpellés dont un meneur étudiant, pour des faits commis mardi lors du blocage de la gare SNCF. La situation est redevenue calme vers 18 h.

À Quimper, la journée d'action des lycéens a rassemblé près de 850 élèves hier, dans le centre-ville. Le gros des troupes venait de Thépot et de Chaptal. Mais il y avait aussi des jeunes du lycée Laennec et de Saint-Gabriel à Pont-L'Abbé, du lycée Paul-Gauguin de Concarneau et quelques-uns du lycée Jean-Moulin de Châteaulin.

Les manifestations ont démarré dès 6 h par un blocage du lycée Thépot. Une centaine d'élèves ont barré les entrées de l'établissement ne laissant entrer personne. Dans le courant de la matinée, ils se sont rendus au rond-point d'Ergué-Armel, perturbant la circulation.

L'après midi, la manifestation s'est déroulée dans le calme. Les quais le long de l'Odet ont été bloqués à la circulation. Un sit-in a eu lieu devant La Poste et la préfecture.

À Carhaix, les lycéens de Paul-Sérusier et de Diwan sont une nouvelle fois descendus dans la rue hier après-midi. Sous la pluie, ils étaient plus de 200 à défiler dans le centre-ville en scandant des slogans hostiles à la réforme Darcos concernant les BEP et les bac pros ainsi qu'à la loi Pécresse sur les universités.

À Landerneau, hier matin, cent cinquante élèves, principalement du lycée de l'Elorn, ont bravé la pluie pour s'emparer de quelques points de la ville, encadrés par les gendarmes. Ils ont également arrêté les voitures au rond-point du Family pour distribuer des tracts afin de « faire connaître » leurs inquiétudes.

À Châteaulin, près de 400 lycéens ont défilé dans les rues hier après-midi, bloquant pendant une demi-heure le pont à la circulation avant d'aller porter leur refus de la réforme jusqu'à la sous-préfecture. Solidaires des élèves, les enseignants des deux LEP de Pont-De-Buis et Pleyben, représentants des syndicats CGT, FSU et Sud Éducation demandent à être reçus ce matin par le député Christian Ménard.

À Pont-l'Abbé, une soixantaine de lycéens de Laennec ont manifesté hier matin. Après un sit-in, ils sont allés distribuer des tracts sur le marché de Pont-l'Abbé.

Journée d'action jeudi

Les organisations syndicales de l'enseignement public et privé (Snuep-FSU, CGT-Education, CGT-SNPEFP, FEP-CFDT, SNETAA-EIL, UNSA-éducation, Sud-éducation) annoncent une journée régionale d'action de l'enseignement professionnel, avec préavis de grève, le jeudi 13 décembre. Pour les syndicats, il s'agit de marquer leur « opposition à la généralisation des bacs professionnels et à la suppression des BEP ».

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Annexe 4

Extrait du carnet de terrain

8 novembre 2007

Les étudiants de l'Université de Bretagne Occidentale décident de se réunir à la faculté de lettres de Segalen afin de décider de la façon dont les étudiants brestois doivent se positionner par rapport au mouvement de contestation social.

L'assemblée générale regroupa près de 400 étudiants majoritairement de l'UFR Lettres de Segalen et très peu des autres UFR de l'université. On pouvait y voir quelques parents et des journalistes comme le télégramme, Ouest France ou encore France Inter. Etaient présents, l'UNEF, Sud étudiant, des « anars », des élus étudiants mais aussi la CNT. Il n'y avait pas de leader visible mais un groupe de quatre personnes qui semblait piloter l'AG. L'ensemble des votes se faisaient à main levée et l'instauration du tour de parole fut mis en place, malgré ces règles un sentiment de désordre régnait dans l'amphi. Les étudiants n'ont pas beaucoup pris part au débat, ils sembleraient être là plus en attente d'informations.

Cette organisation aura pour incidence de passer beaucoup de temps sur la forme que le débat doit avoir, vote à main levée ou non, et pas sur le fond. C'est-à-dire de débattre sur le pourquoi du rassemblement. La proposition de l'ordre du jour a été dure à mettre en place, une fois les points importants listés, la tribune avait des difficultés à maintenir le débat.

Cette « perte de temps »42 a eu pour conséquence de lasser les étudiants et a entrainé un faible taux de participation de votants. Nous avons vu, au moment du vote de la grève, 30 personnes qui ont levé la main et les autres personnes n'ont même pas participé au vote. Une autre conséquence d'une tribune constituée de personnes actives dans le mouvement est que les idées qui allaient à contre sens du discours de mise en grève était systématiquement non respectées. Enfin, la tribune a laissé transparaître qu'elle n'était là que pour motiver les étudiants à se mettre en grève, malgré le manque d'informations sur la loi. Dès lors, nous avons vu le glissement d'une information sur la loi vers un vote de grève. D'ailleurs, lorsque la question « qui a lu la loi ? » a été posée, il n'y avait qu'une dizaine de personnes qui ont levé la main. La seule disposition pour permettre aux étudiants de se rendre compte de la loi LRU est une affiche qui reprend les points problématiques de cette loi, cependant ces points ne seront pas débattus en AG. Nous avons retenu suite à l'observation que l'attitude générale des étudiants était de suivre les autres universités en France en ayant comme source d'information principale les journaux télévisés.

Les idées véhiculées par l'ensemble des échanges traduisaient l'aspect foncièrement mauvais de cette loi. Notamment que le principe d'autonomie des institutions était un choix non réfléchi qui ne répondait pas aux attentes des étudiants. L'idée du blocus a été soulevée à un moment au cours de l'AG mais succinctement et sans précision. La multiplicité des thèmes abordés a dispersé le débat jusqu'à ne plus être directement en lien avec la problématique de la LRU. Les idées et les revendications sont reprises de celles d'autres universités et de la coordination nationale, sans qu'elles soient analysées ou critiquées.

48

42 Discours d'étudiants dans l'assemblée

Annexe 5

BREST, le 19 novembre 2007

 

La proviseure

Aux Parents d'Elèves internes

49

Madame, Monsieur,

Certains étudiants en grève invitent les lycéens à les rejoindre dans leur mouvement.

Etablissement d'enseignement et d'éducation, nous avons pour mission d'aider les élèves à devenir des citoyens éclairés et responsables.

Je tiens donc à rappeler que le droit de grève est un droit des salariés,

D'autre part, tout élève qui quitterait l'établissement pour se rendre à une manifestation rejoindra automatiquement le domicile familial dans la soirée et ne pourra être admis à l'internat ni au service de restauration.

Naturellement les familles seront avisées par le service Vie Scolaire et devront prendre les dispositions utiles pour la prise en charge de leur enfant.

Persuadée que vous comprendrez le bien fondé de cette décision, je vous remercie de votre aide et vous prie de croire, Madame, Monsieur, en mes très sincères salutations.

50

Annexe 6

51

Annexe 7

Annexe 8

R U

Un Cadeau empoisonne'
·'

Nous étudiants, lycéens sommes mobilisés contre la loi.,stiti

l'autonomie des uni dont nous demandons le retrait.

Cette loi n'est en rien une réforme progressiste mais plutôt ;Destructrice pour l'ensemble de notre. université :

Augmentation des droits d'inscriptions

Augmentation de la discrimination sociale tendant a l'élitisme. Augmentation des inégaltés dans l'accès à une Education pour Muss Fermeture des filières ditEs non rentables-tina ta eurent t.lëftrest STAPS) Diminutitn fies crédits de l'Ltat accordés aus unisersitits en rue d'une privatisation de la Fac.

Main misé des entreprises dans les conseils et autres instances

decisionnai re s.

,~oIls, Jeunes ne voulons pa,c voir lei4Eire tzntie éu'ucaitou a21
profil des' marres entreprises.

Nous voulons un avenir ci' chacun pourrait avoir accès au savoir,

· à la culture, a l'enseignement sans distinction de couleur, ci" argent ni d'aucunes sortes de éritères.

Nous appelons a poursuivre lamôbilisâtidn et rejoindre l`cnsomble des. lycéens et étu j al is déjà en co iAve-our le territelire.--national.

Jeudi 6 Décembre

14H30

Place de la Liberté

Pour notre Futur...Soyons nombreux !!!

Annexe 9

INFOS :

Le recteur de l'académie de Rennes n'a pas suspendu les mesures liées à la note Darcos. Il faut donc continuer a se mobiliser en exigeant la suspension du projet Darcos.

Les syndicats d'enseignants appellent à la grève et à manifester Jeudi 13 décembre 2007 (manif à 10h30 RDV Place de la Liberté).

Le recteur de l'académie de Bordeaux a gelé les mesures de la note Darcos pour ouvrir des négociations. C'est un premier recul, le recteur de Rennes peut faire la môme chose si notre mobilisation est forte.

LE BAC PRO 3 ANS C'EST :

> Des suppressions de formation en BER 0. Des effectifs plus élevés en classe.

D Moins d'offre de formation : actuellement il existe 69 bacs pros, il devrait en rester 20, à terme.

> Des diplômes au rabais.

0' Das suppressions d'emplois dans l'Education nationale

CE QUE NOUS VOULONS :

D Le maintien du BEP comme formation et diplôme à part entière. 0' Des diplômes nationaux reconnus clans les conventions collectives.

· Des diplômes de qualité.

Car nous voulons après nos études avoir un vrai travail avec un vrai salaire.

Nous devons être nombreux pour gagner !

C'est pour cette raison qu'il faut manifester le mardi 11 décembre 2007.

Nous devons être entendus pour cela nous irons à la sous préfecture afin d'être reçus.

Le parcours : Rendez-vous 10 heures Place de la Liberté avec des banderoles, des tracts, des slogans... rue de Siam, puis Sous Préfecture.

21)

10 HEURES Place de LE Min

EST

T EIE ILI

53

DES LYCEENS DE DUPUY DE LOME

Brest fe 10 décembre 2007

54

Annexe 10

55

11. Table des matières

1. Introduction 5

2. Conceptualisation 7

2.1. Les mouvements sociaux 7

2.1.1 L'action collective : 7

2.1.2. L'action orientée pour une cause : 8

2.1.3. Les mouvements de contestation et la politique : 9

2.1.4. Un répertoire d'action : 9

2.1.5. L'organisation des mouvements sociaux : 10

2.2. Les rites dans notre société contemporaine 11

2.2.1. La question des rites : 12

2.2.2. Le rite d'institution et de renouvellement : 13

2.2.3. La transition et la communitas: 13

2.3. L'identité militante acquise par un rite du corps 15

2.3.1. Le militantisme étudiant : 16

2.3.2. La question de l'identité militante : 16

3. Problématique : un rituel utilisant la pratique corporelle 18

4. La démarche adoptée 20

56

4.1. Le cadre de la démarche : 20

4.2. Outils de recherche : 21

4.2.1. L'observation participante : 21

4.2.2. Le carnet de terrain : 22

5. Le mouvement brestois de 2007, un mouvement de contestation 23

5.1. Quels objectifs pour quelles populations 23

5.2. V a-t-il une interaction des objectifs ? 25

6. Un rite initiatique à la fois d'institution et de renouvellement 27

6.1. La constitution de la communauté comme rituel : 28

6.2. Les techniques du corps : 29

6.3. Une initiation à l'engagement physique : 30

7. L'utilisation d'un pouvoir médiatique par la mobilisation de masse 32

7.1. Une recherche d'équilibre du rapport de force avec l'Etat : 32

7.2. Les facteurs influençant la mise en mouvement : 37

8. Conclusion 38

9. Références 41

10. Annexes 43






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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire