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Les pratiquants de karaté en France: de l'«artiste martial » à  l'« égaré »

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par Anthony Mettler
UBO Brest - Master 2 Staps 2009
  

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Université de Bretagne Occidentale
UFR Sport et Education Physique - Brest

Les pratiquants de karaté en France

de l'«artiste martial » à l'« égaré ».

par Anthony Mettler,

tudiant en 2er année de Master " Sport et Sciences Sociales, Administration, Territoire, Intégration "

Spécialité Recherche

2009

Directeur de mémoire : Julien FUCHS

Master 2 SEP, Brest Juin 2009 Les pratiquants de karaté en France : de l'« artiste martial» à l'« égaré ».

Les pratiquants de karaté en France

de l'«artiste martial » à l'« égaré ».

par Anthony Mettler,

tudiant en 2er année de Master " Sport et Sciences Sociales, Administration, Territoire, Intégration "

Anthony METTLER 2

Directeur de mémoire : Julien FUCHS

2009

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"La grandeur d'un homme réside dans sa capacité à corriger ses erreurs et à se renouveler continuellement."

Wang Yang-Ming

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Anthony METTLER 4

Remerciements

Tout d'abord, je tiens à remercier le Ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative d'avoir financé ce projet. Je remercie également le président de Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées, Mr Francis Didier, ainsi que le Directeur Technique National, Mr Dominique Charré, pour leur confiance et pour m'avoir donné la possibilité d'accéder à des informations sans lesquelles il m'aurait été impossible de réaliser ce projet. Enfin, je remercie l'Université de Bretagne Occidentale ainsi que le laboratoire Atelier de Recherche Sociologique pour leur contribution.

Plus personnellement, je tiens à remercie les personnes qui ont contribuées au bon déroulement de cette étude comme Samuel Julhes, pour ses compétences techniques, Laurie Le Séhan, pour son aide précieuse dans des moments où parfois deux mains ne suffisent plus pour avancer, mon directeur de recherche, Julien Fuchs, pour ses remarques et son oeil expert, et enfin d'autres comme Thierry Michot, Olivier Lemonon, Antoine Marssac, Fabien Le Saux pour les échanges et les conseils qui m'ont permis de me construire tel que je suis aujourd'hui.

Je ne peux oublier l'ensemble des karatéka que j'ai rencontré, interrogé, à travers la France sur les tatamis, dans les compétitions ou dans des situations plus particulières.

Merci à tous les « gros » : Jean Pierre, Jean Mimi, Régis, Mick, Marjo, Corinne et bien

d'autres pour ses échanges au quotidien, pour m'avoir inspiré sans qu'ils ne s'en aperçoivent.

Enfin, merci à ma famille d'avoir suivi mes travaux sans vraiment comprendre les

tenants et les aboutissants, plus particulièrement, mon père qui m'a transmit la fibre « recherche ».

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Sommaire

I.

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LE KARATE EN FRANCE AUJOURD'HUI : UNE ACTIVITE AUX MULTIPLES FACETTES 8

II. COMPRENDRE LES REPRESENTATIONS DES PRATIQUANTS : UNE PRATIQUE UNIFIEE ? 21

III. ETUDE DES ORIENTATIONS DE LA PRATIQUE DU KARATE EN FRANCE : 29

IV. METHODOLOGIE DE L'ANALYSE DE LA POPULATION DE KARATEKA : 32

V. CARACTERISTIQUES ET ELEMENTS STRUCTURANTS DE LA POPULATION DE PRATIQUANTS : 40

VI. LES OPINIONS ET LES ORIENTATIONS DE LA PRATIQUE DU KARATE : 59

VII. DE L'«ARTISTE MARTIAL » A L'« EGARE » : 82

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Introduction :

La Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées développe depuis quelques années une politique de recherche et de développement dans différents domaines scientifiques comme la biomécanique. En effet, le financement d'un doctorant comme chargé de mission de recherche auprès la fédération a permis de mettre au point les normes concernant les protections pied/poing pour la compétition combat. Ce travail a eu pour résultat de valider les normes de sécurité au niveau de la fédération mondiale de karaté (World Karate Federation). Dans cet élan, nous avons répondu à un « appel à projet de recherche et de développement », financé par le ministère des sports, s'inscrivant dans le programme « Sport » (la loi des finances).

Ce programme se décline en quatre actions : le développement du sport pour le plus grand nombre, le développement du sport de haut niveau, la prévention par le sport et protection des sportifs et la promotion des métiers du sport. Ce type de financement soutient des actions de recherche et de développement proposées par des fédérations sportives, des établissements du ministère, des laboratoires de recherche et des associations agrées. Dès lors, le projet que nous avons déposé s'inscrit dans la rubrique «connaissance des phénomènes sportifs et de leurs évolutions ».

En octobre 2008, nous avons signé une convention tripartite valable un an entre le Ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative (financeur principal), la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées (FFKDA-commanditaire) et l'Université de Bretagne Occidentale en vue de la réalisation d'une étude de nature sociologique devant aboutir à la réalisation d'une typologie approfondie sur les pratiquants de karaté en France.

L'intérêt de ce type d'étude pour la fédération, outre le fait de mieux appréhender l'espace des pratiquants, est surtout de connaître finement le sens que les pratiquants donnent à leur discipline, ou encore les attentes de ces derniers. Ainsi, elle entend par exemple mieux saisir les raisons qui poussent le public des plus de 18 ans à pratiquer l'une ou l'autre forme de karaté. Aussi, connaître les caractéristiques sociales des pratiquants ou bien les représentations qu'ils ont du karaté contribuera à perfectionner la politique sportive de la fédération.

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Tout d'abord, nous chercherons à montrer que la pratique actuelle du karaté en France est une activité aux multiples facettes. Nous retracerons le parcours de cette pratique du Japon, plus précisément d'Okinawa, vers la France en portant notre regard sur les éléments ayant déterminés le karaté tel que nous le connaissons aujourd'hui. Pour ce faire, nous présenterons les différents processus entrant en jeu comme le processus de « sportivisation »1. De plus, nous exposerons les conséquences de la diversification du karaté sur le grade, la compétition ou encore sur l'émergence de nouvelles modalités de pratique en traitant le discours diffusé par la Fédération Française de Karaté et Discipline Associées. Ensuite, nous présenterons le cadre théorique dans lequel nous nous s'inscrivons. Ainsi, nous expliquerons comment l'analyse des représentations nous permet d'élaborer des profils-type.

La suite de l'étude permettra d'analyser les opinions sur la pratique par une méthodologie constituée d'un questionnaire mit en ligne sur internet, s'adressant à une population représentative, et de plusieurs entretiens semi-directifs. Nous préciserons la démarche scientifique que nous avons utilisé afin d'étudier les caractéristiques des karatéka aboutissant aux profils-type de pratiquants.

Ensuite, nous traiterons les questions d'opinons afin d'identifier les thèmes marquants une opposition ou contraire un consensus dans les représentations des pratiquants. Cette analyse permettra également de prendre connaissance et de hiérarchiser les différentes orientations de la pratique. Nous chercherons également les raisons qui conditionnent les résultats. L'objectif étant de valider ou d'invalider le fait que la pratique du karaté est socialement diversifiée, de comprendre le sens que les pratiquants donnent à leur pratique et d'élaborer une typologie des karatéka.

Nous conclurons ce travail de recherche en exposant les éléments caractérisant cette population de karatéka, nous apporterons également des éléments de réflexion quant au financement de cette étude par l'Etat, enfin, nous présenterons les ouvertures probables pour la suite.

Defrance, J. (1995) Sociologie du sport, La découverte, Paris

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I. Le karaté en France aujourd'hui : une activité aux multiples facettes

1. Historique :

L'île d'Okinawa2 est le berceau du Karaté do. Cependant, cette pratique a connu beaucoup de transformations techniques tout au long de son histoire. Yves Cadot3 a mis en avant, par traduction de textes japonais, que le Karaté jutsu d'Okinawa a été créé à partir d'une lutte traditionnelle de cette île d'où est issu Gichin Funakoshi (1868-1957), instituteur issu de la petite noblesse Okinawaïenne. Lors d'un entretien pour la revue Officiel Karaté4, Keneï Mabuni rappelle qu'avant cette codification, on ne parlait pas de karaté mais de « l'art du te » (art de la main). Cette pratique faisait référence aux connaissances des techniques de la guerre et de la stratégie de combat. Il précise également que ces connaissances étaient rares et précieuses, ce qui procurait à son détenteur un respect et une réputation sans bornes.

D'après Ludovic jeanne5, le Karaté n'est pas une technique japonaise mais plutôt le produit des échanges techniques de l'archipel des Ryükyü. Cet archipel fût annexé par le japon au XVIe siècle. Son île principale, Okinawa, fût le lieu du développement de techniques de combat propre à l'esprit de l'archipel, mélangeant diverses influences chinoises et japonaises. Le changement successif de l'appellation de cette forme de combat serait due à la volonté d'affirmer cette technique du corps6 comme japonaise. Ces influences ont permis de développer des « styles » ou « écoles » qui peuvent se regrouper sous trois formes de travail : Shuri te, Naha te et Tomari te. Plus simplement, les trois catégories de travail se sont développées en fonction de localisation géographique car ces trois catégories prennent comme origine le nom des trois villes les plus importantes de l'époque. Ces formes ont comme particularités d'avoir intégré des éléments techniques issues d'autres pratiques. Par exemple, la ville portuaire de Naha aura développé une pratique du karaté contenant des éléments de boxe chinoise avec un travail des hanches vertical ayant comme objectif de développer l'énergie interne par des exercices de respiration. Au contraire, la forme Shuri aura tendance à développer un travail des hanches horizontal à la recherche d'une technique

2 Cf. annexe 1

3 Cadot, Y. (2007) OfficielKaraté n°22

4 Interview de Keneï Mabuni, (2007) OfficielKaraté n°24

5 Jeanne, L. (2000) La pratique du karaté en France et au Japon (Okinawa). Identités, idéologies et cultures, in : Fauches S., Callede JP., Gay-Lescot J-L., Laplagne J-P, Sport et identités

6 Mauss, M. (1950) Notions de techniques du corps, in Mauss, M. Sociologie et anthropologie, PUF, Paris

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plus dure. Aujourd'hui, il existe un nombre conséquent de styles de karaté tels que le Shotokan, le Wado-ryu, le Shito-ryu, le Goju-ryu ou encore le Kyokushin-kaï.

Gichin Funakoshi a vite prit conscience qu'en raison du contexte culturel et social il était nécessaire de modifier l'image du « To-dé » d'Okinawa pour faciliter son intégration dans la société japonaise. Dès lors « Kara-Té » ne signifiait plus « main de Chine » mais « main vide » c'est-à-dire « méthode de combat à main nue ». De plus, il ajouta le suffixe de « Do », la voie, afin de rattacher le Karaté à la grande famille des arts martiaux japonais dont les noms se terminaient tous par « Do » : Judo, l'Aïkido, Kendo. Ce passage du « To-Dé » au « Karaté-Do » permettait à la fois d'effacer la référence à la Chine, adversaire historique de l'empire japonais, et de rattacher cette pratique à une référence culturelle dominante à l'époque car l'idéogramme «Kara» (vide) correspondait à une notion centrale du bouddhisme japonais (Zen). Ce changement de nom fut officialisé en 1935 lorsque Gichin Funakoshi publia un nouveau livre, intitulé « Karaté-do Kyohan » qui eut une assez large audience à l'époque. Dans les mêmes buts Gichin Funakoshi procéda à une modification des noms des Katas, modification qualifiée de « japonisation » par Kenji Tokitsu7.

Dans un contexte de montée du nationalisme japonais8 (1930), toutes pratiques permettant d'affirmer et de transmettre les valeurs prioritaires, telles que le judo ou le kendo, furent intégrées à l'enseignement dans les lycées publics locaux. En effet, l'idée de « couler les masses dans le moule d'un corps national »9 prime alors au Japon au cours des années 1930. Les institutions modernes de la scolarité obligatoire et de la conscription militaire vont fournir les outils les plus efficaces pour mettre en place un corps national intégrant une très large majorité de la population japonaise. Nous pouvons dire que l'Etat japonais a utilisé le sport et la politique du corps pour mouler ses citoyens en « une masse disciplinée et soumisse »10. Notons que les sports jouèrent un rôle prépondérant pour inculquer discipline et valeurs morales mais restèrent secondaires en ce qui concerne l'endoctrinement nationaliste. De plus, les sports au Japon à cette période étaient au coeur même de la valorisation du

7 Tokitsu K. (1993) Histoire du Karaté-Do, Editions SEM

8 Manzenreiter, W. (2007) Sport et politique du corps dans le Japon totalitaire, in Tschudin, JJ. & Hamon, C., La société Japonaise devant la montée du militarisme : culture populaire et contrôle social dans les années 30, Ed. Philippe Picquier, Arles

9 Op. Cit. Manzenreiter, W

10 Manzenreiter, W. (2001) Moderne korper, moderne ope. Sport und internationalstaat in Japan und osterreich 1850-1900, Minikomi - informationen des akademischen arbeitskreis Japan 2

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sacrifice sur le champ de bataille inculqués aux citoyens11. L'essor des pratiques martiales, comme le karaté, peut avoir été propulsé par la dynamique des champs sociaux du pouvoir, et serait le résultat des rivalités entre tous les acteurs et agents, athlètes, instructeurs, éducateurs, médias, administrations et autorités, qui avaient un mot à dire dans ce domaine. Ainsi, l'Etat cherche à transformer l'individu en un « corps collectif »12 Toutefois, Wolfram Manzenreiter précise que le sport au Japon a rempli une fonction complémentaire dans la mesure où il ne jouait pas un rôle central. Dès lors, nous pouvons dire que le sport ou les « pratiques martiales » n'étaient pas des instruments permettant la diffusion d'une idéologie « fasciste ». Au contraire, des pratiques telles que le karaté ont pu se développer au sein du système sportif japonais en raison du peu de contrôle de l'Etat sur le monde sportif du fait de son manque d'intérêt. Ce fût le cas pour le karaté jutsu d'Okinawa en 1892 suite à une démonstration devant un commissaire japonais en visite sur Okinawa. En 1900, la pratique est incluse dans les programmes d'éducation physique scolaire et, en 1917, Gichin Funakoshi est invité par Jigoro Kano à présenter sa pratique devant les membres du Dai Nippon Butoku Kaï13. Il s'installe en 1921 à Tokyo afin de divulguer et enseigner le karaté do et plus particulièrement le style Shotokan. C'est en ce sens que l'incorporation non consciente des normes et pratiques véhiculées par l'Etat a contribué au développement les « arts martiaux », plus particulièrement, du karaté.

L'histoire montre que si Funakoshi n'est pas le « créateur du Karaté » il est en tout cas «l'inventeur du nom Karaté», et qu'il fut à la fois l'un des structurateurs du travail d'intégration scolaire commencé par son maître Itosu et l'initiateur de l'expansion du Karaté dans les universités japonaises. Nous avons vu que l'évolution du karaté jutsu d'Okinawa au karaté do au Japon aura été possible par la « japonisation » de cette art corporel permettant l'intégration progressive du karaté au niveau scolaire et universitaire au Japon14. Dès lors, comment cette pratique « japonisée » a-t-elle pu se développer en France.

11 Mangan, JA. & Komagome, T. (2000) Militarism, sacrifice and emperor worship : the expandable male body in facist japanese martial culture, in Mangan, JA., Superman supreme. Facist body as political icon - Global facism, Franck Cass, Londres

12 Op. Cit .Manzenreiter, W.

13 Fin 1941, toutes les organisations civiles sont insérées dans le nouveau Club sportif du Grand Japon placé sous la présidence du Premier Ministre.

14 Girodet, P. & Mettler, A. (2009) L'intégration scolaire et universitaire du karaté, Dossier technique et pédagogique Karaté, revue EPS n°336

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2. Institutionnalisation du karaté en France : processus de diversification

a) L'appropriation de la culture japonaise par des karatéka occidentaux

Les pratiques dites « martiales » se sont institutionnalisées progressivement en France dans les années 1950. Au cours de cette migration le karaté a subi différents processus du fait des différences culturelles fondamentales entre les deux pays. En effet, l'orient a subi des influences bouddhistes et confucéennes tandis que l'occident à subit des influences cartésiennes et chrétiennes15. Pour Kim Min Ho16, étudiant ayant fait sa thèse sur les évolutions liées au corps dans un contexte, la particularité du contexte actuel de la société française met en avant deux notions : la volonté d'égalité entre les individus et la démonstration des compétences personnelles sous l'influence des normes sportives basées sur l'excellence individuelle.17

Plus précisément, il défend l'idée que le développement des pratiques martiales dépend du contexte sociologique, politique, militaire, psychologique et religieux. Il insiste sur le fait que l'influence de la culture occidentale va interagir dans la définition de nos propres finalités. En effet, les pratiquants garderont quelques aspects de la culture d'origine tout en appréhendant la pratique par leur propre culture, il parle de « japonisation » de celle-ci. Précisons que la vision européocentriste18, c'est-à-dire la vision que les occidentaux ont du monde en ayant comme référence l'Europe, a permis de développer les «arts martiaux» en occident plus qu'ils ne le sont dans la culture asiatique, du fait que celle-ci ait un mode de transmission discrète. Le monde occidental des « arts martiaux » aurait perdu le sens de la culture d'origine mais aurait gagné en « pouvoir initiatique ».

Il est possible d'expliquer les causes sociales d'un tel phénomène par le processus d'acculturation c'est-à-dire « l'ensemble des phénomènes qui résultent d'un contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturaux initiaux de l'un ou des deux groupes »19. Concrètement, le pratiquant de karaté adopte les éléments de la culture japonaise en

15 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit par Kalinowski, I., Flammarion, Paris

16 Kim Minho. (1999) L'origine et le développement des arts martiaux, Ed. Espaces et temps du sport, Paris

17 Il s'agit du « héros olympique » dont parle Pierre de Coubertin, in le journal - Paris 27aout 1896

18 Charlot, E. Denaud, P. (1999) Les arts martiaux, Que sais-je ?, Paris

19 Redfield, R., Linton, R. & Herskovits, M. (1936) Memorandum for the Study of Acculturation, American Anthropologist, USA

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abandonnant partiellement ceux de sa propre culture en raison d'une sélection d'un nombre de traits culturels propres à la société du pays d'accueil, la réinterprétation de ses traits culturels empruntés pour qu'ils puissent s'insérer dans la culture d'origine et enfin l'assimilation des emprunts culturels qui transforme profondément les manières de faire, de penser.

Dès lors, nous pouvons voir le karaté comme un « objet culturel assimilé puis transformé par une société européenne formant un miroir qui reflète l'évolution de la société qui les accueille » 20. Pour André Terrisse, les efforts de recherche doivent être faits autour des traces culturelles, des examens des lieux de pratiques, milieux, mode de sociabilités soit les mécanismes d'élaboration de transmission. Pour y arriver, il suggère de se pencher sur les produits culturels qui traduisent le regard des Français sur le Japon. En effet, lorsqu'un enseignant fait un cours dans un club ou un dojo, il ne peut transmettre qu'une partie de ce qu'il connaît car il y a une part d'implicite dans la culture de la discipline pratiquée.

A cela, il faut ajouter les problèmes de traduction liés à la transmission orale, au sens où l'entend Marcel Mauss, c'est-à-dire qu'il est possible de perdre le sens de certaines techniques suite à la traduction de celle-ci par des mots qui n'ont pas réellement la même signification. En ce qui concerne le karaté, les premiers experts japonais arrivés en France n'apprenaient pas forcément le français lors de leur formation dans les universités nippones. Or, la barrière de la langue et de la traduction de certains termes subsiste encore aujourd'hui. Comme l'illustre le problème de la traduction concernant le positionnement de la jambe arrière lors d'un « jun tsuki dachi », position de coup de poing direct, où la jambe avant est en flexion et la jambe arrière doit être « forte » mais pas « tendue » pour autant. Dès lors, un débat a été lancé entre les partisans de la jambe « tendue » et ceux de la jambe « forte ». Cela semble mineur pour un profane mais ce problème de traduction amène à un travail technique très difficile en raison des disponibilités biomécaniques du corps humain. C'est le fondement même de tout une partie de la culture du karaté qui est bouleversée.

Hormis le souci de traduction, il est également intéressant de constater l'existence de conflits au sein de la pratique. L'exemple du rituel qu'est le salut permet d'illustrer les possibles divergences culturelles. En effet, certaines questions sans réponses laissaient ce rituel, pratiqué en début et fin de chaque cours, à la discrétion des enseignants. La FFKDA a donc décidé d'entamer une réflexion de fond sur ce sujet avec la collaboration d'une

20 Terrisse, A. (1998) Recherche en sport de combat et arts martiaux : état des lieux, Revue EPS, Paris

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vingtaine d'experts majoritairement japonais en 2005. L'objectif étant de « proposer aux clubs une forme précise et pertinente »21. Dans cet article sont expliquées les étapes du rituel illustrées par des images, le vocabulaire et enfin une explication de l'esprit et de la symbolique liée au salut. L'intention de la fédération semble être de transmettre une partie de la culture japonaise afin de pallier aux déviances existantes et confirme donc la perte lente et progressive d'une partie de la culture d'origine due à la sportivisation et ainsi qu'à la diversification progressive de la pratique.

b) Le karaté entre sport et art martial

Une étude de Ludovic Jeanne22 propose l'idée que l'horizon de pratique du karaté des Français serait un équilibre entre une vision sportive et traditionnelle du karaté. En effet, cet équilibre entre sport et tradition d'une pratique martiale semble exister du fait que le karaté se soit institutionnalisé dans les années 1960, dans un contexte de structuration fort du mouvement sportif autour de nouvelles fédérations. Le processus de « sportivisation », identifié notamment par Jacques Defrance23, s'est vraisemblablement déroulé au sein du karaté sans pour autant affecter l'aspect plus « traditionnel » de la pratique. En diffusant largement un discours mythique sur l'émergence du karaté au Japon, les enseignants français entretiennent l'idée d'une vision exotique de la pratique. Au Japon par contre, le karaté se structure davantage autour de discours axés sur l'aspect martial de la pratique.

Dès lors, la pratique du karaté se serait développée différemment en fonction de l'orientation des pratiquants et des enseignants. En effet, certains pratiquants recherchent une pratique permettant de se défouler et d'autres orienteront leur pratique dans le sens d'une école de vie. A partir du moment où les enseignants dispensent des cours différents sur le fond et la forme il est possible de pratiquer le karaté comme un sport, au sens le plus commun du terme, ou comme un art martial ancestral. Ainsi, les occidentaux ont accueilli le karaté en France dans les années 1950 avec une vision exotique de la pratique en raison des différences culturelles entre deux pays. La France et le Japon se sont construits sur des modèles internes complètements différents et ces différences ont entraînées des pratiques « culturellement » identiques sur la forme mais différentes sur le fond. Nous avons là deux cultures différentes et pourtant qui enseignent les mêmes contenus, une dualité avec d'un

21 Charlot, E. (2005) Réflexion sur le salut, Officiel karaté n°15

22 Op. Cit. Jeanne, L.

23 Defrance, J. (2006) Sociologie du sport, Collection Repères, la découverte

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côté la vision orientale avec un travail basé sur l'interne, favorisant la quête personnelle, spirituelle ayant comme code implicite le Budo. De l'autre côté la vision occidentale, basée sur le dépassement de l'autre, où les règles sont écrites avec un but à atteindre dans un esprit élitiste. De plus, l'orientation de la pratique dépend de chaque individu car le pratiquant adaptera son système de valeurs mais également ses attentes à « son » karaté.

3. Le karaté en France aujourd'hui : les effets de la sportivisation du karaté

a) Emergence du karaté fédéral

La ressemblance technique entre la boxe et le karaté aura pour conséquence, en 1954, d'organiser le karaté au sein de la Fédération Française de Boxe Libre et de karaté (FFBLK). Dans un souci de rassemblement des pratiques dites « martiales », la FFBLK adhère en 1960, à la Fédération Française de Judo et Disciplines Associées afin de créer en 1970 l'Union Fédérale de Karaté. Cependant, le regroupement de la quasi-totalité des pratiques « martiales » au sein de la FFJDA créa de fortes tensions internes. En effet, les questions de financement, de délivrance des grades et de formations des professeurs étaient au coeur des conflits entre les représentants du judo et les représentants des disciplines « associées ». Ces oppositions entraîneront au cours des années 1970 et 1980 une conjoncture « anti-institutionnelle »24.

Suite à des tensions entre les dirigeants de la FFJDA et de l'Union Fédérale de Karaté, l'union fédérale se décompose en 1975. Le ministère décide alors de rendre indépendantes les fédérations ayant un nombre de licences représentatives ; cette décision concerne le karaté et l'Aïkido. En 1977, la Fédération Française de Karaté et Arts Martiaux Affinitaires est déclarée indépendante et en 1987, elle compte 135 000 licenciés. En 2006, la FFKAMA changera de nom pour devenir la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées (FFKDA), afin de redonner une identité plus affirmée aux disciplines qu'elle accueille.

Tout au long de son histoire, la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées s'est progressivement sportivisée et la pratique, quant à elle, s'est diversifiée. Elle propose actuellement un ensemble de d'actions, aussi, elle touche des publics de pratiquants aussi divers que variées. Ce processus de sportivisation amène aujourd'hui a des usages sociaux très différents en ce qui concerne la pratique elle-même. Nous pouvons dire que ce processus

24 Clément J.-P., Defrance J. (1987) L'évolution du sport: Structures et Conjoncture in Sport et changement social. Actes des premières journées d'étude de la société Française de sociologie du sport, Maison des sciences de l'homme, Bordeaux

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s'est engagé en France depuis de nombreuses années en raison d'un cadrage particulier du sport doté par le législateur. En effet, une loi du sport permet de déléguer des pouvoirs aux fédérations qui remplissent une mission de service public. La Fédération Française de karaté et Disciplines Associées25 fait partie de ces fédérations. Au-delà de la simple pratique en club, la fédération a des obligations d'actions de développement imposées par l'Etat que l'on appel les « publics cibles » et englobent le public handicapé ou encore le public féminin. Ainsi, la FFKDA cherche à faire pratiquer le karaté à un grand nombre de personnes et développe alors une multitude de messages. C'est pour cela que nous avons cherché à présenter les différents axes de communication de la FFKDA.

b) La FFKaraté et DA : une communication aux multiples orientations

Il nous semble intéressant de présenter les messages que la FFKDA fait passer au travers des médias qu'elle utilise, en particulier son site internet, car il s'agit d'un moyen de communication performant visité par de nombreux pratiquants. En se penchant sur son site internet26 nous cherchons à identifier les différentes orientations, c'est-à-dire la direction que l'individu donne à sa pratique guidée par le sens ainsi que les valeurs structurantes celle-ci, que la FFKDA présente et propose au pratiquant qui souhaiterait faire du karaté. Ainsi, nous avons identifié différents pôles sur lesquelles la FFKDA communique. Tout d'abord, nous relevons une présentation du karaté comme une « pratique pour tous », c'est-à-dire que la FFKDA présente le karaté comme une activité ouverte à tous, englobant alors l'ensemble des orientations possibles comme l'illustre cet extrait :

« Adaptés à toutes et à tous, le karaté et les disciplines qui l'accompagnent au sein de la fédération offrent aux pratiquants la possibilité de s'épanouir physiquement mais aussi d'adhérer à une «école de vie» chère aux arts martiaux. Les enfants y trouveront une pratique éducative et ludique qui leur permettra de canaliser leur énergie et de construire leur confiance en eux. Les sportifs peuvent s'exprimer au travers de nombreuses compétitions organisées par la F.F.Karaté. Les femmes représentent plus du quart de nos effectifs : bien-être, self-défense, confiance en soi sont parmi les bienfaits d'une pratique régulière. Pour ceux qui souhaitent aborder une pratique traditionnelle des arts martiaux, ils trouveront dans les clubs de la F.F.Karaté des professeurs de haut niveau qui sauront

25 Elle comptait au mois de mai 2009, 194 819 licenciés répartis dans 3 700 clubs.

26 www.ffkama.fr : notons que l'adresse du site de la FFKDA a conservé l'ancienne appellation à savoir FFKaraté et Arts Martiaux Affinitaires.

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répondre à leurs demandes. Que vos aspirations aillent vers une pratique compétitive, traditionnelle, de loisirs ou vers une recherche plus philosophique, vous trouverez les réponses à vos attentes dans la pratique des disciplines martiales de la F.F.Karaté. »

Parmi l'ensemble des propositions que la FFKDA fait, nous pouvons distinguer, dans

un premier temps, le karaté comme un « art martial », c'est-à-dire que la FFKDA présente sa pratique comme une voie d'accomplissement de soi autant physique et spirituel :

« Souvent pratiqué comme une technique guerrière, la pratique des arts martiaux était à son origine tenue secrète. Comme beaucoup de disciplines, l'enseignement du karaté en tant que Budo (voie de la protection) se concrétisa par l'adjonction du suffixe «Do» qui exprimait ainsi qu'il n'était pas qu'une technique guerrière, mais aussi une voie d'épanouissement physique et spirituelle. Dans les disciplines que vous pratiquerez au sein de la F.F.Karaté, c'est vers cette harmonie propre aux arts martiaux que vous irez. »

Ensuite, la FFKDA présente le karaté comme « une philosophie et un art de vivre »,

c'est-à-dire qu'elle propose d'aller au-delà de l'activité physique en recherchant à acquérir tout un ensemble de valeurs par l'intermédiaire d'un code moral, plus précisément :

« Outre les bienfaits physiques que vous apportera la pratique du karaté, vous irez aussi vers un épanouissement philosophique. La spécificité des arts martiaux est de vous permette, si vous le souhaitez, d'aller au-delà de la simple activité sportive. La recherche d'intégration et d'adaptation sociale s'exprime au travers de son code moral qui prône le sens de l'honneur, la fidélité, la sincérité, le courage, la bonté, la bienveillance, la droiture, le respect, la modestie, le contrôle de soi... »

Toutefois, la FFKDA propose de pratiquer le karaté également comme un « sport

complet, en toute sécurité », le message ici est de considérer la pratique comme une source de bonne santé dans un cadre sécuritaire :

« La pratique martiale est depuis longtemps considérée comme une excellente activité physique, source de bonne santé. L'attention de votre professeur, le respect entre les pratiquants, des protections étudiées, et des normes strictes d'hygiène et de sécurité dans les salles éliminent quasiment tous les risques d'accidents. »

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Enfin, le dernier aspect de la pratique, évoqué par la FFKDA, concerne l'orientation « défense personnelle » du karaté :

« Le karaté-do, le karaté-jutsu avec son karaté-défense ou les disciplines associées de la F.F. Karaté répondent toutes à la demande spécifique de pratique de défense personnelle. L'étude de mouvements simples ou d'enchaînements techniques permettra à chacune et à chacun de trouver la réponse adaptée en cas d'agression. Nos enseignants sont formés aux lois régissant la légitime défense et vous permettront dans le dojo d'aborder une pratique sans risque et dans le respect de vos partenaires. »

Notons que la fédération ne considère pas la pratique du karaté comme un tout uni mais plutôt comme un ensemble d'orientations définissants la pratique elle-même, c'est-à-dire que nous retrouvons dans la communication qui est faite du karaté différentes orientations possibles de la pratique qu'elle soit martiale, philosophique, self-défense ou plus sportive. Plus précisément, la FFKDA ne définit pas la pratique mais propose des façons de voir et de concevoir le karaté. Comme nous l'avons vu il est possible de pratiquer le karaté pour l'aspect self-défense et apprendre à se défendre en cas d'agression ou bien de pratiquer pour rechercher à s'accomplir comme être social guidé par des valeurs et un code moral. Concrètement, « l'indéfinition »27 des termes tels que « art martial » ou « karaté » laisse le choix au pratiquant de s'inscrire dans l'une ou l'autre orientation de sa pratique et pose les bases de notre travail : chercher à comprendre et identifier les différents types orientations afin d'établir des profils de pratiquants. Toutefois, la FFKDA insiste sur un point particulier de la pratique car il s'agit de l'élément qui semble lier tous les pratiquants entre eux sans discrimination d'orientation, c'est le grade.

c) Du grade « symbolique » au grade « législatif »

La particularité du karaté comme d'autres pratiques telles que le judo ou encore l'aïkido est la délivrance de grades. D'ailleurs, le système des grades en karaté est basé sur celui des grades en judo créé par Jigoro Kano. D'après Emmanuel Charlot28, nous devons considérer le grade comme une marque « d'encouragement des combattants dans leur pratique en leur

27 Christian Pocciello (1999) parle à ce sujet « d'individualisation et de personnalisation de la pratique des activités » in Sports et sciences, histoire, sociologie et prospective, Vigot

28 Journaliste pour la télévision et la presse écrite, écrivain, judoka ceinture noire, il se consacre depuis de nombreuses années à l'approfondissement et à la diffusion des connaissances dans le domaine des arts martiaux, du judo en particulier.

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fournissant des repères plus fréquents » avec la volonté d'« éduquer l'homme » 29. Le grade peut être vu comme « le symbole de la progression physique et technique mais aussi de l'approfondissement intérieur ». Dès lors, le grade « offre aux pratiquants des indices quant au sens de leur pratique, c'est à dire acquérir d'abord les éléments d'une première compétence, en suivant l'enseignement du professeur et des élèves les plus expérimentés pour construire « l'étoffe » d'une véritable ceinture noire, s'engager ensuite dans un processus de travail et de recherche pouvant conduire à un véritable accomplissement humain. » Même si le grade valorise la compétence technique ainsi que les savoir-faire, il montre aussi l'approfondissement de soi dans l'idée de transformation humaine par une pratique soutenue et sincère. De plus, l'Etat reconnaît le grade :

« L'adhésion à la F.F. Karaté est la certitude d'obtenir des grades reconnus par la loi du 16 juillet 1984 modifiée par la loi du 6 juillet 2000. Celle-ci précise : (extrait de l'article 17-2) (...). Dans les disciplines relevant des arts martiaux, nul ne peut se prévaloir d'un grade ou d'un dan équivalent sanctionnant les qualités sportives et les connaissances techniques et, le cas échéant, les performances en compétition, s'il n'a pas été délivré par la commission spécialisée des grades et Dan équivalents de la fédération délégataire (...). La Commission Spécialisée des Dan et Grades Equivalents de la F.F. Karaté est donc la seule habilitée à valider les grades de karaté-do, karaté-jutsu et disciplines associées dont la fédération à la délégation. »

Précisons qu'il existe une hiérarchisation des grades. Les ceintures blanche, jaune, orange, verte, bleue ainsi que marron sont délivrées à la discrétion de l'enseignant au sein du club où l'on pratique. En revanche, les passages de grades à partir de la ceinture noire 1er dan jusqu'au 3ème dan se déroulent au niveau de la région, ou ligue. Puis les passages de 4ème et 5ème dan se déroulent en inter région. L'ensemble des passages de grades sont composés de jurys ayant passés un examen validé par la commission CNSDGE30. Toutefois, nous constatons l'existence de deux visions concernant le grade, celle exprimée par Emmanuel Charlot fait référence à une progression externe ou technique dans l'idée de développement interne et personnel tandis que la loi conçoit le grade comme une validation de compétences compétitives et techniques. Il y a là une divergence entre le grade « symbolique » créé par Jigoro Kano et le grade « législatif » comme le définit la loi. Nous sommes là dans un

29 Charlot, E. (2003) L'échelle intérieure, Officiel karaté n°4

30 Commission Nationale Spécialisée des Dans et Grades Equivalents de la FFKDA

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processus de rationalisation du grade par l'institution qui démontre, d'une part, l'inscription du karaté dans une démarche sportive. D'autre part, cette rationalisation du grade est fortement liée au processus de sportivisation de la pratique et implique une possible perte de sens de la pratique dans la mesure où les karatéka chercheront à développer les compétences techniques et compétitives au détriment de l'approfondissement intérieur que permet la pratique.

d) La compétition en karaté

C'est en 1957 qu'eurent lieu les premiers championnats de karaté au Japon. Presque tous les arts martiaux modernes ont développé des formes de compétitions, avec des règles spécifiques qui leur permettent d'ouvrir leur pratique vers les médias et le grand public. Il existe deux formes de compétition aujourd'hui : le kata et le combat. « La compétition combat est une opposition de type duel. L'incertitude émane de l'adversaire. L'objectif pour le combattant est d'organiser sa conduite de manière à la rendre opaque pour son adversaire. La compétition combat est une activité de percussion qui confronte deux combattants. » En ce qui concerne les kata, nous pouvons dire qu'il s'agit « de séquences de mouvements de combat prédéfinies qu'il faut reproduire dans un état de concentration extrême. » Comme le précise Bruce Neuffer, la transmission des techniques, comme le kata, inculque une culture corporelle spécifique aux pratiquants. En effet, « il est maintenant clairement avéré que les techniques utilisés par l'individu sont intimement liées à la manière dont la société à laquelle il appartient aime à se penser et à se représenter. »31 Notons que les titres délivrés dans les championnats auxquels participent les athlètes, sont officiellement reconnus par les instances sportives nationales et internationales. L'équipe de France de karaté est parmi les leaders depuis de très nombreuses années sur le plan international et sont titulaires de très nombreux titres européens et mondiaux. Une filière de haut niveau particulièrement efficace a été mise en place dans les pôles France et les pôles espoirs comme Chatenay Malabry ou encore Montpellier.

Nous pouvons voir que l'offre de pratique de la fédération est construite sur un modèle à la fois sportif mais également « traditionnel ». L'instauration de la compétition et de ses règlements, la légalisation du grade, la définition d'un des aspects du karaté comme « sport » et le développement des « publics cibles » imposée par le Ministère de la Jeunesse, de la Santé, des Sports et la Vie Associative confirme l'idée d'une « sportivisation » progressive

31 Neuffer, B. (2009) Les formes de compétition, Cahier technique de la revue EPS, Revue EPS n° 336

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de cette pratique. Dès lors, il y a une multiplication des offres que propose la FFKDA auprès du grand public, telle de que le body-karaté.

e) Les nouvelles modalités de pratique : l'exemple du body karaté

Depuis quelques années la FFKDA met en place un certain nombre d'actions afin de développer la pratique. C'est en ce sens qu'ont émergé des modalités de pratique différentes telles que le body-karaté. Cette forme de pratique du karaté est développée par Catherine Belrhiti32 ancienne compétitrice de haut niveau. Le body-karaté cherche à allier des techniques de karaté avec de la musique afin d'en tirer le meilleur parti du potentiel corporel, cette pratique a recourt à des postures, des mouvements, des enchaînements qui exigent une discipline mentale tout autant que physique. « C'est une activité thérapeutique, dans le sens où elle assouplit le corps et détend l'esprit tout en permettant une remise en forme et le développement d'une bonne condition physique. L'énergie circule à travers le corps, les mouvements sont plus fluides, on constate une amélioration du bien-être et de la santé. » 33 Nous avons là une pratique utilisant les techniques de karaté (pied/poing) afin de participer la recherche de bien être. Cependant, l'existence de ce type de pratique pose la question de définition de celle-ci. En effet, s'agit-il d'un style ou d'une forme de karaté ou d'une pratique issue du karaté mais qui n'en est plus ?

Cette partie à permis de mettre en évidence que l'évolution du karaté, de sa forme d'origine à celle d'aujourd'hui, a été conditionnée par des facteurs géographiques, culturels et sociaux. Surtout, nous avons démontré que cette pratique s'est progressivement sportivisée depuis les années 1960. En effet, les différents processus engagés semblent avoir eu pour conséquence de diversifier les formes de la pratique telles que le body-karaté. Cette diversification des formes de pratique a entrainé une multiplication du sens que les pratiquants accordent au karaté. C'est pour cela que le message de la FFKDA propose différentes orientations de la pratique, sans pour autant les définir. Désormais, il va être nécessaire de présenter les bases théoriques qui permettront de questionner la pratique actuelle du point de vue de ses acteurs afin de constituer les profils de pratiquant.

32Elle est quadruple championne du monde en plus de 60 kilos. Elue au comité directeur de la Fédération Française de karaté, elle y prend la responsabilité de la commission féminine. Expert fédéral 6ème dan.

33 Site du body-karaté France : http://www.body-karate.com/

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